Janvier 2013 Par C. BERTHET Christine DELIENS Initiatives

L’asbl Cordes a diffusé en 2010 dans toutes les écoles et auprès des acteurs éducatifs et de santé du secteur non marchand une affiche intitulée «Une année… aux petits oignons». Elle vient de sortir un guide d’accompagnement pour faciliter l’exploitation pédagogique et éducative des 26 questions qui la composent. Une belle occasion pour démarrer l’année… avec des propositions pour intéresser les élèves… aux petits oignons !

Genèse d’un nouvel outil

Tout d’abord un mot sur le processus de création de cet outil «Une année… aux petits oignons» pour aborder le sujet des fruits et des légumes : l’idée de l’affiche didactique illustrée sur cette page nous est venue, à force d’entendre de temps en temps, des réflexions à propos de l’affiche «En rang d’oignons» telles que: «On ne reconnait pas les fruits et les légumes», «Les dessins sont trop enfantins pour nos élèves», même si le kit pédagogique est parfois utilisé dans des cours d’alphabétisation ou dans des salles d’attente de maison médicale pour susciter la parole des adultes et des enfants sur le sujet des fruits et des légumes et des pratiques alimentaires.

Nous avons donc imaginé une proposition équivalente mais avec des illustrations réalistes, un esprit plus «documentaire» pour une approche du sujet plus «sérieuse», à destination des plus grands. Ce sont les dessins d’ Anna Simon (la même illustratrice que pour «En rang d’oignons») qui nous ont servi de point de départ pour construire cet outil. À chaque dessin correspond une question qui ouvre à chaque fois sur un aspect différent des fruits et des légumes. Nous étions persuadées que celles-ci stimuleraient la curiosité des élèves et justifieraient la mise en route de recherches, d’observations, d’explorations, voire de projets…

Les techniques variées utilisées pour représenter les fruits et les légumes et le style de dessins, au trait, à l’aquarelle, des croquis réalistes ou pas, nous semblaient aussi une porte intéressante pour inspirer des activités «artistiques»… En faisant entrer des aliments dans la classe pour les observer et les dessiner, il y a fort à parier que ce soit aussi l’occasion pour les élèves de les sentir, les toucher, les goûter, les découvrir et s’y intéresser.
Les questions de l’affiche abordent chacune une dimension différente: la biodiversité, les modes de production, les modes de conservation ou de cuisson, l’intergénérationnel, la proximité, les apparences, les goûts et dégoûts, les habitudes, le vocabulaire, les expressions, les usages, les coutumes, les normes, le jardinage, l’agriculture, les couleurs, les formes, les déchets, le gaspillage, les cycles, les traditions, l’économie, le coût de la vie, la santé, la solidarité, les rapports Nord-Sud, l’exotisme, la publicité… Une multitude de notions à aborder de mille façons, à relier entre elles, autant de prétextes pour se documenter, se forger une opinion, échanger et s’exprimer.

Mais les retours que nous avons eus suite à une première diffusion de l’affiche en 2010 nous ont donné à penser que celle-ci, telle quelle, avec ses images et ses questions, ne suffisait pas à ouvrir l’imaginaire pédagogique des enseignants. «Toutes ces questions sans réponses…».
L’affiche suscitait l’intérêt, on la trouvait belle et attrayante mais on ne voyait pas bien comment l’exploiter…

Un livret pour se jeter à l’eau

C’est alors que nous avons rectifié le tir ou – pour être moins «militaires», que nous avons cherché à répondre à ce besoin des enseignants. Nous nous sommes donc attelées à l’élaboration d’un guide d’accompagnement. L’idée de ce livret n’est pas de donner des réponses aux questions de l’affiche, mais chaque question est développée avec des propositions pour soutenir les démarches éducatives dans un objectif de promotion de la santé et de développement de compétences :
– des pistes pédagogiques à sélectionner selon les objectifs éducatifs et à adapter selon les âges,
– des références commentées de livres issus de la littérature de jeunesse ou à usage des adultes,
– des ressources et des sites web pour explorer le sujet, construire des séquences pédagogiques ou mener un projet,
– et des pavés «matière à réflexion» pour aller plus loin et interroger nos habitudes de vie et de consommation de manière critique.

Bref 56 pages pour aborder le sujet des fruits et des légumes de mille et une manière et en créant au travers des questions des liens entre les thématiques abordées.

Ce cheminement a mis en évidence les passerelles entre la promotion de la santé et les missions de l’école (telles que définies dans le Décret missions de l’enseignement de 1997) et plus particulièrement la nécessité de développer l’esprit critique pour rendre les élèves acteurs et citoyens dans la société.

Au cœur de nos réflexions et de nos intentions au travers de cet outil, on retrouvera aussi le souci de faire participer les élèves et d’impliquer les acteurs concernés. De même qu’une manière délibérée d’aborder la santé et ses déterminants, de façon ludique, globale et complexe plutôt que sous l’angle prescripteur pour modifier les comportements alimentaires et créer des habitudes favorables à la santé.

Interactivité dès le début

Pour obtenir l’outil, nous demandons aux enseignants de nous raconter leurs expériences d’activités ou de projets autour de la thématique de l’alimentation. Quels sont les sujets qu’ils abordent, comment s’y prennent-ils ? Qu’observent-ils, comment réagissent leurs élèves ? Quelles idées d’activités ont-ils ? Comment collaborent-ils avec leurs collègues, avec les parents ? Quels partenariats ont-ils tenté ? Avec quel résultat ? Enfin, ce qu’ils ont envie de partager à propos de leurs pratiques dans le domaine et ce que nous aimerions savoir pour élaborer des outils au plus près de leurs besoins.

Nous espérons, grâce à ces échanges avec les utilisateurs de nos outils, continuer à explorer de nouvelles questions, de nouvelles pistes d’exploitations pédagogiques, publications, ressources et continuer à partager toutes ces informations et bonnes idées.

Démarches pertinentes

Nous avons reçu depuis septembre une trentaine de récits. À travers ceux-ci, nous avons pu identifier les thématiques ou les démarches que ce guide et l’affiche «Une année aux petits oignons» allaient soutenir. En voici quelques-unes :
– en accompagnement de la distribution hebdomadaire de fruits ou de légumes organisée dans certaines écoles dans le cadre de la campagne «Fruits et légumes à l’école» avec le soutien financier de l’Union européenne, de la Région wallonne et de la Région bruxelloise. De fait, nos outils diffusés aux écoles participantes concrétisent une mesure pédagogique de la Fédération Wallonie-Bruxelles en soutien de ce programme tout en contribuant à le faire connaître;
– pour développer des activités en lien avec la mise sur pied d’un potager dans l’école ou aux abords de celle-ci, ou encore l’installation d’un compost;
– pour accompagner des expériences de germination, de plantations;
– pour étoffer des activités de cuisine (ateliers, concours…) ou encore l’ouverture d’un petit magasin de collations;
– pour sensibiliser les résidents dans des lieux de vie pour personnes handicapées mentales;
– pour accompagner l’organisation de petits déjeuners ou de repas thématiques à l’école;
– en renforcement de démarches éducatives pour aborder l’équilibre alimentaire, la visite d’une ferme, d’une exploitation bio, d’un potager, d’un magasin;
– pour susciter l’intérêt pour les fruits et les légumes de saison, locaux ou anciens, des élèves et des enseignants des formations techniques aux métiers de l’horeca.

Les projets et actions des enseignants cités ci-dessus illustrent à merveille le foisonnement d’activités sur la question des fruits et légumes et plus généralement de l’alimentation qui se déroulent depuis belle lurette à l’école. Cela peut venir d’initiatives personnelles des enseignants qui font les liens avec le programme scolaire et les matières d’éveil scientifique, de morale, d’expression orale et écrite, etc.; cela peut être suite à l’intervention d’animateurs associatifs sur la question de l’environnement ou de la santé par exemple; ou encore suite à la réception d’outils pédagogiques et de propositions pédagogiques qui leur arrivent tous azimuts, parmi lesquelles les nôtres subsidiés par la Fédération Wallonie-Bruxelles dans le cadre de notre programme de promotion de la santé.

La distinction avec les outils produits par l’industrie agro-alimentaire n’est pas toujours évidente à faire par les directions d’école souvent saturées par le flot de courriers et de sollicitations. Mais les enjeux éducatifs et de santé ne peuvent cependant pas être confondus avec les enjeux commerciaux tout aussi défendables qu’ils soient, mais alors sur les marchés, ce que l’école n’est point !

Bien évidemment, l’intérêt pour le sujet de l’alimentation à l’école – et dans notre société de manière générale – s’est encore accru depuis l’émergence du concept de développement durable et d’alimentation durable avec tout le questionnement que cela implique sur nos modes de consommation et de production; ou pour le voir sous l’angle négatif, les préoccupations alimentaires se sont accrues dans les milieux éducatifs et de santé depuis la diffusion de données mettant en évidence les désordres alimentaires affectant la santé : obésité, anorexie, surpoids, alimentation déséquilibrée, excès de sucre, ajoutés au manque d’exercice physique.

Vu sous l’angle de la promotion de la santé et de l’analyse critique, on pourrait affirmer qu’ils sont davantage conséquences et reflets des désordres relationnels, sociaux et économiques qui découlent de notre société au libéralisme exacerbé. Ne serait-ce qu’une hypothèse ? Le tout est de voir comment et par où commencer pour y remédier…

En tout cas, la diffusion d’un nouveau cahier spécial des charges pour des cantines santé couplé à des formations gratuites pour les cuisiniers (voir l’article de Christian De Bock dans ce numéro) est un autre pas dans la bonne direction. Voilà sans doute de quoi mieux démarrer une nouvelle année… aux petits oignons!

Contact : Claire Berthet et Cristine Deliens , asbl Cordes (cordes@cordes-asbl.be)