Juin 2014 Par Coalition nationale Contre le Tabac Initiatives

Six raisons d’accroître sensiblement l’impôt sur le tabac

Ce 31 mai, le thème de la Journée Mondiale Sans Tabac porte sur la taxation des produits du tabac. En Belgique, en 2013, le chiffre d’affaires du tabac à rouler a atteint un niveau record.

Dans notre pays, une cigarette roulée revient jusqu’à quatre fois moins cher qu’une cigarette manufacturée. En conséquence au cours de ces dernières années, les fumeurs, notamment les jeunes fumeurs, sont le plus souvent passés au tabac à rouler. Ainsi, en 2013, on recensait 850.000 fumeurs de tabac à rouler contre ‘seulement’ 500.000 en 2012. Pourtant, le tabac à rouler est également très dangereux pour la santé même s’il est moins réglementé que les autres cigarettes.

Le Fonds des Affections Respiratoires (FARES) et l’Observatoire de la Santé du Hainaut demandent au gouvernement belge de prendre 3 mesures de santé publique dans sa lutte contre le tabagisme actif et passif.

D’abord l’augmentation des accises spécifiques sur les cigarettes et le tabac à rouler, à savoir en 2014 une augmentation du prix du tabac à rouler à raison d’un euro en une fois et une augmentation du prix des cigarettes à raison de 50 euro cent en une fois. Au cours de la prochaine législature, doubler le prix du tabac à rouler et augmenter le prix des cigarettes de 50%. Il est très important que l’augmentation des prix soit réalisée en une seule fois et non par paliers. Par ailleurs, continuer à étendre l’augmentation sur plusieurs années ancre l’effet plus fortement.

Ensuite, dès le début 2015 la présence obligatoire d’illustrations accompagnant les avertissements sanitaires et la mention Tabacstop sur les emballages du tabac à rouler.

Enfin, qu’une partie des recettes liées à l’augmentation des accises soit consacrée à une aide au sevrage gratuite pour les populations de fumeurs les plus vulnérables.

Six bonnes raisons d’accroître sensiblement les accises sur le tabac

Moins de jeunes commenceront à fumer.
Un prix élevé du tabac est la meilleure mesure visant à décourager le tabagisme des jeunes d’autant que ceux-ci y sont très sensibles du fait qu’ils disposent de peu de revenus. À New York, où le prix du tabac est très élevé, le pourcentage de jeunes fumeurs a diminué de 20 à 12% entre 2003 et 2011.

C’est une très bonne mesure de santé publique.
Une augmentation sensible des accises sur le tabac est la mesure la plus efficace pour réduire la consommation de tabac. Cette proposition est d’ailleurs soutenue par l’Organisation mondiale de la santé et la Banque mondiale.

C’est favorable au budget de l’État.
En effet, la demande pour un produit addictif tel que les cigarettes et les autres produits du tabac est relativement peu élastique. Les ventes devraient donc bien diminuer mais sans diminuer les rentrées fiscales dans la même proportion. Au contraire, le gouvernement va voir ses recettes légèrement augmenter d’autant qu’il est généralement admis qu’une augmentation du tabac à raison de 10% ne provoque en général que 4% de diminution de la consommation. Ceci constitue donc encore une rentrée supplémentaire pour le trésor public.

L’augmentation du prix du tabac a principalement un fort impact sur les groupes à faibles revenus.
Il ressort d’enquêtes sur le tabagisme menées en 2013 que le tabac à rouler est bien plus fumé par les personnes des classes sociales les moins aisées. Les personnes à faibles revenus fument plus, commencent plus tôt, sont fortement dépendantes et éprouvent plus de difficultés à arrêter de fumer. De même, ces groupes sont plus difficiles à atteindre avec les autres mesures de prévention du tabagisme. Du fait que le tabac sera moins abordable, ils fumeront moins et/ou ils arrêteront de fumer ou encore le passage de l’expérimentation à une consommation régulière de tabac sera beaucoup moins facile (1).

L’augmentation des taxes peut contribuer à aider les fumeurs les plus vulnérables à arrêter de fumer.
L’usage du tabac est fréquemment inversement proportionnel à leurs revenus comme le fait de grandir et de vivre dans un environnement fumeur. Pour le tabac à rouler, ce facteur joue encore plus. Nous devons donc aussi soutenir ces fumeurs après une augmentation des prix. C’est pourquoi, nous demandons aux autorités qu’un accompagnement professionnel à l’arrêt du tabagisme et qu’un soutien pharmacologique soient accessibles gratuitement pour les fumeurs des groupes les plus vulnérables et notamment pour les bénéficiaires de l’intervention majorée (BIM) des soins de santé.

L’augmentation des taxes bénéficie du soutien de la population.
L’augmentation des accises sur les produits du tabac constitue une des rares hausses d’impôts pouvant compter sur le soutien de la population. En effet, d’après une enquête menée en 2013 à la demande de la Fondation Contre le Cancer, 57% des Belges sont partisans d’une hausse de prix de 50 cents.

Que doit-on changer dans le système de taxation actuel ?

Les producteurs de cigarettes peuvent vendre leurs produits moins cher en Belgique. En effet, dans notre pays, la part des accises spécifiques (montant fixe par produit du tabac) est très faible au profit des accises minimales ad valorem (un pourcentage du prix de vente). De par cette faible part des accises spécifiques, les marques ‘bon marché’ permettent au fumeur de passer à chaque augmentation à une marque encore moins chère.

Par ailleurs, les taxes sur le tabac à rouler sont beaucoup plus faibles que sur les cigarettes ordinaires. Cela signifie que le tabac à rouler est beaucoup moins cher que les cigarettes manufacturées. Dans notre pays, le tabac à rouler est 50% moins cher qu’aux Pays-Bas, plus de 100% moins cher qu’en France et plus de 200% moins cher qu’en Grande-Bretagne !

En Belgique, le chiffre d’affaires des ventes du tabac à rouler a atteint un niveau record en 2013 avec 10.111 tonnes soit 22,4% de plus qu’en 2012 (8.262 tonnes) et 34,8% de plus qu’en 2011 (7.500 tonnes). Il s’agit du chiffre le plus élevé jamais enregistré dans notre pays.

L’impact d’une éventuelle hausse des taxes du tabac sur la santé publique ne réduit qu’en partie l’accès à des alternatives ‘bon marché’. Suite à la faible imposition du tabac à rouler, un fumeur s’orientera plus volontiers vers du tabac à rouler plutôt que d’envisager d’arrêter de fumer.

La proportion des droits d’accises devrait être augmentée au profit des droits d’accises ad valorem , ce qui réduit significativement la différence de prix entre les différentes marques de cigarettes. Les accises spécifiques entre le tabac à rouler et les cigarettes doivent être réduites.

(1) Nous publierons prochainement une interview de Patrick Peretti-Watel , auteur récemment de ‘La cigarette du pauvre’, qui nuance cette affirmation…