Mars 2006 Initiatives

De qui se moque-t-on?

La Coalition nationale belge de lutte contre le tabagisme, organisme représentant l’ensemble des associations belges actives dans le domaine du tabagisme créé il y a de nombreuses années (1995) à la demande de l’Europe contre le Cancer, a pris connaissance d’une question parlementaire très importante, concernant la cohérence des décisions ministérielles en matière de lutte contre le tabagisme.
En effet, ce 7 février, en Commission de la Justice, la députée Muriel Gerkens a interrogé la Ministre de la Justice Laurette Onkelinx à propos du sort qu’elle comptait réserver à la demande introduite par la Fondation Rodin d’être reconnue en tant qu’organisme d’utilité publique. Madame Onkelinx a affirmé qu’elle acceptait cette reconnaissance pour peu que la Fondation Rodin change de nom. En fait la question avait déjà été soulevée le 19 avril 2004 par Madame Gerkens et à l’époque la Ministre avait répondu que toute asbl avait le droit de créer une autre asbl qui pouvait demander à être reconnue d’utilité publique.
En fait, l’asbl CREAA (Centre pour la recherche et l’évaluation des actions sur la problématique des assuétudes), qui collabore avec, au moins en partie, les mêmes administrateurs que la Fondation Rodin et qui a été créée par cette dernière, serait déjà reconnue d’utilité publique et financée par les pouvoirs publics!
Pour rappel, antérieurement, les cigarettiers avaient obtenu la création d’un fonds privé de lutte contre le tabagisme entièrement financé par leurs soins d’ 1.85 millions d’euros par an. Ce fonds a pris la forme d’une asbl s’intitulant «Fondation Rodin». En échange, aucune taxation n’a été levée sur les produits du tabac, ce qui aurait permis de financer un fonds de prévention du tabagisme avec un budget beaucoup plus conséquent (12 millions d’euros).
Cette décision confiant de fait la lutte contre le tabagisme… aux cigarettiers a suscité une violente indignation tant en Belgique qu’au niveau international, car elle était en contradiction totale avec la Convention-cadre de lutte contre le tabagisme qui exclut toute collaboration directe ou indirecte avec l’industrie du tabac. Rappelons que le Gouvernement fédéral, de même que les Communautés et Régions ont ratifié cette Convention-cadre en novembre 2005!
La Coalition nationale contre le tabac rappelle qu’elle s’est constituée depuis plus de 10 ans, à la demande de l’Europe, afin de cordonner en Belgique les organismes actifs en matière de lutte contre le tabagisme et de promouvoir la stratégie internationale de prévention du tabagisme et d’en stimuler la réalisation en Belgique. Elle est membre de l’ENSP (European Network for Smoking Prevention).
Si l’OMS, comme il en est question, souhaite une référence nationale centralisant les compétences scientifiques et les savoir-faire pour soutenir la mise en œuvre de la Convention-cadre, c’est tout naturellement qu’elle se tournerait vers elle.
La Coalition nationale s’étonne des réponses apportées à Madame Gerkens, à un moment où les différents ministres compétents en matière de santé, tant au niveau fédéral qu’au niveau des entités fédérées manifestent une prise de conscience du problème du tabagisme et concrétisent cette dernière par des actions déterminées qui vont dans le sens préconisé par la Convention-cadre, à savoir la réduction de l’accès au tabac par des mesures financières et fiscales, l’interdiction de vente aux mineurs, la protection contre l’exposition à la fumée de tabac, la réglementation de la composition des produits de tabac, la réglementation des informations sur les produits, les conditionnement et étiquetage des produits du tabac, les mesures d’éducation, communication, formation, sensibilisation du public, et l’interdiction de la publicité.
La Coalition constate que beaucoup de ces recommandations sont soutenues par les différents ministres concernés et leur en donne acte.

Une obligation claire pour les Parties à la Convention

La Convention cadre précise en son article 5:
1. Chaque Partie élabore, met en oeuvre, actualise et examine périodiquement des stratégies et des plans et programmes nationaux multisectoriels globaux de lutte anti-tabac conformément aux dispositions de la Convention et des protocoles auxquels elle est Partie;
2. A cette fin, chaque Partie en fonction de ses capacités:
-met en place ou renforce, et dote de moyens financiers, un dispositif national de coordination ou des points focaux nationaux pour le lutte antitabac
-et adopte et applique des mesures législatives, exécutives, administratives et/ou autres mesures efficaces, et coopère, le cas échéant, avec d’autres pouvoirs afin d’élaborer des politiques appropriées pour prévenir et réduire la consommation de tabac, l’addiction nicotinique et l’exposition à la fumée de tabac.
3. En définissant et en appliquant leurs politiques de santé publique en matière de lutte antitabac, les Parties veillent à ce que ces politiques ne soient pas influencées par les intérêts commerciaux et autres de l’industrie du tabac, conformément à la législation nationale.

La Coalition nationale constate donc avec stupeur qu’une Fondation si controversée nationalement et internationalement pour ses liens avec l’industrie du tabac verrait son rôle dans la lutte contre le tabagisme, non pas supprimé, mais renforcé par une reconnaissance indirecte comme asbl d’utilité publique, à travers une asbl «poupée russe» qui deviendrait par ailleurs une sorte d’organisme supérieur «référent» qui évalue les nombreuses associations actives et compétentes en matière d’assuétudes diverses, qui bénéficient de décennies d’expérience sur le terrain.
Coalition nationale contre le tabac (1)
Présidence 2006: FARES, rue de la Concorde 56, 1050 Bruxelles
D’après un communiqué de presse du 17/2/2006 (1) La Coalition nationale contre le tabac regroupe: l’Association des Pharmaciens Belges/Algemene Apothekers Bond (APB), la Fondation Belge contre le Cancer/Belgische Stichting tegen Kanker, le Fonds des Affections Respiratoires (FARES), l’Observatoire de la Mortalité Infantile, l’Observatoire de la Santé du Hainaut (OSH), la Société Scientifique de Médecine Générale (SSMG), het Vlaamse Instituut voor Gezondheidspromotie (VIG), de Vlaamse Liga tegen Kanker (VLK), de Vlaamse Vereniging voor Respiratoire Gezondheidszorg en Tuberculosebestrijding (VRGT), de Wetenschappelijke Vereniging van Vlaamse Huisartsen (WVVH) et le Ministerium der Deutschsprachigen Gemeinschaft.