Comment cela se passe-t-il lorsque deux associations collaborent pour produire un support d’information, dans une dynamique participative avec le public visĂ© ? C’est de ce processus dont il est question dans le rapport publiĂ© par Cultures & SantĂ©.Une annĂ©e durant, Modus VivendiNote bas de page, actrice dans le champs de la rĂ©duction des risques, et Cultures & SantĂ©Note bas de page, experte dans les approches de littĂ©ratie en santĂ©, ont travaillĂ© sur une nouvelle brochure « Consommation des drogues en rue : comment rĂ©duire les risques ?Note bas de page ». L’enjeu Ă©tant d’obtenir, dans ce court laps de temps, un support d’information adaptĂ© aux besoins et rĂ©alitĂ©s des publics concernĂ©s : les consommateurs et consommatrices dit.es « de rue » ou vivant dans des conditions prĂ©caires (en rue ou en prison).

Cette demande Ă©mane des partenaires des opĂ©rations « Boule de Neige ». Celles-ci consistent en la sensibilisation et l’information par les pairs de pratiques qui permettent la rĂ©duction des risques liĂ©s Ă  l’usage de drogues. S’en suivent alors une sĂ©rie de focus group menĂ©s auprĂšs d’usager.es frĂ©quentant les associations partenaires du projet « Boule de Neige », les partenaires locaux, pour affiner les besoins, tester l’outil, l’évaluer selon diffĂ©rents critĂšres.Au dĂ©part de ce tĂ©moignage, le rapport aborde de maniĂšre concrĂšte la multitude de critĂšres qui ont Ă©tĂ© sous-pesĂ©s quant au destinataires, Ă  l’accessibilitĂ©, aux thĂšmes, etc., et qui ont fait l’objet de discussions, d’arbitrage, de questionnements
 le tout dans une dynamique de co-construction.« Pour crĂ©er ce type de support, plusieurs critĂšres entrent en ligne de compte (accessibilitĂ©, attractivitĂ©, praticitĂ©, identification
). Ces critĂšres « d’adaptabilitĂ© » sont nombreux et parfois contradictoires. Ce rapport entend mettre en Ă©vidence les points de tension qui peuvent exister entre ces diffĂ©rents critĂšres et la nĂ©cessitĂ© d’opĂ©rer des arbitrages dans le poids qu’ils prendront dans la rĂ©alisation finale. (
) En effet, le poids d’un critĂšre par rapport Ă  un autre varie selon diffĂ©rents Ă©lĂ©ments : la position que l’on occupe dans le projet, le public auquel on s’adresse, les modes de diffusion de la brochure
 »Merci Ă  eux pour ce tĂ©moignage instructif !

Vous pouvez vous procurer ce rapport chez Cultures & SantĂ© ou le tĂ©lĂ©charger directement via leur site : www.cultures-sante.be. Cultures&SantĂ© asbl : 148 rue d’Anderlecht 1000 Bruxelles – info@cultures-sante.be

Rédigé par le GT Démarches communautaire

Une quinzaine d’institutions membres de la FĂ©dĂ©ration bruxelloise de promotion de la santĂ© (FBPS) mettant en Ɠuvre des projets de dĂ©marche communautaire se sont rĂ©unies pour gĂ©nĂ©rer une parole concertĂ©e sur les spĂ©cificitĂ©s de la/des dĂ©marches communautairesNote bas de page dans le champ de la promotion de la santĂ©. La principale ambition de cette note est de clarifier les spĂ©cificitĂ©s et apports des dĂ©marches communautaires dans le champ de la promotion de la santĂ© et de diffuser ces approches au sein des autres politiques de santĂ©, plus particuliĂšrement dans le cadre de la crise sanitaire liĂ©e Ă  la pandĂ©mie de Covid-19. La crise actuelle est bien plus que sanitaire : elle est totale, car elle touche toutes les sphĂšres de la sociĂ©tĂ© et de l’humanitĂ©. Au mĂȘme titre que la santĂ© est un fait social total : elle est la rĂ©sultante de tous les facteurs qui dĂ©finissent la sociĂ©tĂ© ( l’économie, le rapport Ă  l’éco-systĂšme, l’habitat, l’insertion dans le tissu social, etc.)La situation sanitaire occasionnĂ©e par la Covid-19Note bas de page a rĂ©vĂ©lĂ© une fois de plus que les dĂ©terminants sociaux de la santĂ© (logement, conditions de travail, Ă©ducation, littĂ©ratie
), moins pris en compte que les aspects mĂ©dicaux dans la gestion de cette crise, sont pourtant essentiels pour rĂ©duire les inĂ©galitĂ©s en santĂ©. En effet, cette non prise en compte des dĂ©terminants sociaux de la santĂ© dans la premiĂšre phase de la crise a eu de nombreux effets collatĂ©raux : absence d’instances sociales pouvant faire « tiers », rupture de liens, sentiment d’angoisse et de solitude exacerbĂ©s, fracture numĂ©rique, etc. Et l’épidĂ©mie de Covid-19 frappe particuliĂšrement durement les populations les plus prĂ©cairesNote bas de page et nĂ©cessite une prise de responsabilitĂ© collective.Le rapport Ă  l’Etat et aux communautĂ©s d’appartenance (communautĂ©s locales, culturelles, etc.) est Ă©galement remis en question par la situation sanitaire et sa gestion : le confinement, les injonctions aux «gestes barriĂšres » et Ă  la restriction de sa « bulle sociale », sont autant d’épreuves qui ont fortement fragilisĂ© le lien social, et impactĂ© durement la population et les groupes les plus vulnĂ©rables.

Il est incontestable que la dĂ©marche communautaire en santĂ© constitue une stratĂ©gie adĂ©quate dans la gestion de la situation sanitaire. Ses spĂ©cificitĂ©s mĂ©thodologiques sont en effet caractĂ©risĂ©es par la mise en contact des individus, leur participation et leur implication dans le processus collectif mis en place. Il s’agit de rappeler la force du travail en groupe, une bonne proximitĂ© pour des dynamiques de groupe constructives permettant de faire Ă©merger des solutions collectives face Ă  des problĂ©matiques collectives. Si les problĂ©matiques actuelles sont totales, la dĂ©marche communautaire constitue bien une force par sa mĂ©thodologie concrĂšte : meilleure adhĂ©sion des populations aux politiques de prĂ©vention, amĂ©lioration de l’adĂ©quation des politiques de santĂ© aux besoins des populations


La/les dĂ©marches communautairesNote bas de page en santĂ© consistent Ă  travailler collectivement et de maniĂšre participative sur les dĂ©terminants de la santĂ© afin de rĂ©duire les inĂ©galitĂ©s en santĂ© et ainsi d’amĂ©liorer la santĂ© de toutes et tous. Cette stratĂ©gie de travail est balisĂ©e par des repĂšres mĂ©thodologiquesNote bas de page qui permettent une large adaptation dans la mise en Ɠuvre : les dĂ©marches communautaires en santĂ© donnent lieu Ă  de multiples mises en pratique, adaptĂ©es notamment aux contextes et aux besoins spĂ©cifiques des communautĂ©s concernĂ©es.Ces communautĂ©s, nous les dĂ©finissons comme des regroupements de personnes partageant un sentiment d’appartenance Ă  un « commun » qui peut ĂȘtre un territoire partagĂ© et/ou des intĂ©rĂȘts convergents et/ou des expĂ©riences de vie communes et/ou une mĂȘme culture, etc. Ce sentiment d’appartenance peut Ă©galement ne pas prĂ©exister au processus communautaire et se dĂ©velopper au cours de celui-ci.

Parmi les dĂ©terminants, les capacitĂ©s de rĂ©silience individuelles et collectives et les compĂ©tences psychosociales sont des ressources qui doivent ĂȘtre renforcĂ©es, et sur lesquelles il est nĂ©cessaire de s’appuyer. Les projets de dĂ©marche communautaire contribuent au premier plan Ă  les soutenir. Ces compĂ©tences psychosociales sont fortement sollicitĂ©es dans des situations de crise que nous traversons. Elles renforcent le recours Ă  la ou aux communautĂ©s, qui jouent un rĂŽle de « roues de secours » pour les individus tant pour gĂ©rer des situations angoissantes que pour se positionner sur un plan Ă©thique, ou encore pour adopter de nouveaux comportements. Or ce recours Ă  la communautĂ© est questionnĂ© par la nature de la crise actuelle et sa gestion.La nĂ©cessaire rĂ©colte des besoins des publics, et de leurs ressources, de façon structurĂ©e Ă  travers les diagnostics communautaires constitue un levier utile pour faire face Ă  cette crise sanitaire. Ces diagnostics permettent en effet d’identifier les prioritĂ©s des citoyen.nes et sont des cadres dont les diffĂ©rents pouvoirs (communaux, COCOF, COCOM, etc.) pourraient se saisir pour planifier leurs diffĂ©rentes rĂ©ponses. La question du financement de ces instruments est donc centrale.L’évaluation participative partagĂ©e et permanente des politiques sanitaires et de leur communication est Ă©galement un apport essentiel de la dĂ©marche communautaire dans la crise actuelle. Elle permet d’adapter continuellement la planification sanitaire aux nouveaux Ă©vĂ©nements et obstacles identifiĂ©s par les publics concernĂ©s et de favoriser une meilleure adhĂ©sion Ă  ces politiques et aux consignes sanitaires par l’ensemble des citoyen.nes.La participation au sein des dĂ©marches communautaires en santĂ© s’inscrit dans un rĂ©el partage de pouvoir dĂ©cisionnaire. Les opĂ©rateur.trices de la dĂ©marche communautaire en santĂ© reconnaissent la capacitĂ© des communautĂ©s Ă  ĂȘtre des acteurs responsables de leur propre santĂ©. La « participation citoyenne » dĂ©passe donc la consultation des communautĂ©s et de leurs besoins, ainsi que la formulation de propositions et de conseils. Elle implique les communautĂ©s dans un vĂ©ritable partenariat oĂč la prise de dĂ©cision est nĂ©gociĂ©e et partagĂ©e entre les communautĂ©s, les acteur.trices de terrain, les expert.es et les politiques au sein de structures dĂ©cisionnaires rĂ©unissant toutes les parties prenantes.Alors comment cultiver cette force que constitue la stratĂ©gie communautaire, et pouvoir, dans le contexte actuel, transformer les nouveaux freins en atouts ? Autrement dit, si les actions basĂ©es sur la proximitĂ© physique entre les personnes sont aujourd’hui rendues difficiles, la distanciation physique ne constitue pas forcĂ©ment une « distanciation « sociale » » contrairement Ă  l’expression consacrĂ©e. Il s’agit lĂ  aussi d’ĂȘtre crĂ©atif.ves et de rĂ©-inventer de la proximitĂ©, tant en prĂ©sentiel que par les outils numĂ©riquesNote bas de page.En dĂ©pit des difficultĂ©s qu’ont rencontrĂ©es et rencontrent encore actuellement les professionnel.les de la dĂ©marche communautaire en santĂ©, force est de constater que le secteur a pu s’adapter durant la crise et fait preuve de « grande crĂ©ativitĂ© »Note bas de page, de « force de proposition » pour maintenir en tout ou en partie leurs activitĂ©s, mais surtout les liens avec les participants de leurs projets, et initier de nouvelles activitĂ©s, de nouveaux outils.Cette crĂ©ativitĂ© vigilante en RĂ©gion de Bruxelles-Capitale a donnĂ© lieu Ă  la mise en place de permanences, de lignes tĂ©lĂ©phoniques de soutien auprĂšs des publics, Ă  la mise en place d’outils numĂ©riques et d’appropriation de ces outils, au transfert des campagnes et outils de prĂ©vention aprĂšs adaptation aux spĂ©cificitĂ©s des publics (traduction, mise en image, etc.), etc.Des collectifs citoyens se sont Ă©galement spontanĂ©ment mis en place et ont ƓuvrĂ© solidairement dĂšs le cƓur de la crise ; il y a lieu de s’en inspirer et de les soutenir en reconnaissant l’effet rĂ©gulateur de la responsabilitĂ© collective. D’ailleurs, Ă  l’échelon local, certaines communes ne se sont pas contentĂ©es d’appliquer les rĂšgles fĂ©dĂ©rales, elles ont utilisĂ© leur pouvoir autonome pour activer, en fonction de leur contexte, des mesures qui leur semblaient plus adaptĂ©es parce qu’elles avaient pu entendre la parole des habitants qui ont ainsi contribuĂ© Ă  l’orientation de ces dĂ©cisions. Les assemblĂ©es dĂ©libĂ©ratives prĂ©vues par la COCOF vont dans ce sens et constituent donc une belle mĂ©thodologie de participation citoyenne, Ă  condition de veiller Ă  ce que les plus vulnĂ©rables puissent y faire entendre leur voix.Il est d’ailleurs essentiel de ne pas se focaliser sur la seule Ă©pidĂ©mie de Covid-19 mais de poursuivre le travail sur les problĂ©matiques que nous rencontrons habituellement et qui s’avĂšrent cruciales dans la situation sanitaire actuelle : le lien social, l’urbanisme, le logement, les assuĂ©tudes, le sida, le diabĂšte, la parentalitĂ©, etc.

Aujourd’hui, oĂč mettre le curseur entre le risque Ă©pidĂ©miologique que constitue le rassemblement de personnes et les gains en termes de santĂ© publique de l’action communautaire (donc au rassemblement collectif) ?Les personnes les plus fragiles constituent justement les publics impliquĂ©s dans nos institutions (publics vulnĂ©rables, jeunes et 3Ăšme Ăąge, sans papiers, sans domicile, publics migrants, porteur.ses de pathologies telles que VIH ou diabĂšte, etc.). La notion de « bonne proximitĂ© » ou de « proximitĂ© suffisamment bonne », Ă  envisager diffĂ©remment en fonction de chaque groupe, du contexte, de la vulnĂ©rabilitĂ© des participants, etc. est propre Ă  la stratĂ©gie de dĂ©marche communautaire. Cette notion nous semble ĂȘtre un modus operandi Ă  promouvoir dans la situation pandĂ©mique actuelle.La dĂ©marche communautaire gĂ©nĂšre de multiples effets salvateurs pour la santĂ© tant au niveau individuel (compĂ©tences psycho-sociales, rĂ©silience, lutte contre le repli sur soi, bien-ĂȘtre et joie de vivre, etc.) qu’au niveau collectif (maintien des liens sociaux, lutte contre le repli communautaire, adoption des comportements dits « gestes barriĂšres », expression des besoins pour une prise en compte dans la gestion de la crise sanitaire par les autoritĂ©s, etc.). Il est nĂ©cessaire de dĂ©velopper des projets selon cette stratĂ©gie d’action et de promouvoir la dĂ©marche communautaire et la participation citoyenne dans tous les secteurs, et dans le dĂ©cisions politiques. Et d’appliquer les stratĂ©gies de rĂ©duction des risques, pour permettre d’engranger les bĂ©nĂ©fices de la mise en prĂ©sence collective.A partir de ces constats, nous souhaitons reprendre ci-dessous les apports des dĂ©marches communautaires qu’il nous semble essentiel de dĂ©velopper, de soutenir ou de renforcer, d’autant plus dans cette situation de crise sanitaire au regard de dĂ©cisions prises prĂ©cĂ©demment.

1. Gestion politique

Constats concernant la gestion politique de la pandémie et concernant les comportements des populations

Apports des démarches communautaires à mettre en place ou à renforcer

Moyens

  • Approche mĂ©dico-centrĂ©e, traitement top down de la situation, avec des dĂ©cisions issues de quelques experts et politiques pas toujours concordantes, avec des messages pas toujours cohĂ©rents, et basĂ©es principalement sur des donnĂ©es Ă©pidĂ©miologiques et Ă©conomiques.
  • Prise en compte, pour les dĂ©cisions, de l’impact sur certains secteurs tels que : l’économie, l’éducation et le social.
  • Prise en compte des apports des publics les plus prĂ©caires reconnus comme un savoir
  • Adaptation continue des politiques de santĂ© et meilleure adhĂ©sion des citoyen.nes aux politiques mises en place
  • Mise en Ɠuvre de diagnostics communautaires participatifs prĂ©alables, formation de citoyen.nes relais pour contribuer Ă  la collecte de donnĂ©es en situation dans leurs environnements respectifs.
  • Mise en Ɠuvre d’évaluations partagĂ©e avec les citoyen.nes et personnes-relais au sein de focus-group.
  • Mise en place de centres de santĂ© communautaire dans toutes les communes et notamment sur tous les territoires Ă©ligibles dans le cadre des Contrats locaux social-santĂ© (approche « quartiers »).
  • DĂ©mocratie sanitaire
  • Concertation entre experts/politiques/acteur.trices de terrain/citoyen.nes : participation des acteur.trices de terrain et des citoyen.nes aux cellules d’évaluation et de crise COVIDau niveau fĂ©dĂ©ral, rĂ©gional, provincial et communal.
  • Soutien des initiatives collectives, citoyennes, souvent spontanĂ©es, nĂ©es pendant le confinement
  • Soutien mĂ©thodologique (formation, apport d’expertise), mise en rĂ©seau avec les acteur.trices de terrain.
  • Action collective sur les dĂ©terminants sociaux de la santĂ©
  • Prise en compte des besoins des publics et de leurs spĂ©cificitĂ©s
  • Actions concertĂ©es
  • Mise en place de concertations intersectorielles avec les publics concernĂ©s (avec une attention Ă  la reprĂ©sentativitĂ© des publics les plus vulnĂ©rables) et intĂ©gration de citoyen.nes Relais dans les concertations existantes.
  • Mise en place de rĂ©seaux locaux d’acteur.rices intersectoriel.le.s de terrain de l’éducation, du social, du logement, de l’environnement, de la culture, de l’emploi… afin de partager les diagnostics sur les besoins des publics concernĂ©s et de coordonner les actions.
  • DĂ©marche systĂ©mique qui permet de travailler en amont sur les comportements favorables Ă  la santĂ©, et en aval sur la gestion participative et intersectorielle de la maladie dans une approche globale de la santĂ©.
  • Articulation et coordination des diffĂ©rentes composantes de la dĂ©marche tout au long du processus.
  • Focalisation sur la Covid-19 au dĂ©triment des autres problĂ©matiques et pathologies : par exemple les violences conjugales qui ont explosĂ©, les personnes diabĂ©tiques qui ont vu leur diabĂšte augmenter par le report des soins et le manque d’activitĂ© physique, le stress
), les personnes atteintes de VIH dont l’état de santĂ© s’est dĂ©tĂ©riorĂ©, etc.
  • Vision globale de la santĂ© et de la personne et intĂ©gration de la santĂ© mentale dans cette vision
  • Prise en compte des inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ©, liĂ©es au genre, Ă  l’origine sociale, au niveau d’instruction, aux conditions de vie
  • Attention particuliĂšre portĂ©e aux plus vulnĂ©rables
  • Prise en charge et suivi intĂ©grĂ© de toutes les pathologies
  • Prise en compte des violences dans tous les milieux de vie (familles, Ă©coles, communautĂ©s, quartiers)
  • Action structurelle sur les diffĂ©rents secteurs tout en associant les citoyens aux dĂ©cisions
  • Renforcement des projets communautaires agissant sur l’ensemble des dĂ©terminants sociaux de la santĂ© et les autres pathologies (ex: action de sensibilisation au diabĂšte, au VIH)

 

2. Communication et effets sur la population

Constats concernant la gestion politique de la pandémie et concernant les comportements des populations

Apports des démarches communautaires à mettre en place ou à renforcer

Moyens

  • Stress et angoisse face Ă  la situation, traitement anxiogĂšne mĂ©diatique, isolement des personnes, limitation des contacts
  • Approche communautaire en santĂ© mentale qui met en avant des troubles et souffrances psychiques ainsi que la contextualisation sociale de la santĂ© mentale ainsi que la prise de conscience de l’interdĂ©pendance de la santĂ© de chacun.e/de tou.te.s, tout en portant une attention singuliĂšre aux personnes les plus fragilisĂ©s psychiquement et socialement avec comme objectif le dĂ©veloppement du support social et de la solidaritĂ© entre pair.es.
  • Mise sur pied de groupes de paroles ou d’échanges de vĂ©cus et construction de discours collectifs pour identifier et agir sur les facteurs ayant une incidence sur la santĂ© mentale, mobilisation des ressources des personnes pour favoriser leur santĂ© mentale et celle des membres de leurs communautĂ©s
  • Echanges de vĂ©cus et construction de discours collectifs dans des groupes de paroles sur la situation sanitaire, l’expĂ©rience de la covid-19 ou l’accompagnement de personnes atteintes, etc.
  • Diffusion de ces savoirs collectifs construits via des actions de sensibilisation et dans les environnements respectifs des citoyen.nes impliquĂ©.es dans ces groupes de paroles.
  • Renforcement des compĂ©tences psychosociales de maniĂšre transversale et augmentation de la capacitĂ© des personnes Ă  maintenir un Ă©tat de bien-ĂȘtre psychique
  • Renforcement des compĂ©tences psychosociales tout au long du processus de dĂ©marche communautaire
  • Renforcement du tissu social au sein et entre communautĂ©s, ce qui permet de lutter contre l’isolement des personnes.
  • Travail sur le lien social dans l’ensemble du processus de dĂ©marche communautaire notamment en situation de pandĂ©mie en mettant en Ɠuvre de nouvelles maniĂšres de se rencontrer (voire derniĂšre ligne de ce tableau).
  • Injonctions gestes barriĂšres, criminalisation des comportements trĂšs souvent inĂ©galitaire / « levĂ©e de boucliers » sur les libertĂ©s individuelles
  • Travail sur les reprĂ©sentations de la santĂ© de tou.te.s, leur influence sur les comportements de chacun.e et travail de rĂ©flexion sur les comportements protecteurs (“gestes barriĂšres”).
  • Responsabilisation citoyenne, en acceptant de n’avoir aucune garantie d’adoption des comportements souhaitĂ©s.
  • Echanges de vĂ©cus, groupes de paroles.
  • Formation de citoyen.nes-relais et d’expert.es du vĂ©cu : acquisition des balises permettant de proposer une posture et mettre en place des mĂ©thodologies en lien avec les dĂ©marches PS (non- culpabilisation, non-stigmatisation, non-suresponsabilisation, participation des publics, travail sur le sens des normes, recueil et travail des reprĂ©sentations, etc.).
  • Discours non nuancĂ©s, injonctions pour tou.te.s alors que les risques sont diffĂ©rents en fonction des comportements/contextes/profils Ă©pidĂ©miologiques, (Ăąge, maladies chroniques, poids, etc.).
  • Focalisation critique et sanction des comportements d’autrui en fonction d’une Ă©valuation des risques (ceux qui sortent sans masque, qui partent en vacances, qui ne respectent pas les consignes versus « les moutons », etc
).
  • Jugement portĂ© sur certains groupes de population (ex : les jeunes).
  • Travail de dĂ©cloisonnement, de construction d’un discours collectif
  • Travail sur les reprĂ©sentations de la maladie, le rapport au risque, la gestion de la maladie, la responsabilitĂ© collective
  • Approche de la RĂ©duction des Risques (RdR) comportant une diversification d’outils d’intervention et incluant divers risques tels que l’exclusion, l’isolement, les consommations abusives compensatoires, l’abandon de comportements protecteurs tels que l’alimentation adaptĂ©e, les activitĂ©s physiques, le suivi mĂ©dico-social.
  • Echanges de vĂ©cus et construction de discours collectifs par des groupes de paroles, la formation de citoyen.nes-Relais
  • Formation de professionnels et professionnelles intersectoriel.les et personnes relais
  • Ateliers animĂ©s sur base des outils renforçant la littĂ©ratie en santĂ©
  • Co-construction, partage et Ă©valuation avec les citoyen.nes et les personnes-relais (citoyen.nes et professionnel.les intersectoriel.les) des informations provenant de sources multiples (ex: internet, pair.es, professionnel.les, expert.es du vĂ©cu, communications politiques, campagne de sensibilisation) concernant les risques en situation de pandĂ©mie, ainsi que des outils et canaux de communication de ces informations, afin qu’ils soient adaptĂ©s aux diffĂ©rents contextes sociaux et linguistiques et aux diffĂ©rents profils Ă©pidĂ©miologiques, au sein de groupes de paroles et de focus-group
  • Partage d’information et des outils nĂ©cessaires Ă  la rĂ©duction des risques (gestes barriĂšres, limitation des contacts, dĂ©pistages et suivis de contact) notamment selon une approche de proximitĂ© et par les pair.es (exemple : pair.es aidant.es et personnes-relais formĂ©s pour informer les citoyen.nes sur les modalitĂ©s du dĂ©pistage dans les files d’attente des centres de dĂ©pistage) en tenant compte des diffĂ©rentes communautĂ©s linguistiques bruxelloises (travailler avec des traducteurs et/ou des pair.es de ces communautĂ©s linguistiques)
  • Partage des expĂ©riences et de l’expertise du vĂ©cu des citoyen.nes avec les professionnel.les impliquĂ©.es dans la gestion des risques sanitaires (pharmacien.nes, personnel mĂ©dical des centres de dĂ©pistage, gardien.nes de la paix, mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes
)
  • Traitement mĂ©diatique anxiogĂšne, surinformation, fake news, circulation de thĂšses complotistes, notamment sur les rĂ©seaux sociaux.
  • IncomprĂ©hension entre groupes selon les expĂ©riences, par ex : ceux.celles qui ont eu le covid avec peu de symptĂŽmes ainsi que ceux et celles qui sont restĂ©.es traumatisĂ©.es par un covid trĂšs violent ou la perte de proches.
  • Travail Ă  partir des diffĂ©rents points de vue pour amĂ©liorer la comprĂ©hension mutuelle et crĂ©er de la solidaritĂ©
  • Approche par les pairs
  • Travail sur la littĂ©ratie en santĂ© : rĂ©duire les inĂ©galitĂ©s d’accĂšs aux informations (fracture numĂ©rique, analphabĂ©tisme) et augmenter la capacitĂ© des personnes Ă  identifier les ressources fiables concernant leur santĂ© , renforcer leurs compĂ©tences psycho-sociales (esprit critique, estime de soi, gestion du stress, capacitĂ© de rĂ©silience
)
  • Echanges de vĂ©cus et construction de discours collectifs par des groupes de paroles
  • Formation de professionnel.le.s intersectoriel.les et de citoyen.nes- Relais : formation Ă  la collecte de donnĂ©es sur les comportements dans leurs environnements respectifs + formation Ă  la sensibilisation des comportements Ă  adopter)
  • Soutien mĂ©thodologique aux collectifs citoyens spontanĂ©s

  • Multiplication des espaces publics numĂ©riques (EPN) pour renforcer l’accĂšs Ă  du matĂ©riel informatique et Ă  la formation aux technologies de l’information et de la communication.
  • Acquisition d’abonnements, gsm, ordinateurs, etc.
  • Animation d’ateliers sur base des outils renforçant la littĂ©ratie en santĂ©
  • Renforcement des compĂ©tences psychosociales des citoyen.nes de maniĂšre transversale dans tout le processus de dĂ©marche communautaire
 

3. Aspect sociologique

Constats concernant la gestion politique de la pandémie et concernant les comportements des populations

Apports des démarches communautaires à mettre en place ou à renforcer

Moyens

  • Risque de discours communautaristes et de repli sur sa communautĂ© d’appartenance par (le choix de) la limitation des contacts au sein de sa bulle familiale et sociale : identification Ă  telle ou telle culture, Ă  telle ou telle facette identitaire, limitation des contacts interculturels par exemple : la Covid19 est considĂ©rĂ©e par certaines personnes comme une maladie chinoise, une «maladie des occidentaux »
  • Lutte contre le repli identitaire
  • Faire remonter l’expertise du vĂ©cu vers les experts et les politiques
  • Soutien Ă  la co-construction de discours collectifs, par les diffĂ©rents groupes d’opinion : ceux.celles qui ont eu la covid/les soignant.es/les aidants proches/

  • Mise en contacts interculturels autour de la Covid19, comme thĂ©matique transversale, au sein d’ateliers communautaires prĂ©- existants et/ou lors de groupes de parole, focus-group
  • Mise en place de groupes de paroles, de formation de personnes-relais (professionnel.les intersectoriel.les et citoyen.nes), d’action de sensibilisation envers le grand public par des citoyen.nes ayant eu la Covid et/ou par des accompagnants des personnes ayant contractĂ© la Covid
 

4. Situation de pandémie

Constats concernant la gestion politique de la pandémie et concernant les comportements des populations

Apports des démarches communautaires à mettre en place ou à renforcer

Moyens

  • Situation de pandĂ©mie par transmission aĂ©rosol et contacts directs
  • Mise Ă  disposition de l’expĂ©rience des acteurs et actrices en dĂ©marche communautaire oeuvrant depuis 40 ans auprĂšs des populations, en termes de rĂ©duction des risques, de travail avec des groupes de paroles, etc., par exemple dans le cadre des assuĂ©tudes, de la lutte contre le VIH, le diabĂšte, et dans le travail pour l’adoption de comportements adĂ©quats permettant le renforcement d’une santĂ© globale (hygiĂšne de vie, alimentation Ă©quilibrĂ©e, etc.).
  • Mise en rĂ©seau des acteur.trices, mise en commun de leur expĂ©rience, mise en place de mĂ©thodologies et d’outils communs de rĂ©duction des risques et de promotion des comportements sains spĂ©cifique Ă  la situation de pandĂ©mie du SRAS-CoV-2 lors de rĂ©unions inter-acteur.trices et avec des personn.es-relais.
  • Fermeture des lieux collectifs (totale en 1er lieu puis partielle aujourd’hui), atteinte du lien social/bulle de personnes, restriction des contacts physiques
  • CrĂ©ation de nouvelles pratiques de contacts sociaux.
  • Rencontres virtuelles, prĂ©sentielles en plus petits groupes, en extĂ©rieur, en intĂ©grant des gestes de protection, en limitant les rencontres dans le temps (2 heures maximum) et les occasions de prises de risques (ex : catering)

  • Partage/diffusion de ces nouvelles pratiques.

 

Conclusion

La mĂ©thodologie et les valeurs sous-tendues par cette dĂ©marche communautaire constituent l’apport essentiel que les promoteur.trices de dĂ©marches communautaires peuvent apporter dans les groupes de travail actuellement mis en place, notamment dans le cadre de la gestion de la pandĂ©mie mais aussi dans le cadre du Plan social santĂ© intĂ©grĂ© : nĂ©cessaire concertation intersectorielle avant toute dĂ©cision, nĂ©cessaire concertation avec les publics concernĂ©s, en s’assurant de la prĂ©sence ou tout au moins de la reprĂ©sentation des plus « vulnĂ©rables » dans cette concertation, notamment des plus isolĂ©s et/ou dĂ©sinstitutionnalisĂ©s.

La dĂ©marche communautaire est un processus qui s’inscrit dans une vision Ă  long terme afin d’agir sur les dĂ©terminants sociaux de la santĂ©. Il est donc nĂ©cessaire de dĂ©velopper un financement structurel et pĂ©renne des organismes et associations de dĂ©marche communautaire en santĂ© parallĂšlement aux financements par projet.

Enfin, la mise en Ɠuvre des dĂ©marches communautaires (maintien du lien avec la population, diagnostics et recueil des besoins, mises en place de stratĂ©gies locales et de stratĂ©gies adaptĂ©es aux besoins et aux contextes de vie, etc.) est et sera essentielle dans la gestion des crises climatique et socio-Ă©conomique prĂ©sentes et Ă  venir. Cela nĂ©cessite un changement structurel qui pĂ©rennise la dĂ©marche communautaire dans toutes les institutions, Ă  tous les niveaux de pouvoir et dans tous les secteurs.

Pour toute demande d’information supplĂ©mentaire:

Voir « Note mars 2017, GT Demcom FBPS, en vue du Plan de Promotion de la Santé ».

Cf Carte blanche 2020, FBPSanté

AndrĂ©a RĂ©a, notamment, a dĂ©montrĂ© que les inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ© s’observaient aussi dans le cadre de la pandĂ©mie actuelle : https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/video-covid-19-et-inegalites-sociales-il-faut-en-finir-avec-la-moralisation-des- conduites_147197

Les diffĂ©rentes mises en Ɠuvre constituent la raison pour laquelle certaines institutions prĂ©fĂšrent parler deS dĂ©marcheS communautaireS en santĂ© au pluriel.

Cf RepÚres méthodologiques de la démarche communautaire in Brochure Sepsac réactualisée, téléchargeable : https://www.maisonmedicale.org/Action-communautaire-en-sante-un-outil-pour-la-pratique-2013.html

Pour cela, il est nĂ©cessaire d’accompagner les publics dans la capacitĂ© Ă  s’approprier ces outils numĂ©riques pour ne pas renforcer les inĂ©galitĂ©s https://www.kbs-frb.be/fr/Newsroom/Press-releases/2020/20200828NDBarDigIncl?utm_source=newsletter&hq_e=el&hq_m=6285082&hq_l=6&hq_v=8ef52c5b7c

Communiqué de presse (08/10/2020)

Plusieurs facteurs, tels que le goĂ»t, l’emballage, la publicitĂ©, la facilitĂ© de consommation ou le mode de vie, ont un impact sur les choix alimentaires des Belges. Le prix des aliments est Ă©galement un facteur important, surtout pour les familles disposant d’un budget limitĂ©. L’alimentation industrielle Ă©tant meilleure marchĂ©, cela entraĂźne certaines consĂ©quences sur la santĂ© des consommateurs. C’est ce qui ressort d’une Ă©tude de Sciensano, qui pour la premiĂšre fois, Ă©value le prix des rĂ©gimes alimentaires comportant plus ou moins d’aliments ultra-transformĂ©s.

Consommation de régimes alimentaires ultra-transformés en Belgique

Ces derniĂšres annĂ©es, on suggĂšre de plus en plus souvent que la transformation des aliments, en particulier du type, de l’intensitĂ© ainsi que le but de cette transformation, peuvent avoir un impact sur la santĂ©. Une prĂ©cĂ©dente Ă©tudeNote bas de page de Sciensano montre que le Belge moyen tire environ un tiers de son Ă©nergie journaliĂšre de produits alimentaires ultra-transformĂ©s. Une consommation Ă©levĂ©e de cette alimentation ultra-transformĂ©e engendre un rĂ©gime alimentaire moins sain en raison d’une ingestion plus importante de sel et de graisses saturĂ©es et d’une consommation plus faible de fruits et lĂ©gumes.On note, en outre, les tendances remarquables suivantes :

  • la consommation de produits alimentaires ultra-transformĂ©s est plus Ă©levĂ©e chez les enfants
  • aucune diffĂ©rence n’a Ă©tĂ© trouvĂ©e dans la consommation de produits ultra-transformĂ©s entre les personnes ayant un niveau de formation diffĂ©rent
  • les personnes dites plus Ă©duquĂ©es tirent, outre la consommation de denrĂ©es alimentaires ultra-transformĂ©es, davantage d’énergie d’une alimentation peu ou pas transformĂ©e, en comparaison avec les personnes dites moins Ă©duquĂ©es.

La raison en est, en grande partie, le prix Ă  payer pour une alimentation saine.

Les régimes alimentaires comportant plus de produits ultra-transformés sont meilleurs marché

Il existe une diffĂ©rence de prix significative entre les diffĂ©rents rĂ©gimes alimentaires dans notre pays : moins le rĂ©gime alimentaire comporte de produits ultra-transformĂ©s, plus les consommateurs doivent dĂ©bourser pour leur alimentation quotidienne. De plus, les aliments ultra-transformĂ©s sont clairement moins chers (€0,55/100 kcal) que les aliments peu ou pas transformĂ©s (€1,29/100 kcal). Les familles bĂ©nĂ©ficiant d’un faible revenu choisiront donc une alimentation conforme Ă  leur budget. L’alimentation ultra-transformĂ©e sera prĂ©fĂ©rĂ©e Ă  des produits sains peu transformĂ©s.

Qu’entend-on par produits alimentaires ultra-transformĂ©s?

Les produits alimentaires ultra-transformĂ©s se trouvent hors de la pyramide alimentaire et sont donc mauvais pour la santĂ©, ce qui signifie que leur consommation doit ĂȘtre limitĂ©e autant que possible. Les produits ultra-transformĂ©s contiennent gĂ©nĂ©ralement beaucoup de sucres ajoutĂ©s, de sel et de graisses saturĂ©es ainsi que de nombreux arĂŽmes, colorants et autres additifs. Ils sont transformĂ©s pour ĂȘtre facilement consommĂ©s, attractifs et accessibles pour le consommateur et, par la mĂȘme occasion, rentables pour l’industrie alimentaire.

Comment s’attaquer à ce problùme?

Compte tenu des rĂ©sultats de cette Ă©tude, il est conseillĂ©, comme c’est le cas dans certains autres pays (Royaume-Uni, Hongrie, etc.), de rendre les produits ultra-transformĂ©s moins intĂ©ressants financiĂšrement. De plus, les produits peu ou pas transformĂ©s devraient, Ă  leur tour, ĂȘtre rendus plus intĂ©ressants sur le plan financier. Cela permettra de stimuler des habitudes alimentaires saines, principalement pour les familles avec moins de moyens financiers.Sciensano invite les autoritĂ©s belges Ă  suivre les recommandations de l’Organisation mondiale de la santĂ© pour la crĂ©ation d’un environnement alimentaire sain, entre autres :

  1. introduire des mesures fiscales visant à décourager les mauvais choix alimentaires et à stimuler les bons
  2. limiter la publicitĂ© sur les produits malsains destinĂ©e aux enfants par le biais d’une rĂ©glementation
  3. stimuler une alimentation saine Ă  l’école.

La prĂ©cĂ©dente enquĂȘte nationale de consommation alimentaireNote bas de page a Ă©galement montrĂ© que la moitiĂ© Ă  trois quarts des Belges sont favorables Ă  l’introduction de telles mesures. Divers facteurs influencent nos choix en matiĂšre alimentaire, mais devoir choisir entre une alimentation saine et son portefeuille ne devrait pas en faire partie.

Pour consulter l’enquĂȘte dans son intĂ©gralitĂ© : https://fcs.wiv-isp.be/nl/Gedeelde%20%20documenten/FRANS/FP_FR.pdf

 

Cet article explorera d’abord les Ă©lĂ©ments liĂ©s Ă  la santĂ© de ces deux publics peu connus. Ensuite, il abordera la santĂ© du public-cible d’Alias sous l’angle de la pandĂ©mie. Depuis le dĂ©but de la crise sanitaire de 2020, l’asbl maintient son offre auprĂšs des TDS de maniĂšre plus large et observe les consĂ©quences de la pandĂ©mie et des mesures prises par le gouvernement pour l’endiguer sur leur vie et leur santĂ©. Neuf mois aprĂšs les premiĂšres mesures, les consĂ©quences sont nombreuses.

Prostitution Ă©tudiante, chemsex dans le cadre d’une prestation sexuelle tarifĂ©e et crise sanitaire
Crédit : Burt

Lexique

  • Le Bareback dĂ©signe les rapports sexuels sans prĂ©servatif.
  • Cisgenre (cis) qualifie une personne dont l’identitĂ© de genre (par extension l’expression de genre) est plutĂŽt en adĂ©quation avec le rĂŽle social attendu et assignĂ© Ă  la naissance.
  • Le chemsex consiste Ă  prendre des produits psychoactifs ou drogues qu’elles soient lĂ©gales (ex : alcool, mĂ©dicaments, viagra) ou non (ex : cocaĂŻne, crystal meth/Tina, speed/amphĂ©ta- mines, GBL/GHB, hĂ©roĂŻne) dans un but sexuel.
  • Escort (escorting) dĂ©signe l’activitĂ© de prostitution/travail du sexe oĂč les individus trouvent des client.e.s en ligne. L’escorting peut Ă©galement faire rĂ©fĂ©rence Ă  l’activitĂ© de prostitu- tion/travail du sexe oĂč il y a, en plus d’un rapport sexuel, un accompagnement social.
  • HSH est l’acronyme de Hommes qui ont des rapports Sexuels avec des Hommes.
  • LGBTQIA+ est l’acronyme de Lesbienne – Gay – Bisexuel.le – Transgenre* – Queer – Intersexe – Asexuel.le – et tous les autres.
  • Non-binaire qualifie les identitĂ©s de genres ne se rĂ©fĂ©rant pas ou dĂ©fiant les normes de genre binaires (femme/homme).
  • PMS est l’acronyme de Psycho-MĂ©dico-Social.
  • TPE est l’acronyme de Traitement Post-Exposition (au VIH).
  • Les personnes transgenres* (trans) ont une identitĂ© de genre diffĂ©rente de celle qu’on leur a assignĂ©e Ă  la naissance. Cette identitĂ© peut ĂȘtre homme ou femme, ou bien sortir de la binaritĂ© socialement imposĂ©e. Le terme trans est Ă©crit avec un astĂ©risque afin de marquer l’inclusivitĂ© de toutes les identitĂ©s et expressions de genres.
  • PrEP est l’acronyme de Prophylaxie PrĂ©-Exposition (du VIH).
  • TDS est l’acronyme de Travailleur.euse du Sexe.

La prostitution Ă©tudiante : consĂ©quences du stigma sur l’accĂšs et la qualitĂ© des soins de santĂ©

Portrait de l’échantillon et de sa pratique du travail du sexe

Iels s’identifient comme escorts, sugarbabies, camgirls/boys. Parfois depuis plusieurs annĂ©es, parfois depuis moins de 6 mois. Les applications mobiles et les rĂ©seaux sociaux sont un moyen de rencontre en plein essor, puisque 97,4% des Ă©tudiants HSH et trans* interrogĂ©s frĂ©quentent des sites d’escorting, 52,6% des applications et 26,3% les rĂ©seaux sociaux. Cela explique l’absence de ce public sur les lieux de travail habituels de l’association (rue, permanence d’accueil dans nos locaux), et les difficultĂ©s que nous avions Ă  nous faire connaĂźtre auprĂšs d’elles et eux. L’échantillon de rĂ©pondant·es se compose Ă  23,9% de personnes trans* ou non-binaire et 89,5% n’est pas hétérosexuel. Parmi les 39 répondant·es retenu·es pour analyser les résultats de l’enquête, iels ont en majorité (65,8%) entre 19 et 24 ans et répondent à 44,4% voir des client·es une Ă  plusieurs fois par semaine, Ă  36,1% une fois par mois. On observe donc dans notre Ă©chantillon une activitĂ© frĂ©quente et rĂ©guliĂšre.

PratiquĂ© dans 83% des cas pour faire face aux dĂ©penses quotidiennes et dans 58% pour payer le minerval, le principal aspect positif du travail du sexe concerne la rapiditĂ© des revenus (88.2%) et la souplesse des horaires (76,5%). En effet, celleux-ci peuvent choisir leurs jours de travail et les horaires, ce qui est important quand cette activité est combinĂ©e avec des études ou un stage en journée. Cela signifie aussi qu’il est plus facile d’arrêter pendant leurs examens ou lorsqu’iels en ont moins besoin.ImageParmi les aspects négatifs rapportés par les étudiant·es, le secret vient en premier lieu (64,7%). Ensuite, 58,8% d’entre elles et eux mentionnent les client.e.s désagréables et 52,9% expliquent que les gains imprévisibles, le manque de client·es et les jugements négatifs de la part des proches et de la société ont un impact sur leur situation. Enfin, cette activitĂ© pousse prĂšs de la moitiĂ© d’entre elles et eux dans l’isolement, ce qui, au mĂȘme titre que le secret, impacte la qualitĂ© de leur suivi mĂ©dical et parfois leur accĂšs aux soins de santĂ©.Image

Coming out, stigmate et secret

Certains aspects négatifs sont liés entre eux : 23,9% de l’échantillon est trans* ou non-binaire, et 89,5% n’est pas hétérosexuel. Cela signifie qu’une grande majorité des répondant·es est concernée par un coming out d’identité de genre ou d’orientation sexuelle. Certain·es étudiant·es TDS de l’échantillon rapportent donc des situations de double stigmatisation liĂ©es au cumul de plusieurs identités stigmatisées par la société : le travail du sexe avec l’homosexualité et/ou la transidentité. 63,9% d’entre elles et eux ont parlé au moins une fois de leur activité de prostitution / travail du sexe à un·e proche. Iels sont donc 36,1% à n’en avoir parlé à personne.

Les situations qui exposent les Ă©tudiant·es Ă  la dĂ©couverte de leurs activitĂ©s et au jugement sont nombreuses et les poussent, pour garder le secret sur leur activité, leur orientation sexuelle, ou leur identité de genre, Ă  sĂ©parer leur vie d’étudiant·e et leur activité. Pour cela, iels se crĂ©ent une double-vie avec un pseudo, une autre histoire, un autre numéro de téléphone ou une autre adresse e-mail. Cette attention spécifique à garder secret tout un pan de leur vie est souvent fatigante à gérer au quotidien.

L’accĂšs aux soins de santĂ©, entre secret et mĂ©connaissance des structures spĂ©cialisĂ©

Une écrasante majorité des rĂ©pondant.es dĂ©clare avoir accès à des soins médicaux (94,3%). Les médecins traitants (81,3%) et l’hôpital (50%) ressortent en premier lieu, et 81,1% des répondant.e.s disposent d’une mutuelle. Iels sont 10,8% Ă  n’avoir accès à aucun remboursement médical. A titre de comparaison, parmi le public connaissant déjà Alias et ayant fréquenté la permanence médicale en 2018, 6 personnes sur 10 n’avaient pas de médecin généraliste et seulement 3 personnes sur 73 avaient un médecin au courant de leur activité.

« Fellation et rarement sodomie sans capote », « Fellation, pénétration anale », « Non-utilisation du préservatif », « Rapports non protégés rares, mais parfois », « Bareback » sont autant de pratiques Ă  risques exercĂ©es par les les rĂ©pondant·es et rapportĂ©es avec leurs propres mots. Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer ces situations : le coût des préservatifs et du lubrifiant, la méconnaissance des risques encourus lors de rapports non protégés ou encore la pression par les client·es de ne pas utiliser de préservatif contre un prix plus élevé – c’est en effet ce que rapportent plusieurs étudiant·es lors des entretiens. Le besoin de soins de santĂ© est donc bien rĂ©el pour les Ă©tudiant·es HsH et trans* qui pratiquent le travail du sexe.

A cet Ă©gard, la majorité des répondant·es se fait dépister régulièrement : 37,8% tous les 6 mois, 27% tous les 3 mois et 21,6% une fois par an. 10,6% n’y vont jamais. Fait interpellant, seul·es 16,2% des étudiant·es parlent à leur médecin de leur activité de travail du sexe. C’est pourtant une variable primordiale dans la prise en charge des patient·es. Seul·es 7 étudiant·es affirment se rendre dans des centres de planning familial ou dans des permanences d’association. La moitiĂ© (51,4%) connaît une ou plusieurs associations qui travaillent avec des travailleur.euse.s du sexe/prostitué.e.s. Cependant, 48,6% affirment n’en connaître aucune, pas même Alias et 56,8% des répondant·es déclarent n’avoir jamais fait appel aux services PMS proposés par des associations. En effet, si iels ne connaissent pas les associations, comme précédemment établi, iels ont moins de chance d’y avoir fait appel. Les freins identifiés par les étudiant·es dans l’accès aux services proposés par les associations sont la crainte du jugement (52,2%) et la volonté de préserver leur anonymat (43,5%). Ensuite la méconnaissance des associations existantes (26,1%) et le fait qu’iels ne ressentent pas le besoin d’utiliser les services existants (26,1%).

RĂ©pondre aux besoins et contourner les craintes

Ces craintes de jugement et la volonté de préserver l’anonymat se ressentent dans toutes les sphères des répondant·es, que ce soit sur les campus ou dans leur famille. Les associations PMS peuvent donc mettre en avant le non-jugement et la confidentialité dans la présentation de leurs services, ces garanties présentant de réels avantages pour les bénéficiaires. Les étudiant·es expliquent que les services dont ils ont besoin et que les associations pourraient leur apporter sont les suivants :

  • Dépistage gratuit et anonyme (67,6%)
  • Distribution gratuite de préservatifs (64,7%)
  • Consultation psychologique (52,9%)
  • Aide sociale (50%)
  • Informations légales (50%)
  • Consultation médicale (50%), prise de la PrEP (41,2%) et informations sur la santé sexuelle (41,2%)
  • Contact avec d’autres étudiant.e.s travailleur.euse.s du sexe (44,1%)

Chemsex : pendant et aprÚs la session, des besoins de santé spécifiques et protéiformes

Chemsex, party and play, slam, les terminologies sont nombreuses pour dĂ©signer ce phĂ©nomĂšne en augmentation dont les contours (termes, frĂ©quences, substances) Ă©voluent constamment. L’enquĂȘte sur le chemsex, amorcĂ©e en 2019, avait pour but d’amĂ©liorer la connaissance de l’équipe d’Alias concernant les rĂ©alitĂ©s et enjeux de cette pratique parmi les travailleurs et travailleuses du sexe, afin de mieux les conseiller et les orienter. En particulier, nous avons cherchĂ© Ă  en savoir plus sur la prise de produits avec des clients pour pouvoir donner des informations adaptĂ©es Ă  cette rĂ©alitĂ©; et alimenter la partie consacrĂ©e au TDS du site internet www.chemsex.be pilotĂ© par l’asbl Ex Aequo et l’Observatoire du sida et des sexualitĂ©s (UniversitĂ© Saint-Louis Bruxelles).

PrĂ©sentation de l’échantillon et de leur pratique du chemsex

Entre janvier et septembre 2019, à travers des permanences internet entièrement dédiées à diffuser le questionnaire sur des sites ou applications de rencontre entre travailleurs du sexe et clients, nous avons rĂ©ussi Ă  contacter proactivement 118 personnes qui visibilisent la pratique du chemsex sur leurs profils. 52 personnes ont répondu au questionnaire, ces réponses fournissent donc des indications intéressantes mais ne peuvent pas être considérées comme représentatives de l’ensemble des travailleurs du sexe pratiquant le chemsex à Bruxelles. L’âge des répondant·es varie entre 18 et 60 ans avec une moyenne d’âge de 34 ans et une plus grande proportion des 24-43 ans.

En ce qui concerne la régularité de la pratique du chemsex pour les travailleurs et travailleuses du sexe ayant répondu à l’enquête, 48% des rĂ©pondant·es déclarent le pratiquer une fois par semaine, 24% une fois par mois en moyenne, 16% de 1 à 11 fois par an, 10% une fois par an ou plus rarement et 2% tous les jours.

Une définition large entre choix et contrainte

« Le chemsex c’est prendre des produits psychoactifs ou drogues qu’elles soient lĂ©gales (ex : alcool, mĂ©dicaments, viagra) ou non (ex : hĂ©roĂŻne, Crystal Meth/Tina, speed/amphĂ©tamines, cocaĂŻne, GBL/GHB) dans un but sexuel. »

Cette dĂ©finition extensive du chemsex inclut donc les produits psychoactifs lĂ©gaux et illĂ©gaux, circulant de longue date ou apparus plus rĂ©cemment. Elle devait notamment permettre de comparer l’usage des diffĂ©rents produits chez les travailleur·ses du sexe chemsexeur·ses.

Les rĂ©ponses au questionnaire indiquent qu’un quart des personnes (26,5%) pratiquerait le chemsex uniquement Ă  la demande du client, un petit tiers par envie (30,6%), et une petite moitiĂ© parce que leur souhait de pratiquer le chemsex rejoint celui des clients (42,9%). Il est Ă  noter que cette pratique peut impliquer une addiction aux produits, celle-ci pouvant se renforcer par l’habitude de consommer dans des contextes donnĂ©s (ce que l’on appelle l’effet de contexte ou d’environnement) et la notion de choix concernant la pratique du chemsex dans le travail du sexe est floue et Ă  relativiser. DĂšs lors, les rĂ©ponses reçues Ă  cette question sont Ă  repenser Ă  la lumiĂšre d’une lecture plus complexe impliquant travail, addiction au produit, contexte, consentement et choix.

Les produits consommés et leurs effets

Les travailleur·ses du sexe ayant rĂ©pondu Ă  l’enquĂȘte ont dĂ©clarĂ© consommer, par ordre dĂ©croissant d’utilisation :

  • Les stimulants sexuels (mĂ©dicaments) pour 60,8% d’entre eux, notamment ceux aidant Ă  l’érection et que l’on peut se procurer lĂ©galement en pharmacie ou dans certains sex-shop comme le Viagra©, le Cyalis© ou le Kamagra©.
  • Des drogues lĂ©gales, faciles d’accĂšs et non rĂ©primĂ©es comme l’alcool (56,9%) et le poppers, facilement accessible dans le commerce et qui est utilisĂ© entre autres pour dilater l’anus et favoriser l’excitation (56,9 %).
  • La cocaĂŻne (56,9%), illĂ©gale elle, est le plus souvent sniffĂ©e mais aussi parfois injectĂ©e, fumĂ©e ou utilisĂ©e en plug analNote bas de page.

D’autres produits, dont la « dĂ©mocratisation » s’est opĂ©rĂ©e en mĂȘme temps que celle du terme chemsex, apparaissent ensuite dans les rĂ©ponses. Il s’agit du GHB et du GBL (47,1%). UtilisĂ© d’abord comme anesthĂ©siant, le GHB a Ă©tĂ© popularisĂ© dans les annĂ©es 1980 chez les culturistes notamment pour ses effets sur la croissance et le dĂ©veloppement de la masse musculaire. Il a longtemps Ă©tĂ© connu du grand public comme la « drogue du viol » car il a un effet euphorisant, dĂ©sinhibant, relaxant et qu’il peut facilement causer des pertes de mĂ©moire ou des « trous noirs », notamment en interaction avec l’alcool ou en surdose, ce qui arrive aisĂ©ment. Les doses sont comptĂ©es au millilitre prĂšs car la dose rĂ©crĂ©ative et la dose toxique sont trĂšs proches.

Ensuite arrivent le cannabis (45,1%), le plus souvent fumĂ©, et l’ecstasy (45,1%) dont le principe actif est souvent la MDMA mĂȘme si c’est de moins en moins le cas, et qui est principalement ingĂ©rĂ©e sous forme de pilules, en parachute dans une feuille Ă  rouler et est parfois sniffĂ©e. D’autres produits illĂ©gaux se situent dans les mĂȘmes niveaux de dĂ©claration, comme les amphĂ©tamines (43,2%), dont fait partie le speed aussi appelĂ© « S », consommĂ©es sous forme de poudre le plus souvent sniffĂ©es.

Arrive alors un produit psychoactif trĂšs utilisĂ© ces derniĂšres annĂ©es dans des contextes de chemsex : le crystal meth (41,2%), souvent appelĂ© « T » ou Tina, qui se prĂ©sente sous forme de cristaux, de poudre, de gĂ©lules ou de comprimĂ©s consommĂ©s le plus souvent par inhalation dans une pipe en verre ou par injection. Quand on parle de slam dans les milieux gays, c’est-Ă -dire de consommation de produits par voie intraveineuse dans un contexte de chemsex, c’est la plupart du temps du crystal meth/Tina qui est injectĂ©.

La MDMA (27,5%) est ensuite signalée. Elle circule sous forme de cristaux ou de poudre. La kétamine (23,5%), qui est utilisée comme anesthésique et antidouleur dans la sphÚre médicale, se retrouve sous forme de poudre (sniffée) ou de liquide (ingéré ou injecté). Viennent ensuite la méphédrone (19,6%) aussi appelée 4MMC qui fait partie des nouveaux produits de synthÚse (NPS), souvent sniffée sous forme de poudre.

Les mĂ©dicaments autres que les stimulants sexuels (15,7%) sont citĂ©s sans dĂ©tailler Ă  quelle classe ils appartiennent. Il s’agit, par exemple, de benzodiazĂ©pines ou d’autres mĂ©dicaments qui ont des effets psychoactifs. Une partie des chemsexeurs utilise ces types de mĂ©dicaments pour faciliter la « descente ». Des entretiens qualitatifs ou la tenue d’un focus groupe pourraient nous aider Ă  prĂ©ciser ceci.

Apparaissent en fin de liste des produits hallucinogĂšnes, comme certains champignons (13,7%) ou le LSD (11,8%). Enfin la mĂ©thadone (11,8%) et l’hĂ©roĂŻne (9,8%) sont citĂ©es. Ces deux derniers produits sont plutĂŽt dĂ©clarĂ©s par des personnes plus ĂągĂ©es ou des personnes ayant dĂ©clarĂ© ne plus faire de chemsex actuellement dans le cadre du travail du sexe.

De quelles informations les travailleur·ses du sexe ont besoin dans le cadre du chemsex ?

Le besoin principal identifiĂ© est l’accĂšs Ă  une information fiable et sans jugement sur les substances consommĂ©es, leurs effets, leur toxicitĂ©, les combinaisons Ă  Ă©viter, afin de rĂ©duire les risques pendant la prise (gestion des effets, interactions, demandes du client) mais aussi aprĂšs (baisse de la libido, descentes/cravingNote bas de page, perte de connaissance et de mĂ©moire et bad trips). Il ressort Ă©galement un besoin d’aide pour retrouver du plaisir dans sa vie sexuelle sans nĂ©cessairement devoir prendre des produits ; et de conseils vis-Ă -vis des diffĂ©rents moyens de pouvoir contrĂŽler les produits, les tester pour connaĂźtre leur composition, se former pour s’injecter et/ou injecter en Ă©vitant le maximum de risques. Enfin, un besoin d’informations sur les risques encourus par les personnes fournissant les produits dans les plans chems.

On peut retrouver les rĂ©ponses et conseils d’Alias Ă  ces demandes d’informations des travailleurs du sexe chemsexeurs sur le site www.chemsex.be, oĂč cette enquĂȘte a servi en grande partie Ă  rĂ©diger la rubrique « travail du sexe ».

L’accĂšs aux soins de santĂ© des travailleur·ses du sexe encore plus menacĂ© par la crise sanitaire

Pour lutter contre la propagation de la Covid-19, le travail du sexe a Ă©tĂ© interdit dans toute la BelgiqueNote bas de page du 13 mars au 8 juin 2020 et l’est Ă  nouveau depuis le 26 octobre dernier. La plupart des travailleur·ses du sexe qui sollicitent les associations de premiĂšre ligne telles qu’Alias se trouvent dĂ©jĂ  dans une situation de prĂ©caritĂ© plus ou moins extrĂȘme en temps normalNote bas de page. Logement, alimentation et accĂšs aux soins de santĂ© relĂšvent souvent de la gageure, en l’absence de solutions institutionnelles adaptĂ©es. La situation sanitaire a non seulement Ă©liminĂ© l’alternative souvent vitale du travail du sexe, mais elle a aussi saturĂ© le rĂ©seau psycho-mĂ©dico-social bruxellois qui a dĂ», comme tout le monde, faire face dans l’urgence. La gestion de cette situation amplifie depuis mars les fragilitĂ©s, pourtant dĂ©jĂ  importantes, d’une grande partie des personnes qui exercent la prostitution. Nous dressons ici un inventaire des consĂ©quences principales de ces mesures sur la santĂ© physique et mentale des personnes que nous suivons depuis mars.

Le statut administratif : une entrave dans l’accùs aux soins

Manque d’opportunitĂ© dans le pays de rĂ©sidence, obtention de l’asile dans un autre pays europĂ©en alors que leur rĂ©seau social se trouve en Belgique, nĂ©cessitĂ© de voyager en Europe pour Ă©tendre leur clientĂšle
 Autant de situations qui poussent certain·es TDS Ă  vivre, pour un temps long ou court, sur le territoire belge avec un titre de sĂ©jour plus ou moins prĂ©caire. Pour ces personnes, l’accĂšs aux soins en Belgique est souvent compliquĂ©, et beaucoup font rĂ©guliĂšrement l’aller-retour entre la Belgique et le pays de rĂ©sidence afin de se faire soigner.

Interruption de traitement

Le confinement obligatoire du printemps 2020 et la fermeture des frontiĂšres ont maintenu certain·es travailleur·ses mobiles sur le territoire belge, sans adresse officielle et sans accĂšs Ă  des traitements parfois aussi vitaux que les antirĂ©troviraux pour les personnes vivant avec le VIH. Pendant la pĂ©riode du confinement, nous avons suivi 156 personnes, dont 41 nouvelles (+175% par rapport aux nouvelles personnes de la mĂȘme pĂ©riode en 2019Note bas de page) qui n’avaient, pour moitiĂ©, pas d’accĂšs effectif aux droits mĂ©dicaux en Belgique. Des demandes d’aide mĂ©dicale urgente ont Ă©tĂ© introduites, mais une partie de ces personnes n’avait toujours pas accĂšs aux traitements plusieurs mois aprĂšs. Traitements que certains CPAS mettent parfois du temps Ă  accepter de prendre en charge, en raison de leur coĂ»t.

Du jour au lendemain, des personnes vivant avec le VIH se sont retrouvĂ©es sans traitement. Parmi elles, certaines qui n’étaient plus contaminantes grĂące Ă  une charge virale indĂ©tectable le sont donc peut-ĂȘtre devenues. L’équipe a parfois dĂ» trouver des solutions de secours in extremis afin de permettre Ă  quelques escorts de poursuivre leurs traitements antirĂ©troviraux. Elle a notamment eu recours au service de dĂ©pannage organisĂ© par le CETIMNote bas de page, qui a mis gratuitement Ă  disposition des fins de boĂźtes d’antirĂ©troviraux. Certain·es TDS ont Ă©galement pu compter sur la solidaritĂ© d’autres personnes sĂ©ropositivesNote bas de page. Au risque mĂ©dical que reprĂ©sente une interruption de traitement s’ajoute l’angoisse gĂ©nĂ©rĂ©e par l’incertitude qui entoure le moment de sa reprise pour la personne qui en est privĂ©e.

L’impact sur la santĂ© mentale

Les personnes suivies par l’asbl n’ont pas Ă©chappĂ© au stress et Ă  l’anxiĂ©tĂ© qui ont touchĂ© l’ensemble de la population au moment de l’annonce de la situation sanitaire et des mesures prises pour l’endiguer. Dans leur cas, nĂ©anmoins, l’isolement, la rarĂ©faction des liens sociaux et l’accroissement de la prĂ©caritĂ© sont venus s’ajouter Ă  de nombreux facteurs prĂ©existants tels que l’instabilitĂ© Ă©conomique et professionnelle, la stigmatisation, les discriminations ; accroissant d’autant les problĂšmes de santĂ© mentale chez des personnes dĂ©jĂ  sous pression Ă  ce niveau. DĂ©compensations, angoisses, dĂ©pressions, idĂ©es suicidaires sont autant de phĂ©nomĂšnes dont l’équipe a Ă©tĂ© tĂ©moin durant et depuis le confinement. Les lignes d’urgence psychologique ont Ă©tĂ© un recours salvateur, mais elles ne sont pas toujours accessibles pour les personnes qui parlent peu ou pas les langues nationales, ni adaptĂ©es au sujet tabou et mal connu du travail du sexe.

Objectiver les consĂ©quences avec une enquĂȘte

La crise du Covid-19 et les confinements successifs bouleversent en profondeur les conditions et les possibilitĂ©s d’exercice du travail du sexe/de la prostitution. Les associations de terrain constatent depuis mars les consĂ©quences tant sanitaires que matĂ©rielles pour les travailleur·ses du sexe/prostitué·es – en terme de revenus, de santĂ©, d’accĂšs aux soins et aux services. Pour mieux les documenter, une enquĂȘte statistique est lancĂ©e. Elle sera dĂ©ployĂ©e par les associations de premiĂšre ligne qui s’engagent auprĂšs des TDS : Alias, Espace P. et Utsopi. L’objectif premier est de rĂ©aliser un portrait statistique de l’état d’accĂšs aux droits et aux protections sociales des personnes qui exercent la prostitution, puisque le confinement permet une mise en lumiĂšre inĂ©dite de dysfonctionnements parfois anciens Ă  cet Ă©gard. Nous voulons Ă©galement que les chiffres recueillis permettent de tirer des enseignements utiles Ă  la dĂ©cision publique/politique en matiĂšre de santĂ© publique et de protection sociale, en pleine seconde vague de la pandĂ©mie. Enfin, cette enquĂȘte doit permettre aux personnes concernĂ©es de fournir des informations importantes dans ce contexte, de partager leur expertise et de prendre la parole concernant leur vĂ©cu de la situation. Enfin, l’enquĂȘte est un moyen de les dĂ©frayer pour le recueil de ces informations, alors que l’accĂšs aux droits reste cahoteuxNote bas de page pour la plupart d’entre elles.

Alias, dix ans d’expertise auprùs des travailleurs du sexe HSH et trans*

L’asbl Alias a pour objectif l’accompagnement psycho-mĂ©dico-social de qualitĂ© destinĂ© spĂ©cifiquement aux travailleurs du sexe/prostituĂ©s masculins cis et personnes trans* dans la RĂ©gion de Bruxelles-Capitale. Elle vise prioritairement la promotion de la santĂ©, en ce compris les aspects de prĂ©vention et de rĂ©duction des risques, l’accĂšs aux soins de santĂ© et aux droits sociaux pour le public. Pour cela, elle travaille en collaboration avec un trĂšs large rĂ©seau de partenaires de diffĂ©rents secteurs.Pour Ă©tablir le contact et assurer une proximitĂ© avec son public, l’offre de service hebdomadaire comprend notamment du travail de rue, des activitĂ©s communautaires, une permanence d’accueil, des permanences internet, des permanences mĂ©dicales dĂ©centralisĂ©es de dĂ©pistage VIH/IST et des guidances individuelles.

Références bibliographiques et ressources

Ressources sur le chemsex en Belgique

  • Van Acker J., 2017, Plan chem ? Plan Slam ? Les pLans « sous prod » : une recherche explora- toire sur le chemsex parmi les gays, bisexuels et autres HSH dans la RĂ©gion de Bruxellescapitale, Observatoire du sida et des sexualitĂ©s, UniversitĂ© Saint-Louis – Bruxelles.
  • Alias, 2020, EnquĂȘte exploratoire sur le chemsex dans le contexte de la prostitution/du travail du sexe HSH & Trans* Ă  Bruxelles Capitale et au-delĂ .
  • En ligne : www.observatoire-sidasexualites.be
  • Mathurin C., 2016, « CHEM SEX, les pratiques sexuelles des gays en question au Pink Screens ». En ligne : www.bxlbondyblog.be
  • Ressources sur le chemsex sur le site d’Ex-Aequo asbl : www.exaequo.be/fr/gay-life/chemsex

Liens utiles

Autres liens utiles

Ressources sur la prostitution Ă©tudiante

  • Alias, 2020, EnquĂȘte exploratoire sur les Ă©tudiant.e.s HSH et trans* actifs dans la prostitution/le travail du sexe Ă  Bruxelles-Capitale et au-delĂ .
  • CLOUET E., 2008, La prostitution Ă©tudiante Ă  l’heure des nouvelles technologies de communi- cation, Ed. Max Milo.
  • CUSICK L., ROBERTS R., PATON S., 2009, « Higher and further education institution policies on student and staff involvement in commercial sex », Journal of Higher Education Policy and Management, vol. 31, n° 2.
  • D’ANGELO A., 2017, ProstituĂ©es alimentaires : Ă©pouses, mĂšres, Ă©tudiantes…, Ed. La Boite a Pandore.
  • DELIGNE C., GABIAM K., VAN CRIEKINGEN M., DECROLY J-M., 2006, « Les territoires de l’ho- mosexualitĂ© Ă  Bruxelles : visibles et invisibles », Cahiers de gĂ©ographie du QuĂ©bec, vol. 50, n° 140.
  • DEQUIRE A.-F.., 2007, « Le monde des Ă©tudiants : entre prĂ©caritĂ© et souffrance », PensĂ©e Plu- rielle, vol. 1, n° 14.
  • DEQUIRE A.-F., 2011, « Les Ă©tudiants et la prostitution : entre fantasmes et rĂ©alitĂ© », PensĂ©e Plurielle, vol. 2, n° 27.
  • DIELEMAN M., 2006, Trajectoires de prostitution Ă  la minoritĂ©. VulnĂ©rabilisations et prises de risques., MinistĂšre de la CommunautĂ© française et Entre2 asbl.
  • D L., 2008, Mes chĂšres Ă©tudes, Ed. Max Milo.
  • LANTZ S., 2005, « Students Working in the Melbourne Sex Industry : Education, Human Capital and the Changing Patterns of the Youth Labour Market », Journal of Youth Studies, vol. 8, n°4.
  • LEROIJ C., MAES R., 2016, Étude relative aux nouvelles formes de prostitution Ă  Bruxelles, et visant Ă  l’obtention de donnĂ©es comparatives Ă  l’égard de la prostitution et de la traite des ĂȘtres humains Ă  des fins d’exploitation sexuelle au sein de trois villes europĂ©ennes, Ed. Collectif Formation SociĂ©tĂ©.
  • LEROY C., 2018, « La prostitution Ă©tudiante, de la scĂšne aux coulisses », Les cahiers du genre, 2017/2018.National Union of Students (NUS), 2016, Student sex worker research.
  • ROBERTS R., 2018, Capitalism on Campus : Sex Work, Academic Freedom and the Market, Ed. Zero Books.
  • ROBERTS R., BERGSTROM S., LA ROOY D., 2007, « Sex work and students : an exploratory study », Journal of Further and Higher Education, vol. 31, n° 4.
  • ROBERTS R., SANDERS T., MYERS T., SMITH D., 2010, « Participation in sex work : students’ views », Sex Education, vol. 10 , n° 2.
  • RUBIO V., 2013, « Prostitution masculine sur internet. Le choix du client », Ethnologie fran- çaise, vol. 43, n° 3.
  • RUBIO, V., 2017, « Le « temps en plus » de l’escorting. TemporalitĂ©, communication et prostitution », HermĂšs, La Revue, vol. 2, n° 78.
  • SAGAR T., JONES D., SYMONS K., BOWRING J., 2015, The student sex work project : research summary, Centre for criminal justice and criminology, Swansea University.
  • SANDERS T., HARDY K., 2013, « Sex work : the ultimate precarious labour ? », Criminal Justice Matters, vol. 93, n° 1
  • SANDERS T., HARDY K., 2015, « Students selling sex : Marketisation, higher education and con- sumption », British Journal of Sociology of Education, vol. 26, n° 5.

“La prostitution est une rĂ©alitĂ© en Belgique mais son statut juridique demeure trĂšs particulier, voire paradoxal. Ni punissable ni interdit, son exercice fait toutefois l’objet de rĂ©glementations non coordonnĂ©es dans diverses branches du droit. Tant le droit fiscal que le droit de la sĂ©curitĂ© sociale considĂšrent cette activitĂ© comme une activitĂ© professionnelle susceptible de donner lieu au paiement d’impĂŽts et de cotisations sociales, sans nĂ©anmoins que les droits corrĂ©latifs soient accordĂ©s aux personnes qui l’exercent.

Du reste, si l’activitĂ© de prostitution en tant que telle n’est pas interdite, celui qui la pratique risque de se retrouver confrontĂ© Ă  la nullitĂ© de la convention de travail, du fait d’une contrariĂ©tĂ© potentielle Ă  l’ordre public et aux bonnes mƓurs. L’activitĂ© est donc plus tolĂ©rĂ©e qu’autorisĂ©e, ce qui suscite de nombreuses interrogations et une grande insĂ©curitĂ© juridique pour les travailleurs du sexe in Gilson, Steve ; et. al. Aspects juridiques de la prostitution, droit pĂ©nal, droit administratif, droit social et droit fiscal. AnthĂ©mis (2017) (ISBN:978-2-8072-0231-3) 212 pp. pages

Par exemple, une personne a avancé une de ses boßtes déjà acheté car elle avait une réserve pour plusieurs mois.

Principal centre médical de référence pour le VIH/SIDA en Belgique

chiffres issus de notre outil de récolte de données KORAL

https://www.amnesty.org/download/Documents/POL4040612016FRENCH.pdf

Le travail du sexe est interdit suite Ă  l’arrĂȘtĂ© ministĂ©riel du 13 mars portant sur les mesures d’urgence pour Ă©viter la propagation du coronavirus Covid19.

Le craving désigne le besoin irrépressible et trÚs fort de consommer, accentué si la prise se fait par injection ou plug anal, par exemple avec la Tina.

Le plug anal (ou plug) est aussi appelé injection anale désigne la consommation de produits par voie anale (mais sans aiguille)

Description selon l’Ă©diteur

Matériel

  • 73 cartes illustrĂ©es (parties du corps)
  • 11 cartes thĂ©matiques sur les qualitĂ©s Ă©lĂ©mentaires des sensations
  • 7 pistes d’utilisation
L'Univers des sensations

Concept

Jeu composĂ© de 84 cartes Ă  jouer qui se proposent d’ĂȘtre un support Ă  l’identification, Ă  l’expression et Ă  la discussion sur le thĂšme des sensations.

RĂ©alisĂ© dans la suite du Langage des Ă©motions et de L’expression des besoins, ce jeu peut facilement ĂȘtre utilisĂ© seul ou en complĂ©ment de ces derniers.Cet outil s’adresse Ă  un public large : garçons et filles, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, personnes en situation de handicap,
 Il peut ĂȘtre utilisĂ© seul, en couple, en famille, en classe, en Ă©quipe de travail, lors d’animations, d’évaluations, de cours d’alphabĂ©tisation, 


Objectifs

  • DĂ©velopper l’attention aux sensations et aux mots justes pour les exprimer
  • Favoriser la conscience de soi par la cartographie mentale du corps
  • Relier les sensations aux vĂ©cus Ă©motionnels, relationnels, affectifs et sexuels
  • Relier les sensation aux diffĂ©rents besoins Ă©prouvĂ©s
  • Inviter Ă  prĂȘter attention aux diffĂ©rentes sensations dans toutes leurs nuances, sans poser de jugement de valeur
  • Inviter Ă  prendre conscience du caractĂšre impermanent des sensations qui nous traversent Ă  chaque instant

Appréciation globale

Voici un outil qui permet d’apprĂ©hender le langage du corps, d’explorer les sensations corporelles et d’apprendre Ă  les dĂ©crire. Cet apprentissage essentiel constitue le socle de la connaissance de soi et la construction de repĂšres personnels.

L’outil, simple d’accĂšs et d’utilisation, permet de dĂ©crire un vĂ©cu corporel – thĂšme encore souvent tabou dans les collectivitĂ©s, dont on ne parle pas – ou peu. Pas facile de scanner son corps et de dire ce qu’on ressent ! Pas facile non plus peut-ĂȘtre de le dire face Ă  un groupe, face Ă  ce groupe-là
Bienveillance, non-jugement, rĂšgles de sĂ©curitĂ© sont particuliĂšrement importantes Ă  installer pour cet outil : son aspect anodin cache une rĂ©elle rĂ©vĂ©lation de l’intimitĂ© de chacun, au plus prĂšs de sa diffĂ©rence. En validant les sensations de chacun et en constatant les diffĂ©rences entre les personnes, l’utilisateur permet Ă  chacun de se rĂ©approprier la spĂ©cificitĂ© de son vĂ©cu.

L’utilisateur, Ă  l’aise avec ses propres sensations, veillera Ă  installer un cadre sĂ©curisant, Ă  accompagner l’enfant pour prĂ©ciser/affiner son senti, Ă  recadrer les Ă©ventuels jugements/moqueries.En groupe, il pourrait se rĂ©vĂ©ler utile pour dĂ©broussailler une situation-problĂšme, mettre des mots et faire prĂ©vention.

RĂ©serves

Peut amener discussions sur des sujets sensibles

Public cible

Enfants, ados, adultes

Utilisation conseillée

Faire, si nécessaire, le lien avec les émotions et les besoins- Se préparer à des sujets de discussion sensibles et inhabituels

Points forts

OriginalitĂ© du thĂšme, variĂ©tĂ© des sensations, format facile d’utilisation

Points d’attention

Prévoir un cadre sécurisant

Sujets abordés

Corps, sensations, compétences psychosociales, vivre ensemble.

OĂč trouver l’outil

Chez l’Ă©diteur : FCPPF
Avenue Emile de BĂ©co 109
1050 Ixelles
Belgique
+32 (0)2 514 61 03 – info@fcppf.be
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Marketing social. De la compréhension des publics au changement de comportement

Cet ouvrage de moins de 200 pages aborde plusieurs questions qu’un acteur ou une actrice dans le domaine de la santĂ© / promotion de la santĂ© peut se poser Ă  propos du marketing social. Qu’est-ce que c’est ? Quels en sont les grands principes ? Quels sont les outils et les mĂ©thodes utilisĂ©es ? Et surtout, en quoi cette approche est-elle efficace pour modifier un comportement dans une perspective de santĂ© globale ?

RĂ©digĂ© par diffĂ©rents experts et chercheurs de SantĂ© Publique France et de l’EHESP, l’ouvrage allie des Ă©lĂ©ments thĂ©oriques, des exemples pratiques et des conseils de mise en application. Que ce soit en guise de premiĂšre approche ou pour un professionnel averti, les auteurs offrent un « livre de poche » structurĂ© et synthĂ©tique, comprĂ©hensible et trĂšs accessible.Surtout connu et plĂ©biscitĂ© dans le monde anglo-saxon, le marketing social gagne indĂ©niablement du terrain dans le monde francophone ces derniĂšres annĂ©es, mĂȘme s’il ne fait pas consensus. Pour les auteurs, les mĂ©canismes de persuasion, les avancĂ©es en psychologie sociale, les thĂ©ories comportementales
, mĂ©ritent d’ĂȘtre davantage connues par les acteurs et actrices de santĂ© pour rĂ©flĂ©chir sur leurs actions et amĂ©liorer leurs rĂ©sultats auprĂšs des diffĂ©rents publics. En effet, les comportements de santĂ© mis en avant dans les programmes et campagnes de communication traditionnelles sont souvent jugĂ©s rĂ©barbatifs, peu concrets, ou prometteurs de rĂ©sultats visibles seulement Ă  long terme (« manger sain », « ne pas fumer », etc.).

La plupart du temps, ces messages vont aussi Ă  l’encontre des intĂ©rĂȘts de gĂ©ants de l’industrie agro-alimentaire ou du tabac, par exemple, qui maitrisent l’argumentaire marketing et ont une influence indĂ©niable sur nos reprĂ©sentations et choix de consommation.Au fil des pages, l’ouvrage apporte des informations et des considĂ©rations pratiques Ă  garder Ă  l’esprit : le temps et les moyens Ă  consacrer pour chaque Ă©tape du plan de communication, les avantages et inconvĂ©nients des mĂ©thodes, une estimation budgĂ©taire. Cela permet aussi de « dĂ©mystifier » et rendre plus accessibles des concepts tels que les Ă©tudes de marchĂ©.Fait encore assez rare : ce livre sur le marketing social est Ă©crit par et pour des acteurs francophones en santĂ©/promotion de la santĂ©. La campagne « Mois sans tabac », conçue par SantĂ© publique France en 2016, en est le principal exemple investiguĂ©. C’est la premiĂšre action de cette envergure menĂ©e en France pour la prĂ©vention du tabagisme. Ce partage d’expĂ©rience est donc trĂšs prĂ©cieux.

Important bĂ©mol, Ă  mes yeux : malgrĂ© une prĂ©paration rigoureuse menĂ©e en amont du lancement (segmentation, ciblage, etc.) suivant toutes les prescriptions de la dĂ©marche en marketing social, le programme n’a pas eu le succĂšs escomptĂ© auprĂšs des publics prĂ©carisĂ©s. Bien que les diverses Ă©valuations ne soient pas toutes finalisĂ©es, nous aurions aimĂ© en savoir plus sur ce point qui n’est que timidement mentionnĂ©. En effet, en regard des ISS et de la consommation tabagique, cet aspect ne peut certainement pas ĂȘtre nĂ©gligĂ© et nous pose question…

Le marketing social (et ses mĂ©thodes) divise les acteurs du secteur de la promotion de la santĂ©, entre autres, car il soulĂšve une sĂ©rie de questionnements et de risques Ă©thiques. Les auteurs en listent bon nombre dans la derniĂšre partie de l’ouvrage mais les rĂ©ponses qu’ils apportent ne sont finalement qu’un renvoi aux visions et valeurs du lecteur ou de la lectrice. NĂ©anmoins, il est sans doute simpliste de mettre juste en opposition certaines mĂ©thodes du marketing social (comme le nudging) aux dynamiques d’empowerment.Comme l’écrit Laurent Chambaud, directeur de l’Ecole des hautes Ă©tudes en santĂ© publique , « pour qu’il y ait dĂ©bat, encore faut-il qu’il y ait connaissance et reconnaissance de l’apport de cette approche. » (p.177)

D’autres phĂ©nomĂšnes d’actualitĂ© viennent modifier les approches en promotion de la santĂ© : l’émergence de la mĂ©decine prĂ©ventive et personnalisĂ©e, les pratiques de promotion individuelle Ă  travers les nombreuses applications embarquĂ©es, les pratiques holistiques autour du bien-ĂȘtre individuel
 Dans ce contexte Ă©volutif oĂč la notion de santĂ© et de bien-ĂȘtre devient centrale, il me paraĂźt nĂ©cessaire de rĂ©flĂ©chir au marketing social comme une approche exprimant des valeurs explicites en santĂ© publique. (Laurent Chambaud, p.180)

(Laurent Chambaud, p.180)

K. Gallopel-Morvan, et al., Marketing social. De la comprĂ©hension des publics au changement de comportement, Presses de l’Ecole des hautes Ă©tudes en santĂ© publique, Rennes, 2019

Partie 1 – Comprendre ses publics et son environnement

Les modÚles théoriques explicatifs des comportements

  • La thĂ©orie de l’action raisonnĂ©e et la thĂ©orie du comportement planifiĂ©
  • La thĂ©orie de l’apprentissage social
  • Le modĂšle transthĂ©orique
  • La thĂ©orie de l’échange
  • Les approches comportementales
  • Le modĂšle COM B
  • Conclusion

Les études de marché

  • Les Ă©tudes de marchĂ© : comprendre les publics ciblĂ©s
  • ApprĂ©hender son environnement et la concurrence
  • Conclusion

Segmenter et cibler

  • Qu’est-ce que la segmentation
  • Les critĂšres de segmentation utilisĂ©s en marketing social
  • Comment mettre en place une stratĂ©gie de segmentation ?
  • Les conditions nĂ©cessaires pour mettre en place une stratĂ©gie de segmentation
  • Conclusion

Partie 2 – Agir sur les publics : la boüte à outils du marketing social

Planifier et mettre en Ɠuvre les 5 C

  • La planification stratĂ©gique : diagnostic, objectifs et marque
  • Les actions terrain : les 5 C
  • Conclusion

Mettre en place une campagne de communication

  • Quelle stratĂ©gie publicitaire ?
  • Quelle crĂ©ation publicitaire ?
  • Quels mĂ©dias et supports de diffusion ?
  • Conclusion

Partie 3 – Un exemple d’utilisation du marketing social en France : la campagne Mois sans tabac

DĂ©ployer la dĂ©marche du marketing social : l’exemple de Mois sans tabac

  • Comprendre les comportements, l’environnement et la concurrence
  • Segmenter et cibler
  • Les objectifs de la campagne
  • Les 5 C
  • Conclusion

Evaluer une campagne de marketing social : l’exemple de Mois sans tabac

  • Les diffĂ©rents types d’évaluation
  • Le modĂšle logique de MOIST
  • Les Ă©valuations de processus dĂ©ployĂ©es pour MOIST 2016
  • L’évaluation d’efficacitĂ© dĂ©ployĂ©e pour MOIST 2016
  • Conclusion

Conclusion – Ethique et marketing social

  • Ethique, Ă©tudes de marchĂ© et analyse de la concurrence
  • Ethique, segmentation et ciblage
  • Ethique, stratĂ©gie marketing et 5 C
  • Ethique et communication
  • Ethique et impact des campagnes de marketing social
  • Comment rĂ©pondre Ă  ces risques Ă©thiques ?

Game of Porn

Description selon l’Ă©diteur

Matériel

  • 100 cartes
  • Plateau de jeu
  • Panneaux avec des smileys ‘d’accord/pas d’accord’ (10)
  • 1 sablier
  • 1 dĂ©
  • Un guide pĂ©dagogique

Concept

Aujourd’hui, l’accĂšs Ă  la pornographie grĂące Ă  Internet est particuliĂšrement aisĂ©. Cet accĂšs soulĂšve des questionnements auprĂšs de toutes les personnes formĂ©es Ă  l’Education Ă  la Vie Relationnelle Affective et Sexuelle (EVRAS), des parents et des professionnel-le-s encadrant les jeunes. C’est pourquoi, l’équipe du Centre de Planning familial des FPS de Charleroi a crĂ©Ă© cet outil d’animation.Le jeu se veut trĂšs simple pour laisser toute la place aux dĂ©bats entre les jeunes.Le premier joueur lance le dĂ© et pioche la premiĂšre carte du tas de cartes correspondant Ă  la face sur laquelle le dĂ© s’est arrĂȘtĂ© et la lit Ă  voix haute.S’il tombe sur la face du dĂ© ‘Game of Porn’ le joueur a le choix de tirer la carte qui lui convient. Une fois la discussion terminĂ©e le joueur suivant lance le dĂ© et recommence l’opĂ©ration.

Objectifs

  • Faciliter l’émergence de l’expression autour de la pornographie
  • Permettre aux jeunes de mieux comprendre les images pornographiques qu’ils consultent le plus souvent sur Internet
  • Offrir aux professionnel-le-s l’occasion de dĂ©construire avec les jeunes les idĂ©es reçues vĂ©hiculĂ©es par la pornographie
  • Aider les jeunes Ă  acquĂ©rir un esprit critique face aux sites pornographiques
  • Ne pas banaliser ni diaboliser ou stigmatiser les consommateurs de pornographie
  • Mettre en avant l’importance du respect des partenaires et d’une vie affective et sexuelle Ă©panouissante, ainsi que des relations Ă©galitaires dans la sexualitĂ© adolescente

Conseils d’utilisation

L’outil s’accompagne d’un guide pĂ©dagogique afin que chacun-e puisse rĂ©pondre aux questions les plus frĂ©quemment posĂ©es par les adolescent-e-s en ce qui concerne la pornographie.Ce guide pĂ©dagogique propose un Ă©tat des lieux des connaissances (historiques, sociales, psychologiques, etc.) actuelles en matiĂšre de pornographie. Notons qu’il se base aussi sur l’expĂ©rience des animateurs et des animatrices EVRAS afin de donner des pistes de rĂ©flexions et de discussions.

L’avis de PIPSa

Appréciation globale

Ce support d’expression invite Ă  libĂ©rer la parole autour de la pornographie. Cette thĂ©matique d’actualitĂ©, proche des pratiques de nombreux jeunes, est traitĂ©e de maniĂšre neutre, sans banalisation ni stigmatisation des consommateurs de pornographie. Cette ouverture d’esprit pourrait ouvrir une dissonance entre le discours de la maison et celui de l’école, notamment dans les milieux multiculturels.Plan de jeu et cartes fournissent un support attractif. Les diffĂ©rentes cartes/activitĂ©s cassent le mĂ©canisme ludique rĂ©pĂ©titif. Elles permettent aussi (en les triant) de cibler les thĂ©matiques que l’utilisateur souhaite dĂ©velopper. NB : le jeu aborde exclusivement la pornographie (sans lien avec la sexualitĂ© des jeunes).PrĂ©vu pour un public d’adolescents en contexte scolaire, le jeu pourrait aussi ĂȘtre utilisĂ© dans les AMO, maison de jeunes ET des groupes d’adultes.Le guide d’accompagnement balaie, clairement et avec mesure, toutes les thĂ©matiques questionnĂ©es par la pornographie. L’utilisateur, professionnel de l’EVRAS, veillera prĂ©alablement Ă  clarifier ses propres reprĂ©sentations pour ĂȘtre Ă  l’aise sur le thĂšme. Il agira avec tact et finesse pour gĂ©rer les dĂ©bats et les silences. Un binĂŽme homme-femme sera un plus.Il vaut mieux rĂ©server le jeu Ă  un groupe de jeunes d’ñge homogĂšne, non-mixte, qui a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© confrontĂ© aux images pornographiques et qui est en demande par rapport Ă  la question.

Objectifs

  • permettre aux jeunes de comprendre les images pornographiques sur internet
  • acquĂ©rir un esprit critique
  • ne pas stigmatiser ni banaliser les utilisateurs de sites porno
  • comprendre et dĂ©construire les idĂ©es reçues

Public cible

Adolescents, en fonction de la maturité du groupe et des questions qui se posent, et adultes

Utilisation conseillée

– Installer les rĂšgles de confidentialitĂ© dans le groupe- Veiller Ă  composer des sous-groupes ‘sĂ©curisants’ pour permettre une parole libĂ©rĂ©e- PrĂ©voir 2 boĂźtes de jeux (garçons et filles jouant sĂ©parĂ©ment)- Une rĂ©flexion prĂ©alable de l’utilisateur (seul ou en Ă©quipe) est recommandĂ©e

Points forts

Thématique originale, neutralité, variété des activités

Sujets abordés

Pornographie, sexualité, risques et prévention, stéréotypes

Complémentarité

Consent-quoi ??? Campagne de sensibilisation sur le consentement

Pour vous procurer l’outil

Chez l’Ă©diteur :Centre de planning familial des FPS – SiĂšge de Charleroihttps://www.planningsfps.beou dans le Centre Local de Promotion de la SantĂ© de votre rĂ©gion : http://www.pipsa.be/outils/detail-2139614126/game-of-porn.html

Cette synthĂšse de la littĂ©rature cherche Ă  dĂ©crire la façon dont la crise sanitaire rĂ©vĂšle et accentue les inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ©. L’analyse de la gestion de cette crise illustre quant Ă  elle, les limites d’un systĂšme centrĂ© sur une approche comportementaliste des inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ©. La notion de responsabilitĂ© y est centrale et pourtant problĂ©matique. Comment envisager des pistes d’actions qui puissent agir sur la rĂ©duction du gradient social de santĂ© afin de protĂ©ger aussi les plus vulnĂ©rables ?

Il convient de prĂ©ciser que cette analyse de la littĂ©rature se limite Ă  la date du 13 mai 2020. En effet, le caractĂšre spĂ©cifique de cette crise sanitaire nous confronte Ă  une actualisation permanente des publications scientifiques. De nouvelles communications paraissent quotidiennement. Pour reprendre une citation bien connue : ce qui Ă©tait vrai hier ne l’est plus (ou peut-ĂȘtre de maniĂšre incomplĂšte) aujourd’hui et ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera peut-ĂȘtre plus (en tout cas en totalitĂ©) demain. La crise sanitaire nous impose donc une certaine prudence dans notre rapport au savoir qu’elle nous offre au jour le jour.

Faits saillants

  1. L’idĂ©e commune selon laquelle le coronavirus nous affecte toutes et tous sans faire de diffĂ©rences est profondĂ©ment fausse, et c’est mĂȘme une illusion dangereuse, car elle mĂšne Ă  l’inertie lĂ  oĂč l’action devrait prĂ©valoir.
  2. Les personnes vulnĂ©rables deviennent encore plus vulnĂ©rables en pĂ©riode de pandĂ©mie. Il est particuliĂšrement important de prendre note de la vulnĂ©rabilitĂ© liĂ©e Ă  la pauvretĂ©, Ă  la discrimination, au genre, Ă  la maladie, Ă  la perte d’autonomie, Ă  l’Ăąge avancĂ© et aux situations de handicap.
  3. L’analyse des hospitalisations pour le COVID-19 met en Ă©vidence une surreprĂ©sentation des personnes ĂągĂ©es. L’analyse des taux de mortalitĂ© souligne une surmortalitĂ© parmi les hommes en comparaison Ă  la population fĂ©minine. L’analyse des profils de patients hospitalisĂ©s rĂ©vĂšle une prĂ©dominance de comorbiditĂ© tels que le surpoids et l’obĂ©sitĂ©, l’hypertension artĂ©rielle, les maladies cardiovasculaires, le diabĂšte de type 2 et plus rarement la BPCO.
  4. Les conditions de vie comme l’habitat, le revenu, les relations sociales influencent la façon dont les personnes peuvent adopter les mesures barriùres pour limiter les risques de contamination.
  5. Une compréhension philosophique de la valeur et de la nature de la responsabilité éclaire utilement le rÎle limité de la responsabilité individuelle dans le contexte de la promotion de la santé. Entre culpabilisation, attribution de la responsabilité et endossement des conséquences, quelle place pour la co-responsabilité dans le champ de la promotion de la santé ?
  6. Alors que la surveillance et le suivi (traçage) des personnes contaminĂ©es se justifient pour assurer un contrĂŽle sur la pandĂ©mie, ces stratĂ©gies interrogent sur les limites imposĂ©es au respect de la vie privĂ©e notamment sur l’utilisation de ces donnĂ©es, et sur la limite temporelle de ces mesures et de l’enregistrement de ces donnĂ©es.
  7. Face Ă  ce dilemme et pour limiter les consĂ©quences de la crise sanitaire et socio-Ă©conomique, la santĂ© publique se doit d’innover de nouvelles stratĂ©gies pour s’attaquer aux dĂ©terminants sociaux qui sont susceptibles d’agir sur la rĂ©duction des inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ©. Pour que la crise devienne une opportunitĂ© et non une altĂ©ration supplĂ©mentaire de la capacitĂ© d’agir des personnes et des groupes les plus vulnĂ©rables.

Introduction

En quelques semaines, la pandĂ©mie de Covid‐19 a bouleversĂ© la vie de tout un chacun. Si la contamination semble toucher toutes les classes sociales, le vĂ©cu de la crise sanitaire diffĂšre selon les conditions de vie. Ses rĂ©percussions ont un impact diffĂ©rent selon le statut socioĂ©conomique, aggravant les inĂ©galitĂ©s sociales et en consĂ©quence les inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ©. La crise sanitaire met au dĂ©fi notre systĂšme de santĂ© de reconsidĂ©rer ses prioritĂ©s et d’analyser ses limites dans la rĂ©duction des inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ©.

Pour rappel, ces inĂ©galitĂ©s se rĂ©fĂšrent Ă  la maniĂšre dont certains groupes de population sont empĂȘchĂ©s d’atteindre une santĂ© optimale en raison de leur lieu de rĂ©sidence, de la discrimination qu’ils subissent, de leur situation sociale et / ou Ă©conomique, de leur Ăąge ou de leur Ă©tat de santĂ© ou de leur lieu de travail.

L’OMSNote bas de page prĂ©cise que les conditions environnementales sont un dĂ©terminant majeur de la santĂ© et du bien-ĂȘtre, mais elles ne sont pas partagĂ©es Ă©galement entre les populations. Des niveaux plus Ă©levĂ©s de risque environnemental se retrouvent souvent dans les sous-groupes de population dĂ©favorisĂ©s.

Benfer et WileyNote bas de page affirment que « plus le statut socioĂ©conomique d’une personne est faible, plus ses ressources et sa capacitĂ© d’accĂ©der Ă  des biens et services essentiels sont limitĂ©es et plus ils sont susceptibles de souffrir de maladies chroniques, y compris des maladies comme les maladies cardiaques, les maladies pulmonaires et le diabĂšte, qui peuvent augmenter le risque de mortalitĂ© COVID-19. Les individus et les familles pauvres ont moins de contrĂŽle sur leur environnement et peu ou pas d’alternatives au logement insalubre. Ces effets sont exacerbĂ©s pour les personnes et les familles dĂ©favorisĂ©es qui sont soumises aux consĂ©quences de la discrimination et de la sĂ©grĂ©gation dans le logement, en plus des problĂšmes d’accessibilitĂ© financiĂšre ».

Dans un rĂ©cent article, Ahmed et al.Note bas de page prĂ©cisent que, selon les estimations, « le COVID19 pourrait coĂ»ter au monde plus de 10 000 milliards de dollars, bien qu’il existe une incertitude considĂ©rable quant Ă  la portĂ©e du virus et Ă  l’efficacitĂ© de la rĂ©ponse politique ». Selon l’International Food Policy Research InstituteNote bas de page « chaque pourcentage de rĂ©duction de l’Ă©conomie mondiale pourrait plonger plus de 10 millions de nouvelles personnes dans la pauvretĂ© dans le monde ». Tous les experts s’accordent sur le fait que la pandĂ©mie va engendrer une crise Ă©conomique sur le plan mondial, que les taux de chĂŽmage augmenteront considĂ©rablement dans la plupart des pays et que l’affaiblissement des filets de sĂ©curitĂ© sociale menacera l’insĂ©curitĂ© sanitaire et sociale ».

Comme le prĂ©cisent Joskin et HenryNote bas de page pour le Bureau FĂ©dĂ©ral du Plan, « pour l’annĂ©e 2020, il faut s’attendre Ă  un impact majeur de la crise du covid-19 sur le bien-ĂȘtre en Belgique. La baisse du bien-ĂȘtre dĂ©coule principalement d’une dĂ©tĂ©rioration de l’état de santĂ© et des relations sociales, ainsi que d’une hausse du nombre des personnes qui, pour des raisons financiĂšres, ne peuvent accĂ©der Ă  un niveau de vie considĂ©rĂ© comme « standard » (privation matĂ©rielle sĂ©vĂšre) ».

Face Ă  ces prĂ©visions, des stratĂ©gies proactives sont nĂ©cessaires pour limiter l’accroissement des inĂ©galitĂ©s sociales dans la phase qui suivra la crise sanitaire.

Selon Sciensano6 , à dater du 13 mai 2020, la Belgique compte prÚs de 54 000 cas confirmés de COVID-19 et 8 843 décÚs. Parmi les cas confirmés, 56 % se situent en Flandre, 32 % en Wallonie et 10 % à Bruxelles.

La répartition par sexe des cas confirmés montre une surreprésentation féminine et ce, tant au niveau national que régional.

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Source : SciensanoLa province du Hainaut n’a pas Ă©tĂ© Ă©pargnĂ©e par l’épidĂ©mie. C’est notre province qui a connu le plus grand nombre de lits d’hĂŽpital occupĂ©s en Wallonie.

Cette synthĂšse de la littĂ©rature s’articule autour de trois axes d’analyse :

  • Le premier vise Ă  Ă©clairer comment la pandĂ©mie affecte diffĂ©remment les personnes et les groupes sociaux en amplifiant les inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ© face au virus ;
  • Le deuxiĂšme axe repose sur une rĂ©flexion Ă©thique pour questionner la notion de responsabilitĂ© en lien avec la promotion de la santĂ© ;
  • Le dernier axe tente de mettre en perspective les stratĂ©gies opĂ©rationnelles et innovantes en rĂ©ponse au contexte de crise sanitaire.

​PandĂ©mie du COVID-19 et facteurs de risques spĂ©cifiques

Didier FassinNote bas de page , médecin, anthropologue et sociologue français, pose le décor.

Pour ce spĂ©cialiste, « l’idĂ©e commune selon laquelle le coronavirus nous affecte toutes et tous sans faire de diffĂ©rences, hommes et femmes, jeunes et vieux, urbains et ruraux, cadres et ouvriers, riches et pauvres, est certainement utile pour susciter l’adhĂ©sion de l’ensemble de la sociĂ©tĂ© aux nĂ©cessaires mesures de prĂ©vention, et l’on peut comprendre, jusqu’à un certain point, que les responsables politiques l’expriment. Mais elle est profondĂ©ment fausse, et c’est mĂȘme une illusion dangereuse, car elle mĂšne Ă  la cĂ©citĂ© et Ă  l’inertie lĂ  oĂč la luciditĂ© et l’action devraient prĂ©valoir ».

Loin d’égaliser les risques devant la maladie, l’épidĂ©mie du COVID-19 rĂ©vĂšle les inĂ©galitĂ©s de santĂ©.

Comme le soulignent Chowkwanyun, M et al.Note bas de page , « l’expĂ©rience des Ă©pidĂ©mies passĂ©es et des rĂ©centes catastrophes naturelles suggĂšre que les populations les plus socialement marginalisĂ©es souffrent de maniĂšre disproportionnĂ©e. »

L’analyse Ă©pidĂ©miologique des risques liĂ©s Ă  la contamination met en Ă©vidence l’action diffĂ©renciĂ©e des dĂ©terminants de santĂ© selon la place qu’occupent les individus et les groupes sociaux au sein de la sociĂ©tĂ©.

Certains agissent en amont comme facteurs prĂ©disposants dans l’augmentation de l’exposition au risque. D’autres contribuent comme facteurs de prĂ©cipitation du risque. D’autres Ɠuvrent comme facteurs d’aggravation aprĂšs l’exposition au risque, notamment dans la gestion de la maladie du Covid-19.

Ces risques se caractérisent par des interactions complexes entre plusieurs facteurs individuels, sociaux et environnementaux.

A. Les facteurs de risques individuels

L’analyse des caractĂ©ristiques des patients hospitalisĂ©s suite Ă  la contamination du coronavirus fait apparaĂźtre des diffĂ©rences individuelles liĂ©es Ă  l’ñge, au genre et aux comorbiditĂ©s.

1. L’ñge

L’analyse de la mortalitĂ© suite au COVID-19 met en Ă©vidence une surmortalitĂ© des personnes ĂągĂ©es. L’ñge est donc un premier facteur de risque associĂ© Ă  la mortalitĂ©. Comme le soulignent Jin et al.Note bas de page, « les patients plus ĂągĂ©s (≄ 65 ans) Ă©taient plus susceptibles d’avoir un type sĂ©vĂšre de COVID-19. (
) Nous avons Ă©galement constatĂ© que le pourcentage de personnes ĂągĂ©es (≄ 65 ans) Ă©tait beaucoup plus Ă©levĂ© chez les patients dĂ©cĂ©dĂ©s que chez les patients qui avaient survĂ©cu (83,8% auprĂšs des patients dĂ©cĂ©dĂ©s contre 13,2% de patients qui ont survĂ©cu) ». Didier Fassin (op.cit.) prĂ©cise Ă  ce sujet : « On a, jusqu’à prĂ©sent, beaucoup insistĂ© sur les disparitĂ©s de survie des personnes infectĂ©es en fonction de leur Ăąge, avec une lĂ©talitĂ© de la maladie trĂšs supĂ©rieure au-delĂ  de soixante-quinze ans, et en fonction de leur Ă©tat de santĂ©, en particulier de l’existence de pathologies prĂ©existantes. On peut parler dans ce cas de vulnĂ©rabilitĂ©, car il n’est guĂšre possible d’agir sur ces facteurs Ă  ce stade, mĂȘme si l’on sait que le vieillissement et plusieurs de ces pathologies prĂ©existantes ont une forte dĂ©termination sociale ».

2. Le genre

Les Ă©tudes de mortalitĂ© menĂ©es par Sciensano en Belgique prĂ©cisent que le nombre d’hommes est largement supĂ©rieur Ă  celui des femmes chez les patients dĂ©cĂ©dĂ©s et ce particuliĂšrement dans les classes d’ñge des plus jeunes. Le genre apparaĂźt donc un facteur dĂ©terminant dans la mortalitĂ© par COVID-19. Distribution du nombre de dĂ©cĂšs COVID-19 par Ăąge et sexe.

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Source : Sciensano (op.cit)

Alors que les hommes et les femmes prĂ©sentent la mĂȘme vulnĂ©rabilitĂ© Ă  la contamination, les hommes sont plus susceptibles de mourir.

Des facteurs hormonaux pourraient, selon Montopoli et al.Note bas de page, expliquer cette disparitĂ© dans la mortalitĂ©. Les soupçons se tournent naturellement vers les hormones sexuelles, et il a Ă©tĂ© suggĂ©rĂ© que les ƓstrogĂšnes puissent protĂ©ger les femmes contre le COVID19 et/ou que les androgĂšnes aggravent ses rĂ©sultats chez les hommes.Une autre hypothĂšse est avancĂ©e par Moran et al.Note bas de page dans leur Ă©tude visant Ă  examiner les facteurs influençant l’adoption de comportements de protection dans le contexte des pandĂ©mies. Leurs rĂ©sultats soulignent que les femmes sont environ 50% plus susceptibles de pratiquer des comportements prĂ©ventifs, tels que le lavage des mains, l’utilisation de masques faciaux et l’Ă©vitement des foules par rapport aux hommes. Ces rĂ©sultats ont Ă©tĂ© confirmĂ©s dans de nombreux contextes culturels, Ă  l’instar de l’étude de AbdelrahamNote bas de page au Qatar ou celle menĂ©e par Yang et al.Note bas de page aux Etats-Unis. Une autre explication rĂ©cente a Ă©tĂ© avancĂ©e suite Ă  une large Ă©tudeNote bas de page menĂ©e aux Pays-Bas. Les rĂ©sultats stipulent que les hommes ont des concentrations plus Ă©levĂ©es d’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 (ACE2) dans le sang que les femmes.

Or, l’ACE2 est, pour le coronavirus SARS-CoV-2, la « porte » d’infection des cellules saines. Cette Ă©tude explique pourquoi les hommes sont plus vulnĂ©rables au COVID-19 que les femmes.

Liu et al. proposent une hypothĂšse complĂ©mentaire. Pour ces auteurs, les analyses effectuĂ©es suggĂšrent que le Covid-19 est plus susceptible d’infecter les hommes adultes avec des comorbiditĂ©s chroniques en raison de leur fonction immunitaire plus faible.

Si la rĂ©ponse Ă  l’apparition de maladies telles que COVID-19 doit prendre en considĂ©ration et veiller Ă  ne pas reproduire ou perpĂ©tuer les inĂ©galitĂ©s entre les sexes et la santĂ©, il est important que les normes, les rĂŽles et les relations entre les genres qui influencent la vulnĂ©rabilitĂ© diffĂ©rente des femmes et des hommes Ă  l’infection, l’exposition aux agents pathogĂšnes, et le traitement reçu soient pris en compte et traitĂ©s.

L’expĂ©rience des Ă©pidĂ©mies passĂ©es montre l’importance d’intĂ©grer une analyse de genre dans les efforts de prĂ©paration et de rĂ©ponse pour amĂ©liorer l’efficacitĂ© des interventions de santĂ© et promouvoir les objectifs de genre et d’Ă©quitĂ© en santĂ©.

3. Les comorbidités

DĂšs le dĂ©but de l’épidĂ©mie, les soignants accueillant les patients hospitalisĂ©s en unitĂ©s de soins intensifs pour des complications associĂ©es Ă  la contamination, ont Ă©tĂ© confrontĂ©s Ă  une surreprĂ©sentation de comorbiditĂ©s associĂ©es. Les plus courantes sont le surpoids et l’obĂ©sitĂ©, l’hypertension artĂ©rielle, les maladies cardiovasculaires, le diabĂšte de type 2 et plus rarement la BPCO.

Les rĂ©sultats des Ă©tudes Ă©pidĂ©miologiques illustrent le fait que les populations plus dĂ©favorisĂ©es sont plus susceptibles de souffrir de maladies chroniques, ce qui les expose Ă  un risque plus Ă©levĂ© de mortalitĂ© associĂ©e au COVID-19. A titre d’exemple, Kass et al.Note bas de page ont examinĂ©, sur base d’une modĂ©lisation mathĂ©matique, la corrĂ©lation entre l’indice de masse corporelle (IMC) et l’Ăąge chez les patients COVID-19 admis en UnitĂ© de soins intensifs dans plusieurs hĂŽpitaux amĂ©ricains auprĂšs de 265 patients dont 58% de patients hommes.Cette analyse conclut Ă  :

  • une corrĂ©lation inverse significative entre l’Ăąge et l’IMC ;
  • en particulier, les patients plus jeunes admis Ă  l’hĂŽpital s’avĂšrent plus susceptibles d’ĂȘtre obĂšses ;
  • cette relation inverse entre Ăąge et IMC lors de l’hospitalisation est similaire selon le sexe.

Le surpoids et l’obĂ©sitĂ© sont confirmĂ©s comme des facteurs sensibles de sĂ©vĂ©ritĂ© : l’IMC mĂ©dian des patients hospitalisĂ©s est ici estimĂ© Ă  29,3 kg / m2, seuls 25% des patients prĂ©sentent un IMC <26 kg / mÂČ et 25% dĂ©passent un IMC de 34,7 kg / mÂČ. Certes, l’incidence de l’obĂ©sitĂ© est plus importante aux Etats-Unis mais la surreprĂ©sentation a Ă©galement Ă©tĂ© observĂ©e en Europe dans l’analyse du BMI des plus jeunes patients hospitalisĂ©s suite au Covid-19. La rĂ©partition de l’obĂ©sitĂ© dans la population gĂ©nĂ©rale touche davantage les personnes dĂ©favorisĂ©es.Deux hypothĂšses existent pour expliquer cette association.

  • D’une part, les personnes atteintes d’obĂ©sitĂ© prĂ©sentent un systĂšme prĂ©biotique et probiotique perturbĂ©, ce qui joue sur leur capacitĂ© immunitaire pour faire face aux virus.
  • D’autre part, l’obĂ©sitĂ© joue un rĂŽle dans les difficultĂ©s respiratoires en amplifiant le risque inflammatoire liĂ© Ă  la difficultĂ© de mobilisation des muscles, dont le diaphragme.

Comme le prĂ©cisent Prompetchara et alNote bas de page., une analyse des caractĂ©ristiques du SRASCoV-2, dans son interaction avec les rĂ©ponses immunitaires de l’hĂŽte, peut aider Ă  fournir une image plus claire de la façon dont le virus provoque des maladies chez certaines personnes alors que la plupart des individus infectĂ©s ne prĂ©sentent que des symptĂŽmes lĂ©gers ou nuls.

B. Les facteurs psychosociaux

L’analyse effectuĂ©e par Amdaoud M. et al.Note bas de page met en Ă©vidence qu’, « au-delĂ  de l’importance des caractĂ©ristiques individuelles comme facteurs explicatifs de la probabilitĂ© de contracter le Covid-19 et de ses consĂ©quences, les Ă©lĂ©ments liĂ©s au contexte Ă©conomique, dĂ©mographique et social interviennent Ă©galement ».

Ainsi, la densité de population, les quartiers plus inégalitaires ainsi que ceux dans lesquels la population ouvriÚre est plus présente, se révÚlent des environnements plus vulnérables à la transmission du virus.

Le fait d’ĂȘtre confinĂ© en grande partie au domicile peut prĂ©senter ses propres risques pour la santĂ© de nombreux individus et groupes Ă  faible revenu. Les personnes et les familles les plus dĂ©favorisĂ©es sont plus susceptibles de vivre dans des habitats oĂč la qualitĂ© de l’air est mauvaise, oĂč les moisissures sont prĂ©sentes et au sein desquels l’espace est insuffisant pour isoler un de ses membres malade. Dans ces conditions de vie, elles subissent de maniĂšre disproportionnĂ©e les effets nĂ©gatifs sur la santĂ© – notamment l’asthme, la dĂ©tresse respiratoire, l’intoxication au monoxyde de carbone, l’hypertension artĂ©rielle, les maladies cardiaques, les troubles de santĂ© mentale et le cancer, entre autres – qui rĂ©sultent de risques environnementaux liĂ©s Ă  l’habitat.

Le maintien Ă  domicile se dĂ©cline aussi diffĂ©remment selon la place occupĂ©e dans la sociĂ©tĂ©. Comme le prĂ©cise le sociologue Antonio CasilliNote bas de page, « pour ceux qui bĂ©nĂ©ficient d’un capital financier qui leur permet d’avoir des biens immobiliers, un jardin, le confinement peut se transformer en une expĂ©rience de retraite, de loisir, de dĂ©connexion. (
) mais il y a des laissĂ©s-pour-compte : les personnes qui font partie des classes populaires et qui sont souvent ceux qui rĂ©alisent le dernier bout de la chaĂźne de production et d’approvisionnement. Ils rĂ©alisent des activitĂ©s qui les mettent dans des situations de proximitĂ© avec les autres – et qui donc prĂ©sentent des risques de contamination plus importants. Ces mĂ©tiers ne s’arrĂȘtent pas avec la quarantaine (
) Par ailleurs et en rĂ©ponse Ă  la crise, le tĂ©lĂ©travail a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© comme la panacĂ©e. Mais cette rhĂ©torique a ses limites. Pour pouvoir tĂ©lĂ©travailler correctement, il faut avoir un chez soi convenable, ce qui impose d’avoir un capital Ă©conomique suffisant. Pour ceux qui vivent dans quelques mĂštres carrĂ©s ou qui ont des situations familiales difficiles, surtout pour les femmes, le tĂ©lĂ©travail peut se transformer en double peine ; en plus de la pĂ©nibilitĂ© et des rythmes de leur propre travail dans des logements qui ne sont pas toujours adaptĂ©s, il y a le travail du suivi des enfants ou des personnes ĂągĂ©es Ă  assurer en mĂȘme temps ». Ce contexte plus spĂ©cifique amplifie le stress profond associĂ© Ă  l’isolement, Ă  l’impuissance Ă  faire face Ă  la complexitĂ© de la situation ». Par ailleurs, une sensibilitĂ© accrue au risque de contamination peut s’expliquer par des facteurs psychosociaux qui altĂšrent la rĂ©ponse immunitaire. Parmi les facteurs plus spĂ©cifiques aux populations dĂ©favorisĂ©es, se retrouvent des niveaux accrus de stress chronique, de tabagisme, d’obĂ©sitĂ© et de carences nutritionnelles, des facteurs de stress liĂ©s au milieu de vie ou de travail. Tous ces facteurs contribuent Ă  un niveau permanent de stress profond qui diminue la capacitĂ© du corps Ă  dĂ©clencher une rĂ©ponse immunitaire efficace, comme le soulignent Segerstrom et al.Note bas de page.

Enfin, de nombreuses personnes et familles Ă  faible revenu restent particuliĂšrement confrontĂ©es Ă  des dĂ©fis importants qui les empĂȘchent de se protĂ©ger efficacement et de protĂ©ger les autres du COVID-19. Beaucoup ne bĂ©nĂ©ficient pas d’un revenu suffisant pour acquĂ©rir le matĂ©riel de protection (gel hydroalcoolique et masques) ni la capacitĂ© de recourir au tĂ©lĂ©travail pour ceux qui ont la chance d’avoir un emploi. D’autres restent Ă  domicile, mais la sĂ©curitĂ© du maintien de leur logement peut ĂȘtre menacĂ©e par le fait qu’ils ont perdu leur emploi ou que leur temps de travail a Ă©tĂ© rĂ©duit en raison de la pandĂ©mie. Être contraints de choisir entre payer la nourriture, les soins de santĂ© ou d’autres biens de premiĂšre nĂ©cessitĂ© et rĂ©gler le loyer entraĂźnera presque toujours une expulsion et le risque de se retrouver dans la rue. L’étude du sansabrisme rĂ©vĂšle que la projection dans cette situation est trĂšs souvent consĂ©cutive Ă  un Ă©vĂšnement de la vie comme une perte d’emploi, une perte de revenus ou une maladie.

Outre ces risques spĂ©cifiques, l’accessibilitĂ© aux services de santĂ© s’avĂšre un Ă©lĂ©ment dĂ©terminant Ă©galement. La prĂ©valence des maladies chroniques non transmissibles est plus importante parmi les populations les plus dĂ©favorisĂ©es et la baisse de frĂ©quentation des services de santĂ© et plus particuliĂšrement le suivi en milieu hospitalier fait craindre une aggravation de l’état de santĂ© des patients concernĂ©s.

Didier Fassin (op.cit.) confirme cette analyse. Pour cet auteur, « la premiĂšre disparitĂ© concerne les milieux socialement dĂ©favorisĂ©s dont les types de logement et les conditions de travail rendent malaisĂ© le respect des consignes de prĂ©vention, dont l’accĂšs au dĂ©pistage s’avĂšre souvent plus difficile et qui doivent plus frĂ©quemment renoncer Ă  des soins. Cette disparitĂ© touche surtout les quartiers populaires, les grands ensembles d’habitat social et les campements plus ou moins licites des gens du voyage. Il s’agit d’inĂ©galitĂ©s auxquelles s’ajoute une double injustice : en se contentant d’incriminer leur comportement, on leur impute le risque plus Ă©levĂ© auquel ils sont exposĂ©s, phĂ©nomĂšne bien connu consistant Ă  blĂąmer les victimes ; et dans le cadre de l’état d’urgence, on les soumet Ă  des mesures de contrĂŽle plus rĂ©pressives que ce n’est le cas pour le reste de la population. »

C. Les facteurs environnementaux

Les diffĂ©rences d’exposition aux risques environnementaux contribuent non seulement Ă  l’injustice environnementale mais aussi aux inĂ©galitĂ©s en matiĂšre de santĂ©. Les chercheurs ont constatĂ© que la pollution atmosphĂ©rique a intensifiĂ© la pandĂ©mie. Ainsi, Yongjian et al.Note bas de page ont montrĂ© qu’il existe une relation statistiquement significative entre la pollution de l’air et l’infection du Covid-19. Une exposition mĂȘme Ă  court terme Ă  de fortes concentrations de particules fines est associĂ©e Ă  un risque accru d’infection au virus. S’il n’existe pas un consensus sur le fait que les particules fines agissent comme mode de transport du virus pour infecter un individu, l’exposition Ă  celles-ci rend ce dernier plus vulnĂ©rable comme hĂŽte, en raison du processus infectieux et inflammatoire qu’elles engendrent. Cette exposition est plus frĂ©quente pour les populations les plus dĂ©favorisĂ©es par la proximitĂ© de leur habitat aux sources de l’émission de cette nuisance.Une Ă©tude de la communautĂ© autonome du Pays basque, en Espagne, rĂ©vĂšle que les quartiers les plus dĂ©favorisĂ©s Ă©conomiquement Ă©taient six fois plus susceptibles d’ĂȘtre proches des industries polluantes que les moins dĂ©favorisĂ©s. Le risque de mortalitĂ© associĂ© Ă  la proximitĂ© d’industries polluantes a tendance Ă  augmenter dans les zones les plus dĂ©favorisĂ©es, ce qui suggĂšre que l’effet combinĂ© de l’exposition environnementale et de la privation Ă©conomique pourrait ĂȘtre plus qu’additif (Cambra et alNote bas de page., 2012, citĂ© par l’OMS, op. cit.).

Certes, l’ampleur des impacts sur la santĂ© causĂ©s par les inĂ©galitĂ©s environnementales reste difficile Ă  quantifier. Elle nĂ©cessite en effet des informations dĂ©taillĂ©es sur des groupes de population spĂ©cifiques, leurs diffĂ©rents niveaux d’exposition aux risques et les rĂ©sultats pour la santĂ©. De plus, des informations sont nĂ©cessaires pour ajuster les facteurs de confusion qui peuvent influencer les relations entre les caractĂ©ristiques personnelles, l’exposition et les rĂ©sultats pour la santĂ©.Fattorini et RegoliNote bas de page reconnaissent que « la pollution atmosphĂ©rique et environnementale doit ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme faisant partie d’une approche intĂ©grĂ©e du dĂ©veloppement durable, de la protection de la santĂ© humaine et de la prĂ©vention des Ă©pidĂ©mies. Cette prise en considĂ©ration doit s’inscrire dans une perspective Ă  long terme et de maniĂšre chronique, car l’adoption d’actions limitĂ©es lors d’une Ă©pidĂ©mie virale, pourrait ĂȘtre d’une utilitĂ© limitĂ©e ».

Comme le souligne l’OMS (op.cit.), « les diffĂ©rences de conditions de vie expliquent 29% des inĂ©galitĂ©s de santĂ© auto-dĂ©clarĂ©es dans les pays de l’Union europĂ©enne (UE) (en tenant compte de l’Ăąge et du sexe). De cet Ă©cart, plus de 70% s’expliquent par des diffĂ©rences dans la qualitĂ© du logement et la prĂ©caritĂ© Ă©nergĂ©tique, mettant en Ă©vidence l’impact de la privation matĂ©rielle sur la santĂ© auto-dĂ©clarĂ©e. 20% de l’Ă©cart est liĂ© au manque d’espaces verts, Ă  des conditions de voisinage peu sĂ»res et Ă  la pollution de l’air, ce qui montre l’influence des privations environnementales ».(Bureau rĂ©gional de l’OMS pour l’Europe, Ă  paraĂźtre).

Une Ă©tude rĂ©alisĂ©e au Royaume-Uni a montrĂ© que l’inĂ©galitĂ© liĂ©e Ă  la privation de revenu dans la mortalitĂ© par maladie cardiovasculaire Ă©tait plus faible parmi les populations qui vivent dans les zones les plus vertes en comparaison Ă  celles qui sont moins exposĂ©es aux espaces verts. Dans les zones les moins vertes, le taux d’incidence Ă©tait 2,2 fois plus Ă©levĂ© dans la population la plus dĂ©favorisĂ©e socialement que dans les zones les moins vertes. Par contre, dans les zones les plus vertes, la population la plus dĂ©munie n’avait que 1,5 fois des taux d’incidence plus Ă©levĂ©s – ce qui suggĂšre un effet protecteur des espaces verts. (Mitchell et PophamNote bas de page, 2008, citĂ© par l’OMS).

Le schĂ©ma suivant synthĂ©tise l’ensemble des dĂ©terminants individuels, sociaux et environnementaux de l’exposition au risque de contamination dans le cadre de l’épidĂ©mie au Covid-19.

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Le modĂšle des « dĂ©terminants sociaux de la santĂ© » est un cadre de rĂ©fĂ©rence bien Ă©tabli dans le domaine de la santĂ© publique. L’idĂ©e principale consiste Ă  mieux comprendre les relations de causalitĂ© entre les facteurs individuels et socioenvironnementaux qui influencent les conditions d’existence d’un individu, d’un groupe social, d’une population et les Ă©tats de santĂ©.

Ce modĂšle gĂ©nĂšre cependant des limites dans son exploitation pour l’action. Le zoom portĂ© sur les facteurs individuels a conduit Ă  une dĂ©rive dans les actions en centrant les stratĂ©gies principalement sur la modification du changement de comportement individuel.

Or, les inĂ©galitĂ©s sociales ne reposent pas uniquement sur une disponibilitĂ© de revenus ou sur la responsabilitĂ© des individus et des familles. Elles sont aussi et surtout la rĂ©sultante de choix politiques qui produisent de l’exclusion, de la discrimination et de la marginalisation de certains groupes sociaux.

Agir sur les inégalités sociales de santé nécessite de questionner les valeurs qui sous-tendent les actions à développer, et principalement les valeurs éthiques qui façonnent notre mode de pensée.

De nouvelles perspectives s’imposent


Olivier De SchutterNote bas de page, professeur de droit Ă  l’UCL et rapporteur aux Nations Unies sur l’extrĂȘme pauvretĂ© et les droits de l’homme, prĂ©cise : « La crise du COVID-19 est un appel urgent Ă  l’action. Si nous faisons les bons choix maintenant, ce sera l’occasion de transformer notre sociĂ©tĂ© en une sociĂ©tĂ© plus inclusive et plus Ă©quitable».

Il ajoute : « conformĂ©ment aux objectifs de dĂ©veloppement durable, nous devons nous Ă©loigner d’un paradigme de dĂ©veloppement qui accorde la prioritĂ© Ă  la croissance Ă©conomique, tout en espĂ©rant Ă©liminer les dommages environnementaux et compenser les impacts sociaux de l’augmentation des inĂ©galitĂ©s par la suite. Le modĂšle de croissance lui-mĂȘme devrait intĂ©grer la durabilitĂ© environnementale et la justice sociale dĂšs le dĂ©part ».

Pour Ă©viter « de se laver les mains » face aux inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ© 
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Boris Cyrulnik neuropsychiatre, ouvre sur une perspective optimiste. « Le chaos est un moment de rĂ©organisation qui permet de prendre une autre direction » dit-il, et il ajoute : « Quand l’Ă©pidĂ©mie sera terminĂ©e, on constatera que l’on aura dĂ©poussiĂ©rĂ© d’anciennes valeurs qui nous serviront Ă  mettre au point une nouvelle maniĂšre de vivre ensemble ».

Or, le risque est grand qu’aux lendemains de la crise, les autoritĂ©s cessent de voir, d’entendre et de parler des conditions de vie inacceptables des plus pauvres, des exclus et des marginalisĂ©s. L’impact Ă©conomique de la lutte Ă  la COVID-19 sera brandi haut et fort pour justifier les compressions budgĂ©taires et la ‘dĂ©solidarisation’ ordinaire. Ces mĂȘmes conditions de vie sont les dĂ©terminants les plus puissants qui produisent, caractĂ©risent et entretiennent les inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ©.

Face Ă  cet enjeu et pour aider les arbitrages auxquels les dĂ©cideurs seront confrontĂ©s Ă  l’issue de cette crise, il importe de dĂ©finir les principales valeurs phares qui doivent servir de cadre de rĂ©fĂ©rence pour appuyer les choix politiques et les prioritĂ©s en santĂ© publique et soutenir la rĂ©flexion citoyenne sur les consĂ©quences de la pandĂ©mie.

Le ComitĂ© d’éthique de santĂ© publique et la Commission de l’éthique en science et en technologie du QuĂ©bec se sont interrogĂ©s sur les valeurs fondamentales pour Ă©laborer un cadre de rĂ©flexion sur les enjeux Ă©thiques liĂ©s Ă  la pandĂ©mie de COVID19Note bas de page.

Parmi les valeurs retenues par ces organisations, se retrouvent la justice, la responsabilité, la non-malfaisance, la solidarité, la confiance, la transparence, le respect de la confidentialité, la proportionnalité et la liberté.

« La justice est gĂ©nĂ©ralement comprise comme l’égalitĂ© de toutes les personnes, chacune ayant un droit d’accĂšs Ă©quivalent aux services sociaux et de santĂ©, par exemple. La justice rĂ©fĂšre Ă©galement Ă  l’équitĂ© selon laquelle les biens fondamentaux doivent ĂȘtre distribuĂ©s de maniĂšre diffĂ©renciĂ©e parmi la population : les personnes ayant de plus grands besoins devraient recevoir une offre de ressources et de services adaptĂ©e Ă  leur situation particuliĂšre. Dans le contexte actuel de la pandĂ©mie, les enjeux d’équitĂ© sont notamment incarnĂ©s dans le traitement des situations de vulnĂ©rabilitĂ© Ă  la COVID-19 et des personnes qu’elles concernent, notamment les personnes ĂągĂ©es ou encore en situation d’itinĂ©rance, pour ne nommer que celles-ci. Certaines iniquitĂ©s socioĂ©conomiques peuvent Ă©galement ĂȘtre exacerbĂ©es en temps de crise, notamment en ce qui a trait aux consĂ©quences des mesures de distanciation imposĂ©es et Ă  l’exposition de certaines catĂ©gories de personnes qui Ɠuvrent dans des services jugĂ©s essentiels.

La non-malfaisance fait rĂ©fĂ©rence Ă  l’idĂ©e que nous devrions, autant que possible, ne pas causer indĂ»ment de torts Ă  autrui. En santĂ© publique, cette valeur se rapporte souvent Ă  la rĂ©duction des consĂ©quences nĂ©gatives des actions dĂ©ployĂ©es pour amĂ©liorer la santĂ© de la population. AppliquĂ©e Ă  la pandĂ©mie de la COVID-19, la valeur de non-malfaisance exige de prendre en compte les consĂ©quences nĂ©gatives Ă©videntes des mesures de distanciation ou d’isolement, lesquelles peuvent causer de l’anxiĂ©tĂ© ou ĂȘtre propices Ă  l’augmentation de la violence familiale, par exemple.

La solidaritĂ© s’appuie sur le fait que le bien-ĂȘtre de chacun est intimement liĂ© Ă  celui des autres et que nous avons tous un rĂŽle Ă  jouer pour favoriser la cohĂ©sion sociale et le bien commun. Ainsi, les actions altruistes sont justifiĂ©es mĂȘme si elles ne comportent pas de bĂ©nĂ©fice immĂ©diat Ă©vident pour la personne qui les pose. En contexte de pandĂ©mie, la solidaritĂ© peut servir d’assise Ă  des actions visant Ă  protĂ©ger les personnes susceptibles d’ĂȘtre plus vulnĂ©rables face Ă  la COVID-19 (ex. : aux prises avec une maladie chronique), comme le respect des consignes Ă  l’effet d’éviter d’entrer inutilement en contact avec ces derniĂšres afin de ne pas les exposer au risque. De mĂȘme, la solidaritĂ© peut s’exprimer Ă  travers des actions civiques pour soutenir les personnes socio-Ă©conomiquement affectĂ©es par les mesures sanitaires mises en place, comme le bĂ©nĂ©volat auprĂšs des banques alimentaires.

La confiance reprĂ©sente le socle sur lequel reposent les relations entre les personnes, mais Ă©galement entre les individus et les organisations, comme entre les citoyens et les instances gouvernementales. La confiance en la science et, plus spĂ©cifiquement, dans l’expertise des autoritĂ©s de santĂ© publique est aussi importante pendant la crise sanitaire, la population devant ĂȘtre disposĂ©e Ă  prendre au sĂ©rieux le discours des autoritĂ©s et Ă  modifier ses habitudes en consĂ©quence. L’évolution rapide de la crise de la COVID-19 et des mesures mises en place pose un dĂ©fi pour les dĂ©cideurs soucieux de maintenir la confiance de toutes les parties prenantes, dont la population. En ces temps troubles, la confiance envers les institutions peut ĂȘtre renforcĂ©e ou mise Ă  mal. DĂšs lors, l’explicitation des mesures prises au jour le jour, mais surtout leur justification, auront une incidence sur la confiance et l’adhĂ©sion aux mesures prĂ©ventives. À ce compte, la transparence permet de renforcer la confiance.

La valeur de transparence porte plus spĂ©cifiquement sur l’information et sa communication. Elle exige que l’information transmise au public concernĂ© soit disponible en temps opportun, facilement comprĂ©hensible et utile. La transparence n’exige donc pas que toute l’information possĂ©dĂ©e par les dĂ©cideurs soit transmise : la diffusion doit ĂȘtre calibrĂ©e en vue de permettre aux destinataires d’en faire un usage averti.

Le respect de la confidentialitĂ© est Ă©galement en jeu. Elle concerne la protection des renseignements personnels ou identificatoires. Dans le cas des personnes atteintes de la COVID-19, la possible divulgation d’informations identificatoires pourrait avoir des consĂ©quences trĂšs importantes pour elles-mĂȘmes et leurs proches, dont la possibilitĂ© d’ĂȘtre stigmatisĂ©es, par exemple, sur la base de leur origine ethnoculturelle ou gĂ©ographique. Dans le contexte actuel, l’utilisation des donnĂ©es de gĂ©olocalisation pourrait Ă©galement avoir des effets pervers.

La proportionnalitĂ© des moyens par rapport aux fins poursuivies est essentielle dans l’évaluation des mesures de santĂ© publique. Les diffĂ©rents risques ou inconvĂ©nients possibles d’une mesure de santĂ© publique ne devraient pas ĂȘtre hors de proportion par rapport Ă  l’ampleur du problĂšme qu’elle participe Ă  rĂ©soudre ou par rapport aux bĂ©nĂ©fices attendus. Plus particuliĂšrement, il s’agit d’éviter que des prĂ©judices importants soient occasionnĂ©s pour rĂ©soudre un problĂšme bĂ©nin (ce qui n’est manifestement pas le cas dans le contexte de la COVID-19), mais, d’autre part, de permettre que des moyens extraordinaires soient pris pour rĂ©soudre un problĂšme d’envergure lorsque de grands bĂ©nĂ©fices pour la santĂ© et le bien-ĂȘtre sont attendus.

La libertĂ© figure Ă©videmment parmi les Ă©lĂ©ments en jeu. Elle consiste en l’expression de la capacitĂ© des personnes Ă  prendre des dĂ©cisions et Ă  agir pour elles-mĂȘmes Ă  l’abri d’influences indues, d’oĂč les diffĂ©rentes libertĂ©s reconnues par les chartes. Des mesures sanitaires contraignantes, telles que l’isolement, reprĂ©sentent des accrocs considĂ©rables Ă  la libertĂ© de mouvement des personnes. Ainsi, la valeur de la libertĂ© se trouvera nĂ©cessairement au centre des arbitrages concernant l’adoption de mesures requĂ©rant des sacrifices de la part des personnes visĂ©es.

La responsabilitĂ© rĂ©fĂšre Ă  l’idĂ©e selon laquelle les personnes qui bĂ©nĂ©ficient d’une capacitĂ© d’autonomie doivent agir en accord avec les valeurs considĂ©rĂ©es comme les plus importantes selon le contexte et les rĂŽles occupĂ©s par celles-ci, en tenant compte des consĂ©quences de leurs actions (ou de leur inaction). Dans le cas de la pandĂ©mie, l’exercice de la responsabilitĂ© invite les membres de la population Ă  respecter les rĂšgles et Ă  adopter les comportements promus par les autoritĂ©s en place, lesquelles assument le difficile rĂŽle de pondĂ©rer leurs actions en fonction de l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral. La lutte contre la pandĂ©mie place aussi des responsabilitĂ©s particuliĂšres sur les Ă©paules des employĂ©s du domaine de la santĂ© et des autres services jugĂ©s essentiels ».

Ces différentes valeurs prennent une portée toute particuliÚre dans le contexte de la gestion de cette épidémie et plus particuliÚrement dans la lutte contre les inégalités sociales qui y sont associées. Elles méritent et exigent une compréhension commune de la part de tous les acteurs et décideurs politiques.

La notion de responsabilitĂ©, souvent Ă©voquĂ©e par les dĂ©cideurs politiques dans l’application des mesures, retient particuliĂšrement l’attention. PrĂ©sentĂ©e sur le plan de l’imputabilitĂ© individuelle, elle risque d’ĂȘtre interprĂ©tĂ©e comme culpabilitĂ© dans son manquement ou son non-respect. Brown et alNote bas de page. prĂ©cisent qu’« une politique fondĂ©e sur la responsabilitĂ© (sous-entendu individuelle) est non seulement incohĂ©rente sur le plan philosophique, mais elle interprĂšte la responsabilitĂ© des gens de maniĂšre injuste et potentiellement nuisible. Par exemple, le marketing social peut encourager l’opinion selon laquelle les gens doivent adopter des modes de vie favorables Ă  la santĂ© : ceux qui adoptent des habitudes saines se comportent «bien» et ceux qui adoptent des habitudes malsaines se comportent «mal».Une telle vision favorise la moralisation et la stigmatisation d’individus ou de groupes particuliers, les associant Ă  une auto-culpabilitĂ©, engendrant Ă  son tour des effets contre-productifs sur la santĂ©.

Toute restriction de l’accĂšs aux soins de santĂ© pour les personnes jugĂ©es responsables de leur maladie en raison de leur comportement, aggrave les inĂ©galitĂ©s de santĂ©. Ce sont en effet gĂ©nĂ©ralement les plus pauvres qui souffrent le plus des maladies non transmissibles liĂ©es au mode de vie.

L’objectif n’est pas de nier l’influence des facteurs de risque comportementaux dans l’apparition des maladies non transmissibles. Par contre, le langage de la responsabilitĂ© individuelle ne peut justifier les politiques prescriptives et moralisatrices pour lutter contre les comportements considĂ©rĂ©s comme « malsains ».

La recherche multidisciplinaire montre que le contrÎle individuel sur le comportement est souvent limité, les facteurs sociaux et environnementaux étant plus influents.

Bourdieu a illustrĂ© cette dĂ©rive comme Ă©tant l’exercice du pouvoir Ă  travers les silences sociaux.Une comprĂ©hension philosophique de la valeur et de la nature de la responsabilitĂ© Ă©claire utilement le rĂŽle limitĂ© de l’imputabilitĂ© individuelle dans le contexte de la promotion de la santĂ©.

Pour une Ă©thique de la co-responsabilité 

1. Entre responsabilité individuelle et responsabilité collective

Dans le cadre de la gestion de la pandĂ©mie et de la rĂ©duction de la transmission du virus de personne Ă  personne, les prioritĂ©s se sont axĂ©es sur les stratĂ©gies de prĂ©vention et de promotion de la santĂ© comportementale. Celles-ci visaient Ă  protĂ©ger les individus de la contamination en persuadant (voire contraignant) les individus de modifier et d’adopter des comportements barriĂšres et Ă  juste titre.

Ces mesures barriÚres se sont traduites par la recommandation du lavage fréquent des mains, du port du masque, du respect de la distanciation physique et du confinement.

Ces recommandations se sont largement inspirĂ©es de la logique implacable inhĂ©rente aux stratĂ©gies de changement de comportement dans le contexte de la rĂ©duction des maladies non transmissibles. Ainsi, si le tabagisme est considĂ©rĂ© comme un choix pour les personnes qui adoptent ce comportement, leur faire savoir de ne pas adopter ce comportement semble logique. De mĂȘme si l’obĂ©sitĂ© est considĂ©rĂ©e comme le fait de trop manger, il paraĂźt Ă©vident de proposer un rĂ©gime alimentaire


Il s’agit d’une logique simple et puissante pour orienter les actions et les politiques basĂ©es sur l’idĂ©ologie de l’individualisme.

Si elles s’avĂšrent efficaces dans le contrĂŽle de l’épidĂ©mie, ces mesures ne doivent pas ĂȘtre confortĂ©es comme modĂšle dominant de la promotion de la santĂ© et faire oublier l’importance d’un autre volet de la responsabilitĂ© qu’est la responsabilitĂ© collective.

De plus, les Ă©tudes ont bien dĂ©montrĂ© que les interventions centrĂ©es sur le changement de comportement des personnes les plus Ă  risques ont trĂšs peu d’impact sur la santĂ© des populations dans le contexte des maladies non transmissibles.

A contrario, d’autres stratĂ©gies se sont avĂ©rĂ©es bien plus efficaces. Ainsi, la rĂ©duction d’une faible proportion de la teneur en sel des aliments manufacturĂ©s a permis une diminution de la tension artĂ©rielle de toute une population. Une telle mesure peut, Ă  terme, rĂ©duire la mortalitĂ© cardiovasculaire au sein de celle-ci. Certes, la cible est diffĂ©rente et il est certainement plus difficile de modifier l’offre alimentaire que de prĂŽner un changement de comportement alimentaire.

Les industries l’ont bien compris. Les multinationales de l’alimentation tirent d’importants bĂ©nĂ©fices des produits manufacturĂ©s riches en matiĂšre grasse, en sel et en sucre. L’augmentation rapide du commerce international de ces derniĂšres dĂ©cennies a ainsi contribuĂ© Ă  uniformiser l’alimentation dans bon nombre de coins du monde, passant de rĂ©gimes locaux plus sains Ă  une consommation plus riche en graisses, en sel et en sucre. L’industrie du tabac adopte la mĂȘme stratĂ©gie en soutenant que le tabagisme reste un choix individuel de comportement, rĂ©duisant l’impact de leur publicitĂ© sur la consommation tabagique pour soutenir les dĂ©cideurs politiques qui privilĂ©gient des stratĂ©gies de changement de comportement, en plaçant le fardeau sur les individus plutĂŽt que sur l’industrie. La responsabilitĂ© collective engage quant Ă  elle, un partage de responsabilitĂ© de plusieurs acteurs face Ă  la production d’une consĂ©quence. Elle se rĂ©fĂšre Ă  des actions adoptĂ©es par de nombreuses personnes agissant en coopĂ©ration afin d’obtenir un effet particulier (par exemple, rĂ©duire les Ă©missions de carbone pour Ă©viter le changement climatique).

Pour reprendre l’exemple de l’industrie du tabac dans la lutte contre le tabagisme, la responsabilitĂ© collective va au-delĂ  de la responsabilitĂ© cumulative des individus fumeurs. La publicitĂ© des cigarettiers, la frilositĂ© des Ă©tats Ă  perdre les taxes liĂ©es Ă  la vente du tabac, ainsi que les stratĂ©gies de marketing qui visent l’initiation tabagique, entretiennent le comportement tabagique dans une sociĂ©tĂ© donnĂ©e.

Dans le cadre de la gestion de la crise du coronavirus, un exemple illustre bien cette dualitĂ© entre les niveaux de responsabilitĂ© : l’obligation du port du masque dans les transports en commun est imposĂ©e pour tous les utilisateurs alors que l’Etat est dans l’impossibilitĂ© d’offrir Ă  chacun le masque promis. La sanction du non-respect du port du masque incombe Ă  l’individu alors que la responsabilitĂ© de l’absence du masque incombe Ă  l’Etat.

2. Entre responsabilité morale et responsabilité causale

FriesenNote bas de page apporte un Ă©clairage intĂ©ressant en dissociant deux formes de responsabilitĂ©. Pour cet auteur, les philosophes font la distinction entre la responsabilitĂ© « causale » et la responsabilitĂ© «morale», se rapportant respectivement aux rĂŽles causal et moral d’un acteur dans la production des consĂ©quences. Étant donnĂ© que la moralitĂ© est un concept qui est spĂ©cifique aux humains, les agents non humains (animaux, conditions climatiques, mĂ©tĂ©o,…) peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s responsables sur le plan de la causalitĂ© mais pas moralement responsables.

Deux conditions sont d’ailleurs nĂ©cessaires pour engager la responsabilitĂ© morale d’un individu. La premiĂšre nĂ©cessite que l’agent ait pu prĂ©voir les consĂ©quences probables de ses actes. La seconde requiert que l’agent ait pu exercer totalement le contrĂŽle de ses actions.La personne intoxiquĂ©e aux particules fines n’a pas pu prĂ©voir le moment de son intoxication, ni la contrĂŽler. Elle ne remplit donc aucune condition de responsabilitĂ© morale. Une personne qui adopte un comportement sous la contrainte remplit probablement la condition d’anticipation des consĂ©quences, bien que son contrĂŽle sur son comportement ait Ă©tĂ© compromis. Une distinction est donc Ă  effectuer entre le caractĂšre attribuable et le caractĂšre responsable d’un comportement.

3. Entre responsabilité diachronique et responsabilité dyadique

La responsabilité est une caractéristique courante des sociétés humaines. Les pratiques de responsabilité régissent les relations personnelles, maintiennent la justice pénale, encouragent le travail productif et découragent les comportements antisociaux.

Dans le secteur de la santĂ©, faire en sorte que les gens supportent, mĂȘme implicitement, les coĂ»ts directs associĂ©s Ă  leur comportement en les considĂ©rant responsables, encourage collectivement l’adoption de comportements prĂ©ventifs et favorables au maintien de la santĂ©.

Pour Brown et SavulescuNote bas de page , « le discours politique sur la santĂ© s’est mĂȘme appropriĂ© cette notion de responsabilitĂ© dans un souci d’autonomisation des patients et de nĂ©cessitĂ© de respecter les choix individuels ».

Une telle vision suppose que les individus soient moralement responsables de leurs actes et en consĂ©quence, des prĂ©judices qu’ils engendrent pour leur santĂ©. Cette vision occulte le fait que la santĂ© d’un individu s’inscrit dans une dynamique de comportements acquis et reproduits au fil du temps et qu’elle est fortement influencĂ©e par les comportements et les dĂ©cisions d’autres personnes.

Il est particuliĂšrement important de considĂ©rer les aspects diachroniques et dyadiques de la responsabilitĂ© (termes utilisĂ©s pour reconnaĂźtre la dynamique temporelle et l’influence d’autres personnes).

Attribuer la responsabilitĂ© individuelle sur les habitudes de santĂ© et sur leurs consĂ©quences prĂ©suppose que les personnes possĂšdent un rĂ©el contrĂŽle sur leurs comportements et sur les rĂ©sultats attendus. Or, ce contrĂŽle, s’il est nĂ©cessaire, ne peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme suffisant pour garantir ces rĂ©sultats. Ainsi, l’influence des conditions environnementales dans les consĂ©quences sur la santĂ© Ă©chappe (au moins en partie) au contrĂŽle des individus.

MalgrĂ© ces prĂ©cisions, l’intĂ©gration de la responsabilisation individuelle reste prĂ©sente dans le champ de la santĂ© en raison de son efficacitĂ© attendue et ce pour deux raisons principales.

  • PremiĂšrement, par le fait que les pratiques de responsabilitĂ© opĂšrent dans de nombreux domaines de la vie, il peut sembler Ă©vident qu’elles fonctionnent Ă©galement dans le contexte des soins de santĂ©.
  • DeuxiĂšmement, identifier les individus comme responsables de leurs choix est une pratique trĂšs intuitive. La dĂ©signation de la responsabilitĂ© est souvent implicite dans le raisonnement social.
  • Enfin, engager la responsabilitĂ© individuelle est justifiĂ© par l’ambition d’atteindre une certaine efficacitĂ© en prescrivant le comportement des individus de maniĂšre Ă  ce que la sociĂ©tĂ© en profite. Si l’adhĂ©sion des personnes s’avĂšre efficace, cela permet alors aux systĂšmes de santĂ© d’Ă©conomiser de l’argent tout en amĂ©liorant la santĂ© de la population. Nonobstant le fait que certaines personnes ont besoin d’un cadre contraignant pour modifier leur comportement, d’autres ne sont tout simplement pas en possession des conditions nĂ©cessaires pour l’adopter et le maintenir.

Une telle vision s’avĂšre Ă  l’origine d’une nouvelle dĂ©rive : pĂ©naliser l’individu qui n’adhĂšre pas au comportement prescrit, sans mĂȘme chercher Ă  comprendre si ses conditions de vie lui permettent d’assumer cette observance.

Toujours est-il que la notion de responsabilitĂ© reste tacitement incorporĂ©e dans les politiques de promotion de la santĂ© et joue un rĂŽle explicite. Ce serait tout socialement absurde d’affirmer que les individus ne sont pas « responsables » des comportements habituels et rĂ©guliers qu’ils adoptent de maniĂšre rĂ©pĂ©titive sur de longues pĂ©riodes.

L’attribution de la responsabilitĂ© va au-delĂ  de la nĂ©cessitĂ© d’Ă©viter des politiques qui punissent ou blĂąment les auteurs. Elle exige que les effets des politiques ne comportent pas de dĂ©savantage injuste Ă  l’égard de certains individus ou de certains groupes.

S’il est possible de comprendre comment les personnes peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©es responsables de leur comportement en matiĂšre de santĂ© via l’attribution, il est plus difficile de prĂ©tendre qu’elles sont Ă©galement responsables de leurs consĂ©quences.

La notion de prĂ©caution, proposĂ©e par Brown et al.Note bas de page ,s’avĂšre Ă  ce titre plus pertinente que la notion de responsabilitĂ©. La prĂ©caution pourrait se concevoir par la façon dont les individus ou les groupes dĂ©veloppent des efforts pour adopter les comportements susceptibles de s’harmoniser avec leur propre intĂ©rĂȘt pour leur bien-ĂȘtre. Certes, cet intĂ©rĂȘt est dĂ©terminĂ© pour chacun par des aspirations diffĂ©rentes mais la prĂ©occupation du maintien de la santĂ© reste importante pour tout un chacun. Si les possibilitĂ©s de modifier le comportement sont limitĂ©es pour certains, il peut ĂȘtre prudent pour eux d’essayer de le faire, sans les rendre responsables d’un Ă©chec.

Le rĂŽle de la promotion de la santĂ© s’avĂšre primordial pour soutenir l’adoption d’un comportement dit de prĂ©caution, tout en reconnaissant le contrĂŽle limitĂ© que les individus peuvent exercer sur leur santĂ©. La promotion de la santĂ© s’oriente alors vers la construction d’environnements favorables plutĂŽt que de se concentrer sur l’évitement de comportements considĂ©rĂ©s comme Ă  risques.


 afin de maintenir une distanciation 


Comme le soulignent MĂ©lanie Villeval et Lucie PelosseNote bas de page , « au-delĂ  de la rĂ©ponse Ă  l’urgence, cette situation exceptionnelle que nous offre cette crise politique donne l’occasion aux acteurs de la promotion de la santĂ© de rĂ©affirmer l’ancrage politique de celle-ci. En effet, la promotion de la santĂ© n’est pas qu’un simple empilement de mĂ©thodes et de dĂ©marches. Elle porte des valeurs et un projet de sociĂ©tĂ© fondĂ©s sur la justice sociale ».

Un certain nombre de risques sont cependant Ă  Ă©viter ou Ă  maintenir Ă  distance.

Sur le plan politique, la Belgique, en rĂ©ponse Ă  la menace du virus constituant un danger pour l’ensemble de la population, a octroyĂ© des pouvoirs spĂ©ciaux au gouvernement. Un Ă©tat de nĂ©cessitĂ© justifie un Ă©tat d’urgence. Les mesures prises ont portĂ© sur la limitation de la libertĂ© individuelle comme la libertĂ© de circulation, la libertĂ© de rĂ©union, la libertĂ© de travailler pour certains.

Hors contexte de crise sanitaire, ces limitations seraient perçues comme une atteinte aux droits fondamentaux. A situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle.

En situation d’urgence, la sĂ©curitĂ© sanitaire devient une question de sĂ©curitĂ© publique sur le plan national. La surveillance en devient un outil de premiĂšre nĂ©cessitĂ© en cas de risque de contamination de personne Ă  personne. Comme le souligne Olivier NayNote bas de page, « face Ă  une menace imminente, les gouvernements n’hĂ©sitent pas Ă  utiliser les derniĂšres technologies de surveillance de masse. La Chine utilise des drones, des camĂ©ras de reconnaissance faciale et la technologie du code Quick Response pour surveiller oĂč se trouvent ses citoyens. La nĂ©cessitĂ© de surveillance peut justifier une logique d’intrusion oĂč tout le monde peut ĂȘtre regardĂ©, suivi et accompagnĂ© dans chacun de ses dĂ©placements ».

Si ces mesures sont justifiĂ©es et mĂȘme socialement admises, elles comportent plusieurs risques :

  • Le premier risque est que certaines mesures exceptionnelles adoptĂ©es dans le contexte d’une urgence s’intĂšgrent dĂ©finitivement dans le champ d’application de la lĂ©gislation ordinaire sous prĂ©texte qu’une menace sanitaire gĂ©nĂ©ralisĂ©e pourrait refaire surface Ă  tout moment ;
  • Le deuxiĂšme risque est que les gouvernements profitent de l’effet majeur de la crise pour administrer une stratĂ©gie dite de choc, visant Ă  renforcer la politique de surveillance par l’adoption de rĂ©formes qui seraient jugĂ©es inacceptables dans un contexte hors crise. De nombreux gouvernements pourraient tirer parti des technologies de suivi, de l’intelligence artificielle et de la robotique pour Ă©tendre la surveillance invasive. A titre d’exemple, la localisation des chĂŽmeurs par la gĂ©olocalisation pour lutter contre le travail en noir ou la gĂ©olocalisation de certaines personnes pour des domiciliations fictives ;
  • Le troisiĂšme risque est d’exploiter la peur qui est reconnue pour changer la valeur que les citoyens accordent Ă  la libertĂ©. L’aspiration Ă  la sĂ©curitĂ© peut rapidement Ă©roder le dĂ©sir de libertĂ©. Cette aspiration peut conduire des individus Ă  prĂ©fĂ©rer l’autoritĂ© Ă  l’Ă©thique de la construction dĂ©mocratique. En matiĂšre de santĂ©, l’adoption des technologies de suivi (traçage) sont reconnues comme efficaces pour amĂ©liorer la recherche en santĂ© (Ă©pidĂ©miologie), anticiper les menaces pour la santĂ© (contamination), diminuer les comportements individuels Ă  risque et le suivi thĂ©rapeutique des patients ;
  • Enfin, personne ne peut ignorer le risque que la collecte en masse de donnĂ©es transforme la surveillance des problĂšmes de santĂ© en surveillance des individus, avec toute une gamme d’informations possibles sur les modes de vie, les choix personnels et territoriaux, les relations sociales. Dans les pays autoritaires, une telle situation peut conduire Ă  la stigmatisation des minoritĂ©s sociales. Il n’y a aucune raison de considĂ©rer que les dĂ©mocraties sont Ă  l’abri de ce risque.

Face Ă  ces risques, les politiques nationales doivent adopter des rĂšgles adĂ©quates pour garantir que les politiques de surveillance et de suivi de la santĂ© seront strictement prescrites par la loi, proportionnĂ©es aux besoins de santĂ© publique, effectuĂ©es de maniĂšre transparente, contrĂŽlĂ©es par des autoritĂ©s de rĂ©gulation indĂ©pendantes, soumises Ă  une rĂ©flexion Ă©thique constante, non discriminatoires et respectueuses des droits fondamentaux. Les actions spĂ©cifiques centrĂ©es sur les facteurs de risque doivent ĂȘtre Ă©tayĂ©es par des mesures qui s’attaquent aux causes profondes des inĂ©galitĂ©s sociales. Parmi celles-ci, des stratĂ©gies Ă  large spectre pour rĂ©duire le dĂ©savantage socioĂ©conomique et introduire des mĂ©canismes de redistribution dans l’Ă©ducation, le logement, l’emploi et le revenu et la richesse. Ces stratĂ©gies peuvent ĂȘtre complĂ©tĂ©es par des interventions ciblĂ©es pour lutter contre les facteurs structurels proximaux qui affectent de maniĂšre disproportionnĂ©e les groupes dĂ©favorisĂ©s comme la vente abusive d’alcool Ă  trĂšs bas prix dans certaines chaines de distribution. Enfin, des stratĂ©gies de dĂ©veloppement communautaire doivent ĂȘtre privilĂ©giĂ©es et soutenues dans les zones dĂ©favorisĂ©es pour attĂ©nuer les effets de l’exposition aux dĂ©terminants sociaux de la santĂ© et renforcer les capacitĂ©s locales de bien-ĂȘtre.

DĂ©jĂ  en 2001, Navaro et al. avaient montrĂ© que les politiques de redistribution sociale et Ă©conomique ainsi que les politiques de plein emploi avaient conduit Ă  des gains de santĂ© majeurs au sein de toute la population. Une telle perspective implique un changement d’orientation politique.Comme le rappelle le service de lutte contre la pauvretĂ©Note bas de page, « chaque acteur politique et sociĂ©tal se doit de se poser la question et de s’interroger explicitement sur l’impact des mesures COVID-19 pour les personnes en situation de pauvretĂ© et de prĂ©caritĂ©. Et ce Ă  tous les niveaux de compĂ©tence et au sein de tous les domaines sociĂ©taux ».

Ce service poursuit en prĂ©cisant que chacun de ces acteurs « doit Ă©galement se demander comment faire en sorte que ces personnes ne soient pas laissĂ©es Ă  leur sort et comment elles pourraient ĂȘtre soutenues de maniĂšre supplĂ©mentaire ».

De nombreuses initiatives Ă©manant d’associations de terrain ou de personnes privĂ©es se sont multipliĂ©es en cette pĂ©riode de crise. Leur engagement ne peut ĂȘtre que soulignĂ© et encouragĂ© mais il ne doit pas se substituer au devoir politique de protĂ©ger les plus faibles. Ceci est d’autant plus vrai que ces initiatives ne pourront se perpĂ©tuer dans le temps et devenir pĂ©renne que si elles bĂ©nĂ©ficient d’un soutien financier ou d’un relai par les pouvoirs publics.

Le service de lutte souligne notamment la nécessité de soutenir :

  • L’aide d’urgence, comme l’accueil des personnes sans-abri ou sans-chez-soi, l’aide alimentaire ;
  • La fourniture d’eau et d’énergie ;
  • L’octroi et le maintien de droits (du revenu d’intĂ©gration, par exemple) ;
  • Le maintien du contact avec les personnes vivant dans une situation difficile ;
  • Les stratĂ©gies de communication Ă  destination de tous les citoyens ;
  • La prise d’initiatives dans le cadre de l’enseignement pour apporter un soutien supplĂ©mentaire aux enfants et aux jeunes des familles vulnĂ©rables dans leur accĂšs Ă  l’utilisation des canaux d’Ă©ducation numĂ©riques.

A ces prioritĂ©s s’ajoutent le besoin d’initiatives de promotion de santĂ© mentale Ă  destination des plus vulnĂ©rables dans la gestion de l’aprĂšs-crise. Plusieurs mesures barriĂšres comme le confinement ou la distanciation physique entraĂźneront des consĂ©quences sur la santĂ© mentale et le bien-ĂȘtre Ă  court et Ă  long terme. Ces consĂ©quences sont suffisamment importantes pour que des efforts immĂ©diats axĂ©s sur la prĂ©vention et l’intervention directe soient nĂ©cessaires pour faire face Ă  l’impact de l’Ă©pidĂ©mie sur la santĂ© mentale des individus et de la population. Mobiliser et dĂ©velopper les capacitĂ©s de rĂ©silience ne s’improvise pas…

Par ailleurs, l’angoisse et l’anxiĂ©tĂ© peuvent exacerber des sentiments d’incertitude face Ă  l’avenir. La perspective d’une crise Ă©conomique consĂ©cutive Ă  la crise sanitaire fait craindre la perte d’emploi, surtout pour les emplois les plus incertains comme les intĂ©rimaires, les travailleurs Ă  temps partiel ainsi que les emplois Ă  statut prĂ©caire. Or, ces emplois sont souvent occupĂ©s par des personnes en situation de vulnĂ©rabilitĂ©.

Il y aura un « aprĂšs » Ă  la pandĂ©mie, un temps du retour critique, notamment en termes de bĂ©nĂ©fices et d’inconvĂ©nients pour la population, pour certains de ses sousgroupes, ainsi que pour l’organisation des services.

Certes, un contexte de crise est propice Ă  un tel changement.Marmot (2012) nous rappelle cependant que l’argument Ă©conomique en temps de crise Ă©conomique conduit toujours Ă  un recentrage de la croissance Ă©conomique sans prendre en considĂ©ration le bien-ĂȘtre de la population comme critĂšre d’évaluation.

Les preuves et les arguments liĂ©s Ă  la limite de la croissance Ă©conomique, au dĂ©veloppement durable et au changement climatique (dont l’ignorance est impliquĂ©e dans l’apparition des crises sanitaires et particuliĂšrement celle que nous connaissons) doivent ĂȘtre intĂ©grĂ©s dans la façon dont notre sociĂ©tĂ© dĂ©finira les perspectives de son dĂ©veloppement Ă  long terme.

C’est prĂ©cisĂ©ment parce qu’une revisite rĂ©trospective des arbitrages de valeurs effectuĂ©s dans l’urgence de la pandĂ©mie, que les acteurs de la promotion de la santĂ© doivent ĂȘtre associĂ©s de prĂšs au nĂ©cessaire processus d’évaluation qui sera mis en place. Un processus auquel les citoyennes et les citoyens devraient Ă©galement ĂȘtre conviĂ©s, Ă  titre de principale « partie prenante » aux difficiles expĂ©riences d’action collective que constituent les pandĂ©mies.

La FĂ©dĂ©ration Nationale d’Education et de Promotion de la SantĂ©Note bas de page en France, dans sa tribune du 5 mai 2020 prĂ©cise : « il est dĂ©sormais incontestable que la crise sanitaire et les mesures prises pour y remĂ©dier (en particulier le confinement) Ă©taient essentielles, mais rĂ©vĂšlent et accroissent les inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ©. Les moyens de rĂ©duire le gradient social de santĂ© sont connus : le dĂ©veloppement de la capacitĂ© d’agir (connaissances, attitudes, aptitudes, motivation) des personnes et des groupes, le renforcement de la cohĂ©sion sociale et de la solidaritĂ© en amenant les acteurs communautaires (Ă©lus, professionnels, dĂ©cideurs institutionnels et habitants) Ă  porter des initiatives collectives, l’amĂ©lioration des conditions de vie et de travail et l’optimisation de l’accĂšs aux biens et services essentiels (Ă©ducation, alimentation, logement, aide sociale, soins,…).

Pour ne pas rester confinĂ©(e) sous l’emprise de la crise


Cette synthĂšse de littĂ©rature a permis de mettre en Ă©vidence que le comportement de santĂ© est fortement influencĂ© par les paramĂštres environnementaux, socioĂ©conomiques et culturels des personnes. Ainsi, les facteurs de risques associĂ©s Ă  une Ă©pidĂ©mie sont plus rĂ©pandus parmi les personnes les plus socialement et Ă©conomiquement dĂ©favorisĂ©es. Par ailleurs, ce sont ces mĂȘmes personnes qui bĂ©nĂ©ficient de moins de ressources pour y faire face.

Face Ă  ce dilemme et pour limiter les consĂ©quences de la crise sanitaire et socioĂ©conomique, la santĂ© publique se doit d’innover sur de nouvelles stratĂ©gies pour s’attaquer aux dĂ©terminants sociaux qui sont susceptibles d’agir sur la rĂ©duction des inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ©.

Dans un document rĂ©digĂ© en 2020, Farbermarn et al.Note bas de page recommandent que les Ă©tats investissent dans des politiques qui ont une rĂ©elle capacitĂ© d’agir sur les dĂ©terminants sociaux de la santĂ©. Pour ces auteurs, il est temps de « donner aux communautĂ©s les moyens d’amĂ©liorer l’Ă©quitĂ© et la rĂ©silience avant, pendant et aprĂšs un Ă©vĂ©nement. Les pouvoirs politiques doivent veiller Ă  ce que les subventions atteignent le niveau local et les communautĂ©s qui en ont le plus besoin. Ce financement ainsi que l’assistance logistique et mĂ©thodologique doivent se concentrer sur le renforcement des capacitĂ©s des organisations communautaires, en offrant aux dirigeants communautaires la possibilitĂ© de participer pleinement aux activitĂ©s de planification, en permettant aux organisations d’associer et d’engager des membres de la communautĂ© afin que les plans d’urgence reflĂštent mieux les besoins de la communautĂ© et en veillant Ă  ce que la collecte de donnĂ©es reflĂšte les dĂ©terminants sociaux et les facteurs dĂ©mographiques et que les donnĂ©es soient disponibles pour toutes les communautĂ©s ».

Alors que la pandĂ©mie prĂ©sente une Ă©volution qui semble favorable Ă  l’heure ou se termine la rĂ©daction de cette synthĂšse, il est probable que des inĂ©galitĂ©s de santĂ© vont s’amplifier par la crise Ă©conomique qu’elle a induite. Les dĂ©cideurs politiques et les responsables de la santĂ© doivent commencer Ă  planifier dĂšs maintenant leurs prioritĂ©s et leurs actions pour attĂ©nuer l’impact disproportionnĂ© du Covid-19 sur les populations les plus vulnĂ©rables.

Pour que les systĂšmes de santĂ© planifient des stratĂ©gies de rĂ©tablissement de la crise du Covid-19, il est essentiel qu’une Ă©valuation de l’impact de cette crise sur l’Ă©galitĂ© soit un principe central de chaque politique pour garantir la rĂ©duction des inĂ©galitĂ©s en matiĂšre de santĂ©. Autrement dit, si nous voulons vraiment lutter contre les inĂ©galitĂ©s en matiĂšre de santĂ©, nous ne devons pas perdre l’opportunitĂ© de tirer les enseignements que cette crise nous a rĂ©vĂ©lĂ©s.Un changement s’impose dans notre façon de vivre et dans la maniĂšre de nous reprĂ©senter le monde qui nous entoure et son avenir. Leonore Manderson and Susan LevineNote bas de page prĂ©cisent que « le dĂ©sir nĂ©olibĂ©ral de continuer Ă  vivre comme avant, quel que soit le risque, est Ă©troitement liĂ© au privilĂšge des personnes les plus favorisĂ©es ». Il est impĂ©ratif de construire un autre modĂšle. L’anthropologue Nikiwe Solomon a prĂ©cisĂ© que ce virus nous oblige Ă  agir de maniĂšre contre-intuitive (15 mars 2020). Il est important de noter que la nĂ©cessitĂ© d’une action contre-intuitive ne concerne pas seulement l’autoprotection mais surtout la protection de ceux dont le systĂšme immunitaire et les systĂšmes de soutien social sont compromis par les inĂ©galitĂ©s.

Comme le rappelle le FNES (op.cit.), « d’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, les politiques visant Ă  attĂ©nuer les effets de la stratification sociale sur la santĂ© (justice fiscale, lutte contre les inĂ©galitĂ©s scolaires
), les politiques visant Ă  rĂ©duire l’exposition des populations vulnĂ©rables Ă  des conditions de vie dĂ©lĂ©tĂšres (amĂ©lioration de l’habitat et du cadre de vie, urbanisme favorable Ă  la santé ), les politiques visant Ă  rĂ©duire la vulnĂ©rabilitĂ© des groupes dĂ©favorisĂ©s (accompagnement psychologique et social, soutien Ă  la parentalité ) et les politiques rĂ©duisant les consĂ©quences sociales et Ă©conomiques de la maladie (accĂšs aux soins primaires, complĂ©mentaires santé ) crĂ©ent un contexte gĂ©nĂ©ral soutenant et renforcent la capacitĂ© de la population Ă  amortir le choc de la pandĂ©mie ».Une lueur d’espoir : le Service Public fĂ©dĂ©ralNote bas de page dans sa note COVID-19 et transition durable prĂ©cise : « la rĂ©action gĂ©nĂ©ralement positive et le sens des responsabilitĂ©s des citoyens et des acteurs politiques face Ă  ces mesures sans prĂ©cĂ©dent, la multiplication des diverses initiatives citoyennes et la solidaritĂ© ainsi manifestĂ©e montrent qu’il peut y avoir un large soutien du public Ă  des mesures de grande envergure dĂšs lors qu’il existe un consensus sur leur nĂ©cessitĂ©. Il est important que ce soutien perdure pour soutenir la politique de relance et relever nos dĂ©fis environnementaux, sociaux et de santĂ©. Il est donc essentiel d’Ă©tablir un dialogue sociĂ©tal large et approfondi afin d’impliquer les citoyens et tous les acteurs de la sociĂ©tĂ© civile dans toutes les phases des politiques de redressement et de transition et de continuer Ă  communiquer de maniĂšre transparente sur ces politiques ».

Observatoire de la Santé du Hainaut

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Courriel :

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Etude Uclouvain – CommuniquĂ© de presse (juin 2020)En parallĂšle des efforts pour soigner et sauver des malades du Covid-19, les soignant·es se sont alarmé·es de la diminution significative de la frĂ©quentation des services de santĂ©, et des annulations de rendez-vous mĂ©dicaux durant le confinement. L’UCLouvain (Sandy Tubeuf et Dominique Vanpee), en collaboration avec la KU Leuven (Jeroen Luyten), a donc lancĂ© une Ă©tude pour connaĂźtre les raisons de ce renoncement aux soinsNote bas de page. 1 963 personnes ont rĂ©pondu Ă  l’enquĂȘte (Ăąge moyen 48 ans), majoritairement des femmes (74,2%), dĂ©tentrices d’un diplĂŽme de l’enseignement supĂ©rieur (80,3%). 1 rĂ©pondant·e sur 4 dĂ©clare une baisse de revenu depuis le dĂ©but du confinement.2 personnes sur 3 se dĂ©clarent en bonne (ou trĂšs bonne) santĂ© (62,4%) avant le confinement et consultaient des mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes et spĂ©cialistes rĂ©guliĂšrement au cours des 12 derniers mois (1 Ă  3 X/an). 1 personne sur 2 dĂ©clare avoir au moins un problĂšme de santĂ© chronique et 35,5% des personnes dĂ©clarent ĂȘtre limitĂ©es dans les activitĂ©s du quotidien depuis au moins six mois.

Les rĂ©sultats de l’enquĂȘte UCLouvain ?

  • 1 personne sur 2 affirme avoir renoncĂ© Ă  des soins de spĂ©cialistes, pour des rendezvous prĂ©vus avant le confinement, suite Ă  la pandĂ©mie. 1 personne sur 5 a renoncĂ© Ă  plusieurs rendez-vous
  • 38,7% ont renoncĂ© Ă  des soins dentaires, 33,6% Ă  des soins paramĂ©dicaux (kinĂ©sithĂ©rapie, logopĂ©die, pĂ©dicure, etc.) et 19 % Ă  des visites chez le gĂ©nĂ©raliste
  • 9 personnes sur 10 (87,5%) n’ont pas pu faire un examen mĂ©dical (prise de sang, test de dĂ©pistage, imagerie mĂ©dicale) qui avait Ă©tĂ© prĂ©vu avant le confinement

Les raisons invoquĂ©es ? Rendez-vous annulĂ©s ou cabinets fermĂ©s. Mais aussi, la peur d’attraper le coronavirus en allant se faire soigner (10,2%).Autre constat : 38,6% rapportent avoir eu au moins un nouveau problĂšme de santĂ© pour lequel ils et elles n’ont pas consultĂ© alors que cela aurait Ă©tĂ© leur rĂ©flexe en temps normal. La raison ? Les rĂ©pondants ont prĂ©fĂ©rĂ© attendre de voir s’ils et elles allaient mieux. Ou, le mĂ©decin leur a demandĂ© de ne pas venir.

L’impact pour le futur ?

  • 15,8% des rĂ©pondants pensent que le renoncement aux soins durant le confinement a dĂ©tĂ©riorĂ© leur Ă©tat de santĂ© « assez fortement » ou « trĂšs fortement » et parmi les personnes avec une maladie chronique cette proportion passe Ă  22.8% soit plus d’une personne sur cinq
  • Un problĂšme de santĂ© dans les semaines Ă  venir ? 34,8% consulteraient un·e mĂ©decin, mais 48,9% ne consulteraient que s’ils jugent le problĂšme de santĂ© sĂ©vĂšre et 10,1% ne consulteraient que par tĂ©lĂ©phone. Les 6.2% restant ne consulteraient pas du tout.

ConcrĂštement, l’étude UCLouvain indique qu’il y a une crainte de la population Ă  ĂȘtre contaminĂ© en allant se faire soigner et que le renoncement Ă  des consultations mĂ©dicales et paramĂ©dicales dans le futur risque de perdurer. De plus, les professionnel·les de la santĂ© vont voir venir en consultation des personnes avec un Ă©tat de santĂ© dĂ©gradĂ© du fait de la crise sanitaire.Alors que les rĂ©pondants Ă  l’enquĂȘte sont majoritairement des femmes actives, trĂšs Ă©duquĂ©es, plutĂŽt en bonne santĂ© avant le confinement, les scientifiques UCLouvain observent un fort renoncement Ă  diffĂ©rents types de soins mĂ©dicaux durant le confinement et prĂšs d’1 personne sur 5 indique que son Ă©tat de santĂ© s’est dĂ©tĂ©riorĂ© du fait du renoncement ou du report de soins durant le confinement. Donc, si les rĂ©pondants Ă©taient plus reprĂ©sentatifs de la population gĂ©nĂ©rale en Belgique, le non-recours et ses consĂ©quences seraient susceptibles d’ĂȘtre encore plus importants.

L’enquĂȘte se poursuit jusqu’à la fin du mois de juin: https://uclouvainph.qualtrics.com/jfe/form/SV_8D3WX8lH34Lf6LP

Le concept de renoncement aux soins vise Ă  identifier des besoins de soins non satisfaits, c’est-Ă -dire non reçus alors que le patient en ressentait la nĂ©cessitĂ©. Des travaux antĂ©rieurs sur le renoncement aux soins pour raisons financiĂšres montrent que le renoncement a un effet dĂ©lĂ©tĂšre sur l’état de santĂ© futur.

Linda Binette, chercheureNote bas de page indĂ©pendante quĂ©bĂ©coiseNote bas de page en sciences de l’éducation, en santĂ© environnementale et en sciences de l’information nous propose de revenir dans cet article sur le rĂŽle de l’information relative Ă  la santĂ©, la gestion de la connaissance et la formation tant pour les professionnels de santĂ© que les bĂ©nĂ©ficiaires. Elle met en avant le rĂŽle Ă©mergeant de l’« informationniste » en santĂ© – apparu principalement dans le monde anglo-saxon et au QuĂ©bec-et nous partage quelques considĂ©rations sur les bienfaits de la lecture et de la bibliothĂ©rapie. [fin]

Le rĂŽle de l’information et de la lecture quant Ă  la santĂ©

Informationniste en santĂ©, Ă©mergence d’une nouvelle fonction

Depuis toujours, les centres de documentation dans le domaine de la santĂ© et les bibliothĂšques mĂ©dicales jouent un rĂŽle important pour vĂ©hiculer l’information vers les praticiens de la santĂ©, mais aussi des bĂ©nĂ©ficiaires du systĂšme de santĂ©, dans une dĂ©marche d’éducation Ă  la santĂ©. Par exemple, durant les annĂ©es 2000, dans certains milieux de la santĂ© aux États-Unis et en Grande-Bretagne, considĂ©rant les enjeux prĂ©sentĂ©s par les sciences de l’information, la fonction de bibliothĂ©caire mĂ©dical traditionnel a Ă©tĂ© complexifiĂ©e et enrichie en un rĂŽle un peu Ă©largi, dĂ©nommĂ© « Informationniste » (Hill, 2008).IdĂ©alement, « l’informationniste » devrait possĂ©der des connaissances en sciences de l’information, en informatique documentaire, tout en ayant certaines connaissances liĂ©es au domaine mĂ©dical (Brown, 2004). Par ailleurs, il faut ajouter Ă  cela une connaissance du monde numĂ©rique (revues en ligne, bases de donnĂ©es 
) qui est maintenant omniprĂ©sent dans les divers milieux reliĂ©s Ă  la santĂ©.Au QuĂ©bec, lorsque cette fonction s’est progressivement implantĂ©e, on a voulu qu’elle soit Ă©volutive et qu’il soit possible de l’ajuster selon les milieux, les circonstances et les ressources disponibles. Il Ă©tait souhaitable que l’informationniste puisse intervenir dans diffĂ©rents groupes – groupes de pratique, groupes cliniques, communautĂ©s de pratique interdisciplinaires – en repĂ©rant les meilleures sources d’information qui orienteront et serviront d’assises aux pratiques, et aideront Ă  bĂątir des outils de formation. Les Ă©quipes cliniques de soins sont souvent trĂšs occupĂ©es Ă  prodiguer les soins. Le fait de pouvoir compter sur des personnes capables de rechercher l’information la plus exhaustive et rigoureuse qui soit constitue donc un atout majeur.

Des besoins en recherche, formation et gestion des connaissances

Parmi les besoins rencontrés dans le secteur de la santé, on peut citer :

  • La recherche servie par des services documentaires de qualitĂ©
  • La formation continue
  • La gestion des connaissances et de l’information

En effet, une culture de la connaissance, de l’apprentissage ou de la formation continue est Ă  instaurer de plus en plus dans les centres de documentation et bibliothĂšques de la santĂ© (Robinson et al. 2005).Les aptitudes Ă  donner des informations et de la formation ainsi qu’à dĂ©velopper des outils de formation pour le personnel soignant et les patients sont Ă  prioriser. D’une part, les compĂ©tences informationnelles aident Ă  savoir oĂč trouver les informations pertinentes et Ă  ĂȘtre ensuite capable de les Ă©valuer. D’autre part, le volet de la formation, la connaissance des processus d’apprentissage tout au long de la vie, et donc des principes inhĂ©rents Ă  l’éducation des adultes est un atout de plus pour rĂ©pondre aux divers besoins d’apprentissage qui peuvent se prĂ©senter.L’andragogieNote bas de page repose entre autres sur les analyses de besoins et d’apprentissage ainsi que l’adaptation Ă  ces diverses demandes. (Knowles, 1984; Pring, 1991; Elias, 1995). Par exemple, l’information peut ĂȘtre formulĂ©e diffĂ©remment selon le destinataire : Un mĂ©decin veut-il de l’information pointue concernant les donnĂ©es recueillies sur un nouveau virus? Ou un patient demande-t-il de l’information exacte en rapport avec sa maladie?Les activitĂ©s de recherche et de publication ont aussi de l’importance pour les chercheurs. Les mĂ©decins-praticiens et autres professionnels ont toujours eu l’obligation professionnelle de baser leurs dĂ©cisions sur la meilleure information disponible (Davidoff, 2000). Les questions provenant de la clinique peuvent bĂ©nĂ©ficier des avantages des derniĂšres avancĂ©es en recherche. Les «informationnistes» peuvent aussi donner un appui quant Ă  la consultation de diverses ressources , ce qui donne des effets positifs sur les soins aux patients, sur le temps sauvegardĂ© et sur la qualitĂ© et l’exhaustivitĂ© de l’information trouvĂ©e, tout en fournissant une aide pour l’enseignement et la formation continue.

L’apport d’Internet

Le dĂ©veloppement et l’accessibilitĂ© d’Internet ces derniĂšres dĂ©cennies est un fait incontournable. Les consultations en ligne de la part des gens qui recherchent des informations, des conseils, des renseignements quant Ă  une maladie ou autres sujets d’ordre mĂ©dical ont pris de l’importance. Les TICNote bas de page ont permis l’accessibilitĂ© aux divers types d’information et Ă  un partage des connaissances sur le Web. En santĂ© publique, on tend Ă  considĂ©rer Internet comme un outil supplĂ©mentaire pour donner des informations au patient, favoriser la promotion de la santĂ© et la prĂ©vention, et pour aider Ă  rĂ©duire les inĂ©galitĂ©s sociales en santĂ©.

Une information « grand public » vs « spécialisée »?

Une vision simplifiĂ©e des choses consisterait Ă  considĂ©rer qu’il existe une information Ă  la santĂ© dĂ©diĂ©e au « grand public » et une autre, plus spĂ©cifique, adressĂ©e au monde mĂ©dical et scientifique, englobant des bases de donnĂ©es moins accessibles car payantes. La personne qui recherche une information santĂ© «grand public», donc accessible en termes de comprĂ©hension, doit tout de mĂȘme s’assurer de la qualitĂ© de celle-ci en vĂ©rifiant les sources et en Ă©tant consciente que de vĂ©ritables industries du contenu se sont spĂ©cialisĂ©es dans le domaine de la santĂ©, faisant entrer en jeu des dynamiques commerciales et des enjeux financiers (vente de produits, etc.) (Romeyer, 2008). Quant aux articles retrouvĂ©s dans les bases de donnĂ©es spĂ©cialisĂ©es, ils ont Ă©tĂ© validĂ©s par des comitĂ©s de lecture avant publication. Il existe aussi de plus en plus d’articles publiĂ©s en « open edition ». Selon le schĂ©ma organisationnel choisi, « l’informationniste» ou certaines instances en santĂ© publique, peuvent aider Ă  rĂ©fĂ©rencer, documenter ou construire des sites fiables accessibles au grand public. Une ambivalence subsiste toutefois chez certains professionnels de santĂ© quant Ă  la validitĂ© de l’information vĂ©hiculĂ©e pour le grand public. Certains voient d’un mauvais Ɠil le fait que les gens se documentent ainsi. Pourtant, certains sites de consultation et sources en accĂšs libre sont trĂšs valables puisque des mĂ©decins et autres professionnels de la santĂ© ont participĂ© Ă  l’élaboration de ces sites. Les informations de qualitĂ© et vulgarisĂ©es tout en Ă©tant valides au niveau des contenus sont souvent trĂšs utiles aux patients qui peuvent devenir plus participatifs et donc ĂȘtre capables de s’impliquer plus activement dans la comprĂ©hension et l’application de leur traitement. Entre en jeu ici la notion de patient-partenaire. Ce sont eux qui vivent les symptĂŽmes de leur maladie, qui sont experts de leur vĂ©cu. En formant une Ă©quipe avec le personnel soignant, dans une relation patient-mĂ©decin empreinte de respect mutuel, un patient bien informĂ© peut reprĂ©senter un atout majeur dans la rĂ©ussite d’un traitement.

Bibliothérapie et autres bienfaits de la lecture

Un autre aspect qu’il est important d’aborder est le rĂŽle des bibliothĂšques publiques et, Ă  travers elles, le rĂŽle des livres et de la lecture sur l’information, l’éducation et le bien-ĂȘtre des gens en gĂ©nĂ©ral. Plusieurs Ă©tudes se dĂ©veloppent au sujet de la bibliothĂ©rapie. La lecture de tous types d’ouvrages tels que romans, essais, ou encore recueil de poĂ©sies auraient des effets positifs au niveau de la diminution du stress, de la dĂ©pression et donc de la santĂ© physique et mentale. La lecture devient aussi un remĂšde contre le manque de littĂ©ratie dans plusieurs domaines. Les avantages au plan cognitif sont indĂ©niables. La lecture permet de contrer les mĂ©faits de la solitude, de l’isolement, de la perte d’autonomie chez plusieurs aĂźnĂ©s. Il arrive parfois que certains praticiens recommandent Ă  leurs patients des titres de livres pouvant les aider dans leurs problĂ©matiques (Detambel, 2015). Mais il n’y a pas que des textes Ă  saveur thĂ©rapeutique qui peuvent aider en ce sens. La lecture de grands textes peut aussi devenir rĂ©paratrice et transformer le regard, faire connaĂźtre d’autres horizons et mobiliser des Ă©nergies mĂ©connues. Des catĂ©gories de livres utilisĂ©s ont Ă©tĂ© discernĂ©es en bibliothĂ©rapie. Le rĂ©pertoire classique est constituĂ© de romans, recueils de poĂ©sie, biographies, livres de fiction, etc. qui par un mĂ©canisme d’identification, de divertissement apporte un mieux-ĂȘtre au lecteur (Detambel, 2015; PellĂ©-DouĂ«l, 2017). En effet, le lecteur, envoĂ»tĂ© par la lecture d’un livre qu’il aime, y puise un rĂ©confort, un plaisir et souvent un soulagement Ă  certains de ses maux ou Ă©prouve tout simplement une prĂ©sence Ă©motionnelle tout au long de son parcours de lecture. Certains livres font voyager des personnes qui n’auront jamais l’occasion de le faire, leur faisant dĂ©couvrir des lieux et des horizons inĂ©dits (PellĂ©-DouĂ«l, 2017). Tandis que d’autres, comme les livres de dĂ©veloppement personnel et de psychologie peuvent aider certaines personnes dans des situations de vies diverses. D’autres livres encore aident les individus Ă  dĂ©celer et comprendre leur(s) problĂšme(s), rĂ©aliser qu’ils ne sont pas seuls, ou ressentir une certaine aide et un renforcement du bien-ĂȘtre psychologique. Mieux connue dans les pays anglo-saxons, la bibliothĂ©rapie gagnerait Ă  ĂȘtre explorĂ©e. MĂȘme si cette pratique n’est pas entiĂšrement mĂ©dicalement fondĂ©e, plusieurs personnes affirment que la lecture d’un roman les a aidĂ©es Ă  porter un autre regard sur les choses et mĂȘme Ă  dĂ©velopper l’empathie (Matthijs et Veltkamp, 2013). Enfin, mises Ă  part les valeurs thĂ©rapeutiques, les avantages de la lecture comme outil de transmission des savoirs, des informations ou tout simplement pour tous les bienfaits citĂ©s qu’elle apporte auraient avantage Ă  ĂȘtre connus et Ă  ĂȘtre privilĂ©giĂ©s. Ces avantages incluent, entre autres, une aide Ă  la relaxation, Ă  la dĂ©tente, Ă  l’évasion, au maintien des capacitĂ©s cognitives et au retour Ă  la santĂ© s’il y a lieu.

Bibliographie

Binette, Linda et Lauzon, HĂ©lĂšne. 2008. Un nouveau modĂšle s’impose, l’informationniste. Argus. Vol. 37, no. 2: pp. 33-36.Brown, Helen-Ann. 2004. Clinical medical librarian to clinical information. Research paper. Vol. 32, no. 1: pp. 45-49.Davidoff, Frank, et Florance, Valerie. June 2000. The informationist: A New Health profession? Annals of Internal Medicine. Vol. 132, no. 12: pp. 996-998.Detambel, RĂ©gine. 2015. Les livres prennent soin de nous – Pour une bibliothĂ©rapie crĂ©ative. Actes-Sud. 163 p.Elias, John et Merriam, Sharan 2004. Philosophical foundations of adult education. 3 edition, Krieger Pub. Co. 286 p.Galbraith, Michael. 2003. Adult learning methods: a guide for effective instruction. Krieger, 478 p.Giuse, Nunzia B. 2005. Evolution of a Mature Clinical Informationist Model. Journal of the American Medical Informatics Association. Vol. 12 no. 3: pp. 249-255.Hill, Peter. 2008. Report of a national review of NHS health library services in England. England.Knowles, Malcolm S. et al. 1984. Andragogy in action. San Francisco: Jossey-Bass. 444 p.Matthijs Bal, P. et Veltkamp, M. 2013. How does fiction reading influence empathy? An experimental investigation on the role of emotional transportation. PLOS ONE 8(1): e55341. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0055341.McKnight, Michelyn. 2005. Librarian, Informaticists, Informationists and Other Information Professionals in Biomedicine and the Health Sciences: What Do They Do? Journal of Hospital Librarianship, Vol. 5 (1). : pp. 13-29.PellĂ©-DouĂ«l, Christilla. 2017. Ces livres qui nous font du bien. Marabout. 224 p.Pring, R. 1991. Curriculum integration proceeding of the philosophy of Education. Society of Great Britain. Vol. 5, no. 2. Supplementary issue. p. 184.Robinson, Lyn, et al. 2005. Healthcare librarians and learner support: a review of competences and methods. Health, Information and libraries Journal. Vol. 22: pp. 42-50.Romeyer, HĂ©lĂšne. 2008. TIC et santĂ©: entre information mĂ©dicale et information de santĂ©. Tic& sociĂ©tĂ©.-2(1).Sladek, Ruth et al. 2004. The Informationist in Australia: a feasibility study. Health Information and Libraries Journal. Vol. 21: pp. 94-101.Ward, Linda. 2005. A survey of UK clinical librarianship: February 2004. Health information and Libraries Journal. Vol. 22: pp. 26-34.

 

Au QuĂ©bec, lorsque la fĂ©minisation se forme Ă  partir d’un nom masculin, on se contente d’ajouter un –e Ă  la fin du mot.

Docteure en sciences de l’éducation. Retrouvez son parcours et ses publications sur www.lindabinette.com

L’andragogie se dĂ©finit comme Ă©tant la pratique de l’éducation des adultes. Le concept, nĂ© en Allemagne au 19 e siĂšcle et popularisĂ© aux États-Unis et en Europe Ă  partir des annĂ©es 1950, dĂ©veloppe plusieurs principes inhĂ©rents aux conditions d’apprentissage optimales des adultes.

Technologie de l’information et des communications

DĂšs le dĂ©but de la pandĂ©mie, le secteur « Promotion de la SantĂ© », dont les Centres Locaux de Promotion de la SantĂ© (CLPS) font partie, a dĂ» s’ajuster et agir pour faire face Ă  cette situation inĂ©dite, Ă  l’instar des diffĂ©rents secteurs d’activitĂ©s composant notre sociĂ©tĂ©. En guise de premiĂšres rĂ©ponses, les CLPS ont dĂ©veloppĂ© des actions spĂ©cifiques en lien avec les stratĂ©gies de promotion de la santĂ©. Les objectifs Ă©taient de soutenir les professionnels de terrain, de les outiller et d’envisager les possibilitĂ©s d’adaptation. La prĂ©sentation de ces actions, menĂ©es dĂšs les premiers mois de la pandĂ©mie, illustre l’intĂ©rĂȘt des dĂ©marches de promotion de la santĂ©.

Crise sanitaire de la Covid 19 : l’expĂ©rience des CLPS wallons en tant qu’acteurs de promotion de la santĂ©

Les stratégies de promotion de la santé : une grille de lecture des réponses formulées en temps de crise

La crise a bousculĂ© notre conception de la maladie, de l’hygiĂšne, de la prise de risque (individuelle et collective), de notre rapport aux autres
Les trĂšs nombreux messages d’information transmis par les autoritĂ©s n’ont pas permis Ă  tou.te.s d’évaluer la gravitĂ© de la situation, de se sentir concernĂ©.e.s, d’estimer l’efficacitĂ© des mesures prises ou tout simplement de se sentir capable de les mettre en ƓuvreNote bas de page.Dans ce contexte, les stratĂ©gies de promotion de la santĂ© dĂ©veloppĂ©es dans la Charte d’Ottawa en 1986 ont structurĂ© les modalitĂ©s d’intervention des CLPS.

Renforcer le développement des aptitudes individuelles

Pour permettre un changement durable de comportement, l’individu doit se sentir en capacitĂ© d’agir. Un axe de travail consiste donc Ă  augmenter ses connaissances, ses aptitudes et sa motivation au changement.Dans un premier temps, les dĂ©marches des CLPS se sont concentrĂ©es sur la sĂ©lection des ressources, particuliĂšrement abondantes durant la crise sanitaire. Celles-ci ont Ă©tĂ© diffusĂ©es Ă  un large panel d’acteurs.Les CLPS ont aussi crĂ©Ă© et diffusĂ© des rĂ©pertoires d’outils en ligne via les rĂ©seaux sociaux, leurs sites web et/ou leurs newsletters. Ces ressources, destinĂ©es Ă  des publics spĂ©cifiques (enfants et famille, milieu scolaire, secteur du handicap, public des ainĂ©s
) permettaient d’aborder un ensemble de thĂ©matiques en lien avec la covid-19 : explications adaptĂ©es pour la comprĂ©hension du virus et des comportements protecteurs, bien-ĂȘtre et santĂ© mentale, activitĂ©s spĂ©cifiques rĂ©alisables en pĂ©riode de confinement, dĂ©marches pratiques de maintien du lien social, etc.En parallĂšle, les centres de ressources documentaires des CLPS, malgrĂ© leur inaccessibilitĂ© physique, ont continuĂ© Ă  rĂ©pondre aux demandes spĂ©cifiques, notamment en proposant des ressources disponibles au format numĂ©rique.


et le pouvoir d’agir

Mais le renforcement du pouvoir d’agir ne passe pas que par la diffusion d’informations.Les CLPS ont aussi dĂ©veloppĂ© des supports (ci-dessous) permettant l’expression des reprĂ©sentations de la maladie, de l’hygiĂšne, des mesures de protection et Ă©galement du « vivre ensemble ».Si ces supports d’expression des vĂ©cus et des Ă©motions sont utilisĂ©s au sein des institutions lors des accompagnements proposĂ©s par les CLPS et des concertations de professionnels, ils peuvent aussi ĂȘtre utilisĂ©s par les acteurs de terrain avec leurs publics.La diffusion d’informations, le travail autour des reprĂ©sentations et le renforcement des compĂ©tences psychosociales Ă  tout Ăąge, participent Ă  redonner confiance en sa capacitĂ© de faire des choix Ă©clairĂ©s et libres pour sa santĂ© et celle de la collectivitĂ©.

« Et si on en parlait d’abord ? »

Le CLPS du Brabant Wallon a rĂ©alisĂ© cet outil afin d’échanger en Ă©quipe sur la maniĂšre dont a Ă©tĂ© vĂ©cue la pĂ©riode du coronavirus et ses moments de confinement et de dĂ©confine. Retrouvez-le ici.

« Le Covid-19 et nous »

Le CLPS de Charleroi-Thuin a rĂ©alisĂ© un outil de photo-expression qui permet, Ă  des personnes, en individuel ou en collectif, d’exprimer leurs ressentis et leurs reprĂ©sentations liĂ©es Ă  la crise. Retrouvez-le ici.

Renforcer l’action communautaire

Le soutien au renforcement de la cohĂ©sion sociale et de la solidaritĂ© est un Ă©lĂ©ment incontournable du travail d’accompagnement des CLPS. Au sein de chaque territoire couvert par un CLPS, encore plus durant la pĂ©riode de crise sanitaire, des rĂ©ponses adaptĂ©es ont Ă©tĂ© initiĂ©es par de nombreux professionnels et citoyens. Les CLPS ont souhaitĂ© rendre visibles ces initiatives locales en rĂ©alisant des interviews de professionnels de secteurs variĂ©s, en recensant les projets et en les relayant via leurs sites internet, pages Facebook et newsletters.

Quelques exemples d’initiatives qui ont vu le jour

  • ouverture d’une ligne tĂ©lĂ©phonique « soutien Ă  la parentalitĂ© » Ă  l’initiative de diffĂ©rents intervenants dans le secteur du soin et du social ;
  • mise en place au dĂ©part d’un Centre Culturel, d’un projet avec des citoyens pour rĂ©aliser et distribuer des masques aux institutions du secteur associatif et aux Ă©coles ;
  • dans le cadre de la « Plateforme Enseignement / Aide Ă  la Jeunesse », enquĂȘte pour relever les besoins liĂ©s Ă  la reprise des activitĂ©s mais aussi pour relever et faire connaĂźtre les bonnes pratiques de gestion de la crise.

L’amĂ©lioration des conditions de vie en soutenant la crĂ©ation d’environnements naturels et socioĂ©conomiques favorables Ă  la santĂ©

Les mesures prises dans le cadre de la pandĂ©mie de Covid-19 en Belgique, le confinement par exemple, Ă©taient probablement essentielles maisont rĂ©vĂ©lĂ© et aggravĂ© des inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ© dĂ©jĂ  existantes. AssurĂ©ment, des situations sociales complexes ont Ă©tĂ© aggravĂ©es par le contexte de pandĂ©mie : les personnes sans-abris se retrouvant dans l’incapacitĂ© de se confiner ; les personnes victimes de violences conjugales et intrafamiliales qui ne peuvent fuir leur foyer ; la difficultĂ© de tĂ©lĂ©travailler dans de bonnes conditions en situation de monoparentalitĂ©, etc.Note bas de pagePour promouvoir une Ă©quitĂ© en santĂ©, les interventions des CLPS se sont aussi concentrĂ©es sur des professionnels travaillant avec des publics spĂ©cifiques. Les CLPS ont poursuivi les accompagnements de certaines institutions dans le dĂ©veloppement de projets destinĂ©s Ă  des publics aux vulnĂ©rabilitĂ©s variĂ©es.

Accompagner des projets spécifiques et prioritaires

Par exemple, accompagner une asbl qui accueille des femmes victimes de violences pour un travail sur la gestion du service : les conditions d’accueil, le fonctionnement interne de l’équipe, la recherche de nouveaux partenariats pour des logements de crise, etc.

Réorienter les services de santé

La rĂ©orientation des services de santĂ© implique notamment l’articulation entre le domaine de la santĂ©, de la promotion de la santĂ© et l’ensemble des secteurs qui composent la sociĂ©tĂ©. Les CLPS ont maintenu le contact entre les acteurs locaux issus de diffĂ©rents secteurs, via des diffusions de tĂ©moignages et d’échanges de pratiques, et des concertations en visio-confĂ©rence. Ces temps d’échanges ont permis de structurer l’action locale en ayant une meilleure connaissance et complĂ©mentaritĂ© des dĂ©ploiements des services de soins, sociaux, et de prĂ©vention pendant la crise.

Lancement d’une Plate-forme regroupant les acteurs et institutions de 1Ăšre ligne et 2Ăšme ligne

afin de travailler davantage en synergie dans le domaine de la santĂ© pour permettre une prise en charge plus globale de la population, en collaboration avec le Groupe de travail ‘santĂ©’ du Conseil de dĂ©veloppement Wallonie picardeNote bas de page. La dĂ©marche est en construction au dĂ©part d’une analyse des besoins de l’ensemble de ces acteurs.

 

Elaborer des politiques pour la santé

Dans le cadre des accompagnements menĂ©s par les CLPS Ă  l’échelon local, la participation de tous – Ă©lus, professionnels et citoyens – aux politiques locales qui agissent sur les dĂ©terminants de la santĂ© est largement encouragĂ©e.A titre d’exemples, citons la prise de conscience de communes, durant la crise, sur la nĂ©cessitĂ© de la mise en place d’un dispositif local en faveur de la qualitĂ© de vie des aĂźnĂ©s ; la mise en place de visites Ă  domicile de personnes ĂągĂ©es isolĂ©es, suite Ă  la fermeture des Maisons Communautaires ; la poursuite de la politique de soutien Ă  la parentalitĂ© par l’organisation d’ateliers en visio-confĂ©rence, au dĂ©part de « Maison des parents » (CPAS). Cette pĂ©riode de crise sanitaire et sociale a rappelĂ© une dĂ©marche essentielle : la SantĂ© dans toutes les Politiques (SdtP). En effet, alors que le secteur mĂ©dical a Ă©tĂ© mis en avant Ă  juste titre au dĂ©but de la crise, l’importance de la prise en compte des dĂ©terminants sociaux, politiques, Ă©conomiques et environnementaux s’est rĂ©affirmĂ©e assez rapidementNote bas de page. Dans ce cadre, les CLPS ont encouragĂ© le maintien des concertations intersectorielles Ă  l’échelon local et poursuivent leur travail de mise en commun en proposant des concertations rĂ©gionales et notamment en faveur de la qualitĂ© de vie des aĂźnĂ©s, durement touchĂ©s par cette crise.

Et maintenant ?

Ces exemples d’actions menĂ©es par les CLPS montrent la pertinence de poursuivre et d’encourager les dĂ©marches de promotion de la santĂ©. Ceux-ci pourraient utilement ĂȘtre complĂ©tĂ©s par l’ensemble des actions menĂ©es localement par les acteurs de terrain, du secteur de la promotion de la santĂ© ou d’autres secteurs. Il n’en reste pas moins que la rĂ©flexion sur les opportunitĂ©s Ă  dĂ©velopper dans le cadre des principes d’action de promotion de la santĂ© doit se poursuivre.Il semble essentiel que les pouvoirs publics, en parallĂšle aux renforcements du systĂšme de soins de santĂ©, soutiennent les acteurs qui dĂ©veloppent au quotidien des actions dans le champ de la promotion de la santĂ©, notamment au niveau local. Comme le soulignent les auteurs de la Tribune « Covid 19 et lutte contre les inĂ©galitĂ©s : pour un vĂ©ritable soutien aux dynamiques territoriales de santĂ© »Note bas de page : « Les dynamiques territoriales de santĂ©, quand elles existent, facilitent la gestion locale de la crise (…). Ces dynamiques, marquĂ©es dans leur ADN par la lutte contre les inĂ©galitĂ©s sociales et territoriales de santĂ©, sont des points d’appui incontournables Ă  la mise en place de rĂ©ponses rapides, adaptĂ©es et concertĂ©es, au plus prĂšs des besoins et ressources du territoire. La crise actuelle confirme – amĂšrement – que la santĂ© renvoie Ă  un champ large de dĂ©terminants sociaux et Ă©conomiques : logement et urbanisme, Ă©ducation, alimentation, emploi, environnement, cadre de vie, etc. Les rĂ©ponses les plus pertinentes, au plus prĂšs de situations, se tissent au niveau local, dans la solidaritĂ©, avec l’ensemble des acteur.rices locaux.ales, en particulier avec les habitant.e.s ».Comme soulignĂ© par le Refips : « Par son adoption d’une vision globale de la santé, le domaine de la promotion de la santé fournit des rĂ©ponses pour amĂ©liorer la santé et le bien-être des populations de maniĂšre durable et Ă©quitable ».Note bas de page La promotion de la santĂ©, en complĂ©mentaritĂ© avec les autres secteurs de la sociĂ©tĂ©, aura ainsi les moyens d’aider Ă  faire face aux moments de crise comme celle de la Covid-19.

PandĂ©mie de covid-19 : les rĂ©ponses de la promotion de la santĂ©. Webinaire « Education et santĂ© » organisĂ© par la Chaire Unesco, avec le professeur StĂ©phan Van den Broucke – https://www.youtube.com/watch?time_continue=340&v=eakBX2Tw1Fo&feature=emb_title

FĂ©dĂ©ration nationale d’éducation et de promotion de la santĂ©. (2020, 5 mai). Tribune de la Fnes « ÉpidĂ©mie, crise sanitaire et Covid-19 : le pouvoir d’agir de la promotion de la santĂ© ».

Le Conseil de dĂ©veloppement est une structure pilote qui anticipe l’évolution de la gouvernance territoriale Ă  l’échelle de la Wallonie picarde. Il est composĂ© d’acteurs des milieux politique, socio-Ă©conomique, syndical, culturel, environnemental


International Union for Health Promotion and Education, & Réseau francophone international pour la promotion de la santé. (2020). La promotion de la santé en temps de crise. https://refips.org/wp-content/uploads/2020/06/IUHPE_REFIPS_COVID19.pdf

Fabrique, Territoires et Santé, & Elus, Santé Publique et Territoire. (2020, 20 avril). Covid-19 et lutte contre les inégalités : pour un véritable soutien aux dynamiques territoriales de santé. https://espt.asso.fr/wp-content/uploads/2020/04/CP-FTS-ESPT-avril-2020.pdf

Op. Cit. International Union for Health Promotion and Education, & Réseau francophone international pour la promotion de la santé. (2020). La promotion de la santé en temps de crise.

Cette pĂ©riode de crise sanitaire, plus que jamais, nous a dĂ©montrĂ© Ă  quel point la solidaritĂ© Ă©tait une valeur essentielle Ă  notre sociĂ©tĂ©. Il est pourtant des associations qui n’ont pas attendu qu’elle soit sur le devant de la scĂšne pour l’adopter. Le Petit VĂ©lo Jaune, lancĂ© en 2013 par Vinciane Gautier et Isabelle Laurent, en a fait sa ligne directrice. L’association propose un soutien bĂ©nĂ©vole aux familles en difficultĂ©s Ă  Bruxelles. Le principe : offrir une assistance aux parents d’un enfant de moins de 3 ans afin de leur redonner une confiance parentale, parfois perdue sous des monceaux de difficultĂ©s ou cachĂ©e derriĂšre des situations de vie diverses. Ce faisant, Le Petit VĂ©lo Jaune peut prĂ©venir certaines situations problĂ©matiques telles que l’épuisement parental qui dans les cas les plus extrĂȘmes peut mener Ă  de la nĂ©gligence, voire de la maltraitance.

Parentalité fragilisée : en selle avec Le Petit Vélo Jaune

Education SantĂ© a rencontrĂ© Pascale Staquet qui a rejoint l’équipe en 2017. « C’est une initiative qui promeut la santĂ© Ă  double titre, estime-t-elle, parce que ça a un effet positif sur les familles accompagnĂ©es par des bĂ©nĂ©voles (aussi appelĂ©s coĂ©quipiers), mais ça fait aussi du bien aux bĂ©nĂ©voles eux-mĂȘmesNote bas de page. Beaucoup reconnaissent que ça leur apporte vraiment du plaisir, notamment Ă  certains moments de leur vie oĂč ils rencontrent des passes difficiles. »

Le Petit VĂ©lo Jaune : en pratique

Il s’agit d’offrir une aide trĂšs concrĂšte. Les bĂ©nĂ©voles (appelĂ©s coĂ©quipiers) arrivent dans une famille oĂč il y a soit une grossesse, soit un enfant de moins de trois ans, et vont aider le ou les parents dans la gestion des petites urgences quotidiennes (aller au CPAS avec la maman, chez le mĂ©decin, faire un gĂąteau, 
) une fois par semaine durant un an (dans certains cas, cela peut ĂȘtre prolongĂ© si nĂ©cessaire).En gĂ©nĂ©ral, les familles qui en ont besoin sont dirigĂ©es vers Le Petit VĂ©lo Jaune par l’intermĂ©diaire de professionnels. « A l’ONE ils nous connaissent bien. Mais ça peut ĂȘtre aussi une maternitĂ©, un pĂ©diatre, des psychologues, des coachs en santĂ© mentale, des plannings familiaux
 5 Ă  10% des familles viennent car elles ont trouvĂ© le site et fait la dĂ©marche de recherche. Et de plus en plus, nous voyons des familles qui viennent sur conseil d’une autre famille, d’un ou une ami.e.» Le bouche Ă  oreille commence Ă  faire son effet.Et pour les bĂ©nĂ©voles, tout commence par des entretiens assez rigoureux. « Il y a deux entretiens avant de commencer. Les bĂ©nĂ©voles nous contactent, on leur renvoie un questionnaire (assez court) pour mieux les connaĂźtre et une fois qu’ils nous le retournent, on leur propose un premier rendez-vous pour les recevoir. LĂ , on explique le projet, on entend Ă  quel moment de leur vie ils sont, quelles sont leurs motivations. On Ă©value si on les voit bien dans la position de coĂ©quipier, s’ils sont dans le non-jugement, si on les sent chaleureux, etc. Ensuite, si tout va bien et qu’ils sont partants pour le projet, on va alors leur donner un second rendez-vous pour tout ce qui concerne les conventions, chartes, document de confidentialitĂ©… ».L’équipe du Petit VĂ©lo Jaune organise le “matching” qu’elle juge le plus idĂ©al en prenant compte des besoins des parents ainsi que des prĂ©fĂ©rences du ou de la bĂ©nĂ©vole. Par exemple, les communes dans lesquelles il ou elle prĂ©fĂšre se rendre mais aussi par rapport Ă  ses affinitĂ©s, ce qu’il ou elle prĂ©fĂšre Ă©viter, ses centres d’intĂ©rĂȘt, etc. Les coĂ©quipiers reçoivent alors un petit document anonyme qui les informe des caractĂ©ristiques principales de la famille qu’on leur propose d’accompagner et ils ont alors le choix de refuser ou non. « S’ils acceptent, ils sont prĂ©sentĂ©s Ă  la famille, encadrĂ©s par ce que l’on appelle leur rĂ©fĂ©rent duo, dĂ©taille Pascale Staquet. »

Le référent duo

Le Petit VĂ©lo Jaune travaille Ă  l’image des poupĂ©es russes : les parents s’occupent de leurs enfants, les bĂ©nĂ©voles s’occupent des parents, et les rĂ©fĂ©rents duo s’occupent des bĂ©nĂ©voles. Il s’agit de personnes diplĂŽmĂ©es en psychologie, travailleuses sociales, assistantes sociales, infirmiĂšres
 souvent d’anciens professionnels du secteur. Le but est d’apporter un soutien professionnel solide Ă  l’accompagnement des bĂ©nĂ©voles. Le rĂ©fĂ©rent duo offre environ 7 heures de son temps par semaine au Petit VĂ©lo Jaune et encadre en moyenne 5 ou 6 bĂ©nĂ©voles. C’est la personne qui prĂ©sente le ou la bĂ©nĂ©vole aux parents.

Le Petit VĂ©lo Jaune est Ă  la recherche de nouveaux rĂ©fĂ©rents duo ! Si vous ĂȘtes intĂ©ressĂ©.e, contactez-les via leur site internet https://www.petitvelojaune.be/ ou par mail Ă  info@petitvelojaune.be

Pour aider les coĂ©quipiers, « Le Petit VĂ©lo Jaune fournit un document reprenant une dizaine de bulles sur ce qui peut ĂȘtre fait en tant que bĂ©nĂ©vole dans une famille. Ce sont des idĂ©es qu’on a prĂ©sentĂ© Ă  la famille en leur demandant sur quoi elle souhaite que le coĂ©quipier l’accompagne. Par exemple, si elle souhaite ĂȘtre soutenue pour faire des dĂ©marches administratives, si l’important est l’ Ă©coute, de jouer avec les enfants
 C’est une sorte de « photo de dĂ©part. »Les coĂ©quipiers font parfois plusieurs accompagnements. Mais Pascale Staquet prĂ©cise qu’« une bonne moitiĂ© des bĂ©nĂ©voles fait 2 ou 3 accompagnements. Souvent, ils restent en contact avec des familles, donc ils en accompagnent rarement plus de 3.»

Être rĂ©fĂ©rent duo : portrait de Claudine

Par Thibault Grégoire, initialement publié sur le site http://petitvelojaune.be

Lorsque le Petit vĂ©lo jaune fut crĂ©Ă©, en 2013, le poste de rĂ©fĂ©rent-duo n’existait pas. Les deux fondatrices se chargeaient de chapeauter les coĂ©quipiers. DĂ©but 2016, dĂ©bordĂ©es par le nombre croissant d’accompagnements, les coordinatrices dĂ©cident de dĂ©lĂ©guer cette responsabilitĂ© et initient le rĂŽle de rĂ©fĂ©rent-duo. Claudine Joye en sera la pionniĂšre, elle qui connait parfaitement le secteur. Jusqu’il y a peu, elle Ɠuvrait dans le domaine de l’aide Ă  la jeunesse et plus spĂ©cifiquement dans un service de placement familial. Elle sait toute la pertinence du Petit vĂ©lo jaune : « Je suis persuadĂ©e que lorsque la dĂ©cision est prise de placer un enfant en famille d’accueil, c’est souvent parce que l’on arrive trop tard. Si certains parents avaient reçu de l’aide plus tĂŽt, s’ils avaient Ă©tĂ© accompagnĂ©s plus tĂŽt dans leur vie de parents, par exemple depuis la grossesse, certains placements auraient peut-ĂȘtre pu ĂȘtre Ă©vitĂ©s. »

Fin 2018, Claudine compte 6 accompagnements clĂŽturĂ©s. « Ma mission est de pouvoir ĂȘtre disponible pour Ă©couter et conseiller le coĂ©quipier, et ce avec le recul nĂ©cessaire. Mais je ne dois pas non plus chercher Ă  ĂȘtre trop prĂ©sente, Ă  m’imposer. Je suis lĂ  en soutien pour le coĂ©quipier, mais je n’agis pas Ă  sa place, un peu de la mĂȘme maniĂšre que le coĂ©quipier avec les parents. Il s’agit donc de sans cesse trouver le juste Ă©quilibre ». Bien entendu un coĂ©quipier n’est pas l’autre. Certains sont eux-mĂȘmes parents quand d’autres sont plus dĂ©munis en prĂ©sence de nourrissons ou d’enfants en bas Ăąge. « Je me dois de communiquer davantage avec certains quand je peux en laisser d’autres plus en roue libre. Mais de façon gĂ©nĂ©rale, je les appelle assez frĂ©quemment dans les premiĂšres semaines de l’accompagnement, lorsque les questions d’ordre pratique sont nombreuses. Des coĂ©quipiers sont moins Ă  l’aise lors des premiers contacts, sont plus timides, ou nĂ©cessitent que je “valide” la relation qui s’installe avec la famille. Une coĂ©quipiĂšre confrontĂ©e Ă  de longs moments de silence me demandait rĂ©cemment comment rĂ©agir
 Bien sĂ»r, je prendrai aussi souvent des nouvelles d’un coĂ©quipier qui accompagne une famille dont je sais la situation trĂšs lourde. »

Lors de la mise en place de l’accompagnement, rĂ©fĂ©rent-duo, coĂ©quipier et parent(s) se rencontrent pour dĂ©finir les besoins prioritaires de l’accompagnement. Une relation conflictuelle avec un enfant difficile, de multiples factures impayĂ©es introuvables, le besoin de « vider son sac » rĂ©guliĂšrement avec un autre adulte, les rĂ©alitĂ©s sont nombreuses. Le rĂ©fĂ©rent-duo ne reverra la famille, en prĂ©sence du coĂ©quipier, qu’aprĂšs une premiĂšre pĂ©riode de 3 mois, sauf en cas de demande prĂ©cise. « Ce bilan de trois mois est essentiel. Il est le moment de clarifier certaines choses, de mesurer si les premiers objectifs de l’accompagnement ont Ă©tĂ© atteints et quels sont les Ă©cueils Ă©ventuels, de rĂ©Ă©valuer ces besoins et de dĂ©finir de nouvelles prioritĂ©s pour le reste de l’annĂ©e. Je prĂ©cise qu’avant toute rĂ©union avec la famille je rencontre toujours le coĂ©quipier seul, pour connaitre son ressenti sur l’accompagnement et sur la demande du parent. Je contacte Ă©galement la famille pour connaitre son propre vĂ©cu dans la relation avec son coĂ©quipier. »

Une troisiĂšme et derniĂšre rĂ©union rĂ©fĂ©rent-duo, parent(s) et coĂ©quipier se fait Ă  la clĂŽture de l’accompagnement, aprĂšs un an. Si le besoin s’en fait ressentir, une rĂ©union prĂ©liminaire peut se tenir plus tĂŽt, aprĂšs 9 mois. « Pour ma part, j’apprĂ©cie un bilan Ă  9 mois car c’est l’occasion d’évoquer dĂ©jĂ  la fin de l’accompagnement. Car oui, certains parents sont un peu paniquĂ©s de savoir que l’accompagnement va se terminer, de peur de se retrouver Ă  nouveau seuls ou dĂ©munis. J’encourage par exemple toujours les bĂ©nĂ©voles Ă  laisser une trace une fois l’accompagnement terminĂ©, que ce soit un dessin, un objet, une photo. Pour le parent, mais surtout pour les enfants. Une rupture trop brusque pour un enfant est habituellement plus difficile, surtout s’il a dĂ©jĂ  vĂ©cu des ruptures de liens familiaux. »

Les rĂ©fĂ©rents-duo participent aussi Ă  diverses rĂ©unions de coĂ©quipiers, telles que les soirĂ©es “partage de vĂ©cus”. « Cela me permet de connaĂźtre d’autres rĂ©alitĂ©s, d’autres situations, et de façon prĂ©ventive Ă  m’y prĂ©parer si je dois y ĂȘtre confrontĂ©e avec le binĂŽme que je soutiens. »

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La monoparentalitĂ© et l’isolement, rĂ©currents chez les familles accompagnĂ©es

En ce qui concerne les familles, environ 70% d’entre elles sont monoparentales. Pascale Staquet explique que les profils sont variĂ©s. « Les nationalitĂ©s sont variĂ©es, et nous avons aussi bien des mamans de 20 que de 48 ans. »« Nous rencontrons beaucoup de personnes d’origine Ă©trangĂšre Ă  Bruxelles, Ă©videmment, avec une partie d’entre elles issue de l’immigration rĂ©cente. Et notamment beaucoup de femmes guinĂ©ennes qui se retrouvent seules en Belgique et sont dans leur premier logement aprĂšs ĂȘtre passĂ©es par un centre d’hĂ©bergement. Souvent, c’est la premiĂšre fois qu’elles ont un logement pour elles seules et elles arrivent dans un quartier un peu par hasard mais ne connaissent rien du lieu, donc Ă  ce moment-lĂ  le bĂ©nĂ©vole va les aider Ă  comprendre les codes, dĂ©couvrir ce qu’il y a autour d’elles dans le quartier, les assister au niveau administratif, etc. D’ailleurs, la plupart du temps, ces femmes se dĂ©brouillent extrĂȘmement bien avec leurs bĂ©bĂ©s, elles ont tous les gestes, savent comment faire, et c’est souvent trĂšs beau de voir la maniĂšre dont elles s’occupent de leurs enfants, donc la question, la difficultĂ©, n’est pas lĂ . Le but sera plutĂŽt de les aider dans leur processus d’intĂ©gration sociale. »« Ensuite, on voit des parents en difficultĂ© parce que leur enfant a des besoins intenses, demande Ă©normĂ©ment d’attention, est trĂšs exigeant, jamais content
 et peut donc Ă©puiser complĂštement ses parents. » On retrouve aussi des familles avec un enfant prĂ©sentant un handicap, pour qui de nombreux soins sont nĂ©cessaires, ou encore qui gĂ©nĂšre de l’inquiĂ©tude, de la peur, chez ses parents. Les difficultĂ©s viennent parfois de situations de vie des parents : sĂ©paration durant la grossesse, coup du sort tel que le dĂ©cĂšs de proches qui auraient pu aider, etc. Un facteur est nĂ©anmoins rĂ©current : l’isolement.

Le bénévole : un soutien pour apprendre à rouler seul.es

Bien qu’ils soient une soixantaine actuellement, le nombres de bĂ©nĂ©voles reste infĂ©rieur Ă  la demande de familles. C’est la raison pour laquelle l’association est constamment Ă  la recherche de nouveaux bĂ©nĂ©voles. Pour ce faire, l’association dĂ©ploie un travail de communication important pour faire parler d’elle et pouvoir ainsi aider plus de familles. Actuellement, une grande partie des bĂ©nĂ©voles arrivent via le bouche Ă  oreille.Un autre volet important du projet consiste en des temps de rencontres avec les coĂ©quipiers autour de ce qu’ils et elles vivent dans les familles. Le Petit VĂ©lo Jaune organise des soirĂ©es durant lesquelles ils peuvent Ă©voquer – de maniĂšre anonyme – les aspects les plus compliquĂ©s, les bons moments, comment trouver sa place au sein de la famille, mais aussi comment la quitter progressivement. Pascale Staquet prĂ©cise :Mise en Ă©vidence : « A un moment, Le Petit VĂ©lo Jaune se retire, mais souvent les liens restent. Les gens restent en contact, mĂȘme si ce n’est plus tout Ă  fait de la mĂȘme façon. L’idĂ©e est que les parents puissent reprendre leur vie en main, soient autonomes et ne dĂ©pendent pas du bĂ©nĂ©vole. » Fin de mise en Ă©vidence

Faire face aux cas particuliers

La diversitĂ© des profils des familles peut amener le bĂ©nĂ©vole Ă  se retrouver face Ă  des parents en situation d’épuisement, de mal ĂȘtre physique ou mental. “Dans ce cas, nous rĂ©flĂ©chissons avec le parent sur les difficultĂ©s qu’il rencontre et nous le soutenons pour rouvrir son rĂ©seau familial ou amical, trouver le moyen de rencontrer d’autres parents… Si nĂ©cessaire, nous cherchons avec eux les aides professionnelles qui pourraient le mieux les soutenir et elles sont nombreuses Ă  Bruxelles”.Parfois, les parents sont dĂ©jĂ  aidĂ©s par plusieurs services et Le Petit VĂ©lo Jaune fait alors sa part d’aide en respectant une position bien dĂ©finie. « On ne fait pas d’évaluation de ce qu’il se passe dans les familles. Si un jour on se rend compte qu’il y a une trĂšs grosse difficultĂ© et qu’il n’y a pas d’autre service prĂ©sent, alors, comme des voisins s’ils entendent un bĂ©bĂ© qui pleure Ă  cĂŽtĂ©, on va essayer d’intervenir. Mais vraiment de la mĂȘme façon qu’un voisin, et on prĂ©viendrait le parent. ».

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2020 pour Le Petit VĂ©lo Jaune, du printemps de la pandĂ©mie Ă  l’étĂ© du dĂ©confinement

Quand il est question de parentalitĂ© et d’isolement, difficile d’ignorer la pĂ©riode de confinement que nous venons tous de traverser, et qui frappe durement la tranche de la population Ă  laquelle Le Petit VĂ©lo Jaune vient en aide. A cette pĂ©riode, les bĂ©nĂ©voles ont cessĂ© de se rendre dans les familles, mais sont nĂ©anmoins restĂ©s en contact avec les parents et les enfants, souvent via Whats’app ou par tĂ©lĂ©phone. Pascale Staquet souligne la grande crĂ©ativitĂ© dont les bĂ©nĂ©voles ont fait preuve : « ils ont lu des histoires et les ont enregistrĂ©es puis envoyĂ©es aux enfants, certains sont allĂ©s amener du matĂ©riel de bricolage, d’autres ont apportĂ© des crĂȘpes, il y en a qui sont allĂ©s chercher des colis alimentaires parce qu’il y avait une dĂ©tresse Ă  ce niveau-lĂ , d’autres encore allaient promener avec une maman seule avec son bĂ©bĂ© (en tenant leurs distances, bien sĂ»r)
 ». MĂȘme si le contact Ă  distance ne remplace pas la prĂ©sence physique, il aura peut-ĂȘtre permis d’adoucir un peu le quotidien de ces parents.Le confinement a Ă©tĂ© suivi d’une autre pĂ©riode particuliĂšre pour l’association : l’étĂ©. Les organisatrices ont mis en place une aide supplĂ©mentaire et un peu diffĂ©rente pour la pĂ©riode estivale. Il s’agissait de travailler avec de jeunes bĂ©nĂ©voles (entre 18 et 30 ans) qui n’auraient pas le temps de s’engager dans un accompagnement Ă  l’annĂ©e mais qui pourraient le faire Ă  certains moments prĂ©cis et qui auraient un rĂŽle plutĂŽt tournĂ© vers l’animation, pour (r)amener le plaisir du jeu. « Tous les jeunes qui ont rempli ce rĂŽle cet Ă©tĂ© Ă©taient trĂšs contents en tout cas, se rĂ©jouit Pascale Staquet. »

En route vers demain !

Si pour Bruxelles, la volontĂ© d’extension du Petit VĂ©lo Jaune s’arrĂȘterait autour de la centaine de familles afin de garder un projet Ă  taille humaine, les retours et rĂ©sultats positifs obtenus ont apportĂ© aux organisatrices du projet la volontĂ© d’essaimer. C’est-Ă -dire de donner envie Ă  d’autres personnes de mettre en place des projets similaires, ailleurs en Belgique. L’idĂ©e est de collaborer avec ces futures structures, notamment en partageant leur expĂ©rience. Elles espĂšrent, dans un avenir proche, voir d’autres asbl indĂ©pendantes ouvrir Ă  Gembloux, Ottignies et Nivelles.

ImageLe Petit VĂ©lo Jaune est constamment Ă  la recherche de bĂ©nĂ©voles ! Si vous souhaitez vous lancer dans l’aventure : https://www.petitvelojaune.be/benevoleEt si vous aimeriez soutenir le projet mais n’avez pas le temps ou l’énergie nĂ©cessaire, vous pouvez aussi faire un don Ă  l’association : https://www.petitvelojaune.be/nous-aider

Retrouvez les bienfaits que procure le volontariat dans notre article «Le volontariat, c’est bon pour la santĂ© », par Avalosse H., Delvaux J., Morton J., RimĂ© B., Vankorenland S., Verniest R. , Ă  l’adresse : https://educationsante.be/article/le-volontariat-cest-bon-pour-la-sante/

Nous avons tendance Ă  considĂ©rer notre environnement comme une petite bulle dans laquelle nous sommes en sĂ©curité  Pourtant, des intrus, nocifs pour notre santĂ©, s’y cachent trop souvent. Il s’agit des Perturbateurs Endocriniens (PE). Dans les peintures, les jeux des enfants, sur les meubles, dans les vĂȘtements ou dans les ordinateurs, ils sont prĂ©sents tout autour de nous, et de plus en plus pointĂ©s du doigts par le monde scientifique et les organismes de santĂ© publique.

Perturbateurs endocriniens et principe de prĂ©caution : oĂč en sommes-nous ?

L’OMS les dĂ©finit comme “une substance exogĂšne ou un mĂ©lange qui altĂšre la ou les fonction(s) du systĂšme endocrinien et, par voie de consĂ©quence, cause un effet dĂ©lĂ©tĂšre sur la santĂ© d’un individu, sa descendance ou des sous-populations’. Une dĂ©finition qui se veut large. Cependant, les noms de certains PE nous sont plus familiers que d’autres. C’est le cas pour les pesticides, et notamment le fameux glyphosate qui fut au cƓur de polĂ©miques derniĂšrement, mais aussi des insecticides, de certains parabĂšnes (dans les shampoings, notamment), les « phtalates » contenus entre autres dans les parfums, le « tĂ©flon » des poĂȘles, ou encore les « retardateurs de flammes » Une grande partie d’entre eux est issue de l’industrie de la chimie et a Ă©tĂ© volontairement ajoutĂ©e aux produits quotidiens pour les amĂ©liorer ou augmenter notre confort (conservation, propriĂ©tĂ©s moussantes, soliditĂ© ou mallĂ©abilitĂ© du matĂ©riau, 
) .

« Selon l’Organisation Mondiale de la SantĂ© (OMS), plus de 800 produits sont suspectĂ©s d’ĂȘtre des perturbateurs endocriniens. Ils miment, bloquent ou modifient les hormones dont ils dĂ©traquent complĂštement le fonctionnement. Ils engendreraient allergies, troubles de la fertilitĂ©, cancers, problĂšmes neurologiques, anomalies gĂ©nĂ©tiques, diabĂšte, obĂ©sité  Pourtant, aucune preuve n’atteste incontestablement que la hausse de l’infertilitĂ©, le nombre de cancers ou d’anomalies gĂ©nĂ©tiques chez l’homme sont dus Ă  ces perturbateurs endocriniens. ».Source : “Perturbateurs endocrinien Ces produits chimiques capables de bouleverser notre Ă©quilibre hormonal”, brochure Ă©ditĂ©e par La Province de LiĂšge en 2016.

Mode de fonctionnement d’un perturbateur endocrinien et effets potentiels

DĂšs qu’elles ont pu pĂ©nĂ©trer dans le sang, les substances perturbatrices se font passer pour les hormones sĂ©crĂ©tĂ©es naturellement par l’organisme, elle les imitent. DĂšs lors, en plus de perturber la livraison des messages hormonaux, elles seraient suspectĂ©es de bloquer les hormones naturellement produites par nos glandes endocrines. Or, le systĂšme endocrinien fonctionne avec une extrĂȘme prĂ©cision et les quantitĂ©s hormonales nĂ©cessaires au contrĂŽle de l’organisme, pour le protĂ©ger ou assurer son dĂ©veloppement par exemple, sont trĂšs faibles. Le moindre bouleversement pourrait avoir de graves consĂ©quences et mener Ă  de l’infertilitĂ©, des cancers, des anomalies gĂ©nĂ©tiques…

Quelques hormones sécrétées par les glandes endocrines :

  • oestrogĂšne,
  • testostĂ©rone,
  • adrĂ©naline et noradrĂ©naline,
  • progestĂ©rone,
  • ocytocine,
  • cortisol,
  • insuline,
  • mĂ©latonine,
  • prolactine,

Publics Ă  risque

Ce mode de fonctionnement implique que certains moments de la vie sont plus sensibles que d’autres Ă  l’action des PE. Un dĂ©rĂšglement hormonal qui surviendrait aux pĂ©riodes pendant lesquelles les tissus et organes sont en cours de dĂ©veloppement, soit pendant les premiers mois de grossesse, pourrait avoir des consĂ©quences trĂšs nĂ©fastes et provoquer, entre autres, des malformations du systĂšme gĂ©nital, voire de l’infertilitĂ© de l’enfant.

Le SĂ©nat belge, dans son Rapport d’information sur la question des perturbateurs endocriniens[1] du 28 mars 2018 s’adresse particuliĂšrement aux femmes enceintes : “Pour les femmes qui dĂ©sirent avoir un enfant ou qui sont enceintes, il est prĂ©fĂ©rable de limiter au maximum l’exposition aux perturbateurs endocriniens. En effet, ces substances peuvent influencer la croissance et le dĂ©veloppement du fƓtus, mĂȘme Ă  de trĂšs faibles doses.”. Il est donc recommandĂ© d’ĂȘtre particuliĂšrement vigilant.e en pĂ©riode gestationnelle.

Cependant, il ne s’agit pas de la seule pĂ©riode de vulnĂ©rabilitĂ©. Lors la petite enfance, durant le dĂ©veloppement (surtout la premiĂšre annĂ©e de vie), l’enfant est Ă©galement plus sensible au PE. Il en est de mĂȘme, lorsqu’il/elle arrive Ă  la pubertĂ© (dĂ©veloppement des organes sexuels).

Femmes enceintes, ados et jeunes enfants sont donc ceux pour qui la vigilance doit ĂȘtre accrue.

Le nƓud du problùme

Etablir des Ă©tudes scientifiques qui attestent rigoureusement du lien entre l’exposition Ă  un PE et le dĂ©veloppement d’un cancer est Ă  ce jour trĂšs compliquĂ©. La cause Ă©tant que le cancer (mais aussi la majeure partie des autres pathologies provoquĂ©es) reste multifactoriel. Or, si l’on ne peut isoler l’effet du perturbateur endocrinien, on ne peut l’incriminer officiellement (pour plus de dĂ©tails Ă  ce sujet, retrouvez l’interview de Martine Röhl, du SPF SantĂ©, en deuxiĂšme partie de cet article). NĂ©anmoins, nombre d’experts s’accordent Ă  dire qu’il y a dĂ©jĂ  suffisamment de preuves de la nocivitĂ© des PE pour se permettre d’appliquer le “principe de prĂ©caution”. [2]

Le principe de précaution

En cas de risque de dommages graves ou irrĂ©versibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prĂ©texte pour remettre Ă  plus tard l’adoption de mesures effectives visant Ă  prĂ©venir la dĂ©gradation de l’environnement.”

(Source : DĂ©claration de Rio, Sommet de la Terre, 1992)

Il existe de nombreuses substances qui perturbent le systĂšme endocrinien. En voici quelques-unes :

  • 4-Nonylphenol : utilisĂ© dans la production de rĂ©sines Ă©poxy et stabilisants de plastiques, peintures

  • 4-Nonylphenol ethoxylates : utilisĂ© dans la production de polymĂšres, papiers, textiles, peintures

  • 4-Tert-octylphenol : intermĂ©diaire dans la production de rĂ©sines, de peintures

  • 4-Tert-octylphenol ethoxylates : dĂ©tergent utilisĂ© en biologie cellulaire et molĂ©culaire qui permet de dĂ©truire les membranes cellulaires (Triton X-100), surfactant dans les savons

  • Bis(2-ethylhexyl) phthalate (DEHP) : utilisĂ© pour assouplir les plastiques PVC et dans d’autres composĂ©s plastiques, prĂ©sence dans certaines peintures, encres d’imprimante

  • Bisphenol A : utilisĂ© dans la fabrication de plastiques polycarbonates


Pour une liste plus longue des substances les plus souvent rencontrées : https://www.echa.europa.eu/fr/candidate-list-table

(Source : SPF Santé)

Du cÎté des autorités, les prises de décision avancent

Education Santé a rencontré Martine Röhl, en charge de la thématique PE au SPF Santé Publique.

Martine Röhl : Je travaille Ă  la Direction GĂ©nĂ©rale Environnement depuis maintenant presque 16 ans, dans unservice qui s’occupe de la gestion des risques des produits chimiques. Je coordonne les positions belges sur la thĂ©matique des perturbateurs endocriniens (PE).

Jusqu’à prĂ©sent, mon travail se situait principalement au niveau europĂ©en mais, depuis peu, le niveau belge prend de l’importance. Le sĂ©nat, en mars 2018, a sorti un rapport d’information contenant 72 recommandations, dont celle d’élaborer un plan d’action national sur la thĂ©matique des perturbateurs endocriniens. Cela commence Ă  se mettre en route. Les ministres de l’environnement et de la santĂ© ont donnĂ© le coup d’envoi en dĂ©cembre dernier pour Ă©laborer ce plan d’action national. Ma collĂšgue, Sandrine Jouan, et moi-mĂȘme, coordonnons ce travail. En juin, un premier projet de plan d’action national, va ĂȘtre prĂ©sentĂ© aux ministres.

Education Santé : Et maintenant, quelle est la situation au niveau européen ?

MR : Les choses bougent Ă  nouveau. Pendant tout un temps, il y a eu un blocage. En 2013, la Commission europĂ©enne devait proposer des critĂšres qui permettent d’identifier les perturbateurs endocriniens pour les biocides/pesticides. Ils ne l’ont pas fait 
 La SuĂšde a donc intentĂ© une action au niveau de la Cour EuropĂ©enne de Justice, disant que la Commission n’avait pas rempli ses obligations. AprĂšs de longues discussions, des critĂšres ont finalement Ă©tĂ© adoptĂ©s au niveau europĂ©en en 2018, pour les biocides et les produits phytopharmaceutiques.

Pour qu’une substance soit reconnue comme perturbateur endocrinien, il faut qu’elle remplisse 3 conditions essentielles :

  • un mode d’action endocrinien dĂ©terminĂ©, par exemple, par des Ă©tudes in vitro (tests sur des cellules)
  • un/des effet(s) nĂ©faste(s) dĂ©montrĂ©(s) chez un organisme intact (tests sur animaux)
  • une relation de cause Ă  effet plausible entre les deux

(Source : SPF Santé Publique, Sécurité de la chaine alimentaire et Environnement)

Les mĂȘmes critĂšres ont donc Ă©tĂ© adoptĂ©s pour deux rĂšglements existants celui sur les biocides (pour tout ce qu’on utilise notamment Ă  l’intĂ©rieur des maisons pour tuer la vie), et celui sur les produits phytosanitaires (les pesticides pour l’agriculture).

Il y a aussi le rĂšglement REACH qui concerne toutes les substances qui ne sont pas rĂ©glementĂ©es par d’autres lĂ©gislations. Dans le cadre de REACH, on peut identifier des substances comme perturbateurs endocriniens sur base de la dĂ©finition de l’OMS et au cas par cas. Et actuellement, la Commission est en train d’analyser les diffĂ©rentes lĂ©gislations qui sont concernĂ©es par la thĂ©matique (ex : matĂ©riaux en contact avec la nourriture, cosmĂ©tiques,
) afin de dĂ©cider de la meilleure maniĂšre d’avancer. L’idĂ©al serait de pouvoir identifier tous les perturbateurs endocriniens au moyen d’un seul et mĂȘme outil et que cette identification ait une consĂ©quence directe sur la maniĂšre dont la substance est rĂšglementĂ©e dans tel ou tel secteur.

ES : Dans les critùres de reconnaissance d’un PE, on lit qu’il faut montrer l’existence d’une relation de cause à effet PLAUSIBLE. Qu’est-ce que ça signifie exactement ?

MR : Plausible parce que c’est le plus difficile Ă  montrer : le lien causal. Les tests sur animaux permettent de voir des effets comme des pertes d’embryons post-implantatoires, lorsque la rate est exposĂ©e Ă  certaines substance chimiques. On peut donc dire que ces substances sont toxiques pour le dĂ©veloppement des petits parce qu’ils ne restent pas dans l’utĂ©rus mais pour dire que c’est un perturbateur endocrinien, il faut d’autres preuves, qui feraient le lien entre cet effet est un mode d’action PE de la substance.

De plus les dĂ©cisions se prennent au niveau europĂ©en, donc des pays peuvent dire qu’un certain niveau de preuve est suffisant tandis que d’autres ne seront pas d’accord. Il y a des modes d’actions pour lesquels on dispose de plus d’études scientifiques. Par exemple les substances qui agissent comme plastifiants (PVC souple). Pour leur donner de la souplesse, on y ajoute des phtalates, dont plusieurs substances de cette famille sont identifiĂ©es comme perturbateurs endocriniens. Pour ceux-lĂ , on avait un mode d’action bien connu qui a donc pu ĂȘtre utilisĂ©.

ES : Est-il vrai qu’aucune Ă©tude ne dĂ©montre clairement l’implication des PE dans les cancers ou sur l’infertilitĂ© ?

MR : En fait si, il y en a. On sait que des substances chimiques peuvent induire le cancer ou l’infertilitĂ©. Le bisphĂ©nol S peut par exemple agir au niveau du cycle de la femelle chez le rat. On a des donnĂ©es au niveau des rats/animaux et notre volontĂ© est de considĂ©rer qu’elles sont suffisantes et qu’on ne veut pas la preuve chez l’humain (pour des raisons Ă©thiques Ă©videmment). On a d’une part les donnĂ©es de substances chimiques, et d’autre part, on voit des problĂšmes tels que des recrudescences de cancers ou autres. On sait que c’est possible mais on ne sait pas dire, comme pour la cigarette et le cancer des poumons, que tels pourcentages de cancers sont dus aux PE. Pour les substances chimiques, il y a tellement de substances diffĂ©rentes qu’on ne sait pas faire ce lien chez l’homme. Ou alors dans des cas bien prĂ©cis. Je pense notamment Ă  l’amiante pour laquelle on a su faire un lien parce que des travailleurs y Ă©taient exposĂ©s dans un cadre bien prĂ©cis.

Il faut aussi faire le lien entre une exposition 10, 20 ans avant et l’apparition du cancer. De plus, un cancer, c’est multifactoriel
 Donc, quelle est la part de responsabilitĂ© des substances chimiques ? Celle de l’alimentation ? Du stress ? C’est trĂšs compliquĂ© Ă  dĂ©terminer. Maintenant, Ă  force de rassembler les donnĂ©es, on va savoir faire des liens entre certaines substances et l’apparition de certains cancers, dans des cas bien prĂ©cis, comme lorsqu’on s’est rendu compte que des femmes qui prenaient un mĂ©dicament particulier en Ă©tant enceinte voyaient leur fille dĂ©velopper, vers la vingtaine, une forme de cancer trĂšs rare. Dans ce cas-lĂ , il n’a suffi que de 7 cas pour faire le lien. Maintenant, c’est essentiellement sur base de donnĂ©es animales qu’on prend des dĂ©cisions. Avec parfois la difficultĂ© que l’animal et l’homme ne rĂ©agissent pas de la mĂȘme maniĂšre. Et les divergences de vues calent quelques fois lĂ -dessus.

Certaines Ă©tudes Ă©pidĂ©miologiques essaient quand mĂȘme de faire des liens
 Au niveau belge, et surtout au niveau flamand, ils sont assez bien impliquĂ©s dans des programmes de biomonitoring[3] , depuis quelques annĂ©es. La RĂ©gion wallonne vient Ă©galement de lancer un programme de biomonitoring. Au niveau europĂ©en, un programme de biomonitoring rassemble diffĂ©rents pays. C’est important parce qu’on n’aura pas les mĂȘmes infos si on a un petit ou un grand Ă©chantillon.

ES : Les effets dĂ©montrĂ©s des PE Ă©tant multifactoriels, difficile d’avoir des critĂšres rigoureusement scientifiques ?

MR : Oui, souvent on analyse un aspect ou un effet d’une substance isolĂ©e
 Il faudrait tout mettre ensemble mais c’est un gros travail. C’est une combinaison d’un ensemble de facteurs. Quand on fait des tests avec les animaux, on est dans des conditions standardisĂ©es. On leur donne tous la mĂȘme nourriture, ils sont dans des cages, ont un environnement contrĂŽlĂ©. Tandis que pour nous c’est diffĂ©rent. Vous allez manger quelque chose, moi, peut-ĂȘtre plus de fruits et de lĂ©gumes, et je vais ĂȘtre exposĂ©e diffĂ©remment, avoir moins de stress
 Et donc les effets peuvent ĂȘtre diffĂ©rents simplement parce qu’on a des conditions environnementales diffĂ©rentes.

ES : A cÎté des substances isolées, est-il possible que 2 substances non-toxiques indépendamment le deviennent une fois mises ensembles ?

MR : Oui, c’est ce qu’on appelle les effets cocktails. C’est un Ă©lĂ©ment clĂ© aussi. On a montrĂ© chez l’animal que deux substances qui n’avaient pas d’effet de maniĂšre isolĂ©e, pouvaient ensemble induire des effets. Or, on est toujours exposĂ©s Ă  une multitude de substances et donc, lĂ  on joue un peu aux apprentis sorciers parce qu’on ne sait pas quels sont les effets possibles
 Au niveau des lĂ©gislations, cet aspect n’est quasiment pas pris en compte . On examine la plupart du temps les substances de maniĂšre isolĂ©e. C’est clairement quelque chose sur laquelle il faut agir, mais pour l’instant, on ne sait pas encore comment.

ES: En plus des effets cocktails, la toxicitĂ© n’est pas liĂ©e Ă  la dose


MR : Une faible exposition peut dĂ©jĂ  avoir un effet. Surtout que dans notre corps, les hormones circulent Ă  des concentrations trĂšs faibles (entre 10-9 et 10-12 mol/l). J’ai fait le calcul, cela Ă©quivaut Ă  un petit morceau de sucre dans une piscine olympique.

Chez l’adulte, le systĂšme endocrinien a la capacitĂ© de revenir rapidement Ă  l’équilibre et de s’auto-rĂ©guler, avec des boucles de contrĂŽles qui permettent de conserver l’homĂ©ostasie (soit un Ă©tat d’équilibre du systĂšme), mais certaines pĂ©riodes de la vie sont beaucoup plus sensibles, comme les pĂ©riodes de dĂ©veloppement par exemple. Durant la grossesse, Ă©normĂ©ment de choses se construisent sous le contrĂŽle des hormones et donc des expositions Ă  ce moment-lĂ  peuvent vraiment avoir des effets Ă  long terme. Et parfois ce n’est mĂȘme pas Ă  la naissance qu’on voit l’effet. Ça peut ĂȘtre le cas au niveau du systĂšme reproducteur, par exemple. Peut-ĂȘtre que quelque chose va se passer au moment de la puberté  DĂšs lors, le Conseil SupĂ©rieur de la SantĂ© (avis de 2013) a mis l’accent sur la pĂ©riode prĂ©natale qui est vraiment une pĂ©riode trĂšs sensible, ainsi que pour les jeunes enfants.

ES: Y a-t-il une concentration en-dessous de laquelle on peut affirmer qu’il n’y a pas de soucis ?

MR : Il y a un dĂ©bat d’experts, forcĂ©ment, mais c’est surtout aussi une question liĂ©e aux lĂ©gislations puisque beaucoup fonctionnent sur base du risque. Certaines dĂ©cident que le risque est Ă©cartĂ© en-dessous d’une telle concentration, mais d’autres lĂ©gislations ont fait un pas plus loin et disent ‘On ne sait plus calculer le risque. A partir du moment oĂč on sait qu’il y a un danger et que la substance agit comme un PE, il n’y a pas de concentration sĂ»re. L’exposition doit ĂȘtre supprimĂ©e’. Les rĂšglements Biocides et Pesticides ont cette approche. Pour REACH, ce n’est pas aussi clair, mĂȘme si les autoritĂ©s belges soutiennent ici aussi l’absence de concentration sĂ»re pour les PE

ES : Un PE, ça disparait ou se dégrade facilement ?

MR : Cela dĂ©pend des substances, certaines se dĂ©gradent bien tandis que d’autres pas, mais aussi de l’exposition. Certaines substances s’accumulent dans les tissus, d’autres seront Ă©liminĂ©es rapidement par le corps, mais pour ces derniĂšres, si on est continuellement exposĂ©s, c’est problĂ©matique Ă©galement. Et puis, il y a les substances qui vont s’accumuler dans l’environnement


LĂ  aussi on a plein de cas de figure. Ici on parle Ă©normĂ©ment de la santĂ© humaine mais aprĂšs il y a aussi tout le volet environnemental. Certains mĂ©dicaments, les pilules contraceptives ne sont pas dĂ©gradĂ©s dans les stations d’épuration d’eau et finissent dans les riviĂšres. C’est une problĂ©matique qui est aussi discutĂ©e au niveau europĂ©en.

ES : Précaution, donc ?

MR : Notre approche est de suivre l’avis du Conseil SupĂ©rieur de la SantĂ©, qui est de prĂ©coniser une hygiĂšne chimique. Ce sera donc : arrĂȘter de fumer, de boire de l’alcool, ventiler les chambres, faire souvent les poussiĂšres qui sont pleines de matĂ©riaux chimiques dĂ©sagrĂ©gĂ©s, Ă©viter les parfums, dĂ©sodorisants, les peintures
 On a souvent l’image de la future maman enceinte qui repeint la chambre de bĂ©bé  Non ! Ce sont des choses trĂšs ancrĂ©es et il y a vraiment une grosse communication Ă  faire.

Evidemment, Évitez le plus possible d’utiliser des insecticides, herbicides, 
 Ce sont quand mĂȘme des substances qui sont faites pour tuer, elles ne sont pas anodines !

Il y a des recommandations pour certains produits mais qui les suit strictement? Qui met systématiquement un masque et aÚre aprÚs avoir pulvériser un insecticide?

ES: Concernant ce qui a déjà été fait, quels résultats ?

MR : Certaines substances ont Ă©tĂ© interdites parce qu’on s’est rendu compte qu’elles Ă©taient persistantes, donc qu’elles restaient dans l’environnement, qu’elles se bio-accumulaient dans la graisse des animaux, et qu’on en avait de plus en plus dans la chaine alimentaire. Ces substances ont Ă©tĂ© interdites au niveau international, et maintenant on voit que ça diminue
 Une sĂ©rie d’études, notamment sur le lait maternel, ont Ă©tĂ© menĂ©es dans le cadre de l’OMS et montrent une diminution. Du cĂŽtĂ© de chez nous, lors du dernier biomonitoring flamand, on a testĂ© des adolescents et on constate que ces substances diminuent Ă©galement. C’est encourageant parce qu’on voit que ce qu’on fait en tant qu’autoritĂ© a un impact.

ES : Bonne nouvelle ! Et ensuite ? Qu’est-ce qui est mis en place pour sensibiliser la population ?

MR : Le Plan d’action national devrait aborder ce point. Il y a encore beaucoup de travail Ă  faire pour sensibiliser et informer le grand public. Il nous faudra aussi essayer de cibler tout particuliĂšrement les populations prĂ©carisĂ©es qui ont encore plus de mal Ă  avoir accĂšs Ă  l’information. Nous imaginerons donc un canal d’information spĂ©cifique Ă  cette population. Mais d’autres publics concernĂ©s sont, par exemple, les mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes. Lors d’un atelier sur les PE rĂ©alisĂ© en 2017, beaucoup ont dĂ©couvert la problĂ©matique, simplement parce que ce n’est pas dans leur formation initiale. L’idĂ©al Ă  l’avenir serait d’ailleurs d’intĂ©grer cette thĂ©matique aux cursus universitaires. C’est aussi un travail en cours.

Le processus pour faire retirer un produit du marchĂ© prend du temps, des annĂ©es, parce qu’il faut suivre des procĂ©dures Ă©tablies, avec des discussions parfois longues pour se mettre d’accord
 Il faut donc appliquer le principe de prĂ©caution. La connaissance est suffisante pour dire : Ă©vitons les produits Ă  risque. Il ne faut pas attendre un niveau de preuve maximal, et se dire « tant que tout n’est pas prouvĂ© Ă  100%, tant que le lien causal entre telle substance et tel cancer n’est pas Ă©tabli, alors on ne fera rien ». En tant qu’autoritĂ©, on traite certaines substances, on avance, mais on est aussi conscient que ça prend beaucoup (trop) de temps et qu’il faut agir sur les deux fronts. A la fois faire de la prĂ©vention auprĂšs de la population, et agir en tant qu’autoritĂ© pour interdire certaines substances. Ça avance, mĂȘme si ça prend du temps et que c’est parfois dĂ©courageant. Mais on y croit parce que ça a du sens !

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Quelques ressources pour aller plus loin :

Nous vous conseillons de consulter le site https://www.perturbateurendocrinien.fr

  • Mazzoni, M. (2018) Perturbateurs endocriniens : Ă©tat des lieux et perspectives en promotion de la santĂ©. SantĂ© en action, n°446, pp. 46-48 : disponible sur www.santepubliquefrance.fr
  • Province de LiĂšge. (2016) Les perturbateurs endocriniens : Ces produits chimiques capables de bouleverser notre Ă©quilibre hormonal. LiĂšge : Province de LiĂšge. 49p.
  • Observatoire rĂ©gional de santĂ© (ORS) Île-de-France. (2019) Perturbateurs endocriniens. Effets sur la santĂ© et leviers d’action en rĂ©gion Île-de-France. Paris : Observatoire rĂ©gional de santĂ© (ORS) Île-de-France, 20p.

Comment s’en protĂ©ger au mieux ?

De plus en plus de voix se font entendre, et des associations se mettent en place pour lutter contre les PE. Si certaines entreprises commencent Ă  tenter de les bannir. La seule solution actuellement viable reste d’ĂȘtre soi-mĂȘme vigilant quant Ă  ses achats. Qu’il s’agisse de denrĂ©es alimentaires, de produits d’entretien de la maison, de matĂ©riaux de bricolage, 
 il faut, dans la mesure du possible, contrĂŽler ses achats et s’informer sur les contenus et origines du produit. Une tĂąche qui peut ĂȘtre fastidieuse mais qui, c’est Ă  espĂ©rer, deviendra une habitude avec le temps.

Pour vous aider Ă  y voir plus clair, voici quelques applications pour smartphone

Yuka scanne vos produits et analyse leur impact sur la santĂ©. En un clin d’Ɠil, il dĂ©chiffre pour vous les Ă©tiquettes : vous visualisez les produits qui sont bons et ceux qu’il vaut mieux Ă©viter.

  1. Scanner un produit

Et consulter la liste des ingrédients qui le compose

  1. Rechercher un produit

Afin de vérifier sa composition sans avoir le produit sous la main

  1. Trouver un meilleur produit

Les propositions de produits alternatifs sont lĂ  pour vous aider

  1. S’informer sur un composant

Grùce à sa description, son appartenance aux différentes familles, etc.

[2] NB : Nous sommes conscients du fait qu’il est difficile d’aborder cette thĂ©matique sans mentionner le poids du lobbying. Cependant, afin de la faire de maniĂšre rigoureuse et dĂ©taillĂ©e, nous avons pris la dĂ©cision de traiter cette problĂ©matique dans un prochain article, dĂ©diĂ© exclusivement au sujet.

[3] Le biomonitoring, ou biosurveillance, est la détection de polluants dans un milieu et de leurs effets sur les organismes et sur les écosystÚmes.

VoilĂ  maintenant plusieurs semaines que nous sommes confinĂ©s chez nous en rĂ©ponse Ă  l’épidĂ©mie du COVID 19. Ce nouveau mode de vie a chamboulĂ© nos repĂšres et nous oblige Ă  revoir nos façons de faire. Si cela est vrai pour notre vie privĂ©e, ça l’est autant dans notre vie professionnelle. Comment continuer Ă  ĂȘtre proche de nos publics en ces temps de distanciation physique ? Comment continuer de faire de la lutte contre le VIH une prioritĂ© quand les esprits sont concentrĂ©s sur une autre Ă©pidĂ©mie ? Comment continuer Ă  atteindre nos objectifs quand certaines de nos activitĂ©s ne sont plus possibles ?

La PrĂ©vention du VIH et des autres IST Ă  l’heure du confinement

Nouvelles stratégies mises en place à la Plateforme Prévention sida pour maintenir la réalisation des objectifs de son programme.

A la Plateforme PrĂ©vention Sida, il a fallu rĂ©flĂ©chir, se concerter, prioriser les besoins et s’adapter afin de proposer rapidement des solutions pour rĂ©pondre Ă  toutes ces questions. Dans un premier temps, il nous est apparu nĂ©cessaire de rassurer nos publics sur le maintien de notre prĂ©sence Ă  leur cĂŽtĂ©. Par la suite, nous avons dĂ» mettre en place de nouvelles actions ou modifier nos actions habituelles pour continuer de rĂ©pondre aux besoins de nos publics. Et pour finir, nous avons Ă©galement engagĂ© une rĂ©flexion sur nos prioritĂ©s pour l’aprĂšs confinement. Dans cette recherche de nouvelles stratĂ©gies, les nouvelles technologies se sont vite imposĂ©es comme une solution. En effet, nous avons dĂšs le dĂ©but cherchĂ© Ă  renforcer notre prĂ©sence sur les rĂ©seaux sociaux (Facebook, Instagram
 outils inĂ©vitables en cette pĂ©riode de distanciation physique) pour rappeler Ă  nos publics notre prĂ©sence, les rassurer et les encourager Ă  rester en contact avec nousNote bas de page.

Il nous a Ă©galement semblĂ© important de mettre en ligne des informations sur la COVID 19 et les liens avec le VIH, en reprenant toutes les informations dont pourraient avoir besoin nos publics. Dans cette dĂ©marche, nous avons Ă©galement rĂ©flĂ©chi aux publics fragilisĂ©s en fournissant une information comprĂ©hensible et lisible, ainsi que des renseignements sur le maintien de la prise en charge de la santĂ© dans les conditions actuelles. En effet, il nous a semblĂ© primordial de lutter contre l’augmentation de l’écart de santĂ© que pourrait induire cette nouvelle Ă©pidĂ©mieNote bas de page. Pour revenir aux rĂ©seaux sociaux plus spĂ©cifiquement, nous avons notamment mis en place cinq nouvelles rubriques de post Facebook et Instagram pour alimenter chaque jour nos comptes : Covid 19 et VIH, Safe Sex Quiz, le chiffre de la semaine, saviez-vous que ? et flashback (rappel sur nos anciennes campagnes). Cette stratĂ©gie de communication, nous permet de maintenir la lutte contre le VIH et les autres IST au centre des dĂ©bats et de poursuivre le dialogue autour de ces questions de santĂ© sexuelleNote bas de page.

D’autres projets ont dĂ» Ă©galement modifier leur fonctionnement. Par exemple, le soutien collectif apportĂ© par le Groupe MandelaNote bas de page de la Plateforme PrĂ©vention Sida a Ă©tĂ© maintenu grĂące Ă  la crĂ©ation d’un groupe WhatsApp et le travail des Relais PrEPNote bas de page s’est poursuivi par l’intermĂ©diaire des rĂ©unions en ligne et de la production de vidĂ©os informatives Ă  partager sur les rĂ©seaux sociaux.

Si dans un premier temps il a fallu assurer notre prĂ©sence et la continuitĂ© de l’information, nous avons aussi dĂ» rĂ©flĂ©chir Ă  des stratĂ©gies alternatives pour continuer de favoriser l’accĂšs des publics aux outils de prĂ©vention du VIH et des autres IST. Notamment l’accĂšs aux prĂ©servatifs grĂące Ă  un envoi hebdomadaire de prĂ©servatifs gratuits par la poste aux personnes qui en font la demande. Mais Ă©galement en insistant sur l’importance de les rendre disponibles dans un contexte de potentielle pĂ©nurie Ă  la suite des fermetures des usines en Malaisie.

L’accĂšs au dĂ©pistage du VIH a Ă©galement retenu notre attention. En effet, les demandes continuent d’arriver. Il fallait donc envisager une solution pour que les publics continuent Ă  y avoir accĂšs, tout en respectant les rĂšgles en mesure de distanciation physique. Nous avons donc rĂ©flĂ©chi Ă  un systĂšme d’envoi d’autotests pour les tests urgents en cas de prise de risque avĂ©rĂ©e, et aprĂšs un counseling en ligne ou par tĂ©lĂ©phone pour s’assurer que la personne ait reçu toute l’aide nĂ©cessaire et saura quoi faire en cas de rĂ©sultat positif.

ConfinĂ©s individuellement chacun dans nos maisons, nous restons une Ă©quipe motivĂ©e et dĂ©terminĂ©e Ă  poursuivre les objectifs de notre programme : lutter contre l’épidĂ©mie du VIH en renforçant les publics par rapport Ă  la prise en charge de leur santĂ© sexuelle, maintenir la lutte contre le VIH et les autres IST dans les prioritĂ©s de nos dĂ©cideurs, favoriser l’accĂšs Ă  l’information et au matĂ©riel de prĂ©vention pour tous, avec une attention particuliĂšre pour les plus fragilisĂ©s, continuer de travailler avec et pour nos publics, favoriser le travail de proximitĂ©, mĂȘme si cela nous demande de revoir nos actions.

Vers une réouverture progressive


Depuis l’Ă©criture de l’article, le Plateforme PrĂ©vention Sida a rĂ©ouvert progressivement ses bureaux au public. Notamment des permanences deux fois par semaine pour rĂ©aliser sur rendez-vous des tests de dĂ©pistage du VIH Ă  rĂ©sultat rapide, des distributions de matĂ©riel de prĂ©vention sur rendez-vous et une permanence une fois par semaine pour les personnes vivant avec le VIH qui souffrent de l’isolement. Nous adaptons toutes ces activitĂ©s aux consignes de sĂ©curitĂ© pour Ă©viter la transmission du Coronavirus (hygiĂšne des surfaces, nettoyage frĂ©quent des mains, distanciation physique et port du masque). Nos activitĂ©s continueront de s’adapter Ă  l’Ă©volution de la situation.

MĂȘme si nos esprits sont prĂ©occupĂ©s par la situation que nous vivons, mĂȘme si les prioritĂ©s sont Ă  la lutte contre le coronavirus, et bien que nous vivions confinĂ©s, les questions sur la vie sexuelle et affective, et les prises de risque par rapport Ă  la transmission du VIH et des autres IST n’ont pas disparu. MĂȘme si le confinement nous impose d’éviter les contacts physiques, il est naĂŻf de penser que les gens n’ont plus de rapports sexuels. La vie continue et les gens continuent de faire des rencontres sur internet, Ă  se rencontrer et Ă  avoir des rapports sexuels. A nous de leur apporter des messages sans porter de jugement pour leur permettre de continuer Ă  le faire en se protĂ©geant contre le VIH et les autres IST. La lutte contre le VIH et les autres IST reste une prioritĂ© et nous espĂ©rons que cela le reste Ă©galement pour nos politiques afin d’éviter une augmentation des chiffres relatifs au VIH et autres IST dans les annĂ©es Ă  venir.

Pour en savoir plus sur la Plateforme Prévention Sida :
Plate-Forme Prévention Sida Asbl
Place de la Vieille halle aux blé 28-29
1000 Bruxelles
TĂ©l. : 02/733 72 99
www.preventionsida.org

https://preventionsida.org/fr/covid-19-les-activites-de-la-plateforme-prevention-sida-sont-impactees/

https://preventionsida.org/fr/personnes-vivant-avec-le-vih-et-coronavirus-ce-quil-faut-savoir/

 

https://preventionsida.org/fr/ressources/espace-mandela/

https://preventionsida.org/fr/ressources/accompagnement-communautaire-prep/

La pandĂ©mie de Covid-19 et sa prise en charge sont rĂ©vĂ©latrices d’inĂ©galitĂ©s sociales lancinantes au sein de notre sociĂ©tĂ©. Les individus et les groupes sociaux, compte tenu de leurs conditions de vie, sont touchĂ©s de maniĂšre diffĂ©renciĂ©e par le virus et par les mesures prises par les pouvoirs publics pour contenir sa propagation. Genre, Ăąge, logement, travail, revenus, statut administratif
 vont dĂ©terminer les possibilitĂ©s de se prĂ©munir de la contagion, d’accĂ©der Ă  des soins et surtout de vivre avec plus ou moins de difficultĂ©s cette pĂ©riode de vigilance sanitaire extrĂȘme. Dans le domaine de l’information et des compĂ©tences d’évaluation de celle-ci, le phĂ©nomĂšne Ă©pidĂ©mique met Ă©galement en Ă©vidence des facteurs de disparitĂ©s.

La littĂ©ratie en santĂ© des populations Ă  l’épreuve de la Covid-19 : le dĂ©fi de l’évaluation de l’information

L’info au pouvoir

Pendant cette crise, l’information est omniprĂ©sente. Elle joue un rĂŽle fondamental Ă  plusieurs Ă©gards. D’abord, pour les autoritĂ©s publiques (en tant qu’émettrices), elle a une fonction de prĂ©vention et de contrĂŽle Ă  travers une forme d’encadrement idĂ©ologique des individus. BasĂ©es sur une expertise scientifique, leurs communications martĂšlent les comportements Ă  adopter (gestes barriĂšres, dispositions de confinement) et conscientisent Ă  une forme de gravitĂ© en essayant de confĂ©rer un sens individuel et collectif aux dĂ©cisions prises. Leurs objectifs sont des objectifs de santĂ© publique prĂ©cis : limiter la propagation du virus, empĂȘcher une saturation des services de soins et prĂ©server le maximum de vies. Pour cela, l’État doit notamment rĂ©affirmer sa puissance en communiquant les sanctions qu’il adopte, sans oublier les dispositifs de soutien qu’il met en place pour limiter les « effets collatĂ©raux » de ses propres mesures.

Ensuite, pour la population (ici en tant que rĂ©ceptrice), l’information rĂ©pond Ă  un besoin de savoir. Dans une optique rationnelle, il s’agit pour elle de cerner le risque auquel elle est exposĂ©e et la maniĂšre d’y faire face concrĂštement. Elle recherche lĂ  une capacitĂ© d’agir dans un contexte de vulnĂ©rabilitĂ© et de limitations. Elle est Ă©galement en quĂȘte d’explications au milieu d’un ocĂ©an d’incertitudes. À cĂŽtĂ© de cela, face Ă  une « menace lĂ©tale » relativement proche, l’information vient assouvir une pulsion chez l’individu le renvoyant Ă  son propre devenir et Ă  sa propre finitude. Il y a ici nĂ©cessitĂ© impĂ©rieuse de connaĂźtre la maniĂšre dont s’en sortent nos semblables et dont nous allons nous en sortir. Les diffuseurs (mĂ©dias de masse ou spĂ©cialisĂ©s, acteurs et actrices d’internet et des rĂ©seaux sociaux, relais communautaires, entourage) offrent donc une rĂ©ponse Ă  cet immense besoin d’informations, en proposant un flot continu de contenus hĂ©tĂ©roclites avec une qualitĂ© et des enjeux inĂ©gauxNote bas de page. La consommation d’informations sur la crise du coronavirus varie fortement au sein de la sociĂ©tĂ© (canaux utilisĂ©s, intensitĂ© de la prise d’informations, attention portĂ©e Ă  certaines d’entre elles plutĂŽt qu’à d’autres) et les rĂ©actions face Ă  celles-ci se dĂ©ploient sur une large palette : d’un sentiment de responsabilitĂ© au repli sur soi et Ă  la peur, en passant par la compassion et l’élan de solidaritĂ©.

L’enjeu de la littĂ©ratie en santĂ©

La littĂ©ratie en santĂ© dĂ©signe les compĂ©tences que les individus exercent pour accĂ©der aux informations, pour les comprendre, les Ă©valuer et les utiliser dans la perspective de maintenir ou d’amĂ©liorer leur santĂ© et celle de leur entourage. Pendant cette crise sanitaire, ces compĂ©tences et les possibilitĂ©s de les mettre en Ɠuvre jouent un rĂŽle essentiel. Elles vont conditionner les capacitĂ©s de prĂ©vention de la maladie chez chacun·e et Ă  l’échelle de la collectivitĂ©, mais aussi dĂ©terminer la santĂ© dans son aspect plus global, alors que les repĂšres sociaux sont bouleversĂ©s. En fonction des ressources sociales, Ă©conomiques et culturelles Ă  disposition, le rapport Ă  l’information variera et les compĂ©tences en littĂ©ratie en santĂ© s’exerceront Ă  des Ă©chelles diffĂ©rentes.

L’évaluation de l’info en temps d’infodĂ©mie

InfodĂ©mie, voilĂ  comment l’Organisation Mondiale de la SantĂ© appelle cette surabondance d’informations sur la Covid-19. Causes et origines du virus et de la maladie, symptĂŽmes et modes de transmission, traitements et mesures prophylactiques, efficacitĂ© des interventions des autoritĂ©s : ces champs font l’objet de beaucoup d’incertitudes scientifiques, ce qui amĂšne des informations contradictoires ou relevant plus de l’hypothĂšse que du fait. Puis, il y a bien entendu des informations manipulĂ©es. Elles dĂ©ferlent, en particulier, sur les plateformes numĂ©riques et les rĂ©seaux sociaux. Compte tenu de cela, la troisiĂšme dimension de la littĂ©ratie en santĂ©, Ă  savoir l’évaluation de l’information, constitue un enjeu de taille. Les compĂ©tences que les personnes mobilisent pour Ă©mettre un jugement sur l’information, estimer sa fiabilitĂ©, la sĂ©lectionner, s’en distancier ou non, influeront leurs attitudes face Ă  la pandĂ©mie ainsi que leur santĂ© notamment mentale. Les facteurs influençant cette capacitĂ© d’évaluation sont multiples. Trois facteurs nous viennent particuliĂšrement Ă  l’esprit Ă  la lumiĂšre de la situation actuelle : les reprĂ©sentations, la peur et l’éducation.

Le poids des représentations

Il est Ă©vident que l’information consultĂ©e forge en partie les reprĂ©sentations que l’on se fait de la question. La maniĂšre dont une personne va percevoir et interprĂ©ter le risque et les moyens de se protĂ©ger va fortement varier en fonction des informations auxquelles elle aura Ă©tĂ© exposĂ©e et qu’elle aura pu intĂ©grer. Par exemple, l’obtention d’une information dĂ©comptant un nombre de dĂ©cĂšs de la Covid-19 gĂ©ographiquement proches pourra rendre prĂ©gnant un sentiment de vulnĂ©rabilitĂ© par rapport Ă  une maladie qui se prĂ©sentera dĂšs lors Ă  l’esprit comme grave et particuliĂšrement mortelle. Mais, Ă  leur tour, les reprĂ©sentations personnelles vont conditionner la maniĂšre dont l’information sera recherchĂ©e, sĂ©lectionnĂ©e et retenue. S’appuyant sur les expĂ©riences vĂ©cues, les reprĂ©sentations, par exemple, du risque (proche ou lointain), du corps (fragile ou rĂ©sistant), de la science et de la mĂ©decine (porteuses ou non de solutions), mais aussi du pouvoir public (peu ou prou digne de confiance) dĂ©termineront l’attention portĂ©e Ă  certaines informations, l’utilisation de certains types de sources et le crĂ©dit qu’on leur accordera. Chacun·e vivant la situation Ă  travers un champ de reprĂ©sentations propre, plus ou moins partagĂ© avec les autres, portera un jugement sur l’information de maniĂšre singuliĂšre. Une personne qui se reprĂ©sente la maladie Ă  coronavirus comme une « simple grippe » et estimant que les autoritĂ©s en font trop, pourrait ĂȘtre plus encline Ă  se dĂ©tourner des canaux officiels voire ĂȘtre plus rĂ©ceptive aux thĂšses alternatives.

Une sĂ©rie de biais cognitifsNote bas de page peuvent intervenir dans le traitement de l’information. Évoquons ici, le biais de confirmation. On aura tendance Ă  chercher et Ă  Ă©couter plus attentivement ce qui confirme les perspectives dĂ©jĂ  installĂ©es dans notre esprit. De surcroĂźt, dans un monde numĂ©rique, oĂč une bonne part des informations est amenĂ©e par des algorithmesNote bas de page, le risque de figement des reprĂ©sentations grandit. BranchĂ©e sur les mĂȘmes registres informationnels, une personne s’installe dans une bulle qui peut s’avĂ©rer dĂ©lĂ©tĂšre surtout quand elle se compose d’infos manipulĂ©es et/ou de contenus anxiogĂšnes.

La peur, conseillÚre en désorientation

Cet Ă©pisode pandĂ©mique d’une ampleur jamais connue par les gĂ©nĂ©rations actuelles diffuse inĂ©vitablement une certaine anxiĂ©tĂ© au sein de la population. Il la gĂ©nĂšre d’autant plus que la menace reste relativement imprĂ©cise, que l’horizon est incertain. Face Ă  ce fait social totalNote bas de page fortement chargĂ© en Ă©motions, il est difficile de rester rationnel·le. DĂšs lors, nos capacitĂ©s de jugement et de prise de recul s’étiolent en fonction de ce vĂ©cu Ă©motionnel. Toute personne aspirant Ă  trouver des solutions rapides et globales Ă  la problĂ©matique, la crĂ©dulitĂ© s’accroĂźt face Ă  des explications pĂ©remptoires, dĂ©contextualisĂ©e et non-Ă©tayĂ©es (ex. : le virus a Ă©tĂ© crĂ©Ă© dans un labo) ou face Ă  des remĂšdes miracles (ex. : boire de l’eau chaude tue le virus). Les informations tronquĂ©es, frelatĂ©es, manipulĂ©es, les thĂ©ories du complot qui offrent des explications limpides Ă  un phĂ©nomĂšne terrifiant, s’infiltrent donc allĂšgrement dans les flux et les esprits. Si ces nouvelles peuvent porter de graves atteintes Ă  la santĂ© (dĂ©ni ou exagĂ©ration du risque, comportements prĂ©ventifs inefficaces voire nocifs), elles peuvent, elles-mĂȘmes, alimenter la peur. Par exemple, le contact avec certaines infox pourrait nous amener Ă  penser que nous sommes gouvernĂ©s par des personnes qui nous cachent Ă  dessein une sĂ©rie d’informations essentielles. Des infox catastrophistes ou dĂ©clinistes peuvent nourrir une mĂ©fiance face aux institutions, au collectif, Ă  l’Autre ; qui se profileront tantĂŽt comme inconscients tantĂŽt comme menaçants. MĂȘme si le sentiment de peur est prĂ©sent et sans doute inĂ©vitable dans cette situation, il ne doit pas nous empĂȘcher de continuer Ă  rĂ©flĂ©chir et de se donner un dĂ©lai de traitement de l’information.

Info(x)

Les infox (contraction d’information et d’intoxication) sont rarement des fausses nouvelles, construites de toute piĂšce. Elles sont souvent des « faits manipulĂ©s sortis de leur contexte, des gĂ©nĂ©ralisations hĂątives ou des interprĂ©tations subjectives prĂ©sentĂ©es comme des faitsNote bas de page ». Ni tout Ă  fait justes, ni tout Ă  fait fausses, elles sont diffusĂ©es pour diffĂ©rentes raisons en vue d’orienter les pensĂ©es et comportements : objectifs commerciaux, gĂ©opolitiques, de notoriĂ©té  Elles peuvent Ă©galement ĂȘtre relayĂ©es de bonne foi.

L’éducation : esprit critique es-tu lĂ  ?

Certes, le parcours Ă©ducatif joue un rĂŽle. Les clĂ©s obtenues Ă  l’école et utilisĂ©es au quotidien pĂšsent sur l’approche que nous allons avoir de l’information ; par exemple, pour dĂ©crypter les rĂ©cits mĂ©diatiques ou pour suspendre notre jugement Ă  partir de certains indices. Mais, nous vivons ici de l’inĂ©dit : une vulnĂ©rabilitĂ© universelle dans un monde de l’immĂ©diatetĂ© dans lequel chaque individu est producteur et consommateur de contenu. Ces clĂ©s Ă©ducatives sont donc mises Ă  rude Ă©preuve et se rĂ©vĂšlent pour beaucoup insuffisantes. Il est pourtant plus que jamais nĂ©cessaire de mettre en Ɠuvre notre esprit critique. Comme le dit le sociologue GĂ©rald Bronner, il s’agit d’abord de se mĂ©fier de nos intuitions, de prendre conscience de l’ensemble des biais cognitifs qui interviennent dans nos jugements. Pour faire face Ă  la manipulation et aux opinions peu fondĂ©es, il est indispensable de se dĂ©centrer de ses propres rĂ©actions Ă©motionnelles et d’adopter d’autres points de vue. Tout cela exige des ressources mentales et de la mĂ©thode. En effet, exercĂ©e sans mĂ©thode, la pensĂ©e critique peut paradoxalement nous amener sur la voie de la crĂ©dulitĂ©. Se mĂ©fier de tout, ne plus croire en rien nous expose aux rĂ©vĂ©lations non-fondĂ©es. Si l’émission du doute face Ă  certaines informations est nĂ©cessaire, elle doit s’accompagner d’un effort, celui de dĂ©ployer une pensĂ©e mĂ©thodique nous permettant de nous raccrocher avec raison Ă  la rĂ©alitĂ©.

Employer une méthode

L’adoption par le ou la citoyen·ne de quelques principesNote bas de page contribuera Ă  dĂ©jouer les piĂšges de la mĂ©sinformation. Qui est son auteur·rice ? Pourquoi est-elle diffusĂ©e ? De quand date-t-elle ? À quelle source fait-elle rĂ©fĂ©rence ? Il est d’abord fondamental de se poser certaines questions pour dĂ©crypter l’information avant de lui accorder du crĂ©dit. Il s’agit ensuite de garder une circonspection face Ă  ce qui est trop « Ă©vident », comme la cause unique Ă  un problĂšme complexe ou une solution apportĂ©e par une seule personne.

La mĂ©thode de latĂ©ralisation peut constituer un bon levier de vĂ©rification : l’information est-elle confirmĂ©e sur d’autres types de mĂ©dias avec les mĂȘmes nuances ? La diversification des sources est donc importante tout comme le fait d’avoir en tĂȘte la distinction entre fait et opinion. Si le fait peut ĂȘtre vĂ©rifiĂ© et est indĂ©pendant des personnes qui le relaient, l’opinion relĂšve d’idĂ©es qui peuvent ĂȘtre discutĂ©es et partagĂ©es ou non entre les individusNote bas de page. Enfin, garder la maĂźtrise de l’information est un dernier point Ă  souligner. Il s’agit de choisir et de limiter les temps d’information et mĂȘme de pouvoir faire un pas de cĂŽtĂ© face Ă  un flux intarissable. Se dĂ©connecter permet de se donner de l’air par rapport Ă  ce qu’il se passe.

Suivre ces quelques principes n’est pas une mince affaire. Cela nĂ©cessite des ressources matĂ©rielles, techniques et mentales que la collectivitĂ© se doit de proposer Ă  tout·e citoyen·ne.

Et les diffuseurs dans tout ça

Mais l’évaluation de l’information se joue aussi sur d’autres tableaux. L’environnement informationnel actuel est terriblement exigeant, peu propice Ă  la sĂ©rĂ©nitĂ© et au dĂ©ploiement de la pensĂ©e rĂ©flexive. Dans cette infodĂ©mie, la responsabilitĂ© des diffuseurs est en jeu. Exemples :

  • Les gĂ©ants du Web dĂ©clarent faire des efforts pour lutter contre les fake news en redoublant leurs efforts de signalement, mais le fondement sur lequel leurs produits commerciaux reposent, Ă  savoir un marchĂ© de l’attentionNote bas de page, est peu favorable Ă  la prise de recul.
  • Les mĂ©dias traditionnels (en particulier la tĂ©lĂ©vision) devraient Ă©galement poser un regard sur le cadrage qu’ils font de l’actualitĂ© en ayant en tĂȘte le niveau d’angoisse qu’ils peuvent gĂ©nĂ©rer, tout en favorisant l’appropriation critique et nuancĂ©e de l’information.
  • La communication de crise des autoritĂ©s publiques est sans aucun doute un exercice d’équilibriste. Mais, le cas Ă©chĂ©ant, elles gagneraient Ă  reconnaĂźtre publiquement leurs erreurs (ex. : gestion des masques) dans une optique d’accroĂźtre leur transparence et d’éviter de donner du grain Ă  moudre aux dĂ©fenseur·euses de thĂšses conspirationnistes.
  • Enfin, n’oublions pas que chacun·e d’entre nous est potentiellement diffuseur·euse d’informations. Il relĂšve dĂšs lors de notre responsabilitĂ© citoyenne de rĂ©flĂ©chir Ă  la qualitĂ© des informations et de les contextualiser avant de les relayer.

Faisant affleurer des enjeux fondamentaux, l’épidĂ©mie de Covid-19 peut ĂȘtre la cause d’un changement de sociĂ©tĂ©. Un dĂ©fi se prĂ©sente Ă  nous aussi en termes d’éducation permanente et de promotion de la santĂ© avec, entre autres, l’axe stratĂ©gique de renforcer les capacitĂ©s des citoyen·nes leur permettant d’apprivoiser ce monde de l’information en lien avec la santĂ© mais aussi de le repenser collectivement. À suivre donc


Ressources bibliographiques pour aller plus loin 


  • BRONNER G., Aiguiser le sens critique, in : Sciences Humaines, n°287, 2016
  • DESCLOS A., La mondialisation des infox et ses effets sur la santĂ© en Afrique, l’exemple de la chloroquine, in : The conversation.fr, mars 2020
  • FRAU-MEIGS D., EpidĂ©mie d’infox, des gestes barriĂšres numĂ©riques Ă  adopter, in : The conversation.fr, Avril 2020
  • GURVIEZ P., Covid-19 : comment les biais cognitifs ont diminuĂ© l’efficacitĂ© de la communication officielle, in : The conversation.fr, avril 2020
  • MOUTON P., Coronavirus et fausses informations : Les alĂ©as de la libertĂ© d’expression en pĂ©riode de crise sanitaire, in : Revue des droits et libertĂ©s fondamentaux, Centre de Recherches Juridiques de Grenoble, 2020
  • MURAILLE E., Rien ne prouve que le coronavirus a Ă©tĂ© crĂ©Ă© en laboratoire : les dessous de l’infodĂ©mie sur le Covid-19, in : The conversation.fr, avril 2020
  • PAAKKARI A. & OKAN O., Covid-19 : Health literacy is an underestimated problem, in : The Lancet, Avril 2020
  • LOMBARD F. & MERMINOD M., Esprit critique en sciences : Comment concilier l’émotion et la raison ?Abstract de sĂ©minaire, UniversitĂ© de GenĂšve, avril 2019
  • PERETTI-WATEL P., Peur, danger, menace
 Le poids des reprĂ©sentations, in : Sciences Humaines, n°124, 2002
  • WHO, Providing timely and accurate information to dispelthe « infodemic », in : Covid-19 situation report, n°86, Avril 2020

Note : L’équipe promotion de la santĂ© contributrice de cette rĂ©flexion Ă©crite en avril 2020 : Alexia Brumagne, MaĂŻtĂ© Cuvelier, Jeanne Dupuis, Denis Mannaerts et CĂ©line Prescott.

Par parenthĂšse, on ne peut Ă©luder le fait que certain·es profitent de ce contexte exceptionnel pour se faire une notoriĂ©tĂ©, asseoir une emprise sur les consciences en surfant sur une angoisse diffuse, n’hĂ©sitant pas Ă  propager des informations non-Ă©tayĂ©es ou manipulĂ©es ; nous revenons sur ces aspects dans la suite du texte.

Mécanismes de pensée faussement logiques. Ils sont fondés sur les expériences intériorisées et les émotions. Ils altÚrent notre jugement et nous font agir intuitivement.

Ceux-ci amÚnent souvent les informations en fonction des recherches précédemment effectuées ou sur base des préférences affichées sur les réseaux sociaux.

 

Concept développé par Marcel Mauss qui désigne un phénomÚne qui impacte tous les champs de la société, ébranle les systÚmes et bouleverse nos habitudes.

 

DESCLOS A., La mondialisation des infox et ses effets sur la santĂ© en Afrique, l’exemple de la chloroquine, in : The conversation.fr, mars 2020

 

Cultures&SantĂ© a derniĂšrement publiĂ© des outils permettant d’obtenir quelques clĂ©s pour faire face Ă  ce torrent d’infos : Fiche Lisa n°3 : Comment Ă©valuer l’information pour la santĂ© sur le Web ?, Covid-19 : Comment rĂ©agir face Ă  l’info ? (infographie et clĂ©s mĂ©thodologiques et de rĂ©flexion).

 

À ce propos, Olenka Czarnocki, une enseignante de l’Institut Emile Gryson, donne ses clĂ©s pour rester critique face Ă  l’information dans la vidĂ©o ConfinĂ© mais critique (https://www.youtube.com/watch?v=3cdb3XUOBzo&feature=youtu.be).

Tout est fait sur les rĂ©seaux sociaux pour capter l’attention de l’utilisateur·rice et de crĂ©er chez lui ou elle des stimuli notamment au travers des Ă©motions.

Il y a dĂ©jĂ  un an de cela, en avril 2019, se dĂ©roulait la 23e confĂ©rence internationale de l’Union Internationale de Promotion et d’Education pour la SantĂ© (UIPES, nĂ©e en 1951 !). De cette rencontre est nĂ©e la DĂ©claration de Rotorua : « Promouvoir la santĂ© planĂ©taire et le dĂ©veloppement durable pour tous » (Nouvelle-ZĂ©lande, 2019). Quelles sont les lignes de force de cette dĂ©claration ? Faut-il y voir un colloque supplĂ©mentaire ? Une dĂ©claration de bonnes intentions ? En quoi la dĂ©claration est-elle mobilisatrice de nouvelles stratĂ©gies ? Voici une proposition de lecture critique.

Déclaration pour une santé planétaire

PARTIE 1

Présentation de la déclaration

La dĂ©claration est avant tout l’occasion de lier la promotion de la santĂ© aux Objectifs du DĂ©veloppement Durable (ODD) : de dĂ©montrer sa contribution Ă  l’accomplissement des ODD mais aussi de reconnaĂźtre comment ces ODD contribuent Ă  amĂ©liorer la santĂ© et le bien-ĂȘtre.

Une particularitĂ© de cette dĂ©claration est que les participants Ă  la confĂ©rence ont souhaitĂ© lier leurs travaux aux revendications des populations locales. La promotion de la santĂ© rejoint ainsi le concept autochtone de Waiora : la santĂ© des peuples et l’environnement naturel interagissent. La dĂ©claration conjointe en appelle Ă  une action urgente de la communautĂ© mondiale sur les dĂ©terminants environnementaux et sociaux de la santĂ© : promouvoir la santĂ© planĂ©taire et le dĂ©veloppement durable pour tous.

Analyse partagée des défis pour une action urgente

L’accroissement rĂ©gulier des inĂ©galitĂ©s au sein de – et entre les classes sociales, entre les gĂ©nĂ©rations mais aussi entre les territoires, internes et externes aux pays, est inextricablement liĂ© Ă  l’augmentation des pollutions tant locales que rĂ©gionales et planĂ©taires, ainsi qu’aux dĂ©rĂ©gulations climatiques et leurs impacts. Les travaux de la confĂ©rence s’appuient sur ces constats factuels, mais devenus pĂ©rennes. Constats de plus en plus clairement dĂ©montrĂ©s et qui ont un impact indĂ©niable sur la santĂ© et la qualitĂ© de vie des populations.

La dĂ©claration rappelle qu’en 2015, l’AssemblĂ©e GĂ©nĂ©rale des Nations Unies a adoptĂ© un nouveau programme pour le dĂ©veloppement durable Ă  l’horizon 2030. 17 objectifs (ODD) intĂ©grant le dĂ©veloppement Ă©conomique, social et environnemental dĂ©finissent un plan d’action mondial. Parmi ceux-ci figure la santĂ©.

Les preuves s’accumulent et conduisent Ă  interroger le modĂšle de dĂ©veloppement qui organise la production de ces inĂ©galitĂ©s, de ces dĂ©rĂ©gulations climatiques, de ces pollutions
 La dĂ©claration souligne que le paradigme actuel de dĂ©veloppement socio-Ă©conomique de croissance infinie et d’exploitation sans fin des ressources limitĂ©es est injuste et insoutenable. Il a une incidence sur la santĂ© et la qualitĂ© de vie des populations.Les signataires de la dĂ©claration de Rotorua rĂ©clament dĂšs lors une action urgente.

Appel Ă  l’action Ă  travers quatre domaines clĂ©s

La déclaration de Rotorua en appelle à une action immédiate de la communauté mondiale pour :

  1. Assurer l’équitĂ© en santĂ© tout au long de la vie, au sein des pays et entre eux, au sein des gĂ©nĂ©rations et entre elles.

Autrement dit, il s’agit de

  • s’attaquer aux facteurs structurels qui alimentent la rĂ©partition inĂ©quitable du pouvoir, de l’argent et des ressources ;
  • amĂ©liorer les conditions de vie quotidienne, en particulier des plus dĂ©munis ;
  • mesurer le problĂšme, le comprendre dans son ensemble. Et Ă©valuer l’incidence des mesures dĂ©crites par la Commission sur les dĂ©terminants sociaux de la santĂ© (OMS)[1].
  1. Rendre tous les habitats urbains et autres, inclusifs, sans danger, rĂ©sistants, durables et favorables Ă  la santĂ© et au bien-ĂȘtre de la population et de la planĂšte.

Pour ce faire, des mesures immĂ©diates pour lutter contre le changement climatique et la perte de la biodiversitĂ© sont Ă  prendre, ainsi que pour rĂ©duire les disparitĂ©s des ressources disponibles, la dĂ©gradation de l’environnement, les migrations massives contraintes des populations


  1. Concevoir et mettre en Ɠuvre des stratĂ©gies efficaces et Ă©quitables d’adaptation aux changements climatiques.

Le dĂ©fi Ă  relever ici est notamment d’élaborer des nouvelles approches en matiĂšre de gouvernance et d’intendance mondiales, rĂ©gionales, nationales et locales. Celles-ci auront comme objectif et comme effet, d’une part de favoriser Ă©quitablement la santĂ© et le bien-ĂȘtre ; et d’autre part, de prĂ©venir et attĂ©nuer la dĂ©gradation catastrophique du climat et de l’environnement, en particulier dans les pays Ă  faible et moyen revenu.

Cela implique donc de dĂ©velopper des politiques et des partenariats avec d’autres secteurs pour agir sur la santĂ© et le climat.

  1. Etablir une gouvernance, des systĂšmes et des processus collaboratifs, efficaces, responsables et inclusifs Ă  tous les niveaux afin de promouvoir la participation, la paix, la justice, le respect des droits de la personne et l’équitĂ© intergĂ©nĂ©rationnelle en santĂ©.

Au programme, donc :

  • respecter les droits inhĂ©rents des peuples ;
  • mettre en place une gouvernance mondiale efficace et non plus dominĂ©e par des considĂ©rations Ă©conomiques et des intĂ©rĂȘts commerciaux ; et limiter les conflits d’intĂ©rĂȘts
  • promouvoir la dĂ©mocratie participative, l’élaboration de politiques cohĂ©rentes et la rĂ©gulation dans l’intĂ©rĂȘt public .

La communauté de la promotion de la santé

Les participants Ă  la confĂ©rence de Rotorua soulignent Ă©galement, au travers de la dĂ©claration, que la communautĂ© de la promotion de la santĂ© joue un rĂŽle crucial pour promouvoir la santĂ© humaine et la santĂ© planĂ©taire. Cette communautĂ© dispose d’une expertise pertinente, y compris pour mettre en Ɠuvre les ODD. Ainsi, les participants exhortent la communautĂ© Ă  faire preuve de leadership Ă  travers notre seule et unique planĂšte en ce sens.

LIEN VERS LA DECLARATION: https://www.iuhpe.org/images/CONFERENCES/world/2019/Rotorua_statement_fr.pdf

PARTIE 2

Proposition de lecture critique

Développement durable et promotion de la santé

La déclaration de Rotorua apportera-t-elle du neuf dans les convergences entre la promotion de la santé et le développement durable ?

Ces convergences sont mises en avant depuis quelques décennies.

DĂšs la fin des 30 glorieuses et aux premiers soubresauts de l’état providence, des interrogations et des inquiĂ©tudes Ă©mergent, Ă  l’intĂ©rieur mĂȘme du systĂšme, sur la nature du dĂ©veloppement et son avenir. Le rapport Meadows[2], publiĂ© en 1972 sous le titre « The limits to growth » (« Les limites Ă  la croissance »), est sans doute la premiĂšre Ă©tude importante mettant en exergue les dangers, pour la Terre et l’humanitĂ©, de la croissance Ă©conomique et dĂ©mographique que connait alors le monde. VoilĂ  donc bientĂŽt 50 ans que cette question se pose : le dĂ©veloppement de nos sociĂ©tĂ©s est-il soutenable, malgrĂ© une utilisation « sauvage » des ressources limitĂ©es par une population en croissance rapide et une technologie galopante mais aussi polluante et consommatrice ? Cette Ă©quation est aux prĂ©mices de l’écologie, du dĂ©veloppement durable, puis de l’écologie politique.

Depuis la Charte d’Ottawa (1986) et le rapport Bruntdland (1987) Ă  l’OMS qui dĂ©finit les rapports entre la santĂ© et le dĂ©veloppement durable, une dizaine de dĂ©clarations, chartes et confĂ©rences n’ont de cesse de promouvoir la prise en compte des dĂ©terminants sociaux, Ă©conomiques, Ă©ducatifs et, bien sĂ»r, environnementaux de la santĂ©. Mais la difficultĂ© rĂ©side dans la mise en Ɠuvre de ces prises en compte.

Le Sommet de la Terre Ă  Rio, tenu en 1992 sous l’égide des Nations Unies, officialise la notion de dĂ©veloppement durable et ses trois piliers : un dĂ©veloppement Ă©conomique efficace, socialement Ă©quitable et Ă©cologiquement soutenable. Par la suite, Ă  travers Rio+20 et l’AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de l’ONU de 2015, les lieux de dĂ©cision ont conduit Ă  une opĂ©rationnalisation plus large, via les Agendas 21 et les Objectifs 2030 (ODD). L’intĂ©rĂȘt est d’offrir aux nations un programme appropriable tant au niveau global que local. Dans les faits, de nombreux pays ont institutionnalisĂ© des compĂ©tences en matiĂšre de dĂ©veloppement durable (en mettant en place des ministĂšres, des administrations, des services d’études, etc. dĂ©diĂ©s Ă  ces matiĂšres). La Cop 21 et celles qui ont suivi en sont la traduction politique Ă  l’échelle planĂ©taire. Le dĂ©veloppement durable, et surtout son volet environnemental et climatique devient un sujet local, rĂ©gional, national mais aussi mondial. Pourtant, ces avancĂ©es dĂ©claratives, institutionnelles et politiques ne prĂ©jugent guĂšre de rĂ©sultats


Sur ce plan, la dĂ©claration de Rotorua est dans la continuitĂ© des ConfĂ©rences depuis celles d’Ottawa et de Rio. Toutefois, elle se projette dans un espace mondialisĂ© avec une analyse actualisĂ©e mais aussi plus globale des rapports entre santĂ© et dĂ©veloppement. Son appel Ă  l’urgence d’agir est activĂ©e par les crises sociales et environnementales en cours.

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Quelques points d’accroche qui diffĂ©rencient cette dĂ©claration des prĂ©cĂ©dentes

  1. Mondialisation et santé planétaire

La pauvretĂ©, les inĂ©galitĂ©s, le changement climatique et la pollution impactent de maniĂšre diffĂ©rente les parties du monde
mais ne s’arrĂȘtent guĂšre aux frontiĂšres de quelque nature. L’envolĂ©e dĂ©mographique, la finalitĂ© des ressources naturelles, la rĂ©partition inĂ©quitable des richesses traversent les continents et relĂšvent d’un modĂšle â€˜Ă©conomique’ et idĂ©ologique quasi universalisĂ© autour de la pensĂ©e nĂ©o-libĂ©rale.

Pourtant, dĂšs lors que le DD n’est pas confinĂ© Ă  l’environnement ou Ă  un outil d’analyse, son cadre devient une option pertinente en tant que plan d’action global pour transformer le paradigme actuel.

Une perspective de « santĂ© planĂ©taire » – mĂȘme si l’appellation paraĂźt planante – est sans doute une utopie lĂ©gitime. On perçoit la pertinence de cette nouvelle appellation Ă  l’égard de la mondialisation de l’économie, de l’internationalitĂ© des Ă©changes, de la distribution planĂ©taire des pollutions impactant la santĂ© de l’humanité 

Les dĂ©rĂ©gulations climatiques agissent comme les crises le font souvent : les maladies mobilisent. Elles sont un indicateur significatif de « maladie » pour la planĂšte. Significatif car elles intĂšgrent des forces qui traversent le modĂšle de sociĂ©tĂ© actuel : capitaliste, exploitant les hommes et la nature. L’appel de Rotorua rejoint cette analyse et en appelle Ă  des transformations structurelles.

Le complément de cette approche « planétaire » est la prise en compte des compétences des autochtones et populaires, tant dans les travaux de la conférence que dans sa déclaration finale. Le terreau du changement se trouve auprÚs des populations, dans la valorisation de leur culture et de leur savoir, mais aussi dans la prise en compte des conditions de leur vie quotidienne.

Mais au-delĂ  des constats et des dĂ©clarations, l’absence de volontĂ© de traduire les mobilisations populaires – contre le rĂ©chauffement climatique, par exemple – en capacitĂ© d’agir, Ă  tous les niveaux de sociĂ©tĂ©, est capable de les Ă©touffer
 fussent-elles planĂ©taires.

  1. Etablir une gouvernance libre et efficace

La posture planĂ©taire, traduite par les organisations internationales, est rĂ©guliĂšrement perçue comme trĂšs Ă©loignĂ©e des rĂ©alitĂ©s. Leur fonctionnement handicape l’efficacitĂ© d’y faire face. Les conflits d’intĂ©rĂȘt et l’asservissement des politiques et des scientifiques sont aujourd’hui encore des facteurs d’influence limitants. Les exemples de temps Ă©coulĂ© entre les constats, leur analyse et les dĂ©cisions de rĂ©actions opportunes sont plĂ©thores.

La dĂ©claration de Rotorua a voulu s’associer Ă  une revitalisation de la dĂ©mocratie en valorisant la participation, les processus collaboratifs, des pratiques politiques plus responsables, des gouvernances capables de rĂ©guler l’intĂ©rĂȘt public et de le prĂ©server de l’emprise de la marchandisation, par exemple.

La contribution des populations, la reconnaissance de leurs compétences et de leurs capacités à dire leur vie et agir collectivement reste un chantier indispensable pour « réincarner » les institutions, et ainsi la filiÚre des décisions politiques.

  1. Les stratégies de la transformation concrÚte peu élaborées

Les dĂ©cisions portent davantage sur des amĂ©nagements que sur des transformations et laissent alors la place Ă  beaucoup de dĂ©tournements. Bien des contournements de la rĂšgle son possible, ce qui traduit sa fragilitĂ©. Citons, en guise d’exemples, le rachat des excĂ©dents aux normes de CO2, les dĂ©taxations de fuel pour l’aviation, les reports d’interdiction des pesticides


Si les rapports entre santĂ© et environnement commencent Ă  Ă©clairer certaines dĂ©cisions, on est encore loin d’une approche plus globale qui, outre l’environnement, prendrait en considĂ©ration les piliers Ă©conomique et social du DD, et leurs interactions. De la mĂȘme façon, les dĂ©terminants de la santĂ© tels que le logement, l’urbanisme, la culture, l’emploi ou les revenus ont beaucoup de mal Ă  ĂȘtre considĂ©rĂ©s concrĂštement comme des leviers Ă  actionner pour promouvoir la santĂ©.

La santĂ© n’est guĂšre dans toutes les politiques. Les diffĂ©rents secteurs de la vie sociale sont loin d’ĂȘtre considĂ©rĂ©s – et de se considĂ©rer comme – des acteurs de santĂ©. Les Ă©tudes d’impact sur la santĂ©, comme celles sur l’environnement, trouveraient Ă  s’étendre Ă  partir des piliers du DD.

  1. Exercer un leadership

La déclaration de Rotorua exhorte la communauté de la promotion de la santé à exercer un leadership dans cette perspective de « promouvoir la santé et le développement durable pour tous ».

Ainsi, la promotion de la santĂ© est intĂ©grĂ©e au cƓur du dĂ©veloppement durable. Cette conception stratĂ©gique est du mĂȘme ordre que « la santĂ© dans toutes les politiques », mais avec une ambition de conforter un nouveau modĂšle social. Cette conception est utopique mais mobilisatrice
 Ă  condition de ne pas ĂȘtre incantatoire.

En passant du concept Ă  l’action (tant locale que globale), on perçoit aisĂ©ment le porte-Ă -faux avec le modĂšle social dominant. On peut noter ĂŽ combien le projet est contre-culturel et combien sa traduction politique s’inscrit dans des rapports de force.

L’approche contributive de la population est confrontĂ©e Ă  la diversitĂ© et la multiplicitĂ© des acteurs impliquĂ©s. Pourtant, dĂšs lors que la collectivitĂ© s’organise avec cohĂ©rence, cela devient une force mobilisatrice : dynamique d’empowerment et Ă©ducation citoyenne, aiguillon culturel, expĂ©riences novatrices de concrĂ©tisation d’un dĂ©veloppement Ă©quitable et soutenable de nos sociĂ©tĂ©s ,plaidoyer auprĂšs des responsables institutionnels et politiques. Une force contenue, encore insuffisante dans le rapport de force…

C’est bien Ă  un changement du modĂšle de sociĂ©tĂ© – avec une urgence que confirment les faits, qu’observent les experts et que vivent les gens – que la politique de promotion de la santĂ© et du dĂ©veloppement durable doit contribuer. Inscrire le dĂ©veloppement durable et la promotion de la santĂ© au cƓur d’un nouveau projet politique n’est pas aussi explicite dans le texte, malgrĂ© l’évocation de ‘nĂ©cessitĂ© de rĂ©formes structurelles’ (je me permets de combler ce dĂ©ficit !).

En guise de conclusion, je m’(vous) interroge : vivons-nous rĂ©ellement le changement de paradigme de la promotion de la santĂ©, en miroir de la transformation des sociĂ©tĂ©s
 vers une transition loin d’ĂȘtre aboutie ?

Image Quelques ressources pour aller plus loin:

  • Almendra, R., Bolte, G., Buekers, J. et al. (2019) Environmental health inequalities in Europe. Second assessment report. Coppenhagen: World Health Organization Regional Office for Europe. 148p.: disponible en ligne (en anglais) sur www.euro.who.int
  • Sourimant, M. (2012) SantĂ© environnementale: promouvoir la qualitĂ© de vie dans toutes ses dimensions. Horizon pluriel, n°23, 12p.: disponible en ligne sur www.irepsbretagne.fr
  • BĂ©langer, D., Bustinza, R., Campagna, C. (2019) Changements climatiques et santĂ© : PrĂ©venir, soigner et s’adapter. Canada: Les Presses de l’UniversitĂ© de Laval, 236p.: disponible au centre de documentation du RESO

[1]
[1] Le rapport de la Commission sur les déterminants sociaux de la santé est consultable ici : https://www.who.int/social_determinants/thecommission/finalreport/fr/

[2]
[2] Réalisé par le Massachuset Institute of Technology (MIT) à la demande du Club de Rome en 1968

Aborder les dĂ©terminants environnementaux de la santĂ© avec ceux qui en sont les plus impactĂ©s en Belgique, aller Ă  la rencontre et travailler de maniĂšre participative avec un public en situation de prĂ©caritĂ©, agir Ă  un niveau individuel et collectif, favoriser la cohĂ©sion sociale
 C’est ce dont il est question avec le projet Eco Watchers. StĂ©phanie de TiĂšge, chargĂ©e de projet chez Empreintes asbl, nous en parle. Coup de projecteur sur un projet coup de cƓur !

Précarité et environnement, enjeux croisés

Qu’entendez-vous par “prĂ©caritĂ© environnementale”?

SdT : L’environnement est le cadre de vie des personnes. Il fait rĂ©fĂ©rence Ă  la nature, au climat, Ă  la planĂšte Terre, mais aussi au logement, au quartier, Ă  l’école…La prĂ©caritĂ© environnementale dĂ©signe le lien entre ce que vivent au quotidien les personnes en situation de prĂ©caritĂ© sociale, et les enjeux environnementaux qui impactent leurs vies, leurs lieux de vie et l’ensemble de la sociĂ©tĂ©. On parle ainsi de prĂ©caritĂ© Ă©nergĂ©tique, de mobilitĂ©, de questions liĂ©es Ă  la santĂ© (comme les pollutions intĂ©rieures, l’humiditĂ©…), ou encore de prĂ©caritĂ© hydrique. L’énergie, par exemple, est Ă  la fois un levier financier pour les personnes et un levier pour amĂ©liorer le cadre de vie dans un logement.

Qu’est-ce qui vous a amenĂ© Ă  vous emparer de cette thĂ©matique ?

SdT : Chez Empreintes, nous avons conscience que la plupart des actions et animations en Ă©ducation relative Ă  l’environnement (ERE) touchent un public dĂ©jĂ  « averti » et plutĂŽt favorisĂ©. Pourtant, notre association a la volontĂ© de s’adresser Ă  tous types de publics et de rendre accessibles les informations.

En 2007, suite Ă  notre reconnaissance comme Centre rĂ©gional d’Initiation Ă  l’Environnement (CRIE), nous avons dĂ©veloppĂ© le projet Eco Watchers. Nous avons dĂ©marrĂ© en ayant trĂšs peu de connaissances sur la prĂ©caritĂ© environnementale et sur le public en question. A cette Ă©poque, le secteur de l’ERE et le secteur social partageaient peu de liens et de regards croisĂ©s sur les pratiques, les objectifs et les missions de chacun.

Au dĂ©part, un CPAS nous a interpellĂ© car ils voulaient aborder la thĂ©matique de l’énergie avec un groupe. Mais c’est ensuite avec la cellule Ă©nergie du CPAS de Namur, dont la personne en charge Ă©tait Isabelle Goyens, que nous avons co-crĂ©Ă© et co-construit le projet tel qu’il est actuellement, testĂ© les animations, etc.

Force est de constater que le projet rĂ©pond Ă  un rĂ©el besoin aujourd’hui. D’une animatrice, l’équipe s’est Ă©toffĂ©e aujourd’hui de 3 animateur.trice.s.

Quel est l’objectif du projet Eco Watchers ? Quels sont les principes qui le sous-tendent ?

SdT : Le point de dĂ©part pour toute animation est toujours un besoin ou une problĂ©matique qu’une personne Ă©nonce comme difficultĂ©, qu’elle ne comprend pas, qui l’impacte ou sur laquelle elle n’a pas de prise. L’objectif est de renforcer le pouvoir d’agir des personnes, au dĂ©part des prĂ©occupations environnementales du quotidien.

Au travers d’un atelier et d’échanges avec le groupe, chaque participant est amenĂ© Ă  se questionner, tester, expĂ©rimenter et trouver ensemble les rĂ©ponses Ă  leurs questions. Notre posture, nourrie de l’éducation populaire et de l’éducation permanente, est de considĂ©rer chacun comme expert de sa vie et de son lieu de vie.

D’ailleurs, en tant qu’animateur, nous n’avons bien souvent mĂȘme pas de rĂ©ponse toute faite ! DĂ©marrer en tant que novice m’a aidĂ©e Ă  adopter cette posture. Bien sĂ»r, avec une dizaine d’annĂ©es de travail sur cette thĂ©matique, je me suis progressivement co-construit des connaissances et des savoirs. Arriver Ă  ne pas biaiser les Ă©changes et les relations en tant qu’animatrice, s’effacer pour que chacun puisse prendre sa place, est un rĂ©el exercice. En plus, leurs rĂ©alitĂ©s sont des mines d’or de rĂ©ponses Ă  leurs questions.

DĂšs le dĂ©part, il nous a semblĂ© essentiel Ă©galement de travailler tant sur l’individuel que sur le collectif. Notre association a une expertise pĂ©dagogique d’animation d’un collectif, tandis que nos partenaires, acteurs de l’aide sociale, ont une rĂ©elle plus-value dans l’accompagnement individuel des personnes et de leur rĂ©alitĂ© sociale. Notre partenariat est un renforcement par chacun des niveaux d’action.

Comment rencontrez-vous le public en situation de précarité ?

SdT : Les acteurs de l’aide sociale qui font appel Ă  nous sont trĂšs variĂ©s : des CPAS, des Plans de cohĂ©sion sociale, des sociĂ©tĂ©s de logements sociaux, des rĂ©gies de quartier, des Plans d’Habitat permanent, des associations d’éducation permanente, etc. Ils constatent une forte prĂ©caritĂ© Ă©nergĂ©tique sur leur territoire, souhaitent agir mais rencontrent des difficultĂ©s pour mobiliser les gens. Nous leur donnons des outils de mobilisation et les soutenons dans cette dĂ©marche, mais nous ne sommes pas en premiĂšre ligne.

Dans un premier temps, on encourage nos partenaires Ă  ne pas diffuser largement les invitations mais Ă  cibler des personnes qu’ils connaissent dĂ©jĂ , plus facilement atteignables, qu’ils sentent plus rĂ©ceptifs pour participer au projet.

On a dĂ©veloppĂ© une sĂ©rie d’outils, par exemple une boĂźte-Ă -ampoule pour inviter les personnes Ă  une sĂ©ance d’information collective. Cette boĂźte fait office de flyer : elle « dĂ©note » par rapport aux affiches plus traditionnelles, est un objet manipulable, sans trop de texte mais surtout, elle est personnalisable. Elle permet ainsi aux travailleurs sociaux d’avoir un rĂ©el contact avec les personnes qu’elles invitent. Suite Ă  leur participation Ă  la sĂ©ance d’information, les personnes reçoivent une ampoule Ă©conomique. Je ne suis pas forcĂ©ment trĂšs Ă  l’aise avec cet aspect-lĂ  (ndlr « la carotte » pour participer). Pourtant, force est de reconnaĂźtre que cet incitant semble fonctionner pour faire le premier pas. Le message reste toutefois qu’il n’y a pas d’obligation, pas de contrĂŽle, et que venir Ă  cette sĂ©ance ne fait pas office d’engagement dans le projet.

Lors de cette premiĂšre rencontre, des anciens participants viennent tĂ©moigner et parler du projet avec leurs propres mots. Cette sĂ©ance est en fait dĂ©jĂ  construite dans une dynamique interactive et collective, avec des moments de partage en sous-groupe, etc. Les personnes se rencontrent et crĂ©ent dĂ©jĂ  du lien. ProcĂ©der ainsi a pour rĂ©sultat que presque tous poursuivent l’aventure.

Enfin, à la fin du projet, les participants sont invités à parrainer une personne de leur entourage pour participer à la prochaine session. Par cet effet « boule de neige », on parvient à atteindre des publics que les acteurs sociaux ne parviennent pas nécessairement à atteindre.

Comment se déroule ensuite le projet ?

SdT : Les groupes sont constituĂ©s de 6 Ă  12 personnes, chaque rencontre dure 2h30 et nous en organisons entre 10 et 14 au total. En concertation avec les participants, on dĂ©finit le lieu et le moment le plus opportun pour elles. Que ce soit le matin, en soirĂ©e
 Mais on laisse un minimum de 15 jours entre chaque rencontre afin d’avoir le temps de prĂ©parer.La premiĂšre sĂ©ance est consacrĂ©e Ă  poser un cadre de bienveillance qui permet Ă  chacun de se sentir en sĂ©curitĂ©.

Ensuite, le dĂ©roulĂ© de chaque sĂ©ance est important Ă  respecter : avoir un rĂ©el temps d’accueil, utiliser des outils adaptĂ©s pour permettre Ă  tous de suivre et de participer
 On utilise par exemple de sĂ©ance en sĂ©ance, un « arbre Ă  engagement » qui invite chacun Ă  tester chez lui une piste Ă©laborĂ©e par le groupe. Cela permet aussi d’amener des changements progressifs et de faire le lien entre le projet et son propre chez soi. On va aussi demander Ă  chacun de faire son relevĂ© de compteurs (une sĂ©ance est systĂ©matiquement consacrĂ©e Ă  ce sujet).

Les thĂ©matiques sont listĂ©es et priorisĂ©es par le groupe. En amont, nous prĂ©parons un atelier interactif, un outil, une expĂ©rience sur le sujet de la sĂ©ance, on expĂ©rimente, on observe, on cherche, partage ensemble des solutions. Notre association favorise ce genre de dĂ©marche car nous sommes convaincus de la pertinence d’apprendre de maniĂšre interactive et en Ă©tant « acteur » de ses apprentissages, sans prof qui vient partager « La vĂ©ritĂ© ». C’est d’autant plus vrai avec un public prĂ©carisĂ© : les personnes ont souvent Ă©tĂ© abĂźmĂ©es par le systĂšme scolaire, ne maĂźtrisent pas forcĂ©ment la langue française


Quand vous travaillez sur des thĂšmes tels que l’humiditĂ© ou l’isolation des logements, s’en rendre compte et le comprendre est une chose, mais on perçoit aussi les limites d’action pour les participants. Comment agissez-vous alors ?

SdT : En parallĂšle du projet collectif, un budget entre 200 et 500€ par mĂ©nage est prĂ©vu pour mettre en place des amĂ©nagements dans le logement, dans l’objectif d’amĂ©liorer leur confort de vie et amĂ©liorer la performance Ă©nergĂ©tique du logement. Celui-ci est libĂ©rĂ© si les personnes souhaitent avoir une visite du logement par le partenaire ou une structure extĂ©rieure. Les amĂ©nagements ou les Ă©quipements sont pensĂ©s pour ĂȘtre transposables Ă  un autre logement : installer de bonnes tentures, mettre en place un bon Ă©clairage ou des rĂ©flecteurs de lumiĂšre, isoler certaines parois ou des pas-de-porte avec des boudins


Il est Ă©vident que bien souvent, on vient poser des bouts de sparadrap, mĂȘme s’ils apportent une petite plus-value au bien-ĂȘtre de la personne et au logement. Si l’unique objectif du projet Ă©tait d’amĂ©liorer la performance Ă©nergĂ©tique des logements, ça n’aurait presque pas de sens de procĂ©der ainsi. Ces logements sont souvent de vraies passoires Ă©nergĂ©tiques.

On travaille en fait sur l’humain, celui qui vit dans le logement. L’énergie est presque devenue un prĂ©texte pour rassembler les gens, crĂ©er du lien social, de la solidaritĂ©, leurs redonner confiance en eux, les rendre maĂźtres de leur vie afin qu’ils posent des actes qui auront un effet important dans leurs vies et dans leurs droits. Je n’ai pas le sentiment qu’on rĂ©duise la prĂ©caritĂ© Ă©nergĂ©tique, souvent liĂ©e Ă  l’aspect financier, mais on leur permet de ne pas s’enliser dans des problĂšmes, d’ĂȘtre « maitre Ă  bord » de leur vie et de pouvoir gĂ©rer de maniĂšre plus optimale leur logement.

Avez-vous observĂ© d’autres impacts, auprĂšs des partenaires, des propriĂ©taires ?

SdT : Parfois, de belles situations se produisent : les propriĂ©taires sont rassurĂ©s de voir que leurs locataires ne s’en fichent pas, qu’ils essayent de faire de leur mieux… une relation de confiance Ă©merge et peut mener Ă  des amĂ©nagements plus importants du logement. Quand un groupe est constituĂ© au dĂ©part d’une mĂȘme sociĂ©tĂ© de logement, des rencontres peuvent s’organiser avec les gestionnaires, la dynamique d’influence, de lien, se trouve ainsi modifiĂ©e par rapport Ă  une situation de confrontation face-Ă -face. Les tĂ©moignages des personnes sont considĂ©rĂ©s comme plus lĂ©gitimes du fait qu’elles sont inscrites dans ce projet, encadrĂ©es par des professionnels. On se dit d’un cĂŽtĂ© que c’est regrettable de devoir en arriver lĂ , mais nous nous rĂ©jouissons aussi des impacts positifs que cela a engendrĂ©.

Parfois aussi, les locataires dĂ©cident de dĂ©mĂ©nager. Ils rĂ©alisent que l’état de leur logement est inacceptable. Les participants sortent renforcĂ©s du projet, ils sont alors plus Ă  mĂȘme d’aller chercher des solutions.

Mais le projet sensibilise Ă©galement nos partenaires de l’aide sociale, le regard qu’ils portent peut ĂȘtre bousculĂ© et ils apprĂ©hendent diffĂ©remment la complexe rĂ©alitĂ© des gens et la façon d’exercer leur mĂ©tier.

Et auprÚs des décideurs politiques ?

SdT : En 2017, nous avons menĂ© un projet d’information et de sensibilisation Ă  destination des politiques, avec le RĂ©seau Wallon de Lutte contre la PauvretĂ©, le RĂ©seau Wallon de l’AccĂšs durable Ă  l’Energie et les Ă©quipes populaires. Des tĂ©moins du vĂ©cu sont allĂ©s Ă  leur rencontre pour tĂ©moigner et tenter de rĂ©duire le fossĂ© entre eux et les dĂ©cideurs, afin qu’ils puissent mieux apprĂ©hender la situation de vie des personnes. Ce fut trĂšs riche. A l’avenir, on continuera d’appuyer les acteurs qui mĂšnent ce genre d’initiatives.

Que ce soit envers les politiques, les partenaires, le grand public… il y a un Ă©norme travail de dĂ©construction des prĂ©jugĂ©s Ă  faire. Les personnes en situation de prĂ©caritĂ© font extrĂȘmement attention Ă  leurs consommations, elles y sont bien obligĂ©es ! Ainsi, elles dĂ©veloppent des systĂšmes hyper ingĂ©nieux pour rĂ©duire leurs consommations, « les personnes en situation de prĂ©caritĂ© »] elles n’ont en fait pratiquement aucun impact environnemental avec leur façon de vivre. Ce sont donc elles qui devraient dĂ©livrer un message fort, auprĂšs du grand public, des dĂ©cideurs, de toutes celles et ceux qui veulent ĂȘtre dans la transition et agir face Ă  l’urgence climatique. Ca nous placerait tous dans une situation d’humilitĂ© salutaire!

Rendez-vous sur le site dĂ©diĂ© au projet : www.precarite-environnement.bePour plus d’infos sur Empreintes asbl : www.empreintes.be

Image Quelques ressources pour aller plus loin :

  • Fabrique Territoires SantĂ© (2019) PrĂ©caritĂ© et santĂ©-environnement : Lutter localement contre les inĂ©galitĂ©s environnementales de santĂ© (Dossier ressources et Inspiration actions). Paris: Fabrique Territoires SantĂ©, 85p.: disponible en ligne sur www.frabrique-territoires-sante.org
  • Fourmeaux, A. (2019) Logement et Santé : des droits indissociables. Les Echos du Logement, n°125, 72p.: disponible en ligne sur www.lampspw.wallonie.be
  • Dubois, F. (2019) Bien se loger, mettre sa santĂ© Ă  l’abri. SantĂ© conjuguĂ©e, n°47, 48p.: disponible sur www.maisonmedicale.org
  • Domergue, M., Taoussi, L. (2016) Le mal-logement, dĂ©terminant sous-estimĂ© de la santĂ©. SantĂ© en action, n°437, pp. 18-21: disponible en ligne sur www.santepubliquefrance.fr

La pandémie de COVID-19 et les mesures de confinement ont (eu) de multiples conséquences sur le fonctionnement de notre société. De nombreux lieux de travail, de vie, de socialisation, de commerce, de santé physique et mentale ont fermé ; les travailleur·ses essentiel.lle.s, y compris le personnel de santé, les travailleur·ses sociaux, les caissier·es, les éboueur·ses, les livreur·ses, les enseignant·es, continuent de travailler afin de permettre la continuité et la survie de la société tout entiÚre, au péril de leur santé et de leur vie.

Les effets du confinement sur les inégalités sociales de santé et les usager·es de drogues

La crise sanitaire actuelle est anxiogĂšne et stressante pour une large proportion de la population, qui est contrainte de puiser dans ses ressources psychologiques, sociales et financiĂšres pour la traverser. Les politiques publiques d’austĂ©ritĂ© menĂ©es ces derniĂšres dĂ©cennies en matiĂšre de santĂ© et de sĂ©curitĂ© sociale, ainsi que les mesures prises en rĂ©ponse Ă  la pandĂ©mie, ont engendrĂ© nombre de dĂ©gĂąts collatĂ©raux, rĂ©duisant drastiquement la capacitĂ© du secteur du soin Ă  gĂ©rer la crise et renforçant les inĂ©galitĂ©s sociales (de santĂ©, de genre) prĂ©existantes. Les populations prĂ©carisĂ©es (y compris une partie des usager·es de drogues), dĂ©jĂ  davantage vulnĂ©rables en temps ordinaires, sont particuliĂšrement impactĂ©es par la crise actuelle et les mesures de confinement. La pandĂ©mie de COVID-19 exacerbe ainsi les inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ© et rĂ©vĂšle les rouages systĂ©miques qui participent Ă  leur reproduction ; elle rappelle Ă©galement le rĂŽle fondamental de la promotion de la santĂ©.

Le renforcement des inégalités sociales

Les inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ© suivent le gradient social. Ce qui signifie que plus un individu occupe une position socio-Ă©conomique dĂ©favorable (c’est-Ă -dire un statut socio-Ă©conomique – ou SSE – faible), plus il a de probabilitĂ©s d’ĂȘtre en mauvaise santĂ©. De nombreux facteurs biologiques, psychosociaux et environnementaux interviennent dans cette corrĂ©lation et dĂ©terminent la santĂ© physique et mentale des individus.L’état de santĂ© physique et mentale, le logement, la qualitĂ© des liens sociaux, la fracture numĂ©rique, les conditions de travail et la possibilitĂ© de travailler en sĂ©curitĂ©, le fait d’avoir un revenu garanti et suffisant, le fait d’avoir un permis de sĂ©jour, l’accĂšs aux soins de santĂ©, le genre, les mĂ©canismes de sĂ©curitĂ© sociale, les reprĂ©sentations de la sociĂ©tĂ©Note bas de page, l’accĂšs Ă  l’information et la littĂ©ratie en santĂ©, etc. sont autant de dĂ©terminants qui influent sur les risques sanitaires et psychosociaux liĂ©s Ă  la pandĂ©mie de COVID-19.La crise sanitaire et les mesures politiques qu’elle a entraĂźnĂ©es n’impactent donc pas uniformĂ©ment l’ensemble de la population. D’abord, les personnes de SSE faible sont davantage Ă  risque que les personnes SSE Ă©levĂ©, parce que 1) elles sont davantage exposĂ©es Ă  la COVID-19, et dĂšs lors plus Ă  risque de le contracter et de le transmettre, et 2) elles sont globalement en moins bonne santĂ© que la population gĂ©nĂ©rale, ce qui peut augmenter les risques de dĂ©velopper des formes sĂ©vĂšres de la COVID-19.

En effet, les professions considĂ©rĂ©es comme essentielles en temps de crise sanitaire sont majoritairement occupĂ©es par des personnes de SSE faible, des personnes racisĂ©es et issues de l’immigrationNote bas de page, et sont fortement fĂ©minisĂ©es (aides soignant·es, infirmier·es, agent·es d’entretien, caissier·es, livreur·ses, aides mĂ©nagĂšres Ă  domicile, etc. ; IREPS, 2020). Les personnes de SSE faible exercent aussi souvent des mĂ©tiers qui ne permettent pas le tĂ©lĂ©travail (ouvrier·es, employé·es, en opposition aux cadres par exemple). De plus, la forte promiscuitĂ© et densitĂ© des logements prĂ©caires ou quartiers Ă  hauts taux de pauvretĂ© et de chĂŽmage participe Ă  la transmission du virus au sein d’une mĂȘme famille ou d’un ensemble d’habitations. Enfin, la prĂ©sence de maladies prĂ©existantes (notamment hypertension, diabĂšte, obĂ©sitĂ©, maladies respiratoires ; Lang et al, 2020) peut jouer sur le dĂ©veloppement de sĂ©vĂšres difficultĂ©s respiratoires liĂ©es au virus, pouvant mener au dĂ©cĂšs. De plus, les mĂ©nages de SSE faible sont davantage susceptibles de retarder l’accĂšs aux soins, en temps ordinaire et d’autant plus en temps de crise (Lang et al, 2020 ; Observatoire de la santĂ© et du social, 2017).Ensuite, les mesures de confinement impactent diffĂ©remment la santĂ© physique et mentale des individus selon leurs conditions de vie. De nouveau, les violences intrafamilialesNote bas de page, l’accĂšs Ă  un domicile oĂč se confiner, la possibilitĂ© de payer un loyer, la salubritĂ© et la promiscuitĂ© au sein du logement, l’accĂšs Ă  un jardin, un balcon, un parc public, ont un impact non-nĂ©gligeable sur le vĂ©cu du confinement et la santĂ© globale des personnes. Le renforcement de la prĂ©sence policiĂšre et la multiplication des contrĂŽles touchent particuliĂšrement les populations sans domicile ou ayant un logement prĂ©caire, davantage prĂ©sentes en rue. Ceci peut Ă©galement impacter la santĂ© mentale des individus et les pousser Ă  se cacher davantage ; autant d’élĂ©ments qui compliquent le travail d’outreach et d’accompagnement de ces publics (Alter Ă©chos, 2020a). De plus, les mesures de confinement peuvent entraĂźner le chĂŽmage (partiel), le licenciement ou l’impossibilitĂ© de poursuivre le travail cachĂ© exercĂ© jusqu’à prĂ©sent (prostitution, travail au noir, deal, mendicitĂ©, etc.).ParallĂšlement, les dispositifs officiels (notamment les banques alimentaires, les associations et services publics de prĂ©vention, accompagnement et santĂ©) ou officieux (par exemple, rĂ©cupĂ©rer les invendus alimentaires) tentant (tant bien que mal) d’ordinaire de pallier les inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ© et la reproduction sociale sont fermĂ©s ou considĂ©rablement rĂ©duits/ralentis par les mesures de confinement. C’est notamment le cas des Ă©colesNote bas de page. La dĂ©scolarisation a des effets considĂ©rables sur la reproduction des inĂ©galitĂ©s sociales au sein des familles ayant un SSE faible. D’une part, la contrainte de garder les enfants et d’assurer l’école Ă  la maison complique considĂ©rablement le travail des parents Ă  l’extĂ©rieur ou Ă  domicile, d’autant plus dans les familles monoparentales ; d’autre part, les ressources pour faire l’école Ă  la maison sont inĂ©galement rĂ©parties, qu’il s’agisse de la maĂźtrise de la langue d’enseignement et/ou de la culture scolaire, des conditions matĂ©rielles (accĂšs Ă  internet, papier, crayons, imprimante) ou des conditions de scolarisation Ă  domicile (piĂšce calme, enfants en bas Ăąge, parents disponibles, etc.). La fermeture des Ă©coles participe dĂšs lors au creusement des inĂ©galitĂ©s scolaires et peut considĂ©rablement impacter la santĂ© mentale des familles.

La littératie en santé

Le concept de littĂ©ratie en santĂ© dĂ©signe « la connaissance, la motivation et les compĂ©tences des individus Ă  accĂ©der, comprendre, Ă©valuer et utiliser l’information de santĂ© en vue de porter des jugements et prendre des dĂ©cisions dans la vie de tous les jours en ce qui concerne la santĂ©, la prĂ©vention des maladies et la promotion de la santĂ©, de maniĂšre Ă  maintenir ou amĂ©liorer la qualitĂ© de vie » (SĂžrensen et al, 2012). La littĂ©ratie en santĂ© est inĂ©galement distribuĂ©e au sein de la population et dĂšs lors une source d’inĂ©galitĂ© sociale.

La reproduction sociale

La notion de reproduction sociale dĂ©signe, pour le dire simplement, la perpĂ©tuation des positions sociales et de la hiĂ©rarchie entre les classes sociales. Elle repose sur la transmission du capital Ă©conomique (revenus, dividendes), social (rĂ©seau de connaissances et interconnaissances), culturel (diplĂŽmes, biens culturels, savoir et savoir-ĂȘtre valorisĂ©s par l’école) et symbolique (valeur, prestige et lĂ©gitimitĂ©) d’une gĂ©nĂ©ration Ă  l’autre. Et c’est l’accumulation ou le dĂ©ficit de ces diffĂ©rentes formes de capital qui dĂ©termine la place d’un individu dans la sociĂ©tĂ© (dans un rapport dominant-dominĂ©). La transmission de capital et la reproduction sociale s’exercent par le biais de nombreuses institutions, notamment la famille et l’école.La reproduction sociale maintient les rapports de domination et repose donc sur la perpĂ©tuation des inĂ©galitĂ©s sociales (de santĂ©, de genre, 
).

Le confinement impacte Ă©galement les personnes vivant en collectivitĂ© (personnes dĂ©tenues, enfants placĂ©s, patient·es psychiatriques, personnes ĂągĂ©es, personnes porteuses d’un handicap, usager·es de drogues en traitement rĂ©sidentiel, etc.). Une partie des patient·es psychiatriques et des personnes porteuses d’un handicap habituellement en rĂ©sidentiel ou en centre de jour ont Ă©tĂ© renvoyĂ©s chez eux ou dans leur famille afin de respecter les consignes de confinement, au risque de chambouler l’équilibre relatif que ces Ă©tablissements fournissent Ă  la fois Ă  la personne et Ă  leurs proches (Alter Echos, 2020b ; Le Soir, 2020). Les personnes restĂ©es au sein des collectivitĂ©s rĂ©sidentielles sont quant Ă  elles plus Ă  risque face Ă  la COVID-19, soit parce qu’elles ne sont pas en mesure de respecter la distanciation sociale (soins et nursing de la part des professionnel·les, difficultĂ©s ou incapacitĂ© Ă  comprendre les consignes et/ou Ă  appliquer les mesures d’hygiĂšne personnelle, promiscuitĂ©), soit parce qu’elles sont dĂ©jĂ  en moins bonne santĂ© que la population gĂ©nĂ©rale (c’est le cas des personnes ĂągĂ©es, des personnes dĂ©tenues, des usager·es de drogues, et d’une partie des patient·es psychiatriques et personnes porteuses d’un handicap ; Le Soir, 2020). A cela s’ajoutent l’isolement social, le sentiment de solitude ou d’abandon qui peuvent accompagner la rĂ©duction drastique des contacts humains, des soutiens psychologiques professionnels et des proches, et jouer sur la santĂ© mentale et physique des individus (et de leurs proches).Le confinement aggrave les inĂ©galitĂ©s socialesNote bas de pageet constitue dĂšs lors une vĂ©ritable double peine pour les personnes prĂ©carisĂ©es : non seulement sont-elles contraintes de rester chez elles et courent davantage de risques sanitaires, mais les dispositifs permettant d’ordinaire de garantir l’accĂšs universel Ă  la santĂ© et de limiter la reproduction des inĂ©galitĂ©s sociales et leurs effets dĂ©lĂ©tĂšres sont Ă  l’arrĂȘt ou fortement ralentis. Les consĂ©quences du confinement ont et auront des rĂ©percussions Ă  court et Ă  long termes sur la perpĂ©tuation des inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ©, et donc sur la santĂ© et le bien-ĂȘtre des individus.

Les facteurs influençant l’adhĂ©sion et l’application du confinement et des gestes barriĂšres

Une revue de la littĂ©rature scientifique, encouragĂ©e par les mesures de confinement opĂ©rĂ©es Ă  travers le globe, s’est intĂ©ressĂ©e aux facteurs jouant sur l’adhĂ©sion Ă  celles-ci (Webster et al, 2020). Les recherches sĂ©lectionnĂ©es portent sur les mesures de quarantaine individuelle ou collective lors d’épidĂ©mies prĂ©cĂ©dentes (SRAS, grippe porcine, Ebola).Les Ă©tudes n’épinglent pas de lien entre les caractĂ©ristiques dĂ©mographiques ou l’emploi et l’adhĂ©sion au confinement. Les facteurs les plus importants, qui jouent sur le respect des mesures de confinement et de protection sanitaire (laver les mains, porter un masque, Ă©viter les rassemblements de personnes, se faire vacciner) sont les connaissances des individus au sujet de l’épidĂ©mie et des protocoles de distanciation physique, les normes sociales (pression sociale Ă  la conformitĂ©, perception du respect du confinement par la population, devoir civique, volontĂ© de respecter la loi), les coĂ»ts et bĂ©nĂ©fices perçus du confinement, les risques perçus de l’épidĂ©mie et les aspects pratiques du confinement (perte de revenu, isolement social, capacitĂ© de garder les enfants
). D’autres facteurs peuvent Ă©galement intervenir : le fait que les centres de soins fonctionnent bien et reçoivent les ressources nĂ©cessaires pour cela, ainsi que la confiance dans le Gouvernement, influencent l’adhĂ©sion des individus aux mesures de confinement.Aux facteurs Ă©pinglĂ©s par la revue de la littĂ©rature, s’ajoutent Ă©videmment l’ensemble des facteurs abordĂ©s ici, Ă  savoir : le logement, le mĂ©tier exercĂ©, la santĂ© physique et mentale, qui suivent le gradient social. Les connaissances relatives Ă  l’épidĂ©mie et aux mesures de distanciation sociale sont tout Ă  fait centrales, particuliĂšrement dans un contexte oĂč les fake news et les thĂ©ories conspirationnistes circulent largement. La littĂ©ratie en santĂ© est inĂ©galement rĂ©partie au sein de la sociĂ©tĂ© (les personnes de SSE faible, ayant un niveau d’instruction faible ou un Ăąge avancĂ© ont un niveau de littĂ©ratie en santĂ© moins Ă©levĂ©), suivant le gradient social et participant Ă  la reproduction des inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ© (Rondia et al, 2019). De plus, la permĂ©abilitĂ© aux thĂ©ories du complot est plus Ă©levĂ©e au sein des moins de 35 ans, des personnes les moins diplĂŽmĂ©es et issues des catĂ©gories sociales les plus dĂ©favorisĂ©es (IFOP, 2019). Une information large, adaptĂ©e et transparente est dĂšs lors tout Ă  fait centrale dans la poursuite de l’adhĂ©sion des individus aux mesures de distanciation physique et de protection sanitaire.

Les usager·es de drogues face à la crise sanitaire

Le confinement, l’ennui, la perte de repĂšres temporels, la perte de libertĂ©, les sensations de solitude et d’isolement, la rupture avec les habitudes et le quotidien, le contexte anxiogĂšne, la peur de la maladie, l’inquiĂ©tude pour ses proches, les interrogations concernant le virus et ses traitements, les incertitudes quant aux retombĂ©es Ă©conomiques, etc. sont autant de facteurs pouvant jouer sur la consommation de drogues licites et illicites (Rolland et de Ternay, 2020). Plusieurs enquĂȘtes en ligne ont Ă©tĂ© menĂ©e afin de mesurer les impacts du confinement sur la consommation de substances psychoactives au sein de la population gĂ©nĂ©rale belge, voir notamment Sciensano (2020), Antoine et al. (2020) et de l’UCLouvain.Les usager·es de drogues licites et illicites courent Ă  la fois les risques liĂ©s Ă  la COVID-19 et ceux liĂ©s Ă  la consommation de substances en pĂ©riode de confinementNote bas de page. Les personnes usagĂšres de drogues ont souvent un systĂšme immunitaire plus faible et des difficultĂ©s respiratoires, ce qui constitue un risque supplĂ©mentaire de contracter le virus et de dĂ©velopper des symptĂŽmes graves. Elles sont davantage Ă  risque d’ĂȘtre gravement malades ou de dĂ©cĂ©der de la COVID-19 :

  • la COVID-19 aggrave les dĂ©pressions respiratoires provoquĂ©es par la consommation d’opioĂŻdes, de benzodiazĂ©pines et d’alcool ;
  • le sevrage aux opioĂŻdes, potentiellement induit par le confinement, peut aggraver des difficultĂ©s respiratoires ;
  • fumer ou inhaler des produits (tabac, cannabis, crack, cocaĂŻne, meth/speed, etc.) aggrave les problĂšmes respiratoires ;
  • les infections au HIV, hĂ©patites virales et cancers du foie, dont la prĂ©valence chez les usager·es injecteurs est Ă©levĂ©e, affaiblissent le systĂšme immunitaire ;
  • le confinement Ă©loigne les personnes vulnĂ©rables des centres de soins de santĂ© physique et mentale ;
  • la co-occurrence d’une consommation problĂ©matique et de problĂšmes de santĂ© mentale peuvent significativement compliquer l’outreach, la prise en charge et le respect des gestes barriĂšres ;
  • certains usager·es, notamment les plus marginalisĂ©s ou prĂ©carisĂ©s, ont parfois une relation compliquĂ©e au milieu mĂ©dical.

Les situations de stress ou d’anxiĂ©tĂ© liĂ©es Ă  la pandĂ©mie et au confinement obligatoire peuvent avoir diffĂ©rents effets sur les usager·es de drogues et les personnes en sevrage ou sous traitement de substitution :

  • envie ou besoin de consommer davantage (risque de surdoses) ;
  • envie ou besoin de consommer Ă  nouveau aprĂšs une pĂ©riode d’abstinence (risque de rechute et de surdoses) ;
  • Ă©tat d’esprit propice aux bad trip.

S’ajoutent Ă  cela les risques inhĂ©rents au manque de matĂ©riel stĂ©rile et en bon Ă©tat pour consommer Ă  moindre risqueNote bas de page, Ă  la suite de la fermeture ou du ralentissement des dispositifs de rĂ©duction des risquesNote bas de page. De plus, la disponibilitĂ© et la qualitĂ© des drogues en circulation sont impactĂ©es par les mesures de confinement, probablement de maniĂšre diffĂ©renciĂ©e sur le territoire et selon le produit :

  • la chaĂźne de production, d’approvisionnement et de vente peut ĂȘtre perturbĂ©e par la maladie, les mesures de confinement, les contrĂŽles policiers
 entraĂźnant une baisse de la disponibilitĂ© des produits, et dĂšs lors, une augmentation des prix et de la proportion des produits de coupe, au risque de mettre la santĂ© des usager·es en danger ;
  • les activitĂ©s en rue Ă©tant limitĂ©es et davantage contrĂŽlĂ©es, le deal peut s’avĂ©rer davantage compliquĂ© et dangereux qu’avant ;
  • les usager·es qui en ont les moyens font des stocks de produits, dans la perspective d’aller se fournir moins souvent et/ou en anticipation d’une perturbation de la chaĂźne d’approvisionnement ;
  • les usager·es qui en ont les moyens techniques, matĂ©riels et les connaissances se tournent vers le Darknet pour se fournir en produit.

La baisse de la qualitĂ© des produits en circulation, les produits de coupe et la baisse de la disponibilitĂ© peuvent entraĂźner de rĂ©els problĂšmes de santĂ© pour les usager·es, y compris un sevrage contraint ou une moindre consommation par manque de produit/de principe actif.Les usager·es prĂ©carisĂ©s sont d’autant plus Ă  risque qu’ils cumulent Ă  la fois les risques corrĂ©lĂ©s Ă  un SSE faible et ceux liĂ©s Ă  l’usage de drogues (licites et illicites). Leur santĂ© est en effet impactĂ©e, d’une part, par les fluctuations du marchĂ© des drogues illicites et, d’autre part, par l’arrĂȘt ou ralentissement des services de santĂ©, prĂ©vention, rĂ©duction des risques, aide et accompagnement.Si des Ă©tudes sont en cours afin d’objectiver la situation actuelle, certains centres et intervenant·es spĂ©cialisĂ©s en relation avec les usager·es prĂ©carisĂ©s rapportent une baisse de la disponibilitĂ© et de la qualitĂ© des produits illicites, une augmentation des prix en rue (Le Vif, 2020 ; Antoine et al, 2020)Note bas de page, et globalement une aggravation de leurs conditions de vie et des risques socio-sanitaires (RTBF, 2020 ; LibĂ©ration, 2020). La rarĂ©faction des substances illicites, l’augmentation de la demande et celle des risques pris par la chaĂźne d’approvisionnement peuvent en effet participer Ă  l’augmentation des prix en rue. Or, les usager·es prĂ©carisĂ©s sont d’autant plus sensibles aux fluctuations du marchĂ© que leurs revenus sont faibles et incertains. L’augmentation des prix, la baisse de la qualitĂ© des produits et la rĂ©duction de leur disponibilitĂ© peuvent pousser les usager·es les plus prĂ©caires Ă  consommer des produits de substitution et Ă  diminuer leurs dĂ©penses de premiĂšre nĂ©cessitĂ© (nourriture, logement), aux dĂ©pens de leur santĂ©, et/ou les prĂ©cipiter dans des sevrages non-dĂ©sirĂ©s, non-prĂ©vus et surtout non-accompagnĂ©s (RTBF, 2020 ; Hamilton et Stevens, 2020).Les mesures de confinement et de distanciation physique ont d’autres effets dĂ©lĂ©tĂšres sur les usager·es prĂ©carisĂ©s. La fermeture ou le ralentissement des services de santĂ© et d’accompagnement limitent l’accĂšs aux soins, le nombre de places en rĂ©sidentiel et l’accĂšs aux traitements de substitutions au opiacĂ©s (notamment pour les nouveaux patient·es), et ce, alors mĂȘme que les risques liĂ©s Ă  l’usage de drogues et les risques de sevrage contraint augmentent. En mĂȘme temps, les dispositifs de prĂ©vention et de rĂ©duction des risques (matĂ©riel stĂ©rile de consommation, dĂ©pistage, testing de produits) subissent un ralentissement, dĂ» aux mesures d’hygiĂšne et de distanciation physique (RTBF, 2020 ; Alter Ă©chos, 2020a ; EMCDDA, 2020). D’autres services sur lesquels l’équilibre prĂ©caire de ces usager·es repose sont contraints de fermer ou de limiter leurs activitĂ©s, notamment les douches, les centres de jour, les restaurants sociaux, les services sociaux, etc. (Alter Ă©chos, 2020a). ParallĂšlement, l’augmentation des contrĂŽles policiers et la baisse drastique de la frĂ©quentation de l’espace public impactent les usager·es prĂ©carisĂ©s qui sont davantage en rue. La consommation en rue, la mendicitĂ©, l’approvisionnement auprĂšs des dealers, ou mĂȘme le fait de se poser ou dormir dans l’espace public sont devenus beaucoup plus compliquĂ©s voire impossibles (LibĂ©ration, 2020).

Innovation et adaptation des dispositifs de traitements de substitution aux opiacés et de réduction des risques

Partout en Europe, les services de TSO et de rĂ©duction des risques ont dĂ» rapidement s’adapter et innover afin de poursuivre leurs activitĂ©s, vitales pour nombre d’usager·es (EMCDDA, 2020).Certains pays ont assoupli la rĂ©glementation en matiĂšre de TSO : allongement de la durĂ©e des prescriptions, augmentation des quantitĂ©s prescrites, changements dans le dosage et les produits, rĂ©duction ou annulation des tests d’urine ou des prises supervisĂ©es
 Des dispositifs de dĂ©livrance Ă  domicile ont aussi Ă©tĂ© mis en place, ainsi que des programmes d’outreach mobiles (qui reposent sur un accĂšs rapide et simplifiĂ© Ă  un TSO).Beaucoup de dispositifs de rĂ©duction des risques ont Ă©tĂ© fortement ralentis. Les services de testing ont dĂ» arrĂȘter leurs activitĂ©s en face Ă  face, mais ont parallĂšlement renforcĂ© leur prĂ©sence en ligne. Les dispositifs de distribution de matĂ©riel stĂ©rile ont quant Ă  eux augmentĂ© les quantitĂ©s de matĂ©riel dĂ©livrĂ© en une fois et dĂ©veloppĂ© la livraison Ă  domicile ou des lieux de self-service. Les salles de consommation Ă  moindre risque ont pour beaucoup poursuivi leurs activitĂ©s, en s’adaptant ; et certains pays ont mis en place des salles mobiles. Les abris Ă  destination des personnes fortement marginalisĂ©es ont quant Ă  eux dĂ©veloppĂ© des activitĂ©s de rĂ©duction des risques liĂ©s Ă  l’alcool.

Tous ces Ă©lĂ©ments combinĂ©s poussent les usager·es prĂ©carisĂ©s Ă  se cacher davantage et les Ă©loignent des services d’aide, de soins et de rĂ©duction des risques, augmentant dĂšs lors les risques liĂ©s Ă  la consommation de drogues. Au final, le lien entre les services spĂ©cialisĂ©s et les usager·es, dĂ©jĂ  fragile, risque de s’effilocher, et la santĂ© physique et mentale des usager·es de se dĂ©tĂ©riorer significativement. De nouveau, la crise sanitaire liĂ©e Ă  la COVID-19 agit en rĂ©vĂ©lateur des limites et manquements du modĂšle sociĂ©tal dans lequel nous Ă©voluons ; un modĂšle basĂ© sur la prohibition de certaines substances psychoactives et sur la rĂ©pression des usager·es, plutĂŽt que sur la promotion de la santĂ© et une approche de l’usage de drogues licites et illicites depuis le prisme de la santĂ© publique.

L’essoufflement de notre modĂšle de sociĂ©tĂ©

Ces constats ne sont Ă©videmment pas nouveaux et ont dĂ©jĂ  fait couler beaucoup d’encre. Les secteurs de la lutte contre la pauvretĂ©, de la promotion de la santĂ©, de la santĂ©, de l’aide sociale, de la prĂ©vention et de la rĂ©duction des risques tirent depuis longtemps la sonnette d’alarme.Les crises, qu’elles soient sociales, sanitaires, Ă©conomiques ou Ă©cologiques, tendent Ă  rĂ©vĂ©ler les faiblesses structurelles des sociĂ©tĂ©s (Peretti-Watel, 2020). La crise sanitaire liĂ©e Ă  la COVID-19 exacerbe, voire accĂ©lĂšre, les consĂ©quences des mesures politiques prises ces derniĂšres dĂ©cennies en matiĂšre de dĂ©rĂ©gulation du travail, de privatisation des services publics, d’austĂ©ritĂ©, de dissolution du systĂšme de protection sociale et de santĂ© (les hĂŽpitaux en premiĂšre ligne) et de dĂ©sintĂ©rĂȘt pour la promotion de la santĂ© ; autant de mesures qui ignorent les inĂ©galitĂ©s sociales prĂ©existantes et qui font toujours davantage reposer la responsabilitĂ© de leur santĂ© et de leurs conditions de vie sur les individus, et non plus sur la collectivitĂ© et l’Etat. Or, ce sont la collectivitĂ© et l’Etat qui devraient compenser, rĂ©parer et lutter durablement contre les inĂ©galitĂ©s sociales.La crise actuelle exacerbe donc les inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ© qui persistent entre les classes sociales, les genres et les corps de mĂ©tier. Elle souligne l’oubli systĂ©mique de ces inĂ©galitĂ©s et de certaines franges de la population, ainsi que les politiques de l’urgence appliquĂ©es par les pouvoirs publics aux personnes prĂ©carisĂ©es, sans abri, dĂ©tenues, institutionnalisĂ©es, ĂągĂ©es, marginalisĂ©es, sans papier, usagĂšres de drogues, travailleuses du sexe, pour ne citer qu’elles. Elle met en exergue une hiĂ©rarchisation erronĂ©e des mĂ©tiers, du mĂ©rite et de l’utilitĂ© basĂ©e sur la rentabilitĂ© et le profit, plutĂŽt que sur la plus-value socio-sanitaire.La crise actuelle rappelle en consĂ©quence le rĂŽle central et indispensable du travail reproductifNote bas de page et des dispositifs de soin, d’aide et d’accompagnement ; et le rĂŽle pilier que jouent les institutions publiques (l’école en premier lieu) et les points d’appui associatifs et non-gouvernementaux qui luttent contre la pauvretĂ© et les inĂ©galitĂ©s sociales. Elle met Ă©galement en lumiĂšre toute l’importance d’investir durablement dans la prĂ©vention et la promotion de la santĂ©.

Le rÎle de la promotion de la santé

La promotion de la santĂ© permet aux individus d’amĂ©liorer la maĂźtrise de leur propre santĂ© et comprend un vaste panel d’interventions sociales et environnementales visant Ă  favoriser et protĂ©ger la santĂ© et la qualitĂ© de vie, tout en luttant contre les principales causes de la mauvaise santĂ© (c’est-Ă -dire en agissant sur les dĂ©terminants de la santĂ© ; OMS, 2016). La santĂ© est comprise de maniĂšre globale : la santĂ© physique, certes, mais Ă©galement la santĂ© mentale et le bien-ĂȘtre. La promotion de la santĂ© dĂ©fend dĂšs lors la mise en place d’un projet social durable qui s’inscrit dans un Ă©cosystĂšme. Ce projet social tend vers la crĂ©ation des conditions et environnements favorables Ă  la santĂ© des individus et communautĂ©s.Les modĂšles thĂ©oriques sur lesquels repose la promotion de la santĂ© participent Ă  mettre en place des actions cohĂ©rentes et globales autour des dĂ©terminants de la santĂ© et Ă  Ă©laborer des stratĂ©gies de communication, d’information et d’éducation Ă  la santĂ© (Scheen et Aujoulat, 2020). La promotion de la santĂ© vise Ă  autonomiser les communautĂ©s et Ă  faire vivre le projet dĂ©mocratique en encourageant la participation citoyenne aux dĂ©cisions ayant un impact sur la santĂ© (IREPS, 2020). La collaboration interdisciplinaire et la crĂ©ation de liens et de solidaritĂ©s sont au centre de son fonctionnement. Ainsi, en temps ordinaires et en temps de crise, la promotion de la santĂ© et ses acteur·rices permettent 1) la mise en place de politiques publiques soucieuses de leurs rĂ©percussions sur les dĂ©terminants de la santĂ© et les inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ©, et 2) une communication optimale, non-paternaliste et transparente auprĂšs des populations, qui tienne compte du niveau de littĂ©ratie en santĂ© de celles-ci.La promotion de la santĂ© participe ainsi Ă  l’édification d’un modĂšle de sociĂ©tĂ© plus Ă©galitaire, plus Ă©quitable, plus dĂ©mocratique et durable, qui considĂšre la santĂ© des individus comme un bien collectif et essentiel. Elle dĂ©fend le caractĂšre non-marchand et collectif de la santĂ©, ainsi que le droit Ă  la santĂ© dans sa totalitĂ© (y compris des conditions de vie dignes, la participation dĂ©mocratique aux dĂ©cisions politiques, et l’accĂšs Ă  une information sanitaire complĂšte et transparente ; Mebtoul, 2020). Or, malgrĂ© son importance fondamentale dans la pĂ©rennitĂ© de la sociĂ©tĂ©, force est de constater que la promotion de la santĂ© souffre d’un manque systĂ©mique de moyens financiers et humains et de considĂ©ration de la part des pouvoirs publics.

Références bibliographique

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Webster, R., Brooks, S., Smith, L., Woodland, L., Wessely, S., Rubin, G. (2020). “How to improve adherence with quarantine: Rapid review of the evidence”, in Public Health, 182.

 

EUROTOX ASBL

Observatoire socio-Ă©pidĂ©miologique alcool-drogues en Wallonie et Ă  Bruxelles info@eurotox.org – 02/539.48.29

Les reprĂ©sentations sociales dĂ©signent l’ensemble des croyances, connaissances et opinions produites, transmises et partagĂ©es au sein d’une sociĂ©tĂ© donnĂ©e, Ă  un moment donnĂ©. Les individus agissent, interagissent et rĂ©agissent en fonction de ces reprĂ©sentations, qui ne sont Ă©videmment pas immuables et peuvent Ă©voluer dans le temps.

La notion de « racisation » (une personne « racisée ») désigne le processus dynamique et structurel de production sociale de la « race ». La « race » est donc le produit du rapport social ; elle est une construction sociale, économique, historique et politique qui a des effets néfastes sur les personnes racisées (Orban, 2020).

Les violences intrafamiliales (psychologiques, physiques, Ă©conomiques) touchent tous les milieux sociaux. Les personnes de SSE faible, victimes de ces violences, ont cependant moins de ressources pour y Ă©chapper.

Les sciences sociales ont depuis longtemps dĂ©montrĂ© le rĂŽle des institutions scolaires dans la reproduction des inĂ©galitĂ©s (Bourdieu et Passeron, 1964, pour ne citer que les plus connus). La dĂ©scolarisation, cependant, renforce les inĂ©galitĂ©s sociales, puisque les familles sont inĂ©galement Ă©quipĂ©es pour se substituer au rĂŽle de l’école. Cela se vĂ©rifie dĂ©jĂ  en temps ordinaires lors des grandes vacances d’étĂ©, au cours desquelles les Ă©carts entre les enfants de SSE Ă©levĂ© et les enfants de SSE faible se creusent largement et durablement (Darnon, 2020).

Voir les rĂ©sultats de l’étude COCONEL – Coronavirus et Confinement : EnquĂȘte longitudinale, rĂ©alisĂ©e par l’UMR Vitrome, EHESP et al (2020).

Le manque de matĂ©riel de consommation stĂ©rile et en bon Ă©tat augmente les pratiques de partage et rĂ©utilisation du matĂ©riel, et donc les risques de transmission et infection au VIH et hĂ©patites B et C, et d’abcĂšs.

A noter qu’en temps ordinaires, l’offre de matĂ©riel stĂ©rile ne rencontre dĂ©jĂ  pas la demande, faute de moyens suffisants mis Ă  disposition du milieu associatif (voir 20 ans d’échange de seringues en Belgique francophone : Quel dispositif d’accĂšs au matĂ©riel stĂ©rile d’injection Ă  Bruxelles et en Wallonie ? Mira Goldwicht. Modus Vivendi. Novembre 2016).

PrĂ©cisons toutefois que d’aprĂšs les rĂ©sultats prĂ©liminaires de l’enquĂȘte menĂ©e par Sciensano (2020), les usager·es de drogues sondĂ©s ne rapportent pas de baisse de la qualitĂ© des produits en circulation, ni d’augmentation des prix, contrairement Ă  l’enquĂȘte menĂ©e auprĂšs des centres et intervenant·es spĂ©cialisĂ©s. Deux hypothĂšses peuvent expliquer la diffĂ©rence de constats : 1) les centres et intervenant·es rapportant une baisse de la disponibilitĂ© et une hausse des prix sont principalement en RĂ©gion wallonne et en RĂ©gion de Bruxelles-Capitale, tandis que les usager·es sondĂ©s sont principalement en RĂ©gion flamande (il y aurait donc Ă©ventuellement une disparitĂ© spatiale) ; 2) Les publics d’usager·es ne sont pas les mĂȘmes : les usager·es ayant rĂ©pondu Ă  l’enquĂȘte en ligne se dĂ©clarent en effet en bonne santĂ©, ont un emploi et ont un niveau d’éducation relativement Ă©levĂ© (secondaire et plus), alors que l’enquĂȘte auprĂšs des centres et intervenant·es concernerait davantage des usager·es prĂ©carisĂ©s.

Le travail reproductif dĂ©signe l’ensemble des activitĂ©s qui permettent de crĂ©er et renouveler la force de travail, c’est-Ă -dire procrĂ©er, mais aussi nourrir, loger, prendre soin et soigner des malades, des aĂźné·es et des jeunes, soutenir, nettoyer, Ă©duquer, etc. Ă  l’échelle du foyer domestique et de la sociĂ©tĂ©. Ce travail reproductif est largement dĂ©valorisĂ© au sein des sociĂ©tĂ©s occidentales, puisque considĂ©rĂ© comme non rentable. Il repose fortement sur une rĂ©partition genrĂ©e et racisĂ©e des tĂąches, les femmes et personnes racisĂ©es Ă©tant surreprĂ©sentĂ©es dans le travail reproductif[10]. Parce que considĂ©rĂ© comme une compĂ©tence « naturelle », une passion ou un dĂ», le travail reproductif est souvent dĂ©valorisĂ©, mal rĂ©munĂ©rĂ© voire gratuit (voir notamment De Beauvoir, 1949 ; Federici, 2014 ; Cognet, 2010).