Octobre 2009 Par G.-C. JOURDAN Stratégies

Comme bon nombre d’autres organisations, les Mutualités chrétiennes ont adressé avant les élections du 7 juin dernier un mémorandum aux partis politiques francophones démocratiques. Il est intéressant de prendre connaissance de leurs réponses concernant la promotion de la santé. Il sera encore plus passionnant d’observer dans quelques mois si les intentions et valeurs affichées par les trois partenaires des coalitions régionales et communautaire se retrouvent dans les priorités et actions du Gouvernement…

La question de la Mutualité chrétienne

L’accès à la santé est un des fondements de l’action de notre mouvement mutualiste. Sur un indice 100 qui définirait l’accès à la santé, 20 sont des facteurs de l’accès et de la qualité de soins de santé, et 80 ont trait à la qualité de vie, à l’enseignement et à la formation, au logement, à l’emploi, et à l’insertion dans un tissu social.
La MC souhaite donc mettre l’accent sur le choix majeur d’investir beaucoup plus dans la promotion de la santé et dans la prévention, d’abord pour vivre mieux et ensuite parce que les soins curatifs coûtent de plus en plus cher et que cela sera encore vrai dans les prochaines années. Éviter les problèmes de santé et en retarder ou en limiter les effets sur le bien-être des personnes devrait aussi représenter un objectif pour les services et institutions de santé. Et une telle démarche doit être mise en œuvre dans un souci d’égalité en prenant en compte les inégalités sociales de santé, qu’il y a lieu de réduire.
Il manque une véritable programmation mettant en œuvre une approche transversale de prévention et de promotion de la santé dans toutes les politiques , qui détermine les objectifs, les priorités et l’affectation des ressources à y consacrer, en insistant particulièrement sur la réduction des inégalités sociales de santé: information sur les attitudes de prévention, les services disponibles, les vaccinations, les modes d’accès financier aux soins, etc.
Quels moyens pensez-vous consacrer à cette approche transversale de la santé dans la prochaine législature?

Les réponses des partis (par ordre alphabétique)

Le cdH

La société évolue et, dans ce contexte, les individus sont de plus en plus inégalitaires face à la santé.
L’augmentation de la longévité suscite des dépenses en termes de soins de santé de plus en plus importantes, les personnes qui ont des moyens financiers investissent de plus en plus dans la prévention et l’adoption de conduites saines (activités sportives, alimentation saine, gestion du stress…) tandis que les personnes défavorisées font plus volontiers l’impasse sur les dépenses susceptibles de préserver leur santé.
Face à cette situation, les acteurs de santé de première ligne doivent assumer de plus en plus de missions en dehors de leur champ de compétence. Il importe donc de mettre en place une stratégie globale et transversale en matière de santé .
Nous proposons non seulement de mettre en place une stratégie globale et transversale, mais aussi pluriannuelle , et d’établir dès le début de la législature un plan décennal de promotion et de prévention en matière de santé pour tous les francophones.
Ce plan devrait prévoir de:
-mieux articuler les différents niveaux de pouvoir autour d’une stratégie commune de santé afin de maximaliser la coordination des actions de santé menées par la Communauté française, la Région wallonne, les provinces, les communes, et permettre d’accorder les moyens financiers pour y parvenir;
-réguler les partenariats privé-public, baliser l’intervention du privé de façon à financer éthiquement certains projets de promotion de la santé;
-augmenter l’enveloppe budgétaire consacrée à la promotion de la santé et à la prévention, dans le cadre des moyens nouveaux dégagés par le refinancement de la Communauté française;
-compte tenu de la transversalité de la santé, mettre en place une cellule d’étude d’incidence des différentes politiques fédérales et fédérées sur le niveau général de santé de la population afin de tenter de quantifier cette incidence et de proposer des actions concrètes.

Écolo

Nous partageons totalement l’analyse de la Mutualité chrétienne quant à la nécessité de mettre en place une approche transversale. Outre l’intérêt de soutenir les actions de promotion de la santé telles que définies par le décret communautaire (et ce jusqu’au niveau local), il est urgent de développer cette approche car les facteurs qui la déterminent relèvent de pratiquement toutes les politiques sectorielles.
C’est pourquoi notre programme ‘santé’, avant même de développer ses propositions, avance un préalable: faire de la santé la préoccupation de l’ensemble des gouvernements.
Actuellement, tout projet de loi, de décret ou d’ordonnance, doit disposer de l’accord du Ministre du Budget avant d’être soumis au Gouvernement. Ceci permet de s’assurer que les dépenses qui découleront de la mise en œuvre de la nouvelle législation resteront dans les limites de la gestion rigoureuse du budget. Dans le même ordre d’idée, Écolo estime nécessaire de mettre en place, comme au Québec (Loi sur la Santé publique québécoise), un processus qui confère au Ministre de la Santé et des Affaires sociales de chaque niveau de pouvoir un rôle de conseiller au Gouvernement et un pouvoir d’interpellation des autres ministres pour toute question liée à la santé publique. Ceci permettrait donc que chaque projet de décision soit évalué en ce qui concerne son impact sur les déterminants de la santé et sur les inégalités sociales, dans un objectif de promotion socio-sanitaire.

Le MR

Le MR considère le thème de la santé comme une préoccupation majeure: en matière d’accès à des soins de qualité mais également en matière d’accès à l’information permettant à chacun de participer au dépistage de maladies et d’adopter des attitudes saines .
En Communauté française, la santé se décline en termes de prévention et de promotion.
Le MR a toujours été et restera particulièrement attentif à ces deux points car, d’une part, prévention et promotion de la santé concourent à l’amélioration de la qualité de vie de la population et, d’autre part, elles contribuent à une meilleure maîtrise des dépenses publiques en matière de sécurité sociale, système basé sur les principes de solidarité, de qualité, d’accessibilité et de liberté de choix que le MR veut préserver.
Il est clair que la fragmentation de la politique de la santé telle que nous la connaissons ne sert pas la population : 7 ministres de la santé en Belgique, c’est trop! Cela alourdit et freine les processus décisionnels.
Le MR recommande dès lors:
-d’anticiper les blocages institutionnels en signant des accords de coopération favorisant une politique de la santé intégrée, concertée et globale;
-d’impliquer les pouvoirs locaux (communes et CPAS) en matière de prévention et de promotion de la santé en identifiant, par exemple, un échevinat de la santé, en créant des synergies avec l’échevinat des crèches, de l’enseignement, du sport et des seniors;
-de veiller à la mise en place d’indicateurs statistiques standardisés pour que les données wallonnes puissent être mises en relation avec celles de Bruxelles.
De manière plus spécifique et en matière de lutte contre les cancers, le MR recommande de:
-mettre en place des campagnes ciblées, pratiques et concrètes, permettant au public visé d’accéder aux structures permettant le dépistage;
-favoriser une culture de la santé en améliorant l’information et la motivation des femmes et des soignants sur le dépistage du cancer du sein;
-d’évaluer le processus actuel amenant les femmes au dépistage du cancer du sein;
-d’mpliquer et sensibiliser les médecins traitants, leur rôle étant prépondérant pour les personnes avec un faible niveau d’instruction.

Le PS

Pour le PS, chaque personne doit être traitée de manière égale , quels que soient son origine ou son identité, son sexe, son état de santé, ses croyances philosophiques ou religieuses, son orientation sexuelle… L’État doit favoriser l’épanouissement de chaque citoyen, sans discrimination.
Le PS veut renforcer la lutte contre les inégalités sociales en matière de santé en concertation étroite avec la Communauté française et avec le fédéral.
Le PS fait une priorité d’assurer la cohérence des politiques en matière de lutte contre les assuétudes (tabagisme, consommation excessive d’alcool chez les jeunes, et prévention en matière de consommation d’autres drogues), de l’amélioration de la prévention du sida et des autres maladies sexuellement transmissibles, de prévention du suicide (et une priorité pour la santé mentale) et d’entourer et protéger la personne âgée et sa santé.
De plus, pour le PS, il est essentiel de soutenir l’augmentation de l’offre en matière de structures multidisciplinaires qui renforcent l’accès aux soins de première ligne (médecins généralistes, infirmiers, kinés…).
Afin de favoriser le développement des maisons médicales (associations de santé intégrée), le PS propose:
-de majorer les subventions aux équipes multidisciplinaires de première ligne, reconnues comme maisons médicales;
-d’établir une programmation sociogéographique des maisons médicales;
-de prévoir des aides à l’installation de ces structures.
Le PS entend également renforcer la spécificité des centres de planning familiaux en Région wallonne:
-en prévoyant la gratuité de la pilule et des préservatifs disponibles en centres de planning;
-en renforçant l’accessibilité des centres de planning par l’élargissement des heures d’ouverture, la création d’antennes ou de consultations dans les locaux des partenaires de réseau (ONE, CPAS, écoles, entreprises…);
-en procédant à l’évaluation des mesures prises en rapport avec le secteur des centres de planning (pilule du lendemain, interruption volontaire de grossesse…), afin de cerner au mieux et d’améliorer l’impact de ces politiques;
-en favorisant le travail en réseau par l’intégration des centres de planning familiaux dans les plateformes de santé mentale et la systématisation des partenariats avec les maisons médicales et les institutions de soin.
Réactions compilées par Gilles C . Jourdan