Octobre 2011 Par M.-M. LEURQUIN J.-L. COLLIGNON Initiatives

Le projet de promotion de la santé ICAPROS (acronyme signifiant I nstance de C oordination des A ctions pour la Pro motion en S anté Franco-belge) a pour objectif d’améliorer la santé cardiovasculaire des populations vivant dans l’espace frontalier des Ardennes françaises et des provinces de Namur et du Luxembourg. Il s’inscrit dans le programme transfrontalier Interreg IV de coopération territoriale européenne et plus particulièrement France-Wallonie-Vlaanderen.

Le territoire

Le territoire couvert par ce projet s’étend sur le département des Ardennes françaises et pour la Belgique, les arrondissements de Dinant et Philippeville en province de Namur et ceux de Neufchâteau et Virton en province de Luxembourg (voir carte).
Il mobilise 7 opérateurs directement investis dans le projet et 7 autres opérateurs associés, depuis le printemps 2009 et jusqu’en 2013 (voir encadré).

Partenaires et associés

Opérateurs partenaires

Caisse régionale d’assurance maladie du Nord-Est
Caisse primaire d’assurance maladie des Ardennes
Mutualité chrétienne de la province de Luxembourg
Hôpital de Sedan
Hôpital de Charleville – Unité transversale d’éducation du patient
Cliniques Universitaires de Mont-Godinne
Centre d’éducation du patient asbl

Opérateurs associés

Observatoire franco-belge de la santé
Caisse primaire d’assurance maladie de la Marne
Centre marnais de promotion de la santé
GEIE LUXLORSAN
Unions régionales des Caisses d’assurance maladie de Champagne-Ardenne
Mutualité chrétienne de la province de Namur
Département Prévention Santé de la Province de Luxembourg

Une initiative transfrontalière

Au-delà de liens historiques forts et de l’appartenance à un espace culturel homogène, le département des Ardennes françaises et les provinces belges de Namur et du Luxembourg constituent des bassins de vie communs pour les populations qui y résident.
Quelques constats l’illustrent :
-l’espace frontalier se caractérise principalement par un tissu économique frappé par la désindustrialisation et le déploiement de politiques de reconversion;
-la mobilité professionnelle entre les deux versants est importante;
-les territoires sont enclavés;
-le développement d’initiatives de coopération économique, culturelle, etc. est de plus en plus fréquent.
La coopération franco-belge en matière sanitaire s’est considérablement développée au cours de la dernière décennie. De nombreuses actions ont été développées pour améliorer l’accès à des soins de proximité de qualité pour les assurés sociaux résidant dans les zones transfrontalières : convention sur l’aide médicale d’urgence permettant la collaboration des équipes SMUR françaises et belges tout le long de la frontière; conventions de complémentarités entre des services hospitaliers et/ou des plateaux techniques créant un bassin de soins transfrontaliers permettant aux patients dans la «zone organisée d’accès aux soins transfrontaliers» (ZOAST) Ardenne de se faire soigner de part et d’autre de la frontière sans autorisation médicale préalable et sans tracasserie administrative.
Des projets ont également été initiés par les observatoires de la santé français et belges dans le cadre du programme Interreg III. Ils ont permis de réaliser un tableau de bord transfrontalier riche en données épidémiologiques transfrontalières sur les territoires des Ardennes, du Namurois et du Luxembourg. Ces premières études ont mis en évidence des déficits de santé dans l’espace frontalier considéré par rapport aux moyennes nationales, particulièrement en ce qui concerne les maladies cardiovasculaires.
Sur base des travaux antérieurs, on peut constater une insuffisance et une inégalité des actions en faveur de la prévention du risque vasculaire et des facteurs associés sur la zone géographique. De plus, les démarches de prévention transfrontalière sont rares, et pourtant elles pourraient contribuer à cultiver la proximité des services sanitaires frontaliers, améliorer l’accès aux actions de prévention et de promotion de la santé des personnes vivant dans l’espace frontalier franco-belge et, de manière générale, estomper l’effet frontière pour les acteurs concernés par ces domaines d’intervention auprès des populations.
Les maladies cardiovasculaires et leurs facteurs de risque (cholestérol, diabète, hypertension, alimentation, tabac, sédentarité, stress…) ainsi que la promotion de la santé, la prévention, le dépistage et la prise en charge qui y sont liés, sont considérées côté français et belge comme prioritaires. Les acteurs concernés ont souhaité développer une initiative de partenariat transfrontalier au bénéfice des populations du territoire.

Des actions vers l’entreprise et le milieu scolaire

Le projet a pour objectif d’améliorer la santé cardiovasculaire et les facteurs de risque associés dans l’espace frontalier des Ardennes françaises et des provinces de Namur et du Luxembourg.
Il vise à promouvoir une démarche structurée pour le moins originale, alliant des activités de promotion de la santé, de prévention et d’éducation du patient qui accordent une place prépondérante à l’individu en tant qu’acteur de sa santé.
Le public-cible est constitué principalement d’une part des adultes en activité professionnelle et en recherche d’emploi ainsi que leurs familles; et d’autre part des adolescents de 13 à 18 ans qui sont, généralement, peu réceptifs aux programmes de promotion de la santé.
Le projet se compose de plusieurs axes dont nous développons les plus importants ci-dessous.

Un tableau de bord de la santé cardiovasculaire

Les études épidémiologiques relèvent le plus souvent d’initiatives internationales, nationales ou régionales. Rares sont celles qui considèrent comme une unité un territoire découpé par une frontière. Dans ce sens, le travail déjà évoqué plus haut réalisé par les observatoires de la santé français et belges est exemplaire.
Pour l’élaboration de ce projet, il était indispensable, dans une première phase, de mener une recherche sur la prévalence des pathologies cardiovasculaires, de leurs facteurs de risque et déterminants afin d’actualiser le travail précédemment mené par les observatoires de santé et de l’adapter au territoire et à la thématique de la santé cardiovasculaire.
Il s’agit donc de réaliser un tableau de bord de la santé cardiovasculaire sur le territoire transfrontalier. Ces données de départ nous donneront la possibilité, à la fin du projet, de tirer des enseignements sur les actions entreprises. Elles serviront de base pour estimer l’incidence des interventions.
En plus d’une version papier et d’une plaquette reprenant les éléments principaux, ce tableau de bord sera directement consultable en ligne sur le Web par les acteurs intéressés.

Un cadastre des initiatives et acteurs de la santé cardiovasculaire

Il était également nécessaire de disposer d’un état des lieux sur les travaux de promotion de la santé et de prévention de la santé cardiovasculaire qui ont été instruits, leurs objectifs et publics, les domaines d’action, les milieux de vie touchés, les acteurs impliqués, les résultats observés… sur le territoire considéré.
Il s’agit donc aussi de dresser un cadastre des acteurs et actions dans ce domaine.
Cette analyse complétant le tableau de bord de la santé cardiovasculaire doit nous guider dans la mise en place de notre projet, mais également aider d’autres acteurs ou opérateurs désireux de développer une initiative similaire.
Ce cadastre prendra la forme d’une base de données en ligne sur le Web, que les acteurs concernés pourront compléter et interroger.

Les actions de prévention dans le monde de l’entreprise

L’action vers les adultes en recherche d’emploi ou en activité professionnelle et vers leur famille prend racine dans les entreprises. Elle se déroule en deux temps avec la participation du public.
Un premier temps d’information, de sensibilisation, de prévention
Cette première phase consiste à améliorer la connaissance et la compréhension du public des liens existant entre les modes de vie et l’état de santé. Cette démarche préventive se concrétise grâce à la création et la présentation d’une exposition interactive, éducative et abordant les principaux facteurs de risque sur lesquels on peut agir.
La présence de professionnels de la santé dans le cadre de cette exposition est prévue et permettra de réaliser des mesures des paramètres biologiques comme la tension artérielle, la glycémie, le poids… Elle favorisera l’intérêt des personnes ciblées aux actions de prévention, complétera les supports d’information et orientera dans certains cas les personnes vers une démarche d’éducation du patient.
Dans la même logique, pour permettre d’accompagner de manière compétente cet outil, un module de formation sera également proposé. Ce module sera destiné aux utilisateurs de l’exposition: les animateurs en prévention santé, et tous les professionnels relais (infirmières d’entreprise, diététiciens, éducateurs médico-sociaux…).
Les animations seront menées dans des entreprises situées de part et d’autre de la frontière en mobilisant les services de médecine du travail français et belges et les instances représentatives au sein de l’entreprise.
Une information spécifique sera faite en direction des médecins libéraux généralistes et spécialistes français et belges de la zone éligible.
La communication de la démarche sera assurée par une conférence de presse de lancement de l’action en entreprise et la diffusion des produits dérivés de l’exposition (feuillets, plaquettes pour les professionnels et élus).
Un second temps éducatif
Après la démarche de sensibilisation des personnes ciblées par l’action par le biais de l’exposition, une proposition d’accompagnement sera offerte sur les deux versants frontaliers avec la réalisation d’une véritable démarche d’éducation du patient en relation avec les médecins traitants des personnes concernées.

Les actions de promotion de la santé en milieu scolaire

L’action vers les adolescents vise à les sensibiliser sur deux grandes thématiques : l’alimentation saine articulée avec l’activité physique et le tabagisme.
Les outils
Les outils sont réalisés avec la participation des adolescents. Ils prennent la forme de livrets pour les jeunes. Ils s’appuient sur les outils déjà existants en la matière, et en ce qui concerne l’alimentation, il s’agit de l’outil «Et toi, tu manges quoi ?», réalisé par le service Infor Santé de la Mutualité chrétienne (1), qui va être adapté à la réalité de la zone transfrontalière. Ces livrets sont accompagnés d’un dossier pédagogique pour l’animateur. Des animations ayant déjà fait leurs preuves auprès des jeunes seront proposées dans la partie pratique du dossier. La pédagogie mise en avant se fonde sur une approche positive et interactive renforçant l’estime de soi chez le jeune.
Le volet «animation»
Des animations avec ces outils seront proposées au sein des écoles secondaires, collèges et lycées. Les élèves participeront plusieurs fois à des animations pendant 3 années scolaires. Cette méthodologie devrait déboucher sur un travail en profondeur avec les jeunes, et, de la sorte, permettre des adaptations de modes de vie.
La formation
L’axe central de la démarche d’animation repose sur la formation de personnes relais dans la sphère scolaire des deux versants frontaliers de la zone du projet (infirmières chargées de la promotion santé, infirmières de l’Éducation nationale, enseignants, professeurs, éducateurs…). Cette formation à l’utilisation des outils, à la maîtrise des connaissances théoriques et surtout à la méthodologie (qui consiste à proposer des animations participatives suscitant l’estime de soi chez le jeune par une démarche de promotion de la santé) permettra une utilisation optimale des outils.
Le réseau de personnes relais permettra de développer des actions de sensibilisation transfrontalières et de les réitérer afin de les ancrer dans le milieu scolaire et de créer sur une longue période une dynamique de promotion de la santé au sein des établissements scolaires.
L’évaluation
Les animations seront évaluées avec les jeunes. En outre, une évaluation complémentaire sur 4 ans est prévue avec un groupe qui sera suivi sur le long terme.
Orientation des jeunes
Au cours des contacts répétés entre animateurs et adolescents, lors des animations, une orientation vers un service spécialisé dans une des problématiques concernées par l’action (diabète, anorexie, obésité, tabagisme…) sera proposée aux jeunes si le besoin émerge. Cette initiative permettra de développer une articulation entre le milieu scolaire, la prévention et les services de diagnostic ou thérapeutiques.
Un site Web
Un site Internet interactif accessible aux personnes relais formées dans le cadre du projet sera développé. Il proposera les supports didactiques (dossiers pédagogiques des deux thématiques), des conseils, des adresses utiles et diverses informations en matière d’animations. Un forum de discussion pour les personnes relais sera lancé.

Perspectives

Cette initiative a donc démarré début 2009 et nous vous en avons décrit les éléments principaux tels que prévus lors de l’élaboration du projet. Les actions se mettent en place comme espéré: le Tableau de bord est pratiquement terminé, le Cadastre des actions et acteurs est en cours de réalisation, les outils pour les adolescents et l’exposition sont bien avancés, les contacts avec les écoles et entreprises sont positifs… Bref, «tout roule»! Et des communications sur l’avancement de certains pans du projet ont déjà pu être réalisées comme la présentation des éléments principaux du Tableau de bord de la santé cardiovasculaire lors de la conférence de presse du projet à Sedan en décembre 2010. Rendez-vous dans quelques mois pour un écho des futurs développements du projet.
Jean-Luc Collignon et Marie-Madeleine Leurquin , Centre d’éducation du patient
Adresse des auteurs : Centre d’éducation du patient asbl, rue Fond de la Biche 4, 5530 Godinne. Tél. : 082 61 46 11. Courriels : jeanluc.collignon@educationdupatient.be et mariemadeleine.leurquin@educationdupatient.be. Internet : http://www.educationdupatient.be .
(1) Voir ‘Et toi, tu manges quoi ? , l’alimentation en débats entre ados’, Éducation Santé n° 249, octobre 2009