Novembre 2013 Par Chantal LEVA Stratégies

Depuis 2011, le Service public fédéral Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement a participé avec les différentes entités belges à un projet européen intitulé ‘Equity action starting from the start’, dont le but est de s’attaquer à la problématique des inégalités en matière de santé en offrant à chaque citoyen, dès la naissance, des chances égales d’une vie en bonne santé (1).

Différents groupes de travail ont été mis en place. L’objectif final est de construire une politique ‘Santé dans toutes les politiques’ (‘Health in All Policies’, HiAP en abrégé) concernant les inégalités en matière de santé dans notre pays et plus particulièrement dès le plus jeune âge. Des échanges internationaux entre pays participants se font régulièrement et permettent d’avancer en confrontant les expériences des uns et des autres quant à l’application des méthodologies proposées. Un des membres du Conseil supérieur de promotion de la santé participe au groupe de travail ‘parties prenantes’ dont l’objectif est de lancer un dialogue politique entre les différents secteurs et les différents niveaux de pouvoir pour mettre les inégalités sociales de santé à l’ordre du jour. L’idée de ce projet européen est d’aboutir à des plans nationaux pour mettre en place des mesures visant à réduire ces inégalités.

Le concept de ‘Santé dans toutes les politiques’ (HiAP) est en effet, devenu indissociable ces derniers temps des recommandations de l’OMS et de l’Union européenne pour la promotion de la santé et la réduction des inégalités en matière de santé (2).

Dans chaque domaine de l’action publique, des mesures politiques fondées sur un universalisme proportionné peuvent être définies, à savoir des mesures et/ou initiatives destinées à tous, mais mises en œuvre en fonction du niveau de précarité et des besoins.

Une HiAP sous-entend littéralement la ‘santé dans tous les domaines politiques’, c’est-à-dire la conduite d’une collaboration intersectorielle en matière de santé impliquant la participation de tous les domaines d’action politique et de tous les niveaux de pouvoir.

La Belgique a déjà une certaine expérience en matière de collaboration entre les différents secteurs, notamment les politiques en matière de lutte contre la pauvreté, de développement durable, de violence intrafamiliale. Dans le domaine des soins de santé également, une politique intégrée est développée par le biais de la Conférence interministérielle Santé publique. Le secteur santé tant du côté des services de santé que des services de promotion de la santé doit soutenir ces efforts de collaboration intersectorielle tout en tenant compte de la logique des autres secteurs, dans le but de participer à la construction de cette politique de réduction des inégalités sociales de santé.

Un groupe intersectoriel pour instaurer un dialogue politique

Dans la logique de ce projet européen, un groupe intersectoriel serait mis sur pied avec des représentants des différents niveaux de pouvoir (3) et des différents secteurs (logement, mobilité, santé, éducation, environnement…).Tel que proposé actuellement, et au vu des futures redistributions de compétences au niveau régional, ce groupe travaillerait sous la houlette du Plan de développement durable dans le cadre de la Commission interdépartementale de développement durable (CIDD).

Le Conseil souligne l’intérêt de mettre sur pied un tel groupe afin de collaborer de manière conjointe, tout en respectant les spécificités régionales, à la définition d’un plan national visant la réduction des inégalités sociales de santé. Ce groupe pourrait s’appuyer entre autres sur les travaux réalisés au sein des différentes régions (‘health impact assessment’ des observatoires de santé notamment) pour pointer des priorités en la matière qui soient proches des besoins du terrain dans une optique d’universalisme proportionné.

Ce dialogue politique pourrait être une première étape dans le développement d’instruments et d’un cadre commun d’action dans le domaine d’une politique HiAP transversale sur les différents niveaux de pouvoir et les différents départements concernant les inégalités en matière de santé en Belgique.

Il s’inscrit à l’évidence dans les stratégies de promotion de la santé que le Conseil supérieur de promotion de la santé défend depuis de nombreuses années. À l’estime du Conseil, il faut dès à présent tisser des liens pour s’insérer dans le processus en cours.

Dans ses travaux précédents, le Conseil a relayé une préoccupation partagée par les acteurs de terrain, à savoir la nécessité d’un engagement et d’un soutien tant au niveau politique qu’au niveau local dans la mise en œuvre de mesures visant la réduction de ces inégalités sociales de santé. Les priorités définies par le Conseil, à savoir l’universalité de l’offre en promotion de la santé ainsi que l’universalité d’accès aux soins notamment pourraient se décliner à différents niveaux et constituer ainsi l’apport du secteur santé dans ce plan national où chaque secteur s’engagerait sur son terrain pour réduire les inégalités sociales de santé.

Des initiatives de collaborations intersectorielles lancées par la Fédération Wallonie-Bruxelles peuvent aussi être valorisées comme, par exemple, les ‘Cellules bien-être à l’école’ impliquant trois cabinets et administrations ou encore l’expérience menée par les communes dans le cadre d’un appel à projet lancé depuis trois ans par la Ministre Fadila Laanan ayant parmi ses axes prioritaires d’action, la réduction des inégalités.

Les expériences soutenues de la sorte démontrent la capacité mobilisatrice des acteurs locaux de différents secteurs pour définir des mesures en ce sens. Le Conseil estime qu’il serait pertinent de poursuivre ce soutien pour maintenir l’engagement des élus et des acteurs locaux en les invitant à développer des collaborations intersectorielles. Le Conseil trouve par conséquent d’autant plus regrettable que ce coup de pouce aux initiatives locales soit abandonné en 2013 pour motifs budgétaires.

Dans le cadre de ce projet européen ‘Equity action’, les échanges montrent qu’au sein des groupes nationaux, il existe une diversité de pratiques pour mobiliser les politiques et les différents secteurs. Quelques éléments ressortent comme essentiels dans ce processus: la nécessite d’établir des mesures d’impact des politiques sur le terrain des inégalités sociales de santé et d’impliquer les décideurs à différents niveaux en développant des collaborations intersectorielles.

Avec les deux journées de dialogue le 11 janvier 2013 et le 26 février 2013, la réduction des inégalités sociales de santé a été mise à l’ordre du jour des différentes administrations sous l’impulsion du SPF secteur Santé de mettre la réduction des inégalités sociales de santé à l’ordre du jour des différentes administrations. Le Conseil insiste à ce sujet sur la nécessité d’élargir ce processus d’une part aux décideurs politiques et d’autre part aux acteurs locaux. Il insiste sur la nécessité de poursuivre les travaux dans la transparence et en synergie, tout en favorisant la communication entre entités fédérées et niveau national et en valorisant les données et les enseignements des projets réalisés et en cours pour promouvoir la santé dans cette optique.

Avis d’initiative du Conseil supérieur de promotion de la santé du 17 mai 2013. Accessible en ligne: http://www.sante.cfwb.be/index.php?id=4582

(1) Voir à ce sujet C. De Bock, ‘Un dialogue politique sur les inégalités sociales de santé’, Éducation Santé 290, juin 2013, http://www.educationsante.be/es/article.php?id=1591
(2) C’est ce qui ressort de la stratégie Health for All de l’OMS, de la politique-cadre Santé 2020 de la Région OMS Europe, de la Déclaration de Rio de l’OMS sur les inégalités en matière de santé, du Traité de Rome en ce qui concerne la HiAP, de la Charte de Tallinn sur les systèmes de santé et de la stratégie en matière de santé de la Communauté européenne.
Ndlr : au terme de la 8e Conférence globale de promotion de la santé, qui s’est tenue à Helsinki du 10 au 14 juin 2013, les participants ont une fois de plus enfoncé le clou de ‘la santé dans toutes les politiques’,voir le texte en anglais du ‘Helsinki Statement on Health in All Policies’, http://www.healthpromotion2013.org/conference-programme/framework-and-statement (merci à Danielle Piette pour l’info).
(3) Voir avis du Conseil supérieur de promotion de la santé du 14 avril 2011 ‘Réduction des inégalités sociales de santé’, http://www.sante.cfwb.be/index.php?id=csps0