Mars 2012 Initiatives

Le sida ne fait plus vraiment peur chez nous. Beaucoup de gens pensent d’ailleurs que le sida, c’est un problème qui concerne l’Afrique, ou d’autres régions, mais tellement peu la Belgique! Et pourtant, une nouvelle fois, un triste record est battu: jamais le VIH n’a fait autant de nouvelles victimes dans notre pays. Il faut donc, encore et toujours, renforcer l’information, la prévention, l’accès aux traitements et la solidarité.
Chaque jour dans le monde, plus de 7.000 personnes sont contaminées par le virus du sida. En 2010, 1,8 million de personnes sont décédées de causes liées au sida. Cette maladie qui a fait quelque 30 millions de morts depuis son apparition, il y a une trentaine d’années, poursuit ses ravages et continue à se répandre.

Nouvelles contaminations: plus nombreuses que jamais en Belgique

Avec 3,3 nouvelles contaminations par jour, la Belgique n’est pas épargnée.En 2010 près de 1.200 nouvelles contaminations ont été diagnostiquées . C’est, une nouvelle fois, le niveau de contamination par le VIH le plus élevé depuis le début de l’épidémie. Plus élevé même qu’en 1992, lorsque le sida faisait la Une de l’actualité. Et le nombre d’infections sexuellement transmissibles suit la même courbe, ce qui témoigne d’un relâchement des comportements de prévention: les comportements à risques sont en nette augmentation.
En clair, même si l’on parle beaucoup moins du sida aujourd’hui, le risque n’a pas diminué. C’est pourquoi, la Plate-forme prévention sida et ses partenaires insistent encore et toujours sur la nécessité de l’information. Ils l’ont rappelé avec force lors de la Journée mondiale du sida le 1er décembre dernier.
Le sida ne fait plus peur. Et pourtant, vivre avec le VIH reste très difficile.

Aujourd’hui, le sida fait moins peur parce que, grâce à la trithérapie, on en meurt beaucoup moins. Mais on n’en guérit pas non plus. Et même parfaitement contrôlée par le traitement, la présence du VIH dans le corps induit un état inflammatoire qui accélère son vieillissement. On estime en effet aujourd’hui que les maladies de la vieillesse apparaissent 10 à 15 ans plus tôt chez les personnes séropositives.
Et vivre avec le VIH reste difficile. Aux inconvénients d’un traitement à vie et de ses effets secondaires, s’ajoute bien souvent l’isolement affectif. Les discriminations et le rejet envers les personnes séropositives au sein de leur vie professionnelle, de leur entourage, de leurs amis restent malheureusement d’actualité et beaucoup de personnes infectées préfèrent ne pas dévoiler leur séropositivité. Un secret terriblement lourd à porter. Cette attitude discriminatoire est souvent la cause de connaissances incorrectes ou approximatives: les idées fausses qui continuent à circuler font le lit de la discrimination.
L’information reste donc une priorité

Parce que le sida poursuit ses ravages, y compris en Belgique où il n’y a jamais eu autant de nouvelles contaminations qu’en 2010.
Parce que les comportements à risque augmentent.
Parce que les dernières enquêtes menées en Belgique (voir plus loin) révèlent une mauvaise connaissance des moyens de transmission et des méthodes de protection: ainsi, par exemple, une personne sur deux ignore que choisir des partenaires à l’apparence saine est une méthode de protection inefficace! Et cette mauvaise connaissance est plus répandue encore chez les jeunes, alors que ceux-ci débutent leur vie sexuelle et ont des partenaires changeants.
Parce que les dépistages restent insuffisants ou trop tardifs, ce qui, d’une part, retarde la prise en charge médicale des personnes contaminées avec tous les risques de santé que cela comporte pour elles, et d’autre part, en l’absence de moyens de protection, génère de nouvelles contaminations.
La Plate-forme Prévention Sida, en collaboration avec ses partenaires, donne donc la priorité à l’information en lançant une nouvelle exposition interactive sur le sida, «Sida, cartes sur table», spécialement conçue pour les adolescents et en relançant, à l’intention de tous, la campagne «Douze fiches d’information essentielle».
Enquête: que sait et pense la population belge à propos du VIH/Sida et des personnes séropositives ?

Une grande partie de la population belge de plus de 15 ans ne perçoit pas correctement le mode de transmission du virus VIH et la façon dont il faut s’en protéger lors des rapports sexuels. C’est ce que révèle une vaste enquête de santé publique (1) menée en Belgique.
L’Institut scientifique de santé publique, qui a réalisé cette enquête, surveille depuis plusieurs années le niveau de connaissance de la population belge – et particulièrement celui des jeunes générations – au sujet du VIH/sida. Les informations recueillies permettent notamment d’identifier les groupes démographiques auprès desquels les programmes de prévention devraient être renforcés.
Certaines questions posées lors de la dernière enquête récoltaient des informations au sujet de la connaissance relative à la transmission du virus du sida et aux moyens de protection. D’autres cherchaient à cerner l’attitude de la population à l’égard des personnes séropositives, en particulier sur le lieu de travail. Enfin, l’enquête cherchait aussi à savoir dans quelle mesure la population belge a déjà eu recours au test du VIH/sida et le temps écoulé depuis ce test.
Que révèle l’enquête ?

Cela paraît presque incroyable mais beaucoup de personnes ne savent toujours pas exactement à quoi s’en tenir concernant la transmission du VIH et les moyens de s’en protéger.
Concernant la transmission du VIH
L’enquête proposait quatre types de contact non-contaminants à identifier (embrasser quelqu’un sur la bouche, une piqûre de moustique, manger un repas préparé par un porteur du VIH, être donneur de sang en Belgique). Seul 4 personnes sur 10 ont identifié ces 4 contacts non-contaminants. Et une personne sur deux pense qu’on peut être contaminé en donnant du sang en Belgique.
Concernant les moyens de protection
L’enquête proposait cinq moyens de protection, deux moyens inefficaces (choisir des partenaires qui paraissent en bonne santé et, par ailleurs, se retirer avant l’éjaculation) et trois moyens efficaces (éviter la pénétration lors des rapports sexuels, utiliser un préservatif lors de chaque rapport avec pénétration, ou encore, n’avoir qu’un seul partenaire sexuel, fidèle et non infecté).
Fait particulièrement inquiétant, une personne sur deux seulement sait que « choisir des partenaires sexuels qui paraissent en bonne santé » ne suffit pas à se protéger contre le VIH ! Et les connaissances relatives à la protection se sont plutôt dégradées ces dernières années: seulement 46% de la population reconnaît correctement les deux moyens inefficaces de protection, contre 59% en 2004 et 55% en 1997.
Par ailleurs, 44 % de la population a reconnu les trois méthodes de protection efficaces proposées. La méthode la plus connue est la fidélité au sein du couple (91% de la population), suivie par l’usage du préservatif (88%). À peine 46% de la population sait qu’éviter la pénétration lors des rapports sexuels protège contre la transmission du VIH.
Concernant le dépistage
Un quart de la population (24%) a déjà effectué un test de dépistage pour le VIH, ce qui est en (légère) augmentation depuis 1997 (21%). Par contre, le pourcentage de personnes testées dans les trois mois précédant l’interview a chuté de 13% à 5%.
Concernant l’attitude à l’égard des personnes séropositives et malades du sida
Les connaissances approximatives sur la maladie et les modes de transmission du virus continuent à générer des comportements discriminatoires . En milieu professionnel, si près de 8 personnes sur 10 désapprouvent le licenciement en raison d’une infection à VIH, le fait de rendre publique la séropositivité d’un collègue sans l’accord de ce dernier est approuvé par près de 4 personnes sur 10.
L’analyse des résultats révèle encore que
-les personnes ayant un niveau de formation plus élevé ont une meilleure connaissance du VIH/sida (transmission et protection) et une attitude plus positive vis-à-vis des personnes séropositives. Elles sont aussi plus nombreuses à avoir effectué un test de dépistage;
-les plus jeunes (15-24 ans) sont les moins bien informés concernant les contacts non-contaminants et les méthodes non-protectrices contre le VIH;
-les personnes de 15 à 44 ans désapprouvent plus que leurs aînés l’attitude discriminatoire et intolérante à l’égard des personnes séropositives en milieu professionnel.
Il ressort de l’enquête que de nombreux efforts doivent encore être fournis pour mieux informer la population, tant au niveau des facteurs de risque de transmission du virus qu’à celui des méthodes de protection. Les moins bien informés sont d’une part, les aînés, d’autre part, les jeunes. C’est particulièrement inquiétant pour les jeunes, qui débutent leur vie sexuelle et ont des partenaires changeants.
Toutefois il importe de renforcer les connaissances relatives au VIH/sida dans la population entière car le manque d’information nourrit les préjugés négatifs et les attitudes discriminatoires à l’égard des personnes infectées. On peut ainsi rappeler qu’une étude menée en Flandre et à Bruxelles par Sensoa (1) – l’équivalent de la Plate-forme prévention sida en Communauté flamande – révèle que de nombreuses personnes séropositives n’osent pas dévoiler leur séropositivité par crainte des discriminations. L’enquête confirme que la population belge est encore loin de se montrer tolérante vis-à-vis des personnes séropositives.
La Plate-forme prévention sida

L’asbl Plate-forme prévention sida a été créée en 2000 avec pour mission d’assurer en Fédération Wallonie-Bruxelles le soutien à la concertation des acteurs de la prévention des IST/sida dans le cadre de la mise sur pied des campagnes de prévention du sida et des autres infections sexuellement transmissibles à l’attention du grand public et des jeunes en particulier. La Plate-forme est aussi chargée de la réalisation complète de ces programmes.
Au-delà de la conception participative des campagnes de sensibilisation, la Plate-forme va sur le terrain, tout au long de l’année, afin de sensibiliser le public. À ce titre, chaque année, elle organise une série d’actions menées dans le cadre de la Journée Mondiale de Lutte contre le Sida du 1er décembre, qui constitue un moment privilégié pour sensibiliser le grand public à cette question, pour fournir toute l’information indispensable à la prévention et à la lutte contre l’exclusion et pour encourager la solidarité à l’égard des personnes séropositives ou souffrant de la maladie.
Par ailleurs, la Plate-forme orchestre aussi diverses campagnes financées par la Fédération Wallonie-Bruxelles et menées en concertation avec le secteur de la prévention des IST/sida et de la promotion de la santé. Tout en visant le grand public, et les jeunes en particulier, ces actions veillent également à intégrer des publics particulièrement vulnérables.
Les principes d’action

Maintenir le sida à l’ordre du jour au sein du public général et des jeunes en particulier . Cela se traduit, notamment, par la mise en place d’une campagne d’été au mois de juin, destinée essentiellement aux jeunes, et d’une série d’actions à l’occasion de la Journée Mondiale de Lutte contre le Sida.
Promouvoir la solidarité à l’égard des personnes séropositives et malades . Il s’agit de promouvoir dans la population un esprit de solidarité et des attitudes non discriminatoires à l’égard de ces personnes. Aujourd’hui encore, il se trouve des gens qui refusent, par exemple, de travailler ou d’étudier avec un séropositif…
Lutter contre la stigmatisation et la discrimination à l’égard des publics spécifiques . Le maintien d’une préoccupation commune à l’égard du sida et des risques de contamination permet aussi d’invalider l’idée présente dans la population générale selon laquelle le sida ne toucherait plus aujourd’hui que des groupes spécifiques (usagers de drogue, homosexuels masculins, personnes prostituées, migrants).
Adopter une vision positive de la sexualité dans la communication à propos du sida . Cette communication vise à prendre en compte tant les aspects relationnels que les modalités techniques de la protection, en intégrant les différentes composantes de la vulnérabilité.
Les axes de travail

Axe de communication / promotion
Cet axe permet de promouvoir les nouveaux projets mis en place par la Plate-forme, notamment le projet de campagne de l’été et celui du 1er décembre. Il permet également d’assurer un «bruit de fond» relatif à la prévention du sida dans la population générale.
Axe de mobilisation des relais / actions de terrain
Cet axe est développé dans le cadre de la décentralisation des expositions, dans l’organisation de la Journée Mondiale du Sida, l’organisation d’animations en milieu festif et dans la réalisation d’animations dans le milieu scolaire et autres lieux de vie.
La décentralisation des expositions est l’occasion de mobiliser des relais du secteur de la promotion de la santé (CLPS, associations locales de lutte contre le sida) avec lesquels un partenariat privilégié est conclu. Des relais politiques locaux sont également mobilisés (villes, communes, provinces) afin que les politiques locaux apportent un soutien au projet Cette mobilisation de divers secteurs permet d’encadrer la décentralisation de l’exposition par l’organisation d’événements en lien avec le projet (animations dans les écoles, réorientation vers les plannings, etc.).
À l’occasion du 1er décembre , une mobilisation des relais en Fédération Wallonie Bruxelles est organisée. Dans le cadre des actions de sensibilisation dans les transports en commun, la Plate-forme prévention sida va à la rencontre de la population. Le soutien des relais politiques locaux est également sollicité. Depuis quelques années, le soutien des dix-neuf communes de la Région de Bruxelles-Capitale est également sollicité.
Durant les mois d’été principalement, la Plate-forme va à la rencontre des jeunes pour les sensibiliser à l’utilisation du préservatif et aux modes de prévention des IST via ses outils interactifs et ludiques.
La mobilisation des relais est également mise en œuvre dans le cadre des demandes d’animations formulées par les acteurs du milieu scolaire. D’autres milieux de vie (groupes de quartier, centres d’accompagnements…) sont également sensibilisés.
Axe de participation des publics cibles
Pour les projets destinés aux jeunes dans le cadre de la campagne «été», un groupe de jeunes est constitué en début de projet. Il est invité à remettre des avis sur les productions de chaque étape du projet. Au terme du travail, une réunion d’évaluation est organisée avec le groupe de jeunes.
Pour les actions en milieu festif, des jeunes formés à la prévention vont sensibiliser d’autres jeunes via les festivals et autres soirées.
Axe de conception , de mise à disposition d’outils et d’accompagnement à leur utilisation
Une analyse des besoins des acteurs partenaires de la Plate-forme en matière d’outils didactiques est réalisée en continu. Cette analyse des besoins a encore été améliorée par le développement de l’axe de concertation dans le cadre des «stratégies concertées».
En fonction des besoins formulés par les acteurs de terrain et des possibilités budgétaires, des outils sont réalisés en associant ces acteurs dans le cadre de groupes de travail constitués spécifiquement pour chaque projet. Les acteurs sont associés aux différentes étapes de conception des outils et pour la diffusion.
Les outils produits jusqu’à présent sont de plusieurs types: brochures d’information pour les jeunes relatives aux sida et aux IST; support ludique pour les actions d’été et les distributions de préservatif; brochures d’information destinées aux personnes séropositives; outils produits en lien avec les expositions (livres, DVD, etc.).
En collaboration avec les CLPS, des formations à l’utilisation des outils IST/sida sont proposées aux intervenants santé et jeunes de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Axe de concertation
La concertation est assurée de manière transversale à tous les projets. Des groupes de travail ad hoc, constitués des divers partenaires actifs dans le secteur de la prévention du sida et plus largement de la promotion de la santé, sont mis sur pied pour chaque projet et se réunissent régulièrement pour accompagner les différentes phases de la réalisation du projet. Les membres du groupe sont également sollicités pour planifier la diffusion des supports de communication ainsi que pour le recueil de données qui serviront à l’évaluation.
Par ailleurs, la Plate-forme participe activement au processus des «stratégies concertées du secteur de la prévention du sida et des IST en Fédération Wallonie-Bruxelles».

Dans les prochains numéros, nous développerons les chiffres du sida en Belgique et les tendances actuelles de la lutte contre le sida dans le monde. Nous présenterons également les avancées récentes en termes de traitements, sans oublier, sur le plan de la prévention, la nouvelle exposition de la Plate-forme ‘Cartes sur table’. Nous reviendrons aussi sur la lecture par le secteur ‘prévention sida/IST’ du projet de réforme des compétences ‘santé’ en Fédération Wallonie-Bruxelles.
(1) «Les connaissances relatives à la transmission du virus du sida», Belgique 2008- Edith Hesse, Institut Scientifique de Santé Publique
(2) SENSOA , feiten & Cijfers: Leven met HIV, 2005