Juin 2012 Par Chantal LEVA Stratégies

Ce texte est le fruit d’une réflexion entamée par le Conseil en octobre 2011. Son objectif est de pointer les éléments fondamentaux qui devraient être pris en compte dans la réforme du dispositif des politiques de santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Cet avis d’initiative soutient les réflexions du Comité de Liaison (1) mis en place par le Conseil à la demande de Madame la Ministre en novembre 2011. Ce Comité de liaison est une délégation du Conseil qui accompagne l’écriture du code de la santé entrepris par la Ministre.

Préalables

Le Conseil soutient l’intérêt d’une réforme du dispositif organisant le secteur de la promotion de la santé et les politiques de santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Dans cette perspective, il insiste sur l’importance de prendre en compte la complexité des leviers de la promotion de la santé et sur l’importance d’avoir une vision systémique, que ce soit en veillant à l’articulation des missions comme à l’articulation des «opérateurs» entre eux.
Il privilégie un processus d’élaboration des politiques à partir d’une approche «bottom up» plutôt que «top down», respectant en cela un des principes de base de la promotion de la santé: la participation des publics et des acteurs à la définition des besoins et à la mise en œuvre des politiques.
Le Conseil souligne la nécessité de mettre sur pied un système de pilotage de la politique de promotion de la santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles afin de mesurer l’impact notamment en termes de réduction des inégalités sociales de santé et d’accès universel aux offres et services de santé et de promotion de la santé. Il a élaboré dans le passé un document déclinant différents aspects nécessaires à la bonne gestion d’une politique de promotion de la santé au bénéfice de tous (Plan directeur pour la construction d’un système d’information sanitaire en Communauté française, février 2003, document du CSPS).
Le Conseil insiste également sur la nécessité d’octroyer des budgets à la mesure des bénéfices de santé qui résulteraient d’un redéploiement conséquent des programmes de promotion de la santé.
Introduction

Ce document pointe la nécessité de mener certaines analyses opérationnelles pour pouvoir construire la réforme du dispositif. Le Conseil a ainsi réfléchi autour de trois questions qui fondent la promotion de la santé.
-Quels éléments doivent être clarifiés pour arriver à une plus grande universalité de l’offre en promotion de la santé?
-Comment arriver à une meilleure participation de la société civile à la prise de décision sur les priorités de promotion de la santé? Quels sont le rôle et la place d’un Conseil dans ce processus?
-Quelles analyses devraient être menées pour définir de façon opérationnelle les fonctions d’un organisme de pilotage, de telle manière qu’il apporte une réelle plus-value quant à la performance du dispositif de promotion de la santé?
Le texte qui suit développe ces questions et avance certains éléments de réponse.
Quels éléments doivent être clarifiés pour arriver à une plus grande universalité de l’offre en promotion de la santé?

Le Conseil suggère de considérer l’universalité des services en promotion de la santé en prenant en compte le rôle réel et potentiel des différents échelons d’action: au niveau local, intermédiaire et central.
Dans le dispositif actuel, il n’existe pas d’obligation d’offrir un service universel minimum de promotion de la santé à l’ensemble de la population. Or il s’agit d’un enjeu capital si on souhaite avoir un impact sur la santé de la population (2). Dans cette perspective, pour déboucher sur une universalité et une non-discrimination dans les interventions, il s’agit de prendre en compte les populations à besoins spécifiques, compte tenu des différences et des vulnérabilités psychiques, mentales, physiques (sensorielles et motrices), sociales, culturelles et de genre.
Un véritable service universel, non-discriminant, nécessite de prendre en compte la mise en place d’actions positives pour établir une égalité des chances pour les populations présentant des vulnérabilités.
La question qui se pose est le comment de la mise en place de tels dispositifs et avec quels moyens. C’est au niveau local et au niveau des communautés de vie que ces interventions sont les plus efficaces. Comment mettre en place un système qui garantisse, dans tous les milieux de vie et pour toutes les populations, ce service minimum de promotion de la santé? Cette question de l’universalité se pose également au niveau d’autres institutions/services… comme par exemple les écoles, les crèches, les communes, la PSE…
Actuellement, on constate que l’offre en matière de promotion de la santé est très variable et hétérogène en fonction des territoires et des populations concernées. Comment améliorer et renforcer par un soutien et une expertise l’action au niveau local? Et comment s’assurer que ce niveau intermédiaire de soutien bénéficie d’une certaine permanence?
Le Conseil suggère de mettre à profit dans cette réflexion l’expérience des services agréés et des Centres locaux de promotion de la santé ainsi que des acteurs et organismes relais intervenant sur l’une ou l’autre thématique ou pour l’une ou l’autre population.
Quel rôle pourrait donc jouer un organisme central pour stimuler les actions de terrain? Quelle sera la chaîne d’intervention qui permettra de favoriser un aller-retour entre le niveau local et le niveau central en prenant en compte les populations les plus vulnérables et les plus discriminées en matière de bien-être et de santé?
Un défi à relever est de donner une meilleure visibilité, plus de clarté et plus d’identité, pour les autres intervenants locaux, de ce que signifie «promouvoir la santé». Comment dès lors, le secteur concerné peut-il davantage développer un plaidoyer en faveur de la promotion de la santé à l’instar de ce qui se fait en matière de cohésion sociale ou de développement durable où beaucoup d’initiatives sont prises au niveau local?
Notons que la publication et la diffusion par le Collectif des acteurs de promotion de la santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles d’un plaidoyer intitulé ‘ La santé partout et par tous ! Pour une politique exigeante’ (3) est un pas dans cette direction, témoignant d’une organisation croissante du secteur pour faire connaître ses principes d’action et pour encourager des démarches intersectorielles aux différents niveaux d’action politique et citoyenne. Dans le même ordre d’idées, on peut citer la publication du Comité de concertation des CLPS ‘ La promotion de la santé , vous connaissez ? ’ .
Une meilleure compréhension des moyens d’action et des priorités d’une politique de promotion de la santé pourrait jouer en faveur d’une plus grande universalité de l’offre et des services en promotion de la santé. Cela nécessite des moyens sans devoir sacrifier d’autres priorités. Actuellement, les ressources disponibles pour le secteur ne permettent pas de rencontrer cet objectif d’universalité. Comment s’assurer que les ressources soient suffisantes afin d’offrir un service de qualité en promotion de la santé où que l’on se trouve en Fédération Wallonie-Bruxelles et quelles que soient les caractéristiques des populations?
Comment arriver à une meilleure participation de la société civile à la prise de décision sur les priorités de promotion de la santé? Quels sont le rôle et la place d’un Conseil dans ce processus ?
Dans un souci de cohérence avec la démarche participative que revendiquent les acteurs en promotion de la santé, le Conseil est particulièrement soucieux des mécanismes qui seraient mis en place pour que ces décisions concernant les priorités en promotion de la santé ne soient pas uniquement portées par les professionnels du secteur. Il s’agit dès lors de s’interroger sur les modes de participation de la société civile en veillant à la représentativité de celle-ci: quels sont les porte-paroles de la société civile, s’agit-il de groupes de citoyens organisés, d’associations, d’élus…?
Un défi de la politique de santé – et du dispositif qui la soutient – serait de concevoir et de mettre en œuvre des processus pour encourager l’expression et la prise en compte de la parole des citoyens, y compris les citoyens ayant des besoins et des attentes spécifiques dus à des vulnérabilités. Et cela tant pour définir les situations à améliorer, les besoins de changement, que pour faire émerger les propositions d’action visant le bien de tous et la santé collective.
Le Conseil souligne l’intérêt de rendre davantage visible la part de l’expression collective dans la prise de décision. Il avance une série d’hypothèses sur ce qui pourrait favoriser la prise en compte des publics et encourager leur participation.
1. Une plus grande visibilité de leur impact sur les décisions pourrait favoriser la participation collective à d’autres concertations. La valorisation des savoirs profanes serait dès lors un facteur de participation.
2. L’éducation de tout un chacun à l’écoute et à l’expression pourrait également contribuer à encourager cette participation. Favoriser le lien entre éducation permanente et promotion de la santé serait soutenant pour amener la société civile à participer aux prises de décision.
Le Conseil s’interroge sur les moyens à mettre en œuvre pour qu’une méthode participative se retrouve à tous les niveaux de pouvoir. Une attention particulière devrait être portée à l’implication des professionnels «hors secteur» dans cette démarche et plus particulièrement ceux qui sont en contact avec des populations fragilisées comme par exemple: les enseignants, le personnel des crèches, des CPAS, des écoles de devoirs, des AMO, des plaines de jeux, etc.; mais aussi dans des lieux de vie tels que les lieux de travail.
Pour soutenir la participation des publics, des lieux et des acteurs existent – ou sont encore à créer – qui pourraient encourager des méthodes d’expression avec des canaux d’échange et de communication. En ce sens, la multiplication des lieux collectifs et le soutien à ces acteurs qui font remonter la parole des gens, sont essentiels. Localement, les communes pourraient fonctionner également comme des lieux d’expression privilégiés pour faire remonter la parole des citoyens.
En ce qui concerne les décisions sur les priorités politiques et d’action en promotion de la santé, le Conseil se questionne sur le rôle qu’il pourrait jouer pour consolider le processus de participation dans la prise de décision.
Le Conseil pourrait-il être l’instance permettant de récolter la parole et de rendre compte des décisions prises?
Le Conseil veut veiller au respect du principe fondamental évoqué du «bottom up» afin que les différents secteurs et les différentes populations puissent participer aux définitions des politiques d’action et aux dispositifs de décision.

Quelles analyses devraient être menées pour définir de façon opérationnelle les fonctions d’un organisme de pilotage, de telle manière qu’il apporte une réelle plus-value quant à la performance du dispositif de promotion de la santé ?

Depuis des années, des praticiens pointent les difficultés et proposent des solutions mais les moyens manquent. Le Conseil estime qu’une démarche de planification structurelle est certes nécessaire mais il considère qu’il manque une analyse approfondie des besoins afin d’estimer en quoi et comment un nouvel organisme opérationnel pourrait y répondre. L’analyse de la problématique doit être étoffée et les nécessités d’un pilotage doivent être pointées. Le Conseil souhaiterait qu’une véritable réflexion sur les missions, les modes de décision et la représentativité de cet organisme externe soit menée pour en définir le fonctionnement et les pouvoirs.
Les missions qui ont été citées pour ce nouvel organisme peuvent être réparties en trois catégories: soutien méthodologique, coordination (pilotage, évaluation), action et recherche.
Pour faire avancer la réflexion à ce sujet et envisager l’opérationnalisation d’un nouvel organisme en lien avec les activités des acteurs du secteur de la promotion de la santé, le Conseil tient à partager certaines questions.
-Sur quelles bases seraient définis les missions, fonctions, services, profils du personnel de l’organisme opérationnel?
-Quels seraient les liens organiques entre cet organisme opérationnel et les différents acteurs du secteur?
-Par ailleurs, des questions spécifiques doivent être considérées dans l’opérationnalisation de cet organisme telles que: comment maintenir et développer l’intersectorialité et la transversalité des approches, ainsi que les réseaux existants? Comment assurer sans perte de ressources une transition du système actuel vers le nouveau? Comment éviter les conflits d’intérêt pouvant surgir d’un cumul de missions comme, par exemple, soutenir et évaluer des programmes?
S’il est décidé de créer une nouvelle structure, le Conseil recommande une analyse institutionnelle solide qui réponde à l’ensemble de ces questionnements pour que la réforme prenne en compte la complexité de la promotion de la santé et assure la transversalité entre les secteurs et les différents niveaux de pouvoir.
Avis d’initiative du Conseil supérieur de promotion de la santé du 17 février 2012.
Chantal Leva , Présidente du Conseil supérieur de promotion de la santé
(1) Voir l’article ‘Réforme des dispositifs de santé en Fédération Wallonie-Bruxelles’ , Fadila Laanan, Éducation Santé n° 276, mars 2012, pages 12 et 13.
(2) En atteste la plaquette ‘La réduction des inégalités sociales de santé – Un défi pour la promotion de la santé’, Conseil supérieur de promotion de la santé, avril 2011 (publié en novembre 2011). Document téléchargeable sur la page d’accueil du site http://www.educationsante.be
(3) Ce plaidoyer est paru dans Éducation Santé n° 274, janvier 2012 ( http://www.educationsante.be/es/article.php?id=1444 )