Janvier 2009 Initiatives

Dans les pays occidentaux, les inégalités en matière de santé s’accentuent aux dépens des populations socialement défavorisées. La Mutualité chrétienne a souhaité objectiver ce constat, non pas sur base d’un échantillon mais bien de façon systématique. L’étude qu’elle vient de finaliser mesure les inégalités sur base de données objectives, à l’échelle d’une population de 4,5 millions de personnes affiliées. Elle confirme l’existence d’inégalités prononcées.

Par rapport aux individus socialement les plus favorisés, la Mutualité chrétienne a ainsi par exemple observé que les individus appartenant à la classe sociale la plus défavorisée ont un risque de mortalité accru de 45 % et 24 % de ‘chance’ en moins de décéder à domicile. Ils ont également deux fois plus de risques d’être admis en hôpital psychiatrique ou dans le service (neuro)psychiatrique d’un hôpital général.

La méthodologie

L’observation d’inégalités sociales en matière de santé implique la mise en relation d’indicateurs de santé avec une échelle sociale. Les données mutualistes ne contiennent pas de diagnostics en tant que tels, ni de données sur les revenus ou le niveau d’études des affiliés. L’étude se base donc sur les données de facturation ainsi que sur les statistiques fiscales de la Direction générale Statistique et Information économique du SPF Economie (ex-Institut National de Statistique).

Pour les indicateurs relatifs à la santé , l’organisme assureur s’est basé sur les données administratives et les prestations de soins de santé remboursées par l’assurance maladie-invalidité. A l’aide de cette source, la Mutualité chrétienne peut faire état de divers événements liés à la santé: être admis à l’hôpital, avoir consommé tels types de soins ou de médicaments, décéder, être en incapacité de travail, etc. La fréquence de ces événements est mesurée à l’aide d’indices standardisés, ce qui neutralise les différences éventuelles d’âge, de sexe, de région entre les classes sociales.

La construction d’une échelle sociale passe par l’emploi de statistiques fiscales afférentes aux secteurs statistiques (unité géographique de la taille d’un quartier, soit environ 20.000 unités en Belgique). Connaissant l’adresse de résidence de ses membres, la Mutualité chrétienne a construit une échelle sociale de cinq classes de secteurs statistiques, par ordre croissant de valeur des revenus fiscaux qui y sont déclarés (en suivant la médiane par secteur statistique). Les limites de ces cinq classes ont été établies de sorte qu’elles correspondent à la répartition en quintiles de la population belge ayant déclaré des revenus.

La plus-value de la méthode suivie réside dans le fait qu’elle est systématique (elle couvre les 4,5 millions de membres) et qu’elle porte sur des données réelles enregistrées et contrôlées dans le cadre de l’assurance maladie (données administratives et de consommation de soins de santé). Par ailleurs, elle peut se répéter chaque année. Ce sont des avantages importants par rapport aux enquêtes de santé menées sur base d’échantillons, tous les trois à quatre ans et portant sur les déclarations des répondants.

Toutes les données traitées sont relatives à l’année 2006 et à la cohorte des membres de la Mutualité chrétienne au cours de cette période.

Les principaux résultats

Le tableau ci-après reprend les résultats les plus frappants de l’étude.

Risques de (pour 2006)

Indice standardisé*
classe la plus faible (1)
Indice standardisé*
classe la plus élevée (2)
Ratio (1)/(2)
Décéder 121,0 83,4 1,45
Décéder à domicile 82,9 109,6 0,76
Etre en incapacité de travail (au moins 30 jours) 124,7 80,6 1,55
Devenir invalide 132,8 80 1,66
Etre admis en hôpital psychiatrique ou dans le service (neuro) psychiatrique d’un hôpital général 158,5 72,4 2,19
Bénéficier de soins dentaires préventifs 72,4 113,6 0,64
Se voir facturer un forfait pour soins urgents 143,4 87,5 1,64

* A comparer avec l’indice 100 qui donne la moyenne pour l’ensemble de la population étudiée.

Les recommandations de la Mutualité chrétienne

Tous les résultats concordent: à mesure que l’on descend le long de l’échelle sociale, on voit les indicateurs de santé se dégrader. Il est clair que les causes de ce phénomène dépassent de loin le domaine de l’accès et de la qualité des soins de santé. Ces causes sont aussi bien de nature structurelle que culturelle. Parmi les facteurs structurels, on compte les conditions de travail (plus lourdes, malsaines, peu gratifiantes), le logement (espace, salubrité), l’environnement (sécurité, pollution) et la qualité du tissu social. Les facteurs culturels concernent les attitudes et pratiques en matière de prévention, d’alimentation et de comportement sains.
De telles inégalités ne constituent pas une fatalité. Elles témoignent d’une véritable injustice sociale et doivent mobiliser l’attention de tous les acteurs. L’égalité en matière d’accès à la santé doit être un objectif commun. Nous ne pourrons réduire les inégalités que si nous agissons de façon concertée et sur l’ensemble des déterminants sociaux de la santé: emploi, revenus, logement, éducation, environnement.

Les champs d’action pour les acteurs du système de santé sont nombreux. Pour les mutualités, ils se situent au niveau de la prévention et la promotion de la santé, de la diffusion d’informations ciblées, de l’optimisation des droits, de l’aide sociale et des efforts soutenus pour favoriser l’accessibilité aux soins de santé.

La Mutualité chrétienne a ainsi lancé plusieurs projets de recherche-action pour augmenter la qualité de son service et de sa communication envers les groupes défavorisés. De leur côté, les médecins et les autres prestataires de soins (surtout ceux de première ligne) peuvent également agir en étant à l’écoute des difficultés sociales de leurs patients, par une pratique et une prescription adaptée (conseils et soins préventifs, médicaments génériques, dossier médical global, renforcement de l’usage du tiers-payant…).

Les résultats complets de l’étude sont téléchargeables sur http://www.mc.be . Nous publierons le mois prochain un article détaillé sur ces résultats.