En 2020, la crise du Covid-19 a renforcĂ©, de maniĂšre plus ou moins importante, le recours aux services numĂ©riques essentiels. L’e-banking est le service en ligne le plus utilisĂ© en Belgique (82%), suivi de l’e-commerce (71%). Le recours Ă  l’e-administration Ă©volue peu (68%) et l’e-santĂ© est peu utilisĂ© (39%). DerriĂšre ces chiffres se cachent d’importances disparitĂ©s, fortement liĂ©es au niveau de revenu et de diplĂŽme, et au degrĂ© d’utilisation d’internet. C’est ce que rĂ©vĂšle une nouvelle Ă©tude sur les services numĂ©riques essentiels, rĂ©alisĂ©e Ă  l’initiative de la Fondation Roi Baudouin.

La numĂ©risation des dĂ©marches quotidiennes a connu un essor inĂ©dit ces derniĂšres annĂ©es, encore renforcĂ©e par la crise du Covid-19. Pour autant, l’accĂšs aux technologies numĂ©riques et aux services en ligne ne conditionnent pas automatiquement leur utilisation effective et autonome. EngagĂ©e dans la lutte contre l’exclusion numĂ©rique, la Fondation Roi Baudouin a demandĂ© Ă  des chercheurs de l’UCLouvain, en collaboration avec la VUB, de se pencher sur les inĂ©galitĂ©s liĂ©es Ă  l’utilisation des services numĂ©riques essentiels. Un service est considĂ©rĂ© comme ‘essentiel’ lorsque sa faible utilisation ou sa non-utilisation est susceptible de gĂ©nĂ©rer des discriminations sur le plan de l’accĂšs aux droits sociaux (e-administration et e-banking), aux soins de santĂ© (e-santĂ©), aux opportunitĂ©s commerciales liĂ©es Ă  la consommation de biens et de services (e-commerce).
L’étude se base sur de nouvelles analyses des donnĂ©es issues de l’enquĂȘte sur l’utilisation des TIC par les mĂ©nages et les individus ĂągĂ©s de 16 Ă  74 ans (Eurostat – Statbel), couvrant la pĂ©riode de janvier Ă  septembre 2020.

Progression de l’équipement numĂ©rique

En 2020, 91% des mĂ©nages belges disposent d’une connexion internet Ă  domicile. L’accĂšs Ă  internet a connu une forte progression au sein des mĂ©nages avec un faible niveau de revenu (81% en 2020, contre 71% en 2019). Toutefois, ce n’est pas parce qu’on a accĂšs Ă  internet, qu’on est en mesure d’utiliser pleinement son potentiel : prĂšs d’un internaute sur cinq (17%) n’utilise internet que de maniĂšre limitĂ©e (c-Ă -d entre une et six utilisations diffĂ©rentes d’internet au cours des trois derniers mois). Ce chiffre grimpe Ă  31% pour les personnes avec un faible niveau de revenu, 28% pour les personnes ĂągĂ©es et 26% pour les personnes avec un faible niveau de diplĂŽme.

Inégalités face à la numérisation des services essentiels

7% de la population belge n’utilisent pas internet. Parmi les utilisateurs d’internet, le recours aux services numĂ©riques essentiels a Ă©voluĂ© de maniĂšre plus ou moins importante en 2020, avec des disparitĂ©s importantes en fonction du profil des internautes et de leur degrĂ© d’utilisation d’internet. Bien que des disparitĂ©s persistent entre les RĂ©gions en faveur de la Flandre, l’utilisation des services essentiels progresse dans la RĂ©gion de Bruxelles-Capitale et en Wallonie.

L’utilisation de l’e-banking a connu une forte progression dans la RĂ©gion de Bruxelles-Capitale (+12%). Il s’agit du service numĂ©rique essentiel le plus utilisĂ© en Belgique : en 2020, plus de huit internautes sur dix (82%) effectuent des transactions bancaires en ligne. Le recours Ă  l’e-commerce a Ă©galement bien progressĂ© (+11%) et ce, dans toutes les RĂ©gions. Plus de sept internautes sur dix (71%) effectuent des achats ou des ventes en ligne. L’utilisation de l’e-banking et de l’e-commerce diminue avec le niveau de diplĂŽme et de revenu. De mĂȘme, les personnes qui utilisent internet de maniĂšre limitĂ©e ont Ă©galement beaucoup moins recours Ă  ces services en ligne.

L’évolution de l’e-administration est plus limitĂ©e (+4%) et ce, dans les trois RĂ©gions. Ces derniĂšres annĂ©es, les progrĂšs de la Belgique sur le plan de l’utilisation des services publics en ligne restent trĂšs mitigĂ©s voire mĂȘme, ralentissent. Si 68% des internautes effectuent des dĂ©marches administratives en ligne, ce chiffre varie fortement en fonction du niveau de diplĂŽme : 43% des internautes faiblement diplĂŽmĂ©s y recourent, contre 83% des internautes hautement diplĂŽmĂ©s. Et pour cause : les dĂ©marches administratives en ligne exigent une maĂźtrise correcte de l’écrit. De mĂȘme, 71% des jeunes utilisent peu ou n’utilisent pas internet pour effectuer leurs dĂ©marches administratives. Le niveau d’éducation est une fois de plus dĂ©terminant.

L’utilisation de l’e-santĂ© a elle aussi peu Ă©voluĂ© (+5%). Comme pour les autres services numĂ©riques essentiels, des inĂ©galitĂ©s persistent dans l’accĂšs Ă  l’e-santĂ©. 60% des internautes n’utilisent pas les services de santĂ© en ligne. À noter : la pĂ©riode couverte par l’étude ne rĂ©fĂšre pas aux pratiques numĂ©riques imposĂ©es par la crise du Covid-19 (ex. : tests, vaccins, Covid Safe Ticket). Il est probable qu’elles entraĂźneront une augmentation de l’utilisation de l’e-santĂ© et de l’e-administration, mais le manque d’accĂšs et de compĂ©tences des personnes Ă©loignĂ©es du numĂ©rique risque Ă©galement d’entraver leur utilisation. Le BaromĂštre de l’inclusion numĂ©rique 2022 apportera un Ă©clairage sur ces questions.

Bénéfices limités

« Pour de nombreuses personnes, la ‘simplification administrative’ par le biais de la numĂ©risation ne rime pas nĂ©cessairement avec une simplification des dĂ©marches. C’est pourtant l’un des arguments les plus rĂ©guliĂšrement avancĂ©s pour justifier l’ampleur et la rapiditĂ© des processus de dĂ©matĂ©rialisation », affirme PĂ©rine Brotcorne, auteure de l’étude. Seul un internaute sur trois ayant un faible niveau de diplĂŽme (32%) ou de revenu (29%) estime que l’utilisation d’internet lui permet de traiter des questions administratives plus facilement. Ce chiffre tombe Ă  24% pour les personnes qui ont une utilisation limitĂ©e d’internet.

Les rĂ©sultats de l’étude sur les services numĂ©riques en ligne doivent servir de repĂšres Ă  l’ensemble des acteurs concernĂ©s, pour ne laisser aucun citoyen au bord du chemin. Veiller Ă  la facilitĂ© d’utilisation des services numĂ©riques est essentiel. Tout comme le fait de continuer Ă  garantir d’autres formes d’accessibilitĂ© de ces services.

Le projet « Community Health Workers” – repris sous l’appellation “CHW” – est un vaste projet en santĂ© communautaire dĂ©marrĂ© en mars 2021. Le projet a Ă©tĂ© conçu initialement pour favoriser l’adoption des gestes barriĂšres et faciliter l’accĂšs Ă  de l’information correcte. Il rĂ©pond Ă  un besoin prĂ©existant et plus profond d’amĂ©liorer l’accĂšs aux soins et Ă  la santĂ© des personnes les plus prĂ©carisĂ©es qui, paradoxalement, en sont les plus Ă©loignĂ©es mais qui en ont le plus besoin. Les barriĂšres de l’accĂšs aux soins et Ă  la santĂ© ont Ă©tĂ© cruellement renforcĂ©es par la crise sanitaire et les intempĂ©ries qui ont touchĂ© la Belgique au cours de l’étĂ©.

homeless beggar with young woman listening to his story

Qu’on les appelle « agents de santĂ© communautaire » Ă  Bruxelles, « community health workers » en Flandre ou « facilitateur.trices en santĂ© en Wallonie, ces travailleur.euses ont pour mission d’aller Ă  la rencontre de ces publics, dans leurs lieux de vie, et de les accompagner dans une dĂ©marche d’amĂ©lioration de l’accĂšs aux soins et Ă  la santĂ©.

Origine du projet

Le constat n’est pas nouveau et le phĂ©nomĂšne est tristement familier. Le non-recours aux droits dans le domaine de la santĂ©1 et les barriĂšres dans l’accĂšs aux soins de santĂ© sont des problĂšmes connus, Ă©tudiĂ©s et documentĂ©s. Il en est de mĂȘme pour les leviers et les diffĂ©rentes approches recommandĂ©es. Ces difficultĂ©s se situent Ă  diffĂ©rents niveaux, de maniĂšre structurelle, sociĂ©tale et pas seulement individuelle. Il existe une corrĂ©lation entre le niveau de santĂ© (et de bien-ĂȘtre) d’une population et le niveau socio-Ă©conomique, d’éducation des personnes
 et d’autres dĂ©terminants de la santĂ©. La pandĂ©mie de Covid-19 n’a fait que renforcer ces problĂ©matiques.

C’est dans ce contexte de lutte contre la pandĂ©mie que le Cabinet du Ministre fĂ©dĂ©ral de la santĂ©, Franck Vandenbroucke, a lancĂ© le projet pilote des « Community Health Workers ». La mise en Ɠuvre de ce projet a ainsi Ă©tĂ© confiĂ©e au CollĂšge Intermutualiste National2, et la coordination au niveau fĂ©dĂ©ral et de la Wallonie a Ă©tĂ© attribuĂ©e Ă  la MutualitĂ© chrĂ©tienne (MC). En effet, ce projet est au cƓur des missions des mutualitĂ©s.

Le financement recouvre l’engagement d’environ 50 ETP, rĂ©partis sur le territoire de la maniĂšre suivante : 12 ETP Ă  Bruxelles, 17 ETP en Wallonie et 21 ETP en Flandre (ainsi que les frais de coordination et de mise en Ɠuvre). Il couvre la pĂ©riode allant de mars Ă  dĂ©cembre 2021.

Dans le cadre de la lutte contre le Covid-19, les mutualitĂ©s se regroupent pour mettre en place des projets :

  • Les agents de tracing
  • Les Community Health Workers
  • Les agents de prĂ©vention (Ă  Bruxelles)

Ces projets sont distincts et fonctionnent avec des enveloppes budgétaires séparées, mais se gÚrent en étroite collaboration entre les mutualités.

« Les projets intermutualistes, pour certains trĂšs opĂ©rationnels comme celui-ci, sont une partie de l’avenir des mutualitĂ©s. Nous montrons aux citoyens et aux politiques que nous sommes chacun des acteurs forts et incontournables, mais aussi qu’ensemble, nous pouvons monter des projets solides, d’envergure, avec une visĂ©e et une vision partagĂ©e. Je pense qu’on a tout intĂ©rĂȘt Ă  ce qu’on nous confie des missions comme celle des CHW. Il y a bien sĂ»r toute une sĂ©rie d’autres acteurs qui mĂšnent des projets de santĂ© communautaire mais en tant que mutualitĂ©, nous avons notre place dans ce genre de projet et c’est tout Ă  fait lĂ©gitime au regard de nos missions. » (Julien Demonceau, coordinateur MC)

DĂ©veloppement du projet en Wallonie

En Wallonie, le CollĂšge Intermutualiste National a choisi dĂšs le dĂ©part de conclure une convention de partenariat avec le RĂ©seau Wallon de Lutte Contre la PauvretĂ© (RWLP). « Le RWLP est un partenaire essentiel du projet, par sa connaissance du terrain, son rĂ©seau et son travail au sein du comitĂ© de pilotage fĂ©dĂ©ral. Sa comprĂ©hension de la rĂ©alitĂ© vĂ©cue sur le terrain par les gens qui subissent l’appauvrissement, la pauvretĂ© et la pauvretĂ© durable, ainsi que le choix des zones Ă  couvrir en prioritĂ©, son implication dans le recrutement et l’accompagnement des facilitateur.trices sont des facteurs prĂ©cieux qui contribuent Ă  la rĂ©ussite de ce projet. », nous confie Julien Demonceau (MC), coordinateur du projet CHW sur l’ensemble de la RĂ©gion Wallonne. « Au dĂ©part, les mutualitĂ©s se sont tournĂ©es vers nous avec des questions trĂšs concrĂštes concernant le travail avec les personnes qui subissent la pauvretĂ© durable et notre connaissance du rĂ©seau actif. Ce n’est pas le public habituel des mutualitĂ©s car ces personnes n’y ont pas accĂšs ou n’y ont pas nĂ©cessairement recours », appuie Antoine Dujardin, en charge de suivre ce partenariat au RWLP. L’autre partenaire du projet est la FĂ©dĂ©ration des Maisons mĂ©dicales. Ces deux associations sont Ă  la fois membres du ComitĂ© de pilotage fĂ©dĂ©ral et wallon du projet. Sur le terrain, par exemple, l’équipe prend systĂ©matiquement contact avec les maisons mĂ©dicales de chaque zone.

DĂ©limitation des zones et ciblage des quartiers

La premiĂšre Ă©tape du projet, Ă  l’échelle fĂ©dĂ©rale, a Ă©tĂ© de dĂ©limiter les zones et les quartiers d’intervention. Sur le papier, le projet s’adresse aux habitant.es des communes et des quartiers les plus prĂ©carisĂ©s. Mais si on s’en tenait Ă  un classement des communes et quartiers en fonction du niveau de revenu moyen par habitant, tous les moyens auraient Ă©tĂ© allouĂ©s Ă  Bruxelles et en Wallonie. Pour Ă©quilibrer la rĂ©partition des moyens, d’autres critĂšres dĂ©mographiques ont Ă©tĂ© ajoutĂ©s dans la balance.

Les rĂ©gions ont ensuite eu la main sur le choix des zones Ă  couvrir, chacune dĂ©veloppant sa propre stratĂ©gie. Par exemple, en Flandre, le choix a Ă©tĂ© de se concentrer sur les 5 grandes zones urbaines (Anvers, Ostende, Tirlemont, Genk et Gand), tandis qu’à Bruxelles, les agents de santĂ© communautaire se sont rĂ©partis sur plusieurs zones dans 6 communes.

En Wallonie, « en se tenant uniquement au classement des quartiers avec les revenus les plus faibles par habitant, les moyens risquaient d’ĂȘtre trĂšs dispersĂ©s, avec certains lieux trĂšs Ă©loignĂ©s les uns des autres, constate Julien Demonceau. Or « stratĂ©giquement, il fallait aussi dĂ©montrer avec cette mission-pilote que le travail en santĂ© communautaire a une rĂ©elle plus-value. Donc, il fallait essayer de concentrer l’action de maniĂšre plus consĂ©quente dans des zones plus restreintes. ». 3 zones ont finalement Ă©tĂ© retenues, et des communes au sein de ces zones ont Ă©tĂ© ciblĂ©es : Charleroi – ChĂątelet, LiĂšge et Verviers-Dison (oĂč opĂšrent respectivement 7, 7 et 3 facilitateur.trices), ainsi qu’un facilitateur en rĂ©gion germanophone, dans la commune de la Calamine et certains quartiers d’Eupen.

Des pair-aidant.es issus des quartiers d’intervention

Le recrutement des facilitateur.trices en santĂ© constituait la deuxiĂšme Ă©tape. Il a d’emblĂ©e Ă©tĂ© convenu avec le RWLP d’engager des pair-aidant.es, c’est-Ă -dire des personnes ayant une situation socio-Ă©conomique Ă©quivalente (ou la plus proche possible) Ă  celle du public-cible et issues de ces quartiers. « L’intĂ©rĂȘt d’avoir despersonnes aux conditions socio-Ă©conomiques Ă©quivalentes est qu’elles ont un parcours de vie et ont rencontrĂ© des difficultĂ©s similaires, et peuvent donc se comprendre, dĂ©velopper un lien, une Ă©coute, un accompagnement d’autant plus soutenant et bien accueilli. L’approche territoriale est un autre facteur trĂšs important. Les facilitateur.trices ont une connaissance du tissu social, relationnel, des lieux de vie et du moment de la journĂ©e oĂč ces lieux sont animĂ©s. Ces compĂ©tences et connaissances peuvent aussi s’acquĂ©rir au fur et Ă  mesure sur le terrain, en allant Ă  la rencontre des personnes. J’ai par exemple accompagnĂ© Annas lors d’une maraude Ă  Verviers. C’est surprenant de voir qu’il est saluĂ© dans toutes les rues que nous avons traversĂ©es, il est constamment accostĂ© par les gens du quartier, le lien se tisse tellement plus rapidement » nous raconte Antoine Dujardin.

Un autre souhait Ă©tait de composer une Ă©quipe avec des bagages complĂ©mentaires pour crĂ©er un large Ă©ventail de connaissances et de compĂ©tences, avec une attention particuliĂšre pour l’équilibre de genre, l’accĂšs Ă  certaines communautĂ©s et une diversitĂ© de langues parlĂ©es. « Le RWLP, en lançant un appel Ă  leurs rĂ©seaux associatifs, nous a renseignĂ© des personnes candidates. On a travaillĂ© au recrutement avec des expert.es du vĂ©cu», complĂšte Julien Demonceau.

 Accompagnement et formation

Au moment du lancement de la mission, toute l’équipe a reçu une formation sur l’accĂšs aux soins, le fonctionnement et le rĂŽle de la sĂ©curitĂ© sociale, l’utilisation des outils, la pair-aidance (le statut, le fonctionnement
), la pauvretĂ© (ses origines, ses causes et consĂ©quences), etc. GrĂące aux intervisions et en fonction des besoins qui ont Ă©mergĂ© au fur et Ă  mesure, d’autres formations se sont ajoutĂ©es au parcours, comme par exemple les questions liĂ©es au secret professionnel avec l’aide du ComitĂ© de Vigilance en Travail Social.

Pour encadrer et soutenir le travail des facilitateur.trices, des coachs sont en charge des diffĂ©rentes zones couvertes. Ces derniers sont issus principalement des secteurs social et de la promotion de la santĂ©, certain.es d’ailleurs issu.es du secteur mutuelliste. Ces coachs peuvent se rĂ©fĂ©rer Ă  un comitĂ© de pilotage opĂ©rationnel (composĂ© de collaborateurs de la MC et de Solidaris). Ils sont les repĂšres directs des facilitateur.trices et sont prĂ©sents pour permettre Ă  ces dernier.Ăšres de dĂ©poser leur vĂ©cu.

Une des missions confiĂ©es au RWLP (via Antoine Dujardin) est l’organisation d’intervisions rĂ©guliĂšres, entre les Ă©quipes et les diffĂ©rentes zones, grĂące Ă  son expertise et son regard externe. Ces intervisions sont avant tout un espace de parole pour permettre aux facilitateur.trices d’apprĂ©hender les situations difficiles auxquelles ils.elles sont confrontĂ©es. Elles permettent Ă©galement de travailler la posture des travailleur.euses et trouver la juste proximité  (« ne pas devenir une Ă©ponge Ă©motionnelle », « éviter le syndrome du sauveur », par exemple).

Introduire la mission auprĂšs des partenaires

L’équipe de coordination a Ă©galement veillĂ© Ă  un dernier aspect essentiel avant de dĂ©marrer le projet :  l’introduction de la mission et des collĂšgues auprĂšs des partenaires locaux et des acteurs de terrain. Julien Demonceau explique : « C’est particulier de ‘dĂ©barquer’ ainsi, il faut veiller Ă  ce que les acteurs dĂ©jĂ  en place ne nous voient pas comme des concurrents. Nous sommes vigilants Ă  nous positionner comme complĂ©mentaires Ă  leurs actions. En outre, le projet CHW est un projet fĂ©dĂ©ral qui bĂ©nĂ©ficie de moyens consĂ©quents, dans un horizon de temps relativement court (ndlr : du moins, au moment du dĂ©marrage), face Ă  des acteurs ne disposant pas toujours de moyens suffisants pour rĂ©aliser leurs missions. Une fois encore, la collaboration avec le RWLP s’est rĂ©vĂ©lĂ©e prĂ©cieuse pour introduire la mission, ouvrir certaines portes et clarifier notre action. » Plus de 125 partenaires locaux ont ainsi Ă©tĂ© contactĂ©s en amont du lancement de la mission.

Concrùtement, l’accompagnement des facilitateurs sur le terrain c’est


(Re)tisser un lien de confiance avant tout

« Nous l’avions identifiĂ© dĂšs le dĂ©part mais le travail sur le terrain le confirme : il n’y a jamais une seule barriĂšre Ă  lever pour garantir l’accĂšs aux soins et favoriser la santĂ© des personnes. La majoritĂ© des situations rencontrĂ©es concerne des problĂ©matiques multi-domaines, qui dĂ©passent la question de l’accĂšs aux soins de santĂ© au sens strict du terme Â», commence par souligner Julien Demonceau. « La mission repose sur un processus long, qui se base avant tout sur le tissage de la confiance. Â»

Antoine Dujardin appuie ces propos : les personnes auxquelles s’adressent les facilitateur.trices « sont dans la dĂ©brouille, dans le ‘trop peu de tout’, et ce souvent depuis des annĂ©es. Avant tout, l’objectif est de (re)crĂ©er un lien de confiance avec ces personnes qui peuvent avoir de la mĂ©fiance ou de la dĂ©fiance envers l’Etat, le service public ou les politiques parce que ça fait des annĂ©es qu’elles n’ont pas eu droit Ă  un logement, Ă  la mobilitĂ©, Ă  un travail dĂ©cent, Ă  ĂȘtre un citoyen reconnu ‘symboliquement’
 Ces droits sont tous liĂ©s dans un ensemble et se rĂ©pondent, se renforcent. »

« La mĂ©fiance ou la dĂ©fiance envers les mesures et la vaccination est plus grande chez les personnes qui ont des annĂ©es de non-recours aux droits, au-delĂ  mĂȘme de la santĂ©, et qui ne sont pas rattachĂ©es Ă  un.e mĂ©decin gĂ©nĂ©raliste ou une maison mĂ©dicale. Elle est un symptĂŽme de la fracture entre l’Etat, la classe politique et leur vĂ©cu. Les inondations ont creusĂ© le fossĂ©, les personnes sinistrĂ©es se sont senties complĂštement abandonnĂ©es par les services publics et les politiques. »

Antoine Dujardin, RWLP

Accompagner

Les facilitateur.trices n’ont pas d’impĂ©ratif de rĂ©sultat direct dans leur travail. Un.e facilitateur.trice peut ĂȘtre accostĂ©.e dans la rue et discuter avec une personne sans que cela ne donne lieu nĂ©cessairement Ă  une intervention. Au fil d’une rencontre, un besoin peut ĂȘtre exprimĂ©. Le.la facilitateur.trice part par exemple d’une problĂ©matique de logement ou de mobilitĂ© pour – Ă©tape par Ă©tape, et Ă  l’image d’un entonnoir – arriver progressivement Ă  travailler sur l’accĂšs aux soins de santĂ©, si la personne le souhaite.

Le.la facilitateur.trice en santĂ© joue le rĂŽle de personne-pivot pour amener une personne vers une structure, ou lancer une dĂ©marche favorable Ă  sa santĂ© et son bien-ĂȘtre, par exemple. Il.elle propose, accompagne, oriente mais ne fait pas « à la place de ». L’accompagnement peut ĂȘtre plus ou moins long, mais en ligne de mire l’objectif est que les personnes puissent prendre en charge elles-mĂȘmes leur santĂ© et leur accĂšs aux soins. DĂ©limiter l’action de chaque accompagnement est un Ă©quilibre Ă  trouver, qui se construit au fur et Ă  mesure et qui est spĂ©cifique Ă  chaque situation rencontrĂ©e.

Un travail de longue haleine

Tout ce travail de rencontre et de lien Ă  tisser avec les personnes peut prendre du temps, d’autant qu’il est souvent alourdi par des procĂ©dures administratives longues et ardues pour dĂ©bloquer ou faire avancer la situation de ces personnes.

Christine Geron et Dorothée Mardaga, coachs sur les zones de Verviers-Dison et LiÚge, nous racontent les personnes et les situations rencontrées sur le terrain.

« Les situations sont trĂšs diverses et variables, et dĂ©pendent aussi du profil de chaque facilitateur.trice. Par exemple, un des facilitateurs de Verviers accompagne beaucoup de personnes de la communautĂ© arabophone car il parle l’arabe. Il fait par ailleurs face Ă  beaucoup de dĂ©marches administratives concernant l’aide mĂ©dicale urgente3, ce qui est moins le cas de deux autres facilitatrices de cette zone, qui assurent une permanence rĂ©guliĂšre dans les locaux de la Croix-Rouge oĂč elles sont davantage en contact avec des personnes sous influence de substances diverses. Certain.es fonctionnent mieux seul.es, d’autres prĂ©fĂšrent travailler en binĂŽme. Que l’on soit un homme ou une femme amĂšne aussi Ă  rencontrer des personnes aux profils diffĂ©rents. (
) A LiĂšge, par exemple, beaucoup de demandes d’accompagnement concernaient la vaccination au dĂ©but. La fracture numĂ©rique, le labyrinthe administratif, la mobilitĂ© sont des freins que l’on rencontre frĂ©quemment. (
).

On se trouve aussi face Ă  la difficultĂ© de travailler sur des besoins urgents, des problĂšmes qui ne peuvent pas ou plus attendre
 Si on ne rĂ©agit pas trĂšs vite, on risque de perdre le lien avec la personne. (
) Une fois le problĂšme urgent rĂ©solu, on peut se retrouver face Ă  une montagne de problĂšmes sur le dos des personnes. Ce n’est pas forcĂ©ment toujours vĂ©cu partout de la mĂȘme façon, notamment parce que le projet pilote est dĂ©limitĂ© dans le temps : certains essayent plutĂŽt de dĂ©bloquer une situation Ă  un moment X pour que les personnes puissent ensuite avancer d’elles-mĂȘmes. Et parfois on ne saurait faire l’impasse sur un travail de longue haleine et un accompagnement qui prend de l’envergure au fur et Ă  mesure qu’on lĂšve des barriĂšres. Voici une situation rapportĂ©e par une facilitatrice : il s’agit d’un couple de personnes d’origine Ă©trangĂšre. La dame est en ordre au niveau de ses papiers et est enceinte actuellement. Le monsieur a introduit une demande de rĂ©gularisation mais fait face Ă  des soucis de santĂ©. La facilitatrice qui les suit est confrontĂ©e Ă  un ensemble de problĂ©matiques qui impactent ce couple. (
)

Avec les partenaires

« A LiĂšge, nous raconte DorothĂ©e Mardaga, coach sur cette zone, nous avons Ă©tabli une belle collaboration avec l’association Smi’le4, qui rĂ©alise un travail de santĂ© communautaire auprĂšs des personnes vivant en rue. Au dĂ©part, nous leur avions demandĂ© de venir nous former aux maraudes et Ă  l’approche des personnes vivant en rue, parfois sous l’influence de psychotropes. Une collaboration toute naturelle s’est construite par rapport aux personnes que ces infirmiĂšres suivaient Ă  partir du moment oĂč celles-ci retrouvent un logement. Les facilitateur.trices reprennent l’accompagnement pour les questions ayant trait Ă  la santĂ©. »

Les inondations

Un Ă©vĂšnement a fortement impactĂ© la mission au cours de l’été : les inondations consĂ©cutives aux intempĂ©ries ont rudement touchĂ© certains quartiers dans lesquels opĂšrent les facilitateur.trices. Du jour au lendemain et pendant plusieurs semaines, leur travail a Ă©tĂ© centrĂ© sur l’aide d’urgence aux personnes les plus dĂ©munies et souvent les plus impactĂ©es. A Verviers, l’association Psy-Infi-Vesdre les a contactĂ©.es pour Ă©tablir les besoins psycho-sociaux des personnes sinistrĂ©es. Par duo, ils.elles ont fait du porte-Ă -porte. Preuve s’il en faut que leur expertise, leur connaissance pointue du territoire et leurs contacts sont reconnus sur le terrain. Ils permettent ainsi d’identifier et d’agir plus rapidement envers les personnes qui en ont le plus besoin, qui n’iraient peut-ĂȘtre pas chercher de l’aide ou ne se mettraient pas en dĂ©marche dans ce sens.

Si au dĂ©part les problĂ©matiques avaient trait Ă  la santĂ© mentale, au trauma vĂ©cu, etc., des problĂšmes de santĂ© physique sont aussi arrivĂ©s dans les demandes, comme les maladies respiratoires liĂ©es aux champignons, Ă  l’humiditĂ© et Ă  l’insalubritĂ©. (
)

Christine Geron et Dorothée Mardaga, MC

Evaluation et plaidoyer

« Il est clair pour toutes les parties prenantes du projet CHW que les facilitateur.trices ne vont pas « rĂ©parer Â» en quelques mois des annĂ©es de non-recours aux droits dans le domaine de la santĂ©. Mais tous perçoivent l’utilitĂ© de cette mission. Â» nous explique d’emblĂ©e le coordinateur. Au terme de ces quelques mois sur le terrain, l’évaluation de la mission est confiĂ©e Ă  des chercheurs de l’UniversitĂ© d’Anvers. Dans leur travail quotidien, les facilitateur.trices utilisent un outil qui fonctionne comme une street-map, dans laquelle ils notent les situations rencontrĂ©es, comme aider une personne Ă  prendre rendez-vous pour la vaccination. Ils participent Ă©galement Ă  des focus groups avec l’équipe de recherche.

Pour mettre davantage en lumiĂšre les signaux d’alerte structurels et la complexitĂ© des situations rencontrĂ©es, l’équipe de coordination envoie des rapports rĂ©guliers sur base des retours directs du terrain. Le RWLP formule aussi rĂ©guliĂšrement des recommandations, alimentĂ©es par son regard nourri du travail avec les tĂ©moins du vĂ©cu et les militant.es.

Un projet reconduit !

A l’heure d’écrire cet article, nous apprenons que le projet est reconduit pour l’annĂ©e 2022, en bĂ©nĂ©ficiant du mĂȘme financement.

Tous les Ă©lĂ©ments plaidaient en effet en faveur d’une prolongation : pour favoriser l’accĂšs aux soins de santĂ© et la santĂ© des personnes les plus prĂ©carisĂ©es, une approche communautaire, avec l’implication de pair-aidant.es, a tout son sens et est en mesure de produire des rĂ©sultats positifs pour les personnes auxquelles on s’adresse. Des Ă©lĂ©ments comme le taux de vaccination au sein de ces populations ou la longueur des dĂ©marches administratives Ă  entamer viennent renforcer ces constats.  

Education SantĂ© vous proposera d’en tirer le bilan avec l’équipe dans un an


Pour en savoir plus, rendez-vous sur www.chw-intermut.be/index-FR.php

[1] Le non-recours aux droits dans la santĂ© recouvre diffĂ©rents types tels que la non-demande, la non-proposition, la non-connaissance, et le non-accĂšs, comme formulĂ© par le SPP IntĂ©gration sociale, Lutte contre la PauvretĂ©, Economie sociale et Politique des Grandes Villes, et du SPF SĂ©curitĂ© sociale, dans son document « Proposition d’actions transversales pour un plan de lutte contre le non-recours aux droits sociaux »(https://www.mi-is.be/sites/default/files/documents/ntu_proposition_dactions_transversales_pour_un_plan_de_lutte_contre_le_non-recours_aux_droits_sociaux.pdf)

[2] Le CollĂšge Intermutualiste National (CIN) belge est une association de mutualitĂ©s composĂ©e des reprĂ©sentants des 5 Unions Nationales de mutualitĂ©s (la MutualitĂ© chrĂ©tienne, Solidaris, Union nationale des MutualitĂ©s Libres, Union nationale des MutualitĂ©s LibĂ©rales, Union nationale des MutualitĂ©s Neutres) ainsi que de la Caisse Auxiliaire d’Assurance Maladie-InvaliditĂ© et de la Caisse des Soins de SantĂ© de HR Rail. Ensemble le CIN reprĂ©sente toute la population belge assurĂ©e sociale soit plus de 10 millions de personnes. https://fra.mycarenet.be/bienvenue

[3] L’Aide MĂ©dicale Urgente (AMU) est une forme d’aide sociale octroyĂ©e par les CPAS, qui a pour objectif de garantir l’accĂšs aux soins mĂ©dicaux aux personnes sans sĂ©jour lĂ©gal.

[4] https://www.smi-le.org/

Benoit PĂ©trĂ© travaille dans le DĂ©partement des Sciences de la SantĂ© publique de l’UniversitĂ© de LiĂšge

the female hand presses a button doorbell with camera and intercom

Retour sur une expĂ©rience d’accompagnement des agents de suivi des contacts dans une perspective de promotion de la santĂ©.

Partout dans le monde, la pandĂ©mie de coronavirus a mis et continue de mettre au dĂ©fi l’organisation et l’efficacitĂ© de notre systĂšme de soins de santĂ©. Les gouvernements du monde entier ont dĂ©veloppĂ© des rĂ©ponses stratĂ©giques afin de minimiser l’impact de la maladie et de sa propagation sur la morbiditĂ© et la mortalitĂ© de leur population, ainsi que les risques sociaux et Ă©conomiques associĂ©s. L’aspect prĂ©ventif occupe une place centrale des rĂ©ponses envisagĂ©es permettant d’éviter la propagation du virus et la surcharge des services sanitaires dans l’accueil des patients. Parmi ces mesures prĂ©ventives, le tryptique « testing, tracing (en français, suivi des contacts) et isolement » constitue un socle fondamental en matiĂšre de santĂ© publique pour contrĂŽler l’évolution de la maladie1.

Une littĂ©rature spĂ©cialisĂ©e sur le suivi des contacts commence Ă  se dĂ©velopper. Toutefois les travaux restent assez techniques sur les structures organisationnelles nĂ©cessaires Ă  un suivi des contacts structurĂ©s2 ou dĂ©crivant l’efficacitĂ© des dispositifs3. Peu de travaux se sont intĂ©ressĂ©s jusqu’à prĂ©sent aux aspects qui facilitent l’engagement de la population dans la stratĂ©gie de prĂ©vention « suivi des contacts ». Il existe bien quelques repĂšres, notamment dans les travaux du Centre pour le contrĂŽle et la prĂ©vention des maladies (CDC), ainsi que quelques premiers travaux cherchant Ă  identifier les freins et faiblesses d’engagement des citoyens dans le suivi des contacts.

Le succĂšs du suivi des contacts (comme le testing et l’isolement) repose sur la volontĂ© des citoyens de respecter les mesures proposĂ©es. Les mesures de prĂ©vention se concentrent en effet sur des stratĂ©gies qui appellent la participation active des citoyens. Dans ce contexte, les sciences du comportement devraient ĂȘtre mobilisĂ©es pour soutenir les citoyens dans la participation aux mesures prĂ©ventives5. ParticuliĂšrement, plusieurs observateurs plaident pour une approche d’accompagnement des citoyens inscrite dans une perspective de promotion de la santĂ©6. Cet angle d’approche se dĂ©tache d’une politique paternaliste, d’imposition des mesures prĂ©ventives pour favoriser au contraire le soutien Ă  l’autonomie, la prise de dĂ©cision Ă©clairĂ©e et la mise en capacitĂ© des individus dans des stratĂ©gies de prĂ©vention en santĂ© (empowerment).

Contexte

En juin 2021, le service de Promotion de la SantĂ© de Solidaris reprend la coordination des agents de suivi de contacts qui se rendent au domicile, principalement, des personnes atteintes du Covid19 et des personnes ayant eu des contacts Ă  haut risque. ComposĂ©e d’une cinquantaine d’agents intermutuellistes couvrant le territoire de la RĂ©gion wallonne, ils sont chargĂ©s de se rendre Ă  domicile Ă  partir de 48h aprĂšs un test positif effectuĂ© par un citoyen et un contact sans succĂšs effectuĂ© par le call center. A l’aide de scripts (document type Ă  utiliser), leur mission est d’apporter soutien et accompagnement Ă  ces personnes vis-Ă -vis des mesures sanitaires (stratĂ©gies d’isolement, dĂ©marches vers l’employeur
), d’effectuer le suivi des contacts (faire le relevĂ© confidentiel des personnes ayant Ă©tĂ© en contact avec le sujet positif pendant la pĂ©riode contagieuse) et d’inviter les personnes Ă  des mesures prĂ©ventives complĂ©mentaires (vaccination et application de suivi des contacts). A ce moment de l’épidĂ©mie, un des problĂšmes constatĂ©s Ă©tait un dĂ©clin majeur dans le nombre de contacts rapportĂ©s : moins de 1 contact rapportĂ© par personne rencontrĂ©e. C’est dans ce contexte que le service a fait appel Ă  l’expertise du DĂ©partement des Sciences de la SantĂ© publique de l’U-LiĂšge. La demande Ă©tait de mettre en place un dispositif de soutien aux agents de contact afin d’aborder leurs pratiques selon un angle de promotion de la santĂ©, dans la perspective d’augmenter le nombre de contacts renseignĂ©s par les personnes.

Soubassements thĂ©oriques, intervention proposĂ©e et mise en Ɠuvre de l’accompagnement

Le DĂ©partement des Sciences de la SantĂ© publique dĂ©veloppe depuis plusieurs annĂ©es un domaine d’expertise autour des questions d’éducation thĂ©rapeutique, Ă©ducation en santĂ© et plus largement de promotion de la santĂ© Ă  travers de nombreux projets de recherche et de missions assurĂ©es pour la communautĂ©. Il s’agissait ainsi de repenser une activitĂ© relativement nouvelle sur le territoire wallon Ă  travers des principes gĂ©nĂ©raux bien connus de promotion de la santĂ©.

L’accompagnement proposĂ© a Ă©tĂ© envisagĂ© davantage selon des Ă©changes d’expĂ©riences que comme des exposĂ©s magistraux, mĂ©thode d’ailleurs favorisĂ©e par des travaux internationaux7. Cela Ă©tait d’autant plus cohĂ©rent que certains agents Ă©taient engagĂ©s depuis plus d’un an dans le suivi des contacts. La stratĂ©gie pĂ©dagogique visĂ©e cherchait davantage Ă  valider les stratĂ©gies dĂ©veloppĂ©es par les agents de suivi de contacts et les rapprocher des principes s’inscrivant dans une perspective de promotion de la santĂ©.

Plus spĂ©cifiquement, l’accompagnement s’est donnĂ© les objectifs pĂ©dagogiques spĂ©cifiques suivants : renforcer le pouvoir d’agir des personnes, amener une rĂ©flexion sur ce sur quoi elles ont du contrĂŽle et favoriser le sentiment d’utilitĂ© de la mission. Ces 3 objectifs ne sont pas sans rappeler les composantes de motivation dans l’apprentissage du pĂ©dagogue Rolland Viau8.

Au niveau des mĂ©thodes pĂ©dagogiques, nous avons privilĂ©giĂ© l’usage de la simulation. MĂ©thode d’apprentissage actif par excellence, la simulation a comme avantage particulier de stimuler le dĂ©bat et l’échange d’idĂ©es autour d’une thĂ©matique centrale abordĂ©e dans l’exercice, ce qui correspond parfaitement Ă  la recherche de partage d’expĂ©riences considĂ©rĂ©e. Les situations de simulation ont Ă©tĂ© conçues au plus prĂšs du terrain, en s’inspirant de situations rencontrĂ©es par les agents et par souci d’authenticitĂ© (voir encadrĂ©). Le scĂ©nario reprenait systĂ©matiquement une phase d’engagement dans la conversation avec la personne rencontrĂ©e, le suivi des contacts et la vaccination.

Exemple de scénario pour la simulation

Jeremy, 35 ans, travaille en grande surface (remise en rayon). Il a 3 enfants et une Ă©pouse qui vivent tous sous le mĂȘme toit.

Il a fait le test car il souhaitait partir en France 3 jours en weekend prolongĂ©. Le test s’est rĂ©vĂ©lĂ© positif.

Il n’a pas de symptĂŽme. Il ne se sent pas trĂšs concernĂ© par ce qui lui arrive. Il a pourtant des cas sĂ©vĂšres dans sa famille (maman hospitalisĂ©e).

Il peine Ă  comprendre ce qu’est le tracing, sa fonction. Il montre beaucoup d’hĂ©sitation dans le dialogue (mĂ©fiance envers qui est la personne qu’il rencontre). La mĂ©fiance ne diminue que si l’agent tente d’accueillir cette Ă©motion et clarifie son rĂŽle.

Il ne souhaite pas s’arrĂȘter de travailler car il n’aurait pas de rentrĂ©e financiĂšre. Il a peur de la rĂ©action de la patronne. Il a trĂšs peur que cela impacte son boulot car les rentrĂ©es financiĂšres sont dĂ©jĂ  limitĂ©es et il vient de perdre sa responsabilitĂ© d’un secteur du magasin. Il ne veut pas donner le nom du magasin car il a peur des rĂ©percussions pour lui.

Contacts potentiels : il a fait une grosse fĂȘte au 15 aoĂ»t mais ne veut pas dĂ©noncer ses copains qui ne peuvent pas se retrouver en quarantaine (la fĂȘte Ă©tait non autorisĂ©e). Il n’est pas motivĂ© Ă  donner les noms des amis avec qui il a fait la fĂȘte le 15 aoĂ»t (il va jusqu’à revenir sur ce qui a Ă©tĂ© dit avant en dĂ©clarant finalement n’avoir vu qu’1 ou 2 personnes ). Il est rĂ©fractaire au vaccin car il veut garder son choix libre sur la vaccination (et il n’en ressent pas le besoin car son sentiment de vulnĂ©rabilitĂ© est faible). Il montre de l’agressivitĂ© quand la question de la vaccination est abordĂ©e en indiquant que l’agent n’est pas mĂ©decin. Il adhĂšre partiellement aux thĂ©ories complotistes.

En termes de contenus, il s’agissait d’introduire dans le dispositif et Ă  travers le dĂ©briefing, moment d’apprentissage le plus significatif dans la simulation, diffĂ©rentes techniques et mĂ©thodes (modĂšles des croyances relatives Ă  la santĂ© ; modĂšle dynamique de la motivation, techniques d’écoute active, gestion des Ă©motions, introduction Ă  l’entretien motivationnel) permettant d’approcher les citoyens rencontrĂ©s selon une perspective de promotion de la santĂ© (Citoyen acteur et partenaire de santĂ© – Position active du patient – Vision positive de la santĂ© – Soutien Ă  l’autonomie des personnes dans la prise de dĂ©cision – Approche globale de la personne). Le lien entre les techniques et mĂ©thodes et les principes clĂ©s de promotion de la santĂ© Ă©taient systĂ©matiquement expliquĂ©s aux participants.

DiffĂ©rentes ressources ont Ă©galement Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©es et renseignĂ©es aux participants, notamment pour resituer de maniĂšre plus globale la question de la gestion de la crise sanitaire sous l’angle de la promotion de la santĂ©9,10.

En fin de formation, les participants se sont vus remettre un document reprenant des expressions types, extraites des épreuves de simulation et de leur débriefing, à utiliser de maniÚre souple lors de leur visite au domicile (voir encadré).

Chaque agent de suivi des contacts s’est vu proposer 2 sĂ©ances d’accompagnement, soit un total de 8 sĂ©ances pour l’ensemble de la population considĂ©rĂ©e : l’une introduisant les mĂ©thodes et techniques renseignĂ©es ci-dessus et une seconde permettant leur approfondissement, toujours grĂące Ă  la mise en pratique par la simulation.

Evaluations et apprentissages

Pour Ă©valuer le dispositif, diffĂ©rentes sources d’information ont Ă©tĂ© utilisĂ©es. D’une part, il s’agit des Ă©changes rĂ©alisĂ©s pendant les sĂ©ances d’accompagnement avec les agents, les dĂ©briefings entre les Ă©quipes de Solidaris et du DSSP. D’autre part, les informations issues de deux outils permettant une collecte des donnĂ©es plus systĂ©matiques auprĂšs des participants complĂštent l’évaluation : une enquĂȘte de satisfaction appelant les participants Ă  se positionner sur la plus-value du dispositif, le potentiel de transfert dans leur pratique, les Ă©lĂ©ments apprĂ©ciĂ©s et ceux Ă  ajuster ; une enquĂȘte avant/aprĂšs formation cherchant Ă  mesurer le sentiment d’efficacitĂ© des agents dans l’engagement des citoyens dans le suivi des contacts.

Ne s’agissant pas d’un article de recherche original au sens strict du terme, nous discutons ci-aprĂšs quelques apprentissages transversaux issus de ce travail et des informations collectĂ©es.  

Une rĂ©ception favorable  et un besoin d’accompagnement

MĂȘme si l’arrivĂ©e tardive du dispositif a Ă©tĂ© dĂ©noncĂ©e, les participants se sont montrĂ©s trĂšs enthousiastes et satisfaits de leur participation aux sĂ©ances d’accompagnement. La Figure 1 reprend quelques donnĂ©es de satisfaction des participants Ă  l’issue du 1er module d’entrainement. Les rĂ©sultats suggĂšrent une haute satisfaction des participants. S’ils ont eu du plaisir Ă  participer, ce sont surtout les deux indicateurs de dĂ©couverte de nouveaux outils et du transfert dans la pratique qui doivent rassurer sur l’intĂ©rĂȘt de la formation en rĂ©ponse Ă  un besoin d’accompagnement des agents.

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Figure 1

Le besoin de se confronter, d’échanger sur leurs pratiques est ressorti comme Ă©lĂ©ment central des enquĂȘtes de satisfaction. La simulation s’est rĂ©vĂ©lĂ©e ĂȘtre une stratĂ©gie de 1er choix pour soutenir cet Ă©change d’expĂ©riences. Deux conditions d’apprentissage centrales vĂ©hiculĂ©es par la simulation (en particulier lors des dĂ©briefings) nous paraissent fondamentales vis-Ă -vis de la thĂ©matique abordĂ©e : l’interaction entre pairs comme source d’apprentissage et l’exercice de mĂ©tacognition (entendue comme l’exercice de jugement, analyse et rĂ©gulation effectuĂ© par un apprenant sur ses propres performances11). Dans ces conditions, l’expert en contenu (ici d’éducation et promotion de la santĂ©) prend un rĂŽle de facilitateur des Ă©changes, en prĂ©parant les scĂ©narios de simulation selon des objectifs pĂ©dagogiques prĂ©cis, et en donnant le rythme des Ă©changes avec une distribution de la parole et quelques interventions plus ponctuelles pour consolider les acquis des participants par l’introduction de quelques repĂšres plus thĂ©oriques. Ce dernier point permet de valider les stratĂ©gies mobilisĂ©es par les agents en les inscrivant dans des stratĂ©gies Ă©prouvĂ©es de promotion de la santĂ©.

Ainsi, la simulation crĂ©e un espace sĂ©curisĂ© permettant aux participants d’échanger librement et de maniĂšre structurĂ©e sur leurs expĂ©riences de suivi des contacts. Il s’agit Ă©galement d’une rĂ©ponse opĂ©rationnelle aux recommandations, notamment du CDC, qui situent les Ă©changes d’expĂ©riences au cƓur du renforcement de compĂ©tences des agents sans vĂ©ritablement prĂ©ciser comment les organiser.

Les participants ont Ă©galement demandĂ© Ă  poursuivre le travail d’échange pour aborder d’autres situations complexes rencontrĂ©es sur le terrain, notamment face Ă  des individus agressifs ou pour faire face aux Ă©motions gĂ©nĂ©rĂ©es par certaines situations.

Travailler l’engagement de la personne avant le suivi des contacts

Les agents de suivi se sont rĂ©vĂ©lĂ©s assez rapidement bien prĂ©parĂ©s pour faciliter l’élicitation des contacts par la population. Les scripts dont ils disposent offrent des mĂ©thodes permettant de structurer le rappel des Ă©vĂšnements vĂ©cus par la personne et des contacts rĂ©alisĂ©s pendant une pĂ©riode donnĂ©e. La plus grosse difficultĂ© identifiĂ©e concerne bien la motivation ou les rĂ©ticences des personnes positives Ă  communiquer leurs contacts. C’est ici qu’intervient toute la subtilitĂ© des stratĂ©gies de promotion de la santĂ©. Le suivi des contacts peut en effet se rĂ©aliser selon plusieurs perspectives : d’une vision trĂšs contraignante, persuasive, Ă  une vision respectant davantage l’autonomie de la personne.

Inscrite dans une approche de promotion de la santĂ©, notre vision et proposition d’accompagnement se situe davantage dans la deuxiĂšme perspective visant Ă  confĂ©rer aux personnes les moyens d’assurer un plus grand contrĂŽle sur leur santĂ© individuelle et collective. Les techniques et mĂ©thodes prĂ©sentĂ©es aux participants ont Ă©tĂ© considĂ©rĂ©es comme trĂšs utiles et autant de ressources Ă  mobiliser par les participants. Ces derniers Ă©taient gĂ©nĂ©ralement peu familiers avec les thĂ©ories Ă©voquĂ©es. A titre d’exemple, voici quelques Ă©lĂ©ments qui ont particuliĂšrement Ă©manĂ© des discussions du groupe : se prĂ©senter de maniĂšre professionnelle aux personnes et rappeler le sens de la visite en mots simples et accessibles ; dĂ©velopper un panel de stratĂ©gies pour lever les rĂ©sistances Ă  Ă©numĂ©rer ses contacts ; aborder le sujet de la vaccination tout en restant dans son rĂŽle d’agent. Ce dernier point quant Ă  la posture Ă  adopter est un Ă©lĂ©ment qui nous parait fondamental Ă  travailler dans ce type d’accompagnement.

Les participants ont finalement Ă©mis le souhait de disposer d’informations actualisĂ©es sur les questions de vaccination, du suivi administratif et financier pour les personnes mises en quarantaine et de la maniĂšre de gĂ©rer les refus de collaboration.

Renforcer les compétences des agents: une approche nécessaire mais non suffisante

Un point saillant qui ressort de nos rĂ©sultats et rĂ©flexions est relatif au positionnement des agents et leur limite d’action dans le cadre du suivi des contacts.

Ces constats questionnent les limites du pouvoir d’agir de la part des agents de suivi. Un point important discutĂ© pendant les sĂ©ances est celui d’accepter le refus de collaboration ou l’obtention d’une information partielle de la population. Ceci rappelle que les acteurs engagĂ©s dans l’éducation en santĂ© n’ont qu’un rĂŽle limitĂ© sur les changements de comportements attendus. C’est toute la difficultĂ© de la promotion de la santĂ© qui crĂ©e des opportunitĂ©s sans assurer que cela se traduise en transformations du comportement.

Cela rappelle Ă©galement la nĂ©cessitĂ© de travailler sur les environnements dans lesquels Ă©voluent les personnes. D’ailleurs, les recommandations du CDC12 appellent aux campagnes de promotion du suivi des contacts dans la population gĂ©nĂ©rale et le plus tĂŽt possible en amont du testing afin de promouvoir une image positive du travail effectuĂ© et prĂ©parer la population Ă  la visite de ces agents en cas de positivitĂ©.

Cet aspect plurifactoriel de comprĂ©hension des comportements humains et des interventions destinĂ©es Ă  les modifier renvoient Ă©galement Ă  la complexitĂ© d’évaluation des stratĂ©gies d’éducation en santĂ©. Si le dispositif exposĂ© dans le cadre de cette Ă©tude vise Ă  amĂ©liorer l’efficacitĂ© du suivi des contacts par l’augmentation du nombre moyen de cas rapportĂ©s par les citoyens, tenter d’évaluer notre intervention sur base de cet indicateur nous semble nier  le contexte environnemental peu propice Ă  l’élicitation des contacts. L’OMS parle Ă  juste titre d’une fatigue pandĂ©mique13 qui dĂ©signe le ras-le-bol gĂ©nĂ©ral de la population vis-Ă -vis des mesures sanitaires. Aussi, dans cette Ă©tude en particulier, nous avons prĂ©fĂ©rĂ© porter le dispositif d’évaluation sur le sentiment d’efficacitĂ© des agents dans les stratĂ©gies d’engagement des citoyens utilisĂ©es (Figure 2). Nous avons en effet dĂ©cidĂ© d’orienter l’évaluation sur des aspects pĂ©dagogiques plutĂŽt que sur des aspects d’impact, compte tenu des raisons Ă©voquĂ©es ci-avant. Le sentiment d’efficacitĂ© est par ailleurs reconnu comme un Ă©lĂ©ment dĂ©terminant majeur de l’engagement Ă  la tĂąche. Le suivi du sentiment d’efficacitĂ© entre le dĂ©but et la fin de la formation (Ă©valuĂ© Ă  partir de 22 sujets) montre d’ailleurs une Ă©volution sur l’ensemble des indicateurs retenus (les participants devaient situer leur sentiment d’efficacitĂ© sur une Ă©chelle de 0 Ă  7 pour chacun des items). Globalement, le sentiment d’efficacitĂ© a augmentĂ© de 1,3 points, ce qui est loin d’ĂȘtre nĂ©gligeable et contribue Ă  appuyer la pertinence de la formation.

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Figure 2

Ces Ă©lĂ©ments d’évaluation d’efficacitĂ© de son action ont Ă©tĂ© largement discutĂ©s dans les groupes permettant aux participants d’échanger sur la posture Ă©ducative attendue. L’introduction de balises Ă©thiques dans la discussion a permis de faciliter le dĂ©bat autour des questions d’autonomie dans la prise de dĂ©cision et d’absence de jugements de valeur par rapport aux comportements des citoyens. Ceci a permis de clarifier avec les participants que le suivi des contacts n’est pas l’ultime et unique solution, et d’accepter les refus et les informations mĂȘme partielles provenant des citoyens.

Conclusion

Cette Ă©tude propose d’envisager un des piliers des mesures prĂ©ventives dans la lutte contre le Covid 19 – le suivi des contacts – selon une perspective de promotion de la santĂ©. Nous faisons une proposition et une discussion cohĂ©rentes d’un dispositif d’accompagnement des agents de suivi sur les aspects d’objectifs poursuivis, de mĂ©thodes utilisĂ©es, de contenus abordĂ©s et d’évaluation selon une logique de promotion de la santĂ©. Ce document ouvre finalement la voie pour rĂ©interroger une sĂ©rie d’actions brĂšves menĂ©es auprĂšs des citoyens en matiĂšre de santĂ© selon cette mĂȘme logique de promotion.

Références

  1. World Health Organization [WHO]. 2019 Novel Coronavirus (2019 nCoV): Strategic preparedness and response plan. Geneva: WHO,2020. Available from: https://www.who.int/docs/default-source/coronaviruse/srp-04022020.pdf. Accessed on September 15, 2021.
  2. J Public Health Manag Pract, 2021;27(1), COVID-19 and Public Health: Looking Back, Moving Forward:S87-S97. doi: 10.1097/PHH.0000000000001290.
  3. Lewis S. Where covid contact-tracing went wrong. Nature,2020,588:384-388.
  4. Megnin-Viggars O, Carter P, Melendez-Torres GJ, Weston D, James Rubin G. Facilitators and barriers to engagement with contact tracing during infectious disease outbreaks : A rapid review of the evidence. Plos One,2020,15(10):e0241473
  5. Michie S, Rubin GJ, Amlot R. Behavioural science must be at the heart of the public health response to Covid-19. 2020. Available at: https://blogs.bmj.com/bmj/2020/02/28/behavioural-science-must-be-at-the-heart-of-the-public-health-response-to-covid-19/ Accessed on August 3, 2020.
  6. Van den Broucke S. Why health promotion matters to the COVID-19 pandemic, and vice versa. Health Promot Int. 2020;35:181-186. doi:10.1093/heapro/daaa042.
  7. Shelby T, Hennein R, Schenck C, Clark K, Meyer AJ, Goodwin J, et al. Implementation of a volunteer contact tracing program for COVID-19 in the United States: A qualitative focus group study. Plos One,2021;16(5):e0251033.
  8. Rolland Viau, La Motivation en contexte scolaire, Éditions De Boeck, Bruxelles, 2009
  9. Petre B, Margat A, Guillaume M et Gagnayre R. Et s’il Ă©tait temps de croire en la capacitĂ© des citoyens Ă  s’investir dans les questions de santĂ© ? Education SantĂ©,2020;368:7-10.
  10. Van den Broucke S. Une perspective de promotion de la santé à la réponse à la COVID-19. Education Santé 2020,368:19-23.
  11. Leclerq D, Poumay M. Une dĂ©finition opĂ©rationnelle de la mĂ©tacognition et ses mises en Ɠuvre. 21Ăšme congrĂšs de l’Association internationale de pĂ©dagogie universitaire. Marrakech 2004.
  12. CDC. COVID-19 Case Investigation and Contact Tracing CDC’s Role and Approach. 2021. https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/downloads/php/contact-tracing-CDC-role-and-approach.pdf?v=1 Accessed on September 15, 2021.
  13. WHO Regional Office for Europe. Pandemic fatigue: reinvigorating the public to prevent COVID-19. Policy framework for supporting pandemic prevention and management. Copenhagen; 2020. Available from: https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/335820/WHO- EURO-2020-1160-40906-55390-eng.pdf. Accessed on December 20, 2020.

Alice Lecroart a rĂ©alisĂ© une analyse sur l’hĂ©sitation vaccinale des soignants, selon le modĂšle des 5 C [1], dans le cadre de son mĂ©moire de fin d’études Ă  l’UCLouvain. Son travail fait Ă©cho aux dĂ©bats dans l’actualitĂ© de cette fin d’annĂ©e 2021.

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Depuis le 9 janvier 2020, un virus fortement contagieux et aux symptĂŽmes sĂ©vĂšres, le SARS-CoV-2, a fait son apparition [2]. La maladie qu’il provoque, le COVID-19, a rapidement Ă©tĂ© qualifiĂ©e de pandĂ©mie [3]. De nombreuses mesures restrictives ont Ă©tĂ© mises en place en Belgique afin d’endiguer la propagation de ce virus et de protĂ©ger notre systĂšme de santĂ©. Le COVID-19 et les mesures imposĂ©es pour lutter contre lui ont bouleversĂ© nos vies.

Une solution a rapidement Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e pour sortir de cette crise : le dĂ©veloppement de vaccins. Une campagne de vaccination massive a dĂ©butĂ© en janvier 2021. Les professionnels de la santĂ© faisaient partie des publics prioritaires de cette campagne[4, 5]. NĂ©anmoins, en plus des problĂšmes d’approvisionnement, cette campagne a Ă©tĂ© confrontĂ©e Ă  l’hĂ©sitation vaccinale de la population. L’hĂ©sitation vaccinale se dĂ©finit comme le retard ou le refus des vaccins malgrĂ© leur disponibilitĂ© [6]. Ce phĂ©nomĂšne n’est pas rĂ©cent et est surveillĂ© depuis 2019 par l’OMS [7]. C’est un concept complexe et influencĂ© par de nombreux facteurs. Le contexte de crise sanitaire, le dĂ©veloppement rapide des vaccins, l’environnement mĂ©diatique autour de la vaccination et les problĂšmes de gestion de cette crise ont pu influencer l’hĂ©sitation vaccinale envers les vaccins contre le SARS-CoV-2. Elle peut aussi toucher les professionnels de la santĂ©. Cela pose d’autant plus problĂšme que ces derniers reprĂ©sentent une source d’informations fiable concernant la vaccination contre le SARS-CoV-2 pour la population gĂ©nĂ©rale [8].Il existe de nombreux modĂšles pour comprendre l’hĂ©sitation vaccinale. L’un de ces modĂšles est le modĂšle des 5C des antĂ©cĂ©dents psychologiques Ă  la vaccination. Ce dernier est composĂ© de cinq antĂ©cĂ©dents qui reprĂ©sentent des prĂ©fĂ©rences individuelles ou des reprĂ©sentations psychologiques et mentales de l’environnement dans lequel l’individu Ă©volue. Chacun de ces antĂ©cĂ©dents influence positivement ou nĂ©gativement l’intention de se faire vacciner [1, 9].

L’objectif de cette Ă©tude est de rĂ©pondre Ă  cette question : quels sont les facteurs influençant l’hĂ©sitation vaccinale face aux vaccins contre le coronavirus SARS-CoV-2 parmi les professionnels de la santé ?

MĂ©thodologie

Pour mener Ă  bien cette Ă©tude, nous avons effectuĂ© une recherche de type qualitatif au moyen d’entretiens semi-directifs. Nous avons choisi d’interroger des professionnels de la santĂ©, et plus particuliĂšrement des mĂ©decins et des infirmiers. Le recrutement des participants s’est fait grĂące Ă  une mĂ©thode « boule de neige ». La collecte des donnĂ©es a eu lieu entre mars et juin 2021. L’analyse des donnĂ©es s’est faite en deux temps. Lors de nos entretiens, une premiĂšre analyse de type itĂ©ratif a permis d’extraire une sĂ©rie de thĂšmes. Nous les avons alors classĂ©s en trois catĂ©gories : l’impact de la situation sanitaire, la vaccination en gĂ©nĂ©ral et la vaccination contre le SARS-CoV-2. Dans un second temps, une fois les entretiens terminĂ©s et la premiĂšre analyse faite, nous avons menĂ© une seconde analyse en nous servant du modĂšle des 5C des antĂ©cĂ©dents Ă  la vaccination de Betsch et al. [1]. Ce modĂšle nous a servi de spectre thĂ©orique afin d’identifier les antĂ©cĂ©dents psychologiques Ă  la vaccination parmi notre Ă©chantillon.

RĂ©sultats

Au terme de la collecte des donnĂ©es, nous avons obtenu onze entretiens (Tableau 1 : CaractĂ©ristiques de l’échantillon).

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Tableau 1 : CaractĂ©ristiques de l’Ă©chantillon

La seconde analyse selon le modÚle des 5C a permis la mise en évidence de certains problÚmes. Ce modÚle est composé de cinq antécédents à la vaccination. Le premier est la confiance dans la sûreté des vaccins et dans le systÚme qui les délivre [1, 9]. Dans notre échantillon, si tous les participants exprimaient un avis globalement positif sur la vaccination en général, ils étaient nombreux à exprimer des doutes et de la méfiance vis-à-vis de la vaccination contre le SARS-CoV-2. Les deux personnes ayant refusé la vaccination avaient quant à elles un grand manque de confiance dans le systÚme.

Le deuxiÚme antécédent est la complaisance, cet antécédent apparaßt quand le danger que représente la maladie est perçu comme faible [1, 9]. Dans notre échantillon, bien que la crainte de la maladie eût fortement décru parmi les participants depuis le début de la crise, la volonté de se protéger ou de protéger les autres apparaissait comme une motivation pour les personnes vaccinées. Au contraire, les personnes ayant refusé la vaccination avaient tendance à se sentir invulnérables face à la maladie.

Le troisiĂšme antĂ©cĂ©dent est la contrainte, elle apparaĂźt quand des barriĂšres structurelles ou psychologiques viennent entraver la vaccination [1, 9]. Au moment des entretiens, cet antĂ©cĂ©dent n’était pas prĂ©sent parmi notre Ă©chantillon. Les personnes interrogĂ©es percevaient qu’elles avaient facilement accĂšs Ă  la vaccination contre le COVID-19 et qu’elles avaient le choix de se faire vacciner ou pas. Cependant, cela est remis en question par l’obligation vaccinale des professionnels de la santĂ© actuellement Ă  l’étude en Belgique.

Le quatriĂšme antĂ©cĂ©dent est le calcul rationnel qui se dĂ©finit comme la recherche active d’informations supplĂ©mentaires [1, 9]. Cet antĂ©cĂ©dent n’était pas prĂ©sent parmi l’échantillon car, bien que certaines personnes eussent tendance Ă  rechercher activement et que d’autres la recevaient de façon passive, nous n’avons pas pu faire de lien entre la recherche d’informations et la dĂ©cision de se faire ou pas vacciner. NĂ©anmoins, cela nous a amenĂ©s Ă  nous interroger sur la qualitĂ© des sources d’informations sur la vaccination contre le COVID-19 des infirmiers. En effet, dans notre Ă©chantillon, si les mĂ©decins avaient souvent comme source des articles scientifiques ou officiels, les infirmiers avaient des sources plus traditionnelles : les mĂ©dias, les rĂ©seaux sociaux et les mĂ©decins.

Le dernier antĂ©cĂ©dent est la responsabilitĂ© collective que l’on peut dĂ©finir comme la volontĂ© de protĂ©ger les autres par notre vaccination [1, 9]. Nous avons rapprochĂ© cet antĂ©cĂ©dent de l’un de nos thĂšmes extrait des entretiens : la responsabilitĂ© professionnelle prĂ©sentĂ©e par certains participants comme une motivation pour se faire vacciner. Il faut tout de mĂȘme rester prudent avec cet antĂ©cĂ©dent car les personnes hĂ©sitantes ont tendance Ă  ne pas voir les bĂ©nĂ©fices collectifs de la vaccination [10] et donc Ă  se montrer rĂ©sistants Ă  ce type d’arguments. Il est Ă  noter que l’obligation vaccinale des professionnels de la santĂ© repose sur cet antĂ©cĂ©dent.

Discussion et conclusion

L’analyse selon le modĂšle des 5C a permis de mettre en Ă©vidence un problĂšme : la qualitĂ© de l’information de certains professionnels. Pour remĂ©dier Ă  ce problĂšme, nous pensons qu’une campagne d’information de tous les professionnels de la santĂ© concernant la vaccination contre le SARS-CoV-2 doit ĂȘtre mise en place. Le contenu de cette campagne peut s’appuyer sur le sentiment de responsabilitĂ© des professionnels de la santĂ© en prĂ©sentant les bĂ©nĂ©fices collectifs de la vaccination. NĂ©anmoins, il est primordial de mettre en avant les bĂ©nĂ©fices individuels de la vaccination afin de convaincre au mieux les personnes hĂ©sitantes [10]. Une telle campagne demande une transparence totale et de prendre le risque de dire que dans certains cas, il n’existe pas encore de donnĂ©es. Cela va peut-ĂȘtre amener une diminution de l’intention de se vacciner Ă  court terme mais, Ă  long terme, va augmenter la confiance dans le systĂšme et donc influencer positivement l’intention de se vacciner [11].

En outre, cette analyse nous a amenĂ©s Ă  nous interroger sur la mise en place de l’obligation vaccinale des professionnels de la santĂ© en Belgique. Elle repose sur la mise en avant d’intĂ©rĂȘts collectifs de la vaccination contre le COVID-19. Elle risque donc d’entraĂźner de fortes rĂ©sistances sur le long terme. Si elle est mise en place, il est primordial qu’elle s’accompagne de cette campagne d’information Ă  destination de tous les professionnels de la santĂ©.

Info : depuis le 17/11/2021, l’obligation vaccinale des soignants a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ©e et entrera en vigueur en janvier 2022.

Bibliographie

1.         Betsch, C., et al., Beyond confidence: Development of a measure assessing the 5C psychological antecedents of vaccination. PLOS One, 2018. 13(12).

2.         Institut Pasteur. Maladie COVID-19 (nouveau coronavirus). 2021 (consultĂ© le 14 juin 2021); disponible Ă  l’adresse: https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/maladie-covid-19-nouveau-coronavirus.

3.         Organisation mondiale de la SantĂ©. COVID-19 – Chronologie de l’action de l’OMS. 2020 (consultĂ© le 30 juillet 2021); disponible Ă  l’adresse: https://www.who.int/fr/news/item/27-04-2020-who-timeline—covid-19.

4.         CESI. Vaccination Covid-19. 2021 (consultĂ© le 14 juin 2021); disponible Ă  l’adresse: https://www.cesi.be/fr/deconfinement/vaccination-covid-19.

5.         Wallonie. Covid-19 : stratĂ©gie de vaccination au niveau de la Wallonie. 2021 (consultĂ© le 14 juin 2021); disponible Ă  l’adresse: https://www.wallonie.be/fr/actualites/covid-19-strategie-de-vaccination#:~:text=En%20Wallonie%2C%20la%20vaccination%20a,de%20soins%20de%201%C3%A8re%20ligne

6.         Vax info.org. Vaccine hesitancy : des rĂ©ponses adaptĂ©es. 2016 (consultĂ© le 14 juillet 2021); disponible Ă  l’adresse: https://www.vaxinfopro.be/spip.php?article1914&lang=fr&retour=1.

7.         Organisation mondiale de la SantĂ©. Dix ennemis que l’OMS devra affronter cette annĂ©e. 2019 (consultĂ© le 08 juin 2021); disponible Ă  l’adresse: https://www.who.int/fr/news-room/spotlight/ten-threats-to-global-health-in-2019.

8.         Sciensano. CinquiĂšme enquĂȘte de santĂ© COVID-19. 2021 (consultĂ© le 01 juillet 2021); disponible Ă  l’adresse: https://www.sciensano.be/sites/default/files/report5_covid-19his_fr.pdf.

9.         Betsch, C., et al., Sample study protocol for adapting and translating the 5C scale to assess the psychological antecedents of vaccination. BMJ open, 2020. 10(3).

10.       Freeman, D., et al., Effects of different types of written vaccination information on COVID-19 vaccine hesitancy in the UK (OCEANS-III): a single-blind, parallel-group, randomised controlled trial. Lancet Public Health, 2021. 6(6): p. e416-e427.

11.       Petersen, M.B., et al., Transparent communication about negative features of COVID-19 vaccines decreases acceptance but increases trust. Proceedings of the National Academy of Sciences, 2021. 118(29): p. e2024597118.

Une publication du RESO, le service universitaire de promotion de la santĂ© de l’UniversitĂ© catholique de Louvain1

En 2016, la ConfĂ©rence Mondiale sur la Promotion de la SantĂ©2, tenue Ă  Shanghai mettait les Objectifs de DĂ©veloppement Durable (ODD)3 au centre des Ă©changes. Le rĂŽle dĂ©terminant des acteurs (porteurs de projet, dĂ©cideurs politiques, scientifiques) de promotion de la santĂ© dans l’atteinte de ces objectifs Ă  l’horizon 2030 y a Ă©tĂ© soulignĂ©. La DĂ©claration de Shanghai a Ă©tĂ© dĂ©crite par certains auteurs4 comme un potentiel tournant pour la promotion de la santĂ©, au mĂȘme titre que la charte d’Ottawa, signifiant par lĂ  que les stratĂ©gies de promotion de la santĂ© s’inscriraient Ă  prĂ©sent dans un mouvement mondial guidĂ© par les ODD.

Dans ce Lu Pour Vous, nous synthétisons trois articles scientifiques, publiés entre 2012 et 2020, dans lesquels différents auteurs dressent une analyse critique de la réponse du secteur de promotion de la santé aux enjeux soulevés par les changements climatiques et dégagent des pistes pour stimuler une réponse plus adéquate.

Changements climatiques, urbanisation et promotion de la santé

D’aprĂšs Hancock et coll. (2020), l’avĂšnement de l’anthropocĂšne et l’urbanisation font du 21e siĂšcle la plus menaçante pour la santĂ© des populations.
L’anthropocĂšne est considĂ©rĂ© (bien que le terme choisi ne soit pas unanimement acceptĂ©) comme une Ă©poque gĂ©ologique caractĂ©risĂ©e par des changements gĂ©ologiques et Ă©cologiques provoquĂ©s par les activitĂ©s humaines. Parmi ces changements, les auteurs relĂšvent notamment l’appauvrissement des ressources, la pollution, l’acidification des ocĂ©ans, les catastrophes naturelles rĂ©pĂ©titives et l’extinction d’espĂšces animales et vĂ©gĂ©tales.
L’urbanisation est souvent comprise comme l’accroissement du nombre de personnes vivant en milieu urbain, ce qui renvoie Ă  une dĂ©finition assez Ă©troite. Pourtant, ce concept recouvre Ă©galement les infrastructures et les services de la vie en milieu urbain tel l’accĂšs Ă  l’éducation, au travail, aux soins de santĂ©, au soutien social, aux lieux de spiritualitĂ©, Ă  un systĂšme alimentaire de qualitĂ©, Ă  l’eau, Ă  des espaces verts, etc.
Il a Ă©tĂ© estimĂ© que les villes, qui accueillent la moitiĂ© de la population mondiale, consomment entre 60 Ă  80% de la consommation d’énergie mondiale, 75% des Ă©missions de carbone, et plus de 75% des ressources naturelles mondiales. Les pays du Nord Ă©tant majoritairement responsables de ces chiffres. [Patrick R. et coll. (2016)]

DÚs lors que la population mondiale est de plus en plus urbaine, réduire la consommation en ressources naturelles des villes et de leur population est un objectif prioritaire pour lutter contre les changements climatiques.
Patrick R. et coll. (2016 & 2012) font Ă©galement remarquer que les changements climatiques ont un impact plus grand sur les populations plus vulnĂ©rables, non seulement au moment oĂč des Ă©vĂšnements extrĂȘmes (tels que les canicules ou les inondations) se produisent, mais dans l’aprĂšs coup, face aux consĂ©quences de ces Ă©vĂšnements (de par un accĂšs aux soins de santĂ© limitĂ© ou un accĂšs Ă  un logement dĂ©cent plus difficile). Ces changements climatiques exacerbent donc les inĂ©galitĂ©s dĂ©jĂ  existantes en matiĂšre de santĂ©, ont un impact nĂ©gatif sur les dĂ©terminants de santĂ© et touchent de maniĂšre disproportionnĂ©e les populations dĂ©jĂ  vulnĂ©rables.
Le lien entre les changements climatiques, l’urbanisation, la santĂ© des populations et les inĂ©galitĂ©s de santĂ© est assez Ă©vident Ă  faire, mais cache en rĂ©alitĂ© de nombreuses interconnexions qui rendent complexe le dĂ©veloppement de solutions durables.

Réponses du secteur de promotion de la santé

Face à ces enjeux, les auteurs [Patrick R. et coll. (2016)] relÚvent la difficulté du secteur de promotion de la santé à prendre une place qui, par ailleurs, ne lui est pas donnée intuitivement.
MalgrĂ© qu’en 1986, la charte d’Ottawa proposait dĂ©jĂ  une approche socioĂ©cologique de la santĂ© reconnaissant l’interdĂ©pendance entre les individus et l’environnement (approche soutenue par d’autres dĂ©clarations internationales), de solides fondements thĂ©oriques et des pratiques en synergie avec les enjeux climatiques (telles que le mouvement « ville en santĂ© »), les auteurs attirent l’attention sur la lenteur du secteur de promotion de la santĂ© Ă  s’engager activement sur les questions climatiques. Patrick R. et coll. (2016) identifient 3 problĂšmes centraux Ă  cet « engourdissement » :

  • Les professionnels de promotion de la santĂ©, en s’intĂ©ressant principalement aux dĂ©terminants sociaux de la santĂ©, ont probablement nĂ©gligĂ© les dĂ©terminants Ă©cologiques de la santĂ©5 .
  • Le rĂŽle de l’environnement naturel a Ă©tĂ© inadĂ©quatement thĂ©orisĂ© comme un dĂ©terminant de la santĂ© des humains et de l’équitĂ©, ce qui a pour consĂ©quence de rĂ©duire les rĂ©elles interconnexions entre la santĂ© de l’environnement et des humains.
  • Jusqu’à la DĂ©claration de Shanghai, les dĂ©clarations en matiĂšre de changement global qui font le lien entre la santĂ© des humains et la santĂ© des Ă©cosystĂšmes n’auraient pas Ă©tĂ© suffisamment fortes.

Selon les mĂȘmes auteurs [Patrick R. et coll. (2016)], la promotion de la santĂ© « souffrirait » d’anthropocentrisme. Dans cette vision, les changements climatiques sont vus comme une menace pour la santĂ© des humains exclusivement, plutĂŽt que comme le symptĂŽme d’une utilisation inadĂ©quate des ressources qui menace l’intĂ©gritĂ© des Ă©cosystĂšmes dans leur globalitĂ©.

Potentiel du secteur de promotion de la santé

Les auteurs [Patrick R. et coll. (2016 & 2012)] suggĂšrent diffĂ©rentes maniĂšres pour le secteur de promotion de la santĂ© de contribuer Ă  la construction de solutions durables tout en se reposant sur ses principes d’action phares6 et les compĂ©tences centrales dans le secteur.
Avec sa comprĂ©hension des dĂ©terminants sociaux de la santĂ©, le secteur de promotion de la santĂ© peut par exemple accompagner les acteurs du dĂ©veloppement urbain et les encourager Ă  s’ouvrir Ă  une valorisation du rĂŽle social des infrastructures et de l’engagement communautaire, au lieu de se focaliser uniquement sur le « bĂąti », comme c’est encore souvent le cas.
Les principes d’action et compĂ©tences des acteurs de promotion de la santĂ© devraient, selon Patrick R. et coll. (2016), ĂȘtre appliquĂ©s aux programmes et aux politiques visant le dĂ©veloppement de milieux urbains. En effet, en tenant compte des dĂ©terminants sociaux de la santĂ© dans la construction des programmes et politiques, la promotion de la santĂ© apporte une perspective unique au dĂ©veloppement urbain et aux dĂ©cisions liĂ©es aux changements climatiques. Elle ajoute par exemple une dimension d’équitĂ©, de justice sociale, d’interconnexion des problĂ©matiques, etc. Autant de dimensions nĂ©cessaires Ă  la construction de rĂ©ponses, politiques et sociĂ©tales, holistiques. D’un autre cĂŽtĂ©, le secteur de promotion de la santĂ© a tout Ă  gagner Ă  Ă©largir sa comprĂ©hension des dĂ©terminants de la santĂ© aux dĂ©terminants Ă©cologiques de la santĂ©, et ainsi d’ĂȘtre mieux prĂ©parĂ© aux dĂ©fis Ă  venir.

Des (nouveaux) « outils » pour la promotion de la santé

La pensée résiliente

La pensĂ©e rĂ©siliente serait selon les auteurs [Patrick R. et coll. (2016)] un outil Ă  investir davantage, en complĂ©ment d’outils dĂ©jĂ  familiers du secteur tels que la pensĂ©e systĂ©mique, l’engagement des parties prenantes et les dĂ©terminants de la santĂ©.

La pensĂ©e rĂ©siliente aide Ă  construire la capacitĂ© des communautĂ©s et des environnements Ă  faire avec des changements inattendus et Ă  dĂ©velopper des solutions au travers d’adaptations ou de transformations, sans chercher Ă  maintenir une forme de statu quo.
DĂ©velopper la pensĂ©e rĂ©siliente des intervenants (de terrain, scientifiques et politiques) implique de les accompagner dans l’exploration de leurs pratiques, des dynamiques sociales et organisationnelles auxquelles ils prennent part et qui, sans prise de recul, peuvent les conduire Ă  nier la complexitĂ©. Cette pensĂ©e rĂ©siliente se dĂ©veloppe au travers de la rencontre d’acteurs lors de retours d’expĂ©riences, formation, sensibilisation, supervision, etc. Elle faciliterait la collaboration avec les autres secteurs concernĂ©s par la construction de rĂ©ponses holistiques aux enjeux des changements climatiques et de l’urbanisation.

One Planet Living©

Au début des années 2000, une entreprise sociale et environnementale a imaginé 10 principes guides (cf. ci-dessous) pour prendre en compte la systémique des déterminants sociaux, environnementaux et économiques de la santé des écosystÚmes.

Selon les auteurs [Hancock et coll. 2020)], ces principes aident les personnes Ă  voir l’interconnexion de leurs actions et Ă  aligner leurs aspirations individuelles ou collectives Ă  la santĂ© de la PlanĂšte.
En complément à cet outil, nous ajoutons que ces principes sont complémentaires aux objectifs de développement durable des Nations Unies, qui sont au coeur du travail de la plate-forme belge francophone « Associations 21 ».

Eco-Health et Planetary health

Il s’agit de mouvements internationaux prĂŽnant la transdisciplinaritĂ©7 pour dĂ©velopper des solutions qui lient la santĂ© des individus et la santĂ© environnementale. S’écartant ainsi du modĂšle dominant de santĂ© publique qui considĂšre la santĂ© des individus comme le but ultime et qui se repose essentiellement sur des approches biomĂ©dicales ou focalisĂ©es sur les comportements de santĂ©.
Selon Hancock et coll. (2020), ces mouvements impliquent un changement de paradigme de la part des professionnels qui ne devraient plus considĂ©rer l’environnement naturel comme une menace pour la santĂ© des populations, mais comme une ressource dont le pouvoir d’agir doit, au mĂȘme titre que celui des individus, ĂȘtre renforcĂ©. La formation des professionnels est un dĂ©terminant important de ce changement de paradigme.
Si les auteurs des articles utilisĂ©s dans ce Lu pour vous n’en parlent pas, ces mouvements renvoient nĂ©anmoins vers le concept d’une seule santĂ© (« One Health »), dont l’actualitĂ© et la pertinence ont Ă©tĂ© renforcĂ©es par la crise sanitaire (i.e. COVID- 19)8

La formation des professionnels de promotion de la santé

Au travers d’une recherche qualitative, les auteurs [Patrick R. et coll. (2012)] ont mis en Ă©vidence des compĂ©tences dont les professionnels de la promotion de la santĂ© auraient besoin pour rĂ©pondre aux dĂ©fis que posent les changements climatiques, et ce plus particuliĂšrement pour les populations vulnĂ©rables et Ă  un niveau d’action local/communautaire. L’étude indique que les compĂ©tences professionnelles qui reposent sur des savoir-ĂȘtre (par exemple la confiance en soi, la motivation personnelle, l’empathie, la capacitĂ© d’adaptation, l’aptitude Ă  la communication, Ă  la nĂ©gociation, mais Ă©galement Ă  la mobilisation) combinĂ©es aux compĂ©tences de base en promotion de la santĂ© (plaidoyer, mĂ©diation, leadership, communication, empowerment, planification, mise en oeuvre, Ă©valuation, recherche) sont nĂ©cessaires pour rĂ©pondre aux problĂšmes soulevĂ©s par les changements climatiques.
Plus concrĂštement, ces diffĂ©rents niveaux de compĂ©tences se traduisent notamment pour les professionnels de la promotion de la santĂ© dans leur capacitĂ© Ă  favoriser des partenariats, Ă  travailler en collaboration, et Ă  mener des analyses de besoins basĂ©es sur les interactions des dĂ©terminants socioĂ©cologiques de la santĂ©. La mĂ©diation et la capacitĂ© Ă  travailler en interdisciplinaritĂ© et en intersectorialitĂ© font Ă©galement partie des compĂ©tences relevĂ©es dans l’étude [Patrick R. et coll. (2012)]. L’utilisation de mĂ©thodes d’évaluation diversifiĂ©es et la mise en oeuvre de recherche appropriĂ©es (qualitative ou quantitative), en partenariat avec les parties prenantes, pour dĂ©terminer la portĂ©e, l’impact et l’efficacitĂ© des actions en promotion de la santĂ© sont tout aussi importants. De mĂȘme, il est recommandĂ© de recourir Ă  des approches d’évaluation culturellement et Ă©thiquement appropriĂ©es qui fassent lien avec les valeurs de justice sociale, d’engagement communautaire et d’approches participatives. [Patrick R. et coll. (2012)] Il s’agit Ă©galement de favoriser la capacitĂ© de comprendre et d’interprĂ©ter les empreintes Ă©cologiques9 et les notions de justice environnementale, de rĂ©silience et de pensĂ©e systĂ©mique.

Conclusion

En complément des pistes développées dans ce Lu pour vous, nous reprenons quelques-unes des recommandations des auteurs à destination du secteur de promotion de la santé afin que ce dernier se positionne plus fermement comme une partie prenante du développement de solutions durables et puisse amorcer les changements nécessaires à ce positionnement.

  • DĂ©velopper une solide base de connaissances sur la science du changement climatique et son impact sur la santĂ© et l’urbanisation, afin d’étayer les politiques publiques et les stratĂ©gies aux niveaux local, rĂ©gional et international.
  • Travailler avec pour rĂ©fĂ©rence un cadre socioĂ©cologique basĂ© sur les systĂšmes, tel que la pensĂ©e rĂ©siliente, pour faciliter une action collaborative interdisciplinaire et intersectorielle sur le changement climatique.
  • Plaidoyer pour l’investissement dans des programmes de collaboration intersectorielle sur le changement climatique, qui promeuvent simultanĂ©ment la santĂ© urbaine, l’équitĂ©, la santĂ© des Ă©cosystĂšmes et la durabilitĂ©.
  • Soutenir le dĂ©veloppement de mouvements sociaux urbains et d’autres alliances qui peuvent promouvoir la durabilitĂ© Ă©cologique et la participation communautaire.
  • Contribuer aux connaissances scientifiques en constituant une base de recherche d’études de cas et de donnĂ©es probantes sur de nouvelles approches rĂ©ussies ou prometteuses pour promouvoir la santĂ© et le bien-ĂȘtre dans un monde urbanisĂ© et affectĂ© par le climat.
  • Aller au-delĂ  des « espaces » traditionnellement associĂ©s Ă  la santĂ© pour collaborer au dĂ©veloppement de projets et de politiques pour la santĂ© des Ă©cosystĂšmes.
  • Prendre davantage en compte la santĂ© des Ă©cosystĂšmes comme dĂ©terminante pour la santĂ© publique.
  • Travailler collaborativement avec des partenaires du secteur du dĂ©veloppement durable pour soutenir une pensĂ©e agile et crĂ©ative sur le bien-ĂȘtre en milieu urbain.

[1] Titre proposé par le RESO

[2] Disponible ici : https://www.who.int/healthpromotion/conferences/9gchp/Shanghai-declaration-final-draft-fr.pdf?ua=1
[3] Pour aller plus loin : https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-durable/
[4] Kickbusch I. & Nutbeam D., A watershed for health promotion: The Shanghai Conference 2016, Health Promotion International, Volume 32, Issue 1, February 2017, Pages 2–6.

[5] Pour aller plus loin : Association canadienne de santĂ© publique (ACSP). Les changements globaux et la santĂ© publique: qu’en est-il des dĂ©terminants Ă©cologiques de la santĂ© ? Ottawa: ACSP; 2015. Disponible ici : https://www.cpha.ca/sites/default/files/assets/policy/edh-discussion_f.pdf

[6] Tels que la prise en compte du modĂšle socioĂ©cologique de la santĂ©, des dĂ©terminants de la santĂ©, de l’équitĂ© et de la justice sociale, du respect de la diversitĂ© culturelle, de l’engagement en faveur du dĂ©veloppement durable, de la collaboration intersectorielle ou de la participation des publics concernĂ©s/de la communautĂ© Ă  l’évaluation des besoins, Ă  la planification, Ă  la mise en oeuvre et Ă  l’évaluation des activitĂ©s/programmes.

[7] Il s’agit de la « rencontre de personnes issues de milieux acadĂ©miques et non acadĂ©miques, ayant des perspectives ou des modes de pensĂ©e diffĂ©rents, concernĂ©es par une problĂ©matique sociale complexe commune et visant le dĂ©veloppement d’une solution utilisable sur le terrain » St-Cyr Bouchard M., Bouchard C., Sky Oestreicher J., et al. « La pratique de la transdisciplinaritĂ© dans les approches Ă©cosystĂ©miques de la santĂ© », VertigO – la revue Ă©lectronique en sciences de l’environnement [En ligne], Hors-sĂ©rie 19 | aoĂ»t 2014
[8] Parodi AL. Le concept « One Health », une seule santĂ© : rĂ©alitĂ© et perspectives [The ‘‘One health’’ concept: reality and future prospect]. Bull Acad Natl Med. 2021;205(7):659-661.

[9] Mesure de la pression qu’exerce les humains sur la nature, s’exprimant par la quantitĂ© de surface terrestre bioproductive nĂ©cessaire pour produire les biens et services que nous consommons et absorber les dĂ©chets que nous produisons. (dĂ©finition du WWF)

Références :

  1. Hancock T., Desai P. & Patrick R. (2020) Tools for creating a future of healthy One Planet cities in the Anthropocene, Cities & Health, 4:2, 180-192, DOI: 10.1080/23748834.2019.1668336
  2. Patrick R., Noy S. & Henderson-Wilson C. (2016) Urbanisation, climate change and health equity: how can health promotion contribute ?, International Journal of Health Promotion and Education, 54:1, 34-49, DOI: 10.1080/14635240.2015.1057653
  3. Patrick R., Capetola T., Townsend M., Nuttman S. Health promotion and climate change: exploring the core competencies required for action. Health Promot Int. 2012 Dec;27(4):475-85. doi: 10.1093/heapro/dar055. Epub 2011 Sep 12. PMID: 21914637.

Sandrine Roussel de l’UniversitĂ© Catholique de Louvain, Marie Porcu de la Clinique Mont-LĂ©gia , François Martin du CH Dreux (expert pour Innoviris), et Stephan Van Den Broucke de l’UniversitĂ© Catholique de Louvain.

INNOVIRIS, l’Institut bruxellois pour la Recherche et l’Innovation, finance des projets de recherche thĂ©matiques, associant Ă©quipes de recherche et organismes intĂ©ressĂ©s par les implications directes de ces recherches, les projets Bridge. En 2017, l’appel Ă  projets concernait la mĂ©decine personnalisĂ©e et les soins intĂ©grĂ©s. CARE-TEST fait partie des projets sĂ©lectionnĂ©s. Il bĂ©nĂ©ficie du parrainage de la MutualitĂ© ChrĂ©tienne, de la SociĂ©tĂ© Scientifique de MĂ©decine GĂ©nĂ©rale, de l’Association Pharmaceutique Belge et de l’Association Belge des praticiens de l’art infirmier.

A l’issue de la recherche qualitative ‘CARE-TEST’ en rĂ©gion de Bruxelles-Capitale, voici les recommandations formulĂ©es par l’équipe de recherche concernant les relations patient-mĂ©decin-pharmacien Ă  l’épreuve des autotests Ă  visĂ©e diagnostique.

senior woman in pharmacy talking to the chemist or pharmacist

CARE-TEST s’intĂ©resse aux relations patient-mĂ©decin-pharmacien, en gĂ©nĂ©ral et Ă  ces relations dans le contexte des autotests Ă  visĂ©e diagnostique0 , en particulier. Les autotests sont un phĂ©nomĂšne rĂ©cent en Belgique. Ils pourraient crĂ©er un nouvel Ă©quilibre dans la relation patient-professionnel, dans la mesure oĂč le patient peut rĂ©aliser un test, sans l’intervention d’un professionnel de santĂ©. Cet Ă©quilibre pourrait induire plus de partenariat 1, 2. Une marge d’amĂ©lioration est en effet possible : les pratiques d’éducation du patient sont encore souvent limitĂ©es Ă  une transmission unilatĂ©rale d’informations biomĂ©dicales sur la maladie 3-5, alors que des approches partenariales impliquant le patient dans la gestion de sa santĂ©/maladie s’avĂšrent plus efficaces. Ces approches considĂšrent le patient et le professionnel comme dĂ©positaires de connaissances propres de la santĂ©/maladie. Elles impliquent la dĂ©cision partagĂ©e, comprennent un travail sur la motivation basĂ© sur les objectifs du patient et consistent en un accompagnement progressif vers l’autonomie. L’autonomie est comprise comme la capacitĂ© de gĂ©rer sa santĂ© au quotidien (autonomie fonctionnelle) mais aussi de faire des choix Ă©clairĂ©s en matiĂšre de santĂ© (autonomie dĂ©cisionnelle). Il ne s’agit pas de gĂ©rer sa santĂ© indĂ©pendamment de tout professionnel de santĂ©3.

CARE-TEST considĂšre les autotests comme un Ă©lĂ©ment de contexte susceptible d’interroger les relations patient-mĂ©decin-pharmacien. Il ne s’agit ni d’étudier les autotests, ni de les promouvoir.

MĂ©thodologie

Cette recherche qualitative exploratoire a Ă©tĂ© menĂ©e, par entretiens semi-directifs, auprĂšs de 17 patients, 25 mĂ©decins et 16 pharmaciens de la RĂ©gion de Bruxelles-Capitale. Elle a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e de l’étĂ© 2018 Ă  l’étĂ©2019, soit avant la pandĂ©mie de Covid-19. Elle visait Ă  obtenir une vue d’ensemble des relations patient-mĂ©decin-pharmacien, Ă  explorer les reprĂ©sentations des autotests ainsi qu’à comprendre les changements escomptĂ©s dans les relations patient-professionnel et mĂ©decin-pharmacien, suite Ă  l’introduction des autotests en officine. La durĂ©e moyenne des entretiens Ă©tait de 69 minutes [33min ; 148min]. Une analyse thĂ©matique rĂ©flexive a ensuite Ă©tĂ© menĂ©e.

Recommandations-clés

Cet article prĂ©sente les recommandations-clĂ©s relatives aux relations patient-professionnel. Le lecteur dĂ©sireux de prendre connaissance de l’ensemble des rĂ©sultats/recommandations trouvera, Ă  la fin de l’article, un lien permettant d’accĂ©der au rapport de recherche.

Les principaux changements escomptĂ©s par les participants Ă  la recherche Ă©taient plus d’autonomie, au sens de « se rĂ©approprier sa santĂ© Â» pour le patient et un risque de mise Ă  l’écart du mĂ©decin. Les autotests pourraient en effet encourager une prise de distance du patient vis-Ă -vis du monde mĂ©dical (notamment par des pratiques d’auto-traitement), faute prĂ©cisĂ©ment de relations partenariales prĂ©alables. En effet, des tendances sont favorables Ă  une telle Ă©volution. Elles soulignent la pertinence de dĂ©velopper des approches partenariales, en amont.

Voici un exemple. Des patients favorables aux autotests Ă©taient insatisfaits du peu de dialogue dans leur relation avec les mĂ©decins. Les mĂ©decins dĂ©favorables aux autotests prĂ©sentaient quant Ă  eux des pratiques peu partenariales. La rĂ©alisation d’un autotest par le patient risque d’ĂȘtre accueillie nĂ©gativement par ces mĂ©decins. Cette rĂ©action pourrait alors renforcer la prise de distance par le patient.

Les recommandations reposent sur :

  1. les rĂ©sultats de recherche. Les rĂ©sultats correspondants sont spĂ©cifiĂ©s aprĂšs chaque recommandation, sous l’intitulĂ© « observations » ;
  2. les propositions Ă©mises par les participants Ă  la recherche. Elles permettent d’optimiser l’adhĂ©sion aux recommandations ;
  3. une discussion des recommandations avec les parrains de la recherche ;
  4. le cadre idéologique de la recherche. CARE-TEST vise le développement et le maintien de relations partenariales.

Recommandations pour le terrain

Assurer un « service de base »

L’idĂ©e est ici de proposer une approche qui satisfasse les attentes du patient afin de ne pas encourager une prise de distance vis-Ă -vis du monde mĂ©dical. Il s’agit d’une approche Ă  minima.

  • Le mĂ©decin : donner au patient des informations claires et comprĂ©hensibles, sur la maladie, les causes, le pourquoi du traitement. Respecter ses options de santĂ© (plus ou moins de mĂ©dicaments, d’examens perçus comme invasifs, d’acharnement thĂ©rapeutique). RĂ©Ă©valuer « rĂ©guliĂšrement Â» les desiderata du patient en matiĂšre de participation.

Observations : Les patients attendent au minimum cette approche. RĂ©pondre Ă  cette attente, c’est aussi prĂ©venir la « non-observance Â» du patient voire sa rupture avec le monde mĂ©dical, faute de « dialogue Â». Les souhaits du patient peuvent varier vers plus ou moins de participation, suite Ă  l’apparition/aggravation d’une pathologie.

  • Le pharmacien : fournir au patient une information sur le « produit Â», systĂ©matique, comprĂ©hensible et acceptable pour celui-ci. Un tel rĂŽle permet aussi de faire Ă©voluer l’image du pharmacien. Sensibiliser, en amont, le pharmacien aux outils existants (phrases-types, fiche didactique, Ă©tiquettes Ă  apposer sur la boite).

Observations : accompagner la dĂ©livrance d’un produit pharmaceutique par une information ne fait pas partie des routines de toute officine. Elle peut ĂȘtre conditionnĂ©e Ă  l’affluence Ă  l’officine, l’existence d’une prescription, la demande du patient, la motivation du pharmacien
 En l’absence de ces conditions, le « produit Â» est dĂ©livrĂ© sans information. Il n’est parfois pas utilisĂ© notamment en raison de son incompatibilitĂ© avec le traitement existant.

Viser des relations partenariales

L’idĂ©e est ici d’évoluer vers un vĂ©ritable partenariat.

Recommandations portant sur la formation
  • Le patient : intensifier les efforts en matiĂšre d’éducation santĂ©, en la rendant systĂ©matique lors de la scolaritĂ© obligatoire. Les sĂ©ances seraient donnĂ©es par des professionnels qualifiĂ©s, lĂ©gitimes pour en parler et formĂ©s aux approches partenariales. Les contenus suggĂ©rĂ©s sont : situer ses organes, identifier les signaux d’alarme, acquĂ©rir un esprit critique en regard des informations, connaitre les implications pratiques des droits du patient, communiquer avec le gĂ©nĂ©raliste


Observations : le niveau de littĂ©ratie en santĂ©6 de la population est perçu comme bas, par les patients et par les professionnels. Ce bagage insuffisant est dĂ©crit comme maintenant le patient dans la passivitĂ© voire dans la surconsommation d’examens/soins/mĂ©dicaments, par manque d’esprit critique. Il complique aussi le travail du professionnel qui ne peut s’appuyer sur une base minimale pour informer. Enfin, il ne permet pas au patient de dialoguer avec le professionnel.

  • Le professionnel de santĂ© : former systĂ©matiquement les (futurs) professionnels aux approches partenariales, en formation initiale et continue. Discuter les concepts qui s’inscrivent dans un discours de « participation Â». Sensibiliser Ă  la pertinence d’une dĂ©marche partenariale en encourageant l’utilisation de typologies permettant de situer sa pratique en regard de la participation.

Observations : les relations patient-professionnel ne sont pas massivement partenariales. Or, une partie des patients est en demande de relations plus partenariales avec le mĂ©decin et les patients les plus satisfaits de leur relation avec le pharmacien sont ceux qui ont Ă©tabli une relation Ă©galitaire, de confiance avec lui. Par ailleurs, les approches partenariales sont dĂ©ployĂ©es par des professionnels formĂ©s Ă  ces approches. Enfin, un discours de « participation Â» (expliquer, patient partenaire, responsabilitĂ© partagĂ©e, autonomie, nĂ©gocier, etc.) est intĂ©grĂ© au langage du professionnel. Il recouvre toutefois des pratiques variĂ©es. Il peut ĂȘtre mal aisĂ© pour le professionnel d’estimer dans quelle mesure sa pratique est partenariale.

Recommandations portant sur les sources d’information
  • Mettre Ă  disposition des sources d’informations fiables, comprĂ©hensibles et Ă  jour (par exemple des sites web avec une navigation, une fonction de recherche et une impression papier aisĂ©es) afin de faciliter le dialogue. Cette recommandation vise la relation patient-gĂ©nĂ©raliste, elle est toutefois valable pour tout professionnel de santĂ©.

Observations : l’information sur Internet peut ĂȘtre de mauvaise qualitĂ©. Disposer d’un support papier pouvant ĂȘtre lu aprĂšs consultation est utile pour certains patients.

Recommandations relatives à la gestion des données
  • (Re)Penser la circulation des donnĂ©es de santĂ© du patient entre les professionnels ainsi qu’entre le patient et le professionnel. Trouver un Ă©quilibre entre accessibilitĂ© et respect de la vie privĂ©e.

Observations : des patients craignent de vieillir dans un systĂšme « oĂč il est nĂ©cessaire d’ĂȘtre suffisamment bien pour assurer le suivi de sa santĂ© Â». Le dĂ©lai pour accĂ©der aux rĂ©sultats en ligne est jugĂ© trop long. Il ne permet pas au patient d’ĂȘtre acteur de santĂ©. Par ailleurs, l’informatisation prĂ©occupe patients et mĂ©decins sur les dimensions suivantes : le respect du non partage de donnĂ©es demandĂ© par le patient, la protection des donnĂ©es vis-Ă -vis de tiers et le risque de commercialisation des donnĂ©es.

Recommandations portant sur le rĂŽle du pharmacien
  • Mener une rĂ©flexion sur la profession de pharmacien d’officine et son avenir, par les pharmaciens. Cette rĂ©flexion intĂ©grerait la relation Ă  la personne et aux autres professionnels de santĂ©. Les questions suggĂ©rĂ©es sont : qu’est-ce qu’un bon pharmacien ? Quelles compĂ©tences doit-il avoir ? Comment les dĂ©velopper ? Quelle est la place du conseil, de la vente ? Clarifier ensuite les rĂŽles respectifs du mĂ©decin et du pharmacien en matiĂšre de « suivi Â» du patient.

Observations : le pharmacien est perçu comme une « profession en crise Â». La perspective des autotests souligne des crispations sur le plan de la rĂ©partition des rĂŽles entre mĂ©decin et pharmacien. L’utilisation que pourrait en faire le pharmacien (information fournie, initiation du traitement, 
) suscite la mĂ©fiance de certains mĂ©decins et la rĂ©probation de quelques pharmaciens. La rĂ©action escomptĂ©e du mĂ©decin plonge des pharmaciens dans l’inconfort. Cette situation n’est pas spĂ©cifique aux autotests. Elle est vĂ©cue au quotidien lors de la substitution et l’avance de mĂ©dicaments.

  • Autres points d’attention : outiller le professionnel pour la gestion des « mauvaises nouvelles Â» ; former les soignants aux pathologies transmissibles (afin d’éviter les mesures de protection inadaptĂ©es qui nuisent au soin) ; poursuivre les efforts en vue d’une approche concertĂ©e avec les patients maitrisant d’autres langues ou issus d’autres cultures, tout en capitalisant ces initiatives.

Recommandations pour la recherche

  • DĂ©terminer dans quelle mesure les tendances observĂ©es sont prĂ©sentes dans la population bruxelloise, par des recherches Ă  plus grande Ă©chelle.

Observations : La recherche est qualitative. Elle permet de mettre en Ă©vidence l’existence de tendances mais ne donne pas d’indication sur l’ampleur de ces derniĂšres.

  • Etudier dans quelle mesure la notion de fiabilitĂ© (
à traduire pour la rendre intelligible !) est maitrisĂ©e et souhaitĂ©e par les patients, mĂ©decins, pharmaciens.

Observations :Il n’existe de consensus ni sur la pertinence d’en parler au patient, ni sur le degrĂ© de maitrise de cette notion par les professionnels.

Conclusion

Les autotests, apparus dans un contexte peu partenarial, ont eu un succĂšs trĂšs limitĂ© sur le plan du volume des ventes. Ils invitent Ă  rĂ©flĂ©chir plus globalement aux balises d’une relation plus partenariale. D’autres dispositifs d’automesure feront en effet tĂŽt ou tard leur apparition. Or, dans une relation Ă©galitaire apaisĂ©e, les autotests apparaissent comme un outil au service de la relation patient-professionnel, non comme un outil de dĂ©rĂ©gulation de cette derniĂšre.

Enfin, si les prĂ©sentes recommandations concernent les patients, les mĂ©decins et les pharmaciens, celles-ci s’inscrivent dans le contexte d’une politique de soins de santĂ©. Des relations partenariales patient-professionnel nĂ©cessitent des efforts concertĂ©s, dans la durĂ©e (Ă©ducation pour la santĂ©, formation, contexte favorable
).

Le rapport de recherche sera disponible sur http://hdl.handle.net/2078.1/249438, en septembre 2022. Il est disponible sur demande auprĂšs de : sandrine.roussel@uclouvain.be .

[0] Ce terme dĂ©signe ici les autotests commercialisĂ©s en officine Ă  l’automne 2016. Ils peuvent ĂȘtre rĂ©alisĂ©s et interprĂ©tĂ©s par le patient lui-mĂȘme. Ils concernent les infections urinaires, le VIH, la maladie de Lyme, le tĂ©tanos, le Chlamydia, le cholestĂ©rol
 Ils n’incluent pas les tests de grossesse et les autotests Covid-19. Le terme « autotest Â» sera utilisĂ© dans cet article.

[1] Szasz TS, Hollender MH. A contribution to the philosophy of medicine. The basic models of the doctor-patient relationship. AMA Archives of internal medicine. 1956;97(5):585-92.

[2] Botelho RJ. A Negotiation Model for the Doctor-Patient Relationship. Fam Pract. 1992;9(2):210-8.

[3] Roussel S. Interactions entre les reprĂ©sentations sociales des professionnels de soins de santĂ© et leurs pratiques d’Ă©ducation du patient [ThĂšse de doctorat]. Bruxelles: UniversitĂ© Catholique de Louvain; 2016. http://hdl.handle.net/2078.1/177070

[4] Chambouleyron M, Lasserre-Moutet A, Lagger G, Golay A. History of patient education, what a story! Med Mal Metab. 2013;7(6):543-7.

[5] Hoving C, Visser A, Mullen PD, van den Borne B. A history of patient education by health professionals in Europe and North America: From authority to shared decision making education. Patient Educ Couns. 2010;78(3):275-81.

[6] Les participants parlent de niveau d’éducation santĂ© « bas Â». Le terme « littĂ©ratie Â» n’était pas utilisĂ© par les patients et utilisĂ© dans une acception souvent limitĂ©e par les professionnels (« utiliser des mots simples Â»). La littĂ©ratie en santĂ© est la capacitĂ© d’accĂ©der Ă  l’information, de la comprendre, de l’évaluer et de l’appliquer afin d’amĂ©liorer/maintenir sa santĂ© et sa qualitĂ© de vie. L’éducation santĂ© est un moyen pour parvenir Ă  un niveau plus Ă©levĂ© de littĂ©ratie.

Curieux d’en apprendre davantage sur le processus de conception de l’outil, Education SantĂ© a rencontrĂ© StĂ©phanie Devaux (PrĂ©vention et Promotion de la SantĂ© Mentale du Centre Public de l’Action Sociale de Charleroi) et Nancy Peltier (Centre Local de Promotion de la SantĂ© de Charleroi-Thuin). Elles partagent avec nous leur expĂ©rience de co-construction avec un rĂ©seau de professionnel.les Ă  l’origine de cet outil ‘coup de cƓur’.

group of businesspeople solving jigsaw puzzle
E.S. : D’oĂč vient le projet Emotika ?

Le CLPS de Charleroi-Thuin  et le CPAS collaborent depuis plusieurs annĂ©es sur le thĂšme de l’estime de soi. D’un cĂŽtĂ©, le CPAS organise des formations Ă  l’estime de soi auprĂšs de son rĂ©seau de professionnel.les des secteurs social et Ă©ducatif, auxquelles le CLPS collabore dans le cadre des outils et ressources.

De l’autre cĂŽtĂ©, le CLPS organise tous les ans un cinĂ©-dĂ©bat. A chaque cinĂ©-dĂ©bat on choisit un partenaire en fonction du film et de la thĂ©matique qui est traitĂ©e. En 2018, on a programmĂ© le film d’animation de Disney© Vice-versa, en partenariat avec le CPAS, pour les liens Ă©vidents avec l’estime de soi. En quelques mots, le rĂ©cit personnifie les cinq Ă©motions de base (la joie, la tristesse, la peur, le dĂ©goĂ»t et la colĂšre) d’une petite fille, et prĂ©sente sous forme d’üle des Ă©lĂ©ments essentiels qui fondent sa personnalitĂ© (la bĂȘtise, la famille, l’honnĂȘtetĂ©, la passion et l’amitiĂ©). Toute une histoire prend forme autour de la gestion des Ă©motions et l’importance d’investir chaque Ăźle.  GaĂ«tan Bienfait (chargĂ© de projets au CPAS jusque juin 2020) avait alors proposĂ© un Ă©clairage thĂ©orique Ă  partir du film. 

A l’issue du cinĂ©-dĂ©bat, l’idĂ©e a Ă©mergĂ© de mettre sur pied des ateliers pour co-construire un outil autour des Ă©motions et de l’estime de soi Ă  partir d’élĂ©ments du film, et avec des participant.es au cinĂ©-dĂ©bat. Un groupe de travail avec des partenaires locaux a Ă©tĂ© constituĂ©, pilotĂ© par les deux chargĂ©.es de projet du CPAS et du CLPS.

ES : Qui constituait ce groupe et comment s’est-il mis au travail ?

Au dĂ©part, il y avait des Ă©ducateur.trice.s, des psychologues, des formateur.trice.s d’adultes, une coordinatrice ATL, une infirmiĂšre PMS, une psychomotricienne relationnelle
 Le groupe Ă©tait assez hĂ©tĂ©roclite et diversifiĂ© au niveau des apports.

Ce sont les deux chargé.es de projet du CPAS et CLPS qui ont piloté le groupe. Cette coordination en binÎme a été trÚs riche pour faire avancer le projet et construire une dynamique de groupe. Pour avancer dans notre processus, nous nous sommes basés sur une méthodologie de travail en vigueur dans les CLPS et nous avons travaillé par étapes.

Les premiĂšres rĂ©unions ont permis au groupe de se connaĂźtre et d’échanger sur les aspects pĂ©dagogiques du film Vice-Versa. Le concept de l’intelligence Ă©motionnelle s’est progressivement imposĂ© Ă  nous, c’était la clĂ© de ce qu’on voulait aborder.

Nous nous sommes donc mis d’accord sur ce qu’est l’intelligence Ă©motionnelle. Ensemble, nous avons construit un langage commun, une comprĂ©hension commune du concept. Pour ce faire, nous avons Ă©laborĂ© en groupe des cartes mentales, Ă  partir des 5 Ă©motions de base et leurs Ă©lĂ©ments dĂ©clencheurs. Ce processus a fait Ă©merger beaucoup d’idĂ©es au sein du groupe.

En parallÚle au début de chaque atelier, nous avons expérimenté des outils qui existent sur les émotions tels que Zemos, Feelincks, les cartes Le langages des émotions, etc.

Emotika est Ă  l’image du groupe, qui a lui-mĂȘme grandi au fil de la crĂ©ation de l’outil.

Assez rapidement, nous avons dĂ» nous dĂ©tacher du film Vice-versa car la question des droits d’auteur avec Disney © nous a limitĂ©. On a basculĂ© petit Ă  petit vers un tout autre processus de crĂ©ation. Et toujours suivant une mĂ©thodologie de projet, nous avons cheminĂ© vers les autres Ă©tapes : les ressources disponibles (il n’y avait pas de budget spĂ©cifique allouĂ© au projet), la dĂ©finition des objectifs (gĂ©nĂ©raux, spĂ©cifiques), l’identification du public, l’élaboration des activitĂ©s, et ainsi de suite.

Une Ă©tape dĂ©cisive aura Ă©tĂ© les premiers prĂ©-test de l’outil  au sein de groupes d’enfants en Ă©cole primaire et en institution. Ces prĂ©-tests nous ont permis de rĂ©ajuster une sĂ©rie d’élĂ©ments de l’outil mais aussi de nous inspirer pour en crĂ©er de nouveaux.

Des vidéos pour préparer chaque séance

Des vidĂ©os explicatives  sont disponibles pour chaque sĂ©ance d’animation. Ces vidĂ©os ont pour objectif de vous faciliter la prise en main de l’outil et de vous montrer concrĂštement l’univers dans lequel se dĂ©roule les animations. Pour obtenir les supports et les vidĂ©os, il vous suffit d’adresser une demande Ă  coordination@clpsct.org ou Ă  pps@cpascharleroi.be.

E.S. Comment avez-vous identifiĂ© les besoins et choisi le public final des 9-12 ans ?

DÚs le départ, nous sommes partis des ressentis et des besoins des membres du groupe par rapport à leurs publics respectifs.

Au dĂ©part, nous avions envisagĂ© de cibler la tranche des 7-8 ans, mais les prĂ©-tests nous ont rĂ©orientĂ© vers les 9-12 ans. Cette tranche d’ñge a Ă©tĂ© choisie en fonction des compĂ©tences psycho-Ă©motionnelles des enfants : ils doivent ĂȘtre capables d’identifier et de rĂ©guler leurs Ă©motions. Les enfants doivent aussi avoir la capacitĂ© Ă  se projeter ainsi qu’un niveau de lecture suffisant.  

D’’üle en Ăźle, les compĂ©tences Ă©motionnelles

Dans le dĂ©roulement du jeu, chaque Ăźle se concentre sur un objectif spĂ©cifique, c’est-Ă  dire le dĂ©veloppement d’une compĂ©tence Ă©motionnelle :

  • sur les Ăźles MOA et KATU SANTI (‘Qu’est-ce que c’est ?’ et ‘Qu’est-ce que ça me fait ?’), l’objectif est d’identifier les diffĂ©rentes Ă©motions et leurs manifestations (expressions verbales et non-verbales des Ă©motions) ;
  • l’üle KEPASSO (‘D’oĂč ça vient’) vise comme compĂ©tence Ă©motionnelle de comprendre, identifier et dĂ©tecter les signaux dĂ©clencheurs des Ă©motions ;
  • sur l’üle POURKOISSA (‘A quoi ça sert ?’), l’objectif est de comprendre l’utilitĂ© des Ă©motions et ĂȘtre capable de les associer aux besoins qu’elles sous-tendent ;
  • enfin, sur l’üle EUREKA (‘Qu’est-ce que j’en fais ?’), il s’agit d’identifier des attitudes adĂ©quates en rĂ©action aux Ă©motions et aux besoins ressentis.
E.S. : Les objectifs de l’outil prĂ©sentent un vaste programme. L’animateur.trice peut-il s’approprier l’outil Ă  sa guise ?

Tout Ă  fait, Emotika permet Ă  chaque animateur.trice de traiter un axe ou une thĂ©matique de maniĂšre plus particuliĂšre. Il peut l’adapter en fonction du vĂ©cu de son groupe. On recommande dĂšs lors que l’animateur.trice connaisse dĂ©jĂ  la situation de dĂ©part et son groupe. Par exemple, si une problĂ©matique de harcĂšlement apparait dans une Ă©cole, l’outil peut ĂȘtre utilisĂ© pour travailler le bien vivre ensemble et le dĂ©veloppement de l’empathie.

Emotika travaille l’intra- mais aussi l’inter-personnel. C’est vraiment un outil de coopĂ©ration et de cohĂ©sion de groupe. Il peut ĂȘtre utilisĂ© pour mettre en mot, libĂ©rer la parole sur ce que les enfants ont vĂ©cu en une annĂ©e de pandĂ©mie


De plus, l’outil propose beaucoup de cartes vierges, ce qui laisse la place Ă  l’adaptation au vĂ©cu du groupe.

E.S. : Comment l’outil a-t-il Ă©tĂ© finalisĂ©, avec l’irruption de la pandĂ©mie ?

Les prĂ©-tests ont dĂ©marrĂ© fin 2019-dĂ©but 2020. A cette pĂ©riode, les deux chargĂ©.es de projet ont assistĂ© Ă  la plupart d’entre eux. Ils ont repris dans le primaire en septembre 2020, avec chaque fois 6 sĂ©ances prises en charge par l’AMO1 OxyJeunes.

Cette phase nous a permis de rĂ©ajuster l’outil. Une graphiste est Ă©galement arrivĂ©e dans le processus, qui nous a aidĂ©.es Ă  mettre en forme Emotika. DĂ©but 2021, nous avons travaillĂ© sur la mise en cohĂ©rence de l’ensemble : tellement de gens ont travaillĂ© sur l’outil qu’il a fallu revoir l’ensemble pour harmoniser les diffĂ©rents Ă©lĂ©ments, ou rĂ©Ă©crire certaines situations, redĂ©finir certaines Ă©motions
 On a aussi Ă©laguĂ©, gardĂ© ce qui Ă©tait le plus important, le plus clair pour les enfants. Puis on a fait relire par des personnes extĂ©rieures au groupe de travail, dans les secteurs santĂ© ou social ou tout Ă  fait externe.

L’arrivĂ©e inopinĂ©e de la Covid a marquĂ© un coup de frein dans notre processus et a fait retomber lĂ©gĂšrement la motivation et l’engouement du groupe. Nous avons toutefois continuĂ© de nous concerter Ă  distance. Heureusement, les classes du primaire ont repris en prĂ©sentiel en septembre 2020 pour les prĂ©-tests et cela nous a permis de poursuivre le travail de rĂ©ajustement de l’outil.

E.S. : Quelle suite envisagez-vous ? Avez-vous prĂ©vu une Ă©valuation avec les utilisateur.trices ?

Un groupe Facebook (fermĂ©, accessible uniquement aux utilisateurs et modĂ©rĂ© par le groupe de travail) a Ă©tĂ© crĂ©Ă© afin qu’ils puissent Ă©changer sur leur vĂ©cu de l’outil, faire un retour sur leur expĂ©rience, partager des connaissances et des idĂ©es. C’est un vrai plus pour nous. Cela permet aussi de mettre Ă  jour certains fichiers ressources. Lorsqu’une personne demande l’outil, elle reçoit les outils pĂ©dagogiques en ligne ainsi qu’une invitation Ă  participer au groupe Facebook.

Cet espace nous permet de faire une Ă©valuation continue. Pour une Ă©valuation plus formelle, il faudra attendre une ‘vraie’ annĂ©e scolaire. On pourrait imaginer que l’outil fasse l’objet d’une deuxiĂšme Ă©dition qui tienne compte de l’expĂ©rience et du recul. C’est le propre de cet outil d’ĂȘtre pleinement Ă©volutif.

E.S. : Quelles furent les surprises du projet, les inattendus ?

C’est surtout le renforcement du rĂ©seau tout au long de ces deux annĂ©es de fonctionnement qui nous a marquĂ©. DiffĂ©rent.es professionnel.les du secteur psycho-socio-Ă©ducatif issu.es de l’arrondissement de Charleroi et de Thuin se sont mobilisĂ©.es pour fournir un important travail de rĂ©flexion et de collaboration. Nous n’avions pas envisagĂ© au tout dĂ©but l’ampleur de cette mobilisation et sommes ravies de voir les synergies qui sont nĂ©es de ce processus. Le moteur du projet a Ă©tĂ© la confiance de l’ensemble des partenaires entre eux et dans les chargĂ©.es de projet. Cette vie de rĂ©seau se prolonge aussi dans les Ă©changes des utilisateur.trices, via le groupe fermĂ© Facebook notamment.

Et ce qui rend Emotika unique en son genre,  c’est la prise en compte de l’ensemble du processus Ă©motionnel. C’est le seul outil, Ă  notre connaissance, qui aborde les Ă©motions depuis leurs manifestations, leur expression, leur origine, les besoins sous-jacents jusqu’Ă  la maniĂšre d’y rĂ©pondre et d’y rĂ©agir (mise en action, ressources intra/interpersonnelles).

[1] Service d’action en milieu ouvert

Eric Muraille est MaĂźtre de recherches F.R.S.-FNRS., rattachĂ© au Laboratoire de Parasitologie de l’UniversitĂ© Libre de Bruxelles, et ULB Center for Research in Immunology (U-CRI).

marche pour le climat

La pandémie de SARS-CoV-2, un révélateur de la fragilité de nos sociétés

Apparue en novembre 2019 dans la rĂ©gion de Wuhan en Chine, l’épidĂ©mie du nouveau coronavirus du syndrome respiratoire aigu sĂ©vĂšre (SARS-CoV-2) causant la maladie Ă  coronavirus 2019 (Covid-19) s’est rapidement muĂ©e en pandĂ©mie. Au 21 mars 2020, en 4 mois, elle avait dĂ©jĂ  gagnĂ© plus de 160 pays et causĂ© plus de 20 000 morts. En aoĂ»t 2021, bien que des mesures exceptionnelles de distanciation sociale aient Ă©tĂ© appliquĂ©es sur l’ensemble de la planĂšte et que plusieurs vaccins sĂ»rs et efficaces aient Ă©tĂ© validĂ©s et distribuĂ©s, nous peinons toujours Ă  maĂźtriser cette pandĂ©mie qui a dĂ©jĂ  causĂ© officiellement plus de 4.5 millions de morts. Un chiffre considĂ©rĂ© comme trĂšs sous-estimĂ© par de nombreuses organisations1 et qui serait dans les faits plus proche du double.

Depuis la tristement cĂ©lĂšbre pandĂ©mie de grippe espagnole de 1918, responsable de plus de 50 millions de morts, la vaccination de masse, la dĂ©couverte des antibiotiques et antiviraux, une meilleure comprĂ©hension des infections, l’amĂ©lioration des services de santĂ© ainsi que la crĂ©ation d’organisations internationales comme l’Organisation mondiale de la santĂ© (WHO) ont fortement accru notre capacitĂ© Ă  gĂ©rer les Ă©pidĂ©mies. Mais, par d’autres aspects, nos sociĂ©tĂ©s sont Ă©galement devenues structurellement beaucoup plus fragiles face aux Ă©pidĂ©mies.

Par exemple, le vieillissement des populations ainsi que la forte occurrence de bronchopneumopathie chronique obstructive (COPD) contribuent Ă  aggraver le bilan des infections pulmonaires. La proportion d’individus de plus de 65 ans dans nos sociĂ©tĂ©s a fortement augmentĂ© ces derniĂšres dĂ©cennies et cette fraction de la population est plus susceptible aux infections virales2 . Plus de 250 millions d’individus dans le monde souffrent de COPD due au tabagisme et Ă  la pollution. La COPD augmente fortement la susceptibilitĂ© aux infections pulmonaires3 en rĂ©duisant l’efficacitĂ© de la rĂ©ponse immune. Lors d’infection par le SARS-CoV-2, les patients prĂ©sentant une COPD affichent un taux de mortalitĂ© deux fois supĂ©rieur Ă  la norme4 .

Le sous-financement et la gestion managĂ©riale de la recherche fondamentale5 ainsi que des services de santĂ©6 , dĂ©noncĂ©s depuis de nombreuses annĂ©es, rĂ©duisent notre capacitĂ© d’anticiper et de rĂ©pondre aux Ă©pidĂ©mies. Les chercheurs sont prĂ©carisĂ©s et les rĂ©seaux coopĂ©ratifs entre Ă©quipes de recherche fragilisĂ©s. Cette situation ne favorise pas le maintien des compĂ©tences et l’exploration de nouveaux domaines de recherche pouvant contribuer Ă  mieux connaĂźtre les agents infectieux Ă©mergents et Ă  identifier les nouvelles menaces. La pratique du flux tendu dans les hĂŽpitaux est devenue la norme7 , ce qui rĂ©duit leur capacitĂ© Ă  faire face Ă  des crises sanitaires majeures. En dĂ©but de pandĂ©mie de Covid-19, l’Italie a notamment dĂ» pratiquer un tri des malades8 , ce qui pose de sĂ©rieuses questions Ă©thiques.

Il est bien Ă©tabli que notre systĂšme Ă©conomique favorise l’émergence mais aussi la dissĂ©mination des agents infectieux. Les activitĂ©s agricoles, par exemple, sont associĂ©es Ă  25% de toutes les Ă©mergences d’agents infectieux9 . En 2018, on comptait plus de 4.3 milliards de passagers aĂ©riens et plus de 37 millions de vols10 . Cette interconnexion rend quasi inĂ©luctable la dissĂ©mination mondiale extrĂȘmement rapide des agents pathogĂšnes Ă  partir d’un certain niveau de contagiositĂ©.

L’interconnexion des Ă©conomies nationales rend nos systĂšmes Ă©conomiques extrĂȘmement fragiles face aux Ă©pidĂ©mies. Les consĂ©quences Ă©conomiques de celles-ci, bien que difficiles Ă  quantifier, sont considĂ©rables. On estime que les pertes Ă©conomiques mondiales liĂ©es Ă  l’épidĂ©mie de SARS-CoV en 2003 seraient proches de 40 milliards de dollars11 . Dans l’hypothĂšse oĂč la pandĂ©mie de SARS-CoV-2 serait maĂźtrisĂ©e fin 2021, les experts estiment qu’elle aura alors coĂ»tĂ© aux États-Unis entre 3 00012 et 16 000 milliards de dollars13 . Ces coĂ»ts gigantesques grĂšvent le budget des États et rĂ©duisent le financement des services publics, ce qui affecte nos sociĂ©tĂ©s dans leur ensemble.

Enfin, de nombreux experts ont pointĂ© la gestion chaotique et souvent inefficace de la pandĂ©mie de SARS-CoV-2 par les gouvernements occidentaux. En l’absence de vaccins et de traitements spĂ©cifiques, les seules mesures possibles au cours des 9 premiers mois de l’Ă©pidĂ©mie Ă©taient de limiter la propagation du virus Ă  l’aide de tests, de traçage ainsi que l’imposition du port du masque et de la distanciation sociale. Avec le recul, cette riposte, qui nĂ©cessitait surtout une bonne organisation et une bonne communication avec les citoyens, s’est souvent avĂ©rĂ©e trop tardive pour empĂȘcher la propagation du virus et surtout trĂšs dĂ©sordonnĂ©e. Chaque gouvernement a mis en Ɠuvre sa propre stratĂ©gie, conduisant Ă  une absence de coordination internationale qui a parfois gĂ©nĂ©rĂ© des situations absurdes.

Par exemple, certains pays europĂ©ens ont optĂ© au dĂ©but de la pandĂ©mie pour une stratĂ©gie de confinement14 tandis que d’autres ont adoptĂ© une stratĂ©gie de « laisser faire » avec l’espoir d’obtenir rapidement une immunitĂ© collective naturelle15 . Ce manque de coordination a mĂȘme Ă©tĂ© observĂ© entre rĂ©gions ou États d’un mĂȘme pays. Par exemple, aux États-Unis, chaque État a menĂ© sa propre politique de lutte, indĂ©pendamment de ce que faisaient ses voisins, ce qui s’est avĂ©rĂ© particuliĂšrement contre-productif16 . La crise du Covid-19 a Ă©galement Ă©tĂ© caractĂ©risĂ©e par une attitude antiscience de plusieurs dirigeants politiques, comme les prĂ©sidents Trump et Bolsonaro, qui ont publiquement niĂ© la dangerositĂ© de l’Ă©pidĂ©mie, l’efficacitĂ© des mesures de distanciation sociale ou prĂŽnĂ© des thĂ©rapies non validĂ©es. Cela a gĂ©nĂ©rĂ© de fortes divisions politiques et rĂ©duit l’acceptation par les citoyens des mesures de santĂ© publique.

Pourtant, en appliquant une stricte politique de confinement, de dĂ©pistage, de tracing des contacts des individus infectĂ©s et de mise en quarantaine de ceux-ci, la Chine, la Nouvelle ZĂ©lande, la CorĂ©e du Sud et Taiwan ont pu drastiquement limiter le nombre de dĂ©cĂšs sur leur territoire. Mais la majoritĂ© des autres pays ont Ă©tĂ© incapables d’appliquer ces mesures assez rapidement ou avec efficacitĂ©. Ces Ă©checs ont conduit les Ă©diteurs de revues scientifiques rĂ©putĂ©es, telles que The Lancet17 et The New England Journal of Medicine18 , Ă  condamner fermement la gestion politique de la pandĂ©mie de Covid-19 en Europe et aux USA. Le WHO a Ă©galement frĂ©quemment fustigĂ© la trop faible rĂ©activitĂ© de nombreux gouvernements dans la lutte contre la pandĂ©mie19 .

Ces Ă©checs dĂ©montrent la nĂ©cessitĂ© de changer drastiquement de stratĂ©gie de santĂ© publique face aux menaces globales. Une stratĂ©gie rĂ©active est trĂšs coĂ»teuse, difficile Ă  mettre en Ɠuvre dans l’urgence et Ă  faire accepter par la population. Il est donc indispensable de tenter d’anticiper ces menaces et surtout de les prĂ©venir en agissant sur les conditions favorisant leur Ă©mergence. C’est ce que prĂŽne la nouvelle approche de la santĂ© publique connue comme One Health (une seule santĂ©).

One Health, une vision unifiée de la santé

One Health constitue aujourd’hui le cadre conceptuel de rĂ©fĂ©rence de la plupart des organisations nationales et internationales de santĂ© publique, comme l’Organisation mondiale de la santĂ© (WHO), l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Organisation mondiale de la SantĂ© animale (OIE) ainsi que les centres pour le contrĂŽle et la prĂ©vention des maladies (CDC) amĂ©ricains.

One Health peut se rĂ©sumer Ă  la reconnaissance de l’interconnexion du vivant.

C’est-Ă -dire de l’interconnexion entre santĂ© humaine, santĂ© animale et Ă©tat des Ă©cosystĂšmes, et ce sur base des Ă©vidences scientifiques accumulĂ©es en plus d’un demi-siĂšcle. Historiquement, on peut reconstituer sa genĂšse en trois grandes Ă©tapes.

1. Le terme One medicine (une médecine)

Il fut introduit en 1984 par Calvin Schwabe, un vĂ©tĂ©rinaire et Ă©pidĂ©miologiste amĂ©ricain, dans son ouvrage MĂ©decine VĂ©tĂ©rinaire et SantĂ© Humaine20 . Schwabe proposa le terme One medicine pour souligner que : « Il n’y a aucune diffĂ©rence de paradigme entre mĂ©decine humaine et mĂ©decine vĂ©tĂ©rinaire. Les deux sciences partagent un corpus commun de connaissances en anatomie, physiologie, pathologie, sur les origines des maladies chez toutes les espĂšces ».

L’interconnexion entre santĂ© animale et humaine est aujourd’hui bien documentĂ©e en matiĂšre d’épidĂ©mie. Sur les 1 407 agents pathogĂšnes affectant l’humain, 58 % sont d’origine animale21 , dont un quart capable d’une transmission interhumaine potentiellement source d’épidĂ©mie ou de pandĂ©mie, Ă  l’instar des virus Influenza et Ebola. De plus, 75 % des maladies infectieuses Ă©mergentes sont d’origine animale22 . Schwabe fait Ă©galement le constat que la collaboration entre vĂ©tĂ©rinaires et mĂ©decins gĂ©nĂšre des bienfaits qui sont bien plus que simplement additifs. Par exemple, en identifiant chez l’animal une Ă©pidĂ©mie pouvant affecter l’humain, il est souvent possible de la contrĂŽler plus rapidement et Ă  moindre coĂ»t, ce qui se traduit par une rĂ©duction des risques et d’importantes Ă©conomies financiĂšres.

Prenons le cas de la brucellose. Cette maladie est due aux bactĂ©ries Brucella, dont plusieurs espĂšces infectent de maniĂšre chronique les ruminants domestiques et causent des avortements. L’humain peut ĂȘtre infectĂ© par contact direct avec les animaux touchĂ©s ou, le plus souvent, suite Ă  la consommation d’aliments contaminĂ©s, mais la transmission entre humains est quasi inexistante. Agir sur le rĂ©servoir animal permet ainsi de rĂ©duire les coĂ»ts Ă©conomiques liĂ©s Ă  la perte du bĂ©tail et d’amĂ©liorer la santĂ© humaine.

2. Les “12 principes de Manhattan”23

Ils ont Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©s en 2004, lors d’une confĂ©rence organisĂ©e Ă  New York par la SociĂ©tĂ© pour la conservation de la vie sauvage (Wildlife Conservation Society).

Le premier de ces principes insiste sur la nécessaire reconnaissance des liens entre santé humaine, santé animale et environnement. Illustrons ces liens par quelques exemples.

Le lien entre l’intrusion de l’humain dans un Ă©cosystĂšme et l’apparition d’une Ă©pidĂ©mie est bien illustrĂ© par le cas du virus de l’immunodĂ©ficience humaine (VIH), qui a fait plus de 32 millions de morts entre 1981 et 2018. Son Ă©mergence est vraisemblablement due Ă  une augmentation de la chasse et de la consommation de viande de chimpanzĂ© dans la rĂ©gion de Kinshasa (RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo) dans les annĂ©es 1920-50 : les contacts alors accrus entre humains et primates infectĂ©s par le virus de l’immunodĂ©ficience simienne ont favorisĂ© l’adaptation de cet agent pathogĂšne Ă  l’humain24 .

On peut Ă©galement citer pour exemple la maladie de Lyme. Cette pathologie, qui tĂ©moigne des liens entre altĂ©ration de la biodiversitĂ© et Ă©pidĂ©mies25 , est due Ă  une bactĂ©rie, Borrelia burgdorferi, transmise par la morsure de tiques. Dans la nature, les tiques se nourrissent sur un grand nombre de vertĂ©brĂ©s. Certains, comme les Ă©cureuils et les cervidĂ©s, sont assez rĂ©sistants Ă  l’infection. D’autres, telles les souris, y sont en revanche trĂšs susceptibles. Suite Ă  un effet de dilution, on trouve ainsi peu de tiques infectĂ©es dans les forĂȘts prĂ©sentant une grande biodiversitĂ©. Mais lĂ  oĂč elle est faible, dans de petites parcelles boisĂ©es oĂč les prĂ©dateurs sont donc peu nombreux, les souris peuvent voir leur nombre augmenter, ce qui accroĂźt la frĂ©quence d’infection des tiques et le risque pour l’humain : dans le nord-est des États-Unis et en Europe, un cycle historique de dĂ©forestation, de reboisement et de fragmentation des zones boisĂ©es a ainsi favorisĂ© la progression de la maladie.

Dernier exemple emblĂ©matique : le rĂ©chauffement climatique. Il est dĂ©sormais bien Ă©tabli qu’il change la donne pour un large Ă©ventail de maladies Ă  transmission vectorielle en Europe, et continuera de le faire dans les dĂ©cennies Ă  venir26 . On sait par exemple que le moustique tigre d’origine asiatique (Aedes albopictus), vecteur de maladies telles que Zika, la dengue et le chikungunya, ou encore la mouche des sables (phlĂ©botome), originaire du Bassin mĂ©diterranĂ©en et de l’Afrique du Nord et qui transmet la leishmaniose, se sont dĂ©sormais Ă©tablis dans le sud de l’Europe.

Les “12 principes de Manhattan” pointent Ă©galement la nĂ©cessitĂ© d’approches holistiques et prospectives des maladies infectieuses Ă©mergentes en mĂȘlant des spĂ©cialistes de toutes les disciplines et en tenant compte des interconnexions complexes entre espĂšces. La prĂ©vention des Ă©pidĂ©mies passe notamment par une rĂ©duction du commerce d’animaux sauvages en raison de « la menace rĂ©elle qu’il reprĂ©sente pour la sĂ©curitĂ© socioĂ©conomique mondiale » ; une augmentation des investissements dans les infrastructures de santĂ© et les rĂ©seaux de surveillance des maladies infectieuses ; un partage rapide et clair des informations ; une Ă©ducation et une sensibilisation des populations et des dĂ©cideurs politiques Ă  l’interconnexion du vivant.

La conclusion livrĂ©e dans le rĂ©sumĂ© du congrĂšs est sans appel : « RĂ©soudre les menaces d’aujourd’hui et les problĂšmes de demain ne peut ĂȘtre accompli avec les approches d’hier ». « Nous devons concevoir des solutions adaptatives, prospectives et multidisciplinaires aux dĂ©fis qui nous attendent sans aucun doute ».

3. Le concept One World, One Health (un seul monde, une seule santé)

Ce concept fut prĂ©sentĂ© en 2008 lors d’un symposium Ă  Sharm el-Sheikh sur les risques infectieux liĂ©s aux contacts des Ă©cosystĂšmes humain et animal27 . Il prĂ©sente un cadre stratĂ©gique global pour rĂ©duire les risques d’émergence de nouvelles maladies infectieuses Ă  l’interface animal-humain-Ă©cosystĂšmes.

Pour atteindre cet objectif, plusieurs changements stratĂ©giques importants sont prĂ©sentĂ©s comme indispensables. Il est nĂ©cessaire d’initier des actions plus prĂ©ventives en s’attaquant aux causes profondes et aux moteurs de maladies infectieuses, en particulier Ă  l’interface animal-homme-Ă©cosystĂšmes. De passer d’intervention Ă  court terme Ă  des interventions Ă  long terme. De renforcer des capacitĂ©s nationales et internationales d’intervention d’urgence afin de prĂ©venir et contrĂŽler les Ă©pidĂ©mies avant qu’elles ne deviennent rĂ©gionales et surtout internationales. De promouvoir une large collaboration institutionnelle entre les secteurs et disciplines.

Peu de temps aprĂšs ce symposium, suite Ă  la pandĂ©mie de grippe A due au virus H1N1 de 2008-2009, l’OMS adopta un nouveau programme mondial de lutte contre la grippe basĂ© sur la stratĂ©gie One Health et impliquant une surveillance accrue des rĂ©servoirs animaux. Et dans le mĂȘme temps, une premiĂšre agence One Health fut crĂ©Ă©e aux États-Unis en collaboration avec les CDCs28. Elle Ɠuvre aujourd’hui Ă  promouvoir un agenda mondial de la sĂ©curitĂ© sanitaire29 , en coopĂ©ration avec de nombreuses autres organisations nationales et internationales, et implique plus de 70 pays.

One Health, EcoHealth et Planetary Health

Depuis l’émergence de One Health, d’autres concepts s’en rapprochant30 , comme EcoHealth et Planetary Health, ont vu le jour et ont Ă©tĂ© adoptĂ©s par la communautĂ© scientifique.

Pour des raisons historiques, One Health reste trĂšs focalisĂ©e sur la prĂ©vention des Ă©pidĂ©mies pouvant toucher l’humain et donc se soucie principalement de la santĂ© des vertĂ©brĂ©s, mĂȘme si son approche inclus Ă©galement les Ă©cosystĂšmes. EcoHealth et Planetary Health partagent le mĂȘme socle conceptuel que One Health mais ont fortement Ă©largi la dimension environnementale, le type de menaces Ă  considĂ©rer dans le cadre d’une politique efficace de santĂ© publique et ont introduit des considĂ©rations d’équitĂ©s dans les politiques de santĂ© publique.

L’approche EcoHealth, supportĂ©e par le journal EcoHealth, s’axe sur la protection de la biodiversitĂ© dans son ensemble et la prĂ©vention de toutes les menaces dans le domaine de la santĂ©. Elle s’intĂ©resse donc Ă©galement aux menaces d’origine non infectieuses comme la pollution atmosphĂ©rique ou les polluants contaminant l’environnement. Elle insiste sur la valeur intrinsĂšque de la biodiversitĂ© et la nĂ©cessitĂ© de trouver des solutions Ă©quitables, et donc plus acceptables par les populations, face aux menaces pesant sur la santĂ© humaine.

Planetary Health est l’approche la plus rĂ©cente. Elle est portĂ©e par la fondation Rockefeller et le journal The Lancet. Elle se prĂ©sente comme une approche globale pour faire face Ă  l’ensemble des menaces croissantes dans le domaine de la santĂ© humaine Ă  l’Ă©chelle mondiale. Elle insiste notamment sur la nĂ©cessitĂ© d’une Ă©conomie soutenable et respectueuse de la santĂ© animale et humaine ainsi que des Ă©cosystĂšmes.

Si ces trois approches traduisent des sensibilitĂ©s et des composantes disciplinaires diffĂ©rentes, elles convergent cependant toutes sur la nĂ©cessitĂ© d’une politique de santĂ© publique basĂ©e sur la prĂ©vention des menaces en agissant sur les facteurs socio-Ă©conomiques favorisant leur Ă©mergence. Elles s’accordent Ă©galement sur le constat qu’une partie croissante des causes de dĂ©cĂšs sont la consĂ©quence directe de notre systĂšme socioĂ©conomique. Par exemple, la pollution de l’air cause 9 millions de dĂ©cĂšs par annĂ©e, soit 16% des dĂ©cĂšs totaux (chiffre OMS 2019). Si l’on additionne les dĂ©cĂšs liĂ©s Ă  la pollution, au tabac (8 millions, 13.6%), Ă  l’alcool (3.3 millions, 5.6%) et Ă  l’obĂ©sitĂ© liĂ©e Ă  la consommation d’aliments ultra-transformĂ©s (2.8 millions, 4.7%), on constate que 39.9% des causes de dĂ©cĂšs sont directement liĂ©es Ă  la qualitĂ© de l’air et Ă  l’alimentation. Bien loin devant les dĂ©cĂšs liĂ©s aux maladies infectieuses.

La conclusion d’un rapport publiĂ© en 2015 par la fondation Rockefeller et la Commission Lancet est sans ambiguĂŻtĂ© : « Nous hypothĂ©quons la santĂ© des gĂ©nĂ©rations futures pour rĂ©aliser des gains Ă©conomiques et de dĂ©veloppement dans le prĂ©sent. En exploitant de maniĂšre non durable les ressources de la nature, la civilisation humaine s’est Ă©panouie, mais elle risque Ă  l’avenir d’avoir Ă  faire face Ă  des effets importants sur la santĂ© dus Ă  la dĂ©gradation des systĂšmes de survie de la nature. »31 .

One Health, de la théorie à la pratique

Si le concept One Health s’est imposĂ© depuis les annĂ©es 2010 dans les agences de santĂ© publique, son application concrĂšte par les dĂ©cideurs politiques reste encore trĂšs timide.

A l’exception de programmes de surveillance ciblĂ© sur des menaces connues, comme celle des virus influenza, on consacre encore trop peu de moyens Ă  dĂ©tecter l’émergence de nouvelles menaces. L’exemple du SARS-CoV-2 est dĂ©sormais emblĂ©matique. Suite Ă  l’épidĂ©mie de SARS-CoV-1 de 2003 et de Middle East respiratory syndrome coronavirus (MERS-CoV) de 2012, de trĂšs nombreuses Ă©tudes ont Ă©tĂ© consacrĂ©es aux coronavirus. DĂšs 2013, des recherches indiquaient clairement que des coronavirus proches du SARS-CoV-1 et disposant d’un fort potentiel infectieux pour l’humain Ă©taient prĂ©sents en nature chez les chauves-souris32 33 . Ces Ă©tudes soulignaient la « menace permanente (
) et la nĂ©cessitĂ© d’une Ă©tude et d’une surveillance continues »34 de ces virus. L’épidĂ©mie de SARS-CoV-2 de 2019 a pourtant Ă©tĂ© accueillie avec surprise, voire avec un certain dĂ©ni, par de nombreux gouvernements.

La prĂ©vention de l’apparition de nouveaux agents pathogĂšnes se heurte Ă  la difficultĂ© d’agir sur les conditions socioĂ©conomiques favorisant leur Ă©mergence et surtout Ă  l’absence d’une gouvernance mondiale en matiĂšre sanitaire. Des mesures internationales coordonnĂ©es sont indispensables pour lutter efficacement contre les Ă©pidĂ©mies. Rappelons que le WHO est une simple agence spĂ©cialisĂ©e de l’Organisation des Nations unies. FinancĂ©e par les États et des fondations privĂ©es, elle ne dispose d’aucune capacitĂ© d’investigation autonome et est tributaire du bon vouloir des gouvernements qui font malheureusement souvent passer l’économie avant la santĂ© publique. Son rĂŽle se borne donc Ă  fournir une expertise et des recommandations aux États. Elle ne peut ĂȘtre tenue pour responsable de l’inaction de ceux-ci.

Une rĂ©ponse internationale coordonnĂ©e n’est possible que si la menace est perçue de la mĂȘme maniĂšre par tous et si les gouvernements fixent des prioritĂ©s similaires. Son efficacitĂ© dĂ©pend Ă©galement de l’acceptation des mesures par la population, ce qui implique souvent des sacrifices en faveur de l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral. Certaines caractĂ©ristiques fondamentales de l’idĂ©ologie libĂ©rale qui domine les sociĂ©tĂ©s occidentales rendent problĂ©matique cette rĂ©ponse globale et collective : la neutralitĂ© de l’État et le primat de l’individu sur le collectif. D’aprĂšs John Rawls35 et Charles Larmore36 , le libĂ©ralisme prĂ©conise que les institutions et les politiques publiques soient neutres. C’est-Ă -dire qu’elles ne sont pas censĂ©es favoriser une conception spĂ©cifique du bien commun. Ce qui est le mieux pour tous est gĂ©nĂ©ralement dĂ©terminĂ© dĂ©mocratiquement, par une « compĂ©tition d’opinions ». Le libĂ©ralisme impose Ă©galement un strict respect des libertĂ©s individuelles et des intĂ©rĂȘts privĂ©s et tend Ă  rejeter toute forme de collectivisme ou de dictat imposĂ© par le bien commun. Une politique de santĂ© publique inspirĂ©e par One Health implique donc certains amĂ©nagements de l’idĂ©ologie libĂ©rale et des choix Ă©thiques. A minima, la santĂ© doit ĂȘtre rĂ©habilitĂ©e comme un bien commun et devenir une prioritĂ© de l’action des gouvernements car elle est indispensable Ă  toutes les activitĂ©s Ă©conomiques ou culturelles au sein d’une sociĂ©tĂ© moderne.

Enfin, l’approche One Health repose sur un socle de connaissances scientifiques empiriques et rationnelles. Or, la valeur des connaissances scientifiques elles-mĂȘmes et leur lĂ©gitimitĂ© Ă  Ă©clairer la gouvernance est de plus en plus frĂ©quemment combattue, et ce mĂȘme au sein des universitĂ©s. Le mouvement postmoderne37 incarne une dĂ©fiance envers la science et la rationalitĂ©, perçues comme normatrices et outils de domination. De nombreux universitaires, particuliĂšrement en sciences humaines, ont intĂ©grĂ© la vision constructiviste de la connaissance faisant des thĂ©ories scientifiques des constructions sociales et non de vĂ©ritables descriptions de la rĂ©alitĂ©38 . Dans cette perspective, les vĂ©ritĂ©s scientifiques ne doivent plus ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme des vĂ©ritĂ©s universelles mais comme des « vĂ©ritĂ©s locales », c’est-Ă -dire des vĂ©ritĂ©s n’ayant de valeur qu’au sein de certains groupes sociaux.

Ainsi, bien que l’approche One Health ait Ă  de nombreuses reprises prouvĂ© son efficacitĂ©, sa mise en application se heurte Ă  un grand nombre de problĂšmes pratiques (l’absence de gouvernance mondiale), idĂ©ologiques (l’absence de dĂ©finition claire de l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, la dominance de l’individu sur le collectif) et mĂȘme Ă©pistĂ©mologique (le rejet de la lĂ©gitimitĂ© de la science comme source de vĂ©ritĂ©). Son application nĂ©cessite donc une vĂ©ritable rĂ©volution sociĂ©tale. Une rĂ©volution qu’il est urgent de mener car face aux menaces globales comme la pollution et le changement climatique, le coĂ»t de l’inaction peut s’avĂ©rer exorbitant et mener Ă  terme Ă  l’effondrement de nos sociĂ©tĂ©s.

[1]Https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/05/22/le-covid-19-a-fait-plus-de-six-millions-de-morts-dans-le-monde_6081100_3244.html  (derniĂšre consultation: 2 septembre 2021)

[2]https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S128645791000211X?via%3Dihub (derniĂšre consultation: 2 septembre 2021)

[3]https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(11)60968-9/fulltext (derniĂšre consultation: 2 septembre 2021)

[4]https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0233147  (derniĂšre consultation: 2 septembre 2021)

[5]https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/01/20/nous-chercheurs-voulons-defendre-l-autonomie-de-la-recherche-et-des-formations_6026543_3232.html  (derniĂšre consultation: 2 septembre 2021)

[6]https://www.fhf.fr/Presse-Communication/Espace-presse/Communiques-de-presse/La-ligne-rouge-est-depassee-les-hopitaux-devraient-connaitre-un-deficit-historique-de-1-5-milliards-d-euros.-Reformes-structurelles-et-financieres-sont-desormais-vitales  (derniĂšre consultation: 2 septembre 2021)

[7]https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/11/coronavirus-l-hopital-ne-peut-pas-fonctionner-comme-une-clinique-privee-qui-choisit-ses-patients-pour-optimiser-sa-plomberie_6032559_3232.html  (derniĂšre consultation: 2 septembre 2021)

[8]https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/16/coronavirus-la-question-du-tri-des-malades-est-un-enjeu-ethique-et-democratique-majeur_6033323_3232.html  (derniĂšre consultation: 2 septembre 2021)

[9]https://www.nature.com/articles/s41893-019-0293-3  (derniĂšre consultation: 2 septembre 2021)

[10]https://www.icao.int/annual-report-2018/Pages/FR/the-world-of-air-transport-in-2018.aspx  (derniĂšre consultation: 2 septembre 2021)

[11]https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK92473/  (derniĂšre consultation: 2 septembre 2021)

[12]https://www.insurancejournal.com/news/national/2020/12/14/593838.htm (derniĂšre consultation: 2 septembre 2021)

[13]https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2771764  (derniĂšre consultation: 2 septembre 2021)

[14]https://www.lesoir.be/287310/article/2020-03-15/coronavirus-larmee-requisitionnee-pour-lutter-contre-lepidemie-en-espagne (derniĂšre consultation: 2 septembre 2021)

[15]https://www.lesoir.be/287724/article/2020-03-17/laisser-faire-le-coronavirus-les-pays-bas-et-le-royaume-uni-misent-sur-une (derniĂšre consultation: 2 septembre 2021)

[16]R. L. Haffajee, M.M. Mello. Thinking Globally, Acting Locally — The U.S. Response to Covid-19. N Engl J Med. 382, e75 (2020).

[17]R. Horton, Ed., The COVID-19 Catastrophe: What’s Gone Wrong and How to Stop It Happening Again (Policy Press, Cambridge, UK and Medford, MA, 2020)

[18]Editors. Dying in a Leadership Vacuum. N Engl J Med. 383(15), 1479-1480 (2020).

[19]https://www.rtbf.be/info/monde/detail_pour-l-oms-beaucoup-de-pays-n-en-font-pas-assez-pour-combattre-le-coronavirus%C2%A0?id=10449010 (derniĂšre consultation: 2 septembre 2021)

[20]Schwabe C.W. Williams & Wilkins; Baltimore: 1984. Veterinary Medicine and Human Health.

[21]https://wwwnc.cdc.gov/eid/article/11/12/05-0997_article (derniĂšre consultation: 2 septembre 2021)

[22]https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rstb.2001.0888 (derniĂšre consultation: 2 septembre 2021)

[23]http://www.oneworldonehealth.org/sept2004/owoh_sept04.html (derniĂšre consultation: 2 septembre 2021)

[24]https://science.sciencemag.org/content/346/6205/56 (derniĂšre consultation: 2 septembre 2021)

[25]https://www.nature.com/articles/nature09575 (derniĂšre consultation: 2 septembre 2021)

[26]https://academic.oup.com/femsle/article/365/2/fnx244/4631076 (derniĂšre consultation: 2 septembre 2021)

[27]https://www.oie.int/doc/ged/D5720.PDF (derniĂšre consultation: 2 septembre 2021)

[28]https://www.cdc.gov/onehealth/index.html (derniĂšre consultation: 2 septembre 2021)

[29]https://ghsagenda.org/ (derniĂšre consultation: 2 septembre 2021)

[30]https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fvets.2017.00163/full (derniĂšre consultation: 2 septembre 2021)

[31]https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(15)60901-1/fulltext (derniĂšre consultation: 2 septembre 2021)

[32]https://www.nature.com/articles/nature12711 (derniĂšre consultation: 2 septembre 2021)

[33]https://www.nature.com/articles/nm.3985 (derniĂšre consultation: 2 septembre 2021)

[34]https://www.pnas.org/content/113/11/3048 (derniĂšre consultation: 2 septembre 2021)

[35]J. Rawls, Ed., Theory of Justice (Harvard University Press, Cambridge, MA, 1973)

[36]C. Larmore. Political Liberalism. Political Theory. 18(3), 339-360 (1990)

[37]Jean-François Lyotard. La Condition postmoderne. 1979

[38]Bruno Latour et Steven Woolgar. La vie de laboratoire. La production des faits scientifiques. 1979

Dans ce contexte de crise sanitaire, nous entendons frĂ©quemment ce rapprochement fait entre la pandĂ©mie Covid-19 et des prĂ©occupations de santĂ© environnementale1 . Les acteurs de la promotion de la santĂ© sont directement concernĂ©s et mis Ă  contribution pour d’une part faire face Ă  la crise sanitaire et d’autre part pour aider Ă  rĂ©vĂ©ler des liens subtils entre les soubresauts des Ă©cosystĂšmes et notre santĂ©. A premiĂšre vue des prĂ©occupations complĂ©mentaires mais avec entre les deux un changement d’échelle dans le temps et dans l’espace et des notions d’écologie difficiles Ă  manier comme la «biodiversité». Sommes-nous prĂȘts Ă  faire le saut ?

Ce texte a Ă©tĂ© publiĂ© dans La grande minute doc, n°1-2021, publiĂ© par l’IREPS Nouvelle-Aquitaine. Nous les remercions pour leur aimable autorisation de reproduction. Retrouvez le texte initial sur LaGrandeMinuteDoc-1-Irepsna.pdf.

La lutte contre le coronavirus s’appuie d’abord sur des gestes barriĂšres avec peu de consĂ©quences nĂ©fastes pour l’environnement. Mais l’utilisation de produits nettoyants et/ou dĂ©sinfectants, ainsi que la consommation des masques et de diverses fournitures jetables, souvent constituĂ©es de matiĂšre plastique peuvent rĂ©ellement poser problĂšme. Il ne faut pas sous-estimer ce que coĂ»tent sur le plan environnemental l’ensemble de tous les process, depuis la fabrication des produits jusqu’à la gestion des dĂ©chets. Nous pourrions chercher Ă  suivre les effets des biocides que nous rĂ©pandons autour de nous, que nous inhalons ou que nous manipulons sans toujours prendre les prĂ©cautions que cela demande pourtant. De nombreux acteurs s’en prĂ©occupent dĂ©jĂ  sĂ©rieusement, notamment parmi les Etablissements Recevant du Public (ERP), et c’est un premier lien entre COVID-19 et santĂ© environnementale.

Dans nos mains du gel hydroalcoolique et des télécommandes

ParallĂšlement nous subissons le confinement, imposant a priori un mode de vie Ă©conome et sans danger. Mais il s’avĂšre qu’il montre vite les limites de l’espace dans lequel nous sommes confinĂ©s. S’agit-il d’un petit appartement sans balcon au dixiĂšme Ă©tage d’un immeuble en zone urbanisĂ©e ou bien d’un pied-Ă -terre spacieux entourĂ© d’une vĂ©gĂ©tation luxuriante ? Tout ce qui nous entoure a alors le don de nous faire changer d’air ou Ă  l’inverse de nous faire tourner en rond entre les Ă©crans, dans un bain de rayonnements divers. En contrepartie de la rĂ©duction des dĂ©placements il n’y aura sans doute jamais eu autant de flux de donnĂ©es entre les serveurs et une telle surchauffe des rĂ©seaux. Deux autres liens assez Ă©vidents donc entre COVID-19 et santĂ© environnementale, maintenant bien connus d’acteurs de terrain Ɠuvrant pour le lien social : des situations de cumul de l’isolement et d’environnements dĂ©favorables d’une part, l’adoption pour un temps ou pour longtemps de modes de vie sĂ©dentaires et trĂšs connectĂ©s.

Dans ce contexte d’urgence face Ă  l’épidĂ©mie prenant le pas sur d’autres prĂ©occupations, des voix s’élĂšvent malgrĂ© tout pour maintenir des engagements de choix des solutions les plus Ă©cologiques possibles. Avec d’autres, les acteurs de l’Education Ă  l’Environnement et au DĂ©veloppement Durable (EEDD) et ceux de la promotion de la santĂ© se font entendre pour que la santĂ© environnementale ne soit pas oubliĂ©e et proposent de vĂ©ritables stratĂ©gies de survie en milieu hostile, en guidant vers les Ă©co-gestes toujours valables en situation de crise sanitaire (le Do It Yourself ou faire soi-mĂȘme des produits mĂ©nagers simples et sans danger, encouragĂ© par exemple par les Centres Permanents d’Initiation Ă  l’Environnement).

Mais si la prise de conscience et les engagements sur le terrain en restaient lĂ  nous ne ferions en fait qu’aborder trop partiellement le sujet. L’épidĂ©mie de COVID-19 nous a appris trĂšs tĂŽt, dĂšs le mois de mars 2020, que nous avions d’autres interactions avec la biosphĂšre, avec des consĂ©quences potentiellement considĂ©rables. Tout particuliĂšrement lorsque des populations continuent d’aller chercher un apport alimentaire non nĂ©gligeable en prĂ©levant sur une faune sauvage habitant des milieux semi-naturels trĂšs perturbĂ©s par les activitĂ©s humaines (braconnage des pangolins par exemple).

Quand la santé tire ses forces et ses faiblesses des écosystÚmes et de la biodiversité

C’est ce que nous sommes en train d’apprendre comme si c’était la premiĂšre grande leçon de ce genre : des causes humaines de la dĂ©gradation de certains Ă©quilibres naturels provoquent des causes de mise en danger pour des populations entiĂšres. Des phĂ©nomĂšnes d’une telle ampleur que cela remet en cause l’image d’une nature gĂ©nĂ©reuse et «protectrice», soutien de notre bien-ĂȘtre.

Pour aller un peu plus loin nous pouvons dire que lorsque l’environnement «pose problĂšme» Ă  la santĂ© humaine cela provient d’au moins trois grands cas de figure :

  1. Quand certaines caractĂ©ristiques du monde vivant crĂ©ent des difficultĂ©s sans cause humaine prĂ©alable : c’est le cas des pollens provenant d’une zone boisĂ©e provoquant des allergies ou encore celui des moustiques se dĂ©veloppant dans une zone humide et devenant vecteurs de certaines maladies,
  2. Lorsque des activitĂ©s humaines volontaires bien identifiĂ©es sont Ă  l’origine de la prĂ©sence de substances toxiques dans notre environnement : les particules fines dans l’air que nous respirons par exemple, ou encore l’utilisation de pesticides pouvant migrer de la plante vers le sol, puis vers les aquifĂšres,
  3. Enfin, sans doute le cas le plus problĂ©matique en raison de l’ampleur des phĂ©nomĂšnes, quand l’humanitĂ© agit pour son dĂ©veloppement et que les consĂ©quences de ses actes entraĂźnent directement ou indirectement de nouvelles confrontations avec les Ă©lĂ©ments naturels : c’est manifestement le cas pour le SARS-CoV-2 ainsi que pour le changement climatique qui doivent tous les deux beaucoup Ă  la civilisation industrielle.

La COVID-19 provoque l’irruption de cette image schĂ©matique mais percutante de l’enchaĂźnement d’un facteur dĂ©clenchant de la responsabilitĂ© des hommes conduisant Ă  l’apparition d’un Ă©lĂ©ment pathogĂšne et Ă  des consĂ©quences inattendues. C’est dans le cas prĂ©sent la transmission du virus de l’animal Ă  l’homme puis la pandĂ©mie, comme cela semble maintenant clairement Ă©tabli. Le changement climatique, causĂ© par les activitĂ©s humaines, rĂ©vĂ©lera progressivement l’étendue des dĂ©gĂąts qu’il peut causer et qui s’articuleront aussi autour des Ă©volutions de la faune et de la flore (comme avec les espĂšces invasives).

Cette situation peut donc ĂȘtre Ă  l’origine d’un changement de regard sur une santĂ© environnementale qui fait sa mue et qui rejoint ce qu’avait initiĂ© le mouvement One Health2 , en français Une seule santĂ©. Un changement de perspective et d’échelle de temps aussi pour la promotion de la santĂ© amenĂ©e Ă  embrasser cette si longue chaĂźne de causes Ă  effets. Celle qui se dĂ©roule entre, au dĂ©part, les conditions semi-naturelles façonnĂ©es par l’homme, ensuite les rĂ©percussions sur la biodiversitĂ©3 (faune et flore, espĂšces et Ă©cosystĂšmes), puis enfin des situations dĂ©favorables ou favorables aux ĂȘtres humains.

Susciter et animer la transition socio-écologique avec des arguments en faveur de la santé

La promotion de la santĂ© a bien cette vocation Ă  faire apparaĂźtre la globalitĂ© des dĂ©terminants de santĂ© et Ă  montrer les liens qu’ils entretiennent entre eux, grĂące Ă  son approche intersectorielle. Si la promotion de la santĂ© est une clĂ© pour ouvrir cette complexitĂ©, puis est en mesure d’éclairer et de diffuser largement la comprĂ©hension des liens entre environnement et santĂ©, c’est aussi un dĂ©fi pour elle de se saisir des grands bouleversements planĂ©taires que sont l’érosion de la biodiversitĂ© et le changement climatique. Il s’agit en effet d’une mission Ă  mener en amont des crises Ă  venir. Ceci constitue un vĂ©ritable changement d’échelle de temps alors que la prĂ©occupation est encore Ă  contre-courant de ce qui anime actuellement les publics. C’est aussi un changement de «relation Ă  l’espace» car la question se pose globalement et est assez Ă©vidente Ă  l’échelle planĂ©taire (la situation dans l’arctique, les courants ocĂ©aniques, etc.) mais reste plus discrĂšte encore dans les territoires et n’est pas encore perçue localement.

Enfin le dĂ©tour par l’écologie comme science contribuant Ă  expliquer ces phĂ©nomĂšnes ne va pas de soi, mĂȘme si c’est bien dans les dĂ©bats entre Ă©cologues que nous trouverons une partie des clĂ©s de comprĂ©hension de la dynamique des Ă©cosystĂšmes, de la biodiversitĂ© et des services qu’elle rend, ceux qu’elle ne rendra plus, de la place de l’humanitĂ© dans ces Ă©volutions…

Avec la COVID-19 la promotion de la santĂ© va davantage se prĂ©occuper de l’état et de la gestion des environnements proches et lointains, ainsi que de leurs consĂ©quences directes et indirectes sur la santĂ©. Les enjeux sont considĂ©rables et mĂ©ritent qu’elle s’y consacre, notamment en Nouvelle-Aquitaine, premiĂšre rĂ©gion agricole et forestiĂšre de France. Elle a des atouts pour favoriser l’appropriation de ces questions par les citoyen·ne·s. En Ă©vitant l’écueil de l’anxiĂ©tĂ© dĂ©mobilisatrice elle peut rendre accessible les arguments scientifiques, co-construire les rĂ©ponses appropriĂ©es avec les habitants. Elle favorisera d’autant mieux l’émergence de mobilisations collectives en s’appuyant sur un diagnostic des changements globaux et de leurs consĂ©quences prĂ©visibles Ă  moyen-terme dans les territoires.

La promotion de la santĂ© est lĂ©gitime pour susciter une meilleure possession par toutes et tous, communautĂ©s et individus, des liens entre environnement et santĂ© et des moyens d’engager une transition socio-Ă©cologique4 prĂ©ventive. Pour leur montrer comment passer les obstacles et faire en sorte que cette transition pour une meilleure santĂ© grĂące Ă  un environnement plus sain soit Ă  notre portĂ©e, entre nos mains.

Entretien avec Linda Cambon5

Avec la Covid-19, sommes-nous à un tournant du regard que nous portons sur la biodiversité ?

L.C. – Il le faudrait. Cette Ă©niĂšme Ă©pidĂ©mie nous rappelle Ă  quel point les caractĂ©ristiques de notre fonctionnement mondial nous mettent en pĂ©ril. La mondialisation des systĂšmes de production animale, la vente d’animaux sauvages vivants, le tourisme de masse, le commerce international, l’hypermobilitĂ© sont les facteurs qui conduisent Ă  la situation que nous vivons. Nous mettons la planĂšte Ă  mal et en recueillons les fruits. Cela dit, je ne suis pas sĂ»re que les responsables se rendent compte des liens qui existent entre l’écosystĂšme et ce qui se produit. Par exemple, en France, au moment mĂȘme oĂč nous luttons contre cette pandĂ©mie, une loi vient d’ĂȘtre prise par la ministre en charge de l’environnement permettant la rĂ©introduction des nĂ©onicotinoĂŻdes dans les cultures dont la betterave alors mĂȘme que cet insecticide avait Ă©tĂ© interdit en raison de sa toxicitĂ© humaine et environnementale. Nous sommes donc loin d’une approche « One health », une seule santĂ©.

L’approche One Health «une seule santé» veut-elle nous faire prendre conscience des liens entre qualitĂ© de l’environnement et santĂ© humaine ?

L.C. – Oui. L’approche One Health (Une seule santĂ©) rappelle que 75 % des maladies infectieuses Ă©mergentes sont d’origine animale. Les Ă©pidĂ©mies d’origine zoonotique sont liĂ©es aux perturbations de la dynamique des interactions entre les populations d’humains, d’agents infectieux, de rĂ©servoirs animaux, et parfois d’insectes vecteurs. C’est la modification des habitats des diffĂ©rentes espĂšces (dĂ©forestation, urbanisation, etc), les changements environnementaux, climatiques et socio-Ă©conomiques, et les concentrations d’espĂšce qui modifient les probabilitĂ©s d’interactions entre chaque population et la circulation d’agents infectieux entre elles. Plus que la prise de conscience, cette approche convoque donc des stratĂ©gies globales de respect de l’écosystĂšme que les responsables n’ont pas encore intĂ©grĂ©. En effet, nous le voyons bien, alors que l’émergence de nouvelles pandĂ©mies virales d’origine zoonotique avait Ă©tĂ© maintes fois prĂ©dite par la communautĂ© scientifique, il n’y a ni anticipation, ni synergie entre les pays dans les rĂ©ponses apportĂ©es. Les mesures restent hĂ©tĂ©roclites (et parfois contradictoires), alors qu’une pandĂ©mie est un problĂšme supranational.

La «santĂ© de l’environnement», la «santĂ© des milieux naturels», cela existe vraiment ?

L.C. – Il est courant d’inventer ou modifier des termes pour renforcer le discours politique. Cela fait partie du plaidoyer. Parler de santĂ© de l’écosystĂšme ou des milieux naturels plutĂŽt que de qualitĂ© va dans ce sens. La santĂ© humaine dĂ©pend de l’écosystĂšme (la disponibilitĂ© de sources d’eau douce, de nourriture, de carburant, la qualitĂ© de l’air, etc.) car la perte de biodiversitĂ© a des consĂ©quences directes non nĂ©gligeables sur la santĂ© si les services de l’écosystĂšme ne rĂ©pondent plus aux besoins des populations. La qualitĂ© ou la santĂ© de l’écosystĂšme est donc essentielle Ă  l’homme. Parler de santĂ© de l’environnement contribuera peut-ĂȘtre Ă  rapprocher dans les consciences la santĂ© animale et des milieux Ă  celle de l’Homme.

A long terme un Ă©quilibre de la nature et des activitĂ©s humaines respectueuses de l’environnement pourrait-il conduire Ă  un monde sans risque sanitaire ?

L.C. – La question est moins celle du long terme que celle du courage politique. Je ne crois pas que l’on puisse prĂ©venir tous les risques sanitaires, mais une approche par dĂ©terminant ici s’applique. Nous connaissons les consĂ©quences de la maltraitance de l’environnement mais nous continuons en nous aveuglant de ces connaissances ou en continuant Ă  mettre en compĂ©tition nos intĂ©rĂȘts (enrichissement, tourisme versus pollution, appauvrissement par exemple) et nos ministĂšres (santĂ© versus agriculture) et en n’investissant pas dans les solutions alternatives protectrices de l’écosystĂšme (Ă©nergie propre, culture biologique, tourisme et consommation durable, etc.). Nous multiplions les COPs et les confĂ©rences citoyennes sur l’environnement sans en appliquer vĂ©ritablement les mesures. Je crois que si des mesures Ă©taient prises avec courage, nous n’aurions pas besoin d’attendre longtemps pour voir les rĂ©sultats.

Pour en savoir plus

Pour suivre l’actualitĂ© de ces sujets avec l’IREPS Nouvelle-Aquitaine

[1] La santĂ© environnementale, selon la dĂ©finition de l’OMS, comprend les aspects de la santĂ© humaine, y compris la qualitĂ© de la vie, qui sont dĂ©terminĂ©s par les facteurs physiques, chimiques, biologiques, sociaux, psychosociaux et esthĂ©tiques de notre environnement. Elle concerne Ă©galement la politique et les pratiques de gestion, de rĂ©sorption, de contrĂŽle et de prĂ©vention des facteurs environnementaux susceptibles d’affecter la santĂ© des gĂ©nĂ©rations actuelles et futures.

[2] L’approche dite «One Health» s’intĂ©resse aux liens fondamentaux entre la santĂ© humaine et celle des animaux et des Ă©cosystĂšmes, ainsi que sur la valeur ajoutĂ©e des collaborations interdisciplinaires et intersectorielles dans ce domaine. Cette approche intĂ©grĂ©e de la santĂ© repose notamment sur le renforcement des capacitĂ©s des autoritĂ©s sanitaires en matiĂšre de prĂ©vention, de prĂ©paration et d’intervention face aux foyers de maladies.

[3] La biodiversitĂ© : c’est le tissu vivant de notre planĂšte. Cela recouvre l’ensemble des milieux naturels et des formes de vie (plantes, animaux, champignons, bactĂ©ries, etc.) ainsi que toutes les relations et interactions qui existent, d’une part, entre les organismes vivants eux-mĂȘmes, d’autre part, entre ces organismes et leurs milieux de vie. Nous autres, humains, appartenons Ă  une espĂšce – Homo sapiens – qui constitue l’un des fils de ce tissu. La notion mĂȘme de biodiversitĂ© est complexe, car elle comprend trois niveaux interdĂ©pendants : la diversitĂ© des milieux de vie Ă  toutes les Ă©chelles, la diversitĂ© des espĂšces, la diversitĂ© des individus au sein de chaque espĂšce.

[4] La transition socio-écologique : évolution vers un nouveau modÚle économique et social, un modÚle de développement durable qui renouvelle nos façons de consommer, de produire, de travailler, de vivre ensemble pour répondre aux grands enjeux environnementaux, ceux du changement climatique, de la rareté des ressources, de la perte accélérée de la biodiversité et de la multiplication des risques sanitaires environnementaux.

[5] PhD-HDR, titulaire Chaire Prévention ISPED-SpF, Equipe MeRISP Centre Inserm U1219, Bordeaux Population Health, Université de Bordeaux.

Cette sĂ©lection, rĂ©alisĂ©e pour le numĂ©ro de rentrĂ©e 2021 de la revue Éducation SantĂ©, propose une liste de ressources sur la thĂ©matique de « One Health » ou santĂ© unique, une approche systĂ©mique qui unifie la santĂ© publique, la santĂ© environnementale et la santĂ© animale. Des documents en lien avec le concept gĂ©nĂ©ral « One Health », la santĂ© Ă  l’épreuve des changements climatiques et environnementaux, et la santĂ© animale sont prĂ©sentĂ©s. Ces derniers sont rĂ©pertoriĂ©s en fonction de leur provenance (Belgique, Europe, Canada et viennent ensuite d’autres documents issus de la littĂ©rature internationale). Ils sont ensuite classĂ©s selon leur annĂ©e de publication, des plus rĂ©cents aux moins rĂ©cents.

Cette sĂ©lection vient en appui Ă  la veille sur la santĂ© environnementale, publiĂ©e en continu sur notre site et vient Ă©galement en complĂ©ment des ressources partagĂ©es par les auteur·es qui ont contribuĂ© Ă  ce nouveau numĂ©ro d’Éducation SantĂ©. Les 33 rĂ©fĂ©rences ont Ă©tĂ© choisies sur base de mots-clĂ©s [1], Ă  travers de nombreuses bases de donnĂ©es [2] qui rĂ©pertorient tant des articles scientifiques que de la littĂ©rature grise. La majoritĂ© de ces ressources sont en français et en anglais, elles sont accessibles en ligne, sur les sites de leur provenance et/ou sur Doctes, ou au RESOdoc, le centre de documentation du RESO.

Cette sĂ©lection de ressources est le rĂ©sultat d’un travail collaboratif entre les membres de l’équipe du RESO [3].

One Health – Concepts, approches et positions

Le Concept « One Health », Une seule santé : réalité et perspectives

Contenu : L’apparition de la pandĂ©mie COVID-19 a plongĂ© notre monde dans une crise sanitaire et Ă©conomique sans prĂ©cĂ©dent. ProvoquĂ©e par un virus, le SARS-Cov-2, trĂšs probablement dĂ©rivĂ© d’un virus d’origine animale, c’est un nouvel Ă©pisode des risques permanents que les perturbations imposĂ©es Ă  notre environnement naturel font peser sur la santĂ© de l’Homme. Ces derniĂšres dĂ©cennies ont ainsi vu l’émergence du SIDA, du SRAS, du MERS, du Chikungunya, de la fiĂšvre Ebola ou encore des diffĂ©rents Ă©pisodes d’influenza d’origine aviaire. Chaque fois, une intervention humaine, favorisant le passage Ă  l’Homme d’agent infectieux animaux, a pu ĂȘtre dĂ©montrĂ©e ou fortement suspectĂ©e.

One Health, Une Seule Santé: Théorie et pratique des approches intégrées de la santé

  • Ouvrage
  • France

Contenu : L’initiative One Health (« une seule santĂ© ») est un mouvement crĂ©Ă© au dĂ©but du XXIe siĂšcle qui s’appuie sur une alliance entre 3 entitĂ©s de l’ONU (Organisation mondiale de la santĂ©, Organisation des Nations unies pour l’Agriculture et l’Alimentation et Organisation mondiale de la santĂ© animale). Elle promeut une approche intĂ©grĂ©e, systĂ©mique et unifiĂ©e de la santĂ© publique, animale et environnementale aux Ă©chelles locales, nationales et planĂ©taire. Elle vise notamment Ă  mieux affronter les maladies Ă©mergentes Ă  risque pandĂ©mique. Bien que ce concept s’étende, la littĂ©rature en français reste rare. Traduit de l’anglais et coordonnĂ© par d’éminents Ă©pidĂ©miologistes, cet ouvrage examine les origines du concept et prĂ©sente un contenu pratique sur les outils mĂ©thodologiques, la collecte de donnĂ©es, les techniques de surveillance, les plans d’étude et les modĂšles mathĂ©matiques. Il combine recherche et pratique en un seul volume.

Pour une mise en oeuvre effective du concept « One World – One Health »

Contenu : La crise Covid-19 a remis au premier plan les liens Ă©troits qui existent entre santĂ© humaine, santĂ© animale et santĂ© environnementale et le continuum entre animaux et ĂȘtres humains. Le concept « One World-One Health/Un monde-Une seule santĂ© », qui prĂŽne une approche intĂ©grĂ©e, systĂ©mique et unifiĂ©e de la santĂ© aux Ă©chelles locales, nationales et mondiales vise Ă  mieux affronter les maladies Ă©mergentes Ă  risque Ă©pidĂ©mique voire pandĂ©mique. Une alliance a Ă©tĂ© instituĂ©e, il y a tout juste dix ans, en avril 2010 Ă  HanoĂŻ, entre l’OMS (www.who.int), la FAO (www.fao.org) et l’OIE (WHO, 2010). L’OIE (www.oie.int) ou Organisation mondiale de la santĂ© animale est une structure non onusienne dont le siĂšge est Ă  Paris.

Imprtance of a One Health Approach in Advancing Global Health Security and the Sustainable Development Goals

Contenu : The One Health approach supports global health security by improving coordination, collaboration and communication at the human-animal-environment interface to address shared health threats such as zoonotic diseases, antimicrobial resistance, food safety and others. Over the past decade, country after country has implemented the One Health approach and demonstrated recognised benefits. However, in order to build sustainability of One Health in these efforts, One Health champions and implementers need to collect and provide government decision-makers with country-level data on One Health’s impact to help justify policy decisions and resource allocations. Due to the broad, often seemingly all encompassing, nature of One Health in promoting synergies of multiple disciplines and sectors, the One Health community has faced difficulties in determining specific One Health impact indicators for formally evaluating One Health successes. In this paper, the author a) briefly reviews the ongoing commentary on the recognised benefits of the implementation of a One Health approach in the global health security context, b) discusses challenges in measuring the impact of One Health, and c) proposes possible solutions for evaluating the impact of One Health on global health security.

Position française sur le concept « One Health/Une Seule Santé »

  • Document politique
  • France
  • Direction gĂ©nĂ©rale de la mondialisation, du dĂ©veloppement et des partenariats (2011). Position française sur le concept « One Health/Une seule santĂ© ». Paris : Direction gĂ©nĂ©rale de la mondialisation, du dĂ©veloppement et des partenariats, 32p.
  • En ligne : https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_One_Health.pdf

Contenu : Ces dix derniĂšres annĂ©es ont vu un accroissement significatif de la circulation des agents infectieux et des risques de pandĂ©mies : expansion mondiale de la grippe aviaire depuis 2003, grippe H1N1 en 2009, Ă©pidĂ©mies de syndrome respiratoire aigu sĂ©vĂšre (SRAS), chikungunya et dengue, pour ne citer que quelques exemples. Ces rĂ©centes Ă©pidĂ©mies mettent en Ă©vidence la mondialisation croissante des risques sanitaires ainsi que l’importance de l’interface homme-animal-Ă©cosystĂšme dans l’évolution et l’émergence des pathogĂšnes. L’AnnĂ©e internationale de la biodiversitĂ© en 2010 a permis d’enrichir cette constatation, qui doit permettre de mieux Ă©quilibrer l’interprĂ©tation de ces Ă©mergences entre causes et consĂ©quences de certaines activitĂ©s humaines dans les Ă©cosystĂšmes, et aider Ă  la prise de dĂ©cisions cohĂ©rentes dans des champs sectoriels variĂ©s. Bien public mondial, la sĂ©curitĂ© sanitaire doit ĂȘtre apprĂ©hendĂ©e Ă  l’échelle de la planĂšte et dans une perspective globale et transversale, intĂ©grant santĂ© humaine, santĂ© animale, santĂ© vĂ©gĂ©tale et santĂ© des Ă©cosystĂšmes et de la biodiversitĂ©. Cette approche globale pourra se concrĂ©tiser au travers de dĂ©clinaisons opĂ©rationnelles plus resserrĂ©es.

The Concept of Health in One Health and some practical implications for Research and Education: What is One Health?

Contenu : From a strict biological point of view, humans are just one species among other species, albeit one with very special capacities, characteristics, and skills. Among scientists, it is generally acknowledged that we share many features with other animal species, which are certainly relevant when the concepts of health and disease are discussed. The term ‘One Health’ is used in many different contexts and by people with varying backgrounds. However, there appears to be some confusion as to what the term really means, and it is used in a wide range of contexts, often including or bordering concepts such as infection biology, contagious diseases, zoonotic infections, evolutionary medicine, comparative medicine, and translational medicine. Without claiming to present the one and only true interpretation, we will argue for a wide approach using the ‘umbrella’ depiction developed by One Health Sweden. We argue that this one should, compared to other demarcations, be more useful to science. We will also analyze the concept of health on different levels: individual, population, and ecosystem health, and describe how these levels inherently influence each other for both humans and animals. Both these choices are normative and have practical consequences for research and education, a way of reasoning which we develop further in this paper. Finally, we conclude that the choice of term for the approach might be normative in deciding which disciplines or parts of disciplines that may be included.

Quantitative Outcomes of a One Health Approach to study Global Health Challenges

Contenu : Having gained momentum in the last decade, the One Health initiative promotes a holistic approach to address complex global health issues. Before recommending its adoption to stakeholders, however, it is paramount to first compile quantitative evidence of the benefit of such an approach. The aim of this scoping review was to identify and summarize primary research that describes monetary and non-monetary outcomes following adoption of a One Health approach. An extensive literature search yielded a total of 42,167 references, of which 85 were included in the final analysis. The top two biotic health issues addressed in these studies were rabies and malaria; the top abiotic health issue was air pollution. Most studies described collaborations between human and animal (n = 42), or human and environmental disciplines (n = 41); commonly reported interventions included vector control and animal vaccination. Monetary outcomes were commonly expressed as cost–benefit or cost–utility ratios; non-monetary outcomes were described using disease frequency or disease burden measurements. The majority of the studies reported positive or partially positive outcomes. This paper illustrates the variety of health challenges that can be addressed using a One Health approach, and provides tangible quantitative measures that can be used to evaluate future implementations of the One Health approach.

Une Seule Santé (Organisme mondial de la santé animale)

One Health (ANSES)

Contenu : Le concept « One Health » ou « une seule santĂ© » en français, est mis en avant depuis le dĂ©but des annĂ©es 2000, avec la prise de conscience des liens Ă©troits entre la santĂ© humaine, celle des animaux et l’état Ă©cologique global. Il vise Ă  promouvoir une approche pluridisciplinaire et globale des enjeux sanitaires. Les travaux de l’Anses s’inscrivent dans le concept One health. L’Agence coordonne plusieurs projets basĂ©s sur ce concept.

L’approche multisectorielle de l’OMS « Une Monde, Une Santé »

Contenu : ‘One Health’ is an approach to designing and implementing programmes, policies, legislation and research in which multiple sectors communicate and work together to achieve better public health outcomes.
The areas of work in which a One Health approach is particularly relevant include food safety, the control of zoonoses (diseases that can spread between animals and humans, such as flu, rabies and Rift Valley Fever), and combatting antibiotic resistance (when bacteria change after being exposed to antibiotics and become more difficult to treat).

One Health Commission

Contenu : One Health is a collaborative, multisectoral, and trans-disciplinary approach – working at local, regional, national, and global levels – to achieve optimal health and well-being outcomes recognizing the interconnections between people, animals, plants and their shared environment.

One Health – revue thĂ©matique

Contenu : The mission of One Health is to provide a platform for rapid communication of high quality scientific knowledge on inter- and intra-species pathogen transmission, bringing together leading experts in virology, bacteriology, parasitology, mycology, vectors and vector-borne diseases, tropical health, veterinary sciences, pathology, immunology, food safety, mathematical modelling, epidemiology, public health research and emergency preparedness. 

La santĂ© globale Ă  l’Ă©preuve des changements climatiques et environnementaux

Conséquences des changements climatiques sur le systÚme de santé en Belgique

Contenu : Le 9 septembre 2021, le SPF SantĂ© publique, SĂ©curitĂ© de la chaĂźne alimentaire et Environnement a publiĂ© les rĂ©sultats d’une Ă©tude sur les consĂ©quences des changements climatiques sur le systĂšme de santĂ© en Belgique.


L’Ă©tude comprend un inventaire et une Ă©valuation des mesures (actuelles et prĂ©vues) qui visent Ă  amĂ©liorer la rĂ©silience des systĂšmes de soins de santĂ© en Belgique. L’accent est mis sur l’Ă©valuation de leur efficacitĂ©, leur Ă©tat d’avancement et leurs limitations. Elle identifie Ă©galement les risques actuels et futurs liĂ©s aux changements climatiques sur le systĂšme de santĂ©.


Ces rĂ©sultats ont permis de proposer 61 recommandations de mesures d’adaptation visant Ă  attĂ©nuer ou Ă  Ă©viter les effets nĂ©gatifs des changements climatiques. Elles ont trait Ă  la disponibilitĂ© des donnĂ©es, la mise en place de systĂšmes de surveillance, la lĂ©gislation, la communication, les mesures de gestion, l’amĂ©nagement du territoire, la recherche, etc. Ces recommandations s’adressent principalement aux dĂ©cideurs et aux acteurs du secteur de la santĂ©.

Elles couvrent divers sujets tels que :
– les effets de la chaleur sur la santĂ©
– les maladies Ă  transmission vectorielle, hydrique ou alimentaire
– les allergies et les maladies respiratoires
– la santĂ© mentale
– le personnel et les infrastructures de santĂ©
– la gestion de crise et des risques

L’Ă©tude accorde une attention particuliĂšre sur la maniĂšre de rĂ©duire ou d’Ă©viter les effets nĂ©gatifs du changement climatique sur les groupes de population vulnĂ©rables (personnes Ă  faibles revenus, travaillant Ă  l’extĂ©rieur, ĂągĂ©es ou sujets Ă  une maladie chronique, etc.).

L’Ă©tude fournit des Ă©lĂ©ments de base pour l’identification de mesures d’adaptation pour le systĂšme de soins de santĂ©, conformĂ©ment au plan national d’adaptation 2017-2020 qui recommande de prendre en compte l’impact du changement climatique et les besoins d’adaptation nĂ©cessaires.

Ces Ă©lĂ©ments seront examinĂ©s et dĂ©veloppĂ©s dans le cadre du futur Plan d’Action National SantĂ© et Environnement (NEHAP) et d’un ensemble cohĂ©rent de mesures d’adaptation fĂ©dĂ©rales.

VITO, Möbius et Sciensano ont rĂ©alisĂ© cette Ă©tude pour le compte du SPF. Il s’agit d’une initiative transversale qui s’inscrit pleinement dans la volontĂ© du SPF de promouvoir le principe de « One World, One Health » et de renforcer les liens entre les diffĂ©rents piliers de la santĂ© (santĂ© humaine, santĂ© des animaux et des vĂ©gĂ©taux, et environnement).

Vers une Forest EnSanté

Contenu : L’environnement exerce une influence considĂ©rable sur la santĂ© physique et psychique. De plus, on observe un cumul entre les inĂ©galitĂ©s environnementales et les inĂ©galitĂ©s sociales. Partant de ce constat, Forest Quartiers SantĂ©, asbl active dans le champ de la promotion de la santĂ©, a dĂ©veloppĂ© plusieurs projets pour y rĂ©pondre.

L’Ă©valuation d’impact sur la santĂ©, un outil pour promouvoir des politiques climatiques favorables Ă  la santĂ©

Contenu : Introduction : Les effets potentiels des changements climatiques sur la santĂ© font l’objet d’études de plus en plus nombreuses en raison de la multiplicitĂ© des risques associĂ©s (vagues de chaleur, pollution de l’air, maladies hydriques et vectorielles, etc.). En consĂ©quence, de nombreuses stratĂ©gies d’attĂ©nuation et d’adaptation, ainsi que des outils ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©es par les villes pour Ă©valuer les effets sur la santĂ© des changements climatiques, les Ă©tats et les organisations supranationales.

Objectif : L’évaluation d’impact sur la santĂ© (EIS) est un outil qui peut ĂȘtre utilisĂ© pour analyser les impacts potentiels sur la santĂ© des politiques relatives aux changements climatiques avant leur mise en Ɠuvre. L’objectif de notre Ă©tude est ainsi d’analyser comment l’EIS est utilisĂ©e dans l’élaboration de ces politiques.

MĂ©thode : Une revue exploratoire de la littĂ©rature grise et scientifique en langue anglaise et française conduite sur la pĂ©riode 1990 Ă  2019 a permis d’identifier 35 articles et rapports, dont six utilisaient spĂ©cifiquement l’EIS. Les domaines d’application de l’outil sont liĂ©s au transport, Ă  l’amĂ©nagement urbain ou au secteur du bĂątiment. Les principaux enjeux de santĂ© abordĂ©s dans ces EIS concernent l’air, le bruit, l’activitĂ© physique, les Ăźlots de chaleur urbains, les espaces verts, la mixitĂ© fonctionnelle.

RĂ©sultats : Ces Ă©tudes ont montrĂ© que l’EIS est une dĂ©marche qui peut faciliter la collaboration intersectorielle, et sa flexibilitĂ© permet une application Ă  des politiques d’adaptation et d’attĂ©nuation, ainsi qu’à plusieurs Ă©chelles spatiales (villes, rĂ©gions).
Discussion : La principale limite de cette approche est l’incertitude associĂ©e Ă  la quantification des impacts projetĂ©s.

Guide méthodologique: pour une meilleure prise en compte des enjeux santé-environnement dans les politiques territoriales

Contenu : Dans le cadre du Plan RĂ©gional SantĂ© Environnement Bretagne 2017-2021, les collectivitĂ©s sont encouragĂ©es Ă  dĂ©ployer une dĂ©marche santĂ©-environnement dans leur politique territoriale. Pour les aider, un guide mĂ©thodologique a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© ; il explique les Ă©tapes d’une dĂ©marche locale en santĂ© environnement, les facteurs de rĂ©ussite, les points de vigilance, et prĂ©cise les ressources pouvant ĂȘtre mobilisĂ©es pour faciliter leur mise en Ɠuvre. Il s’adresse aux Ă©lus et aux chargĂ©s de mission compĂ©tents en charge des questions de santĂ© et/ou d’environnement. Il a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© par un collectif constituĂ© de l’IREPS Bretagne, du Centre Permanent d’Initiatives en Environnement de BrocĂ©liande, et de l’Observatoire RĂ©gional de la SantĂ©, soutenus par l’Etat, l’Agence RĂ©gionale de SantĂ© et la RĂ©gion Bretagne.

Quels indicateurs pour faciliter la prise en compte de la santĂ© publique dans les politiques d’adaptation au changement climatique?

Contenu : Les impacts sanitaires du changement climatique couvrent tous les champs de la santĂ© publique. Pourtant, ils sont encore peu pris en compte dans les politiques d’adaptation au changement climatique. Le dĂ©veloppement d’indicateurs appropriĂ©s pourrait faciliter la prise en compte de la santĂ© dans l’identification et Ă  la priorisation des besoins d’adaptation. La crĂ©ation d’indicateurs prĂ©suppose des donnĂ©es, des connaissances et leur structuration. Elle peut constituer une dĂ©marche intĂ©ressante pour amener des professionnels de l’environnement, de l’amĂ©nagement, de l’urbanisme et des professionnels de santĂ© publique Ă  collaborer, et Ă  terme, contribuer Ă  l’intĂ©gration de la santĂ© dans toutes les politiques. Ce document prĂ©sente les conclusions de la rĂ©flexion menĂ©e Ă  SantĂ© publique France pour produire des indicateurs de danger, d’exposition, de vulnĂ©rabilitĂ©, d’impact et d’intervention. Ces indicateurs doivent fournir des informations quantitatives, synthĂ©tiques, pour des enjeux sanitaires susceptibles d’ĂȘtre influencĂ©s directement ou indirectement par les Ă©volutions climatiques passĂ©es, en cours ou Ă  venir, et permettre d’analyser des tendances spatiales, temporelles ou sociodĂ©mographiques. Le prĂ©sent rapport propose une grille d’analyse des qualitĂ©s scientifiques, mĂ©trologiques, pĂ©dagogiques et dĂ©cisionnelles devant ĂȘtre associĂ©es Ă  un indicateur. Ces Ă©lĂ©ments y sont discutĂ©s de maniĂšre gĂ©nĂ©rale, afin d’ĂȘtre transposables pour tous les thĂšmes de santĂ© publique potentiellement affectĂ©s par le changement climatique, l’adaptation ou l’attĂ©nuation de ses effets, et ce pour toutes les Ă©chelles gĂ©ographiques.

One Planet, one Health, One Future: The Environmental Perspective

Contenu : The final goal of the “One Health” is the control of the global health of our planet with a multidisciplinary approach that involves knowledge for different disciplines. In the near future, we could see in the same team veterinarians, doctors, and environmental experts work together to guarantee the health of our planet and one sustainable future for all.

Force de FRAPS, santé et environnement. Développer nos savoirs pour agir

Contenu : L’environnement constitue un dĂ©terminant important de la santĂ© et contribue fortement au fardeau des maladies. Changement climatique, pollution atmosphĂ©rique, glyphosate ou nĂ©onicotinoĂŻde, ondes Ă©lectromagnĂ©tiques, les sujets de prĂ©occupation sont nombreux et font souvent la une des mĂ©dias et rĂ©seaux sociaux. La pandĂ©mie de Covid19, elle Ă©galement, nous rappelle l’acuitĂ© des interactions entre la sphĂšre humaine, celle des autres espĂšces animales (transgression de la « barriĂšre inter espĂšces » ) et leurs Ă©cosystĂšmes. Le lien entre environnement et santĂ© n’est pas toujours facile Ă  Ă©tablir et a profondĂ©ment Ă©voluĂ© au cours du temps, Ă  la fois dans la nature des dangers et des risques pour la santĂ© (ex. : exposition Ă  des produits chimiques), dans sa dimension spatiale (du local au global), dans son impact sanitaire (d’une toxicitĂ© aigĂŒe Ă  une toxicitĂ© chronique) et dans sa perception par la population et par chacun d’entre nous. Plusieurs enjeux peuvent ĂȘtre ici soulignĂ©s : ‱ Une approche intĂ©grĂ©e, systĂ©mique et unifiĂ©e de la santĂ© publique, animale et environnementale est Ă  privilĂ©gier tant au niveau local, national que planĂ©taire. L’initiative « One Health » en est une illustration. Cette approche globale permet Ă  la fois de complĂ©ter une approche par risque environnemental qui a montrĂ© ses limites et de mettre l’accent sur l’importance d’une approche populationnelle en favorisant des environnements sains. Elle implique d’insĂ©rer la santĂ© dans toutes les politiques publiques et de faciliter les dynamiques intersectorielles. ‱ La lutte contre les inĂ©galitĂ©s environnementales de santĂ© (environmental health inequities) doit Ă©galement constituer un objectif prioritaire des politiques publiques nationales et rĂ©gionales et se dĂ©cliner au travers du Plan National et des Plans RĂ©gionaux SantĂ© Environnement. Elle nĂ©cessite Ă  la fois des initiatives nationales fortes et une territorialisation des politiques publiques au plus proche des situations vĂ©cues par les populations. Les Contrats Locaux de SantĂ© ont ici toute leur place. ‱ La dĂ©finition de prioritĂ©s en matiĂšre de politique nationale ou rĂ©gionale en SantĂ© Environnement doit se faire avec plus de dĂ©mocratie sanitaire, de participation citoyenne et en associant les acteurs de terrain et de la sociĂ©tĂ© civile. Cela implique le renforcement d’une culture en  » SantĂ© Environnement  » partagĂ©e entre habitants, professionnels, Ă©lus, experts et dĂ©cideurs et des dispositifs de formation initiale et continue dans ce domaine. C’est l’ambition de ce nouveau numĂ©ro de Force de Fraps que de contribuer Ă  ces enjeux et Ă  s’inscrire dans les dynamiques existantes portĂ©es par l’Agence RĂ©gionale de SantĂ© et les services dĂ©concentrĂ©s de l’Etat, l’ensemble des collectivitĂ©s territoriales et notamment le Conseil rĂ©gional, ou encore les acteurs associatifs. Au travers de ce document nous espĂ©rons Ă©galement pouvoir mobiliser les professionnels des diffĂ©rents secteurs d’activitĂ©s Ă©conomiques et les diffĂ©rents acteurs de la sociĂ©tĂ© civile, les accompagner dans leurs dĂ©marches d’intervention et renforcer leurs capacitĂ©s d’action en ce domaine. Ce numĂ©ro de Force de Fraps s’inscrit dans une dynamique associant de nombreux partenaires parmi lesquels la FĂ©dĂ©ration Nationale d’Education et de promotion de la SantĂ© (au travers de son groupe national SantĂ© Environnementale), des Ă©quipes universitaires, des organismes et associations de la rĂ©gion Centre-Val de Loire. Qu’ils en soit, toutes et tous, remerciĂ©s. Il s’inscrit aussi dans une dynamique au long court. D’ores et dĂ©jĂ  nous vous donnons rendez-vous Ă  la journĂ©e rĂ©gionale « prĂ©vention – promotion de la santĂ© » du 19 novembre 2020 qui sera consacrĂ©e Ă  « SantĂ© Environnement : DĂ©velopper nos savoirs pour agir ».

Cassandre, le climat et la Covid-19

Contenu : Le changement climatique et la pandĂ©mie de la Covid-19 prĂ©sentent des similitudes tenant Ă  leurs causes comme aux solutions requises. Des connexions existent, dans les deux sens, entre les risques environnementaux liĂ©s au climat et Ă  la perte de biodiversitĂ© et les risques sanitaires. En outre, les rĂ©ponses du secteur financier au dĂ©fi climatique peuvent aider, par analogie, Ă  Ă©laborer des outils bĂ©nĂ©fiques pour la santĂ©. Dans les deux cas, les pistes d’action tournent autour de trois prioritĂ©s : amĂ©liorer la gouvernance globale, redonner aux marchĂ©s une rationalitĂ© perdue, en corrigeant leurs dĂ©faillances, et rendre rentables les activitĂ©s durables, grĂące Ă  la complĂ©mentaritĂ© entre investisseurs publics et privĂ©s. Ces pistes pourraient ĂȘtre explorĂ©es par la Commission paneuropĂ©enne sur la santĂ© et le dĂ©veloppement durable de l’OMS-Europe, selon une approche « One Health » (« une seule santĂ© »).

Effets sanitaires induits par le changement climatique sur la santé des travailleurs

Contenu : Le changement climatique est susceptible d’affecter la santĂ© humaine, avec des effets spĂ©cifiques ou aggravĂ©s pour les professionnels. Les travaux de l’Anses visaient Ă  identifier les risques professionnels susceptibles d’ĂȘtre impactĂ©s par le changement climatique. Ce travail a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© en s’appuyant sur un groupe de travail multidisciplinaire. Dans le cadre d’une dĂ©marche d’anticipation prospective, les effets sanitaires liĂ©s aux changements climatiques prĂ©visibles d’ici Ă  cinq ans et Ă  2050 ont Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©s. Sur le base des changements climatiques et environnementaux dĂ©jĂ  observĂ©s et des scĂ©narios d’évolution les plus probables, les interactions entre climat, environnement et santĂ© au travail ont Ă©tĂ© caractĂ©risĂ©es. Ces travaux montrent qu’à l’exception des risques liĂ©s au bruit et aux rayonnements artificiels, tous les risques professionnels sont et seront affectĂ©s par le changement climatique. Des exemples de circonstances d’expositions professionnelles ont Ă©tĂ© associĂ©s Ă  chaque risque professionnel potentiellement accru par les modifications climatiques. Trois principales modifications climatiques et environnementales en sont Ă  l’origine : hausse des tempĂ©ratures, Ă©volution de l’environnement biologique et chimique, modification de la frĂ©quence et de l’intensitĂ© de certains alĂ©as climatiques. Les travaux de l’Anses mettent Ă©galement en Ă©vidence la pertinence d’une approche dite par « circonstances d’exposition », qui permet de regrouper les professionnels en fonction de leurs expositions rĂ©elles et non pas en fonction de leurs mĂ©tiers.

Espaces verts et forĂȘts en ville: bĂ©nĂ©fices et risaue pour la santĂ© humaine selon l’approche « Une Seule Santé » (One Health)

Contenu : L’approche « Une seule santĂ© » (One Health) propose d’aborder les relations homme-animal-Ă©cosystĂšmes dans leur continuum. Cette approche systĂ©mique peut s’avĂ©rer fort utile pour aborder les liens entre espaces verts boisĂ©s en rĂ©gion urbaine et santĂ© des citadins (plus de la moitiĂ© de la population mondiale). Ces liens commencent Ă  ĂȘtre maintenant bien documentĂ©s par la littĂ©rature scientifique dans leur diversitĂ© et complexitĂ©. Des bienfaits et des risques pour la santĂ© humaine peuvent ĂȘtre mieux analysĂ©s et des pistes d’action pour l’avenir utilement dĂ©gagĂ©es.

Climate change and One Health

Contenu : The journal The Lancet recently published a countdown on health and climate change. Attention was focused solely on humans. However, animals, including wildlife, livestock and pets, may also be impacted by climate change. Complementary to the high relevance of awareness rising for protecting humans against climate change, here we present a One Health approach, which aims at the simultaneous protection of humans, animals and the environment from climate change impacts (climate change adaptation). We postulate that integrated approaches save human and animal lives and reduce costs when compared to public and animal health sectors working separately. A One Health approach to climate change adaptation may significantly contribute to food security with emphasis on animal source foods, extensive livestock systems, particularly ruminant livestock, environmental sanitation, and steps towards regional and global integrated syndromic surveillance and response systems. The cost of outbreaks of emerging vector-borne zoonotic pathogens may be much lower if they are detected early in the vector or in livestock rather than later in humans. Therefore, integrated community-based surveillance of zoonoses is a promising avenue to reduce health effects of climate change.

Changements climatiques et santĂ©: prĂ©venir, soigner et s’adapter

Contenu : De nombreux bouleversements climatiques affectent maintenant toutes les rĂ©gions du monde. Le bien-ĂȘtre des populations est ainsi mis en pĂ©ril, car ces changements s’attaquent aux fondements de la santĂ© publique par leurs rĂ©percussions sur l’air, l’eau, les denrĂ©es alimentaires et le logement, tout en augmentant les risques de maladie. Peu d’importance a Ă©tĂ© accordĂ©e jusqu’ici Ă  l’Ă©chelle internationale aux impacts sur la santĂ©, les services de santĂ© ou les services sociaux, non plus que sur les coĂ»ts engendrĂ©s pour la sociĂ©tĂ©. Pourtant, l’Organisation mondiale de la santĂ© promeut depuis plusieurs annĂ©es une participation plus active du monde de la santĂ© en changements climatiques, vu la grande menace qu’ils posent Ă  la santĂ© publique. Ce livre met en lumiĂšre Les nombreux impacts des changements climatiques sur la santĂ©. En parallĂšle, il propose des mesures d’adaptation et de soins pour attĂ©nuer et prĂ©venir les incidences dans le domaine de la santĂ©, ainsi que dans d’autres domaines connexes. Les professionnels de la santĂ© et des services sociaux pourront approfondir le rĂŽle Ă©tiologique du climat en matiĂšre de santĂ©. De mĂȘme, des professionnels d’autres secteurs, tout comme le grand public averti, pourront se familiariser avec ces sujets pour lesquels leurs interventions s’avĂšrent souvent cruciales.

Les changements climatiques – AbrĂ©gĂ© Ă  l’intention des professionnels de la santĂ©

Contenu : Cet abrĂ©gĂ© contient de l’information qui permettra aux mĂ©decins et aux cliniciens de cerner, dans leur pratique quotidienne, les rĂ©percussions des risques mĂ©tĂ©orologiques dĂ©coulant des changements climatiques. Sa structure donne rapidement accĂšs Ă  des donnĂ©es claires, concises et rĂ©centes pour chaque domaine clinique.
Les effets des changements climatiques sur la santĂ© humaine se font dĂ©jĂ  sentir partout dans le monde. Les recherches scientifiques fournissent des donnĂ©es empiriques dĂ©montrant le lien sans Ă©quivoque entre les changements climatiques, les risques mĂ©tĂ©orologiques et la santĂ©. En fait, de nombreux problĂšmes de santĂ© rĂ©sultent d’une exposition Ă  une chaleur intense, Ă  des tempĂȘtes, Ă  des sĂ©cheresses ou Ă  des inondations. Toutefois, ces problĂšmes sont habituellement non spĂ©cifiques et leur physiopathologie n’est pas Ă©vidente. Pour les reconnaĂźtre, il faut obtenir les antĂ©cĂ©dents mĂ©dicaux adĂ©quats du patient, ce qui nĂ©cessite, entre autres, de poser des questions sur la prĂ©sence potentielle de risques mĂ©tĂ©orologiques. En outre, on sait que les effets indĂ©sirables de certains mĂ©dicaments peuvent exacerber ces mĂȘmes problĂšmes de santĂ©. Si les cliniciens sont en mesure de reconnaĂźtre ces problĂšmes et ces effets indĂ©sirables, ils pourront offrir de meilleurs traitements et conseils, ainsi que dĂ©terminer leur impact potentiel sur les services de santĂ©.
L’introduction dĂ©crit briĂšvement les mĂ©canismes complexes par lesquels les changements climatiques influent sur la santĂ© humaine, ainsi que les rĂŽles des cliniciens, des professionnels de la santĂ© publique et des autoritĂ©s sanitaires. On y trouve Ă©galement des conseils sur la façon d’utiliser cet abrĂ©gĂ© de maniĂšre Ă  maximiser les soins aux patients.
Les dix premiÚres sections résument la physiopathologie de certaines maladies ayant trait aux risques météorologiques, classées par domaine clinique :
o maladies cardiovasculaires,
o maladies respiratoires,
o maladies rénales,
o maladies de l’Ɠil,
o maladies de la peau,
o maladies Ă  transmission vectorielle et zoonoses,
o maladies gastro-intestinales,
o troubles neurologiques,
o troubles de santé mentale,
o problÚmes de santé maternelle et infantiles.
La section suivante porte sur les facteurs modulant les répercussions des changements climatiques et décrit les facteurs venant modifier les effets des changements climatiques sur la santé et les services de santé.
La derniĂšre section, qui contient des conseils aux patients et Ă  la communautĂ©, prĂ©sente des recommandations et des lignes directrices pour rĂ©duire l’exposition aux risques mĂ©tĂ©orologiques ainsi que des exemples de collaboration communautaire pour s’attaquer aux changements climatiques.

Economie écologique et santé publique: une entrevue avec le Dr. Trevor Hancock

Contenu : En 2019, le CCNPPS contactĂ© le Dr Hancock pour explorer comment prĂ©senter les idĂ©es fondamentales de l’Ă©conomie Ă©cologique aux praticiens et aux dĂ©cideurs en santĂ© publique. Ces discussions ont finalement pris la forme d’une entrevue que le CCNPPS publie dans ce document. Le thĂšme gĂ©nĂ©ral abordĂ© est celui du respect des limites Ă©cologiques et de la nĂ©cessitĂ© de focaliser l’attention des politiques et de la santĂ© publique sur le bien-ĂȘtre pour tous. Dans le contexte oĂč de nombreux gouvernements, notamment le gouvernement fĂ©dĂ©ral canadien, rĂ©flĂ©chissent Ă  des moyens d’aller au-delĂ  d’un focus Ă©troit sur la croissance Ă©conomique pour aller vers la mise en Ɠuvre de « budgets de bien-ĂȘtre » ou « budgets durables », les idĂ©es prĂ©sentĂ©es dans ce document permettent d’informer ces rĂ©flexions.

Inégalités

Dans cette section, nous proposons des ressources qui traitent des liens entre l’approche « One Health » et les inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ©.

Santé environnementale: inégalités et inconnues

  • Article
  • Belgique
  • Luong J. (2017). SantĂ© environnementale : inĂ©galitĂ©s et inconnues. Éducation santĂ©, vol.335, pp.4-6.

Contenu : Inter-Environnement Wallonie (IEW), la fĂ©dĂ©ration des associations au service de l’environnement, a organisĂ© en fĂ©vrier dernier son UniversitĂ© annuelle. Une septiĂšme Ă©dition consacrĂ©e Ă  la santĂ© environnementale et plus spĂ©cifiquement Ă  la pollution de l’air extĂ©rieur et aux perturbateurs endocriniens

S’attaquer aux problĂšmes de pollution et changement climatique en Europe amĂ©liorera la santĂ© et le bien-ĂȘtre, notamment des plus vulnĂ©rables

Contenu : La pollution atmosphĂ©rique et sonore, les consĂ©quences du changement climatique, notamment les vagues de chaleur et l’exposition Ă  des produits chimiques dangereux sont Ă  l’origine de problĂšmes de santĂ© en Europe. Selon une importante Ă©tude sur la santĂ© et l’environnement publiĂ©e aujourd’hui par l’Agence europĂ©enne pour l’environnement (AEE), la mauvaise qualitĂ© des environnements contribue Ă  13 % des dĂ©cĂšs.

SantĂ© animale – zoonose

Hommes et animaux: Une Seule Santé

Contenu : La pandĂ©mie de la COVID-19 a mis en lumiĂšre les liens Ă©troits entre la santĂ© des animaux et celle de l’Homme.
À l’occasion de la journĂ©e mondiale de la santĂ©, nous vous proposons un dĂ©cryptage scientifique et un Ă©clairage de nos actions pour mieux comprendre ces interactions au regard du concept One health, une seule santĂ© pour les animaux, l’Homme et l’environnement.

Le concept « une Seule Santé »”: une rĂ©ponse Ă  l’incertitude dans la gouvernance internationale des zoonoses Ă©mergentes?

  • Article
  • France
  • FiguiĂ© M. & Peyre M. (2013). Le concept « Une seule santĂ© » : une rĂ©ponse Ă  l’incertitude dans la gouvernance internationale des zoonoses Ă©mergentes ? Revue d’élevage et de mĂ©decine vĂ©tĂ©rinaire des pays tropicaux, vol.66 n°2, pp.41-46.
  • En ligne : https://agritrop.cirad.fr/572333/1/document_572333.pdf

Contenu : A partir de l’analyse du rĂ©fĂ©rentiel « Une seule santĂ© » et de l’évolution des Organisation internationale – instruments juridiques de l’Organisation mondiale de la santĂ© (OMS) et de Surveillance Ă©pidĂ©miologique – l’Organisation mondiale de la santĂ© animale (OIE), nous examinons comment Gestion du risque – Politique sanitaire. ces organisations internationales intĂšgrent la gestion de l’incertitude associĂ©e aux Ă©mergences zoonotiques rĂ©centes. Nous montrons qu’en passant d’une gestion de risques Ă  celle d’incertitudes, ces organisations internationales Ă©tendent considĂ©rablement leur domaine d’action Ă  travers notamment le systĂšme de notification obligatoire. Dans le mĂȘme temps, elles promeuvent une gestion intersectorielle (entre santĂ© humaine et santĂ© animale en particulier) et un Ă©largissement du systĂšme d’acteurs reconnus lĂ©gitimes pour intervenir dans ce domaine. L’objectif antĂ©rieur d’éradication d’un nombre limitĂ© de maladies clairement identifiĂ©es laisse la place Ă  une volontĂ© de prĂ©paration Ă  l’inconnu. Ce dispositif renforce le rĂŽle de l’information pour la surveillance Ă©pidĂ©miologique.

One Health contributions towards more effective and equitable approaches to health in low-asnd-middle income countries

  • Article
  • International
  • Cleaveland S., Sharp J., Abel-Ridder B. et al. (2017). One Health contributions towards more effective and equitable approaches to health in low- and middle-income countries. Philosophical transactions, vol.372 n°1725, art.20160168.
  • En ligne : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5468693/

Contenu : Emerging zoonoses with pandemic potential are a stated priority for the global health security agenda, but endemic zoonoses also have a major societal impact in low-resource settings. Although many endemic zoonoses can be treated, timely diagnosis and appropriate clinical management of human cases is often challenging. Preventive ‘One Health’ interventions, e.g. interventions in animal populations that generate human health benefits, may provide a useful approach to overcoming some of these challenges. Effective strategies, such as animal vaccination, already exist for the prevention, control and elimination of many endemic zoonoses, including rabies, and several livestock zoonoses (e.g. brucellosis, leptospirosis, Q fever) that are important causes of human febrile illness and livestock productivity losses in low- and middle-income countries. We make the case that, for these diseases, One Health interventions have the potential to be more effective and generate more equitable benefits for human health and livelihoods, particularly in rural areas, than approaches that rely exclusively on treatment of human cases. We hypothesize that applying One Health interventions to tackle these health challenges will help to build trust, community engagement and cross-sectoral collaboration, which will in turn strengthen the capacity of fragile health systems to respond to the threat of emerging zoonoses and other future health challenges. One Health interventions thus have the potential to align the ongoing needs of disadvantaged communities with the concerns of the broader global community, providing a pragmatic and equitable approach to meeting the global goals for sustainable development and supporting the global health security agenda.

One Health approach to address zoonotic diseases

Contenu : The world of animals, humans, and environment is interlinked, giving rise to a number of benefits as well as a spread in zoonosis and multifactorial chronic diseases. With the emergence of antimicrobial resistances and environmental pollution, addressing these diseases needs an interdisciplinary and intersectoral expertise. “One Health (OH)” refers to such collaboration between local, national, and global experts from public health, health care, forestry, veterinary, environmental, and other related disciplines to bring about optimal health for humans, animals, and environment. The concept of OH is still in embryonic stage in India and increasingly gaining importance. The Government of India has taken some initiatives to tackle burgeoning problems such as antimicrobial resistance, zoonotic diseases, and food safety using the OH approach, but there are several challenges at the level of implementation. The major bottlenecks in implementing OH include absence of a legal framework to implement OH, poor coordination among different governmental and private agencies, lack of proper surveillance of animal diseases, poor data-sharing mechanism across sectors, and limited budget. Implementing systematic zoonotic surveillance; regulated antibiotic use among humans and animals; development of a zoonotic registry in the country; constitution of a wide network of academic, research, pharmaceutical, and various implementation stakeholders from different sectors is the need of the hour to effectively use OH in order to combat increasing zoonotic diseases.

Si la crise liĂ©e au coronavirus a dĂ©jĂ  fait couler beaucoup d’encre et fait l’objet de nombreux dĂ©bats (politiques, mĂ©diatiques, scientifiques, familiaux, amicaux, sur les rĂ©seaux sociaux
) pour autant, que peut-elle raconter sur notre quotidien et sur nos sociĂ©tĂ©s ?
Au fil des semaines confinĂ©es, cette situation a rĂ©vĂ©lĂ© la profondeur des traits inĂ©galitaires de nos sociĂ©tĂ©s. Elle a Ă©galement dĂ©fiĂ© la vision individuelle et mĂ©dicale de la santĂ©, en forçant Ă  prendre en compte les dĂ©terminants sociaux de la santĂ© susceptibles de jouer dans l’augmentation ou la diminution de la contamination et propagation du virus1 voire dans la distribution d’autres effets socio-sanitaires de l’épidĂ©mie.

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Le logement : un déterminant de santé majeur

En effet, le confinement n’a pas Ă©tĂ© Ă©prouvĂ© de la mĂȘme maniĂšre que l’on soit seul·e, en famille, en tĂ©lĂ©travail ou dans une profession de contact, en appartement ou dans une maison. La diversitĂ© des vĂ©cus met au jour l’influence des conditions de vie sur notre quotidien et sur notre santĂ©. Les inĂ©galitĂ©s se sont dĂ©ployĂ©es et renforcĂ©es dans tous les domaines2 et en particulier celui liĂ© au logement.

En contraignant Ă  rester chez soi pour travailler, apprendre, Ă©duquer, le confinement a mis en Ă©vidence la centralitĂ© du logement et son incapacitĂ© Ă  rĂ©pondre aux besoins fondamentaux pour une grande partie de la population : promiscuitĂ©, insalubritĂ©, manque de lumiĂšre et d’espace extĂ©rieur, mauvaise isolation et insonorisation
 mais aussi impossibilitĂ© de respecter un vĂ©ritable isolement en cas d’infection. Les problĂšmes de l’habitat sont multiples, et leurs consĂ©quences, encore plus violentes lorsqu’il est interdit d’en sortir. Pour beaucoup, le confinement a Ă©tĂ© vĂ©cu comme une double peine, enfermé·e dans l’inconfort et l’étroitesse sans Ă©chappatoire possible (ou sous peine de sanction).

Bien que la crise ait mis en Ă©vidence la souffrance qui peut naĂźtre de la vie dans un logement inadaptĂ©, celle-ci n’est pas nouvelle. Nous savons que le logement est un dĂ©terminant majeur de santĂ© et sa qualitĂ© va influencer l’état de santĂ© et le bien-ĂȘtre des personnes. Au-delĂ  du droit Ă  un toit qui n’est toujours pas garanti pour toutes et tous, l’accĂšs Ă  un logement qui rĂ©ponde Ă  nos besoins n’est pas chose aisĂ©e. Les ressources Ă©conomiques et patrimoniales d’une personne ou d’un mĂ©nage dĂ©terminent la qualitĂ© de son logement, le quartier dans lequel elle vit et donc tout autant sa qualitĂ© de vie que son quotidien, plus ou moins stressant.

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Cartes de l’outil Enjeux santĂ© qui permet de construire des chaĂźnes de causalitĂ© de santĂ©

En temps confinĂ©s ou en temps [a]normaux, vivre dans un logement insalubre, inadaptĂ©, humide, expose les habitant·es Ă  des risques accrus pour leur santĂ©, Ă  des maladies chroniques ou infectieuses et un stress permanent. Il en va de mĂȘme pour les enfants grandissant dans de tels logements : ils et elles sont impacté·es non seulement au niveau de leur santĂ© et de leur dĂ©veloppement mais aussi au niveau de leur rĂ©ussite scolaire qui est compromise, car suivre une scolaritĂ© normale dans des conditions d’insalubritĂ© et/ou de surpeuplement du logement est difficile. Les conditions de logement sont inĂ©vitablement inĂ©gales et se rĂ©percutent sur tout un spectre d’élĂ©ments de vie.

Le systĂšme des dĂ©terminants : des facteurs qui s’auto-influencent

La santĂ© et ses dĂ©terminants s’inscrivent dans des chaĂźnes de causalitĂ© c’est-Ă -direune articulation complexe de causes et d’effets multiples. Ainsi, s’il y a modification de dĂ©terminants globaux, c’est–à-dire contextuels ou structurels, comme nous l’avons vu avec la pandĂ©mie, cela entraĂźnera des consĂ©quences sur les dĂ©terminants liĂ©s au quotidien des personnes, le logement par exemple.

ConcrĂštement, un changement dans la politique du logement pourra avoir un effet tangible sur le type de logements disponibles, leur coĂ»t et leur qualitĂ©. Ce qui amĂšnerait Ă  prĂ©venir et prĂ©munir la population des effets nocifs de l’habitat inadaptĂ© sur la santĂ©. Quelques solutions qui amĂšneraient des bĂ©nĂ©fices en termes de santĂ© de la population peuvent ĂȘtre identifiĂ©es : renforcer l’offre de logements sociaux ; rĂ©quisitionner les bĂątiments vides (ex. : 6,5 millions de mÂČ vacants en RĂ©gion bruxelloise3 ) ; rĂ©guler de façon stricte le prix des loyers et le secteur de l’immobilier pour rendre le droit au logement concret et inaliĂ©nable ; prendre en compte l’habitat dans sa globalitĂ© et le rendre plus propice Ă  la vie (biodiversitĂ©, espaces de loisir, de rencontre, mobilitĂ© et accessibilité ).

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Enjeux santĂ© : Les dĂ©terminants de santĂ© sous la loupe

Cet outil a reçu un coup de cƓur Pipsa .

À l’image d’une sĂ©rie de poupĂ©es russes qui s’emboĂźtent, les contextes de sociĂ©tĂ© influencent les systĂšmes qui, eux-mĂȘmes, influencent les conditions et situations de vie. Et ainsi de suite, jusqu’à un impact concret sur la santĂ© des individus. Les liens entre les dĂ©terminants (surtout ceux d’ordre collectif et structurel) et la santĂ© ne sont donc pas toujours aisĂ©ment identifiables.

Afin de mettre en lumiĂšre ce qui dĂ©termine notre santĂ© et ainsi pointer ce sur quoi nous pouvons agir, individuellement et collectivement, Cultures&SantĂ© a crĂ©Ă© un outil d’animation, qui se veut accessible Ă  tous et toutes. Il permet de partager en groupe ses ressentis, son vĂ©cu, ses observations en scrutant les ingrĂ©dients qui composent une sociĂ©tĂ© complexe et d’en dĂ©gager une analyse prospective en lien avec la santĂ© ; Ă  l’image de ce qui a pu ĂȘtre fait dans le dĂ©but de cet article sur l’impact de la qualitĂ© du logement en situation de crise sanitaire.

Cet outil permet donc d’explorer et d’interroger les dĂ©terminants de santĂ©. Il s’inscrit dans le prolongement de La santĂ© c’est aussi
, kit pĂ©dagogique Ă©ditĂ© il y a plus de 10 ans par Cultures&SantĂ© et qui proposait une vision multifactorielle de la santĂ©.

Enjeux santĂ© propose 12 pistes d’animation qui reposent sur une sĂ©rie de 78 cartes illustrĂ©es. Il soutient une rĂ©flexion active sur l’ensemble des facteurs influençant la santĂ© ainsi que sur les relations qu’ils entretiennent entre eux. À l’aide de ces cartes, de multiples rĂ©flexions peuvent ĂȘtre menĂ©es sur les causes de certaines situations dans la perspective d’une prise de conscience, d’un diagnostic, d’une Ă©valuation, d’une action ou d’une dĂ©cision. Il peut ĂȘtre utilisĂ© aussi bien avec des citoyen·nes que dans un groupe de professionnel·les ou dans des Ă©changes avec des politiques.

Le kit a pour objectifs de :

  • prendre conscience de la multiplicitĂ© des facteurs qui influencent la santĂ© ;
  • cerner les relations qui existent entre ces facteurs et la santĂ©, et entre ces facteurs entre eux ;
  • dĂ©velopper les capacitĂ©s Ă  analyser les facteurs multiples qui produisent une situation de santĂ© satisfaisante ou insatisfaisante ;
  • identifier les responsabilitĂ©s multiples et collectives liĂ©es Ă  la santĂ©.

Contenu de l’outil :

  • un set de 78 cartes illustrĂ©es reprĂ©sentant des dĂ©terminants de santĂ© ;
  • un guide d’accompagnement (70 p.) qui fournit des repĂšres thĂ©oriques et pratiques (12 pistes d’animation) pour travailler la question des dĂ©terminants de santĂ© ;
  • un guide des illustrations (42 p.) qui propose un titre pour chacune des illustrations, parfois d’un terme descripteur principal, et d’Ă©lĂ©ments objectifs et subjectifs, qu’elle peut Ă©voquer ;
  • 2 affiches « La santĂ© ça se construit » reprĂ©sentant une sĂ©lection des dĂ©terminants de santĂ© (parmi les 78 cartes illustrĂ©es) et une proposition de catĂ©gorisation, allant du plus proche des individus aux plus Ă©loignĂ©s de ceux-ci ;
  • 2 sĂ©ries de 7 fiches mosaĂŻque reprenant les 78 dĂ©terminants et qui permettent la rĂ©flexion en sous-groupes pour certaines pistes d’animation.

Un ensemble de supports complĂ©mentaires peut ĂȘtre tĂ©lĂ©chargĂ© :

  • un support mini-rĂ©cits (nĂ©cessaire pour exploiter la piste 7)
  • un feuillet d’exploitation de l’affiche

DĂ©couvrez Enjeux santĂ© au travers de la vidĂ©o de prĂ©sentation rĂ©alisĂ©e par l’équipe de Cultures&SantĂ© : facebook.com/culturesetsante/videos/885759608881627

Pour l’obtenir

Vous pouvez le trouver en prĂȘt au centre de documentation de Cultures&SantĂ© et en tĂ©lĂ©chargement sur le site cultures-sante.be. Si vous envisagez de l’utiliser rĂ©guliĂšrement en groupe, vous pouvez faire une demande pour l’acquĂ©rir, par mail cdoc@cultures-sante.be ou par tĂ©lĂ©phone au 02 558 88 11. N’hĂ©sitez pas Ă  contacter Cultures&SantĂ© si vous souhaitez organiser un atelier de dĂ©couverte.

Animer un atelier numérique avec Enjeux santé

Consciente de l’éloignement des professionnel·les avec les publics dĂ» Ă  la crise de Covid-19, l’équipe de Cultures&SantĂ© a dĂ©veloppĂ© un fichier pour exploiter Enjeux santĂ© virtuellement. Disponible uniquement en tĂ©lĂ©chargement, « Animer un atelier numĂ©rique avec Enjeux santĂ© » partage nos mĂ©thodes, dĂ©veloppĂ©es et expĂ©rimentĂ©es pendant le confinement, pour animer Ă  distance un atelier de sensibilisation sur les dĂ©terminants de santĂ©.

Retrouvez le fichier et ses supports sous format PDF sur cultures-sante.be/nos-outils/outils-promotion-sante/item/577-enjeux-sante-les-determinants-sous-la-loupe.html

[1]COVID-19 : le virus des inégalités, Oxfam France, 10 avril 2020.

[2]InĂ©galitĂ©s sociales de santĂ© au temps du coronavirus : constats et pistes d’actions en promotion de la santĂ©,

IREPS Auvergne RhĂŽne-Alpes, 30 mars 2020. Estelle Carde, La Covid-19 creuse les inĂ©galitĂ©s d’aujourd’hui, mais aussi celles de demain, in : The Conversation, mai 2020.

[3]St-Vide-Leegbeek – La 20Ăšme commune

On a beaucoup entendu parler « des jeunes Â» durant la crise sanitaire qui a frappĂ© notre pays. Pendant que d’aucuns les accusaient de nĂ©gliger les prĂ©cautions sanitaires et de participer Ă  la propagation du virus, de nombreux professionnels travaillant avec ces publics n’ont pas tardĂ© Ă  pointer le manque de communication adaptĂ©e Ă  leur Ă©gard et se sont alarmĂ©s des consĂ©quences dĂ©sastreuses de la rĂ©duction drastique de leur vie sociale et acadĂ©mique sur leur santĂ© mentale. Marie-Marie van der Rest, chargĂ©e de communication chez Univers santĂ©, a acceptĂ© de revenir avec nous sur la campagne Kot’Vid Friendly, Ă  destination du public Ă©tudiant, nĂ©e dans cette pĂ©riode si particuliĂšre.

multicultural friends covered by face masks taking a selfie outdoor new normal friendship concept with young people smiling and having fun bright filter

GenĂšse du projet : se rĂ©inventer en temps de Covid

Lorsque le premier confinement a Ă©tĂ© annoncĂ© au printemps 2020, face Ă  la soudainetĂ© de la situation,  l’association a dans un premier temps relayĂ© les recommandations officielles des autoritĂ©s. En parallĂšle, elle a continuĂ© Ă  travailler ses thĂ©matiques d’actions habituelles, mais sous l’angle de la Covid-19 et du confinement. Par exemple, en abordant des questions telles que « comment maintenir une activitĂ© physique», «comment maintenir ses relations malgrĂ© la distance Â» ou encore, en faisant de la prĂ©vention en matiĂšre d’assuĂ©tudes. Si, Ă  la faveur du dĂ©confinement, les Ă©tudiant·e·s ont pu se retrouver Ă  la rentrĂ©e, le spectre de la seconde vague s’est rapidement fait sentir.

À cette Ă©poque, le Service d’aide aux Ă©tudiant·e·s de l’UCLouvain recevait de nombreuses interrogations concernant la mise en quarantaine. L’équipe professionnelle constatait que, si beaucoup d’étudiant·e·s cherchaient Ă  se faire tester pour continuer Ă  assister aux cours et maintenir – autant que faire se peut – une vie sociale, de nombreux malentendus subsistaient quant Ă  la quarantaine, d’autant que les rĂšgles Ă©voluaient sans cesse en fonction de la situation sanitaire.

En octobre, en collaboration avec l’UCLouvain, Univers santĂ© a donc imaginĂ© un arbre dĂ©cisionnel. L’objectif Ă©tait de rassembler les informations et recommandations officielles, dans un mĂȘme support de communication visuel, accessible et adaptĂ© aux jeunes. EditĂ© sous forme de flyer, le verso rĂ©pondait Ă  des questions frĂ©quemment abordĂ©es telles que « qu’est-ce qu’une bonne mise en quarantaine ? » mais Ă©galement Ă  des situations plus spĂ©cifiques telles que « que dois-je faire si mon co-koteur est malade ? », « cela signifie-t-il que je suis ‘cas contact’ ? »  Les retours sur cet arbre dĂ©cisionnel se sont montrĂ©s trĂšs positifs et ont appuyĂ© la nĂ©cessitĂ© de travailler sur une communication adaptĂ©e aux Ă©tudiant·e·s dans le cadre de la crise sanitaire. Ainsi a Ă©mergĂ© l’idĂ©e de crĂ©er une campagne collaborative spĂ©cifique Ă  ce public : la campagne Kot’Vid Friendly1 .

La campagne Kot’Vid Friendly

Les étudiant·e·s, un public spécifique

Du fait de leur mode de vie, entre cocon familial et premiĂšres envolĂ©es, les Ă©tudiant·e·s rencontrent des problĂ©matiques qui leur sont propres. Une partie d’entre eux notamment vit dans des logements communautaires ou kots. Or, comme le rappelle Marie-Marie van der Rest : « nous ne nous rendions pas compte qu’ĂȘtre Ă  6, 7, 8 dans un logement pouvait donner lieu Ă  des perspectives totalement diffĂ©rentes sur la crise sanitaire, le respect des rĂšgles
 En colocation aussi, pour les jeunes travailleurs, cela pose sans doute problĂšme. C’est d’autant plus prĂ©gnant pour les Ă©tudiant·e·s car pour certains, c’est la premiĂšre fois qu’ils n’habitent plus chez leurs parents. Il y a aussi la situation des Ă©tudiant.e.s qui rentrent dans leurs familles le week-end et qui sont soumis Ă  leurs rĂšgles. Et puis un kot, c’est parfois moins confortable pour le wifi, pour la cuisine
 ». Ces aspects spĂ©cifiques Ă  la vie Ă©tudiante Ă©taient Ă  prendre en compte.

Outre la question des logements, d’autres Ă©lĂ©ments liĂ©s au public des jeunes entre 18 et 25 ans sont aussi Ă  considĂ©rer et Ă  aborder avec eux : le besoin de vie sociale, d’émancipation, de crĂ©er un rĂ©seau, le stress qui peut ĂȘtre liĂ© au dĂ©roulement de l’annĂ©e et des examens, etc.

Des besoins identifiés en amont par les étudiants

Outre le Service d’aide aux Ă©tudiant·e·s, en contact permanent avec leur public, Univers santĂ© a donc fait appel aux Ă©tudiant·e·s avec lesquels l’association avait l’habitude de travailler ses thĂ©matiques. « Ce sont des Ă©tudiant·e·s qui gĂ©nĂ©ralement sont identifiĂ©es comme rĂ©fĂ©rent·e·s en santĂ© dans leur comitĂ© ou collectif respectif. Par exemple, dans un kot-Ă -projet, un cercle ou une rĂ©gionale, ils ont souvent dans leur comitĂ© une personne qui a la casquette de « sport-santĂ© » ou de « vie saine » ». Finalement, ce sont 3 Ă©tudiant·e·s issus de diffĂ©rentes entitĂ©s (kot-Ă -projet, rĂ©gionale et cercle) qui se sont portĂ©s volontaires.

La volontĂ© Ă©tait de partir des problĂ©matiques que rencontraient concrĂštement les Ă©tudiant·e·s et de leur vĂ©cu pour rappeler les rĂšgles d’or en matiĂšre sanitaire en adoptant un ton un peu plus dĂ©calĂ© et davantage adaptĂ© Ă  ce public. « Par exemple, un des Ă©tudiants avec lequel nous avons construit la campagne a portĂ© Ă  notre attention un message que nous n’avions pas identifiĂ© de prime abord : l’importance de choisir son mode/lieu de vie (dans le contexte du second confinement, ndlr). Il nous a relayĂ© que cela crĂ©ait beaucoup de difficultĂ©s dans les kots parce que certains faisaient la fĂȘte la semaine et rentraient chez leurs parents le weekend, crĂ©ant des tensions avec les Ă©tudiant·e·s qui avaient choisi de rester lĂ  tout le temps ». De ce constat est nĂ© le premier visuel travaillĂ© dans le cadre de la campagne Kot’Vid Friendly : « Choisis ton camp ».

Une communication adaptée dans une approche de réduction des risques

PandĂ©mie oblige, une grande partie de la communication de la communication Ă©tĂ© relayĂ©e principalement via les rĂ©seaux sociaux. La campagne dispose d’ailleurs de pages Facebook et Instagram dĂ©diĂ©es.

Retrouvez la campagne sur :

En parallĂšle des messages de prĂ©vention qui y Ă©taient diffusĂ©s, il a semblĂ© important, dĂšs le dĂ©part, de dĂ©passer les seules recommandations sanitaires pour proposer des idĂ©es que l’on pourrait qualifier de « kot’vid friendly ». « Par exemple, nous avons proposĂ© une liste de promenades Ă  Louvain-la-Neuve et Ă  Bruxelles qui changeaient des lieux trĂšs frĂ©quentĂ©s, avec toujours l’idĂ©e de ne jamais encourager Ă  se voir Ă  plus de 4 (selon les rĂšgles en vigueur Ă  l’époque – ndlr) mais sans ĂȘtre dans le ton nĂ©gatif ».

À un discours moralisateur, l’association a prĂ©fĂ©rĂ© adopter une approche de rĂ©duction des risques afin d’accompagner et de limiter les dommages sanitaires. « MĂȘme quand il y a eu, en mars-avril 2021, de plus gros rassemblements, nous n’étions pas dans la condamnation. En revanche, nous Ă©tions prĂ©sents pour rappeler qu’il y avait une possibilitĂ© de se faire tester, qu’il y avait des procĂ©dures de mise en quarantaine, qu’il fallait faire attention
 mais en essayant de ne pas stigmatiser » ajoute notre interlocutrice. Et de complĂ©ter, « l’idĂ©e n’est pas de cautionner mais bien d’admettre que c’est une rĂ©alitĂ© bien prĂ©sente ».

Une attention particuliĂšre a donc Ă©tĂ© portĂ©e au ton des messages adressĂ©s aux Ă©tudiant·e·s en prenant le parti de ne pas dramatiser, tout en rappelant les rĂšgles rĂ©guliĂšrement. Ainsi, plutĂŽt que d’intimer « Ă©vitez les rassemblements », l’association a prĂ©fĂ©rĂ© le message : « compte (sur) tes potes » pour rappeler le concept de « bulle sociale ». Le groupe de travail a Ă©galement choisi de s’exprimer Ă  la premiĂšre personne dans ses supports. « Nous avons crĂ©Ă© des visuels mettant en scĂšne une personne qui parle en « je », l’idĂ©e Ă©tait de pouvoir s’identifier au message en se disant « ah bon, je ne suis peut-ĂȘtre pas la seule personne Ă  penser ça
 » » prĂ©cise Marie-Marie van der Rest.

Changer de prisme et renforcer la capacitĂ© d’agir des Ă©tudiant·e·s

Comme le souligne Marie-Marie van der Rest, Â« nous souhaitions aussi montrer que les Ă©tudiant·e·s prennent leurs responsabilitĂ©s puisqu’on a travaillĂ© avec eux sur la campagne. Ils remontaient les messages qu’ils souhaitaient voir passer pour montrer que tous les Ă©tudiant·e·s ne nĂ©gligent pas les rĂšgles sanitaires, que tous ne se retrouvent pas dans des kots Ă  45 mais, qu’au contraire, la plupart essaient de sensibiliser leurs pairs Ă  cette problĂ©matique Â».

Favoriser le dialogue entre les Ă©tudiant·e·s, en dĂ©dramatisant certains comportements mais en expliquant aussi pourquoi ils sont dangereux est l’un des objectifs de cette campagne. Les compĂ©tences des Ă©tudiant·e·s et leur capacitĂ© d’agir s’en trouvent ainsi renforcĂ©es.

Des relais par les pairs


Cela permet aussi une meilleure adhĂ©sion aux messages de la part des Ă©tudiant·e·s eux-mĂȘmes, qui Ă  leur tour seront plus prompts Ă  relayer les messages. La plupart des cercles, rĂ©gionales ou kots-Ă -projet ayant Ă©galement un compte Instagram, « nous avons eu beaucoup de relais des Ă©tudiant·e·s qui n’hĂ©sitaient pas Ă  diffuser auprĂšs de la population Ă©tudiante que nous avons parfois plus de mal Ă  toucher, d’autant que nous sommes souvent associĂ©s Ă  l’universitĂ© » rajoute notre interlocutrice.

Et par le réseau..

En outre, Univers santĂ© a mobilisĂ© son rĂ©seau institutionnel pour relayer ses messages. L’UCLouvain a ainsi relayĂ© la campagne auprĂšs de ses Ă©tudiant·e·s Ă  plusieurs reprises. De mĂȘme certains acteurs locaux, telle que la zone de police de Louvain-la-Neuve, ont fait montre d’un intĂ©rĂȘt pour cette approche adaptĂ©e.

DĂ©fis & perspectives

Faut-il le rappeler, cette campagne est nĂ©e dans un contexte trĂšs spĂ©cifique : la pandĂ©mie, son Ă©volution et les diverses mesures sanitaires qui l’ont accompagnĂ©e, souvent dans l’urgence, parfois dans une certaine confusion. Par son caractĂšre soudain et le nombre d’inconnues qu’elle a gĂ©nĂ©rĂ©, la pandĂ©mie a Ă©tĂ© le thĂ©Ăątre d’une production d’informations frĂ©nĂ©tique et continue, dont une partie s’est avĂ©rĂ©e erronĂ©e, incomplĂšte, voire orientĂ©e. NĂ©e dans l’urgence de faire face Ă  cette pandĂ©mie, la campagne Kot’Vid Friendly, caractĂ©risĂ©e par sa rĂ©activitĂ© Ă  l’évolution sanitaire, n’a donc pas vocation Ă  ĂȘtre permanente.

Cependant, force est de constater que la situation reste fragile et traversée de nouveaux enjeux, tels que la couverture vaccinale de la population.

Dans une perspective plus positive, nous pouvons bien sĂ»r espĂ©rer que les activitĂ©s « en prĂ©sentiel » reprendront bientĂŽt, ce qui donnera aussi une autre possible dimension Ă  la campagne. « S’il y a de nouveau un retour des animations sur les sites, on pourrait aussi mettre en place ce fameux label : l’activitĂ© en question est « kot’vid friendly », pour attester qu’elle respecte les rĂšgles sanitaires». Tout cela n’est cependant pas encore Ă  l’ordre du jour.

Un autre dĂ©fi sera aussi de reconstituer une Ă©quipe pour continuer le processus de co-construction de la campagne. En effet, chaque annĂ©e, la composition des comitĂ©s change. Et par consĂ©quent, les Ă©tudiant·e·s avec lesquel·le·s travaille Univers santĂ©. Un dĂ©fi, car c’est toute une dynamique Ă  (re)construire, mais Ă©galement une opportunitĂ© comme le souligne Marie-Marie van der Rest : « c’est dommage de ne plus travailler avec eux mais on va dĂ©couvrir de nouvelles personnes qui auront sans doute d’autres maniĂšres de travailler ou de nouveaux messages Ă  identifier ». D’autres Ă©tudiant·e·s qui Ă  leur tour, reprĂ©senteront leurs pairs, car ils partagent leur(s) rĂ©alitĂ©(s) : « (
)peut ĂȘtre vont-ils avoir de nouvelles choses Ă  nous apporter ou, au contraire, nous diront-ils qu’il faut vraiment qu’on parte sur autre chose parce que la lassitude s’installe, ou qu’il faudra changer l’identitĂ© visuelle ou autre pour donner un coup de neuf et que le message soit de nouveau lu et vĂ©cu ». Car c’est bien dans cette dĂ©marche collaborative, en Ă©cho avec les besoins de son public, que rĂ©side le succĂšs de cette campagne.

Univers santé

Sur les campus de l’UniversitĂ© Catholique de Louvain (UCLouvain), Univers santĂ© dĂ©veloppe depuis 2000 des actions de promotion de la santĂ© en milieu jeune et Ă©tudiant, et travaille en partenariat direct avec ses publics cibles, des acteurs et des associations de terrains, des enseignants, des professionnels de la santĂ©, etc. L’association aborde tous les sujets qui concernent les publics jeunes et Ă©tudiants : alimentation, assuĂ©tudes, vie affective et sexuelle, santĂ© mentale, stress, blocus, santĂ© sociale, etc.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur : univers-sante.be

[1] PensĂ© d’abord comme un label qui attesterait des lieux ou activitĂ©s qui respectent les recommandations sanitaires, le projet a dĂ» rapidement se rĂ©-orienter en raison du second confinement.

Mis en exergue par Isabelle Roskam et MoĂŻra Mikolojaczak, chercheuses au sein de l’Institut de recherche en psychologie (IPSY) de l’UCLouvain, le burnout parental fait l’objet d’une attention accrue, particuliĂšrement lors de la crise sanitaire qui a mis les familles Ă  rude Ă©preuve. Si son existence est reconnue mondialement, on observe que sa prĂ©valence diffĂšre d’un pays Ă  l’autre. Notre pays se trouve parmi les trois pays les plus Ă  risque. Un constat qui a poussĂ© les chercheuses Ă  se demander ce qui pouvait expliquer de telles diffĂ©rences et Ă  lancer une Ă©tude internationale. MenĂ©e dans 42 pays, cette Ă©tude met en avant l’individualisme de nos sociĂ©tĂ©s comme dĂ©terminant dans la prĂ©valence du burnout parental.

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Le burnout parental, retour sur un syndrome

Le burnout parental (BOP) est un syndrome qui touche tous les parents exposĂ©s Ă  un stress chronique. Il s’exprime au travers de diffĂ©rentes facettes.

  • L’épuisement : c’est sans doute le symptĂŽme le plus manifeste. Il fait Ă©cho Ă  la sensation d’ĂȘtre “au bout du rouleau”. Le parent a le sentiment d’avoir Ă©puisĂ© ses ressources, que ce soit au niveau cognitif, Ă©motionnel ou physique.
  • La distanciation affective avec l’enfant : par un mĂ©canisme de protection vis-Ă -vis de l’épuisement, le parent se coupe de ses Ă©motions pour se concentrer sur les tĂąches strictement nĂ©cessaires Ă  la vie familiale, au dĂ©triment de l’aspect relationnel.
  • La perte d’efficacitĂ© et d’épanouissement dans son rĂŽle de parent : le BOP met la personne en souffrance vis-Ă -vis de son identitĂ© de parent elle-mĂȘme, crĂ©ant un sentiment de dĂ©calage.
  • Le contraste : le parent se sent diffĂ©rent, en dehors de lui-mĂȘme. Il n’est plus le parent qu’il a Ă©tĂ©. C’est un symptĂŽme qui accompagne souvent la prise de conscience d’un dysfonctionnement.

Il faut que ces symptĂŽmes s’expriment de maniĂšre suffisamment sĂ©vĂšre et rĂ©guliĂšre pour que l’on parle de BOP.

Les symptĂŽmes du burnout parental peuvent avoir des consĂ©quences dĂ©lĂ©tĂšres, tant pour le parent en souffrance (sentiment de culpabilitĂ©, d’isolement et risques de suicide
) que pour l’équilibre familial et la relation parent-enfant (dont la nĂ©gligence et violence parentale Ă  l’égard des enfants).

Pour approfondir les explications sur le burnout parental, retrouvez l’article « Burnout parental : quel rĂŽle pour la promotion de la santĂ© ? » (Education SantĂ©, fĂ©vrier 2019).

Une Ă©tude internationale

Jusqu’à prĂ©sent, les recherches sur le burnout parental s’étaient concentrĂ©es sur des facteurs individuels. Or, comme le prĂ©cise Isabelle Roskam, « le dĂ©savantage, c’est qu’on se focalise sur l’individu, ce qui est culpabilisant pour lui. Il va se dire, « pourquoi est-ce que moi, je tombe en burnout ? ». Si on ne pointe que des facteurs individuels, il y a le risque que la personne se sente la seule responsable. » Pourtant comme dans le burnout professionnel, le contexte pĂšse Ă©galement sur le dĂ©veloppement de l’épuisement parental. Ainsi, la difficultĂ© pour un parent de « trouver du temps pour lui », souvent exprimĂ©e par les parents en souffrance, est une prĂ©occupation qui s’inscrit dans un modĂšle de sociĂ©tĂ© individualiste.

Afin de valider ces observations, les chercheuses ont activĂ© leur rĂ©seau international. La thĂ©matique semble rassembleuse, les retours ne se sont pas fait attendre. Isabelle Roskam pose un premier constat : “cette notion de burnout parental a l’air de parler Ă  tout le monde”. C’était un prĂ©alable nĂ©cessaire Ă  l’étude. Pourtant, “ce n’était pas gagnĂ© d’avance parce que parfois quelque chose qui fait beaucoup de sens dans une culture n’en a pas dans une autre”. De fil en aiguille, des chercheuses et chercheurs issus de 42 pays diffĂ©rents se joignent ainsi Ă  l’étude et alimentent la base de donnĂ©es.

Des facteurs d’ordre socio-dĂ©mographiques (par exemple, le nombre d’enfants dans la cellule familiale, le nombre d’adultes investis dans l’éducation de l’enfant) mais Ă©galement socio-Ă©conomiques (notamment le Produit IntĂ©rieur Brut (PIB) de chaque nation) ont d’abord Ă©tĂ© envisagĂ©s. Aucune de ces variables ne permettait cependant d’expliquer les disparitĂ©s dans la prĂ©valence du burnout parental Ă  travers le monde. Les chercheuses se sont alors intĂ©ressĂ©es aux valeurs culturelles, « qui, prĂ©cise Isabelle Roskam, ne sont pas que l’individualisme. Il y a par exemple tout ce qui concerne les rapports hiĂ©rarchiques, les rapports de pouvoir entre les membres d’une sociĂ©tĂ©, il y a des sociĂ©tĂ©s plus ou moins Ă©galitaires
 ». Ces diffĂ©rentes valeurs contrĂŽlĂ©es, l’analyse met en avant l’influence de la culture individualiste comme dĂ©terminante dans la prĂ©valence du burnout parental. Isabelle Roskam enchĂ©rit « c’est interpellant de constater que ce sont les pays les plus riches et oĂč on fait le moins d’enfants que le niveau de burnout est le plus Ă©levĂ© ». Selon la chercheuse, « quand on fait partie d’une culture dite individualiste, on a l’habitude d’ĂȘtre focalisĂ© sur ses besoins, d’ĂȘtre Ă  l’écoute de soi, de devoir « tracer notre route”, etc.; et finalement, la façon dont cela va impacter les autres, c’est secondaire. Tandis que dans une culture collectiviste, le rapport est inverse ; on va d’abord se tracasser de ce qu’il se passe pour le groupe avant de regarder vers soi. »

Culture individualiste: quelles consĂ©quences sur la parentalitĂ© ?

L’individualisme qui imprĂšgne notre culture occidentale impacte l’exercice de la parentalitĂ© dans de multiples dimensions.

Une sociĂ©tĂ© individualiste va valoriser la performance et la compĂ©tition. Les narratifs qui nous entourent regorgent de success stories[1] et de self made (wo)men[2]. Dans une sociĂ©tĂ© oĂč on nous encourage Ă  toujours ĂȘtre le meilleur, la surexposition aux modĂšles parentaux idĂ©alisĂ©s gĂ©nĂšre comparaison et insĂ©curitĂ© :  » C’est vrai aussi dans la parentalitĂ© ; on veut ĂȘtre le meilleur parent par rapport au voisin, avoir les enfants qui performent le mieux Ă  l’école. On devient Ă©galement perfectionniste dans sa parentalitĂ©, or cela a un coĂ»t : on n’est jamais content de soi, on est toujours Ă  l’affĂ»t de recommandations sur la parentalitĂ© positive, on se fatigue dans des tĂąches oĂč on a l’impression que l’on ne peut jamais atteindre le standard Ă©levĂ© que l’on recherche ». Insidieusement, cette quĂȘte de perfection sans cesse inassouvie mĂšne Ă  l’épuisement.

Cet environnement compĂ©titif et portĂ© sur la performance impacte aussi les buts de socialisation. Comme l’explique la chercheuse « dans une sociĂ©tĂ© individualiste, on va Ă©lever nos enfants en leur transmettant les valeurs dont ils vont avoir besoin pour se dĂ©brouiller eux-mĂȘmes. Et une de ces valeurs, c’est leur apprendre Ă  ĂȘtre assertif, Ă  donner leur avis et Ă  ne pas se laisser faire quand on leur dit quelque chose ». Or cette assertivitĂ©, les enfants la dĂ©veloppent aussi Ă  l’égard de leurs parents, qui se retrouvent Ă  devoir nĂ©gocier ou se justifier auprĂšs de leur progĂ©niture. Dans une sociĂ©tĂ© collectiviste, en revanche, ce ne seront pas les mĂȘmes buts qui seront plĂ©biscitĂ©s : « dans des pays comme la Chine ou le Japon, explique Isabelle Roskam, on retrouve ce qu’on appelle la « piĂ©tĂ© filiale », qui inculque le respect inconditionnel des aĂźnĂ©s. Il y a cette notion d’obĂ©issance par dĂ©faut qui fait qu’un enfant comprend qu’il y a une hiĂ©rarchie, qu’il n’est pas l’égal de l’adulte et n’a pas son mot Ă  dire sur tout ce que l’adulte raconte. Il y a donc un coĂ»t Ă©motionnel Ă  la parentalitĂ© qui est moins fort. »

En outre, dans une sociĂ©tĂ© individualiste, on observe qu’il y a trĂšs peu de dĂ©lĂ©gation de l’autoritĂ© parentale et ce, mĂȘme dans les familles monoparentales. Une charge consĂ©quente repose sur les Ă©paules des seuls parents. En cause, l’idĂ©e trĂšs rĂ©pandue dans nos sociĂ©tĂ©s qu’il ne faudrait compter que sur soi-mĂȘme. Isabelle Roskam explique : « dans une sociĂ©tĂ© individualiste, on apprend Ă  ne compter que sur soi, Ă  ne pas faire confiance aux autres, et ça, dans la parentalitĂ©, c’est trĂšs saillant. Nous serions trĂšs surpris, voire sur la dĂ©fensive, qu’un voisin nous propose spontanĂ©ment de s’occuper de nos enfants par exemple. On a perdu cette idĂ©e de communautĂ©. Alors que dans certaines rĂ©gions d’Afrique on dit que ‘pour Ă©lever un enfant, il faut tout un village’ ».

Enfin, selon la chercheuse, une autre caractĂ©ristique des cultures individualistes rĂ©side dans la recherche de l’égalitĂ© hommes-femmes. Elle rappelle que « dans beaucoup de pays traditionnels, les femmes et les hommes n’ont pas les mĂȘmes rĂŽles dans la parentalitĂ©. Dans un pays individualiste comme le nĂŽtre, avec des indicateurs d’égalitĂ© trĂšs Ă©levĂ©s – qui vont imposer la paritĂ© dans le domaine politique, des entreprises, etc.- les femmes vont revendiquer cette Ă©galitĂ© ». Or dans le domaine de la parentalitĂ©, on constate que ce sont toujours elles qui assument plus de 70% de la charge liĂ©e aux soins et Ă  l’éducation des enfants. Ainsi, illustre-t-elle, « il y a encore beaucoup de lois qui placent la mĂšre dans le rĂŽle du premier donneur de soins : il y a tout ce qui touche au congĂ© de maternitĂ©, mais pas seulement ; par exemple pour les allocations familiales, c’est le pĂšre qui ouvre les droits et par dĂ©faut c’est la mĂšre qui les touche, puisque c’est elle qui Ă©lĂšve les enfants lĂ  oĂč le pĂšre serait le pourvoyeur de moyens. Tout cela contribue Ă  maintenir l’idĂ©e que le premier donneur de soins par dĂ©faut, c’est la mĂšre. » Dans une sociĂ©tĂ© qui semble prĂŽner l’égalitĂ©, mais oĂč beaucoup reste Ă  faire notamment dans le domaine de la parentalitĂ©, cela contribue Ă  renforcer un sentiment d’injustice face Ă  ce qui apparait comme un dĂ©calage entre le discours affichĂ© et la rĂ©alitĂ© vĂ©cue par les mĂšres.

Quels leviers d’actions pour la promotion de la santĂ© ?

Au vu des conclusions de cette Ă©tude, l’équipe de recherche Ă©voque avec nous quelques pistes, mais souligne qu’elles sont encore nombreuses et multiples, telles qu’un travail sur les aspects politiques, socio-Ă©conomiques, les reprĂ©sentations
 pour mener un travail de fond sur la notion d’égalitĂ© dans la famille par exemple.

Une prise de conscience collective

Dans une sociĂ©tĂ© individualiste qui prĂŽne la performance, demander de l’aide est encore trop souvent perçu comme un aveu de faiblesse. DĂ©construire les tabous autour de l’épuisement parental, informer le grand public et faire passer ces termes dans le langage courant sont autant d’étapes nĂ©cessaires dans la prise de conscience du phĂ©nomĂšne. Isabelle Roskam prĂ©cise : « c’est le genre de recherches qui ne peut pas rester dans le domaine acadĂ©mique, c’est essentiel d’avoir un relais. Pour le parent concernĂ©, ‘si on en parle, s’il y a des mots pour parler de ce que je vis, c’est que du coup je ne suis pas le seul Ă  ĂȘtre concernĂ©. Et que cela ne fait pas de moi un mauvais parent’ ».

Le burnout parental n’est pas qu’une problĂ©matique individuelle, il se nourrit aussi des paradoxes de notre modĂšle individualiste. Une prise de conscience collective de cette dimension est nĂ©cessaire. Car l’omniprĂ©sence d’images de parentalitĂ© heureuse et Ă©panouie isole ceux, parmi les parents, qui ont l’impression d’ĂȘtre dĂ©faillant par rapport Ă  ce modĂšle. « Typiquement, c’est ce qu’on fait sur les rĂ©seaux sociaux en se mettant en avant, en laissant penser que nous-mĂȘmes n’avons jamais de difficultĂ©s, parfois au dĂ©triment de l’impact que cela a sur les autres », ajoute Isabelle Roskam.

La sensibilisation des professionnels

Outre le frein culturel Ă  oser exprimer la difficultĂ© que l’on rencontre et ayant Ă©tĂ© Ă©levĂ© avec l’idĂ©e qu’il faut se dĂ©brouiller par soi-mĂȘme, ces parents ont davantage de mal Ă  accepter un soutien de l’extĂ©rieur.

DĂšs lors, sensibiliser et former les professionnels de premiĂšre ligne Ă  ces composantes culturelles semble un premier pas essentiel afin de leur donner des clĂ©s pour aborder le parent, lui offrir un espace oĂč exprimer ses difficultĂ©s sans se sentir jugĂ©.

Une formation pour les professionnels

Des formations sont proposĂ©es par le Training Institute for Parental Burnout. Pour plus d’information, rendez-vous sur http://www.parental-burnout-training.com

Des supports et des relais

La libĂ©ration de la parole autour des difficultĂ©s du rĂŽle de parent permet au parent en souffrance de sortir de l’isolement et de faire Ă©merger, au niveau des communautĂ©s, des rĂ©seaux d’initiatives informelles de support et d’entraide. On pense, par exemple, aux solutions de garderie tournante que peuvent mettre en place des parents entre eux.

Au niveau formel, on retrouve les services qui sont offerts par des institutions, organismes et asbl qui offrent du soutien aux familles. Isabelle Roskam invite toutefois Ă  la prudence lorsqu’on prĂ©sente ces services afin d’éviter de sous-entendre que tous les parents ont besoin de l’assistance d’un professionnel, ce qui aurait pour effet d’augmenter, symboliquement, la pression qui pĂšse sur eux : « c’est faire passer la parentalitĂ© pour quelque chose de tellement difficile, avec tellement d’enjeux que si on ne prend pas les conseils d’un professionnel, on va forcĂ©ment faire des erreurs. » Et de l’envisager sous le prisme de la bienveillance : « Dire Ă  tous les parents de se faire confiance, c’est aussi trĂšs important et on l’a parfois oublié  »

Les rĂ©sultats de l’étude « Parental Burnout Around the Globe: a 42-Country Study” (Roskam, I., Aguiar, J., Akgun, E. et al., 2021) a Ă©tĂ© publiĂ©e dans la revue Affective Science (en anglais : https://doi.org/10.1007/s42761-020-00028-4).

Des ressources pour les parents et les professionnels

La MutualitĂ© chrĂ©tienne a mis sur pied un vaste programme autour du bien-ĂȘtre psychologique intitulĂ© « je pense aussi Ă  moi », mettant en avant la nĂ©cessitĂ© de prĂ©server un espace de bien-ĂȘtre personnel, un Ă©quilibre entre tous les rĂŽles que chacun est amenĂ© Ă  jouer dans sa vie, et notamment le rĂŽle de parent.
www.jepenseaussiamoi.be: un site internet avec des contenus ciblant notamment le burnout parental, et des solutions concrùtes pour ne pas s’y enliser
Isabelle Roskam et Moïra Mikolojaczak ont créé un site dédié au burnout parental, à destination des parents, professionnels et chercheurs : www.burnoutparental.com.

[1] Cette expression anglophone signifie « des modÚles, des histoires de réussite »
[2] Cette expression anglophone désigne des hommes ou femmes « qui se sont construits/ qui ont construit leur réussite tout.es seul.es »

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Copyright: Prisca Jourdain

Le point de départ

AprĂšs une dizaine de jours de confinement, les membres du rĂ©seau wallon pour la santĂ© des femmes [1] sont vite interpellĂ©s par les impacts de cette situation sur les femmes et notamment les plus fragilisĂ©es d’entre elles. De nombreuses questions Ă©mergent entre incertitudes et perplexitĂ© : combien de temps cela va-t-il durer ? Comment maintenir un lien ? Quelles solutions temporaires mettre en place pour se soigner, continuer Ă  travailler, ou vivre tout simplement ? C’est ainsi que ces associations dĂ©cident de lancer un appel Ă  tĂ©moignages pour entendre les vĂ©cus des femmes pendant ce premier confinement.

Entre avril et juin 2020, le rĂ©seau a collectĂ© plus d’une cinquantaine de tĂ©moignages, gĂ©nĂ©ralement par mail ou par tĂ©lĂ©phone. AprĂšs lectures, Ă©changes et analyses des contenus, l’idĂ©e d’en faire un podcast a Ă©mergĂ©. Femmes et travailleuses ont ensuite prĂȘtĂ© leur voix Ă  ces diffĂ©rentes histoires pour un enregistrement durant l’étĂ© 2020.

Quatre capsules d’une durĂ©e totale de quatre-vingt minutes sont proposĂ©es sous la forme d’ateliers d’échanges comme s’ils avaient pu avoir lieu rĂ©ellement. Elles sont disponibles sur le site de Radio 27.
Ce projet a permis de tisser des liens nouveaux entre des femmes d’horizons diffĂ©rents en les rĂ©unissant par la magie de la technologie.

« Je suis une femme de 79 ans, j’ai oubliĂ© que c’était mon anniversaire ce samedi
 c’est un coup de fil qui me l’a rappelĂ©. Â»

Extrait de Paroles de femmes

« Je ne suis pas inquiĂšte du virus. Je veux travailler le plus vite possible, aussi parce que je dois payer mon loyer et j’ai du retard. J’ai peur de me retrouver dans la rue. Â»

Extrait de Paroles de femmes

Un podcast du réseau wallon pour la santé des femmes,
Réalisé par Claire Fockeday,
Soutenu par Radio 27.
A retrouver ici : https://www.radio27.be/index.php/replays/item/355-ma-sante-en-confinement-paroles-de-femmes-d-une-bulle-a-l-autre

PointCulture SantĂ© s’associe au projet

PointCulture a dĂ©cidĂ© de publier ces paroles de femmes. Pour garder une trace Ă©crite, pour continuer Ă  Ă©changer ensemble, pour poursuivre l’analyse, pour servir de base Ă  la rĂ©flexion


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Copyright: Prisca Jourdain

PointCulture SantĂ© valorise ainsi l’expression des besoins d’une population particuliĂšre face Ă  une problĂ©matique spĂ©cifique et soutient, en cette pĂ©riode unique de pandĂ©mie, des actions menĂ©es par des associations de terrain en promotion de la santĂ©.

Il a été décidé de coller au regroupement des témoignages proposé dans les capsules. Ainsi leur retranscription est identique et se découpe dans les quatre chapitres thématiques.

En résonance au vécu de ces femmes, les illustrations de Prisca Jourdain proposent une lecture visuelle pour une appréhension plus immédiate.

Quelques ressources documentaires ont Ă©tĂ© ajoutĂ©es. Elles viennent tantĂŽt en dĂ©calage tantĂŽt en Ă©cho au contenu Ă©voquĂ© : la diversitĂ© des situations, le travail des femmes, le systĂšme de santĂ©, la charge mentale, la violence conjugale


L’objectif poursuivi est de partager diffĂ©rents formats audiovisuels(documentaires et reportages) ainsi que faire dĂ©couvrir l’univers particulier de certain.e.s rĂ©alisateur.rĂ©alisatrice.s.

Gageons que ces films apporteront un Ă©clairage complĂ©mentaire aux voix de ces femmes !

La collection audiovisuelle Education pour la SantĂ© fait partie du service Ă©ducatif de PointCulture. Elle est le reflet d’une sĂ©lection de films documentaires engrangĂ©s depuis plus de 30 ans sur divers thĂšmes liĂ©s Ă  la santĂ©.

Elle est accessible via l’adresse https://www.pointculture.be/education/collection-sante/

Des outils pĂ©dagogiques (brochures, animations, formations, articles) destinĂ©s aux professionnels de la santĂ© et aux enseignants sont proposĂ©s pour faciliter l’utilisation de documentaires thĂ©matiques avec leur public. L’audiovisuel devient ainsi un vĂ©ritable point d’accroche pour dĂ©velopper des projets/activitĂ©s plus large de promotion de la santĂ© en association avec des partenaires de ce secteur en FĂ©dĂ©ration Wallonie-Bruxelles.

La brochure est gratuite sur demande dans tous les PointCulture.

Elle est tĂ©lĂ©chargeable en PDF sur le site : www.pointculture.be/education/publications/

Pour toute question : christel.depierreux@pointculture.be

Illustrations : www.priscajourdain.com

[1] Corps Ă©crits, la FĂ©dĂ©ration des Maisons MĂ©dicales, Femmes et SantĂ©, le GAMS-BE, Synergie Wallonie pour l’égalitĂ© entre les femmes et les hommes et Vie FĂ©minine – Antenne Brabant wallon.

Valisette destinée à des éducateurs de tous milieux qui souhaitent aborder le travail du corps sous une forme ludique.

dix histoires pour bouger
Les Editions Eveils et DĂ©couvertes, illustrations d’Emmanuelle Houssais

Description selon l’Ă©diteur

Matériel

  • 10 livrets d’HISTOIRES : 1 La boĂźte magique, 2 Les petites souris, 3 La petite graine, 4 Le petit robot, 5 Le pirate, 6 La fleur, 7 La pizza, 8 Le train, 9 Le gĂąteau, 10 Le feu de camp
  • 1 CD des 10 histoires
  • 1 CD des musiques ambiantes
  • 24 cartes : un jeu Postures des animaux
  • 40 cartes : un jeu de rĂŽle (8 cartes par catĂ©gorie) pour crĂ©ation de nouvelles histoires

Concept

Dix histoires pour bouger
 Ă©couter, jouer, s’exprimer avec son corps, prendre confiance en soi.
10 histoires pour accompagner les enfants dans l’apprentissage de la concentration et de l’écoute; pour crĂ©er du lien. Chacune d’elles va les inviter Ă  se glisser dans la peau d’un chat, d’un pirate ou d’une pizza
 Par l’imitation, les enfants effectuent alors des mouvements qui mobilisent chaque articulation.

Un outil pédagogique destiné aux enfants de 3 à 7 ans, qui encourage leur créativité comme celle des éducateurs.

Objectifs

  • Jouer, s’exprimer avec son corps et prendre confiance en soi
  • AmĂ©liorer la cohĂ©sion de groupe
  • AmĂ©liorer ses capacitĂ©s de perception sensorielle
  • AmĂ©liorer ses capacitĂ©s d’imagination
  • Apprendre Ă  mieux connaĂźtre ses Ă©motions
  • AmĂ©liorer ses capacitĂ©s de concentration

L’avis de PIPSa

Appréciation globale

Cet outil pĂ©dagogique, Ă©laborĂ© Ă  partir d’une pratique de terrain de 15 ans, fournit une dĂ©marche originale et crĂ©ative, bien pensĂ©e, adaptĂ©e au public et Ă  son besoin de bouger, pour mettre en mouvement le corps et l’imaginaire. En phase avec l’air du temps (mĂ©ditation, yoga), il propose des activitĂ©s respectueuses du rythme de dĂ©veloppement de l’enfant et des apprentissages de la vie en groupe.

Les histoires fournissent un prĂ©texte Ă  bouger : l’utilisateur prendra le temps de se les approprier pour les enrichir en tension dramatique (avec des enfants plus grands notamment). Bouger son corps – avec une image dans la tĂȘte – facilite le mouvement et construit le lien corps/esprit. En outre, cela dĂ©veloppe l’imaginaire, le schĂ©ma corporel, la concentration : d’excellents antidotes aux limitations mentales crĂ©Ă©es par les Ă©crans.

Le matĂ©riel attractif, solide, de trĂšs bonne qualitĂ© est adaptĂ© Ă  une utilisation frĂ©quente. L’utilisation de l’outil demande un espace assez vaste, chaud, confortable. Une utilisation rituelle sera privilĂ©giĂ©e.

L’outil est accessible Ă  tous les enseignants (ouverts 
 au travail corporel, il va falloir se bouger !) ainsi que les professeurs de gym et de psychomotricitĂ©.

Vu son coĂ»t, l’outil gagnera Ă  se trouver en centre de prĂȘt.
L’utilisateur veillera aussi aux enjeux d’inclusion dans son discours (peu prĂ©sent dans l’outil), en utilisant une terminologie qui inclut les filles et les garçons.

Objectifs

  • DĂ©velopper la conscience de son corps, se concentrer, ĂȘtre attentif
  • AmĂ©liorer cohĂ©sion de groupe
  • Stimuler l’imaginaire

Public cible

  • De 2 ans (en petits groupes) Ă  7 ans
  • Maternelle – accueil

Utilisation conseillée

  • utiliser un espace dĂ©gagĂ©, confortable, adaptĂ© Ă  la taille du groupe
  • ritualiser l’usage
  • ĂȘtre attentif au langage inclusif lors de l’histoire (une ou un pirate)
  • pour la clĂŽture de sĂ©ance, proposer un autre terme Ă  complĂ©ter par l’enfant plutĂŽt que « sage »

Vidéo de présentation sur YouTube.

OĂč trouver l’outil

Chez l’Ă©diteur

Editions pédagogiques du Grand Cerf
3, avenue du Grand Cerf
93220 – Gagny
France
+33 (0)1 64 21 70 85 – grand-cerf@wanadoo.fr
https://www.grand-cerf.com

En centre de prĂȘt

Disponible en ludothĂšque (Watermael-Boitsfort, Ludivine, 
) et dans plusieures bibliothĂšques en Wallonie (Samarcande). Consultez les catalogues sur la page « Les centres de prĂȘt ».

« Ensemble pour la santĂ© », un projet initiĂ© par la Plate-forme d’action SantĂ© & SolidaritĂ© (la PASS), fĂȘte ses cinq ans. À son actif, une mobilisation de citoyen·es et d’associations de diffĂ©rents secteurs et, depuis 2019, un chantier ouvert sur les liens ente santĂ© et mobilitĂ©. Tour d’horizon de nos avancĂ©es oĂč la crise sanitaire s’est invitĂ©e sans crier gare.

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Cet article a Ă©tĂ© initialement publiĂ© dans Bruxelles en Mouvement, n°309 novembre/dĂ©cembre 2020, pĂ©riodique Ă©ditĂ© par Inter-Environnement-Bruxelles et la FĂ©dĂ©ration des ComitĂ©s de quartier et Groupes d’habitants. Retrouvez-le sur www.ieb.be/Accessibilites. Nous les remercions, ainsi que les auteurs, pour leur aimable autorisation de reproduction.

2017
 Citoyen·es et professionnel·les de diffĂ©rents secteurs des quatre coins du pays se retrouvent pour Ă©changer sur la santĂ©. Car oui, les projets locaux qui misent sur la participation des citoyens font santĂ© et la promotionnent trĂšs certainement. À l’origine de cet Ă©vĂšnement, un groupe de professionnel·les issu·es des secteurs de la santĂ©, de la promotion de la santĂ©, du social, mais aussi quelques habitant·es passionné·es et impliqué·es dans des initiatives citoyennes. En 2019, plus fort·es de l’engagement et de la prĂ©sence de citoyen·es, nous dĂ©cidons de creuser la question des liens ente santĂ© et mobilitĂ©. En 2020, la crise sanitaire s’est invitĂ©e Ă  la table de nos Ă©changes. Qu’à cela ne tienne, nous optons pour rĂ©orienter le projet en cherchant Ă  cerner les effets du confinement sur la mobilitĂ©. Nous Ă©pluchons et Ă©changeons des articles, travaillons Ă  un questionnaire pour rĂ©colter des tĂ©moignages de citoyen·es et Ă©laborons une grille de lecture pour croiser tout ce matĂ©riel.

ÉmaillĂ©es de tĂ©moignages, constats et interrogations, les lignes qui suivent vous proposent un morceau de notre cheminement.

Mobilité, santé et inégalités

2019, nous voici donc arrimĂ©s au thĂšme de la mobilitĂ©. Nous passons d’abord par une Ă©tape de dĂ©finition et de recueil de nos reprĂ©sentations sur ce que recouvre ce thĂšme. Le constat est dressĂ©: tous et toutes, nous partageons la conviction que la mobilitĂ© est un facteur qui influence positivement ou nĂ©gativement notre santĂ©. De ces Ă©changes, se dĂ©gage une vision large de la mobilitĂ©: c’est le fait de pouvoir se dĂ©placer aussi bien physiquement, au quotidien et sur le long terme (si on pense Ă  la migration par exemple) que socialement et virtuellement (si on pense Ă  la capacitĂ© Ă  se projeter, Ă  se dĂ©placer sur l’échelle sociale).

La mobilitĂ© est Ă©troitement liĂ©e Ă  la santĂ©, autrement dit c’est un « dĂ©terminant de la santĂ© ». D’abord et parce qu’elle nous permet de nous mouvoir, la mobilitĂ© participe Ă  notre activitĂ© physique et est vectrice d’autonomie et d’émancipation. Elle permet Ă©galement l’accĂšs aux services (sociaux et de santĂ©), aux offres (alimentaires, de loisirs) et aux contacts sociaux. Aussi, les temps de dĂ©placement plus ou moins longs peuvent jouer sur notre qualitĂ© de vie. Son accessibilitĂ© pour tous et toutes est donc un enjeu majeur de santĂ© publique. Or, il existe encore de trop nombreuses inĂ©galitĂ©s, qu’elles soient gĂ©ographiques (certains quartiers Ă©tant mieux desservis par les transports en commun que d’autres), physiques (des lieux publics n’étant pas toujours adaptĂ©s aux personnes Ă  mobilitĂ© rĂ©duite), financiĂšres (se dĂ©placer pouvant coĂ»ter cher), de genre (une femme seule ne se dĂ©plaçant pas de la mĂȘme maniĂšre qu’un homme seul), psychologiques (sentiment d’insĂ©curitĂ© routiĂšre, prises de risque), environnementales (pollutions sonores, circulation accrue), ou encore administratives (circulation des personnes sans papier).

Ces inĂ©galitĂ©s peuvent se cumuler, entravant encore davantage la capacitĂ© d’une personne Ă  se mouvoir et impactant in fine sa santĂ©.

Et la Covid dans tout ça?

En mars, le confinement stoppe net la libertĂ© de circulation, impactant par lĂ  Ă©galement la santĂ© des populations: report de soins, approvisionnement alimentaire au plus proche mĂȘme quand l’offre est rĂ©duite, diminution des contacts sociaux, isolement, sĂ©dentarité  Le moral et la santĂ© mentale des Belges en prennent alors un coup!

Ici aussi, les conséquences sur la santé de la population se voient réparties inégalement. Et les médias le relayent fortement : la crise du coronavirus exacerbe des inégalités préexistantes, voire crée de nouvelles inégalités.

Pour documenter la maniĂšre dont cela est vĂ©cu par notre groupe, nous effectuons une dizaine d’interviews par tĂ©lĂ©phone. Une façon Ă©galement de maintenir le lien avec les citoyen·es malgrĂ© l’arrĂȘt des activitĂ©s.

Voici quelques retours de ces témoignages et de nos réflexions à ce propos.

Si certaines personnes ont limitĂ© au maximum leurs dĂ©placements (par peur du virus, par mĂ©connaissance ou incomprĂ©hension de certaines rĂšgles, par peur des contrĂŽles d’identitĂ©), d’autres ont redĂ©couvert la marche comme mode de dĂ©placement privilĂ©giĂ©: «Pendant le confinement j’ai pris du poids et mon mĂ©decin m’a demandĂ© de faire plus d’activitĂ© physique alors je marche beaucoup et comme ça j’évite d’ĂȘtre avec les gens». Pour d’autres encore, les dĂ©placements ont Ă©tĂ© facilitĂ©s pendant le confinement : «Mon mari ne travaillait pas, donc la voiture Ă©tait toujours disponible», «Mon trajet vers le bureau me prenait 40 minutes au lieu d’une heure trente habituellement».

Quel que soit leur quartier, les interviewé·es ont tous ressenti une amĂ©lioration de leur environnement lors du confinement. Ils tĂ©moignent d’une diminution des bruits et de la pollution ainsi que d’une meilleure qualitĂ© de l’air : «J’ai pu observer la diminution de la pollution sur ma peau et mes cheveux : mon coton de visage Ă©tait propre tout le temps du confinement!», «Durant le confinement, c’était comme des dimanches sans voiture».

Si les reports de soins pendant le confinement ne sont pas liĂ©s directement Ă  la mobilitĂ© mais Ă  l’annulation des rendez-vous par les services de santĂ©, notons qu’ils ont pu impacter la santĂ© physique des personnes et par lĂ  leur mobilitĂ©: «Je bĂ©nĂ©ficie d’un traitement aux orteils rĂ©guliĂšrement et je n’ai pas pu en bĂ©nĂ©ficier pendant le confinement alors que cela impacte ma capacitĂ© Ă  marcher». La numĂ©risation des services sociaux et de santĂ© pour rĂ©pondre aux mesures de sĂ©curitĂ© liĂ©es au Covid pose la question de leur accessibilitĂ©: la fracture numĂ©rique est encore trĂšs forte.

Comme Ă©noncĂ© plus haut, la mobilitĂ© comme nous l’entendons n’est pas uniquement quotidienne et immĂ©diate, elle dĂ©passe les frontiĂšres, en tĂ©moigne cette personne: «Mon plus grand regret est de ne pas pouvoir partir au Maroc car les frontiĂšres sont fermĂ©es et qu’il y a beaucoup de Corona. D’habitude je pars chaque annĂ©e au Maroc».

La rĂ©duction des contacts sociaux a plongĂ© certaines personnes dans un Ă©tat d’isolement. L’impossibilitĂ© de rendre visite aux proches est particuliĂšrement difficile Ă  vivre pour les personnes qui vivent seules ou qui sont Ă  risque. Ces tĂ©moignages vont dans le sens de l’enquĂȘte rĂ©alisĂ©e par Sciensano: prĂšs de 60% des sondĂ©s sont insatisfaits de leurs contacts sociaux. Ils n’étaient que 8% dans l’enquĂȘte santĂ© de 2018 [1].

Enfin, notons que la crise sanitaire a entraĂźnĂ© une nouvelle rĂ©partition de l’espace public: de longues files sur les trottoirs, des amĂ©nagements temporaires, une augmentation du nombre de cyclistes


Aujourd’hui, alors que nous sommes dans un nouveau confinement, mais moins strict que le prĂ©cĂ©dent, nos dĂ©placements sont soumis Ă  une nouvelle contrainte: celle du port du masque dans les transports en commun et les espaces publics Ă  forte frĂ©quentation. Est-ce que cela entrave la mobilitĂ© de certaines personnes? Ou au contraire, cette mesure peut-elle les rassurer, leur permettant ainsi d’oser sortir? La question reste ouverte.

Les citoyen.nes prennent les rĂȘnes

Divers mouvements et initiatives citoyennes ont Ă©mergĂ© pour rĂ©pondre, dans l’urgence, aux besoins de certaines personnes particuliĂšrement fragilisĂ©es par la crise sanitaire [2].

En effet, de nombreu·ses habitant·es ont rencontrĂ© des difficultĂ©s Ă  s’approvisionner pour des raisons financiĂšres, mais Ă©galement pour des raisons de mobilitĂ© ou d’accessibilitĂ© aux denrĂ©es. Pour rĂ©pondre Ă  ces difficultĂ©s, des rĂ©seaux d’entraide, allant d’un niveau familial ou de voisinage Ă  des initiatives plus structurĂ©es, sont apparus au sein des quartiers. Des mouvements citoyens se sont organisĂ©s pour collecter des vivres (comme «Collectmet») ou mĂȘme les livrer (comme les Brigades populaires de Saint-Gilles).

Des initiatives citoyennes, s’apparentant selon les dires des participant·es Ă  de vrais apprentissages d’organisation de solidaritĂ©, ont aussi vu le jour. Ainsi, prĂšs de la porte d’Anderlecht, des bĂ©nĂ©voles se sont organisĂ©s pour collecter les invendus des magasins et les redistribuer et, ce faisant, se sont dĂ©couverts une vraie fibre civique: «Avec un groupe de potes, on s’est dit qu’on ne pouvait pas rester les bras ballants quand on savait que dans le quartier il y avait des situations trĂšs compliquĂ©es
 PremiĂšre dĂ©marche, pas simple, convaincre les responsables de petites enseignes du coin de cĂ©der leurs invendus puis penser au dispatching. On savait qui avait besoin mais comment approcher ces personnes ? Il a fallu gagner la confiance
 Puis on s’est organisĂ©s; le groupe de bĂ©nĂ©voles s’est Ă©largi, le bouche Ă  oreille a fonctionnĂ©. Maintenant, on nous a Ă  la bonne dans le quartier, on a l’impression qu’on fait partie d’une communautĂ©, bien soudĂ©e» commente Olivier.

L’espace public a Ă©galement Ă©tĂ© rĂ©appropriĂ© par les habitant·es. Tel est le cas, par exemple, de la rue ouverte Ă  Molenbeek. Comment s’échapper des appartements confinĂ©s ou trop exigus et/ou rompre l’isolement sans aller trĂšs loin? Des riverains ont fait en sorte que des rues puissent ĂȘtre investies de jeux d’enfants et des papotes entre voisin·es
 Voitures non admises et distances physiques respectĂ©es !

On observe donc, dans cette pĂ©riode de confinement et de renforcement des inĂ©galitĂ©s, de nombreuses initiatives nĂ©es au plus proche des rĂ©alitĂ©s. Nous ne relevons que quelques exemples mais il en existe quantitĂ© d’autres qui tĂ©moignent aussi de la crĂ©ativitĂ© et de la pertinence de ces actions. Elles se sont dĂ©veloppĂ©es pour rĂ©pondre Ă  des besoins et se sont adaptĂ©es rapidement, en regard de l’évolution de la situation, lĂ  oĂč les dispositifs politiques traditionnels ont Ă©tĂ© lents Ă  se mettre en place.

Vers un plaidoyer communautaire

Ces initiatives citoyennes sont l’illustration d’une capacitĂ© d’observation et d’écoute des personnes et des quartiers, de rĂ©activitĂ©, de rĂ©flexion et d’entraide. Elles confortent dans l’idĂ©e, dĂ©jĂ  dĂ©fendue par la plateforme Agora [3], qu’il y a urgence Ă  inclure la population dans les prises de dĂ©cision. Dans son courrier Ă  la PremiĂšre Ministre, cette plateforme, comme tant d’autres, a marquĂ© son Ă©tonnement quant aux profils des experts censĂ©s conseiller nos politiques face Ă  cette pandĂ©mie: acteurs sanitaires (Ă©pidĂ©miologistes, virologues) ou Ă©conomiques. Quelle place pour les citoyen·es ? La gestion de cette crise semble les avoir envisagé·e·s comme des destinataires de consignes d’hygiĂšne Ă  suivre, voire comme responsables de la propagation du virus
 leur faisant endosser des rĂŽles, tels que confectionner des masques et des Ă©quipements pour nos soignant·es ou mettre en place les dispositifs d’urgence exemplifiĂ©s plus haut, pour pallier l’imprĂ©voyance ou le manque de rĂ©activitĂ© de celles et ceux qui nous gouvernent. Les citoyen·es ont pourtant montrĂ© bien d’autres compĂ©tences et capacitĂ©s d’initiatives.

Quelle place pour les citoyen·es ? La gestion de cette crise semble les avoir envisagé·e·s comme des destinataires de consignes d’hygiĂšne Ă  suivre, voire comme responsables de la propagation du virus


Le projet Ensemble pour la SantĂ© parie sur les expertises d’habitant·s, expert·es de leur vĂ©cu, croisĂ©es avec celles d’associations (des secteurs de l’éducation permanente, de la promotion de la santĂ©, du social, ou d’autres impliquĂ©es dans la mobilitĂ©). Ensemble, nous partageons nos constats et questions, soutenu·es dans notre rĂ©flexion par des Ă©tudes, des enquĂȘtes, des Ă©changes et des observations prĂ©sentĂ©es et mises en dĂ©bat par d’autres associations expertes dans les questions de mobilitĂ© (comme par exemple ProvĂ©lo, Responsible Young Driver, IEB ou le Bral). La constitution et la maniĂšre de travailler du groupe Ă©voluent au grĂ© de ces rencontres et dĂ©bats: un Ă©tat des lieux se construit. Et progressivement Ă©mergent des propositions, des idĂ©es pour pallier des manques et rĂ©pondre Ă  des besoins simples ou plus complexes. Ensemble, nous rĂ©flĂ©chissons aux possibles changements, nous construisons un plaidoyer communautaire pour une mobilitĂ© plus Ă©quitable.

Si ces questions vous intĂ©ressent ou si vous vous retrouvez dans ces dĂ©marches, n’hĂ©sitez pas Ă  nous contacter via le site d’Ensemble Pour la SantĂ© (www.samenvoorlasante.be) ou via la page Facebook (Samen voor gezondheid – Ensemble pour la santĂ©)!

En complĂ©ment de cet article, dĂ©couvrez Ă©galement l’article « DĂ©marche communautaire et mobilitĂ© en santĂ© Â» de FrĂ©dĂ©ric Dejou, Les Pissenlits asbl, paru dans Bruxelles en Mouvement, n°309, novembre/dĂ©cembre 2020, pĂ©riodique Ă©ditĂ© par Inter-Environnement-Bruxelles et la FĂ©dĂ©ration des ComitĂ©s de quartier et Groupes d’habitants. Retrouvez-le sur www.ieb.be/Accessibilites.

Parler de clitoris, de masturbation, de consentement ou encore d’empowerment avec des femmes originaires du monde arabe : c’est, entre autres, le challenge que s’est lancĂ© l’asbl AWSA. Son site SexualitĂ©s Sans Tabou regorge de ressources, d’outils et de tĂ©moignages recueillis par l’asbl.

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Crédit : Awsa-be asbl

Avant tout, AWSA-Be (pour Arab Women Solidarity Association dans sa version belge) se dĂ©finit comme une association laĂŻque et mixte, indĂ©pendante de toute appartenance nationale, politique ou religieuse. Elle est reconnue en Ă©ducation permanente et y intĂšgre le fĂ©minisme dans le but de favoriser l’épanouissement et le vivre-ensemble. L’asbl milite pour la promotion des droits des femmes originaires du monde arabe, que ce soit dans leurs pays d’origine ou celui d’accueil. Son objectif est de briser les clichĂ©s sur les femmes, et de crĂ©er des ponts interculturels. En pratique, l’association organise de nombreux Ă©vĂšnements et activitĂ©s, parmi lesquels : des confĂ©rences et formations, des week-ends thĂ©matiques Ă  destination des femmes, des Ă©changes avec des professionnels de santĂ© mais aussi des artistes originaires du monde arabe, un thĂ©Ăątre, une chorale ou encore des ateliers Ă  destination d’un public jeune, pour ne citer que cela. Education SantĂ© a rencontrĂ© Alicia Arbid, coordinatrice de l’asbl.

ES : Alicia, pouvez-vous nous parler de la genĂšse d’AWSA en quelques mots ? Pourquoi vous ĂȘtre portĂ©.es sur ce public spĂ©cifique que sont les femmes issues du monde arabe ?

L’association a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e en 2006 sous forme d’asbl, mais existait depuis 2 ans comme association de fait. A l’origine, un groupe d’amies, 3 femmes d’origine arabe, a dĂ©cidĂ© de crĂ©er des activitĂ©s conviviales
 Ça a commencĂ© chez l’une puis chez l’autre, notamment avec la chorale qui est lĂ  depuis le tout dĂ©but (bien avant la crĂ©ation d’AWSA sous forme d’asbl), avec l’idĂ©e de promouvoir les cultures du monde arabe et de faire entendre la voix des femmes, ainsi que de combler un manque qu’il y avait -et qui perdure – de structures pour ces femmes (outre celles pour l’apprentissage de la langue, ou d’aide aux primo-arrivant.es
). Ce sont des femmes qui ont la volontĂ© de se connecter, d’ĂȘtre en lien et de promouvoir leurs cultures.

ES : Quels sont vos principaux chevaux de bataille ?

Nous nous situons dans du plaidoyer fĂ©ministe avec une approche positive pour promouvoir l’égalitĂ©, le vivre-ensemble et la justice. Ce qui est transversal dans toutes nos actions, c’est la volontĂ© de valoriser les femmes originaires du monde arabe. Pour elles-mĂȘmes, pour la sociĂ©tĂ© en gĂ©nĂ©ral, et pour les communautĂ©s qui vĂ©hiculent aussi parfois des clichĂ©s. Dans toutes nos activitĂ©s, nous voulons garder cette approche positive et valorisante des femmes originaires du monde arabe, en cassant les clichĂ©s sur elles ; mais nous souhaitons aussi crĂ©er des ponts entre les cultures et travailler sur les mĂ©connaissances mutuelles. On insiste sur la diversitĂ© des parcours et des profils de ces femmes, mais aussi la diversitĂ© des pays et des cultures du monde arabe.

Le fĂ©minisme dans lequel nous nous inscrivons est un fĂ©minisme qui n’hiĂ©rarchise pas les discriminations et qui porte un intĂ©rĂȘt particulier au contexte dans lequel les femmes vivent. Ce contexte politique, Ă©conomique, social, religieux et culturel façonne les vies des femmes et toute atteinte aux femmes est une atteinte aux droits humains.

Dans cette optique, bien que nos outils mettent en avant des femmes issues du monde arabe, nous allons toujours faire un lien avec la Belgique ou avec d’autres fĂ©ministes du monde. Notre plaidoyer s’inscrit tant dans une grille de lecture intersectionnelle que dans une approche globale de tous les enjeux de sociĂ©tĂ©

ES : Quels sont vos lieux d’action ? Bruxelles essentiellement ?

Nous sommes dĂ©jĂ  sorti.e.s de Bruxelles et avons fait des activitĂ©s ou des piĂšces de thĂ©Ăątre au Liban et au Maroc, par exemple. Nous essayons de crĂ©er des ponts avec les pays du monde arabe, et ce, notamment en faisant venir des artistes, des auteures et des professionnels de la santĂ©, (sexologue, mĂ©decin, etc.). Dans le cadre de la santĂ© par exemple, nous avions invitĂ© encore la fondatrice et prĂ©sidente de la premiĂšre organisation de patients sĂ©ropositifs au Maroc vivant elle-mĂȘme avec le VIH.

Sinon, en plus de Bruxelles, nous travaillons parfois avec des partenaires Ă  LiĂšge, Verviers ou, par exemple Grenoble oĂč nous allons organiser une exposition
 Cela dĂ©pend un peu des projets.

ES : Vous avez dĂ©veloppĂ© un site qui s’appelle « SexualitĂ©s Sans Tabous » et qui traite beaucoup d’EVRAS1. Dans quel but et d’oĂč est partie cette idĂ©e ?

Le site est nĂ© de la volontĂ© de rendre plus accessibles des thĂšmes que nous abordons frĂ©quemment pendant des ateliers de terrain avec les femmes et les jeunes. A l’origine, avant d’envisager ce site, nous avons organisĂ© des week-ends “sexualitĂ©s sans tabous” avec une quinzaine de femmes et
 c’était gĂ©nial ! Nous sommes allĂ©es Ă  la mer dans un centre de bien-ĂȘtre, on a parlĂ©, on s’est retrouvĂ©es entre nous, on a fait des ateliers pour dĂ©construire, libĂ©rer la parole. Le but Ă©tait de faire Ă  la fois du collectif et de l’individuel, le temps d’un week-end. Des intervenantes externes sont venues, comme Zina Hamzaoui, sexologue fĂ©ministe et musulmane. Pour les femmes prĂ©sentes, pouvoir juste s’offrir un moment Ă  elles, le temps d’un week-end et dans ce cadre-lĂ  Ă©tait dĂ©jĂ  trĂšs fort. Nous avions aussi une diversitĂ© de femmes trĂšs intĂ©ressante : des femmes jeunes ou plus ĂągĂ©es, mariĂ©es ou pas, trĂšs pratiquantes religieusement ou pas du tout 
 Cela a crĂ©Ă© une bonne ambiance et de trĂšs beaux moments d’échanges. Suite Ă  cette premiĂšre expĂ©rience, les demandes pour la rĂ©itĂ©rer ont affluĂ©

Young, Attractive Muslim Woman Reads A Book By The Window Of A Cafe In The Day. She Is Wearing A Turban And Is Elegantly Dressed In Earthy Tones.
crédit photo: AWSA-be asbl

Le site est nĂ© d’une volontĂ© de prolongation, de garder une trace de ces week-ends, parce que malheureusement ça a un coĂ»t et qu’on ne peut pas en faire Ă  volontĂ©. Les thĂ©matiques, les paroles de femmes, ou par exemple, les podcasts : cela vient des intervenantes qui ont participĂ© aux week-ends. Ce site est Ă  la fois un outil et le rĂ©sultat de tout un projet, tout en Ă©tant pensĂ© pour rester dynamique et ĂȘtre mis Ă  jour. Il ne s’agit pas de quelque chose de figĂ©.

ES : Vous travaillez et développez des actions sur le terrain. Pour quels types de structure ?

Chaque annĂ©e, nous avons des partenariats EVRAS oĂč l’on travaille avec des jeunes du secondaire (Ă  partir de la 3Ăšme). Cela fait longtemps qu’on y participe et le cadre est bien prĂ©cis : nous tenons un stand dans un parcours itinĂ©rant oĂč les jeunes passent de stand en stand. Nous intervenons aussi ponctuellement dans des hautes Ă©coles, par exemple. Nous nous adressons donc Ă  un public d’adolescents Ă  jeunes adultes, femmes, mais aussi auprĂšs d’animateurs qui n’arrivent pas Ă  parler des questions de sexualitĂ© avec leurs jeunes, par exemple. C’est au cƓur de nos actions.

En parallĂšle, on travaille le mĂȘme type de questions avec des femmes sur diffĂ©rents projets. Par exemple, dans le cadre d’un projet “mariage et migration” oĂč nous avons beaucoup abordĂ© les questions de sexualitĂ© et de tabous en termes de relation affective. Selon le type de projet, nous sensibilisons diffĂ©rents groupes.

Il nous arrive aussi, dans le cadre de nos visites aux cafĂ©s2 notamment, de traiter des questions de sexualitĂ© et de violence liĂ©es Ă  l’honneur. Entre autres quand on a jouĂ© des extraits de notre piĂšce de thĂ©Ăątre “Quand Fatima se fait appeler Sophie”, qui touche aux questions de sexualitĂ© et de rĂ©appropriation du corps. Cela a menĂ© Ă  des Ă©changes trĂšs intenses avec les hommes. Nous avons aussi fait venir une troupe de thĂ©Ăątre marocaine qui parlait de violences et discriminations envers les mĂšres cĂ©libataires et de la question des enfants nĂ©s hors mariage, et lĂ  c’est un public complĂštement diffĂ©rent de celui des jeunes de nos partenariats. Donc finalement on brasse assez large en termes de publics et de structures, mĂȘme si nos premiĂšres bĂ©nĂ©ficiaires restent les femmes

ES : Justement, lors de vos actions auprÚs des femmes pour parler de sexualité, quelles principales difficultés rencontrez-vous ?

Il y a des questions qui reviennent souvent chez nos publics de femmes et jeunes femmes, – d’oĂč l’importance de notre approche fĂ©ministe interculturelle – comme : la pression autour de la virginitĂ©, la chastetĂ©, le consentement, le choix de partenaire ou mĂȘme celui d’avoir une sexualitĂ© ou pas, ou encore les questions de vaginisme, qui touche quand mĂȘme assez fort les publics du monde arabe d’aprĂšs les professionnels de santĂ© avec qui nous Ă©changeons. Par exemple, Amal Chabach, sexologue marocaine au Maroc, nous expliquait que c’est un pays trĂšs touchĂ©, notamment Ă  cause de toutes ces craintes liĂ©es au contrĂŽle du corps des jeunes filles, des questions d’honneur, etc.

Pour parler de sexualitĂ©, il faut aussi pouvoir mettre Ă  l’aise nos publics dans un cadre convivial et sĂ©curisant. Il faut pouvoir libĂ©rer la parole et
notre agenda.
Nos difficultĂ©s sont aussi liĂ©es au fait que nous sommes une petite Ă©quipe avec plusieurs demandes d’interventions et d’ateliers. Il nous est difficile parfois de ne pas pouvoir accompagner les femmes et jeunes femmes dans la durĂ©e.

ES : Y’a-t-il des sujets dont il vous est plus difficile de parler ?

Les violences restent un sujet complexe. Nous ne sommes pas toutes psychologues et on est parfois sur le terrain en animation quand on se rend compte qu’on passe du rire (on utilise souvent l’humour pour aider Ă  briser les tabous) aux larmes face Ă  la prise de conscience des violences vĂ©cues. Parfois, certaines jeunes femmes s’en rendent compte Ă  ce moment-lĂ  en pleine discussion collective, comme par exemple, cette jeune fille que sa mĂšre emmenait se faire contrĂŽler l’hymen chez le gynĂ©co tous les trois mois
Pour elle, il Ă©tait Ă©vident que c’était normal. Mais ça la dĂ©rangeait, et c’est aussi pour ça qu’elle nous en a parlĂ© si facilement. Cependant, elle a pris conscience Ă  ce moment-lĂ  que toutes n’avaient pas la mĂȘme expĂ©rience.

Ou encore, par exemple lorsque des femmes enceintes vivent des situations de violence. D’oĂč notre approche globale qui met en Ă©vidence le fait que ce ne sont pas des marques traditionnelles qui vont crĂ©er de la violence mais qu’il y a un environnement familial malsain parfois.

ES : Qu’en est-il de la question du plaisir fĂ©minin ?

Elle est primordiale et l’enjeux se trouve dans l’éducation Ă  la sexualitĂ© fĂ©minine. Le plaisir fĂ©minin Ă©tait au centre de nos weekends sexualitĂ©s sans tabou avec les femmes. Pourtant, ça reste tabou, comme si c’était gĂȘnant pour une femme de vouloir avoir du plaisir, de ressentir du dĂ©sir, d’en parler
 Nous avions, par exemple, une dame de plus de 40 ans qui ne s’était jamais masturbĂ©e. Lorsqu’elle a vu les autres femmes en ĂȘtre Ă©tonnĂ©es, elle a Ă©tĂ© gĂȘnĂ©e et en mĂȘme temps trĂšs curieuse. Heureusement il y a eu beaucoup de bienveillance et de rire. C’est encore souvent trĂšs tabou alors qu’on parle de la masturbation des garçons tout le temps. Il est trĂšs intĂ©ressant de constater que quand on parle de sexualitĂ© avec les femmes, systĂ©matiquement elles ont tendance Ă  vouloir parler d’éducation sexuelle pour leur garçon ou leur fille. Donc, lors de l’un de nos week-ends, une consigne Ă©tait de ne pas parler d’éducation sexuelle des enfants mais de parler de leurs sexualitĂ©s, de plaisir fĂ©minin et de leurs besoins et expĂ©riences Ă  elles.

ES : Quelle.s difficulté.s rencontrez-vous en travaillant avec vos partenaires ?

Eviter de tomber dans le relativisme culturel et d’entendre dire “Non non, ils et elles ne sont pas prĂȘt.es pour parler de ces choses-là”. Ce n’est pas du tout notre approche. Par exemple, lorsque nous avons invitĂ© Amal Chabach (sexologue marocaine), nous avions contactĂ© des associations partenaires avec qui nous avions dĂ©jĂ  fait des ateliers sur d’autres thĂšmes ; mais parce qu’il s’agissait de parler de sexualitĂ© dans ce cas-lĂ , certaines animatrices nous ont rĂ©pondu que cela n’irait pas, sans mĂȘme en parler avec leur public au prĂ©alable. Finalement, nous avions rĂ©ussi Ă  persuader une des associations de faire l’animation et cela s’est super bien passĂ©. Les femmes sont mĂȘme restĂ©es prĂšs d’une heure de plus et elles Ă©taient trĂšs heureuses d’avoir une sexologue Ă  qui parler.
Heureusement les choses Ă©voluent, cet exemple date d’il y a quand mĂȘme quelques annĂ©es, mais cela permet de montrer qu’il y a parfois aussi des craintes et des reprĂ©sentations des animateur.trice.s ou personnes de terrain eux.elles-mĂȘmes.

De plus, ce que l’on va trouver dĂ©licat Ă  aborder peut venir du fait que nous-mĂȘmes ne soyons pas Ă  l’aise parfois avec certains sujets. Pour animer nous devons nous aussi nous mettre dans une posture d’ouverture et d’apprentissage et dĂ©passer/questionner les Ă  priori et Ă©ventuelles fausses croyances sur notre public aussi.

ES : Vous vous heurtez parfois Ă  la barriĂšre de la langue ? L’arabe est-il utilisĂ© ?

Sur le parcours EVRAS, nous n’avons pas ce problĂšme car ce sont souvent des jeunes qui parlent français. Mais avec les femmes, certaines ne parlent pas bien français. Cela dit, en termes de sexualitĂ©, il y a beaucoup de mots dans la langue arabe qui ne sont pas dits, donc on va utiliser des mĂ©taphores, l’anglais ou le français
 C’est trĂšs intĂ©ressant Ă  voir, il n’est donc pas toujours Ă©vident de parler de sa sexualitĂ© en arabe. On essaie quand mĂȘme toujours d’avoir une collĂšgue arabophone pendant les animations.

ES : Dans la mĂȘme idĂ©e, la culture et/ou la religion posent-t-elles parfois problĂšme ?

La frontiĂšre entre le culturel et le religieux est souvent trĂšs floue, en particulier dans le contexte migratoire. Souvent l’argument religieux est utilisĂ© comme Ă©tant un argument d’autoritĂ© mais qui a besoin d’ĂȘtre questionnĂ©, qui ne peut pas juste ĂȘtre Ă©vitĂ© que ce soit par racisme ou relativisme culturel.

On cherche Ă  Ă©viter la posture de mise Ă  l’écart. D’ailleurs si l’animatrice est musulmane, il peut ĂȘtre parfois plus difficile pour elle de parler avec une femme musulmane sur les questions de sexualitĂ© et de fĂ©minisme, par peur d’ĂȘtre jugĂ©.e ou de se sentir jugĂ©.e

Ensuite, il y’a les clichĂ©s entre femmes du monde arabe elles-mĂȘmes. Quelques fois, des femmes m’ont dit “Oui, mais tu es Libanaise, ce n’est pas la mĂȘme-chose qu’au Maroc
”. Il y a effectivement des diffĂ©rences mais il y a aussi beaucoup de points communs entre toutes les femmes, peu importe leurs origines, liĂ©s notamment aux discriminations et violences du patriarcat

Je pense qu’il faut mettre de cĂŽtĂ© nos clichĂ©s, parce qu’à partir du moment oĂč l’on s’intĂ©resse Ă  l’autre et oĂč l’on va poser des questions, c’est pour nouer une relation de confiance. On va essayer de comprendre les codes culturels parce qu’on y donne du sens, c’est une forme de reconnaissance. Cela peut parfois amĂ©liorer significativement la relation “animateur/animĂ©â€ ou “soignant.e/soignĂ©.e”, et ça peut faciliter la communication. Je pense qu’il est faux de penser que l’on ne peut pas se parler si on n’est pas de la mĂȘme culture.
Mais il faut bien sĂ»r d’abord ĂȘtre Ă  l’aise, s’informer, dĂ©velopper ses connaissances et sa curiositĂ©, travailler sur sa posture et ses fausses croyances. D’oĂč notre travail en Ă©ducation permanente oĂč nous dĂ©veloppons des outils et des supports pour les animateurs.trices et qu’il est possible de retrouver sur notre site, avec les fiches ludiques et pĂ©dagogiques

ES : Alicia, qu’est-ce qui vous fait ressentir un sentiment de petite victoire ?

J’avoue adorer ces moments de terrain, d’animation, pendant ces week-ends. J’ai l’impression d’apprendre Ă  chaque fois. Ça me fait plaisir de voir ces femmes avec cette volontĂ© d’aller de l’avant et de prendre soin d’elles. On voit que des choses se mettent en place, mĂȘme si tout le monde n’est pas forcĂ©ment prĂȘt Ă  changer tout de suite ses comportements. Ce qui est chouette c’est aussi cette envie de transmission, lorsqu’une femme dit “J’ai envie que mon enfant voie ça, ou que mon amie voie ça  ». Ou encore pendant les cafĂ©s, lorsqu’un homme prend notre brochure en nous disant qu’il en parlera Ă  sa sƓur ou Ă  sa femme en rentrant, par exemple.

Et quand on parle d’animations autour de la sexualitĂ©, ce qui fait vraiment plaisir est de pouvoir mettre rĂ©ellement les femmes au centre de la discussion, de prendre le temps et de leur permettre de prendre ce temps, mais aussi de sentir qu’un lien s’est crĂ©Ă© mĂȘme si ce n’est que pour 1h ou 1h30. Le fait de sentir qu’il y a eu un Ă©change riche et de la bienveillance de la part de ces femmes. Et mĂȘme si elles ne sont parfois pas du tout d’accord entre elles, d’ailleurs !

ES : Quels sont les projets d’avenir d’AWSA ?

Avec la situation sanitaire, il nous faut nous adapter mais cela fait plusieurs annĂ©es qu’on travaille sur des questions d’insertion socio-professionnelle et de travail sur l’intĂ©riorisation des discriminations dans le cadre de la recherche d’emploi. Nous continuons en partenariat avec Pour La SolidaritĂ© , mĂȘme en confinement, Ă  faire des coachings individuels et collectifs avec des jeunes qui sont hors circuit, c’est Ă -dire ni dans un parcours scolaire, ni dans un circuit de formation, ni enregistrĂ© chez Actiris (les NEETT3). Suite Ă  nos ateliers/interventions dans des partenariats en insertion socioprofessionnelle, nous avons eu envie de lancer le projet “Ambition”. Il consiste Ă  faire de l’accompagnement Ă  l’emploi de maniĂšre alternative. ConcrĂštement, il s’agit, le temps d’un week-end, de proposer Ă  ces jeunes demandeuses d’emploi d’effectuer un travail de coaching individuel ainsi que sur leurs projets professionnels.

Accessible sur le site internet via : https://www.awsa.be/fr/page/discriminations-identites

À cĂŽtĂ© de ça et toujours en lien avec cette thĂ©matique d’insertion professionnelle, nous allons mener une campagne de promotion de la diversitĂ© des mentors4. Souvent, les mentors sont des personnes issues du mĂȘme milieu culturel, plus ĂągĂ©es, souvent des hommes
 Il serait important dans ce travail de mentorat d’avoir aussi des femmes, originaires du monde arabe ainsi que d’autres cultures, pour pouvoir travailler Ă  l’amĂ©lioration de la relation entre mentor et mentee.

ParallĂšlement, pour 2021, nous avons le projet de crĂ©er une exposition photo sur base d’un concours photos destinĂ© aux Libanais et Libanaises du Liban, avec le soutien de la Ville de Bruxelles, SolidaritĂ© Internationale. L’idĂ©e est de reprĂ©senter la diversitĂ© du pays et des femmes tout en montrant ce qui rassemble malgrĂ© cette diversitĂ©. Nous voulons Ă©galement faire un appel aux jeunes du pays du CĂšdre pour qu’ils/elles produisent des textes (en français, anglais ou arabe) afin de s’exprimer sur la laĂŻcitĂ©. Le but est que ce soit, Ă  Bruxelles, d’abord une opportunitĂ© d’en savoir plus sur le pays, et ensuite qu’il s’agisse d’un “cas d’école” pour parler de l’importance de la laĂŻcitĂ© dans un contexte communautaire difficile.

Enfin, il y a nos animations, formations et interventions externes mais aussi des partenariats, entres autres, sur le thĂšme « Femmes, vĂȘtements et sociĂ©tĂ© » (avec la Maison des Femmes de Molenbeek) ou un projet de dessins avec l’artiste Hanane Khaldouni pour dĂ©noncer les diffĂ©rentes formes de violences faites aux femmes avec le European Network of Migrant Women.

Cette programmation ne constitue qu’une partie de ce qui est Ă  l’agenda d’AWSA pour 2021. Nous vous invitons Ă  retrouver l’ensemble de leurs projets sur www.awsa.be.

(1) Education Ă  la Vie Relationnelle Affective et Sexuelle

(2) AWSA organise des sorties dans certains cafĂ©s bruxellois dits «arabes». Certains sont uniquement frĂ©quentĂ©s par des hommes. L’idĂ©e est donc de s’y rendre afin de crĂ©er un espace de mixitĂ© (genre, origine,
 ) et d’échanges. Elles y organisent aussi ponctuellement divers Ă©vĂšnements.

(3) Not in Education, Employment or Training (« ni étudiant, ni employé, ni stagiaire »).

(4) “Le mentorat est une forme de coaching dispensĂ© par une personne expĂ©rimentĂ©e, le mentor, Ă  un partenaire inexpĂ©rimentĂ©, le mentee. L’idĂ©e est de former un binĂŽme pour partager, Ă©changer et progresser ensemble. Le mentor ne va pas trouver du travail Ă  votre place mais il va donner de son temps pour vous Ă©couter, vous conseiller et vos aider Ă  progresser pas Ă  pas dans votre recherche d’emploi, votre reconversion ou votre lancement d’entreprise.” DĂ©finition fournie par Actiris

La pair-aidance et les pratiques participatives sont “des façons de faire” qui recouvrent une multitude de pratiques et d’acteurs issus de diffĂ©rents secteurs du social et de la santĂ©. Rendre compte de cette diversitĂ©, rassembler ses acteurs, partager les outils et les expĂ©riences, et donner envie Ă  d’autres de “sauter le pas”, tels Ă©taient les objectifs de la plĂ©niĂšre organisĂ©e fin septembre par les asbl SMES, En Route et le RĂ©seau Nomade en guise d’introduction au cycle de rencontres qu’ils organisent.

Pair-aidance et pratiques participatives : le vécu au coeur de la réflexion du secteur du social et de la santé

La pair-aidance dĂ©signe la participation professionnelle d’ancien.ne.s bĂ©nĂ©ficiaires de services sociaux ou de santĂ© au sein de dispositifs psycho-mĂ©dico-sociaux. Ces pair.e.s-aidant.e.s, parce qu’elles et ils ont cheminĂ© vers le rĂ©tablissement et vers une meilleure qualitĂ© de vie, peuvent mettre leur expĂ©rience au service d’autruiNote bas de page.

Le concept n’est pas nouveau, des projets le mettent en pratique depuis des dĂ©cennies dĂ©jĂ  en Belgique, Ă  l’instar des projets “Boules-de-neigeNote bas de page“ par exemple dans le champ de la rĂ©duction des risques liĂ©s Ă  l’usage de drogues. Pourtant, cela reste encore relativement marginalNote bas de page. “Un besoin de renouveau en matiĂšre de social, une volontĂ© de dĂ©finir des dispositifs dans lesquels l’institution s’adapte aux spĂ©cificitĂ©s des bĂ©nĂ©ficiaires plutĂŽt que de leur imposer des conditions. A l’heure oĂč le travail social est distordu par le culte de l’activation, ce dĂ©centrement est essentiel.” Il s’agit ici de donner la parole aux premier.e.s concernĂ©.e.s et reconnaitre le vĂ©cu et l’expĂ©rience de chacun.e comme une plus-value dans l’accompagnement des personnes, dans la relation avec le professionnel du social, de la santĂ©, dans le projet, dans la construction d’un savoir collectif, de besoins et de revendications communes… Dans son introduction, Tommy Thiange (membre du RĂ©seau Nomade) insiste sur le fait que “l’écoute de cette parole, sa prise en compte, a un effet positif tant sur le/la bĂ©nĂ©ficiaire, l’usager.e, le/la patient.e, que sur le/la professionnel.le. La participation des pairs humanise le soin. Elle tisse des liens entre l’usager et le professionnel, elle permet de dĂ©velopper une relation d’aide plus Ă©quilibrĂ©e, plus horizontale, plus partagĂ©e. C’est en fait une opportunitĂ© pour crĂ©er, construire, une relation basĂ©e sur les savoirs et les ressources de chacun.e. Dans une sociĂ©tĂ© qui se veut dĂ©mocratique, prendre en compte la parole des premier.e.s concernĂ©.e.s devrait relever de l’évidence.” Plusieurs acteurs participent Ă  l’émergence et Ă  la visibilitĂ© de la pair-aidance en Belgique francophone ces derniĂšres annĂ©es. On peut citer l’asbl En RouteNote bas de page qui “ fĂ©dĂšre les pairs-aidant.e.s, qu’ils/elles soient rĂ©munĂ©rĂ©.e.s ou bĂ©nĂ©voles, et promeut la professionnalisation de cette pratique. (
) La pair-aidance, dans une Ă©quipe d’accompagnement et de soins, apporte une certaine forme d’aide et de complĂ©mentaritĂ© par rapport aux outils dont dispose l’équipe, une comprĂ©hension mutuelle par rapport aux usagers ou aux bĂ©nĂ©ficiaires, une traduction de leur rĂ©alitĂ© et surtout une maniĂšre complĂ©mentaire de mieux rĂ©pondre aux besoins de toutes ces personnes qui cherchent Ă  se rĂ©tablir », comme nous l’explique StĂ©phane Waha (membre de l’association).

Autre acteur-clĂ© et co-organisateur de cette matinĂ©e, le RĂ©seau Nomade regroupe Ă  Bruxelles une quinzaine d’associations impliquĂ©es dans la participation des pairs Il a pour mission de promouvoir les pratiques participatives au sein du secteur social-santĂ© et de susciter la rĂ©flexion et les Ă©changes sur ces sujets, que ce soit au travers d’évĂšnements, de groupes de travail, etc. Un focus particulier est mis sur la pair-aidance et les groupes d’auto-support.

Son site www.reseaunomade.be propose des ressources thĂ©oriques, un agenda, ainsi qu’un rĂ©pertoire des expĂ©riences participatives en Belgique et ailleurs.

Carrousel de pratiques

L’implication et la participation de pair-aidant.e.s peut prendre de multiples formes. DĂ©marrons avec les projets Housing FirstNote bas de page, dont le modĂšle implique l’intĂ©gration de pair-aidant.e.s. Au travers de ceux-ci, le SmesNote bas de page entend promouvoir cette pratique comme « une dĂ©marche permettant d’amĂ©liorer l’accĂšs des publics plus fragiles Ă  l’aide et aux soins». Le public final auquel s’adresse le Smes sont des « personnes qui cumulent des problĂ©matiques de prĂ©caritĂ© sociale, de santĂ© mentale et d’addiction. Par ce cumul des problĂ©matiques, ce sont des personnes qui rencontrent d’importantes difficultĂ©s Ă  accĂ©der Ă  l’aide sociale et aux soins de santĂ©, qui sont pourtant des droits fondamentaux » (Matthieu De Backer, directeur).Nous continuons le tour par les groupes d’entraide avec Le FunambuleNote bas de page, une association de personnes qui vivent avec un trouble bipolaire et leurs proches. « Il faut casser cette image de ‘bras-cassĂ©s qui se regroupent entre eux » appuie l’une des participantes, « il y a un rĂ©el travail de sensibilisation qui peut ĂȘtre fait », tant sur les reprĂ©sentations que sur le bĂ©nĂ©fice de la participation des pairs.MĂȘmes Ă©chos auprĂšs du groupe ‘MĂ©docs’ de L’Autre LieuNote bas de page : « Je suis toujours en recherche par rapport Ă  la mĂ©dication. Le seul lieu oĂč je pouvais en discuter, c’est le cabinet mĂ©dical. Le groupe MĂ©docs (
) me donne d’autres sons de cloches, d’autres voix. Pour moi, ça rĂ©pond Ă  un rĂ©el besoin. J’avais beaucoup de questions qui ne trouvaient pas de place et pas d’écho. Ici, on Ă©change avec beaucoup de personnes Ă  ce sujet » (un membre du groupe). Mais le groupe MĂ©docs va plus loin que la dĂ©marche de soutien, c’est aussi un groupe de co-production de savoirs en santĂ© mentale. Ils souhaitent, par exemple, Ă©laborer un outil de sensibilisation sur la prise de mĂ©dicaments, ou encore produire des cahiers de revendications, des argumentaires. « On ne prĂ©tend pas avoir la vĂ©ritĂ© mais ce qui nous intĂ©resse, c’est de discuter avec des professionnels de la santĂ© mentale, avoir un vocabulaire commun, ne pas ĂȘtre trop dans le tĂ©moignage, dans l’expĂ©rientiel mais avoir une discussion « au mĂȘme niveau », avec des personnes qui sont considĂ©rĂ©es comme experts. On a beaucoup de choses Ă  dire sur notre vĂ©cu » (un membre du groupe)

Dans ce carrousel de dĂ©couvertes de pratiques liĂ©es Ă  la pair-aidance, on retrouve Ă©galement les espaces de parole du collectif Sylloge, les anciens espaces de parole de La Strada et le collectif C-PrĂ©vu, crĂ©Ă© par d’anciens SDF. La volontĂ© de ces collectifs est de donner la voix Ă  celles et ceux qui n’en ont pas l’occasion ou le droit pour ainsi sensibiliser lNote bas de pagee grand public et les politiques Ă  leurs situations de vie.Autre groupe, autre pratique : nous retrouvons l’expĂ©rience d’UTSOPI, « un collectif par les travailleur.euse.s du sexe, pour les travailleur.euse.s du sexe (
) auto-gĂ©rĂ©, auto-organisĂ©, qui fait de l’auto-support ». Maxime Maes (coordinateur d’UTSOPI) ajoute Ă©galement que le collectif ne se reconnaĂźt pas dans les termes « pair-aidant.e.s », ils ne se dĂ©finissent pas ainsi. En effet, ce vocable fait rĂ©fĂ©rence, pour les membres du collectif, Ă  la prĂ©sence et Ă  la supervision (mĂȘme bienveillante) de travailleurs sociaux, psys ou issus du secteur mĂ©dical. Outre crĂ©er des espaces sĂ©curisĂ©s et bienveillants pour se regrouper, le collectif dĂ©veloppe Ă©galement un travail de plaidoyer sur de multiples thĂ©matiques les concernant. « Notre mot d’ordre est « rien Ă  propos de nous sans nous ».Et c’est ainsi que se termine ce premier tour de prĂ©sentation des pratiques participatives impliquant des pair-aidant.e.s
 mais celles-ci revĂȘtent encore de multiples formes. « La participation des pairs est un terrain mouvant, la recherche de l’équilibre est constante. Rien n’est jamais acquis et c’est finalement Ă  l’image de la complexitĂ© des relations humaines, et en particulier de celles qui se nouent dans le cadre de l’aide et du soin. » (Tommy Thiange, membre du RĂ©seau Nomade

« Y’a-t-il moyen d’ĂȘtre pair-aidant.e.s quand on n’a pas vĂ©cu les mĂȘmes choses ? Est-ce qu’une personne qui vit avec un trouble bipolaire est capable d’accompagner une personne schizophrĂšne, est-ce qu’un parcours de vie est quelque chose qu’on est capable de partager avec une personne qui a l’expĂ©rience de la drogue et des addictions ? En fait, oui. On partage certaines choses mĂȘme si l’origine de nos vies est trĂšs diffĂ©rente. Ce qu’on partage, c’est ce dont on se remet : le dĂ©crochage social, la perte totale de l’estime de soi, le dĂ©sespoir et les rĂȘves qui s’évanouissent. » (StĂ©phane Waha, membre d’En Route)

Cartographie de la pair-aidance

Le Smes et Le Forum – Bruxelles contre les inĂ©galitĂ©s ont rĂ©alisĂ© un Ă©tat des lieux de la pair-aidance en FĂ©dĂ©ration Wallonie-Bruxelles, paru en fĂ©vrier 2020. Le but est d’objectiver le dĂ©veloppement de ces pratiques et illustrer leurs diversitĂ©s. Voici une cartographie des pratiques par secteur :

Santé mentale

Addictions et RĂ©duction des Risques

  • Modus Vivendi (RdR liĂ©s Ă  l’usage de drogues) – RĂ©gion bruxelloise : www.modusvivendi-be.org
  • Service prĂ©vention de Mons – Mons et RĂ©gion wallonne : www.prevention.mons.be
  • SĂ©same asbl (Centre d’accueil et de soins pour usager.Ăšre.s de drogues) – Namur et RĂ©gion wallonne : www.asblsesame.com
  • Risquer moins (RĂ©seau liĂ©geois d’Aide et de Soins spĂ©cialisĂ©s en assuĂ©tudes) – LiĂšge et RĂ©gion wallonne : www.xn--rlia-bpa.net
  • Plate-forme PrĂ©vention Sida asbl – toute la Belgique : www.preventionsida.org/fr

Précarité

Travailleur.euse.s du sexe

  • UTSOPI (Union de Travailleur.euse.s du Sexe OrganisĂ©.e.s pour l’IndĂ©pendance) – toute la Belgique : www.rainbowhouse.be/fr/association/utsopi
  • Espace P (Accompagnement de travailleur.euse.s du sexe) – RĂ©gions wallonne et bruxelloise : www.espacep.be
  • Alias asbl (Accompagnement travailleur.euse.s du sexe) – RĂ©gion bruxelloise : www.alias-bru.be

Aide aux victimes

  • Brise le silence asbl (Aide aux victimes de violences sexuelles, physiques et psychologiques) – Mons et RĂ©gion wallonne : www.briselesilence.be

Sensibilisation à la pair-aidance 

Outre cette cartographie, le Smes et Le Forum – Bruxelles contre les inĂ©galitĂ©s ont Ă©galement Ă©ditĂ© un guide mĂ©thodologique Ă  l’intention de toute association souhaitant se lancer dans l’aventure et d’engager un.e pair-aidant.e dans sa structure. Partant de l’analyse des besoins jusqu’à l’accompagnement et l’évolution de la fonction, ce guide soulĂšve toutes les questions que l’on est amenĂ©.e Ă  se poser successivement lorsqu’on initie cette rĂ©flexion et cette dĂ©marche.

Retrouvez l’état des lieux et le guide mĂ©thodologique ici :ALLARD M., LO SARDO S., La Pair-aidance en FĂ©dĂ©ration Wallonie-Bruxelles – Etat des lieux – Guide mĂ©thodologique, Le Forum et le Smes, Bruxelles, 2020.Disponible en ligne via https://smes.be/fr/la-pair-aidance-en-federation-wallonie-bruxelles/ ou http://www.le-forum.org/uploads/Pair-aidance-web.pdf

ALLARD M., LO SARDO S., La Pair-aidance en FĂ©dĂ©ration Wallonie-Bruxelles – Etat des lieux – Guide mĂ©thodologique, Le Forum et le Smes, Bruxelles, 2020.

Disponible en ligne via http://www.le-forum.org/uploads/Pair-aidance-web.pdf ou https://smes.be/fr/la-pair-aidance-en-federation-wallonie-bruxelles/

‘Projet coordonnĂ© par Modus Vivendi : https://www.modusvivendi-be.org/spip.php?article234

Idem (1)

Retrouvez l’article que nous avions consacrĂ© sur le sujet : https://educationsante.be/article/vers-la-fin-du-sans-abrisme/

Retrouvez leur ouvrage : SYLLOGE, Paroles donnĂ©es, paroles perdues ?, MaelstrÖm, 2020, 276 p.