Novembre 2015 Par A.-M. DIEU Initiatives

Quels groupes pour quels jeunes?

En 2013, l’Observatoire de l’Enfance, de la Jeunesse et de l’Aide à la Jeunesse a lancé une enquête quantitative de grande envergure auprès de 1.500 jeunes pour connaître les pratiques d’affiliation des jeunes dans les quatre premières années du secondaireNote bas de page.

Une enquête représentative

Les affiliations des jeunes adolescents sont en effet peu étudiées, les enquêtes s’axant souvent sur la tranche d’âge supérieure. Pourtant, l’entrée dans l’adolescence est une période clé où le jeune prend peu à peu son autonomie et rejoint des groupes sans passer par l’intermédiaire de ses parents. Nous avons fait le pari que nous avions beaucoup à apprendre en interrogeant des jeunes de cet âge. Nous n’avons pas été déçus: cette enquête est une véritable mine de données passionnantes et fiables sur les pratiques d’affiliation des jeunes de 12 à 16 ans en Fédération Wallonie-Bruxelles.Elle se divise en deux volets :

  • le premier nous renseigne sur le profil des jeunes interrogés et leurs réalités de vie. Compte tenu de la rigueur scientifique avec laquelle l’échantillon a été constitué, les données sont extrapolables aux jeunes de la Fédération Wallonie-Bruxelles dans leur ensemble;
  • le second volet porte sur les pratiques d’affiliation des jeunes et leurs effets.

Le volet baromètre

Le premier volet de cette recherche porte notamment sur les compositions familiales. On y apprend que, parmi les 40% de jeunes ayant vécu une séparation familiale, 67% vivent principalement avec leur mère, 18,5% connaissent un hébergement égalitaire et 14,5% vivent principalement avec leur père. 50% des jeunes interrogés déclarent vivre avec au moins deux frères et sœurs au moins une partie du temps, ceci en raison des recompositions familiales.Les pratiques de loisirs ont également été analysées. Les résultats révèlent par exemple que 60% des garçons et 40% des filles pratiquent une activité sportive de manière régulière (au moins une fois par semaine), que 98% ont accès à un ordinateur et à une connexion internet à domicile. Ils révèlent également que 30% des jeunes ne partent pas une semaine complète en vacances par an.D’autres questions portent sur la mobilité des jeunes, les langues parlées à la maison, le parcours scolaire, etc.Une série de questions traitent également de l’attitude des jeunes vis-à-vis de l’engagement et des valeurs sociétales. On y découvre que les jeunes dans leur majorité jugent positivement l’engagement bénévole, que le niveau socio-économique n’influence pas les attitudes vis-à-vis de ces questions, et que les filles sont proportionnellement plus nombreuses que les garçons à afficher un point de vue positif sur l’engagement.

Le volet affiliation

Le deuxième volet de la recherche porte sur les affiliations des jeunes proprement dites. Il s’est agi d’investiguer des questions telles que le type de groupes, formelsNote bas de page ou informels que les jeunes rejoignent à partir de 12 ans, les canaux et motivations de leurs affiliations, les activités développées dans ces groupes, les apports éventuels de ces groupes en matière d’estime de soi, de connaissance de soi, des autres et du monde, les obstacles aux affiliations des jeunes, etc.

Un support affectif primordial

Une question portait sur le groupe d’affiliation le plus important aux yeux des jeunes interrogés. L’enquête met en lumière que pour 38% d’entre eux, il s’agit du groupe d’amis avec lesquels ils et elles pratiquent une activité sportive et que pour 27%, c’est le groupe d’amis qu’ils et elles retrouvent juste «pour être ensemble» ou «faire des activités diverses» (ces chiffres montent à 50 % si on prend en considération les deux groupes de prédilection des jeunes).Quand on les interroge sur leurs motivations à fréquenter un groupe, les jeunes mettent souvent en avant l’écoute, le soutien, la possibilité de «tomber les masques» et d’être soi-même. Les composantes de détente et de plaisir sont également essentielles dans la motivation à rejoindre et rester dans un groupe.Les groupes d’affiliation apparaissent comme très importants pour la sécurisation affective des jeunes et leur construction identitaire. Ce constat nous amène à plaider pour un support à ces affiliations qui peuvent compenser d’éventuelles difficultés dans d’autres domaines (familial ou scolaire notamment).

Les affiliations au regard de l’âge et du genre

Si une grande majorité de jeunes accorde une importance à la dimension relationnelle dans leurs affiliations, ce critère prévaut plus fortement dans les motivations des jeunes filles de 12 à 16 ans à intégrer et/ou évoluer au sein d’un cercle de jeunes. Cette propension est confirmée par leur investissement plus marqué que celui des garçons dans des groupes informels et sans objectif spécifique, dont l’intérêt principal réside dans le fait d’être et d’interagir ensemble. Dans un ordre d’idées assez proche, les adolescentes privilégient plus que les adolescents les groupes de copains/copines visant simplement à sortir, se divertir ou se détendre ensemble.Les garçons quant à eux s’impliquent plus volontiers dans des groupes (formels ou non) constitués autour d’une activité précise, qui peut être la pratique d’une discipline sportive ou artistique, le partage autour de centres d’intérêts communs, ou encore le jeu. Plus que les filles, c’est souvent un mobile ‘consistant’ ou un paramètre déterminé (lieu, activité…) qui les amène à se rassembler avec d’autres jeunes.Le genre de l’adolescent n’influence par contre pas les pratiques affiliatives en termes de quantité ou d’intensité. On retrouve cependant un peu moins de filles que de garçons dans les groupes d’affiliation formels.En ce qui concerne l’âge, on note, entre 12 et 16 ans, un accroissement progressif des implications dans des groupes de pairs. Cet accroissement se traduit par une montée des modalités informelles, souples voire volatiles au niveau des façons d’être ensemble. Si au-delà de l’âge charnière de 12 ans, les affiliations de type formel (club, académie, etc.) tendent à baisser, on ne constate pas de réel délaissement des activités cadrées ou organisées: il s’agit en effet d’une diminution de leur pourcentage relatif dans la totalité des affiliations des jeunes.

Des inégalités d’accès

En ce qui concerne l’accès à des groupes formels deux chiffres clés sont à épingler: 85% des jeunes déclarent avoir fréquenté dans le passé ou fréquenter encore une association sportive ou culturelle et 50% un mouvement de jeunesse. Ils sont respectivement 51% et 20% à fréquenter encore ces groupes au moment de l’enquête.Deux indicateurs retenus dans cette recherche en vue de tester l’influence de la situation économique du jeune sur ses affiliations livrent des tendances qui méritent d’être soulignées. Ces indicateurs sont la présence ou non d’au moins un parent avec emploi dans le foyer du jeune et la possibilité ou non pour l’intéressé de partir au moins une semaine en vacances par an. Voir les tableaux ci-dessous.Tout d’abord, il convient de souligner que les adolescents moins favorisés économiquement ne se démarquent pas significativement des autres quant à la nature des motivations à s’impliquer dans un collectif ou aux ressorts de l’intégration groupale (faire des choses ensemble, s’amuser, etc.). Par contre, il apparait que les jeunes dont le confort matériel est plus faible présentent un profil d’affiliation moins dense. Ce déficit (en intensité et en quantité), par rapport aux adolescents en meilleure situation financière, se manifeste notamment par une présence proportionnellement plus réduite dans des groupes structurés (clubs, académies, etc.).De la même manière, les jeunes de foyers plus vulnérables sont moins nombreux à avoir fréquenté un mouvement de jeunesse (25% contre 50% de l’ensemble).ImageImageIl est également intéressant de souligner qu’une partie de ces jeunes désignent les groupes ‘formels’ comme des groupes qu’ils aimeraient rejoindre sans pouvoir y parvenir en raison d’une série d’obstacles dont le manque de temps, le refus des parents, la mobilité, les aspects financiers, ou encore, le fait de ne pas se sentir à sa place.ImagePar ailleurs, les corrélations dégagées par la partie de l’enquête consacrée aux effets des affiliations tendent à confirmer les impacts positifs des affiliations, notamment formelles, sur les connaissances des jeunes sur leurs droits et la société ainsi que sur leur sentiment de compétence, leur confiance en eux, etc.

L’inégalité d’accès des jeunes aux groupes formels révélée par cette enquête est d’autant plus préoccupante à la lumière de ces résultats.

Pour en savoir plus…

Les résultats de cette recherche sont disponibles sur le site de l’OEJAJ.

Cette enquête a été confiée à SONECOM et a été réalisée par Stéphane Jonlet.

On entend par groupes formels des groupes encadrés (par des adultes ou des jeunes plus âgés), structurés, qui se réunissent régulièrement tels que des clubs sportifs, des centres de jeunes, des organisations de jeunesse, des associations culturelles, etc.