Novembre 2010 Locale Bruxelles

Le troisième Tableau de bord de la santé, publié cette année par l’Observatoire de la Santé et du Social offre une vision globale de la santé à Bruxelles aujourd’hui, et traduit la volonté de suivi en continu de la santé de la population bruxelloise, dans son contexte démographique, social et multiculturel.
Les données récoltées et analysées proviennent de multiples sources, les deux principales étant les bulletins statistiques de naissances et de décès, pour lesquels nous disposons de 10 années de données (1998-2007) et les trois premières Enquêtes nationales de santé (1997-2001-2004) (1).
Les particularités de cette nouvelle édition sont:
– la durée de la période d’observation (10 années), permettant de repérer des évolutions;
– la comparaison de la Région bruxelloise avec les grandes villes belges plutôt qu’avec les régions, étant donné que le caractère urbain de la région influence fortement les problèmes de santé;
– une analyse plus détaillée des inégalités sociales de santé ainsi que des inégalités de santé par nationalité.
Enfin, l’objectif principal de ce Tableau de bord n’est pas d’évaluer les politiques et les actions réalisées en santé, mais bien de mettre à disposition un outil d’aide à la décision pour tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, participent à l’élaboration et à la mise en œuvre d’une politique coordonnée de santé: responsables politiques, professionnels de santé et acteurs impliqués dans les nombreux domaines qui déterminent la santé de la population.

Des informations positives

Bruxelles est une région en croissance , dont le taux de natalité, en augmentation depuis 1985, est le plus élevé du pays (15,7 ‰). C’est une région jeune, dont l’ âge moyen diminue (37,7 ans en 2007) comme c’est le cas dans toutes les grandes villes belges.
75 % de la population se sent en bonne santé , ce pourcentage est stable depuis 1997. La proportion de personnes qui ne s’estiment pas en bonne santé est la plus élevée dans les grandes villes wallonnes et la plus faible dans les grandes villes flamandes.
L’espérance de vie continue de s’allonger , comme dans le reste du pays: en 2006, elle atteint 76,9 ans pour les hommes (pour 73,6 ans en 1995) et 82,0 ans pour les femmes (pour 80,5 en 1995).
On observe également une diminution continue de la mortalité , y compris de la mortalité prématurée (< 65 ans ), particulièrement pour les hommes et de la mortalité foeto infantile (mortalité avant la naissance jusqu’à l’âge d’un an).
Les taux de mortalité diminuent pour les principales causes de mortalité dans les deux sexes:
la mortalité cardiovasculaire (32 % des décès) diminue, et la Région bruxelloise se classe parmi les régions présentant les taux les plus faibles d’Europe. Ceci s’explique par un meilleur contrôle des facteurs de risque comme l’hypertension et le diabète, une amélioration des habitudes alimentaires, une diminution du tabagisme et une amélioration de la prise en charge de l’infarctus par exemple. Cependant, l’augmentation actuelle de l’obésité, de la sédentarité et du stress pourraient compromettre le maintien de cette tendance dans le futur.
La mortalité par cancer a diminué (24 % des décès) en particulier la mortalité prématurée par cancer du poumon chez l’homme et par cancer du sein chez la femme entre 40 et 70 ans.
Le taux de mortalité par suicide a tendance à diminuer depuis 20 ans, particulièrement chez les hommes, même s’il reste plus élevé que la moyenne européenne.
La mortalité prématurée due à l’alcool ainsi que les décès masculins par accident de circulation ont également diminué.
Le taux d’allaitement maternel exclusif à la sortie de la maternité continue d’augmenter (91,4 %) et est supérieur aux autres régions du pays
De plus en plus de Bruxellois adoptent des habitudes alimentaires favorables à la santé comme prendre un petit déjeuner, consommer régulièrement des fruits ou du poisson.
Entre 1997 et 2004, le pourcentage de femmes fumant quotidiennement est passé de 24 % à 18 %.
La multiculturalité peut être un facteur d’atténuation des différences entre les classes sociales pour certains problèmes de santé, parce que parmi les populations les moins favorisées se trouvent une part non négligeable de migrants qui ont, ou ont eu, dans leur parcours de vie, des styles de vie relativement plus favorables à la santé. Ainsi l’allaitement maternel, la consommation de fruits, légumes et poisson, la non-consommation d’alcool et de tabac (sauf pour les hommes turcs) sont des facteurs protecteurs par rapport à certains problèmes de santé. Le taux de suicide est également plus bas chez les Bruxellois de nationalité non belge.

Problèmes de santé à épingler

Les cinq premières causes de mortalité prématurée sont, pour l’homme, par ordre décroissant, le cancer du poumon, les cardiopathies ischémiques, le suicide, les accidents domestiques et les maladies liées à l’alcool. Pour les femmes, ce sont le cancer du sein, le cancer du poumon, le suicide, les maladies cérébrovasculaires et les cardiopathies ischémiques.
Les taux de mortalité prématurée des femmes sont nettement inférieurs à ceux des hommes, mais le taux de mortalité prématurée par cancer du poumon a nettement augmenté chez les femmes entre 1998-2002 et 2003-2007.
Le cancer du sein reste le cancer le plus fréquent chez la femme (plus d’un cancer sur trois), la première cause de décès par cancer et la première cause de décès chez la femme avant 65 ans. La Région bruxelloise fait partie des régions européennes présentant les taux les plus élevés.
Même si globalement la mortalité prématurée est moins importante chez la population non belge, il existe des variations suivant les causes de décès mais aussi les nationalités. La mortalité prématurée est significativement plus élevée pour les hommes et les femmes d’Afrique subsaharienne. Les bébés de mère turque, marocaine ou provenant d’un pays d’Afrique subsaharienne ont plus de risque de mourir en période périnatale que ceux des mamans belges.
Le poids du tabagisme sur la santé et la mortalité des Bruxellois reste très important (responsable de 24 % des décès masculins de plus de 35 ans et 9 % des décès féminins), même s’il se réduit pour les hommes.
La dépendance à l’ alcool reste un problème préoccupant en Région bruxelloise malgré l’importance du nombre d’abstinents: un homme sur 3 et une femme sur 5 ont une consommation d’alcool « à risque ». L’alcool joue également un rôle majeur dans la mortalité prématurée: 13 % des années potentielles de vie perdue chez l’homme ont été causées par l’alcool, 7 % chez les femmes.
L’augmentation des infections sexuellement transmissibles ainsi que de la transmission homosexuelle du VIH chez les hommes belges signe de façon préoccupante un affaiblissement des comportements de prévention, non seulement chez les hommes d’âge moyen mais également chez les hommes jeunes.
Le poids du diabète dans le total des décès augmente au cours des 10 dernières années.
La proportion d’hommes ou de femmes déclarant souffrir de diabète n’est pas différente à Bruxelles de la proportion dans les grandes villes wallonnes et flamandes mais on observe par contre une augmentation chez les Bruxelloises entre 1997 et 2004. De plus, il existe une prévalence plus importante chez les femmes turques et marocaines que chez les femmes belges.
Environ 11 % de la population de plus de 18 ans souffre d’ obésité (BMI > 30). La proportion d’hommes en excès pondéral (BMI > 25) et obèses a augmenté significativement entre 1997 et 2004. Ce type de problème est lié à une alimentation trop riche mais également à une diminution de l’activité physique. 36 % des femmes turques et 29 % des femmes marocaines souffrent d’obésité.
L’ampleur des problèmes de santé mentale a été évaluée à partir des données de mortalité, d’invalidité, d’hospitalisations ou d’enquêtes. En Région bruxelloise, on observe une proportion significativement plus élevée de « mal-être » psychologique par rapport aux autres grandes villes belges (13 % des hommes et 19 % des femmes); les troubles mentaux sont la première cause d’invalidité; le taux de mortalité par suicide est supérieur à la moyenne européenne et constitue la première cause d’années potentielles de vie perdues pour les hommes et la deuxième pour les femmes; 9,5 % des Bruxellois souffrent de troubles dépressifs; le taux d’admission hospitalier pour troubles psychotiques est beaucoup plus élevé que dans d’autres régions.
Plusieurs facteurs expliquent probablement l’ampleur des problèmes de santé mentale en Région bruxelloise: une précarité d’une partie importante de la population, une moindre cohésion sociale, un statut de grande ville et de capitale.

Inégalités sociales de santé

Malgré une amélioration générale de l’état de santé des populations, les inégalités sociales de mortalité et de santé persistent et même tendent à s’aggraver dans les pays développés. Il ne s’agit pas seulement d’une différence qui oppose les groupes les plus défavorisés mais bien d’un gradient continu qui traverse tout le corps social.
Ces inégalités ont des causes dans de nombreux domaines, parfois bien loin de la santé, comme l’éducation, l’accès à l’emploi, les conditions de travail, l’âge de la retraite, la politique du logement, les politiques de redistribution des richesses, l’accès aux soins et le coût des soins…
Toutes les étapes de la vie sont concernées et ces facteurs agissent sur la santé et la mortalité de manière cumulative et interagissent entre eux.
Les inégalités sociales restent très marquées en Région bruxelloise:
plus d’un Bruxellois sur 4 vit sous le seuil de risque de pauvreté;
28 % des bébés sont nés dans un ménage sans revenu du travail;
17 % des bébés sont nés d’une mère isolée.
Parce qu’on retrouve parmi la population bruxelloise toutes les couches sociales depuis les plus pauvres jusqu’aux plus riches, les inégalités sociales de santé à l’intérieur de la région sont très marquées , et cela dès la naissance : un enfant a plus de 2 fois plus de risques de décéder avant l’âge d’un an dans un ménage sans revenu du travail que dans un ménage à deux revenus.
Ces inégalités se poursuivent tout au long de la vie , avec des risques de souffrir de maladies chroniques, d’accidents ou de problèmes de santé mentale qui croissent au fur et à mesure que l’on descend dans l’échelle sociale. Par exemple, les personnes les moins diplômées, les chômeurs et les adolescents de milieu social plus défavorisé se sentent en moins bonne santé que les autres; la fréquence du tabagisme et des problèmes respiratoires chroniques est d’autant plus importante que le niveau d’instruction est faible (30 % des filles fréquentant l’enseignement technique fument quotidiennement); la fréquence des troubles dépressifs est plus élevée chez les personnes à faible niveau d’instruction et chez les chômeurs; les femmes ayant au maximum un diplôme de l’enseignement primaire souffrent 4 fois plus souvent d’obésité que les femmes qui ont un diplôme de l’enseignement supérieur… On retrouve également un gradient social pour les affections cardiaques graves, les maladies respiratoires chroniques, le diabète et les affections persistantes du dos.
On constate de fortes inégalités sociales pour le dépistage du cancer du col de l’utérus.
Étant donné l’hétérogénéité sociale de l’espace bruxellois, les inégalités sociales face à la santé peuvent être approchées par les inégalités de mortalité entre les communes . Les habitants des communes aisées du sud-est de la région bénéficient du taux de mortalité et de mortalité prématurée le plus faible, en général et pour quasi toutes les principales causes de décès, à l’exception du cancer du sein et du suicide.
Les habitants des communes plus pauvres meurent plus jeunes . Pour la période 2003-2007, les hommes ont une espérance de vie à la naissance de 3,4 ans inférieure à celle des habitants des communes les plus riches et les femmes de 3,1 ans. Cet écart a même augmenté chez les hommes par comparaison avec la période 1998-2002 (écart de 2,7 ans).
Les écarts de santé entre les pauvres et les riches s’accroissent à Bruxelles . Dans le cadre d’une amélioration générale des indicateurs de santé, cet accroissement des inégalités est le plus souvent lié à une évolution favorable plus prononcée pour les populations plus aisées. C’est ce qui explique l’accroissement des écarts pour la mortalité avant l’âge d’un an, pour la mortalité par cancer du poumon ou cardiopathies ischémiques ou encore des écarts d’espérance de vie chez les hommes. Mais l’accroissement des écarts peut aussi s’expliquer par une détérioration de la situation des plus défavorisés, comme pour l’obésité et le diabète chez les femmes ou le tabagisme chez les hommes.
D’après un communiqué de l’Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles-Capitale
Le Tableau de bord peut être téléchargé en tout (296 pages !) ou en partie sur le site http://www.observatbru.be , rubrique ‘Publications’.(1) Les résultats de la quatrième Enquête de santé n’étaient pas encore connus au moment où ce Tableau de bord a été rédigé (ndlr)