Avril 2005 Par Philippe BASTIN Stratégies

Le 10 décembre 2004, le Gouvernement conjoint de la Communauté française et de la Région wallonne entérinait (1) la mise en place d’un collège d’experts placé sous l’égide des deux ministres en charge de cette matière : la Ministre de la Santé, de l’Action sociale et de l’Egalité des chances du Gouvernement wallon, Madame Christiane Vienne et la Ministre de la Santé, de l’Enfance et de l’Aide à la Jeunesse du Gouvernement de la Communauté française, Madame Catherine Fonck .
Le but assigné au collège d’experts est la préparation d’un plan concerté de prévention, d’aide et de soins en matière d’assuétudes devant être soumis à l’adoption du Gouvernement conjoint avant la préparation des budgets 2006 des deux entités.
En clair, le collège, installé officiellement le 24 janvier dernier disposera de cinq mois pour soumettre sa proposition de plan avant le 30 juin 2005. Dans un délai aussi court et sans budget spécifique le défi est, sans conteste, de taille mais il mérite d’être relevé sans hésitation pour deux raisons au moins.
D’abord, le précédent exercice du genre remonte à presque 16 ans. En effet, en 1989, un Livre blanc «Toxicomanies en Communauté française» était rédigé à la demande du ministre Charles Picqué (2) (à l’époque Ministre des Affaires sociales et de la Santé de la Communauté française) et bien des choses ont changé entre-temps.
Ensuite, parce que la volonté politique de dresser un plan concerté couvrant le territoire géographique de la Communauté française et associant les deux ministres en charge de la santé est un pas important vers le développement d’une politique socio-sanitaire francophone unifiée en matière d’assuétudes. Dans cette perspective réjouissante, l’adhésion (3) de la Commission Communautaire française de la Région de Bruxelles-Capitale (COCOF) à cette démarche et aux travaux du collège d’experts ne peut que parfaire cette volonté.
Etant donné la complexité structurelle de notre pays et la multiplicité des niveaux de compétences et des secteurs qui interviennent dans les questions d’assuétudes, on ne peut que se réjouir de cette initiative qui s’appuiera sur des propositions émanant du terrain. En effet, le souhait des Gouvernements de la Communauté française et des deux régions (wallonne et bruxelloise) de s’entendre, dans le cadre de leurs compétences spécifiques, «sur la réalisation d’un plan concerté visant à jeter les passerelles nécessaires entre les secteurs aujourd’hui trop fragmentés de la prévention, de l’aide et des soins en matière d’assuétudes» devrait renforcer la priorité que d’aucuns disent accorder à la santé dans le traitement de ce problème mais qui ne l’est pas ou si peu dans les faits.
La note du 14 octobre 2004 au Gouvernement conjoint est claire à ce sujet. «Tout le monde s’accorde aujourd’hui pour dire qu’avant d’être un problème d’ordre judiciaire, la consommation des drogues est surtout un problème de santé publique, qui mérite d’être prioritairement traité comme tel, c’est-à-dire d’être pris en charge par les intervenants sociaux et de la santé.
Cependant, il y a lieu de souligner qu’en la matière, les politiques régionales et communautaires sont influencées par les dispositions fédérales. A cet égard, toute politique de prévention et de prise en charge des personnes toxicomanes ne peut trouver son efficacité que si le message concernant l’interdiction et la sanction de la consommation des produits est clair et sans ambiguïté » (4).
Par ailleurs il faut savoir que les Services communautaires de promotion de la santé (SCPS) de la Communauté française ont été chargés de préparer un Plan opérationnel communautaire (POC) tel que prévu dans le Programme quinquennal 2003-2008 de promotion de la santé de la Communauté française. Les deux thématiques «assuétudes» et «santé mentale» ont été d’emblée traitées en parallèle et un important travail a déjà été réalisé à ce jour. Aussi, afin d’assurer l’articulation et la cohérence entre le Plan communautaire opérationnel dont l’échéance est également fixée au 30 juin 2005, et le Plan concerté à élaborer par le Collège d’experts, en concertation avec le Cabinet de la Ministre C. Fonck, un membre des Services communautaires en charge de ces thématiques a été désigné pour faire partie du Collège. Il s’agit de Chantal Vandoorne .

Le cahier des charges

«Le collège des experts aura pour triple mission de:
1. Dresser un cadastre critique des actions et projets actifs dans les champs de prévention et de prise en charge des toxicomanes et de leur famille en laissant apparaître clairement les manques ou doublons éventuels;
2. Etablir un inventaire exhaustif et argumenté des besoins qui nécessitent une action conjointe des deux niveaux de compétences concernés;
3. Définir les actions prioritaires communes à mettre en place » (5).
En matière d’assuétudes, de nombreux niveaux de pouvoirs sont concernés (état fédéral, communautés, régions, provinces, communes, etc.) ce qui complexifie bien souvent l’offre de services aux différents niveaux que sont la prévention, la réduction des risques et des dommages, l’assistance, l’aide et les soins.
Il est donc demandé que le plan concerté apporte des solutions concrètes aux différentes problématiques suivantes (6):
1. L’amélioration de la diversification de l’offre d’aide et de soins aux personnes toxicomanes en ce compris l’accès aux dispositifs de logements supervisés et aux formations professionnelles, ce qui leur est actuellement quasi-impossible.
2. La définition d’une politique optimale de gestion des risques quelle que soit leur nature et pour tous les publics concernés.
3. Le renfort des liens entre les actions préventives de réduction des risques et les moyens de prise en charge des patients toxicomanes.
4. La création de nouveaux services de soutien et d’accompagnement des parents et familles de toxicomanes.
5. L’établissement de collaborations utiles entre le secteur de l’aide à la jeunesse et les services offrant une aide médicale et/ou thérapeutique.
6. Le développement d’une stratégie de prévention globale dans les écoles et autres milieux de vie par le biais de cercles relais et ce, en collaboration avec le réseau spécialisé.
7. La participation d’acteurs du secteur socio-éducatif dans les réseaux «assuétudes».
8. L’amélioration de la prise en charge socio-sanitaire des toxicomanes délinquants, et en particulier des mineurs, y compris durant l’exécution des peines.

Les experts du Collège

Benoît De Clerck , licencié en sciences psychologique et pédagogique (ULB), psychothérapeute individuel et familial, coordonnateur du Plan Drogues de Charleroi (coordination du réseau et gestion d’équipes spécialisées).
Claude Macquet , sociologue, chargé de cours à l’Institut des Sciences humaines et sociales (ISHS) de l’ULg, directeur du centre de postcure Les Hautes Fagnes à Malmedy.
Jacques Van Russelt , assistant social, coordinateur du Centre ALFA à Liège, président de la FEDITO wallonne.
Christine Mahoux , secrétaire de direction, aide-comptable, directrice administrative de l’asbl Sésame, centre namurois d’accueil et de soins pour toxicodépendants et proches.
Martine Dal , licenciée en sociologie, directrice de Prospective Jeunesse asbl, Bruxelles.
Philippe Bastin , licencié en communication sociale, thérapeute familial, directeur d’Infor-Drogues asbl, Bruxelles.
Fabienne Hariga , docteur en médecine, spécialisée en santé publique et épidémiologie, directrice de Modus Vivendi asbl, Bruxelles.
Chantal Vandoorne , licenciée en sciences de l’éducation, directrice du SCPS APES-Ulg.
Mark Vanderveken , médecin de santé publique, coordonnateur de la Concertation Toxicomanies Bruxelles – Overleg Druggebruik Brussel.
Roger Lonfils , Direction générale de la Santé, Promotion de la Santé, Ministère de la Communauté française.
Hugues Reynier , Direction générale de l’action sociale et de la santé, Ministère de la Région wallonne.
La présidence du collège a été confiée à Benoît De Clerck..
Nous le disions, le défi est de taille. Que les experts tirent leur plan!
Philippe Bastin
(1) Note au Gouvernement conjoint de la Communauté française et de la Région wallonne signée par les deux ministres concernées. Cette note est l’application de la notification provisoire – Point A13 issue de la séance du 14 octobre 2004 du Gouvernement conjoint Région wallonne – Communauté française.
(2) Dr. E. Binot, Dr J.-P. Jacques, Dr M. Vanderveken, Toxicomanies en Communauté française – Livre Blanc – Etat des lieux et Recommandations, co-édition Le Généraliste – Les Cahiers de la dépendance, 17 mai 1989.
(3) A l’heure où nous écrivons, cette décision doit encore faire l’objet d’une approbation par le prochain Gouvernement conjoint. L’expert désigné par la COCOF est le Dr M. Vanderveken, coordinateur de la Concertation Toxicomanies Bruxelles/ODB.
(4) Notification provisoire – Point A13, ibidem.
(5) Note au Gouvernement conjoint de la Communauté française et de la Région wallonne. 10 décembre 204.
(6) Note du 10 décembre 2004. Id.