Septembre 2013 Par Christian DE BOCK Initiatives

Le 24 mai dernier, l’asbl Question Santé a judicieusement exploité le bruit fait autour de la journée européenne contre l’obésité pour lancer une nouvelle campagne de sensibilisation dans le cadre de son projet ‘Voyons large’. Cette action vise à démystifier les ‘miracles’ des régimes en mettant en évidence les risques et dangers des pratiques amaigrissantes ainsi que la tyrannie de la minceur dans nos sociétés.

Pour appuyer son propos, Question Santé a aussi organisé le même jour un séminaire au cours duquel une vingtaine de participants d’horizons variés ont échangé sur des ‘Questions de (sur)poids. Comment agir? Avec qui? Pourquoi?’
Cette rencontre, ponctuée par l’expertise du Prof. Jean-Michel Lecerf, a permis un excellent remue-méninges sur le sujet, modéré par Bernadette Taeymans, directrice de l’asbl. Les participants, médecins, diététiciennes, journalistes de santé, tout en ayant un regard nuancé sur l’obésité, adhéraient sans difficulté au projet de déconstruction de la norme de minceur que notre société veut nous imposer en faisant violence à la nature humaine.

Les questions soulevées furent entre autres:

Alors qu’on parle beaucoup d’une «épidémie» d’obésité, quelle est la réalité du point de vue de la santé publique ?
La «lutte contre l’obésité» est‐elle une nécessité, et dans l’affirmative, quelles approches privilégier ?
Comment éviter de basculer dans la minceur à tout prix ?
Que penser des régimes comme solution aux problèmes de poids ? Quelles en sont les alternatives ?
Quels sont les axes à développer au niveau de la prévention et de la promotion de la santé ?

On pointera entre autres l’intervention de Marie-Claire Mozin, du Club européen des diététiciens de l’enfance, qui présenta une étude réalisée voici quelques années dans le cadre d’une quinzaine de la santé dans des écoles de Woluwé-Saint-Lambert (Bruxelles). La comparaison d’une classe expérimentale et d’une classe ‘témoin’ donnait un résultat encourageant: une rectification modeste des apports alimentaires sur une courte période montrait déjà une évolution staturo-pondérale positive chez les élèves de la classe expérimentale.

Après cette mise en bouche, Patrick Trefois, directeur scientifique de Question Santé présenta la nouvelle campagne, au titre quelque peu paradoxal de ’10 bonnes raisons pour ne pas faire régime’ (voir l’encadré avec l’argumentaire). Paradoxal et aussi provocateur, surtout au printemps, période de l’année très favorable au business de l’amaigrissement.

Il ne s’agit évidemment pas de faire passer le message qu’il y a 10 bonnes raisons de ne pas se préoccuper de son alimentation, mais de souligner que la plupart des régimes sont voués à l’échec et qu’il semble bien aujourd’hui que sans autre facteur de risque, les individus en léger surpoids ont une meilleure espérance de vie que les autres ! De quoi désoler bien des esprits chagrins…

Jean-Michel Lecerf eut quelques formules heureuses pour commenter le fait que le taux d’échec des régimes oscille entre… 80 et 95% : «Si certains régimes étaient des médicaments, ils n’auraient jamais obtenu d’autorisation de mise sur le marché», ou encore cette réplique tirée du film ‘Mince alors !’ : «Les régimes ne marchent pas, la preuve, il n’y a que les obèses qui en font !»

Voyons large

Ce projet a pour objectif de mettre en évidence les divers aspects de la thématique du surpoids de façon à éclairer le sujet dans sa globalité.
Après le premier volet lancé en 2012 sur le thème du rejet et de la discrimination vécus par de nombreuses personnes en surpoids et de leurs conséquences, la deuxième étape du projet, intitulée ’10 bonnes raisons de ne pas faire régime’, aborde la question des pratiques amaigrissantes, généralement présentées comme des solutions miracles alors qu’elles semblent pourtant présenter plus de risques que de bénéfices.

Les 10 bonnes raisons de ne pas faire régime

1. Ça ne marche pas !
Oubliez les ‘people’ et les régimes miracles censés vous faire perdre vos kilos superflus sans trop d’efforts en quelques semaines à peine. Dans la plupart des cas (80%) ces méthodes ne fonctionnent pas!

2. On n’écoute plus son corps
À force de réfléchir à ce qu’on peut manger et ce qu’on doit éviter pour respecter son régime, on en oublie d’écouter notre corps et ses signaux de faim ou de satiété. Or ces sensations sont nécessaires pour réguler notre alimentation et notre poids.

3. Plus on fait régime moins on s’aime
Comme les régimes échouent souvent, on se sent nul de ne pas y arriver et on finit par se trouver moche moralement… Pourtant on s’y remet, au risque de se retrouver une fois encore confronté à une déception.

4. Ça allège surtout le portefeuille
Les régimes sont un vrai business ! On ne compte plus le nombre de solutions proposées pour maigrir: produits ‘light’ à toutes les sauces, compléments alimentaires ‘miracles’, produits dérivés de différents régimes, livres de conseils en tous genres…

5. Ça rend obsédé
Quand on est au régime, on pense plus souvent à la nourriture, et cela peut même tourner à l’obsession. On se trouve alors confronté à plus de tentations qu’en temps normal, c’est-à-dire à plus de risques de ‘craquer’ et donc de prendre du poids…

6. Ça fait parfois manger plus !
On se frustre tellement avec la nourriture que toute une série de situations et d’émotions (joie, stress, déprime, fatigue, colère…) nous donnent une seule envie : bouffer !

7. Obsession chez les parents, déséquilibre chez les enfants
Les régimes, qu’ils soient suivis par les enfants ou par les parents, ont tendance à favoriser la prise de poids chez les jeunes.

8. C’est pas vraiment bon pour la santé
L’objectif d’un régime, c’est l’amaigrissement, pas la santé. Et beaucoup de régimes peuvent susciter des déséquilibres dans le corps, surtout s’ils sont pratiqués de manière sévère et/ou prolongée: déficit en vitamines, diminution de la masse osseuse, troubles du rythme cardiaque…

9. Y a pas de mal à avoir des rondeurs
La plupart des gens qui se sentent trop gros ne sont en fait pas en surpoids d’un point de vue médical, et encore moins obèses. La volonté de maigrir est souvent d’ordre esthétique: il faut correspondre à l’idéal de minceur valorisé dans nos sociétés.

10. Manger, c’est bon pour le moral
Au fond, vous le savez bien, hein ? Manger quelque chose de bon, ça détend, ça fait plaisir, ça réconforte. Surtout quand on partage un bon repas avec ceux qu’on aime.

Le site Internet de la campagne, http://www.voyonslarge.be interroge le regard que notre société pose sur les rondeurs et propose une série de références pour approfondir la réflexion. Un sondage express demande aux visiteurs du site s’ils ont déjà fait régime, jamais, parfois ou souvent : résultat implacable à défaut d’être surprenant !
Le site est complété par une page Facebook qui permet la diffusion régulière d’informations et invite les internautes à interagir, donner leur avis, partager des témoignages, etc.
Une vidéo de 10 minutes, réalisée en collaboration avec le Magic Land Théâtre, ironise à propos des régimes et de leur conséquence sur notre bien-être. Elle est visible sur le site de la campagne.