Novembre 2003 Stratégies

L’origine de ce bilan

Le décret du 14 juillet 1997 portant organisation de la promotion de la santé en Communauté française prévoit que ‘ le Gouvernement arrête un programme quinquennal de promotion de la santé , qui définit les lignes de force de la politique de promotion de la santé en Communauté française ainsi que de la politique de médecine préventive envisagée dans ses aspects collectifs ‘(art. 2 § 1er). L’article 4 § 1er du même décret prévoit que ‘ le CSPS ( Conseil supérieur de promotion de la santé )
propose au Gouvernement des axes prioritaires et des stratégies (…) en vue de permettre la préparation du programme quinquennal (….)
donne un avis au gouvernement sur les projets de programme quinquennal (…),
fait rapport au gouvernement sur l’exécution des programmes et plans sus visés (…)’
C’est dans ce cadre qu’en avril 2002, le président du CSPS a demandé aux Services communautaires de promotion de la santé (SCPS) d’effectuer un travail préparatoire à la réflexion du Conseil supérieur quant au prochain programme quinquennal.
Un groupe technique a alors été mis en place, afin de réaliser un bilan du premier programme quinquennal 1998-2002. Ce groupe technique est constitué des quatre SCPS, de la Direction générale de santé et du président du Conseil supérieur.
Le travail de ce groupe technique s’est concrétisé dans la réalisation d’un rapport comprenant quatre parties:
-l’analyse de la répartition des budgets de la santé en Communauté française (1998-2002);
-la répartition des espaces audiovisuels attribués par la Communauté française (1998-2002);
-des tableaux récapitulatifs par priorité, comprenant les dispositifs mis en place, les programmes d’action et de recherche, ainsi que les résultats;
-l’analyse qualitative de la réalisation des priorités.
Ce rapport a été présenté au Conseil supérieur le 28 mars 2003 et approuvé après amendement le 23 mai 2003 avant son envoi à Madame la Ministre Nicole Maréchal . Le CSPS n’a pas souhaité présenter la partie qualitative dans le bilan vu son manque de représentativité (en contraste avec les données budgétaires). Toutefois, les réponses à cette enquête ont enrichi sa réflexion pour préparer les conclusions du bilan et les orientations du futur programme quinquennal.
La confiance que nous ont témoignée plusieurs dizaines d’acteurs en promotion de la santé en participant à l’enquête envoyée par courrier et proposée dans le numéro 175 d’Education Santé (décembre 2002) justifie que l’on présente aussi dans ce numéro les résultats de l’enquête qualitative, en sus d’une synthèse des autres chapitres repris dans le bilan transmis officiellement par le CSPS au Gouvernement.

La démarche: son intérêt, ses limites

La question centrale de ce bilan est d’apprécier dans quelle mesure les priorités fixées au programme quinquennal ont été rencontrées. Cette évaluation devrait idéalement prendre en compte les multiples facettes du dispositif et de la structure de promotion de la santé (services, programmes annuels et pluriannuels, locaux ou communautaires, données budgétaires, initiatives politiques). Elle devrait aussi investiguer les applications du programme quinquennal qui sont mises en place en dehors de cette structure, par les communes, les provinces, d’autres ministères communautaire, régionaux ou fédéraux.
Face à cette finalité, les SCPS ont analysé, avec la Direction générale de la santé, diverses alternatives de travail. Ils ont tenu notamment compte:
-de l’absence de relevé permanent d’indicateurs pour l’ensemble des priorités énoncées dans le Programme quinquennal;
-des données utiles et utilisables pouvant être récoltées;
-de la faisabilité de cette collecte de données dans les limites de temps imparties;
-de l’existence d’engagements pour la période 2003–2008, soit par acceptation de programmes pluriannuels, soit par mise en place de nouveaux textes légaux, soit par accord politique et annonce publique;
-de la nécessité d’une continuité et d’une stabilité d’objectifs généraux pour la mise en place progressive d’une politique de promotion de la santé;
-de la finalité qui est la rédaction d’un texte de programmation qui propose des objectifs opérationnels et mesurables;
-du texte préparatoire de la modification du décret du 14/07/97, soumis pour avis au CSPS.
Ainsi pour aboutir à un premier bilan quinquennal réalisé dans le cadre du décret du 14 juillet 1997, des choix ont dû être réalisés. Ce sont les suivants:
Se centrer sur les priorités thématiques et par population , car elles correspondent à la manière dont les programmes sont décrits dans les documents administratifs et budgétaires. C’est ainsi que 15 ‘priorités’ ont été définies, dont certaines se situent à la rencontre d’un thème et d’un public (population scolaire et promotion de la santé à l’école / populations fragilisées et inégalités sociales de santé).

15 priorités pour le bilan du programme quinquennal 1998-2002

1. Assuétudes

2. Populations fragilisées/Inégalités sociales et santé
3. Population scolaire/Promotion de la santé à l’école
4. Prévention du sida
5. Santé globale ou transversalité par rapport aux thématiques
6. Cancers
7. Politiques locales en santé
8. Problèmes de santé mentale
9. Lutte contre la tuberculose
10. Naissance et enfance
11. Vaccination
12. Promotion de la santé dans le sport et lutte contre le dopage
13. Maladies cardiovasculaires (en ce compris les facteurs de risques tels que l’activité physique, l’alimentation, l’obésité, le tabac)
14. Accidents
15. Maladies métaboliques et congénitales

Cette approche, pour être pragmatique et relativement illustrative, reste insatisfaisante puisque le programme quinquennal identifie aussi des priorités stratégiques (participation, santé communautaire, approche par milieu de vie…) et insiste sur la nécessité de travailler sur la base du concept de santé globale et des déterminants de santé sous-jacents à plusieurs problématiques (inégalités, confiance en soi, etc.).
Pratiquement, on s’est heurté à la difficulté de classer certains programmes qui visaient des facteurs de risques communs à plusieurs thématiques (par exemple ‘tabac’ intervient dans ‘assuétudes’ et ‘cardio-vasculaire’ et parfois aussi dans ‘promotion de la santé à l’école’) ou des interventions centrées sur des approches non thématiques (politiques locales de santé, promotion de la santé à l’école, production et diffusion d’outils…).

Baser les appréciations sur une solide analyse budgétaire .

Les données budgétaires représentaient la seule information disponible de manière exhaustive. Un effort important a été réalisé à cette occasion pour rechercher et analyser l’information en essayant de mettre en regard, et si possible en cohérence, les différentes lignes budgétaires, afin de cerner plus précisément quel a été l’apport du budget santé de la Communauté française pour chacune de ces priorités. Il reste que l’on n’a pas pu évaluer l’apport des SCPS et des programmes pluriannuels des Centres locaux de promotion de la santé (CLPS) dans chacune de ces priorités, car cela aurait nécessité un travail d’analyse des rapports d’activité de ces services disponibles sur les cinq ans. Compléter cette analyse budgétaire par le recueil d’informations qui reflètent le contenu des actions subventionnées et leur donnent un sens , qui reflètent l’évolution des problématiques pour les acteurs concernés ( population ou professionnels ). La solution utilisée d’une rapide enquête d’opinions quant à la rencontre des priorités et aux enjeux pour les prochaines années est fort imparfaite. Elle a surtout été adoptée pour faire exister au sein de ce bilan la parole et l’appréciation des acteurs les plus directement concernés, pour refléter les priorités autrement qu’au travers du filtre assez étroit des dispositifs budgétaires et officiels. Idéalement, l’analyse des rapports d’activité des divers services et programmes devraient fournir des éléments d’appréciation utiles dans ce sens. Les informations qui remonteront des Conférences locales de santé devraient aussi contribuer à cette discussion.

Répartition des budgets de la santé en Communauté française (1998-2002)

Sur les cinq dernières années, le budget annuel moyen de la santé géré par la Communauté française est de 12.940.650,22 euros.

Pour mémoire, en 1998, le budget global est réparti en divers intitulés (postes budgétaires), correspondant à l’ancienne législation, et qui seront reformulés à partir de 1999. Les informations concernant les programmes spécifiques ne sont donc disponibles qu’à partir de 1999. Il se décompose de la manière suivante: 38,7% pour les actions et recherches en promotion de la santé; 35% pour les programmes spécifiques; 17,3% pour les CLPS et SCPS, 9% pour les études et recherches. Depuis 2001, le budget total annuel connaît une hausse liée aux programmes spécifiques de vaccination, au contrôle médico-sportif du dopage et au dépistage du cancer du sein. Le budget ‘études et recherches’ est en diminution constante au cours des cinq dernières années. Parmi les programmes spécifiques, la vaccination vient en tête. Parmi les programmes de promotion de la santé, la prévention du sida et des assuétudes occupe près de la moitié du budget. Le poste suivant est occupé par les ‘approches non centrées sur les facteurs de risques’: ce poste augmente par deux fois sur les 5 ans, la dernière augmentation provenant surtout du développement des politiques locales de santé (Conférences locales, Réseau des mandataires communaux). Le budget des programmes d’actions subventionne pour trois quart des programmes communautaires et pour un quart des programmes locaux. Les programmes pluriannuels sont en progression constante au fil des ans, pour atteindre 58,2% du budget en 2002.

La répartition des espaces audiovisuels attribués par la Communauté française (1998-2002)

Pour rappel, la Communauté française met à disposition des espaces audiovisuels gratuits dans le cadre de l’Arrêté du Gouvernement du 18 janvier 1995 relatif à la diffusion de campagnes d’éducation pour la santé par les organismes de radiodiffusion (modifié par l’arrêté du 17 juillet 1997).
Un équivalent budgétaire de 12.766.045 euros sur 5 ans a été consacré à l’attribution des espaces audiovisuels par la Communauté française. Rappelons que l’attribution des espaces est soumise à l’avis d’une Commission d’avis du CSPS. Cet avis porte sur quatre critères: l’éthique du projet, sa rigueur scientifique, sa cohérence avec les campagnes de promotion de la santé de la Communauté française Wallonie-Bruxelles et l’intelligibilité du message. Les campagnes ayant accès aux espaces gratuits répondent donc à une procédure d’assurance de qualité.
Année par année, les temps de diffusion des campagnes et leurs équivalents budgétaires (c’est-à-dire le coût commercial des espaces utilisés) ont été relevés et regroupés en treize thèmes pour lesquels les équivalents budgétaires sur la période 1998 à 2002 ont été cumulés.
Le tableau qui suit reprend le pourcentage des équivalents budgétaires répartis par thèmes traités. Sida, vaccination et cancer constituent le trio de tête, totalisant plus de 37% des équivalents budgétaires attribués de 1998 à 2002. Le thème “ Petite enfance ” atteint 12,5% si on cumule la prévention de la mort subite du nourrisson et la promotion du Carnet de la mère .

Thèmes

% des équivalents budgétaires
Sida 14,0 %
Vaccination 13,3 %
Cancer du Sein 10,7 %
Mort subite nourrisson 9,5 %
Sécurité 9,3 %
Tabac 6,9 %
Santé mentale 6,5 %
Cardiovasculaire 6,3 %
Don d’organes 6,2 %
Maltraitance 5,7 %
Médicaments 5,7 %
Handicap 3,0 %
Petite enfance 3,0 %

Dans ce tableau, on peut constater que 17,6% des équivalents budgétaires ont été consacrés à des campagnes moins directement centrées sur les priorités énoncées dans le programme quinquennal (don d’organes, maltraitance et médicament).

Les tableaux récapitulatifs par priorité

Ces tableaux avaient pour but d’intégrer l’ensemble des informations disponibles par priorité, afin d’avoir une vision transversale de la manière dont chaque priorité avait été rencontrée et d’en tirer éventuellement des orientations pour le futur programme quinquennal. C’est ainsi qu’on a relevé pour chaque priorité les dispositifs mis en place (décrets, services permanents, observatoires, centres de références, etc.), les tendances générales des programmes d’action ou de recherche subventionnés dans le cadre des budgets ‘Promotion de la santé’ (programmes locaux ou communautaires; pluriannuels ou non; sur appels d’offre ou non; programmes d’action, d’observation ou de recherche, etc.). Pour compléter ces tableaux, on a aussi recherché quels engagements budgétaires avaient déjà été pris pour les années 2003 à 2008.
Cette vision analytique n’est pas développée in extenso dans cet article. Seul le tableau relatif à la priorité ‘Maladies cardiovasculaires’ est présenté à titre d’exemple. Cependant les principaux constats issus de cette analyse intégrée ont été repris dans les conclusions.

L’analyse qualitative de la réalisation des priorités

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En complément des analyses budgétaires diverses, le groupe de travail a souhaité organiser une enquête auprès des professionnels. L’objectif était d’apporter un éclairage qualitatif sur les différentes priorités, de fournir un élément supplémentaire qui enrichirait la réflexion des lecteurs de ce bilan.
Plusieurs stratégies d’enquête ont été envisagées. Le groupe de travail a recherché une formule ouverte: éviter que cette enquête puisse être confondue avec un quelconque contrôle sur les résultats des différents programmes, mais fournir l’opportunité aux personnes de donner leur avis, éclairé par l’expérience développée au sein de projets et programmes, sur l’évolution des problèmes de santé et des stratégies qui ont fait l’objet des priorités du programme quinquennal.
Un questionnaire a été adressé par courrier aux membres du CSPS et à tous les promoteurs de programme qui ont bénéficié d’une subvention dans le cadre des lignes budgétaires ‘promotion de la santé’ pendant trois années consécutives entre 1998 et 2002. Le groupe de travail a voulu élargir cette concertation en offrant l’occasion à tous les intervenants actifs en promotion de la santé de participer à ce bilan. Ce questionnaire a donc également été diffusé dans le numéro 175 (décembre 2002) de la revue Education Santé .
Quarante personnes ont répondu à cette enquête, parmi lesquelles douze membres du CSPS. Toutes ces personnes avaient reçu le questionnaire par envoi postal.
Les répondants ont une moyenne de 15,1 ans d’expérience en éducation et promotion de la santé avec un maximum de 30 ans et un minimum de 3 ans. Les réponses ont fait l’objet d’une analyse de contenu par priorité.
La synthèse de cette analyse proposée ci-dessous doit être examinée avec prudence. En effet, certaines priorités ont été abordées par très peu de répondants et ne reflètent donc qu’un avis partiel de la question. D’autres priorités ont été traitées sous un angle particulier. Ainsi la vaccination ou le cancer, sont principalement commentés en référence à des programmes d’action spécifiques (vaccination contre la méningite, dépistage du cancer du sein). Deux priorités (accidents et maladies métaboliques et congénitales) n’ont fait l’objet d’aucun commentaire

1. Assuétudes, dont le tabac (10 répondants)

Les éléments de satisfaction sont centrés sur l’ouverture enregistrée dans les pratiques de prévention des assuétudes, ouverture à laquelle a contribué l’intégration de cette thématique dans le cadre plus vaste de la promotion de la santé. On relèvera la prise en considération des produits licites (tabac, alcool), l’intégration de la prévention des assuétudes dans une vision positive et globale de la santé, l’approche par réduction des risques, les stratégies intersectorielles et participatives, le développement et la richesse de la concertation et du travail en réseau, les positionnements officiels contre les pratiques sécuritaires et en faveur d’une limitation de l’accès au tabac.
Les éléments d’insatisfaction concernent l’absence d’une politique globale concertée et cohérente, notamment entre les différents niveaux de pouvoir, l’insuffisance des moyens financiers et le mode d’attribution de ceux-ci qui précarisent les intervenants. En ce domaine le mode de programmation fixé par le décret de promotion de la santé semble peu adapté.
Ce sont ces mêmes éléments d’insatisfaction qui rendent la situation actuelle préoccupante: on craint de ne pas avoir assez de poids pour assurer l’approche ‘promotion santé’ ressentie comme positive et progressiste mais minoritaire par rapport notamment à l’approche sécuritaire. Cette crainte se fonde entre autres sur le peu de moyens disponibles concernant une problématique qui est au centre d’intérêts socio-économiques, idéologiques et sociaux divergents.
En conséquence, trois enjeux principaux sont envisagés pour l’avenir:
-consolider l’approche ‘promotion santé’ des assuétudes tant au niveau de la population cible et des acteurs de terrain, qu’au niveau des politiques de santé publique et des différents pouvoirs publics;
-favoriser et élargir la concertation à tous les niveaux (entre les acteurs de terrain, entre acteurs de terrain et pouvoirs publics, entre les différents pouvoirs politiques, etc.) pour favoriser l’adoption d’une approche commune des assuétudes;
-inscrire les programmes assuétudes dans la stabilité (programmes pluriannuels, agrément pour 5 ans, reconnaissance des équipes, adaptation des subventions à l’indexation, etc.).

2. Populations fragilisées / Inégalités sociales et santé (]9 répondants)

De l’avis général, il semble que la sensibilisation des acteurs et professionnels quant au travail avec les publics défavorisés ait augmenté. Parallèlement, on accorde plus d’importance à l’approche communautaire. De manière générale, cette nécessité est mieux reconnue, ‘on en parle’.
Cependant cette priorité ressortit plus d’un discours que d’un réel programme, alors que, de l’avis général, les inégalités de santé augmentent, de même que la précarisation. Ainsi on regrette surtout le manque de politique concertée (notamment avec le secteur des soins), l’absence de spécialistes de santé publique dans le milieu associatif. On relève l’incompatibilité d’une programmation annuelle des projets avec les stratégies privilégiées par le programme quinquennal: le public n’est pas consulté, les professionnels sont peu formés à l’approche complexe de ces populations, et à la communication avec elles, l’approche intersectorielle reste difficile, on consacre peu de moyens à la recherche et à la diffusion d’outils et de méthodes pour le travail de proximité. Par exemple, les initiatives de terrain sont peu connues…
En conséquence les enjeux suivants sont identifiés:
-faire une priorité réelle de la prise en compte des déterminants sociaux des problèmes de santé dans tous les programmes, notamment en favorisant le travail interministériel et en accentuant la coordination des politiques;
-définir le public cible en plusieurs sous-publics et reconnaître la population fragilisée comme acteur prioritaire;
-augmenter la formation des relais du personnel de santé et la production d’outils, créer plus de partenariat;
-faciliter l’accès aux subsides pour les petites associations.

3. Population scolaire / Promotion de la santé à l’école (9 répondants)

L’école reste un milieu privilégié, où se développent de plus en plus fréquemment des programmes sur le long terme et en partenariat. La mise en place de tels programmes bénéficie aussi des moyens mis à disposition par le Ministre de l’Enseignement. Les enseignants sont de plus en plus sensibles aux concepts de santé globale, de santé mentale et de bien-être. Le cadre institué par le programme quinquennal de promotion de la santé et même par le décret PSE sont perçus comme facilitant ces évolutions.
Toutefois on relève un certain manque de pragmatisme de ces directives par rapport aux réalités de terrain qui s’expriment notamment
-par un manque de temps ou de ressources pour faire face aux demandes et aux besoins d’autant plus que l’on assiste à une dégradation de l’environnement scolaire et à une paupérisation de certains milieux;
-par une surcharge administrative;
-par la difficulté de travailler dans la cohérence et de dépasser les cloisonnements entre différents types d’acteurs.
La situation actuelle est perçue comme une étape transitoire dans un processus en plein devenir mais face aux freins relevés ci-dessus, beaucoup s’interrogent sur la possibilité de continuer à s’inscrire dans cette évolution.
Les enjeux relevés sont multiples tant sur le plan des objectifs que des stratégies. Relevons-en les principaux:
-mettre en place les conditions institutionnelles, stratégiques (intersectorielles) et pédagogiques (formation) qui favorisent une appropriation des approches par des acteurs diversifiés, en ce compris les pouvoirs politiques;
-renforcer les liens entre la promotion de la santé à l’école et la promotion de la santé hors école, notamment en favorisant la participation et la collaboration de l’ensemble des acteurs scolaires, mais aussi des autres acteurs qui gravitent autour de l’école;
-inscrire ces approches dans une perspective de santé publique.

4. Prévention du sida (6 répondants)

La réussite de l’intégration de la prévention du sida dans une approche plus globale de promotion de la santé est perçue différemment selon les répondants: certains constatent une avancée en ce sens, d’autres pas. D’un côté, on insiste sur la nécessité de continuer à œuvrer pour intégrer la prévention sida dans l’éducation sexuelle et affective, sur le manque de concertation et de coordination intersectorielle au niveau local. De l’autre, on se réjouit du maintien ou de la création de structures spécifiques à la prévention du sida.
L’insatisfaction est nettement marquée quant à la mise en œuvre du dépistage et les difficultés d’accès à celui-ci. Les préoccupations s’organisent autour de quatre axes: inégalité des subsides octroyés aux organismes de terrain, manque d’outils, diminution de la visibilité, désinvestissement du champ de la prévention…
En conséquence, les enjeux suivants sont soulevés pour les prochaines années:
-favoriser l’émergence de programmes de prévention, avec définition d’objectifs concrets en terme de connaissance et de prévention, dans la population générale et dans les populations à risque;
-améliorer les stratégies d’actions proposées dans le programme quinquennal: renforcer la concertation et l’action intersectorielle, augmenter l’implication des pouvoirs publics locaux, organiser la formation continue des intervenants…
-augmenter les moyens financiers pour des programmes de 5 ans et renforcer les structures existantes.

5. Santé globale ou transversalité par rapport aux thématiques (5 répondants)

Ces réponses se situent plutôt sur le versant négatif. Sont dénoncés: l’excès de médiatisation de certains thèmes entraînant la diminution de la qualité des informations diffusées, le recul du sentiment de bien-être, le manque d’intérêt aussi bien dans le chef des politiques que du public (les parents par exemple) pour la notion de bien-être, la définition de publics cibles trop étriqués, l’absence de définition du concept de santé globale, l’absence de projet collectif des professionnels pour sortir de leur spécialité.
Les enjeux suivants sont donc identifiés:
-définir le concept de santé globale et le rendre opérationnel, notamment en insistant pour que soient formulés à l’intérieur de chaque programme les liens concrets avec d’autres thématiques;
-former les intervenants aux démarches d’assurance de qualité et aux techniques d’approche globale de la santé;
-renforcer les approches qui responsabilisent le citoyen et l’amènent à une réelle prise en charge de sa santé.

6. Cancers

,

dont le cancer du sein (5 répondants)

La mise en place du programme de dépistage du cancer du sein est accueillie comme un réel progrès pour les possibilités qu’il ouvre en matière de concertation et de partenariat aussi bien entre les acteurs qu’entre les divers niveaux du pouvoir politique.
Cependant, on dénonce les difficultés d’opérationalisation et l’ancrage dans une approche qui reste plus curative que préventive. Les objectifs formulés en terme de taux de participation occultent l’importance d’ancrer le programme dans le temps et de l’articuler à une stratégie de prévention globale portant sur les facteurs de risque.
Les enjeux identifiés sont les suivants (qui ne concernent pas que le seul cancer du sein):
-favoriser la participation récurrente de la population concernée aux différents dépistages des cancers féminins;
-accentuer les interventions de promotion de la santé centrées sur les modes de vie sains (notamment alimentation équilibrée et prévention du tabagisme);
-rendre plus cohérents les partenariats entre les différents niveaux de pouvoir;
-continuer à légiférer en matière de prévention du tabagisme.

7. Politiques locales de santé (4 répondants)

La satisfaction porte sur l’émergence d’une implication des communes, une meilleure reconnaissance des acteurs locaux, le passage d’initiatives informelles à des pratiques plus structurées, repérables et évaluables. Cependant le dispositif reste peu visible pour le public.
En conséquence, on insiste sur les enjeux suivants:
-promouvoir des projets santé dans 50% des communes en impliquant des acteurs des champs sociaux et sanitaires;
-organiser la concertation et la formalisation des réseaux;
-définir des objectifs spécifiques pour chaque instance: Etat fédéral, Communauté française, Région wallonne, Provinces, Communes… (notion de ‘contrats d’objectifs’).

8. Problèmes de santé mentale (3 répondants)

L’ouverture du champ de la santé mentale et sa démystification-dédramatisation sont des points de satisfaction. La mise en place de nouvelles thérapeutiques est également enregistrée comme un progrès.
Le coût et les modalités de remboursement des traitements tout comme le mauvais suivi de ceux-ci marquent un bémol par rapport à cette évolution.
La situation actuelle se caractérise par une augmentation des suicides et de la détresse psychologique, ce qui montre le besoin de recréer du lien social. Le besoin pour les patients de mieux connaître leur maladie est aussi identifié.
Les enjeux suivants sont ainsi formulés:
-augmenter l’offre d’écoute et les lieux de paroles;
-développer des projets articulant repères identitaires individuels et collectifs;
-augmenter les ressources pour les professionnels sous forme de financement, de temps, de formation;
-mettre en place des dispositifs de « postvention » en relation avec le suicide, principalement dans les écoles.

9. Lutte contre la tuberculose (3 répondants)

Sont perçus comme positifs l’existence de recommandations, l’application des traitements directement supervisés, le maintien d’une structure et le suivi du dépistage , en particulier auprès des demandeurs d’asile. Le désengagement, la baisse de vigilance et le manque d’information des acteurs sont des éléments d’insatisfaction.
La situation actuelle est préoccupante parce que la lutte contre la tuberculose ne semble pas être traitée comme une priorité alors que l’évolution épidémiologique ne correspond pas aux attentes.
En conséquence les enjeux suivants sont relevés:
-optimaliser la surveillance et l’évaluation du programme (être attentif à limiter la dissémination des bacilles de Koch ainsi que le développement de la résistance aux médicaments anti-tuberculeux);
-renforcer le suivi des populations cibles (déclaration, accès au soin et suivi des traitements, etc. ) et renforcer leur information;
-renforcer le partenariat et définir les compétences de tous les niveaux de pouvoirs par rapport à la problématique.

10. Naissance et enfance (2 répondants)

La satisfaction porte surtout sur la réforme de l’ONE et le décret relatif à l’accueil extra-scolaire. Les insatisfactions mentionnent le caractère non systématique du dépistage suscité à la naissance, l’absence de vision de santé publique et les diverses politisations.
Parmi les enjeux cités, pointons:
-favoriser une meilleure coordination entre le secteur de la petite enfance et la promotion de la santé, notamment développer la promotion de la santé avant la naissance;
-organiser le dépistage systématique suscité en maternité et favoriser les plans d’accueil;
-augmenter les moyens en faveur de la petite enfance (prévoir un statut pour les gardiennes encadrées, proposer un remboursement par l’organisme assureur, etc.);
-professionnaliser les prestataires en augmentant leur compétence en santé publique.

11. Vaccination (2 répondants)

La satisfaction s’exprime quant à la mise à disposition de vaccins gratuits, l’adaptation du calendrier vaccinal aux recommandations internationales, la mise en place d’un partenariat entre le fédéral et la Communauté française, l’organisation de la campagne méningocoque C.
Toutefois, les difficultés de l’opérationalisation des campagnes de vaccination sont mises en avant.
La situation actuelle est estimée en progrès, mais l’enjeu reste l’augmentation de la couverture vaccinale tant des enfants que des adultes. D’autres enjeux sont pointés qui concernent l’intervention des médecins généralistes dans le suivi et l’administration de la vaccination auprès de leur patientèle.

12. Promotion de la santé dans le sport et lutte contre le dopage (2 répondants)

Le phénomène du dopage commence à être mieux connu et il est bon d’avoir légiféré sur le sujet. Cependant on regrette un éclatement des compétences, des politiques et des approches notamment par rapport au champ des assuétudes. On déplore aussi la faible attention portée au grand public en matière de promotion de l’activité physique.
En conséquences, les enjeux suivants sont formulés:
-faire une priorité de la lutte contre la sédentarité et en ce sens développer les pratiques de loisirs plutôt que de clubs;
-organiser une continuité et une cohérence avec le champ de la prévention des assuétudes;
-privilégier la promotion de la santé dans la pratique du sport amateur qui concerne un public plus large que le dopage professionnel.

13. Maladies cardio-vasculaires, en ce compris les facteurs de risque tels que l’activité physique, l’alimentation, l’obésité, le tabagisme (1 répondant)

Si une diminution de la mortalité est mise en évidence, une augmentation des risques est soulignée (sédentarité, alimentation, tabac). La prévention des maladies cardio-vasculaires reste une source d’inégalité et doit donc rester une priorité.
Les enjeux identifiés sont:
-développer le partenariat avec les services de santé et avec les médecins généralistes;
-mieux connaître la distribution des risques dans la population adulte;
-développer l’approche environnementale;
-définir des plans concrets supportés par l’ensemble des autorités publiques.

Synthèse et analyse transversale des résultats

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Sur les cinq dernières années, le budget annuel moyen de la santé géré par la Communauté française est de 12.940.650 €. Il se décompose de la manière suivante: 38,7% pour les actions et recherches en promotion de la santé, 35% pour les programmes spécifiques, 17,3% pour les CLPS et SCPS, 9% pour les études et recherches. Ce budget total annuel connaît une hausse depuis 2001 liée aux programmes de vaccination, au contrôle médico-sportif du dopage et à la mise en place du programme de dépistage du cancer du sein. Le budget ‘études et recherches’ est en diminution constante au cours des cinq dernières années.
Parmi les programmes spécifiques, la vaccination vient en tête avec environ 40% du budget (sauf en 2001, caractérisée par une forte augmentation des dépenses due à la couverture d’un tiers du coût des vaccins ‘méningo’).
Parmi les programmes de promotion de la santé, les thèmes du sida et des toxicomanies reçoivent près de la moitié du budget. Le poste suivant est occupé par les ‘approches non centrées sur les facteurs de risques’: ce poste augmente par deux fois sur les 5 ans, la première fois en 1998 et 1999 (il passe de 12,3% à 20,3%) et la deuxième entre 2001 et 2002. Cette dernière augmentation de 30% (de 22,5% à 29,4%) provient surtout du développement des politiques locales de santé (Conférences locales, Réseau des communes en santé)
Le budget des programmes d’actions subventionne pour trois quart des programmes communautaires et pour un quart des programmes locaux. Les programmes pluriannuels sont en progression constante au fil des ans, pour atteindre 58,2% du budget en 2002.
Un équivalent budgétaire de 12.766.045 €. sur 5 ans a été consacré à l’attribution des espaces audiovisuels par la Communauté française. L’analyse fait ressortir le sida et la vaccination parmi les thèmes les plus couverts; le cancer du sein, la sécurité et la mort subite du nourrisson viennent ensuite.

L’enquête qualitative et l’examen des tableaux présentant une synthèse des informations disponibles par priorité, apportent quelques éclairages complémentaires:
sida et assuétudes bénéficient chacun d’une structure ayant pour mission l’observation. Par ailleurs une Plate-forme assure la coordination des campagnes d’information sur le sida, des coordinations interministérielles existent dans le domaine des toxicomanies;
-les répondants à l’enquête (au nombre de 7) soulignent l’intégration de la problématique du sida dans une approche plus globale de santé mais énoncent leurs préoccupations par rapport à l’organisation du dépistage, l’intégration parmi les acteurs et institutions locales, le manque de matériel didactique… Ils suggèrent d’augmenter le nombre de programmes pluriannuels, d’accentuer la formation des intervenants, de renforcer la concertation et l’action intersectorielle;
-parmi les programmes de prévention en toxicomanie , le tabac et l’alcool totalisent 16% du budget seulement, la prévention du tabagisme bénéficiant en outre de 6,9% des espaces audiovisuels gratuits. Les 20% de répondants à l’enquête qui choisissent la priorité ‘toxicomanie’ insistent sur la progression positive de la ‘philosophie’ des interventions dans le cadre du programme quinquennal (réduction des risques, prise en compte des drogues licites, développement du travail en réseau, approche participative…). Leur inquiétude se focalise sur les discordances des orientations entre les différents niveaux de pouvoirs et la crainte de voir triompher l’approche sécuritaire. Leurs souhaits concernent l’élargissement de la concertation ainsi que la stabilisation des programmes et équipes de prévention;
-les programmes de promotion de la santé à l’école se retrouvent dans d’autres thèmes pour un équivalent d’environ un cinquième du budget des programmes d’actions et de recherche en promotion de la santé. Les thèmes concernés sont l’alimentation, les assuétudes, l’éducation sexuelle et affective et le sida mais aussi ‘plusieurs facteurs de risque et de protection’ et ‘approche non centrée sur les facteurs de risque’. La promotion de la santé à l’école constitue la deuxième priorité la plus choisie dans l’enquête qualitative (20% des répondants). Les répondants notent que l’intérêt des enseignants s’accroît pour les concepts de santé globale de bien-être. La promotion de la santé à l’école est en pleine évolution mais doit continuer à être soutenue pour favoriser le développement de dynamiques sur le long terme. Et ceci d’autant plus que certains établissements voient s’accentuer la dégradation de leur environnement et la paupérisation des élèves;
-moins de un pour cent des programmes d’action subventionnés sont classés dans la priorité ‘ vulnérabilité sociale , population fragilisée ‘. Par contraste, presque un quart des répondants à l’enquête qualitative ont abordé cette priorité en soulignant à la fois une meilleure reconnaissance générale de cette problématique, mais aussi une insuffisance de méthodes et de moyens adaptés, notamment pour soutenir les professionnels qui pourraient réaliser un travail de proximité et pour développer la participation de la population concernée;
-les programmes de prévention cardio vasculaire auxquels sont ajoutés les programmes ‘alimentation’, ‘tabac’ et ‘activité physique’, qui en sont les principaux facteurs de risque, totalisent environ 6% des programmes de promotion de la santé.

Conclusion

Une large part de ces conclusions ont été reprises par le CSPS. Celui-ci a apprécié les efforts déployés par la Direction générale de la santé et les Services communautaires, notamment pour recueillir, classer et traiter les données de type budgétaires dispersées dans plusieurs registres et bases de données.
Le Conseil a toutefois constaté qu’il a été impossible d’aboutir à une véritable évaluation du programme quinquennal 1998-2002, notamment à cause des ressources limitées prévues à cet effet, de la carence de définition d’objectifs opérationnels dans le programme, de l’absence d’un relevé systématisé d’indicateurs.
Il a recommandé au Gouvernement de la Communauté française de proposer un nouveau programme quinquennal basé sur la même approche de promotion de la santé que le précédent, mettant en exergue la qualité des programmes et les stratégies prioritaires de promotion de la santé, mais déclinant des objectifs opérationnels précis permettant la mise en place d’une évaluation véritable.

Groupe de travail DGS-SCPS-CSPS pour le bilan du Programme quinquennal 1998-2002
Composition: Lonfils R., Lebailly D. (DGS), De Bock C. (CSPS), Favresse D., Lonfils C., Piette D. (Unité de Promotion Education Santé ULB-PROMES), Cherbonnier A., Trefois P. (Question Santé), Decacche A., Meremans Ph. (Unité d’éducation pour la santé UCL-RESO), De Coster B., Vandoorne C. (APES-ULG) Les renseignements complémentaires à propos de ce rapport peuvent être obtenus auprès de l’APES-ULG, Sart Tilman B23, 4000 Liège ou auprès de la Direction générale de la santé, Ministère de la Communauté française, Bd Léopold II 44, 1080 Bruxelles.