Mars 2010 Par P. JONCKHEER Initiatives

En 2008, une enquête a été effectuée auprès des médecins généralistes en Communauté française pour estimer leur appréciation du programme organisé de dépistage du cancer du sein. Trois objectifs sous-tendaient cette action:
-répondre à la demande des médecins généralistes d’être entendus sur le programme;
-répercuter les messages des généralistes aux responsables du programme;
-participer au maintien de l’intérêt des omnipraticiens pour le programme.
Pour réaliser cette enquête, un questionnaire a été élaboré par le Comité Médecins traitants pour le dépistage du cancer du sein (1). Il a été transmis aux médecins par plusieurs canaux: site web de la Société scientifique de médecine générale, courriel et courrier au responsable de chaque cercle, courrier électronique aux 2880 médecins de la liste de distribution de la SSMG.

Quels sont les commentaires des médecins généralistes ?

Un total de 136 médecins généralistes a répondu à l’enquête. Une majorité d’entre eux disent connaître moyennement bien le programme organisé de dépistage. Ils sont 4% à avouer ne pas le connaître et 29% à considérer le connaître très bien.
Les points positifs du programme relevés par les répondants sont principalement la double lecture, la gratuité, l’invitation systématique par une lettre et le fait que les unités de radiographie soient soumises à un contrôle technique. En moyenne, il y a 4,6 points positifs par répondant. Deux médecins ajoutent que le programme recrute des femmes qui ne se seraient pas fait dépister autrement.
Concernant les points négatifs du programme, le plus fréquemment évoqué est le délai de transmission des résultats. Il est cité par près de la moitié des répondants. Il est suivi par le fait que les clichés négatifs ne sont pas transmis systématiquement au médecin référent. Viennent ensuite un doute sur la fiabilité du mammotest seul, le discours contraire des spécialistes de la région et la présence non obligatoire du radiologue pendant l’examen. Il faut noter qu’à Bruxelles, le point négatif qui remporte le plus de suffrage concerne le délai pour obtenir un rendez-vous. Il y a en moyenne 3,3 points négatifs par répondant, donc moins de points négatifs que de points positifs.
Plusieurs répondants ont ajouté des points négatifs supplémentaires: le rôle du généraliste limité à celui de «facteur»; des résultats faussement positifs pouvant être source de panique chez les femmes (d’autant qu’il faut un délai pour un bilan complet); des radiologues pas toujours promoteurs du mammotest; le fait que seules les femmes intéressées par leur santé se rendent au dépistage; une interférence avec le propre programme de sensibilisation de certains médecins; le manque de transmission des résultats par voie électronique sécurisée.
À la fin du questionnaire, il était demandé aux médecins généralistes de donner une cote sur 10 au programme. La moyenne obtenue est de 6,3/10, et peu de médecins donnent une cote inférieure à 5/10.
Enfin, des commentaires ont été ajoutés par 29% des répondants. On y retrouve des suggestions pour améliorer le programme: remettre le généraliste au centre du programme; fournir de solides arguments scientifiques; favoriser la transmission électronique des résultats; centraliser tous les examens effectués; fournir un vrai protocole descriptif des résultats; associer une campagne médiatique au travail des généralistes; convaincre les gynécologues; promouvoir la présence systématique d’un radiologue car cela pourrait accélérer la prise en charge en cas de clichés positifs ou douteux; envoyer une lettre à la patiente en cas de mammotest positif demandant de prendre contact avec le médecin référent ou directement avec le centre de mammotest; donner l’accès au code mammotest aux sénologues cliniciens…

Qu’en disent les responsables du programme en Communauté française ?

Le Centre communautaire de référence pour le dépistage a pris connaissance des résultats de cette enquête. Certains points négatifs relevés ont déjà été suivis d’actions. La création du centre unique de 2e lecture a ainsi permis la réduction du délai de transmission des résultats puisque le résultat du mammotest est directement adressé au médecin référent (sans transit par le radiologue). Le passage aux clichés numériques diminue aussi de manière significative le délai de transmission des résultats. De plus, cela permet l’archivage d’une copie de tous les mammotests réalisés. L’envoi des résultats par voie électronique sécurisée vers les dossiers informatiques des médecins est également en cours d’élaboration (il est déjà en place pour le cancer colorectal).
Remettre le médecin généraliste au coeur du programme n’est pas simple. Le discours parfois peu favorable au programme émanant des spécialistes, qu’ils soient gynécologues ou radiologues, semble avoir une influence majeure sur l’opinion des médecins généralistes.
L’envoi par l’INAMI d’un feed-back reprenant le pourcentage de femmes de la patientèle ayant eu un mammotest et/ou un autre examen des seins devrait permettre d’amorcer une réflexion sur les pratiques de chacun puisque ce feed-back est également envoyé aux gynécologues et aux radiologues.
Enfin, communiquer vis-à-vis des médecins mais aussi vis-à-vis des femmes est impératif. Il faut des arguments scientifiques mais aussi des informations sur les points négatifs du programme organisé pour ne pas être pris au dépourvu.
Dr Pascale Jonckheer , Société Scientifique de Médecine Générale (SSMG)

(1) Ce Comité est constitué de P. Jonckheer, E. Baijot, G. Beuken, P. Delvoye, A. Gillet, Y. Gueuning, J. Laperche, A-M. Moreau, M. Provost et B. Vercruysse.