Comment cela se passe-t-il lorsque deux associations collaborent pour produire un support dâinformation, dans une dynamique participative avec le public visĂ© ? Câest de ce processus dont il est question dans le rapport publiĂ© par Cultures & SantĂ©.Une annĂ©e durant, Modus Vivendi, actrice dans le champs de la rĂ©duction des risques, et Cultures & SantĂ©, experte dans les approches de littĂ©ratie en santĂ©, ont travaillĂ© sur une nouvelle brochure « Consommation des drogues en rue : comment rĂ©duire les risques ? ». Lâenjeu Ă©tant dâobtenir, dans ce court laps de temps, un support dâinformation adaptĂ© aux besoins et rĂ©alitĂ©s des publics concernĂ©s : les consommateurs et consommatrices dit.es « de rue » ou vivant dans des conditions prĂ©caires (en rue ou en prison).
Cette demande Ă©mane des partenaires des opĂ©rations « Boule de Neige ». Celles-ci consistent en la sensibilisation et lâinformation par les pairs de pratiques qui permettent la rĂ©duction des risques liĂ©s Ă lâusage de drogues. Sâen suivent alors une sĂ©rie de focus group menĂ©s auprĂšs dâusager.es frĂ©quentant les associations partenaires du projet « Boule de Neige », les partenaires locaux, pour affiner les besoins, tester lâoutil, lâĂ©valuer selon diffĂ©rents critĂšres.Au dĂ©part de ce tĂ©moignage, le rapport aborde de maniĂšre concrĂšte la multitude de critĂšres qui ont Ă©tĂ© sous-pesĂ©s quant au destinataires, Ă lâaccessibilitĂ©, aux thĂšmes, etc., et qui ont fait lâobjet de discussions, dâarbitrage, de questionnements⊠le tout dans une dynamique de co-construction.« Pour crĂ©er ce type de support, plusieurs critĂšres entrent en ligne de compte (accessibilitĂ©, attractivitĂ©, praticitĂ©, identificationâŠ). Ces critĂšres « dâadaptabilitĂ© » sont nombreux et parfois contradictoires. Ce rapport entend mettre en Ă©vidence les points de tension qui peuvent exister entre ces diffĂ©rents critĂšres et la nĂ©cessitĂ© dâopĂ©rer des arbitrages dans le poids quâils prendront dans la rĂ©alisation finale. (âŠ) En effet, le poids dâun critĂšre par rapport Ă un autre varie selon diffĂ©rents Ă©lĂ©ments : la position que lâon occupe dans le projet, le public auquel on sâadresse, les modes de diffusion de la brochure⊠»Merci Ă eux pour ce tĂ©moignage instructif !
Vous pouvez vous procurer ce rapport chez Cultures & SantĂ© ou le tĂ©lĂ©charger directement via leur site : www.cultures-sante.be. Cultures&SantĂ© asbl : 148 rue d’Anderlecht 1000 Bruxelles – info@cultures-sante.be
Rédigé par le GT Démarches communautaire
Une quinzaine dâinstitutions membres de la FĂ©dĂ©ration bruxelloise de promotion de la santĂ© (FBPS) mettant en Ćuvre des projets de dĂ©marche communautaire se sont rĂ©unies pour gĂ©nĂ©rer une parole concertĂ©e sur les spĂ©cificitĂ©s de la/des dĂ©marches communautaires dans le champ de la promotion de la santĂ©. La principale ambition de cette note est de clarifier les spĂ©cificitĂ©s et apports des dĂ©marches communautaires dans le champ de la promotion de la santĂ© et de diffuser ces approches au sein des autres politiques de santĂ©, plus particuliĂšrement dans le cadre de la crise sanitaire liĂ©e Ă la pandĂ©mie de Covid-19. La crise actuelle est bien plus que sanitaire : elle est totale, car elle touche toutes les sphĂšres de la sociĂ©tĂ© et de lâhumanitĂ©. Au mĂȘme titre que la santĂ© est un fait social total : elle est la rĂ©sultante de tous les facteurs qui dĂ©finissent la sociĂ©tĂ© ( lâĂ©conomie, le rapport Ă lâĂ©co-systĂšme, lâhabitat, lâinsertion dans le tissu social, etc.)La situation sanitaire occasionnĂ©e par la Covid-19 a rĂ©vĂ©lĂ© une fois de plus que les dĂ©terminants sociaux de la santĂ© (logement, conditions de travail, Ă©ducation, littĂ©ratieâŠ), moins pris en compte que les aspects mĂ©dicaux dans la gestion de cette crise, sont pourtant essentiels pour rĂ©duire les inĂ©galitĂ©s en santĂ©. En effet, cette non prise en compte des dĂ©terminants sociaux de la santĂ© dans la premiĂšre phase de la crise a eu de nombreux effets collatĂ©raux : absence dâinstances sociales pouvant faire « tiers », rupture de liens, sentiment dâangoisse et de solitude exacerbĂ©s, fracture numĂ©rique, etc. Et lâĂ©pidĂ©mie de Covid-19 frappe particuliĂšrement durement les populations les plus prĂ©caires et nĂ©cessite une prise de responsabilitĂ© collective.Le rapport Ă lâEtat et aux communautĂ©s dâappartenance (communautĂ©s locales, culturelles, etc.) est Ă©galement remis en question par la situation sanitaire et sa gestion : le confinement, les injonctions aux «gestes barriĂšres » et Ă la restriction de sa « bulle sociale », sont autant dâĂ©preuves qui ont fortement fragilisĂ© le lien social, et impactĂ© durement la population et les groupes les plus vulnĂ©rables.
Il est incontestable que la dĂ©marche communautaire en santĂ© constitue une stratĂ©gie adĂ©quate dans la gestion de la situation sanitaire. Ses spĂ©cificitĂ©s mĂ©thodologiques sont en effet caractĂ©risĂ©es par la mise en contact des individus, leur participation et leur implication dans le processus collectif mis en place. Il sâagit de rappeler la force du travail en groupe, une bonne proximitĂ© pour des dynamiques de groupe constructives permettant de faire Ă©merger des solutions collectives face Ă des problĂ©matiques collectives. Si les problĂ©matiques actuelles sont totales, la dĂ©marche communautaire constitue bien une force par sa mĂ©thodologie concrĂšte : meilleure adhĂ©sion des populations aux politiques de prĂ©vention, amĂ©lioration de lâadĂ©quation des politiques de santĂ© aux besoins des populationsâŠ
La/les dĂ©marches communautaires en santĂ© consistent Ă travailler collectivement et de maniĂšre participative sur les dĂ©terminants de la santĂ© afin de rĂ©duire les inĂ©galitĂ©s en santĂ© et ainsi dâamĂ©liorer la santĂ© de toutes et tous. Cette stratĂ©gie de travail est balisĂ©e par des repĂšres mĂ©thodologiques qui permettent une large adaptation dans la mise en Ćuvre : les dĂ©marches communautaires en santĂ© donnent lieu Ă de multiples mises en pratique, adaptĂ©es notamment aux contextes et aux besoins spĂ©cifiques des communautĂ©s concernĂ©es.Ces communautĂ©s, nous les dĂ©finissons comme des regroupements de personnes partageant un sentiment dâappartenance Ă un « commun » qui peut ĂȘtre un territoire partagĂ© et/ou des intĂ©rĂȘts convergents et/ou des expĂ©riences de vie communes et/ou une mĂȘme culture, etc. Ce sentiment dâappartenance peut Ă©galement ne pas prĂ©exister au processus communautaire et se dĂ©velopper au cours de celui-ci.
Parmi les dĂ©terminants, les capacitĂ©s de rĂ©silience individuelles et collectives et les compĂ©tences psychosociales sont des ressources qui doivent ĂȘtre renforcĂ©es, et sur lesquelles il est nĂ©cessaire de sâappuyer. Les projets de dĂ©marche communautaire contribuent au premier plan Ă les soutenir. Ces compĂ©tences psychosociales sont fortement sollicitĂ©es dans des situations de crise que nous traversons. Elles renforcent le recours Ă la ou aux communautĂ©s, qui jouent un rĂŽle de « roues de secours » pour les individus tant pour gĂ©rer des situations angoissantes que pour se positionner sur un plan Ă©thique, ou encore pour adopter de nouveaux comportements. Or ce recours Ă la communautĂ© est questionnĂ© par la nature de la crise actuelle et sa gestion.La nĂ©cessaire rĂ©colte des besoins des publics, et de leurs ressources, de façon structurĂ©e Ă travers les diagnostics communautaires constitue un levier utile pour faire face Ă cette crise sanitaire. Ces diagnostics permettent en effet dâidentifier les prioritĂ©s des citoyen.nes et sont des cadres dont les diffĂ©rents pouvoirs (communaux, COCOF, COCOM, etc.) pourraient se saisir pour planifier leurs diffĂ©rentes rĂ©ponses. La question du financement de ces instruments est donc centrale.LâĂ©valuation participative partagĂ©e et permanente des politiques sanitaires et de leur communication est Ă©galement un apport essentiel de la dĂ©marche communautaire dans la crise actuelle. Elle permet dâadapter continuellement la planification sanitaire aux nouveaux Ă©vĂ©nements et obstacles identifiĂ©s par les publics concernĂ©s et de favoriser une meilleure adhĂ©sion Ă ces politiques et aux consignes sanitaires par lâensemble des citoyen.nes.La participation au sein des dĂ©marches communautaires en santĂ© sâinscrit dans un rĂ©el partage de pouvoir dĂ©cisionnaire. Les opĂ©rateur.trices de la dĂ©marche communautaire en santĂ© reconnaissent la capacitĂ© des communautĂ©s Ă ĂȘtre des acteurs responsables de leur propre santĂ©. La « participation citoyenne » dĂ©passe donc la consultation des communautĂ©s et de leurs besoins, ainsi que la formulation de propositions et de conseils. Elle implique les communautĂ©s dans un vĂ©ritable partenariat oĂč la prise de dĂ©cision est nĂ©gociĂ©e et partagĂ©e entre les communautĂ©s, les acteur.trices de terrain, les expert.es et les politiques au sein de structures dĂ©cisionnaires rĂ©unissant toutes les parties prenantes.Alors comment cultiver cette force que constitue la stratĂ©gie communautaire, et pouvoir, dans le contexte actuel, transformer les nouveaux freins en atouts ? Autrement dit, si les actions basĂ©es sur la proximitĂ© physique entre les personnes sont aujourdâhui rendues difficiles, la distanciation physique ne constitue pas forcĂ©ment une « distanciation « sociale » » contrairement Ă lâexpression consacrĂ©e. Il sâagit lĂ aussi dâĂȘtre crĂ©atif.ves et de rĂ©-inventer de la proximitĂ©, tant en prĂ©sentiel que par les outils numĂ©riques.En dĂ©pit des difficultĂ©s quâont rencontrĂ©es et rencontrent encore actuellement les professionnel.les de la dĂ©marche communautaire en santĂ©, force est de constater que le secteur a pu sâadapter durant la crise et fait preuve de « grande crĂ©ativitĂ© », de « force de proposition » pour maintenir en tout ou en partie leurs activitĂ©s, mais surtout les liens avec les participants de leurs projets, et initier de nouvelles activitĂ©s, de nouveaux outils.Cette crĂ©ativitĂ© vigilante en RĂ©gion de Bruxelles-Capitale a donnĂ© lieu Ă la mise en place de permanences, de lignes tĂ©lĂ©phoniques de soutien auprĂšs des publics, Ă la mise en place dâoutils numĂ©riques et dâappropriation de ces outils, au transfert des campagnes et outils de prĂ©vention aprĂšs adaptation aux spĂ©cificitĂ©s des publics (traduction, mise en image, etc.), etc.Des collectifs citoyens se sont Ă©galement spontanĂ©ment mis en place et ont ĆuvrĂ© solidairement dĂšs le cĆur de la crise ; il y a lieu de sâen inspirer et de les soutenir en reconnaissant lâeffet rĂ©gulateur de la responsabilitĂ© collective. Dâailleurs, Ă lâĂ©chelon local, certaines communes ne se sont pas contentĂ©es d’appliquer les rĂšgles fĂ©dĂ©rales, elles ont utilisĂ© leur pouvoir autonome pour activer, en fonction de leur contexte, des mesures qui leur semblaient plus adaptĂ©es parce quâelles avaient pu entendre la parole des habitants qui ont ainsi contribuĂ© Ă lâorientation de ces dĂ©cisions. Les assemblĂ©es dĂ©libĂ©ratives prĂ©vues par la COCOF vont dans ce sens et constituent donc une belle mĂ©thodologie de participation citoyenne, Ă condition de veiller Ă ce que les plus vulnĂ©rables puissent y faire entendre leur voix.Il est dâailleurs essentiel de ne pas se focaliser sur la seule Ă©pidĂ©mie de Covid-19 mais de poursuivre le travail sur les problĂ©matiques que nous rencontrons habituellement et qui sâavĂšrent cruciales dans la situation sanitaire actuelle : le lien social, lâurbanisme, le logement, les assuĂ©tudes, le sida, le diabĂšte, la parentalitĂ©, etc.
Aujourdâhui, oĂč mettre le curseur entre le risque Ă©pidĂ©miologique que constitue le rassemblement de personnes et les gains en termes de santĂ© publique de lâaction communautaire (donc au rassemblement collectif) ?Les personnes les plus fragiles constituent justement les publics impliquĂ©s dans nos institutions (publics vulnĂ©rables, jeunes et 3Ăšme Ăąge, sans papiers, sans domicile, publics migrants, porteur.ses de pathologies telles que VIH ou diabĂšte, etc.). La notion de « bonne proximitĂ© » ou de « proximitĂ© suffisamment bonne », Ă envisager diffĂ©remment en fonction de chaque groupe, du contexte, de la vulnĂ©rabilitĂ© des participants, etc. est propre Ă la stratĂ©gie de dĂ©marche communautaire. Cette notion nous semble ĂȘtre un modus operandi Ă promouvoir dans la situation pandĂ©mique actuelle.La dĂ©marche communautaire gĂ©nĂšre de multiples effets salvateurs pour la santĂ© tant au niveau individuel (compĂ©tences psycho-sociales, rĂ©silience, lutte contre le repli sur soi, bien-ĂȘtre et joie de vivre, etc.) quâau niveau collectif (maintien des liens sociaux, lutte contre le repli communautaire, adoption des comportements dits « gestes barriĂšres », expression des besoins pour une prise en compte dans la gestion de la crise sanitaire par les autoritĂ©s, etc.). Il est nĂ©cessaire de dĂ©velopper des projets selon cette stratĂ©gie dâaction et de promouvoir la dĂ©marche communautaire et la participation citoyenne dans tous les secteurs, et dans le dĂ©cisions politiques. Et dâappliquer les stratĂ©gies de rĂ©duction des risques, pour permettre dâengranger les bĂ©nĂ©fices de la mise en prĂ©sence collective.A partir de ces constats, nous souhaitons reprendre ci-dessous les apports des dĂ©marches communautaires quâil nous semble essentiel de dĂ©velopper, de soutenir ou de renforcer, dâautant plus dans cette situation de crise sanitaire au regard de dĂ©cisions prises prĂ©cĂ©demment.
1. Gestion politique
Constats concernant la gestion politique de la pandémie et concernant les comportements des populations |
Apports des démarches communautaires à mettre en place ou à renforcer |
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2. Communication et effets sur la population
Constats concernant la gestion politique de la pandémie et concernant les comportements des populations |
Apports des démarches communautaires à mettre en place ou à renforcer |
Moyens |
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3. Aspect sociologique
Constats concernant la gestion politique de la pandémie et concernant les comportements des populations |
Apports des démarches communautaires à mettre en place ou à renforcer |
Moyens |
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4. Situation de pandémie
Constats concernant la gestion politique de la pandémie et concernant les comportements des populations |
Apports des démarches communautaires à mettre en place ou à renforcer |
Moyens |
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Conclusion
La mĂ©thodologie et les valeurs sous-tendues par cette dĂ©marche communautaire constituent lâapport essentiel que les promoteur.trices de dĂ©marches communautaires peuvent apporter dans les groupes de travail actuellement mis en place, notamment dans le cadre de la gestion de la pandĂ©mie mais aussi dans le cadre du Plan social santĂ© intĂ©grĂ© : nĂ©cessaire concertation intersectorielle avant toute dĂ©cision, nĂ©cessaire concertation avec les publics concernĂ©s, en sâassurant de la prĂ©sence ou tout au moins de la reprĂ©sentation des plus « vulnĂ©rables » dans cette concertation, notamment des plus isolĂ©s et/ou dĂ©sinstitutionnalisĂ©s.
La dĂ©marche communautaire est un processus qui sâinscrit dans une vision Ă long terme afin dâagir sur les dĂ©terminants sociaux de la santĂ©. Il est donc nĂ©cessaire de dĂ©velopper un financement structurel et pĂ©renne des organismes et associations de dĂ©marche communautaire en santĂ© parallĂšlement aux financements par projet.
Enfin, la mise en Ćuvre des dĂ©marches communautaires (maintien du lien avec la population, diagnostics et recueil des besoins, mises en place de stratĂ©gies locales et de stratĂ©gies adaptĂ©es aux besoins et aux contextes de vie, etc.) est et sera essentielle dans la gestion des crises climatique et socio-Ă©conomique prĂ©sentes et Ă venir. Cela nĂ©cessite un changement structurel qui pĂ©rennise la dĂ©marche communautaire dans toutes les institutions, Ă tous les niveaux de pouvoir et dans tous les secteurs.
Pour toute demande d’information supplĂ©mentaire:
- Coordination de la Fédération bruxelloise de promotion de la santé: coordination@fbpsante.brussels
- Pour le GT Démarches communautaire: Frédérique Déjou (asbl@lespissenlits.be) et Bruno Vankelegom (bruno.vankelegom@f-q-s.be)
Voir « Note mars 2017, GT Demcom FBPS, en vue du Plan de Promotion de la Santé ».
Cf Carte blanche 2020, FBPSanté
AndrĂ©a RĂ©a, notamment, a dĂ©montrĂ© que les inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ© sâobservaient aussi dans le cadre de la pandĂ©mie actuelle : https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/video-covid-19-et-inegalites-sociales-il-faut-en-finir-avec-la-moralisation-des- conduites_147197
Les diffĂ©rentes mises en Ćuvre constituent la raison pour laquelle certaines institutions prĂ©fĂšrent parler deS dĂ©marcheS communautaireS en santĂ© au pluriel.
Cf RepÚres méthodologiques de la démarche communautaire in Brochure Sepsac réactualisée, téléchargeable : https://www.maisonmedicale.org/Action-communautaire-en-sante-un-outil-pour-la-pratique-2013.html
Pour cela, il est nĂ©cessaire dâaccompagner les publics dans la capacitĂ© Ă sâapproprier ces outils numĂ©riques pour ne pas renforcer les inĂ©galitĂ©s https://www.kbs-frb.be/fr/Newsroom/Press-releases/2020/20200828NDBarDigIncl?utm_source=newsletter&hq_e=el&hq_m=6285082&hq_l=6&hq_v=8ef52c5b7c
Communiqué de presse (08/10/2020)
Plusieurs facteurs, tels que le goĂ»t, lâemballage, la publicitĂ©, la facilitĂ© de consommation ou le mode de vie, ont un impact sur les choix alimentaires des Belges. Le prix des aliments est Ă©galement un facteur important, surtout pour les familles disposant dâun budget limitĂ©. Lâalimentation industrielle Ă©tant meilleure marchĂ©, cela entraĂźne certaines consĂ©quences sur la santĂ© des consommateurs. Câest ce qui ressort dâune Ă©tude de Sciensano, qui pour la premiĂšre fois, Ă©value le prix des rĂ©gimes alimentaires comportant plus ou moins dâaliments ultra-transformĂ©s.
Consommation de régimes alimentaires ultra-transformés en Belgique
Ces derniĂšres annĂ©es, on suggĂšre de plus en plus souvent que la transformation des aliments, en particulier du type, de lâintensitĂ© ainsi que le but de cette transformation, peuvent avoir un impact sur la santĂ©. Une prĂ©cĂ©dente Ă©tude de Sciensano montre que le Belge moyen tire environ un tiers de son Ă©nergie journaliĂšre de produits alimentaires ultra-transformĂ©s. Une consommation Ă©levĂ©e de cette alimentation ultra-transformĂ©e engendre un rĂ©gime alimentaire moins sain en raison dâune ingestion plus importante de sel et de graisses saturĂ©es et dâune consommation plus faible de fruits et lĂ©gumes.On note, en outre, les tendances remarquables suivantes :
- la consommation de produits alimentaires ultra-transformés est plus élevée chez les enfants
- aucune diffĂ©rence nâa Ă©tĂ© trouvĂ©e dans la consommation de produits ultra-transformĂ©s entre les personnes ayant un niveau de formation diffĂ©rent
- les personnes dites plus Ă©duquĂ©es tirent, outre la consommation de denrĂ©es alimentaires ultra-transformĂ©es, davantage dâĂ©nergie dâune alimentation peu ou pas transformĂ©e, en comparaison avec les personnes dites moins Ă©duquĂ©es.
La raison en est, en grande partie, le prix Ă payer pour une alimentation saine.
Les régimes alimentaires comportant plus de produits ultra-transformés sont meilleurs marché
Il existe une diffĂ©rence de prix significative entre les diffĂ©rents rĂ©gimes alimentaires dans notre pays : moins le rĂ©gime alimentaire comporte de produits ultra-transformĂ©s, plus les consommateurs doivent dĂ©bourser pour leur alimentation quotidienne. De plus, les aliments ultra-transformĂ©s sont clairement moins chers (âŹ0,55/100 kcal) que les aliments peu ou pas transformĂ©s (âŹ1,29/100 kcal). Les familles bĂ©nĂ©ficiant dâun faible revenu choisiront donc une alimentation conforme Ă leur budget. Lâalimentation ultra-transformĂ©e sera prĂ©fĂ©rĂ©e Ă des produits sains peu transformĂ©s.
Quâentend-on par produits alimentaires ultra-transformĂ©s?
Les produits alimentaires ultra-transformĂ©s se trouvent hors de la pyramide alimentaire et sont donc mauvais pour la santĂ©, ce qui signifie que leur consommation doit ĂȘtre limitĂ©e autant que possible. Les produits ultra-transformĂ©s contiennent gĂ©nĂ©ralement beaucoup de sucres ajoutĂ©s, de sel et de graisses saturĂ©es ainsi que de nombreux arĂŽmes, colorants et autres additifs. Ils sont transformĂ©s pour ĂȘtre facilement consommĂ©s, attractifs et accessibles pour le consommateur et, par la mĂȘme occasion, rentables pour lâindustrie alimentaire.
Comment sâattaquer Ă ce problĂšme?
Compte tenu des rĂ©sultats de cette Ă©tude, il est conseillĂ©, comme câest le cas dans certains autres pays (Royaume-Uni, Hongrie, etc.), de rendre les produits ultra-transformĂ©s moins intĂ©ressants financiĂšrement. De plus, les produits peu ou pas transformĂ©s devraient, Ă leur tour, ĂȘtre rendus plus intĂ©ressants sur le plan financier. Cela permettra de stimuler des habitudes alimentaires saines, principalement pour les familles avec moins de moyens financiers.Sciensano invite les autoritĂ©s belges Ă suivre les recommandations de lâOrganisation mondiale de la santĂ© pour la crĂ©ation dâun environnement alimentaire sain, entre autres :
- introduire des mesures fiscales visant à décourager les mauvais choix alimentaires et à stimuler les bons
- limiter la publicitĂ© sur les produits malsains destinĂ©e aux enfants par le biais dâune rĂ©glementation
- stimuler une alimentation saine Ă lâĂ©cole.
La prĂ©cĂ©dente enquĂȘte nationale de consommation alimentaire a Ă©galement montrĂ© que la moitiĂ© Ă trois quarts des Belges sont favorables Ă lâintroduction de telles mesures. Divers facteurs influencent nos choix en matiĂšre alimentaire, mais devoir choisir entre une alimentation saine et son portefeuille ne devrait pas en faire partie.
Pour consulter lâenquĂȘte dans son intĂ©gralitĂ© : https://fcs.wiv-isp.be/nl/Gedeelde%20%20documenten/FRANS/FP_FR.pdf
Cet article explorera dâabord les Ă©lĂ©ments liĂ©s Ă la santĂ© de ces deux publics peu connus. Ensuite, il abordera la santĂ© du public-cible dâAlias sous lâangle de la pandĂ©mie. Depuis le dĂ©but de la crise sanitaire de 2020, lâasbl maintient son offre auprĂšs des TDS de maniĂšre plus large et observe les consĂ©quences de la pandĂ©mie et des mesures prises par le gouvernement pour lâendiguer sur leur vie et leur santĂ©. Neuf mois aprĂšs les premiĂšres mesures, les consĂ©quences sont nombreuses.
Lexique
- Le Bareback désigne les rapports sexuels sans préservatif.
- Cisgenre (cis) qualifie une personne dont lâidentitĂ© de genre (par extension lâexpression de genre) est plutĂŽt en adĂ©quation avec le rĂŽle social attendu et assignĂ© Ă la naissance.
- Le chemsex consiste Ă prendre des produits psychoactifs ou drogues quâelles soient lĂ©gales (ex : alcool, mĂ©dicaments, viagra) ou non (ex : cocaĂŻne, crystal meth/Tina, speed/amphĂ©ta- mines, GBL/GHB, hĂ©roĂŻne) dans un but sexuel.
- Escort (escorting) dĂ©signe lâactivitĂ© de prostitution/travail du sexe oĂč les individus trouvent des client.e.s en ligne. Lâescorting peut Ă©galement faire rĂ©fĂ©rence Ă lâactivitĂ© de prostitu- tion/travail du sexe oĂč il y a, en plus dâun rapport sexuel, un accompagnement social.
- HSH est lâacronyme de Hommes qui ont des rapports Sexuels avec des Hommes.
- LGBTQIA+ est lâacronyme de Lesbienne â Gay â Bisexuel.le â Transgenre* â Queer â Intersexe â Asexuel.le â et tous les autres.
- Non-binaire qualifie les identités de genres ne se référant pas ou défiant les normes de genre binaires (femme/homme).
- PMS est lâacronyme de Psycho-MĂ©dico-Social.
- TPE est lâacronyme de Traitement Post-Exposition (au VIH).
- Les personnes transgenres* (trans) ont une identitĂ© de genre diffĂ©rente de celle quâon leur a assignĂ©e Ă la naissance. Cette identitĂ© peut ĂȘtre homme ou femme, ou bien sortir de la binaritĂ© socialement imposĂ©e. Le terme trans est Ă©crit avec un astĂ©risque afin de marquer lâinclusivitĂ© de toutes les identitĂ©s et expressions de genres.
- PrEP est lâacronyme de Prophylaxie PrĂ©-Exposition (du VIH).
- TDS est lâacronyme de Travailleur.euse du Sexe.
La prostitution Ă©tudiante : consĂ©quences du stigma sur lâaccĂšs et la qualitĂ© des soins de santĂ©
Portrait de lâĂ©chantillon et de sa pratique du travail du sexe
Iels sâidentifient comme escorts, sugarbabies, camgirls/boys. Parfois depuis plusieurs annĂ©es, parfois depuis moins de 6 mois. Les applications mobiles et les rĂ©seaux sociaux sont un moyen de rencontre en plein essor, puisque 97,4% des Ă©tudiants HSH et trans* interrogĂ©s frĂ©quentent des sites dâescorting, 52,6% des applications et 26,3% les rĂ©seaux sociaux. Cela explique lâabsence de ce public sur les lieux de travail habituels de lâassociation (rue, permanence dâaccueil dans nos locaux), et les difficultĂ©s que nous avions Ă nous faire connaĂźtre auprĂšs dâelles et eux. LâĂ©chantillon de rĂ©pondant·es se compose Ă 23,9% de personnes trans* ou non-binaire et 89,5% nâest pas heÌteÌrosexuel. Parmi les 39 reÌpondant·es retenu·es pour analyser les reÌsultats de lâenqueÌte, iels ont en majoriteÌ (65,8%) entre 19 et 24 ans et reÌpondent aÌ 44,4% voir des client·es une Ă plusieurs fois par semaine, Ă 36,1% une fois par mois. On observe donc dans notre Ă©chantillon une activitĂ© frĂ©quente et rĂ©guliĂšre.
PratiquĂ© dans 83% des cas pour faire face aux dĂ©penses quotidiennes et dans 58% pour payer le minerval, le principal aspect positif du travail du sexe concerne la rapiditĂ© des revenus (88.2%) et la souplesse des horaires (76,5%). En effet, celleux-ci peuvent choisir leurs jours de travail et les horaires, ce qui est important quand cette activiteÌ est combinĂ©e avec des eÌtudes ou un stage en journeÌe. Cela signifie aussi quâil est plus facile dâarreÌter pendant leurs examens ou lorsquâiels en ont moins besoin.Parmi les aspects neÌgatifs rapporteÌs par les eÌtudiant·es, le secret vient en premier lieu (64,7%). Ensuite, 58,8% dâentre elles et eux mentionnent les client.e.s deÌsagreÌables et 52,9% expliquent que les gains impreÌvisibles, le manque de client·es et les jugements neÌgatifs de la part des proches et de la socieÌteÌ ont un impact sur leur situation. Enfin, cette activitĂ© pousse prĂšs de la moitiĂ© dâentre elles et eux dans lâisolement, ce qui, au mĂȘme titre que le secret, impacte la qualitĂ© de leur suivi mĂ©dical et parfois leur accĂšs aux soins de santĂ©.
Coming out, stigmate et secret
Certains aspects neÌgatifs sont lieÌs entre eux : 23,9% de lâeÌchantillon est trans* ou non-binaire, et 89,5% nâest pas heÌteÌrosexuel. Cela signifie quâune grande majoriteÌ des reÌpondant·es est concerneÌe par un coming out dâidentiteÌ de genre ou dâorientation sexuelle. Certain·es eÌtudiant·es TDS de lâeÌchantillon rapportent donc des situations de double stigmatisation liĂ©es au cumul de plusieurs identiteÌs stigmatiseÌes par la socieÌteÌ : le travail du sexe avec lâhomosexualiteÌ et/ou la transidentiteÌ. 63,9% dâentre elles et eux ont parleÌ au moins une fois de leur activiteÌ de prostitution / travail du sexe aÌ un·e proche. Iels sont donc 36,1% aÌ nâen avoir parleÌ aÌ personne.
Les situations qui exposent les Ă©tudiant·es Ă la dĂ©couverte de leurs activitĂ©s et au jugement sont nombreuses et les poussent, pour garder le secret sur leur activiteÌ, leur orientation sexuelle, ou leur identiteÌ de genre, Ă sĂ©parer leur vie dâeÌtudiant·e et leur activiteÌ. Pour cela, iels se crĂ©ent une double-vie avec un pseudo, une autre histoire, un autre numeÌro de teÌleÌphone ou une autre adresse e-mail. Cette attention speÌcifique aÌ garder secret tout un pan de leur vie est souvent fatigante aÌ geÌrer au quotidien.
LâaccĂšs aux soins de santĂ©, entre secret et mĂ©connaissance des structures spĂ©cialisĂ©
Une eÌcrasante majoriteÌ des rĂ©pondant.es dĂ©clare avoir acceÌs aÌ des soins meÌdicaux (94,3%). Les meÌdecins traitants (81,3%) et lâhoÌpital (50%) ressortent en premier lieu, et 81,1% des reÌpondant.e.s disposent dâune mutuelle. Iels sont 10,8% Ă nâavoir acceÌs aÌ aucun remboursement meÌdical. A titre de comparaison, parmi le public connaissant deÌjaÌ Alias et ayant freÌquenteÌ la permanence meÌdicale en 2018, 6 personnes sur 10 nâavaient pas de meÌdecin geÌneÌraliste et seulement 3 personnes sur 73 avaient un meÌdecin au courant de leur activiteÌ.
« Fellation et rarement sodomie sans capote », « Fellation, peÌneÌtration anale », « Non-utilisation du preÌservatif », « Rapports non proteÌgeÌs rares, mais parfois », « Bareback » sont autant de pratiques Ă risques exercĂ©es par les les rĂ©pondant·es et rapportĂ©es avec leurs propres mots. Plusieurs hypotheÌses peuvent eÌtre avanceÌes pour expliquer ces situations : le couÌt des preÌservatifs et du lubrifiant, la meÌconnaissance des risques encourus lors de rapports non proteÌgeÌs ou encore la pression par les client·es de ne pas utiliser de preÌservatif contre un prix plus eÌleveÌ – câest en effet ce que rapportent plusieurs eÌtudiant·es lors des entretiens. Le besoin de soins de santĂ© est donc bien rĂ©el pour les Ă©tudiant·es HsH et trans* qui pratiquent le travail du sexe.
A cet Ă©gard, la majoriteÌ des reÌpondant·es se fait deÌpister reÌgulieÌrement : 37,8% tous les 6 mois, 27% tous les 3 mois et 21,6% une fois par an. 10,6% nây vont jamais. Fait interpellant, seul·es 16,2% des eÌtudiant·es parlent aÌ leur meÌdecin de leur activiteÌ de travail du sexe. Câest pourtant une variable primordiale dans la prise en charge des patient·es. Seul·es 7 eÌtudiant·es affirment se rendre dans des centres de planning familial ou dans des permanences dâassociation. La moitiĂ© (51,4%) connaiÌt une ou plusieurs associations qui travaillent avec des travailleur.euse.s du sexe/prostitueÌ.e.s. Cependant, 48,6% affirment nâen connaiÌtre aucune, pas meÌme Alias et 56,8% des reÌpondant·es deÌclarent nâavoir jamais fait appel aux services PMS proposeÌs par des associations. En effet, si iels ne connaissent pas les associations, comme preÌceÌdemment eÌtabli, iels ont moins de chance dây avoir fait appel. Les freins identifieÌs par les eÌtudiant·es dans lâacceÌs aux services proposeÌs par les associations sont la crainte du jugement (52,2%) et la volonteÌ de preÌserver leur anonymat (43,5%). Ensuite la meÌconnaissance des associations existantes (26,1%) et le fait quâiels ne ressentent pas le besoin dâutiliser les services existants (26,1%).
RĂ©pondre aux besoins et contourner les craintes
Ces craintes de jugement et la volonteÌ de preÌserver lâanonymat se ressentent dans toutes les spheÌres des reÌpondant·es, que ce soit sur les campus ou dans leur famille. Les associations PMS peuvent donc mettre en avant le non-jugement et la confidentialiteÌ dans la preÌsentation de leurs services, ces garanties preÌsentant de reÌels avantages pour les beÌneÌficiaires. Les eÌtudiant·es expliquent que les services dont ils ont besoin et que les associations pourraient leur apporter sont les suivants :
- DeÌpistage gratuit et anonyme (67,6%)
- Distribution gratuite de preÌservatifs (64,7%)
- Consultation psychologique (52,9%)
- Aide sociale (50%)
- Informations leÌgales (50%)
- Consultation meÌdicale (50%), prise de la PrEP (41,2%) et informations sur la santeÌ sexuelle (41,2%)
- Contact avec dâautres eÌtudiant.e.s travailleur.euse.s du sexe (44,1%)
Chemsex : pendant et aprÚs la session, des besoins de santé spécifiques et protéiformes
Chemsex, party and play, slam, les terminologies sont nombreuses pour dĂ©signer ce phĂ©nomĂšne en augmentation dont les contours (termes, frĂ©quences, substances) Ă©voluent constamment. LâenquĂȘte sur le chemsex, amorcĂ©e en 2019, avait pour but dâamĂ©liorer la connaissance de lâĂ©quipe dâAlias concernant les rĂ©alitĂ©s et enjeux de cette pratique parmi les travailleurs et travailleuses du sexe, afin de mieux les conseiller et les orienter. En particulier, nous avons cherchĂ© Ă en savoir plus sur la prise de produits avec des clients pour pouvoir donner des informations adaptĂ©es Ă cette rĂ©alitĂ©; et alimenter la partie consacrĂ©e au TDS du site internet www.chemsex.be pilotĂ© par lâasbl Ex Aequo et lâObservatoire du sida et des sexualitĂ©s (UniversitĂ© Saint-Louis Bruxelles).
PrĂ©sentation de lâĂ©chantillon et de leur pratique du chemsex
Entre janvier et septembre 2019, aÌ travers des permanences internet entieÌrement deÌdieÌes aÌ diffuser le questionnaire sur des sites ou applications de rencontre entre travailleurs du sexe et clients, nous avons rĂ©ussi Ă contacter proactivement 118 personnes qui visibilisent la pratique du chemsex sur leurs profils. 52 personnes ont reÌpondu au questionnaire, ces reÌponses fournissent donc des indications inteÌressantes mais ne peuvent pas eÌtre consideÌreÌes comme repreÌsentatives de lâensemble des travailleurs du sexe pratiquant le chemsex aÌ Bruxelles. LâaÌge des reÌpondant·es varie entre 18 et 60 ans avec une moyenne dâaÌge de 34 ans et une plus grande proportion des 24-43 ans.
En ce qui concerne la reÌgulariteÌ de la pratique du chemsex pour les travailleurs et travailleuses du sexe ayant reÌpondu aÌ lâenqueÌte, 48% des rĂ©pondant·es deÌclarent le pratiquer une fois par semaine, 24% une fois par mois en moyenne, 16% de 1 aÌ 11 fois par an, 10% une fois par an ou plus rarement et 2% tous les jours.
Une définition large entre choix et contrainte
« Le chemsex c’est prendre des produits psychoactifs ou drogues quâelles soient lĂ©gales (ex : alcool, mĂ©dicaments, viagra) ou non (ex : hĂ©roĂŻne, Crystal Meth/Tina, speed/amphĂ©tamines, cocaĂŻne, GBL/GHB) dans un but sexuel. »
Cette dĂ©finition extensive du chemsex inclut donc les produits psychoactifs lĂ©gaux et illĂ©gaux, circulant de longue date ou apparus plus rĂ©cemment. Elle devait notamment permettre de comparer l’usage des diffĂ©rents produits chez les travailleur·ses du sexe chemsexeur·ses.
Les rĂ©ponses au questionnaire indiquent quâun quart des personnes (26,5%) pratiquerait le chemsex uniquement Ă la demande du client, un petit tiers par envie (30,6%), et une petite moitiĂ© parce que leur souhait de pratiquer le chemsex rejoint celui des clients (42,9%). Il est Ă noter que cette pratique peut impliquer une addiction aux produits, celle-ci pouvant se renforcer par lâhabitude de consommer dans des contextes donnĂ©s (ce que lâon appelle lâeffet de contexte ou dâenvironnement) et la notion de choix concernant la pratique du chemsex dans le travail du sexe est floue et Ă relativiser. DĂšs lors, les rĂ©ponses reçues Ă cette question sont Ă repenser Ă la lumiĂšre dâune lecture plus complexe impliquant travail, addiction au produit, contexte, consentement et choix.
Les produits consommés et leurs effets
Les travailleur·ses du sexe ayant rĂ©pondu Ă lâenquĂȘte ont dĂ©clarĂ© consommer, par ordre dĂ©croissant dâutilisation :
- Les stimulants sexuels (mĂ©dicaments) pour 60,8% dâentre eux, notamment ceux aidant Ă lâĂ©rection et que lâon peut se procurer lĂ©galement en pharmacie ou dans certains sex-shop comme le Viagra©, le Cyalis© ou le Kamagra©.
- Des drogues lĂ©gales, faciles dâaccĂšs et non rĂ©primĂ©es comme lâalcool (56,9%) et le poppers, facilement accessible dans le commerce et qui est utilisĂ© entre autres pour dilater lâanus et favoriser lâexcitation (56,9 %).
- La cocaïne (56,9%), illégale elle, est le plus souvent sniffée mais aussi parfois injectée, fumée ou utilisée en plug anal.
Dâautres produits, dont la « dĂ©mocratisation » sâest opĂ©rĂ©e en mĂȘme temps que celle du terme chemsex, apparaissent ensuite dans les rĂ©ponses. Il sâagit du GHB et du GBL (47,1%). UtilisĂ© dâabord comme anesthĂ©siant, le GHB a Ă©tĂ© popularisĂ© dans les annĂ©es 1980 chez les culturistes notamment pour ses effets sur la croissance et le dĂ©veloppement de la masse musculaire. Il a longtemps Ă©tĂ© connu du grand public comme la « drogue du viol » car il a un effet euphorisant, dĂ©sinhibant, relaxant et quâil peut facilement causer des pertes de mĂ©moire ou des « trous noirs », notamment en interaction avec lâalcool ou en surdose, ce qui arrive aisĂ©ment. Les doses sont comptĂ©es au millilitre prĂšs car la dose rĂ©crĂ©ative et la dose toxique sont trĂšs proches.
Ensuite arrivent le cannabis (45,1%), le plus souvent fumĂ©, et lâecstasy (45,1%) dont le principe actif est souvent la MDMA mĂȘme si câest de moins en moins le cas, et qui est principalement ingĂ©rĂ©e sous forme de pilules, en parachute dans une feuille Ă rouler et est parfois sniffĂ©e. Dâautres produits illĂ©gaux se situent dans les mĂȘmes niveaux de dĂ©claration, comme les amphĂ©tamines (43,2%), dont fait partie le speed aussi appelĂ© « S », consommĂ©es sous forme de poudre le plus souvent sniffĂ©es.
Arrive alors un produit psychoactif trĂšs utilisĂ© ces derniĂšres annĂ©es dans des contextes de chemsex : le crystal meth (41,2%), souvent appelĂ© « T » ou Tina, qui se prĂ©sente sous forme de cristaux, de poudre, de gĂ©lules ou de comprimĂ©s consommĂ©s le plus souvent par inhalation dans une pipe en verre ou par injection. Quand on parle de slam dans les milieux gays, câest-Ă -dire de consommation de produits par voie intraveineuse dans un contexte de chemsex, câest la plupart du temps du crystal meth/Tina qui est injectĂ©.
La MDMA (27,5%) est ensuite signalée. Elle circule sous forme de cristaux ou de poudre. La kétamine (23,5%), qui est utilisée comme anesthésique et antidouleur dans la sphÚre médicale, se retrouve sous forme de poudre (sniffée) ou de liquide (ingéré ou injecté). Viennent ensuite la méphédrone (19,6%) aussi appelée 4MMC qui fait partie des nouveaux produits de synthÚse (NPS), souvent sniffée sous forme de poudre.
Les mĂ©dicaments autres que les stimulants sexuels (15,7%) sont citĂ©s sans dĂ©tailler Ă quelle classe ils appartiennent. Il sâagit, par exemple, de benzodiazĂ©pines ou dâautres mĂ©dicaments qui ont des effets psychoactifs. Une partie des chemsexeurs utilise ces types de mĂ©dicaments pour faciliter la « descente ». Des entretiens qualitatifs ou la tenue dâun focus groupe pourraient nous aider Ă prĂ©ciser ceci.
Apparaissent en fin de liste des produits hallucinogĂšnes, comme certains champignons (13,7%) ou le LSD (11,8%). Enfin la mĂ©thadone (11,8%) et lâhĂ©roĂŻne (9,8%) sont citĂ©es. Ces deux derniers produits sont plutĂŽt dĂ©clarĂ©s par des personnes plus ĂągĂ©es ou des personnes ayant dĂ©clarĂ© ne plus faire de chemsex actuellement dans le cadre du travail du sexe.
De quelles informations les travailleur·ses du sexe ont besoin dans le cadre du chemsex ?
Le besoin principal identifiĂ© est lâaccĂšs Ă une information fiable et sans jugement sur les substances consommĂ©es, leurs effets, leur toxicitĂ©, les combinaisons Ă Ă©viter, afin de rĂ©duire les risques pendant la prise (gestion des effets, interactions, demandes du client) mais aussi aprĂšs (baisse de la libido, descentes/craving, perte de connaissance et de mĂ©moire et bad trips). Il ressort Ă©galement un besoin dâaide pour retrouver du plaisir dans sa vie sexuelle sans nĂ©cessairement devoir prendre des produits ; et de conseils vis-Ă -vis des diffĂ©rents moyens de pouvoir contrĂŽler les produits, les tester pour connaĂźtre leur composition, se former pour sâinjecter et/ou injecter en Ă©vitant le maximum de risques. Enfin, un besoin dâinformations sur les risques encourus par les personnes fournissant les produits dans les plans chems.
On peut retrouver les rĂ©ponses et conseils dâAlias Ă ces demandes dâinformations des travailleurs du sexe chemsexeurs sur le site www.chemsex.be, oĂč cette enquĂȘte a servi en grande partie Ă rĂ©diger la rubrique « travail du sexe ».
LâaccĂšs aux soins de santĂ© des travailleur·ses du sexe encore plus menacĂ© par la crise sanitaire
Pour lutter contre la propagation de la Covid-19, le travail du sexe a Ă©tĂ© interdit dans toute la Belgique du 13 mars au 8 juin 2020 et lâest Ă nouveau depuis le 26 octobre dernier. La plupart des travailleur·ses du sexe qui sollicitent les associations de premiĂšre ligne telles quâAlias se trouvent dĂ©jĂ dans une situation de prĂ©caritĂ© plus ou moins extrĂȘme en temps normal. Logement, alimentation et accĂšs aux soins de santĂ© relĂšvent souvent de la gageure, en lâabsence de solutions institutionnelles adaptĂ©es. La situation sanitaire a non seulement Ă©liminĂ© lâalternative souvent vitale du travail du sexe, mais elle a aussi saturĂ© le rĂ©seau psycho-mĂ©dico-social bruxellois qui a dĂ», comme tout le monde, faire face dans l’urgence. La gestion de cette situation amplifie depuis mars les fragilitĂ©s, pourtant dĂ©jĂ importantes, dâune grande partie des personnes qui exercent la prostitution. Nous dressons ici un inventaire des consĂ©quences principales de ces mesures sur la santĂ© physique et mentale des personnes que nous suivons depuis mars.
Le statut administratif : une entrave dans lâaccĂšs aux soins
Manque dâopportunitĂ© dans le pays de rĂ©sidence, obtention de lâasile dans un autre pays europĂ©en alors que leur rĂ©seau social se trouve en Belgique, nĂ©cessitĂ© de voyager en Europe pour Ă©tendre leur clientĂšle⊠Autant de situations qui poussent certain·es TDS Ă vivre, pour un temps long ou court, sur le territoire belge avec un titre de sĂ©jour plus ou moins prĂ©caire. Pour ces personnes, lâaccĂšs aux soins en Belgique est souvent compliquĂ©, et beaucoup font rĂ©guliĂšrement lâaller-retour entre la Belgique et le pays de rĂ©sidence afin de se faire soigner.
Interruption de traitement
Le confinement obligatoire du printemps 2020 et la fermeture des frontiĂšres ont maintenu certain·es travailleur·ses mobiles sur le territoire belge, sans adresse officielle et sans accĂšs Ă des traitements parfois aussi vitaux que les antirĂ©troviraux pour les personnes vivant avec le VIH. Pendant la pĂ©riode du confinement, nous avons suivi 156 personnes, dont 41 nouvelles (+175% par rapport aux nouvelles personnes de la mĂȘme pĂ©riode en 2019) qui nâavaient, pour moitiĂ©, pas dâaccĂšs effectif aux droits mĂ©dicaux en Belgique. Des demandes dâaide mĂ©dicale urgente ont Ă©tĂ© introduites, mais une partie de ces personnes nâavait toujours pas accĂšs aux traitements plusieurs mois aprĂšs. Traitements que certains CPAS mettent parfois du temps Ă accepter de prendre en charge, en raison de leur coĂ»t.
Du jour au lendemain, des personnes vivant avec le VIH se sont retrouvĂ©es sans traitement. Parmi elles, certaines qui nâĂ©taient plus contaminantes grĂące Ă une charge virale indĂ©tectable le sont donc peut-ĂȘtre devenues. LâĂ©quipe a parfois dĂ» trouver des solutions de secours in extremis afin de permettre Ă quelques escorts de poursuivre leurs traitements antirĂ©troviraux. Elle a notamment eu recours au service de dĂ©pannage organisĂ© par le CETIM, qui a mis gratuitement Ă disposition des fins de boĂźtes d’antirĂ©troviraux. Certain·es TDS ont Ă©galement pu compter sur la solidaritĂ© dâautres personnes sĂ©ropositives. Au risque mĂ©dical que reprĂ©sente une interruption de traitement sâajoute lâangoisse gĂ©nĂ©rĂ©e par lâincertitude qui entoure le moment de sa reprise pour la personne qui en est privĂ©e.
Lâimpact sur la santĂ© mentale
Les personnes suivies par lâasbl nâont pas Ă©chappĂ© au stress et Ă lâanxiĂ©tĂ© qui ont touchĂ© lâensemble de la population au moment de lâannonce de la situation sanitaire et des mesures prises pour lâendiguer. Dans leur cas, nĂ©anmoins, lâisolement, la rarĂ©faction des liens sociaux et lâaccroissement de la prĂ©caritĂ© sont venus sâajouter Ă de nombreux facteurs prĂ©existants tels que lâinstabilitĂ© Ă©conomique et professionnelle, la stigmatisation, les discriminations ; accroissant dâautant les problĂšmes de santĂ© mentale chez des personnes dĂ©jĂ sous pression Ă ce niveau. DĂ©compensations, angoisses, dĂ©pressions, idĂ©es suicidaires sont autant de phĂ©nomĂšnes dont lâĂ©quipe a Ă©tĂ© tĂ©moin durant et depuis le confinement. Les lignes dâurgence psychologique ont Ă©tĂ© un recours salvateur, mais elles ne sont pas toujours accessibles pour les personnes qui parlent peu ou pas les langues nationales, ni adaptĂ©es au sujet tabou et mal connu du travail du sexe.
Objectiver les consĂ©quences avec une enquĂȘte
La crise du Covid-19 et les confinements successifs bouleversent en profondeur les conditions et les possibilitĂ©s dâexercice du travail du sexe/de la prostitution. Les associations de terrain constatent depuis mars les consĂ©quences tant sanitaires que matĂ©rielles pour les travailleur·ses du sexe/prostitué·es â en terme de revenus, de santĂ©, dâaccĂšs aux soins et aux services. Pour mieux les documenter, une enquĂȘte statistique est lancĂ©e. Elle sera dĂ©ployĂ©e par les associations de premiĂšre ligne qui sâengagent auprĂšs des TDS : Alias, Espace P. et Utsopi. Lâobjectif premier est de rĂ©aliser un portrait statistique de lâĂ©tat dâaccĂšs aux droits et aux protections sociales des personnes qui exercent la prostitution, puisque le confinement permet une mise en lumiĂšre inĂ©dite de dysfonctionnements parfois anciens Ă cet Ă©gard. Nous voulons Ă©galement que les chiffres recueillis permettent de tirer des enseignements utiles Ă la dĂ©cision publique/politique en matiĂšre de santĂ© publique et de protection sociale, en pleine seconde vague de la pandĂ©mie. Enfin, cette enquĂȘte doit permettre aux personnes concernĂ©es de fournir des informations importantes dans ce contexte, de partager leur expertise et de prendre la parole concernant leur vĂ©cu de la situation. Enfin, lâenquĂȘte est un moyen de les dĂ©frayer pour le recueil de ces informations, alors que lâaccĂšs aux droits reste cahoteux pour la plupart dâentre elles.
Alias, dix ans dâexpertise auprĂšs des travailleurs du sexe HSH et trans*
Lâasbl Alias a pour objectif lâaccompagnement psycho-mĂ©dico-social de qualitĂ© destinĂ© spĂ©cifiquement aux travailleurs du sexe/prostituĂ©s masculins cis et personnes trans* dans la RĂ©gion de Bruxelles-Capitale. Elle vise prioritairement la promotion de la santĂ©, en ce compris les aspects de prĂ©vention et de rĂ©duction des risques, lâaccĂšs aux soins de santĂ© et aux droits sociaux pour le public. Pour cela, elle travaille en collaboration avec un trĂšs large rĂ©seau de partenaires de diffĂ©rents secteurs.Pour Ă©tablir le contact et assurer une proximitĂ© avec son public, lâoffre de service hebdomadaire comprend notamment du travail de rue, des activitĂ©s communautaires, une permanence dâaccueil, des permanences internet, des permanences mĂ©dicales dĂ©centralisĂ©es de dĂ©pistage VIH/IST et des guidances individuelles.
Références bibliographiques et ressources
Ressources sur le chemsex en Belgique
- Van Acker J., 2017, Plan chem ? Plan Slam ? Les pLans « sous prod » : une recherche explora- toire sur le chemsex parmi les gays, bisexuels et autres HSH dans la RĂ©gion de Bruxellescapitale, Observatoire du sida et des sexualitĂ©s, UniversitĂ© Saint-Louis â Bruxelles.
- Alias, 2020, EnquĂȘte exploratoire sur le chemsex dans le contexte de la prostitution/du travail du sexe HSH & Trans* Ă Bruxelles Capitale et au-delĂ .
- En ligne : www.observatoire-sidasexualites.be
- Mathurin C., 2016, « CHEM SEX, les pratiques sexuelles des gays en question au Pink Screens ». En ligne : www.bxlbondyblog.be
- Ressources sur le chemsex sur le site dâEx-Aequo asbl : www.exaequo.be/fr/gay-life/chemsex
Liens utiles
- Organisations pour les personnes actives dans la prostitution/le travail du sexe en Belgique ALIAS (BRUXELLES) : www.alias-bru.be
- BOYSPROJECT (ANVERS) : www.boysproject.be
- ENTRE2 (CHARLEROI) : www.entre2wallonie.com
- ESPACE P (MONS BRUXELLES CHARLEROI TOURNAI LIEGE NAMUR) : www.espacep.be
- ICAR WALLONIĂ (LIEGE SERAING VERVIERS) : www.icar-wallonie.be
- UTSOPI (BELGIQUE) : www.utsopi.be
- VIOLET (FLANDRE) : www.violett.be
Autres liens utiles
- Info4escorts : www.info4escorts.beÂ
- Sexwork.be : www.infosexwork.beÂ
- Chemsex.be : www.chemsex.be
- Modus Vivendi : www.modusvivendi-be.orgÂ
- Eurotox : www.eurotox.org
Ressources sur la prostitution Ă©tudiante
- Alias, 2020, EnquĂȘte exploratoire sur les Ă©tudiant.e.s HSH et trans* actifs dans la prostitution/le travail du sexe Ă Bruxelles-Capitale et au-delĂ .
- CLOUET E., 2008, La prostitution Ă©tudiante Ă lâheure des nouvelles technologies de communi- cation, Ed. Max Milo.
- CUSICK L., ROBERTS R., PATON S., 2009, « Higher and further education institution policies on student and staff involvement in commercial sex », Journal of Higher Education Policy and Management, vol. 31, n° 2.
- DâANGELO A., 2017, ProstituĂ©es alimentaires : Ă©pouses, mĂšres, Ă©tudiantes…, Ed. La Boite a Pandore.
- DELIGNE C., GABIAM K., VAN CRIEKINGEN M., DECROLY J-M., 2006, « Les territoires de lâho- mosexualitĂ© Ă Bruxelles : visibles et invisibles », Cahiers de gĂ©ographie du QuĂ©bec, vol. 50, n° 140.
- DEQUIRE A.-F.., 2007, « Le monde des étudiants : entre précarité et souffrance », Pensée Plu- rielle, vol. 1, n° 14.
- DEQUIRE A.-F., 2011, « Les étudiants et la prostitution : entre fantasmes et réalité », Pensée Plurielle, vol. 2, n° 27.
- DIELEMAN M., 2006, Trajectoires de prostitution à la minorité. Vulnérabilisations et prises de risques., MinistÚre de la Communauté française et Entre2 asbl.
- D L., 2008, Mes chĂšres Ă©tudes, Ed. Max Milo.
- LANTZ S., 2005, « Students Working in the Melbourne Sex Industry : Education, Human Capital and the Changing Patterns of the Youth Labour Market », Journal of Youth Studies, vol. 8, n°4.
- LEROIJ C., MAES R., 2016, Ătude relative aux nouvelles formes de prostitution Ă Bruxelles, et visant Ă lâobtention de donnĂ©es comparatives Ă lâĂ©gard de la prostitution et de la traite des ĂȘtres humains Ă des fins dâexploitation sexuelle au sein de trois villes europĂ©ennes, Ed. Collectif Formation SociĂ©tĂ©.
- LEROY C., 2018, « La prostitution étudiante, de la scÚne aux coulisses », Les cahiers du genre, 2017/2018.National Union of Students (NUS), 2016, Student sex worker research.
- ROBERTS R., 2018, Capitalism on Campus : Sex Work, Academic Freedom and the Market, Ed. Zero Books.
- ROBERTS R., BERGSTROM S., LA ROOY D., 2007, « Sex work and students : an exploratory study », Journal of Further and Higher Education, vol. 31, n° 4.
- ROBERTS R., SANDERS T., MYERS T., SMITH D., 2010, « Participation in sex work : studentsâ views », Sex Education, vol. 10 , n° 2.
- RUBIO V., 2013, « Prostitution masculine sur internet. Le choix du client », Ethnologie fran- çaise, vol. 43, n° 3.
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- SAGAR T., JONES D., SYMONS K., BOWRING J., 2015, The student sex work project : research summary, Centre for criminal justice and criminology, Swansea University.
- SANDERS T., HARDY K., 2013, « Sex work : the ultimate precarious labour ? », Criminal Justice Matters, vol. 93, n° 1
- SANDERS T., HARDY K., 2015, « Students selling sex : Marketisation, higher education and con- sumption », British Journal of Sociology of Education, vol. 26, n° 5.
âLa prostitution est une rĂ©alitĂ© en Belgique mais son statut juridique demeure trĂšs particulier, voire paradoxal. Ni punissable ni interdit, son exercice fait toutefois lâobjet de rĂ©glementations non coordonnĂ©es dans diverses branches du droit. Tant le droit fiscal que le droit de la sĂ©curitĂ© sociale considĂšrent cette activitĂ© comme une activitĂ© professionnelle susceptible de donner lieu au paiement dâimpĂŽts et de cotisations sociales, sans nĂ©anmoins que les droits corrĂ©latifs soient accordĂ©s aux personnes qui lâexercent.
Du reste, si lâactivitĂ© de prostitution en tant que telle nâest pas interdite, celui qui la pratique risque de se retrouver confrontĂ© Ă la nullitĂ© de la convention de travail, du fait dâune contrariĂ©tĂ© potentielle Ă lâordre public et aux bonnes mĆurs. LâactivitĂ© est donc plus tolĂ©rĂ©e quâautorisĂ©e, ce qui suscite de nombreuses interrogations et une grande insĂ©curitĂ© juridique pour les travailleurs du sexe in Gilson, Steve ; et. al. Aspects juridiques de la prostitution, droit pĂ©nal, droit administratif, droit social et droit fiscal. AnthĂ©mis (2017) (ISBN:978-2-8072-0231-3) 212 pp. pages
Par exemple, une personne a avancé une de ses boßtes déjà acheté car elle avait une réserve pour plusieurs mois.
Principal centre médical de référence pour le VIH/SIDA en Belgique
chiffres issus de notre outil de récolte de données KORAL
https://www.amnesty.org/download/Documents/POL4040612016FRENCH.pdf
Le travail du sexe est interdit suite Ă lâarrĂȘtĂ© ministĂ©riel du 13 mars portant sur les mesures dâurgence pour Ă©viter la propagation du coronavirus Covid19.
Le craving désigne le besoin irrépressible et trÚs fort de consommer, accentué si la prise se fait par injection ou plug anal, par exemple avec la Tina.
Le plug anal (ou plug) est aussi appelé injection anale désigne la consommation de produits par voie anale (mais sans aiguille)
Description selon l’Ă©diteur
Matériel
- 73 cartes illustrées (parties du corps)
- 11 cartes thématiques sur les qualités élémentaires des sensations
- 7 pistes d’utilisation
Concept
Jeu composĂ© de 84 cartes Ă jouer qui se proposent dâĂȘtre un support Ă lâidentification, Ă lâexpression et Ă la discussion sur le thĂšme des sensations.
RĂ©alisĂ© dans la suite du Langage des Ă©motions et de Lâexpression des besoins, ce jeu peut facilement ĂȘtre utilisĂ© seul ou en complĂ©ment de ces derniers.Cet outil sâadresse Ă un public large : garçons et filles, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, personnes en situation de handicap,⊠Il peut ĂȘtre utilisĂ© seul, en couple, en famille, en classe, en Ă©quipe de travail, lors dâanimations, dâĂ©valuations, de cours dâalphabĂ©tisation, âŠ
Objectifs
- DĂ©velopper lâattention aux sensations et aux mots justes pour les exprimer
- Favoriser la conscience de soi par la cartographie mentale du corps
- Relier les sensations aux vécus émotionnels, relationnels, affectifs et sexuels
- Relier les sensation aux différents besoins éprouvés
- Inviter Ă prĂȘter attention aux diffĂ©rentes sensations dans toutes leurs nuances, sans poser de jugement de valeur
- Inviter Ă prendre conscience du caractĂšre impermanent des sensations qui nous traversent Ă chaque instant
Appréciation globale
Voici un outil qui permet dâapprĂ©hender le langage du corps, dâexplorer les sensations corporelles et dâapprendre Ă les dĂ©crire. Cet apprentissage essentiel constitue le socle de la connaissance de soi et la construction de repĂšres personnels.
Lâoutil, simple dâaccĂšs et dâutilisation, permet de dĂ©crire un vĂ©cu corporel â thĂšme encore souvent tabou dans les collectivitĂ©s, dont on ne parle pas â ou peu. Pas facile de scanner son corps et de dire ce quâon ressent ! Pas facile non plus peut-ĂȘtre de le dire face Ă un groupe, face Ă ce groupe-lĂ âŠBienveillance, non-jugement, rĂšgles de sĂ©curitĂ© sont particuliĂšrement importantes Ă installer pour cet outil : son aspect anodin cache une rĂ©elle rĂ©vĂ©lation de lâintimitĂ© de chacun, au plus prĂšs de sa diffĂ©rence. En validant les sensations de chacun et en constatant les diffĂ©rences entre les personnes, lâutilisateur permet Ă chacun de se rĂ©approprier la spĂ©cificitĂ© de son vĂ©cu.
Lâutilisateur, Ă lâaise avec ses propres sensations, veillera Ă installer un cadre sĂ©curisant, Ă accompagner lâenfant pour prĂ©ciser/affiner son senti, Ă recadrer les Ă©ventuels jugements/moqueries.En groupe, il pourrait se rĂ©vĂ©ler utile pour dĂ©broussailler une situation-problĂšme, mettre des mots et faire prĂ©vention.
RĂ©serves
Peut amener discussions sur des sujets sensibles
Public cible
Enfants, ados, adultes
Utilisation conseillée
Faire, si nécessaire, le lien avec les émotions et les besoins- Se préparer à des sujets de discussion sensibles et inhabituels
Points forts
OriginalitĂ© du thĂšme, variĂ©tĂ© des sensations, format facile dâutilisation
Points d’attention
Prévoir un cadre sécurisant
Sujets abordés
Corps, sensations, compétences psychosociales, vivre ensemble.
OĂč trouver l’outil
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Cet ouvrage de moins de 200 pages aborde plusieurs questions quâun acteur ou une actrice dans le domaine de la santĂ© / promotion de la santĂ© peut se poser Ă propos du marketing social. Quâest-ce que câest ? Quels en sont les grands principes ? Quels sont les outils et les mĂ©thodes utilisĂ©es ? Et surtout, en quoi cette approche est-elle efficace pour modifier un comportement dans une perspective de santĂ© globale ?
RĂ©digĂ© par diffĂ©rents experts et chercheurs de SantĂ© Publique France et de lâEHESP, lâouvrage allie des Ă©lĂ©ments thĂ©oriques, des exemples pratiques et des conseils de mise en application. Que ce soit en guise de premiĂšre approche ou pour un professionnel averti, les auteurs offrent un « livre de poche » structurĂ© et synthĂ©tique, comprĂ©hensible et trĂšs accessible.Surtout connu et plĂ©biscitĂ© dans le monde anglo-saxon, le marketing social gagne indĂ©niablement du terrain dans le monde francophone ces derniĂšres annĂ©es, mĂȘme sâil ne fait pas consensus. Pour les auteurs, les mĂ©canismes de persuasion, les avancĂ©es en psychologie sociale, les thĂ©ories comportementalesâŠ, mĂ©ritent dâĂȘtre davantage connues par les acteurs et actrices de santĂ© pour rĂ©flĂ©chir sur leurs actions et amĂ©liorer leurs rĂ©sultats auprĂšs des diffĂ©rents publics. En effet, les comportements de santĂ© mis en avant dans les programmes et campagnes de communication traditionnelles sont souvent jugĂ©s rĂ©barbatifs, peu concrets, ou prometteurs de rĂ©sultats visibles seulement Ă long terme (« manger sain », « ne pas fumer », etc.).
La plupart du temps, ces messages vont aussi Ă lâencontre des intĂ©rĂȘts de gĂ©ants de lâindustrie agro-alimentaire ou du tabac, par exemple, qui maitrisent lâargumentaire marketing et ont une influence indĂ©niable sur nos reprĂ©sentations et choix de consommation.Au fil des pages, lâouvrage apporte des informations et des considĂ©rations pratiques Ă garder Ă lâesprit : le temps et les moyens Ă consacrer pour chaque Ă©tape du plan de communication, les avantages et inconvĂ©nients des mĂ©thodes, une estimation budgĂ©taire. Cela permet aussi de « dĂ©mystifier » et rendre plus accessibles des concepts tels que les Ă©tudes de marchĂ©.Fait encore assez rare : ce livre sur le marketing social est Ă©crit par et pour des acteurs francophones en santĂ©/promotion de la santĂ©. La campagne « Mois sans tabac », conçue par SantĂ© publique France en 2016, en est le principal exemple investiguĂ©. Câest la premiĂšre action de cette envergure menĂ©e en France pour la prĂ©vention du tabagisme. Ce partage dâexpĂ©rience est donc trĂšs prĂ©cieux.
Important bĂ©mol, Ă mes yeux : malgrĂ© une prĂ©paration rigoureuse menĂ©e en amont du lancement (segmentation, ciblage, etc.) suivant toutes les prescriptions de la dĂ©marche en marketing social, le programme nâa pas eu le succĂšs escomptĂ© auprĂšs des publics prĂ©carisĂ©s. Bien que les diverses Ă©valuations ne soient pas toutes finalisĂ©es, nous aurions aimĂ© en savoir plus sur ce point qui nâest que timidement mentionnĂ©. En effet, en regard des ISS et de la consommation tabagique, cet aspect ne peut certainement pas ĂȘtre nĂ©gligĂ© et nous pose question…
Le marketing social (et ses mĂ©thodes) divise les acteurs du secteur de la promotion de la santĂ©, entre autres, car il soulĂšve une sĂ©rie de questionnements et de risques Ă©thiques. Les auteurs en listent bon nombre dans la derniĂšre partie de lâouvrage mais les rĂ©ponses quâils apportent ne sont finalement quâun renvoi aux visions et valeurs du lecteur ou de la lectrice. NĂ©anmoins, il est sans doute simpliste de mettre juste en opposition certaines mĂ©thodes du marketing social (comme le nudging) aux dynamiques dâempowerment.Comme lâĂ©crit Laurent Chambaud, directeur de lâEcole des hautes Ă©tudes en santĂ© publique , « pour quâil y ait dĂ©bat, encore faut-il quâil y ait connaissance et reconnaissance de lâapport de cette approche. » (p.177)
Dâautres phĂ©nomĂšnes dâactualitĂ© viennent modifier les approches en promotion de la santĂ© : lâĂ©mergence de la mĂ©decine prĂ©ventive et personnalisĂ©e, les pratiques de promotion individuelle Ă travers les nombreuses applications embarquĂ©es, les pratiques holistiques autour du bien-ĂȘtre individuel⊠Dans ce contexte Ă©volutif oĂč la notion de santĂ© et de bien-ĂȘtre devient centrale, il me paraĂźt nĂ©cessaire de rĂ©flĂ©chir au marketing social comme une approche exprimant des valeurs explicites en santĂ© publique. (Laurent Chambaud, p.180)
(Laurent Chambaud, p.180)
K. Gallopel-Morvan, et al., Marketing social. De la comprĂ©hension des publics au changement de comportement, Presses de lâEcole des hautes Ă©tudes en santĂ© publique, Rennes, 2019
Partie 1 â Comprendre ses publics et son environnement
Les modÚles théoriques explicatifs des comportements
- La thĂ©orie de lâaction raisonnĂ©e et la thĂ©orie du comportement planifiĂ©
- La thĂ©orie de lâapprentissage social
- Le modÚle transthéorique
- La thĂ©orie de lâĂ©change
- Les approches comportementales
- Le modĂšle COM B
- Conclusion
Les études de marché
- Les études de marché : comprendre les publics ciblés
- Appréhender son environnement et la concurrence
- Conclusion
Segmenter et cibler
- Quâest-ce que la segmentation
- Les critÚres de segmentation utilisés en marketing social
- Comment mettre en place une stratégie de segmentation ?
- Les conditions nécessaires pour mettre en place une stratégie de segmentation
- Conclusion
Partie 2 â Agir sur les publics : la boĂźte Ă outils du marketing social
Planifier et mettre en Ćuvre les 5 C
- La planification stratégique : diagnostic, objectifs et marque
- Les actions terrain : les 5 C
- Conclusion
Mettre en place une campagne de communication
- Quelle stratégie publicitaire ?
- Quelle création publicitaire ?
- Quels médias et supports de diffusion ?
- Conclusion
Partie 3 â Un exemple dâutilisation du marketing social en France : la campagne Mois sans tabac
DĂ©ployer la dĂ©marche du marketing social : lâexemple de Mois sans tabac
- Comprendre les comportements, lâenvironnement et la concurrence
- Segmenter et cibler
- Les objectifs de la campagne
- Les 5 C
- Conclusion
Evaluer une campagne de marketing social : lâexemple de Mois sans tabac
- Les diffĂ©rents types dâĂ©valuation
- Le modĂšle logique de MOIST
- Les évaluations de processus déployées pour MOIST 2016
- LâĂ©valuation dâefficacitĂ© dĂ©ployĂ©e pour MOIST 2016
- Conclusion
Conclusion â Ethique et marketing social
- Ethique, études de marché et analyse de la concurrence
- Ethique, segmentation et ciblage
- Ethique, stratégie marketing et 5 C
- Ethique et communication
- Ethique et impact des campagnes de marketing social
- Comment répondre à ces risques éthiques ?
Description selon l’Ă©diteur
Matériel
- 100 cartes
- Plateau de jeu
- Panneaux avec des smileys ‘d’accord/pas d’accord’ (10)
- 1 sablier
- 1 dé
- Un guide pédagogique
Concept
Aujourdâhui, lâaccĂšs Ă la pornographie grĂące Ă Internet est particuliĂšrement aisĂ©. Cet accĂšs soulĂšve des questionnements auprĂšs de toutes les personnes formĂ©es Ă lâEducation Ă la Vie Relationnelle Affective et Sexuelle (EVRAS), des parents et des professionnel-le-s encadrant les jeunes. Câest pourquoi, lâĂ©quipe du Centre de Planning familial des FPS de Charleroi a crĂ©Ă© cet outil dâanimation.Le jeu se veut trĂšs simple pour laisser toute la place aux dĂ©bats entre les jeunes.Le premier joueur lance le dĂ© et pioche la premiĂšre carte du tas de cartes correspondant Ă la face sur laquelle le dĂ© sâest arrĂȘtĂ© et la lit Ă voix haute.Sâil tombe sur la face du dĂ© ‘Game of Porn’ le joueur a le choix de tirer la carte qui lui convient. Une fois la discussion terminĂ©e le joueur suivant lance le dĂ© et recommence lâopĂ©ration.
Objectifs
- Faciliter lâĂ©mergence de lâexpression autour de la pornographie
- Permettre aux jeunes de mieux comprendre les images pornographiques quâils consultent le plus souvent sur Internet
- Offrir aux professionnel-le-s lâoccasion de dĂ©construire avec les jeunes les idĂ©es reçues vĂ©hiculĂ©es par la pornographie
- Aider les jeunes à acquérir un esprit critique face aux sites pornographiques
- Ne pas banaliser ni diaboliser ou stigmatiser les consommateurs de pornographie
- Mettre en avant lâimportance du respect des partenaires et dâune vie affective et sexuelle Ă©panouissante, ainsi que des relations Ă©galitaires dans la sexualitĂ© adolescente
Conseils d’utilisation
Lâoutil sâaccompagne dâun guide pĂ©dagogique afin que chacun-e puisse rĂ©pondre aux questions les plus frĂ©quemment posĂ©es par les adolescent-e-s en ce qui concerne la pornographie.Ce guide pĂ©dagogique propose un Ă©tat des lieux des connaissances (historiques, sociales, psychologiques, etc.) actuelles en matiĂšre de pornographie. Notons quâil se base aussi sur lâexpĂ©rience des animateurs et des animatrices EVRAS afin de donner des pistes de rĂ©flexions et de discussions.
Lâavis de PIPSa
Appréciation globale
Ce support dâexpression invite Ă libĂ©rer la parole autour de la pornographie. Cette thĂ©matique dâactualitĂ©, proche des pratiques de nombreux jeunes, est traitĂ©e de maniĂšre neutre, sans banalisation ni stigmatisation des consommateurs de pornographie. Cette ouverture dâesprit pourrait ouvrir une dissonance entre le discours de la maison et celui de lâĂ©cole, notamment dans les milieux multiculturels.Plan de jeu et cartes fournissent un support attractif. Les diffĂ©rentes cartes/activitĂ©s cassent le mĂ©canisme ludique rĂ©pĂ©titif. Elles permettent aussi (en les triant) de cibler les thĂ©matiques que lâutilisateur souhaite dĂ©velopper. NB : le jeu aborde exclusivement la pornographie (sans lien avec la sexualitĂ© des jeunes).PrĂ©vu pour un public dâadolescents en contexte scolaire, le jeu pourrait aussi ĂȘtre utilisĂ© dans les AMO, maison de jeunes ET des groupes dâadultes.Le guide dâaccompagnement balaie, clairement et avec mesure, toutes les thĂ©matiques questionnĂ©es par la pornographie. Lâutilisateur, professionnel de lâEVRAS, veillera prĂ©alablement Ă clarifier ses propres reprĂ©sentations pour ĂȘtre Ă lâaise sur le thĂšme. Il agira avec tact et finesse pour gĂ©rer les dĂ©bats et les silences. Un binĂŽme homme-femme sera un plus.Il vaut mieux rĂ©server le jeu Ă un groupe de jeunes dâĂąge homogĂšne, non-mixte, qui a dĂ©jĂ Ă©tĂ© confrontĂ© aux images pornographiques et qui est en demande par rapport Ă la question.
Objectifs
- permettre aux jeunes de comprendre les images pornographiques sur internet
- acquérir un esprit critique
- ne pas stigmatiser ni banaliser les utilisateurs de sites porno
- comprendre et déconstruire les idées reçues
Public cible
Adolescents, en fonction de la maturité du groupe et des questions qui se posent, et adultes
Utilisation conseillée
– Installer les rĂšgles de confidentialitĂ© dans le groupe- Veiller Ă composer des sous-groupes ‘sĂ©curisants’ pour permettre une parole libĂ©rĂ©e- PrĂ©voir 2 boĂźtes de jeux (garçons et filles jouant sĂ©parĂ©ment)- Une rĂ©flexion prĂ©alable de lâutilisateur (seul ou en Ă©quipe) est recommandĂ©e
Points forts
Thématique originale, neutralité, variété des activités
Sujets abordés
Pornographie, sexualité, risques et prévention, stéréotypes
Complémentarité
Consent-quoi ??? Campagne de sensibilisation sur le consentement
Pour vous procurer lâoutil
Chez l’Ă©diteur :Centre de planning familial des FPS – SiĂšge de Charleroihttps://www.planningsfps.beou dans le Centre Local de Promotion de la SantĂ© de votre rĂ©gion : http://www.pipsa.be/outils/detail-2139614126/game-of-porn.html
Cette synthĂšse de la littĂ©rature cherche Ă dĂ©crire la façon dont la crise sanitaire rĂ©vĂšle et accentue les inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ©. Lâanalyse de la gestion de cette crise illustre quant Ă elle, les limites dâun systĂšme centrĂ© sur une approche comportementaliste des inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ©. La notion de responsabilitĂ© y est centrale et pourtant problĂ©matique. Comment envisager des pistes dâactions qui puissent agir sur la rĂ©duction du gradient social de santĂ© afin de protĂ©ger aussi les plus vulnĂ©rables ?
Il convient de prĂ©ciser que cette analyse de la littĂ©rature se limite Ă la date du 13 mai 2020. En effet, le caractĂšre spĂ©cifique de cette crise sanitaire nous confronte Ă une actualisation permanente des publications scientifiques. De nouvelles communications paraissent quotidiennement. Pour reprendre une citation bien connue : ce qui Ă©tait vrai hier ne lâest plus (ou peut-ĂȘtre de maniĂšre incomplĂšte) aujourdâhui et ce qui est vrai aujourdâhui ne le sera peut-ĂȘtre plus (en tout cas en totalitĂ©) demain. La crise sanitaire nous impose donc une certaine prudence dans notre rapport au savoir quâelle nous offre au jour le jour.
Faits saillants
- LâidĂ©e commune selon laquelle le coronavirus nous affecte toutes et tous sans faire de diffĂ©rences est profondĂ©ment fausse, et câest mĂȘme une illusion dangereuse, car elle mĂšne Ă lâinertie lĂ oĂč lâaction devrait prĂ©valoir.
- Les personnes vulnĂ©rables deviennent encore plus vulnĂ©rables en pĂ©riode de pandĂ©mie. Il est particuliĂšrement important de prendre note de la vulnĂ©rabilitĂ© liĂ©e Ă la pauvretĂ©, Ă la discrimination, au genre, Ă la maladie, Ă la perte d’autonomie, Ă l’Ăąge avancĂ© et aux situations de handicap.
- Lâanalyse des hospitalisations pour le COVID-19 met en Ă©vidence une surreprĂ©sentation des personnes ĂągĂ©es. Lâanalyse des taux de mortalitĂ© souligne une surmortalitĂ© parmi les hommes en comparaison Ă la population fĂ©minine. Lâanalyse des profils de patients hospitalisĂ©s rĂ©vĂšle une prĂ©dominance de comorbiditĂ© tels que le surpoids et lâobĂ©sitĂ©, lâhypertension artĂ©rielle, les maladies cardiovasculaires, le diabĂšte de type 2 et plus rarement la BPCO.
- Les conditions de vie comme lâhabitat, le revenu, les relations sociales influencent la façon dont les personnes peuvent adopter les mesures barriĂšres pour limiter les risques de contamination.
- Une compréhension philosophique de la valeur et de la nature de la responsabilité éclaire utilement le rÎle limité de la responsabilité individuelle dans le contexte de la promotion de la santé. Entre culpabilisation, attribution de la responsabilité et endossement des conséquences, quelle place pour la co-responsabilité dans le champ de la promotion de la santé ?
- Alors que la surveillance et le suivi (traçage) des personnes contaminĂ©es se justifient pour assurer un contrĂŽle sur la pandĂ©mie, ces stratĂ©gies interrogent sur les limites imposĂ©es au respect de la vie privĂ©e notamment sur lâutilisation de ces donnĂ©es, et sur la limite temporelle de ces mesures et de lâenregistrement de ces donnĂ©es.
- Face Ă ce dilemme et pour limiter les consĂ©quences de la crise sanitaire et socio-Ă©conomique, la santĂ© publique se doit dâinnover de nouvelles stratĂ©gies pour sâattaquer aux dĂ©terminants sociaux qui sont susceptibles dâagir sur la rĂ©duction des inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ©. Pour que la crise devienne une opportunitĂ© et non une altĂ©ration supplĂ©mentaire de la capacitĂ© dâagir des personnes et des groupes les plus vulnĂ©rables.
Introduction
En quelques semaines, la pandĂ©mie de Covidâ19 a bouleversĂ© la vie de tout un chacun. Si la contamination semble toucher toutes les classes sociales, le vĂ©cu de la crise sanitaire diffĂšre selon les conditions de vie. Ses rĂ©percussions ont un impact diffĂ©rent selon le statut socioĂ©conomique, aggravant les inĂ©galitĂ©s sociales et en consĂ©quence les inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ©. La crise sanitaire met au dĂ©fi notre systĂšme de santĂ© de reconsidĂ©rer ses prioritĂ©s et dâanalyser ses limites dans la rĂ©duction des inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ©.
Pour rappel, ces inĂ©galitĂ©s se rĂ©fĂšrent Ă la maniĂšre dont certains groupes de population sont empĂȘchĂ©s d’atteindre une santĂ© optimale en raison de leur lieu de rĂ©sidence, de la discrimination qu’ils subissent, de leur situation sociale et / ou Ă©conomique, de leur Ăąge ou de leur Ă©tat de santĂ© ou de leur lieu de travail.
LâOMS prĂ©cise que les conditions environnementales sont un dĂ©terminant majeur de la santĂ© et du bien-ĂȘtre, mais elles ne sont pas partagĂ©es Ă©galement entre les populations. Des niveaux plus Ă©levĂ©s de risque environnemental se retrouvent souvent dans les sous-groupes de population dĂ©favorisĂ©s.
Benfer et Wiley affirment que « plus le statut socioĂ©conomique d’une personne est faible, plus ses ressources et sa capacitĂ© d’accĂ©der Ă des biens et services essentiels sont limitĂ©es et plus ils sont susceptibles de souffrir de maladies chroniques, y compris des maladies comme les maladies cardiaques, les maladies pulmonaires et le diabĂšte, qui peuvent augmenter le risque de mortalitĂ© COVID-19. Les individus et les familles pauvres ont moins de contrĂŽle sur leur environnement et peu ou pas d’alternatives au logement insalubre. Ces effets sont exacerbĂ©s pour les personnes et les familles dĂ©favorisĂ©es qui sont soumises aux consĂ©quences de la discrimination et de la sĂ©grĂ©gation dans le logement, en plus des problĂšmes d’accessibilitĂ© financiĂšre ».
Dans un rĂ©cent article, Ahmed et al. prĂ©cisent que, selon les estimations, « le COVID19 pourrait coĂ»ter au monde plus de 10 000 milliards de dollars, bien qu’il existe une incertitude considĂ©rable quant Ă la portĂ©e du virus et Ă l’efficacitĂ© de la rĂ©ponse politique ». Selon lâInternational Food Policy Research Institute « chaque pourcentage de rĂ©duction de l’Ă©conomie mondiale pourrait plonger plus de 10 millions de nouvelles personnes dans la pauvretĂ© dans le monde ». Tous les experts sâaccordent sur le fait que la pandĂ©mie va engendrer une crise Ă©conomique sur le plan mondial, que les taux de chĂŽmage augmenteront considĂ©rablement dans la plupart des pays et que l’affaiblissement des filets de sĂ©curitĂ© sociale menacera l’insĂ©curitĂ© sanitaire et sociale ».
Comme le prĂ©cisent Joskin et Henry pour le Bureau FĂ©dĂ©ral du Plan, « pour l’annĂ©e 2020, il faut s’attendre Ă un impact majeur de la crise du covid-19 sur le bien-ĂȘtre en Belgique. La baisse du bien-ĂȘtre dĂ©coule principalement dâune dĂ©tĂ©rioration de lâĂ©tat de santĂ© et des relations sociales, ainsi que dâune hausse du nombre des personnes qui, pour des raisons financiĂšres, ne peuvent accĂ©der Ă un niveau de vie considĂ©rĂ© comme « standard » (privation matĂ©rielle sĂ©vĂšre) ».
Face Ă ces prĂ©visions, des stratĂ©gies proactives sont nĂ©cessaires pour limiter lâaccroissement des inĂ©galitĂ©s sociales dans la phase qui suivra la crise sanitaire.
Selon Sciensano6 , à dater du 13 mai 2020, la Belgique compte prÚs de 54 000 cas confirmés de COVID-19 et 8 843 décÚs. Parmi les cas confirmés, 56 % se situent en Flandre, 32 % en Wallonie et 10 % à Bruxelles.
La répartition par sexe des cas confirmés montre une surreprésentation féminine et ce, tant au niveau national que régional.
Source : SciensanoLa province du Hainaut nâa pas Ă©tĂ© Ă©pargnĂ©e par lâĂ©pidĂ©mie. Câest notre province qui a connu le plus grand nombre de lits dâhĂŽpital occupĂ©s en Wallonie.
Cette synthĂšse de la littĂ©rature sâarticule autour de trois axes dâanalyse :
- Le premier vise à éclairer comment la pandémie affecte différemment les personnes et les groupes sociaux en amplifiant les inégalités sociales de santé face au virus ;
- Le deuxiÚme axe repose sur une réflexion éthique pour questionner la notion de responsabilité en lien avec la promotion de la santé ;
- Le dernier axe tente de mettre en perspective les stratégies opérationnelles et innovantes en réponse au contexte de crise sanitaire.
âPandĂ©mie du COVID-19 et facteurs de risques spĂ©cifiques
Didier Fassin , médecin, anthropologue et sociologue français, pose le décor.
Pour ce spĂ©cialiste, « lâidĂ©e commune selon laquelle le coronavirus nous affecte toutes et tous sans faire de diffĂ©rences, hommes et femmes, jeunes et vieux, urbains et ruraux, cadres et ouvriers, riches et pauvres, est certainement utile pour susciter lâadhĂ©sion de lâensemble de la sociĂ©tĂ© aux nĂ©cessaires mesures de prĂ©vention, et lâon peut comprendre, jusquâĂ un certain point, que les responsables politiques lâexpriment. Mais elle est profondĂ©ment fausse, et câest mĂȘme une illusion dangereuse, car elle mĂšne Ă la cĂ©citĂ© et Ă lâinertie lĂ oĂč la luciditĂ© et lâaction devraient prĂ©valoir ».
Loin dâĂ©galiser les risques devant la maladie, lâĂ©pidĂ©mie du COVID-19 rĂ©vĂšle les inĂ©galitĂ©s de santĂ©.
Comme le soulignent Chowkwanyun, M et al. , « lâexpĂ©rience des Ă©pidĂ©mies passĂ©es et des rĂ©centes catastrophes naturelles suggĂšre que les populations les plus socialement marginalisĂ©es souffrent de maniĂšre disproportionnĂ©e. »
Lâanalyse Ă©pidĂ©miologique des risques liĂ©s Ă la contamination met en Ă©vidence lâaction diffĂ©renciĂ©e des dĂ©terminants de santĂ© selon la place quâoccupent les individus et les groupes sociaux au sein de la sociĂ©tĂ©.
Certains agissent en amont comme facteurs prĂ©disposants dans lâaugmentation de lâexposition au risque. Dâautres contribuent comme facteurs de prĂ©cipitation du risque. Dâautres Ćuvrent comme facteurs dâaggravation aprĂšs lâexposition au risque, notamment dans la gestion de la maladie du Covid-19.
Ces risques se caractérisent par des interactions complexes entre plusieurs facteurs individuels, sociaux et environnementaux.
A. Les facteurs de risques individuels
Lâanalyse des caractĂ©ristiques des patients hospitalisĂ©s suite Ă la contamination du coronavirus fait apparaĂźtre des diffĂ©rences individuelles liĂ©es Ă lâĂąge, au genre et aux comorbiditĂ©s.
1. LâĂąge
Lâanalyse de la mortalitĂ© suite au COVID-19 met en Ă©vidence une surmortalitĂ© des personnes ĂągĂ©es. LâĂąge est donc un premier facteur de risque associĂ© Ă la mortalitĂ©. Comme le soulignent Jin et al., « les patients plus ĂągĂ©s (â„ 65 ans) Ă©taient plus susceptibles d’avoir un type sĂ©vĂšre de COVID-19. (âŠ) Nous avons Ă©galement constatĂ© que le pourcentage de personnes ĂągĂ©es (â„ 65 ans) Ă©tait beaucoup plus Ă©levĂ© chez les patients dĂ©cĂ©dĂ©s que chez les patients qui avaient survĂ©cu (83,8% auprĂšs des patients dĂ©cĂ©dĂ©s contre 13,2% de patients qui ont survĂ©cu) ». Didier Fassin (op.cit.) prĂ©cise Ă ce sujet : « On a, jusquâĂ prĂ©sent, beaucoup insistĂ© sur les disparitĂ©s de survie des personnes infectĂ©es en fonction de leur Ăąge, avec une lĂ©talitĂ© de la maladie trĂšs supĂ©rieure au-delĂ de soixante-quinze ans, et en fonction de leur Ă©tat de santĂ©, en particulier de lâexistence de pathologies prĂ©existantes. On peut parler dans ce cas de vulnĂ©rabilitĂ©, car il nâest guĂšre possible dâagir sur ces facteurs Ă ce stade, mĂȘme si lâon sait que le vieillissement et plusieurs de ces pathologies prĂ©existantes ont une forte dĂ©termination sociale ».
2. Le genre
Les Ă©tudes de mortalitĂ© menĂ©es par Sciensano en Belgique prĂ©cisent que le nombre d’hommes est largement supĂ©rieur Ă celui des femmes chez les patients dĂ©cĂ©dĂ©s et ce particuliĂšrement dans les classes dâĂąge des plus jeunes. Le genre apparaĂźt donc un facteur dĂ©terminant dans la mortalitĂ© par COVID-19. Distribution du nombre de dĂ©cĂšs COVID-19 par Ăąge et sexe.
Source : Sciensano (op.cit)
Alors que les hommes et les femmes prĂ©sentent la mĂȘme vulnĂ©rabilitĂ© Ă la contamination, les hommes sont plus susceptibles de mourir.
Des facteurs hormonaux pourraient, selon Montopoli et al., expliquer cette disparitĂ© dans la mortalitĂ©. Les soupçons se tournent naturellement vers les hormones sexuelles, et il a Ă©tĂ© suggĂ©rĂ© que les ĆstrogĂšnes puissent protĂ©ger les femmes contre le COVID19 et/ou que les androgĂšnes aggravent ses rĂ©sultats chez les hommes.Une autre hypothĂšse est avancĂ©e par Moran et al. dans leur Ă©tude visant Ă examiner les facteurs influençant l’adoption de comportements de protection dans le contexte des pandĂ©mies. Leurs rĂ©sultats soulignent que les femmes sont environ 50% plus susceptibles de pratiquer des comportements prĂ©ventifs, tels que le lavage des mains, l’utilisation de masques faciaux et l’Ă©vitement des foules par rapport aux hommes. Ces rĂ©sultats ont Ă©tĂ© confirmĂ©s dans de nombreux contextes culturels, Ă lâinstar de lâĂ©tude de Abdelraham au Qatar ou celle menĂ©e par Yang et al. aux Etats-Unis. Une autre explication rĂ©cente a Ă©tĂ© avancĂ©e suite Ă une large Ă©tude menĂ©e aux Pays-Bas. Les rĂ©sultats stipulent que les hommes ont des concentrations plus Ă©levĂ©es d’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 (ACE2) dans le sang que les femmes.
Or, l’ACE2 est, pour le coronavirus SARS-CoV-2, la « porte » dâinfection des cellules saines. Cette Ă©tude explique pourquoi les hommes sont plus vulnĂ©rables au COVID-19 que les femmes.
Liu et al. proposent une hypothĂšse complĂ©mentaire. Pour ces auteurs, les analyses effectuĂ©es suggĂšrent que le Covid-19 est plus susceptible d’infecter les hommes adultes avec des comorbiditĂ©s chroniques en raison de leur fonction immunitaire plus faible.
Si la rĂ©ponse Ă lâapparition de maladies telles que COVID-19 doit prendre en considĂ©ration et veiller Ă ne pas reproduire ou perpĂ©tuer les inĂ©galitĂ©s entre les sexes et la santĂ©, il est important que les normes, les rĂŽles et les relations entre les genres qui influencent la vulnĂ©rabilitĂ© diffĂ©rente des femmes et des hommes Ă l’infection, l’exposition aux agents pathogĂšnes, et le traitement reçu soient pris en compte et traitĂ©s.
L’expĂ©rience des Ă©pidĂ©mies passĂ©es montre l’importance d’intĂ©grer une analyse de genre dans les efforts de prĂ©paration et de rĂ©ponse pour amĂ©liorer l’efficacitĂ© des interventions de santĂ© et promouvoir les objectifs de genre et d’Ă©quitĂ© en santĂ©.
3. Les comorbidités
DĂšs le dĂ©but de lâĂ©pidĂ©mie, les soignants accueillant les patients hospitalisĂ©s en unitĂ©s de soins intensifs pour des complications associĂ©es Ă la contamination, ont Ă©tĂ© confrontĂ©s Ă une surreprĂ©sentation de comorbiditĂ©s associĂ©es. Les plus courantes sont le surpoids et lâobĂ©sitĂ©, lâhypertension artĂ©rielle, les maladies cardiovasculaires, le diabĂšte de type 2 et plus rarement la BPCO.
Les rĂ©sultats des Ă©tudes Ă©pidĂ©miologiques illustrent le fait que les populations plus dĂ©favorisĂ©es sont plus susceptibles de souffrir de maladies chroniques, ce qui les expose Ă un risque plus Ă©levĂ© de mortalitĂ© associĂ©e au COVID-19. A titre dâexemple, Kass et al. ont examinĂ©, sur base dâune modĂ©lisation mathĂ©matique, la corrĂ©lation entre l’indice de masse corporelle (IMC) et l’Ăąge chez les patients COVID-19 admis en UnitĂ© de soins intensifs dans plusieurs hĂŽpitaux amĂ©ricains auprĂšs de 265 patients dont 58% de patients hommes.Cette analyse conclut Ă :
- une corrĂ©lation inverse significative entre l’Ăąge et l’IMC ;
- en particulier, les patients plus jeunes admis Ă l’hĂŽpital sâavĂšrent plus susceptibles d’ĂȘtre obĂšses ;
- cette relation inverse entre Ăąge et IMC lors de lâhospitalisation est similaire selon le sexe.
Le surpoids et lâobĂ©sitĂ© sont confirmĂ©s comme des facteurs sensibles de sĂ©vĂ©ritĂ© : lâIMC mĂ©dian des patients hospitalisĂ©s est ici estimĂ© Ă 29,3 kg / m2, seuls 25% des patients prĂ©sentent un IMC <26 kg / mÂČ et 25% dĂ©passent un IMC de 34,7 kg / mÂČ. Certes, lâincidence de lâobĂ©sitĂ© est plus importante aux Etats-Unis mais la surreprĂ©sentation a Ă©galement Ă©tĂ© observĂ©e en Europe dans lâanalyse du BMI des plus jeunes patients hospitalisĂ©s suite au Covid-19. La rĂ©partition de lâobĂ©sitĂ© dans la population gĂ©nĂ©rale touche davantage les personnes dĂ©favorisĂ©es.Deux hypothĂšses existent pour expliquer cette association.
- Dâune part, les personnes atteintes dâobĂ©sitĂ© prĂ©sentent un systĂšme prĂ©biotique et probiotique perturbĂ©, ce qui joue sur leur capacitĂ© immunitaire pour faire face aux virus.
- Dâautre part, lâobĂ©sitĂ© joue un rĂŽle dans les difficultĂ©s respiratoires en amplifiant le risque inflammatoire liĂ© Ă la difficultĂ© de mobilisation des muscles, dont le diaphragme.
Comme le prĂ©cisent Prompetchara et al., une analyse des caractĂ©ristiques du SRASCoV-2, dans son interaction avec les rĂ©ponses immunitaires de l’hĂŽte, peut aider Ă fournir une image plus claire de la façon dont le virus provoque des maladies chez certaines personnes alors que la plupart des individus infectĂ©s ne prĂ©sentent que des symptĂŽmes lĂ©gers ou nuls.
B. Les facteurs psychosociaux
Lâanalyse effectuĂ©e par Amdaoud M. et al. met en Ă©vidence quâ, « au-delĂ de lâimportance des caractĂ©ristiques individuelles comme facteurs explicatifs de la probabilitĂ© de contracter le Covid-19 et de ses consĂ©quences, les Ă©lĂ©ments liĂ©s au contexte Ă©conomique, dĂ©mographique et social interviennent Ă©galement ».
Ainsi, la densité de population, les quartiers plus inégalitaires ainsi que ceux dans lesquels la population ouvriÚre est plus présente, se révÚlent des environnements plus vulnérables à la transmission du virus.
Le fait d’ĂȘtre confinĂ© en grande partie au domicile peut prĂ©senter ses propres risques pour la santĂ© de nombreux individus et groupes Ă faible revenu. Les personnes et les familles les plus dĂ©favorisĂ©es sont plus susceptibles de vivre dans des habitats oĂč la qualitĂ© de l’air est mauvaise, oĂč les moisissures sont prĂ©sentes et au sein desquels l’espace est insuffisant pour isoler un de ses membres malade. Dans ces conditions de vie, elles subissent de maniĂšre disproportionnĂ©e les effets nĂ©gatifs sur la santĂ© – notamment l’asthme, la dĂ©tresse respiratoire, l’intoxication au monoxyde de carbone, l’hypertension artĂ©rielle, les maladies cardiaques, les troubles de santĂ© mentale et le cancer, entre autres – qui rĂ©sultent de risques environnementaux liĂ©s Ă lâhabitat.
Le maintien Ă domicile se dĂ©cline aussi diffĂ©remment selon la place occupĂ©e dans la sociĂ©tĂ©. Comme le prĂ©cise le sociologue Antonio Casilli, « pour ceux qui bĂ©nĂ©ficient dâun capital financier qui leur permet dâavoir des biens immobiliers, un jardin, le confinement peut se transformer en une expĂ©rience de retraite, de loisir, de dĂ©connexion. (âŠ) mais il y a des laissĂ©s-pour-compte : les personnes qui font partie des classes populaires et qui sont souvent ceux qui rĂ©alisent le dernier bout de la chaĂźne de production et dâapprovisionnement. Ils rĂ©alisent des activitĂ©s qui les mettent dans des situations de proximitĂ© avec les autres â et qui donc prĂ©sentent des risques de contamination plus importants. Ces mĂ©tiers ne sâarrĂȘtent pas avec la quarantaine (âŠ) Par ailleurs et en rĂ©ponse Ă la crise, le tĂ©lĂ©travail a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© comme la panacĂ©e. Mais cette rhĂ©torique a ses limites. Pour pouvoir tĂ©lĂ©travailler correctement, il faut avoir un chez soi convenable, ce qui impose dâavoir un capital Ă©conomique suffisant. Pour ceux qui vivent dans quelques mĂštres carrĂ©s ou qui ont des situations familiales difficiles, surtout pour les femmes, le tĂ©lĂ©travail peut se transformer en double peine ; en plus de la pĂ©nibilitĂ© et des rythmes de leur propre travail dans des logements qui ne sont pas toujours adaptĂ©s, il y a le travail du suivi des enfants ou des personnes ĂągĂ©es Ă assurer en mĂȘme temps ». Ce contexte plus spĂ©cifique amplifie le stress profond associĂ© Ă lâisolement, Ă lâimpuissance Ă faire face Ă la complexitĂ© de la situation ». Par ailleurs, une sensibilitĂ© accrue au risque de contamination peut sâexpliquer par des facteurs psychosociaux qui altĂšrent la rĂ©ponse immunitaire. Parmi les facteurs plus spĂ©cifiques aux populations dĂ©favorisĂ©es, se retrouvent des niveaux accrus de stress chronique, de tabagisme, dâobĂ©sitĂ© et de carences nutritionnelles, des facteurs de stress liĂ©s au milieu de vie ou de travail. Tous ces facteurs contribuent Ă un niveau permanent de stress profond qui diminue la capacitĂ© du corps Ă dĂ©clencher une rĂ©ponse immunitaire efficace, comme le soulignent Segerstrom et al..
Enfin, de nombreuses personnes et familles Ă faible revenu restent particuliĂšrement confrontĂ©es Ă des dĂ©fis importants qui les empĂȘchent de se protĂ©ger efficacement et de protĂ©ger les autres du COVID-19. Beaucoup ne bĂ©nĂ©ficient pas dâun revenu suffisant pour acquĂ©rir le matĂ©riel de protection (gel hydroalcoolique et masques) ni la capacitĂ© de recourir au tĂ©lĂ©travail pour ceux qui ont la chance dâavoir un emploi. D’autres restent Ă domicile, mais la sĂ©curitĂ© du maintien de leur logement peut ĂȘtre menacĂ©e par le fait qu’ils ont perdu leur emploi ou que leur temps de travail a Ă©tĂ© rĂ©duit en raison de la pandĂ©mie. Ătre contraints de choisir entre payer la nourriture, les soins de santĂ© ou d’autres biens de premiĂšre nĂ©cessitĂ© et rĂ©gler le loyer entraĂźnera presque toujours une expulsion et le risque de se retrouver dans la rue. LâĂ©tude du sansabrisme rĂ©vĂšle que la projection dans cette situation est trĂšs souvent consĂ©cutive Ă un Ă©vĂšnement de la vie comme une perte dâemploi, une perte de revenus ou une maladie.
Outre ces risques spĂ©cifiques, lâaccessibilitĂ© aux services de santĂ© sâavĂšre un Ă©lĂ©ment dĂ©terminant Ă©galement. La prĂ©valence des maladies chroniques non transmissibles est plus importante parmi les populations les plus dĂ©favorisĂ©es et la baisse de frĂ©quentation des services de santĂ© et plus particuliĂšrement le suivi en milieu hospitalier fait craindre une aggravation de lâĂ©tat de santĂ© des patients concernĂ©s.
Didier Fassin (op.cit.) confirme cette analyse. Pour cet auteur, « la premiĂšre disparitĂ© concerne les milieux socialement dĂ©favorisĂ©s dont les types de logement et les conditions de travail rendent malaisĂ© le respect des consignes de prĂ©vention, dont lâaccĂšs au dĂ©pistage sâavĂšre souvent plus difficile et qui doivent plus frĂ©quemment renoncer Ă des soins. Cette disparitĂ© touche surtout les quartiers populaires, les grands ensembles dâhabitat social et les campements plus ou moins licites des gens du voyage. Il sâagit dâinĂ©galitĂ©s auxquelles sâajoute une double injustice : en se contentant dâincriminer leur comportement, on leur impute le risque plus Ă©levĂ© auquel ils sont exposĂ©s, phĂ©nomĂšne bien connu consistant Ă blĂąmer les victimes ; et dans le cadre de lâĂ©tat dâurgence, on les soumet Ă des mesures de contrĂŽle plus rĂ©pressives que ce nâest le cas pour le reste de la population. »
C. Les facteurs environnementaux
Les diffĂ©rences d’exposition aux risques environnementaux contribuent non seulement Ă l’injustice environnementale mais aussi aux inĂ©galitĂ©s en matiĂšre de santĂ©. Les chercheurs ont constatĂ© que la pollution atmosphĂ©rique a intensifiĂ© la pandĂ©mie. Ainsi, Yongjian et al. ont montrĂ© quâil existe une relation statistiquement significative entre la pollution de lâair et lâinfection du Covid-19. Une exposition mĂȘme Ă court terme Ă de fortes concentrations de particules fines est associĂ©e Ă un risque accru dâinfection au virus. Sâil nâexiste pas un consensus sur le fait que les particules fines agissent comme mode de transport du virus pour infecter un individu, lâexposition Ă celles-ci rend ce dernier plus vulnĂ©rable comme hĂŽte, en raison du processus infectieux et inflammatoire quâelles engendrent. Cette exposition est plus frĂ©quente pour les populations les plus dĂ©favorisĂ©es par la proximitĂ© de leur habitat aux sources de lâĂ©mission de cette nuisance.Une Ă©tude de la communautĂ© autonome du Pays basque, en Espagne, rĂ©vĂšle que les quartiers les plus dĂ©favorisĂ©s Ă©conomiquement Ă©taient six fois plus susceptibles d’ĂȘtre proches des industries polluantes que les moins dĂ©favorisĂ©s. Le risque de mortalitĂ© associĂ© Ă la proximitĂ© d’industries polluantes a tendance Ă augmenter dans les zones les plus dĂ©favorisĂ©es, ce qui suggĂšre que l’effet combinĂ© de l’exposition environnementale et de la privation Ă©conomique pourrait ĂȘtre plus qu’additif (Cambra et al., 2012, citĂ© par lâOMS, op. cit.).
Certes, l’ampleur des impacts sur la santĂ© causĂ©s par les inĂ©galitĂ©s environnementales reste difficile Ă quantifier. Elle nĂ©cessite en effet des informations dĂ©taillĂ©es sur des groupes de population spĂ©cifiques, leurs diffĂ©rents niveaux d’exposition aux risques et les rĂ©sultats pour la santĂ©. De plus, des informations sont nĂ©cessaires pour ajuster les facteurs de confusion qui peuvent influencer les relations entre les caractĂ©ristiques personnelles, l’exposition et les rĂ©sultats pour la santĂ©.Fattorini et Regoli reconnaissent que « la pollution atmosphĂ©rique et environnementale doit ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme faisant partie d’une approche intĂ©grĂ©e du dĂ©veloppement durable, de la protection de la santĂ© humaine et de la prĂ©vention des Ă©pidĂ©mies. Cette prise en considĂ©ration doit sâinscrire dans une perspective Ă long terme et de maniĂšre chronique, car l’adoption d’actions limitĂ©es lors d’une Ă©pidĂ©mie virale, pourrait ĂȘtre d’une utilitĂ© limitĂ©e ».
Comme le souligne lâOMS (op.cit.), « les diffĂ©rences de conditions de vie expliquent 29% des inĂ©galitĂ©s de santĂ© auto-dĂ©clarĂ©es dans les pays de l’Union europĂ©enne (UE) (en tenant compte de l’Ăąge et du sexe). De cet Ă©cart, plus de 70% s’expliquent par des diffĂ©rences dans la qualitĂ© du logement et la prĂ©caritĂ© Ă©nergĂ©tique, mettant en Ă©vidence l’impact de la privation matĂ©rielle sur la santĂ© auto-dĂ©clarĂ©e. 20% de l’Ă©cart est liĂ© au manque d’espaces verts, Ă des conditions de voisinage peu sĂ»res et Ă la pollution de l’air, ce qui montre l’influence des privations environnementales ».(Bureau rĂ©gional de l’OMS pour l’Europe, Ă paraĂźtre).
Une Ă©tude rĂ©alisĂ©e au Royaume-Uni a montrĂ© que l’inĂ©galitĂ© liĂ©e Ă la privation de revenu dans la mortalitĂ© par maladie cardiovasculaire Ă©tait plus faible parmi les populations qui vivent dans les zones les plus vertes en comparaison Ă celles qui sont moins exposĂ©es aux espaces verts. Dans les zones les moins vertes, le taux d’incidence Ă©tait 2,2 fois plus Ă©levĂ© dans la population la plus dĂ©favorisĂ©e socialement que dans les zones les moins vertes. Par contre, dans les zones les plus vertes, la population la plus dĂ©munie n’avait que 1,5 fois des taux d’incidence plus Ă©levĂ©s – ce qui suggĂšre un effet protecteur des espaces verts. (Mitchell et Popham, 2008, citĂ© par lâOMS).
Le schĂ©ma suivant synthĂ©tise lâensemble des dĂ©terminants individuels, sociaux et environnementaux de lâexposition au risque de contamination dans le cadre de lâĂ©pidĂ©mie au Covid-19.
Le modĂšle des « dĂ©terminants sociaux de la santĂ© » est un cadre de rĂ©fĂ©rence bien Ă©tabli dans le domaine de la santĂ© publique. LâidĂ©e principale consiste Ă mieux comprendre les relations de causalitĂ© entre les facteurs individuels et socioenvironnementaux qui influencent les conditions dâexistence dâun individu, dâun groupe social, dâune population et les Ă©tats de santĂ©.
Ce modĂšle gĂ©nĂšre cependant des limites dans son exploitation pour lâaction. Le zoom portĂ© sur les facteurs individuels a conduit Ă une dĂ©rive dans les actions en centrant les stratĂ©gies principalement sur la modification du changement de comportement individuel.
Or, les inĂ©galitĂ©s sociales ne reposent pas uniquement sur une disponibilitĂ© de revenus ou sur la responsabilitĂ© des individus et des familles. Elles sont aussi et surtout la rĂ©sultante de choix politiques qui produisent de lâexclusion, de la discrimination et de la marginalisation de certains groupes sociaux.
Agir sur les inégalités sociales de santé nécessite de questionner les valeurs qui sous-tendent les actions à développer, et principalement les valeurs éthiques qui façonnent notre mode de pensée.
De nouvelles perspectives sâimposentâŠ
Olivier De Schutter, professeur de droit Ă lâUCL et rapporteur aux Nations Unies sur lâextrĂȘme pauvretĂ© et les droits de lâhomme, prĂ©cise : « La crise du COVID-19 est un appel urgent Ă l’action. Si nous faisons les bons choix maintenant, ce sera l’occasion de transformer notre sociĂ©tĂ© en une sociĂ©tĂ© plus inclusive et plus Ă©quitable».
Il ajoute : « conformĂ©ment aux objectifs de dĂ©veloppement durable, nous devons nous Ă©loigner d’un paradigme de dĂ©veloppement qui accorde la prioritĂ© Ă la croissance Ă©conomique, tout en espĂ©rant Ă©liminer les dommages environnementaux et compenser les impacts sociaux de l’augmentation des inĂ©galitĂ©s par la suite. Le modĂšle de croissance lui-mĂȘme devrait intĂ©grer la durabilitĂ© environnementale et la justice sociale dĂšs le dĂ©part ».
Pour Ă©viter « de se laver les mains » face aux inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ© âŠ.
Boris Cyrulnik neuropsychiatre, ouvre sur une perspective optimiste. « Le chaos est un moment de rĂ©organisation qui permet de prendre une autre direction » dit-il, et il ajoute : « Quand l’Ă©pidĂ©mie sera terminĂ©e, on constatera que l’on aura dĂ©poussiĂ©rĂ© d’anciennes valeurs qui nous serviront Ă mettre au point une nouvelle maniĂšre de vivre ensemble ».
Or, le risque est grand quâaux lendemains de la crise, les autoritĂ©s cessent de voir, dâentendre et de parler des conditions de vie inacceptables des plus pauvres, des exclus et des marginalisĂ©s. Lâimpact Ă©conomique de la lutte Ă la COVID-19 sera brandi haut et fort pour justifier les compressions budgĂ©taires et la âdĂ©solidarisationâ ordinaire. Ces mĂȘmes conditions de vie sont les dĂ©terminants les plus puissants qui produisent, caractĂ©risent et entretiennent les inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ©.
Face Ă cet enjeu et pour aider les arbitrages auxquels les dĂ©cideurs seront confrontĂ©s Ă lâissue de cette crise, il importe de dĂ©finir les principales valeurs phares qui doivent servir de cadre de rĂ©fĂ©rence pour appuyer les choix politiques et les prioritĂ©s en santĂ© publique et soutenir la rĂ©flexion citoyenne sur les consĂ©quences de la pandĂ©mie.
Le ComitĂ© dâĂ©thique de santĂ© publique et la Commission de lâĂ©thique en science et en technologie du QuĂ©bec se sont interrogĂ©s sur les valeurs fondamentales pour Ă©laborer un cadre de rĂ©flexion sur les enjeux Ă©thiques liĂ©s Ă la pandĂ©mie de COVID19.
Parmi les valeurs retenues par ces organisations, se retrouvent la justice, la responsabilité, la non-malfaisance, la solidarité, la confiance, la transparence, le respect de la confidentialité, la proportionnalité et la liberté.
« La justice est gĂ©nĂ©ralement comprise comme lâĂ©galitĂ© de toutes les personnes, chacune ayant un droit dâaccĂšs Ă©quivalent aux services sociaux et de santĂ©, par exemple. La justice rĂ©fĂšre Ă©galement Ă lâĂ©quitĂ© selon laquelle les biens fondamentaux doivent ĂȘtre distribuĂ©s de maniĂšre diffĂ©renciĂ©e parmi la population : les personnes ayant de plus grands besoins devraient recevoir une offre de ressources et de services adaptĂ©e Ă leur situation particuliĂšre. Dans le contexte actuel de la pandĂ©mie, les enjeux dâĂ©quitĂ© sont notamment incarnĂ©s dans le traitement des situations de vulnĂ©rabilitĂ© Ă la COVID-19 et des personnes quâelles concernent, notamment les personnes ĂągĂ©es ou encore en situation dâitinĂ©rance, pour ne nommer que celles-ci. Certaines iniquitĂ©s socioĂ©conomiques peuvent Ă©galement ĂȘtre exacerbĂ©es en temps de crise, notamment en ce qui a trait aux consĂ©quences des mesures de distanciation imposĂ©es et Ă lâexposition de certaines catĂ©gories de personnes qui Ćuvrent dans des services jugĂ©s essentiels.
La non-malfaisance fait rĂ©fĂ©rence Ă lâidĂ©e que nous devrions, autant que possible, ne pas causer indĂ»ment de torts Ă autrui. En santĂ© publique, cette valeur se rapporte souvent Ă la rĂ©duction des consĂ©quences nĂ©gatives des actions dĂ©ployĂ©es pour amĂ©liorer la santĂ© de la population. AppliquĂ©e Ă la pandĂ©mie de la COVID-19, la valeur de non-malfaisance exige de prendre en compte les consĂ©quences nĂ©gatives Ă©videntes des mesures de distanciation ou dâisolement, lesquelles peuvent causer de lâanxiĂ©tĂ© ou ĂȘtre propices Ă lâaugmentation de la violence familiale, par exemple.
La solidaritĂ© sâappuie sur le fait que le bien-ĂȘtre de chacun est intimement liĂ© Ă celui des autres et que nous avons tous un rĂŽle Ă jouer pour favoriser la cohĂ©sion sociale et le bien commun. Ainsi, les actions altruistes sont justifiĂ©es mĂȘme si elles ne comportent pas de bĂ©nĂ©fice immĂ©diat Ă©vident pour la personne qui les pose. En contexte de pandĂ©mie, la solidaritĂ© peut servir dâassise Ă des actions visant Ă protĂ©ger les personnes susceptibles dâĂȘtre plus vulnĂ©rables face Ă la COVID-19 (ex. : aux prises avec une maladie chronique), comme le respect des consignes Ă lâeffet dâĂ©viter dâentrer inutilement en contact avec ces derniĂšres afin de ne pas les exposer au risque. De mĂȘme, la solidaritĂ© peut sâexprimer Ă travers des actions civiques pour soutenir les personnes socio-Ă©conomiquement affectĂ©es par les mesures sanitaires mises en place, comme le bĂ©nĂ©volat auprĂšs des banques alimentaires.
La confiance reprĂ©sente le socle sur lequel reposent les relations entre les personnes, mais Ă©galement entre les individus et les organisations, comme entre les citoyens et les instances gouvernementales. La confiance en la science et, plus spĂ©cifiquement, dans lâexpertise des autoritĂ©s de santĂ© publique est aussi importante pendant la crise sanitaire, la population devant ĂȘtre disposĂ©e Ă prendre au sĂ©rieux le discours des autoritĂ©s et Ă modifier ses habitudes en consĂ©quence. LâĂ©volution rapide de la crise de la COVID-19 et des mesures mises en place pose un dĂ©fi pour les dĂ©cideurs soucieux de maintenir la confiance de toutes les parties prenantes, dont la population. En ces temps troubles, la confiance envers les institutions peut ĂȘtre renforcĂ©e ou mise Ă mal. DĂšs lors, lâexplicitation des mesures prises au jour le jour, mais surtout leur justification, auront une incidence sur la confiance et lâadhĂ©sion aux mesures prĂ©ventives. Ă ce compte, la transparence permet de renforcer la confiance.
La valeur de transparence porte plus spĂ©cifiquement sur lâinformation et sa communication. Elle exige que lâinformation transmise au public concernĂ© soit disponible en temps opportun, facilement comprĂ©hensible et utile. La transparence nâexige donc pas que toute lâinformation possĂ©dĂ©e par les dĂ©cideurs soit transmise : la diffusion doit ĂȘtre calibrĂ©e en vue de permettre aux destinataires dâen faire un usage averti.
Le respect de la confidentialitĂ© est Ă©galement en jeu. Elle concerne la protection des renseignements personnels ou identificatoires. Dans le cas des personnes atteintes de la COVID-19, la possible divulgation dâinformations identificatoires pourrait avoir des consĂ©quences trĂšs importantes pour elles-mĂȘmes et leurs proches, dont la possibilitĂ© dâĂȘtre stigmatisĂ©es, par exemple, sur la base de leur origine ethnoculturelle ou gĂ©ographique. Dans le contexte actuel, lâutilisation des donnĂ©es de gĂ©olocalisation pourrait Ă©galement avoir des effets pervers.
La proportionnalitĂ© des moyens par rapport aux fins poursuivies est essentielle dans lâĂ©valuation des mesures de santĂ© publique. Les diffĂ©rents risques ou inconvĂ©nients possibles dâune mesure de santĂ© publique ne devraient pas ĂȘtre hors de proportion par rapport Ă lâampleur du problĂšme quâelle participe Ă rĂ©soudre ou par rapport aux bĂ©nĂ©fices attendus. Plus particuliĂšrement, il sâagit dâĂ©viter que des prĂ©judices importants soient occasionnĂ©s pour rĂ©soudre un problĂšme bĂ©nin (ce qui nâest manifestement pas le cas dans le contexte de la COVID-19), mais, dâautre part, de permettre que des moyens extraordinaires soient pris pour rĂ©soudre un problĂšme dâenvergure lorsque de grands bĂ©nĂ©fices pour la santĂ© et le bien-ĂȘtre sont attendus.
La libertĂ© figure Ă©videmment parmi les Ă©lĂ©ments en jeu. Elle consiste en lâexpression de la capacitĂ© des personnes Ă prendre des dĂ©cisions et Ă agir pour elles-mĂȘmes Ă lâabri dâinfluences indues, dâoĂč les diffĂ©rentes libertĂ©s reconnues par les chartes. Des mesures sanitaires contraignantes, telles que lâisolement, reprĂ©sentent des accrocs considĂ©rables Ă la libertĂ© de mouvement des personnes. Ainsi, la valeur de la libertĂ© se trouvera nĂ©cessairement au centre des arbitrages concernant lâadoption de mesures requĂ©rant des sacrifices de la part des personnes visĂ©es.
La responsabilitĂ© rĂ©fĂšre Ă lâidĂ©e selon laquelle les personnes qui bĂ©nĂ©ficient dâune capacitĂ© dâautonomie doivent agir en accord avec les valeurs considĂ©rĂ©es comme les plus importantes selon le contexte et les rĂŽles occupĂ©s par celles-ci, en tenant compte des consĂ©quences de leurs actions (ou de leur inaction). Dans le cas de la pandĂ©mie, lâexercice de la responsabilitĂ© invite les membres de la population Ă respecter les rĂšgles et Ă adopter les comportements promus par les autoritĂ©s en place, lesquelles assument le difficile rĂŽle de pondĂ©rer leurs actions en fonction de lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral. La lutte contre la pandĂ©mie place aussi des responsabilitĂ©s particuliĂšres sur les Ă©paules des employĂ©s du domaine de la santĂ© et des autres services jugĂ©s essentiels ».
Ces différentes valeurs prennent une portée toute particuliÚre dans le contexte de la gestion de cette épidémie et plus particuliÚrement dans la lutte contre les inégalités sociales qui y sont associées. Elles méritent et exigent une compréhension commune de la part de tous les acteurs et décideurs politiques.
La notion de responsabilitĂ©, souvent Ă©voquĂ©e par les dĂ©cideurs politiques dans lâapplication des mesures, retient particuliĂšrement lâattention. PrĂ©sentĂ©e sur le plan de lâimputabilitĂ© individuelle, elle risque dâĂȘtre interprĂ©tĂ©e comme culpabilitĂ© dans son manquement ou son non-respect. Brown et al. prĂ©cisent quâ« une politique fondĂ©e sur la responsabilitĂ© (sous-entendu individuelle) est non seulement incohĂ©rente sur le plan philosophique, mais elle interprĂšte la responsabilitĂ© des gens de maniĂšre injuste et potentiellement nuisible. Par exemple, le marketing social peut encourager lâopinion selon laquelle les gens doivent adopter des modes de vie favorables Ă la santĂ© : ceux qui adoptent des habitudes saines se comportent «bien» et ceux qui adoptent des habitudes malsaines se comportent «mal».Une telle vision favorise la moralisation et la stigmatisation d’individus ou de groupes particuliers, les associant Ă une auto-culpabilitĂ©, engendrant Ă son tour des effets contre-productifs sur la santĂ©.
Toute restriction de l’accĂšs aux soins de santĂ© pour les personnes jugĂ©es responsables de leur maladie en raison de leur comportement, aggrave les inĂ©galitĂ©s de santĂ©. Ce sont en effet gĂ©nĂ©ralement les plus pauvres qui souffrent le plus des maladies non transmissibles liĂ©es au mode de vie.
Lâobjectif nâest pas de nier lâinfluence des facteurs de risque comportementaux dans lâapparition des maladies non transmissibles. Par contre, le langage de la responsabilitĂ© individuelle ne peut justifier les politiques prescriptives et moralisatrices pour lutter contre les comportements considĂ©rĂ©s comme « malsains ».
La recherche multidisciplinaire montre que le contrÎle individuel sur le comportement est souvent limité, les facteurs sociaux et environnementaux étant plus influents.
Bourdieu a illustrĂ© cette dĂ©rive comme Ă©tant lâexercice du pouvoir Ă travers les silences sociaux.Une comprĂ©hension philosophique de la valeur et de la nature de la responsabilitĂ© Ă©claire utilement le rĂŽle limitĂ© de lâimputabilitĂ© individuelle dans le contexte de la promotion de la santĂ©.
Pour une Ă©thique de la co-responsabilitĂ©âŠ
1. Entre responsabilité individuelle et responsabilité collective
Dans le cadre de la gestion de la pandĂ©mie et de la rĂ©duction de la transmission du virus de personne Ă personne, les prioritĂ©s se sont axĂ©es sur les stratĂ©gies de prĂ©vention et de promotion de la santĂ© comportementale. Celles-ci visaient Ă protĂ©ger les individus de la contamination en persuadant (voire contraignant) les individus de modifier et dâadopter des comportements barriĂšres et Ă juste titre.
Ces mesures barriÚres se sont traduites par la recommandation du lavage fréquent des mains, du port du masque, du respect de la distanciation physique et du confinement.
Ces recommandations se sont largement inspirĂ©es de la logique implacable inhĂ©rente aux stratĂ©gies de changement de comportement dans le contexte de la rĂ©duction des maladies non transmissibles. Ainsi, si le tabagisme est considĂ©rĂ© comme un choix pour les personnes qui adoptent ce comportement, leur faire savoir de ne pas adopter ce comportement semble logique. De mĂȘme si lâobĂ©sitĂ© est considĂ©rĂ©e comme le fait de trop manger, il paraĂźt Ă©vident de proposer un rĂ©gime alimentaireâŠ
Il sâagit dâune logique simple et puissante pour orienter les actions et les politiques basĂ©es sur lâidĂ©ologie de lâindividualisme.
Si elles sâavĂšrent efficaces dans le contrĂŽle de lâĂ©pidĂ©mie, ces mesures ne doivent pas ĂȘtre confortĂ©es comme modĂšle dominant de la promotion de la santĂ© et faire oublier lâimportance dâun autre volet de la responsabilitĂ© quâest la responsabilitĂ© collective.
De plus, les Ă©tudes ont bien dĂ©montrĂ© que les interventions centrĂ©es sur le changement de comportement des personnes les plus Ă risques ont trĂšs peu dâimpact sur la santĂ© des populations dans le contexte des maladies non transmissibles.
A contrario, dâautres stratĂ©gies se sont avĂ©rĂ©es bien plus efficaces. Ainsi, la rĂ©duction dâune faible proportion de la teneur en sel des aliments manufacturĂ©s a permis une diminution de la tension artĂ©rielle de toute une population. Une telle mesure peut, Ă terme, rĂ©duire la mortalitĂ© cardiovasculaire au sein de celle-ci. Certes, la cible est diffĂ©rente et il est certainement plus difficile de modifier lâoffre alimentaire que de prĂŽner un changement de comportement alimentaire.
Les industries lâont bien compris. Les multinationales de lâalimentation tirent dâimportants bĂ©nĂ©fices des produits manufacturĂ©s riches en matiĂšre grasse, en sel et en sucre. Lâaugmentation rapide du commerce international de ces derniĂšres dĂ©cennies a ainsi contribuĂ© Ă uniformiser lâalimentation dans bon nombre de coins du monde, passant de rĂ©gimes locaux plus sains Ă une consommation plus riche en graisses, en sel et en sucre. Lâindustrie du tabac adopte la mĂȘme stratĂ©gie en soutenant que le tabagisme reste un choix individuel de comportement, rĂ©duisant lâimpact de leur publicitĂ© sur la consommation tabagique pour soutenir les dĂ©cideurs politiques qui privilĂ©gient des stratĂ©gies de changement de comportement, en plaçant le fardeau sur les individus plutĂŽt que sur lâindustrie. La responsabilitĂ© collective engage quant Ă elle, un partage de responsabilitĂ© de plusieurs acteurs face Ă la production dâune consĂ©quence. Elle se rĂ©fĂšre Ă des actions adoptĂ©es par de nombreuses personnes agissant en coopĂ©ration afin d’obtenir un effet particulier (par exemple, rĂ©duire les Ă©missions de carbone pour Ă©viter le changement climatique).
Pour reprendre lâexemple de lâindustrie du tabac dans la lutte contre le tabagisme, la responsabilitĂ© collective va au-delĂ de la responsabilitĂ© cumulative des individus fumeurs. La publicitĂ© des cigarettiers, la frilositĂ© des Ă©tats Ă perdre les taxes liĂ©es Ă la vente du tabac, ainsi que les stratĂ©gies de marketing qui visent lâinitiation tabagique, entretiennent le comportement tabagique dans une sociĂ©tĂ© donnĂ©e.
Dans le cadre de la gestion de la crise du coronavirus, un exemple illustre bien cette dualitĂ© entre les niveaux de responsabilitĂ© : lâobligation du port du masque dans les transports en commun est imposĂ©e pour tous les utilisateurs alors que lâEtat est dans lâimpossibilitĂ© dâoffrir Ă chacun le masque promis. La sanction du non-respect du port du masque incombe Ă lâindividu alors que la responsabilitĂ© de lâabsence du masque incombe Ă lâEtat.
2. Entre responsabilité morale et responsabilité causale
Friesen apporte un Ă©clairage intĂ©ressant en dissociant deux formes de responsabilitĂ©. Pour cet auteur, les philosophes font la distinction entre la responsabilitĂ© « causale » et la responsabilitĂ© «morale», se rapportant respectivement aux rĂŽles causal et moral dâun acteur dans la production des consĂ©quences. Ătant donnĂ© que la moralitĂ© est un concept qui est spĂ©cifique aux humains, les agents non humains (animaux, conditions climatiques, mĂ©tĂ©o,…) peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s responsables sur le plan de la causalitĂ© mais pas moralement responsables.
Deux conditions sont dâailleurs nĂ©cessaires pour engager la responsabilitĂ© morale dâun individu. La premiĂšre nĂ©cessite que l’agent ait pu prĂ©voir les consĂ©quences probables de ses actes. La seconde requiert que l’agent ait pu exercer totalement le contrĂŽle de ses actions.La personne intoxiquĂ©e aux particules fines n’a pas pu prĂ©voir le moment de son intoxication, ni la contrĂŽler. Elle ne remplit donc aucune condition de responsabilitĂ© morale. Une personne qui adopte un comportement sous la contrainte remplit probablement la condition dâanticipation des consĂ©quences, bien que son contrĂŽle sur son comportement ait Ă©tĂ© compromis. Une distinction est donc Ă effectuer entre le caractĂšre attribuable et le caractĂšre responsable dâun comportement.
3. Entre responsabilité diachronique et responsabilité dyadique
La responsabilité est une caractéristique courante des sociétés humaines. Les pratiques de responsabilité régissent les relations personnelles, maintiennent la justice pénale, encouragent le travail productif et découragent les comportements antisociaux.
Dans le secteur de la santĂ©, faire en sorte que les gens supportent, mĂȘme implicitement, les coĂ»ts directs associĂ©s Ă leur comportement en les considĂ©rant responsables, encourage collectivement lâadoption de comportements prĂ©ventifs et favorables au maintien de la santĂ©.
Pour Brown et Savulescu , « le discours politique sur la santĂ© sâest mĂȘme appropriĂ© cette notion de responsabilitĂ© dans un souci d’autonomisation des patients et de nĂ©cessitĂ© de respecter les choix individuels ».
Une telle vision suppose que les individus soient moralement responsables de leurs actes et en consĂ©quence, des prĂ©judices quâils engendrent pour leur santĂ©. Cette vision occulte le fait que la santĂ© dâun individu sâinscrit dans une dynamique de comportements acquis et reproduits au fil du temps et quâelle est fortement influencĂ©e par les comportements et les dĂ©cisions dâautres personnes.
Il est particuliĂšrement important de considĂ©rer les aspects diachroniques et dyadiques de la responsabilitĂ© (termes utilisĂ©s pour reconnaĂźtre la dynamique temporelle et lâinfluence dâautres personnes).
Attribuer la responsabilitĂ© individuelle sur les habitudes de santĂ© et sur leurs consĂ©quences prĂ©suppose que les personnes possĂšdent un rĂ©el contrĂŽle sur leurs comportements et sur les rĂ©sultats attendus. Or, ce contrĂŽle, sâil est nĂ©cessaire, ne peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme suffisant pour garantir ces rĂ©sultats. Ainsi, lâinfluence des conditions environnementales dans les consĂ©quences sur la santĂ© Ă©chappe (au moins en partie) au contrĂŽle des individus.
MalgrĂ© ces prĂ©cisions, l’intĂ©gration de la responsabilisation individuelle reste prĂ©sente dans le champ de la santĂ© en raison de son efficacitĂ© attendue et ce pour deux raisons principales.
- PremiĂšrement, par le fait que les pratiques de responsabilitĂ© opĂšrent dans de nombreux domaines de la vie, il peut sembler Ă©vident qu’elles fonctionnent Ă©galement dans le contexte des soins de santĂ©.
- DeuxiÚmement, identifier les individus comme responsables de leurs choix est une pratique trÚs intuitive. La désignation de la responsabilité est souvent implicite dans le raisonnement social.
- Enfin, engager la responsabilitĂ© individuelle est justifiĂ© par lâambition dâatteindre une certaine efficacitĂ© en prescrivant le comportement des individus de maniĂšre Ă ce que la sociĂ©tĂ© en profite. Si lâadhĂ©sion des personnes sâavĂšre efficace, cela permet alors aux systĂšmes de santĂ© d’Ă©conomiser de l’argent tout en amĂ©liorant la santĂ© de la population. Nonobstant le fait que certaines personnes ont besoin dâun cadre contraignant pour modifier leur comportement, dâautres ne sont tout simplement pas en possession des conditions nĂ©cessaires pour lâadopter et le maintenir.
Une telle vision sâavĂšre Ă lâorigine dâune nouvelle dĂ©rive : pĂ©naliser lâindividu qui nâadhĂšre pas au comportement prescrit, sans mĂȘme chercher Ă comprendre si ses conditions de vie lui permettent dâassumer cette observance.
Toujours est-il que la notion de responsabilitĂ© reste tacitement incorporĂ©e dans les politiques de promotion de la santĂ© et joue un rĂŽle explicite. Ce serait tout socialement absurde d’affirmer que les individus ne sont pas « responsables » des comportements habituels et rĂ©guliers qu’ils adoptent de maniĂšre rĂ©pĂ©titive sur de longues pĂ©riodes.
Lâattribution de la responsabilitĂ© va au-delĂ de la nĂ©cessitĂ© d’Ă©viter des politiques qui punissent ou blĂąment les auteurs. Elle exige que les effets des politiques ne comportent pas de dĂ©savantage injuste Ă lâĂ©gard de certains individus ou de certains groupes.
S’il est possible de comprendre comment les personnes peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©es responsables de leur comportement en matiĂšre de santĂ© via l’attribution, il est plus difficile de prĂ©tendre qu’elles sont Ă©galement responsables de leurs consĂ©quences.
La notion de prĂ©caution, proposĂ©e par Brown et al. ,sâavĂšre Ă ce titre plus pertinente que la notion de responsabilitĂ©. La prĂ©caution pourrait se concevoir par la façon dont les individus ou les groupes dĂ©veloppent des efforts pour adopter les comportements susceptibles de s’harmoniser avec leur propre intĂ©rĂȘt pour leur bien-ĂȘtre. Certes, cet intĂ©rĂȘt est dĂ©terminĂ© pour chacun par des aspirations diffĂ©rentes mais la prĂ©occupation du maintien de la santĂ© reste importante pour tout un chacun. Si les possibilitĂ©s de modifier le comportement sont limitĂ©es pour certains, il peut ĂȘtre prudent pour eux d’essayer de le faire, sans les rendre responsables dâun Ă©chec.
Le rĂŽle de la promotion de la santĂ© sâavĂšre primordial pour soutenir lâadoption dâun comportement dit de prĂ©caution, tout en reconnaissant le contrĂŽle limitĂ© que les individus peuvent exercer sur leur santĂ©. La promotion de la santĂ© sâoriente alors vers la construction dâenvironnements favorables plutĂŽt que de se concentrer sur lâĂ©vitement de comportements considĂ©rĂ©s comme Ă risques.
⊠afin de maintenir une distanciation âŠ
Comme le soulignent MĂ©lanie Villeval et Lucie Pelosse , « au-delĂ de la rĂ©ponse Ă lâurgence, cette situation exceptionnelle que nous offre cette crise politique donne lâoccasion aux acteurs de la promotion de la santĂ© de rĂ©affirmer lâancrage politique de celle-ci. En effet, la promotion de la santĂ© nâest pas quâun simple empilement de mĂ©thodes et de dĂ©marches. Elle porte des valeurs et un projet de sociĂ©tĂ© fondĂ©s sur la justice sociale ».
Un certain nombre de risques sont cependant Ă Ă©viter ou Ă maintenir Ă distance.
Sur le plan politique, la Belgique, en rĂ©ponse Ă la menace du virus constituant un danger pour lâensemble de la population, a octroyĂ© des pouvoirs spĂ©ciaux au gouvernement. Un Ă©tat de nĂ©cessitĂ© justifie un Ă©tat dâurgence. Les mesures prises ont portĂ© sur la limitation de la libertĂ© individuelle comme la libertĂ© de circulation, la libertĂ© de rĂ©union, la libertĂ© de travailler pour certains.
Hors contexte de crise sanitaire, ces limitations seraient perçues comme une atteinte aux droits fondamentaux. A situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle.
En situation dâurgence, la sĂ©curitĂ© sanitaire devient une question de sĂ©curitĂ© publique sur le plan national. La surveillance en devient un outil de premiĂšre nĂ©cessitĂ© en cas de risque de contamination de personne Ă personne. Comme le souligne Olivier Nay, « face Ă une menace imminente, les gouvernements n’hĂ©sitent pas Ă utiliser les derniĂšres technologies de surveillance de masse. La Chine utilise des drones, des camĂ©ras de reconnaissance faciale et la technologie du code Quick Response pour surveiller oĂč se trouvent ses citoyens. La nĂ©cessitĂ© de surveillance peut justifier une logique dâintrusion oĂč tout le monde peut ĂȘtre regardĂ©, suivi et accompagnĂ© dans chacun de ses dĂ©placements ».
Si ces mesures sont justifiĂ©es et mĂȘme socialement admises, elles comportent plusieurs risques :
- Le premier risque est que certaines mesures exceptionnelles adoptĂ©es dans le contexte d’une urgence sâintĂšgrent dĂ©finitivement dans le champ d’application de la lĂ©gislation ordinaire sous prĂ©texte qu’une menace sanitaire gĂ©nĂ©ralisĂ©e pourrait refaire surface Ă tout moment ;
- Le deuxiĂšme risque est que les gouvernements profitent de l’effet majeur de la crise pour administrer une stratĂ©gie dite de choc, visant Ă renforcer la politique de surveillance par lâadoption de rĂ©formes qui seraient jugĂ©es inacceptables dans un contexte hors crise. De nombreux gouvernements pourraient tirer parti des technologies de suivi, de l’intelligence artificielle et de la robotique pour Ă©tendre la surveillance invasive. A titre dâexemple, la localisation des chĂŽmeurs par la gĂ©olocalisation pour lutter contre le travail en noir ou la gĂ©olocalisation de certaines personnes pour des domiciliations fictives ;
- Le troisiĂšme risque est dâexploiter la peur qui est reconnue pour changer la valeur que les citoyens accordent Ă la libertĂ©. L’aspiration Ă la sĂ©curitĂ© peut rapidement Ă©roder le dĂ©sir de libertĂ©. Cette aspiration peut conduire des individus Ă prĂ©fĂ©rer l’autoritĂ© Ă l’Ă©thique de la construction dĂ©mocratique. En matiĂšre de santĂ©, lâadoption des technologies de suivi (traçage) sont reconnues comme efficaces pour amĂ©liorer la recherche en santĂ© (Ă©pidĂ©miologie), anticiper les menaces pour la santĂ© (contamination), diminuer les comportements individuels Ă risque et le suivi thĂ©rapeutique des patients ;
- Enfin, personne ne peut ignorer le risque que la collecte en masse de donnĂ©es transforme la surveillance des problĂšmes de santĂ© en surveillance des individus, avec toute une gamme d’informations possibles sur les modes de vie, les choix personnels et territoriaux, les relations sociales. Dans les pays autoritaires, une telle situation peut conduire Ă la stigmatisation des minoritĂ©s sociales. Il n’y a aucune raison de considĂ©rer que les dĂ©mocraties sont Ă l’abri de ce risque.
Face Ă ces risques, les politiques nationales doivent adopter des rĂšgles adĂ©quates pour garantir que les politiques de surveillance et de suivi de la santĂ© seront strictement prescrites par la loi, proportionnĂ©es aux besoins de santĂ© publique, effectuĂ©es de maniĂšre transparente, contrĂŽlĂ©es par des autoritĂ©s de rĂ©gulation indĂ©pendantes, soumises Ă une rĂ©flexion Ă©thique constante, non discriminatoires et respectueuses des droits fondamentaux. Les actions spĂ©cifiques centrĂ©es sur les facteurs de risque doivent ĂȘtre Ă©tayĂ©es par des mesures qui s’attaquent aux causes profondes des inĂ©galitĂ©s sociales. Parmi celles-ci, des stratĂ©gies Ă large spectre pour rĂ©duire le dĂ©savantage socioĂ©conomique et introduire des mĂ©canismes de redistribution dans l’Ă©ducation, le logement, l’emploi et le revenu et la richesse. Ces stratĂ©gies peuvent ĂȘtre complĂ©tĂ©es par des interventions ciblĂ©es pour lutter contre les facteurs structurels proximaux qui affectent de maniĂšre disproportionnĂ©e les groupes dĂ©favorisĂ©s comme la vente abusive d’alcool Ă trĂšs bas prix dans certaines chaines de distribution. Enfin, des stratĂ©gies de dĂ©veloppement communautaire doivent ĂȘtre privilĂ©giĂ©es et soutenues dans les zones dĂ©favorisĂ©es pour attĂ©nuer les effets de l’exposition aux dĂ©terminants sociaux de la santĂ© et renforcer les capacitĂ©s locales de bien-ĂȘtre.
DĂ©jĂ en 2001, Navaro et al. avaient montrĂ© que les politiques de redistribution sociale et Ă©conomique ainsi que les politiques de plein emploi avaient conduit Ă des gains de santĂ© majeurs au sein de toute la population. Une telle perspective implique un changement dâorientation politique.Comme le rappelle le service de lutte contre la pauvretĂ©, « chaque acteur politique et sociĂ©tal se doit de se poser la question et de sâinterroger explicitement sur lâimpact des mesures COVID-19 pour les personnes en situation de pauvretĂ© et de prĂ©caritĂ©. Et ce Ă tous les niveaux de compĂ©tence et au sein de tous les domaines sociĂ©taux ».
Ce service poursuit en prĂ©cisant que chacun de ces acteurs « doit Ă©galement se demander comment faire en sorte que ces personnes ne soient pas laissĂ©es Ă leur sort et comment elles pourraient ĂȘtre soutenues de maniĂšre supplĂ©mentaire ».
De nombreuses initiatives Ă©manant dâassociations de terrain ou de personnes privĂ©es se sont multipliĂ©es en cette pĂ©riode de crise. Leur engagement ne peut ĂȘtre que soulignĂ© et encouragĂ© mais il ne doit pas se substituer au devoir politique de protĂ©ger les plus faibles. Ceci est dâautant plus vrai que ces initiatives ne pourront se perpĂ©tuer dans le temps et devenir pĂ©renne que si elles bĂ©nĂ©ficient dâun soutien financier ou dâun relai par les pouvoirs publics.
Le service de lutte souligne notamment la nécessité de soutenir :
- Lâaide dâurgence, comme lâaccueil des personnes sans-abri ou sans-chez-soi, lâaide alimentaire ;
- La fourniture dâeau et dâĂ©nergie ;
- Lâoctroi et le maintien de droits (du revenu dâintĂ©gration, par exemple) ;
- Le maintien du contact avec les personnes vivant dans une situation difficile ;
- Les stratégies de communication à destination de tous les citoyens ;
- La prise dâinitiatives dans le cadre de lâenseignement pour apporter un soutien supplĂ©mentaire aux enfants et aux jeunes des familles vulnĂ©rables dans leur accĂšs Ă lâutilisation des canaux d’Ă©ducation numĂ©riques.
A ces prioritĂ©s sâajoutent le besoin dâinitiatives de promotion de santĂ© mentale Ă destination des plus vulnĂ©rables dans la gestion de lâaprĂšs-crise. Plusieurs mesures barriĂšres comme le confinement ou la distanciation physique entraĂźneront des consĂ©quences sur la santĂ© mentale et le bien-ĂȘtre Ă court et Ă long terme. Ces consĂ©quences sont suffisamment importantes pour que des efforts immĂ©diats axĂ©s sur la prĂ©vention et l’intervention directe soient nĂ©cessaires pour faire face Ă l’impact de l’Ă©pidĂ©mie sur la santĂ© mentale des individus et de la population. Mobiliser et dĂ©velopper les capacitĂ©s de rĂ©silience ne sâimprovise pas…
Par ailleurs, lâangoisse et lâanxiĂ©tĂ© peuvent exacerber des sentiments dâincertitude face Ă lâavenir. La perspective dâune crise Ă©conomique consĂ©cutive Ă la crise sanitaire fait craindre la perte dâemploi, surtout pour les emplois les plus incertains comme les intĂ©rimaires, les travailleurs Ă temps partiel ainsi que les emplois Ă statut prĂ©caire. Or, ces emplois sont souvent occupĂ©s par des personnes en situation de vulnĂ©rabilitĂ©.
Il y aura un « aprĂšs » Ă la pandĂ©mie, un temps du retour critique, notamment en termes de bĂ©nĂ©fices et dâinconvĂ©nients pour la population, pour certains de ses sousgroupes, ainsi que pour lâorganisation des services.
Certes, un contexte de crise est propice Ă un tel changement.Marmot (2012) nous rappelle cependant que lâargument Ă©conomique en temps de crise Ă©conomique conduit toujours Ă un recentrage de la croissance Ă©conomique sans prendre en considĂ©ration le bien-ĂȘtre de la population comme critĂšre dâĂ©valuation.
Les preuves et les arguments liĂ©s Ă la limite de la croissance Ă©conomique, au dĂ©veloppement durable et au changement climatique (dont lâignorance est impliquĂ©e dans lâapparition des crises sanitaires et particuliĂšrement celle que nous connaissons) doivent ĂȘtre intĂ©grĂ©s dans la façon dont notre sociĂ©tĂ© dĂ©finira les perspectives de son dĂ©veloppement Ă long terme.
Câest prĂ©cisĂ©ment parce quâune revisite rĂ©trospective des arbitrages de valeurs effectuĂ©s dans lâurgence de la pandĂ©mie, que les acteurs de la promotion de la santĂ© doivent ĂȘtre associĂ©s de prĂšs au nĂ©cessaire processus dâĂ©valuation qui sera mis en place. Un processus auquel les citoyennes et les citoyens devraient Ă©galement ĂȘtre conviĂ©s, Ă titre de principale « partie prenante » aux difficiles expĂ©riences dâaction collective que constituent les pandĂ©mies.
La FĂ©dĂ©ration Nationale dâEducation et de Promotion de la SantĂ© en France, dans sa tribune du 5 mai 2020 prĂ©cise : « il est dĂ©sormais incontestable que la crise sanitaire et les mesures prises pour y remĂ©dier (en particulier le confinement) Ă©taient essentielles, mais rĂ©vĂšlent et accroissent les inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ©. Les moyens de rĂ©duire le gradient social de santĂ© sont connus : le dĂ©veloppement de la capacitĂ© dâagir (connaissances, attitudes, aptitudes, motivation) des personnes et des groupes, le renforcement de la cohĂ©sion sociale et de la solidaritĂ© en amenant les acteurs communautaires (Ă©lus, professionnels, dĂ©cideurs institutionnels et habitants) Ă porter des initiatives collectives, lâamĂ©lioration des conditions de vie et de travail et lâoptimisation de lâaccĂšs aux biens et services essentiels (Ă©ducation, alimentation, logement, aide sociale, soins,…).
Pour ne pas rester confinĂ©(e) sous lâemprise de la criseâŠ
Cette synthĂšse de littĂ©rature a permis de mettre en Ă©vidence que le comportement de santĂ© est fortement influencĂ© par les paramĂštres environnementaux, socioĂ©conomiques et culturels des personnes. Ainsi, les facteurs de risques associĂ©s Ă une Ă©pidĂ©mie sont plus rĂ©pandus parmi les personnes les plus socialement et Ă©conomiquement dĂ©favorisĂ©es. Par ailleurs, ce sont ces mĂȘmes personnes qui bĂ©nĂ©ficient de moins de ressources pour y faire face.
Face Ă ce dilemme et pour limiter les consĂ©quences de la crise sanitaire et socioĂ©conomique, la santĂ© publique se doit dâinnover sur de nouvelles stratĂ©gies pour sâattaquer aux dĂ©terminants sociaux qui sont susceptibles dâagir sur la rĂ©duction des inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ©.
Dans un document rĂ©digĂ© en 2020, Farbermarn et al. recommandent que les Ă©tats investissent dans des politiques qui ont une rĂ©elle capacitĂ© dâagir sur les dĂ©terminants sociaux de la santĂ©. Pour ces auteurs, il est temps de « donner aux communautĂ©s les moyens d’amĂ©liorer l’Ă©quitĂ© et la rĂ©silience avant, pendant et aprĂšs un Ă©vĂ©nement. Les pouvoirs politiques doivent veiller Ă ce que les subventions atteignent le niveau local et les communautĂ©s qui en ont le plus besoin. Ce financement ainsi que lâassistance logistique et mĂ©thodologique doivent se concentrer sur le renforcement des capacitĂ©s des organisations communautaires, en offrant aux dirigeants communautaires la possibilitĂ© de participer pleinement aux activitĂ©s de planification, en permettant aux organisations d’associer et d’engager des membres de la communautĂ© afin que les plans d’urgence reflĂštent mieux les besoins de la communautĂ© et en veillant Ă ce que la collecte de donnĂ©es reflĂšte les dĂ©terminants sociaux et les facteurs dĂ©mographiques et que les donnĂ©es soient disponibles pour toutes les communautĂ©s ».
Alors que la pandĂ©mie prĂ©sente une Ă©volution qui semble favorable Ă lâheure ou se termine la rĂ©daction de cette synthĂšse, il est probable que des inĂ©galitĂ©s de santĂ© vont sâamplifier par la crise Ă©conomique quâelle a induite. Les dĂ©cideurs politiques et les responsables de la santĂ© doivent commencer Ă planifier dĂšs maintenant leurs prioritĂ©s et leurs actions pour attĂ©nuer l’impact disproportionnĂ© du Covid-19 sur les populations les plus vulnĂ©rables.
Pour que les systĂšmes de santĂ© planifient des stratĂ©gies de rĂ©tablissement de la crise du Covid-19, il est essentiel qu’une Ă©valuation de l’impact de cette crise sur l’Ă©galitĂ© soit un principe central de chaque politique pour garantir la rĂ©duction des inĂ©galitĂ©s en matiĂšre de santĂ©. Autrement dit, si nous voulons vraiment lutter contre les inĂ©galitĂ©s en matiĂšre de santĂ©, nous ne devons pas perdre lâopportunitĂ© de tirer les enseignements que cette crise nous a rĂ©vĂ©lĂ©s.Un changement sâimpose dans notre façon de vivre et dans la maniĂšre de nous reprĂ©senter le monde qui nous entoure et son avenir. Leonore Manderson and Susan Levine prĂ©cisent que « le dĂ©sir nĂ©olibĂ©ral de continuer Ă vivre comme avant, quel que soit le risque, est Ă©troitement liĂ© au privilĂšge des personnes les plus favorisĂ©es ». Il est impĂ©ratif de construire un autre modĂšle. Lâanthropologue Nikiwe Solomon a prĂ©cisĂ© que ce virus nous oblige Ă agir de maniĂšre contre-intuitive (15 mars 2020). Il est important de noter que la nĂ©cessitĂ© dâune action contre-intuitive ne concerne pas seulement lâautoprotection mais surtout la protection de ceux dont le systĂšme immunitaire et les systĂšmes de soutien social sont compromis par les inĂ©galitĂ©s.
Comme le rappelle le FNES (op.cit.), « dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, les politiques visant Ă attĂ©nuer les effets de la stratification sociale sur la santĂ© (justice fiscale, lutte contre les inĂ©galitĂ©s scolairesâŠ), les politiques visant Ă rĂ©duire lâexposition des populations vulnĂ©rables Ă des conditions de vie dĂ©lĂ©tĂšres (amĂ©lioration de lâhabitat et du cadre de vie, urbanisme favorable Ă la santĂ©âŠ), les politiques visant Ă rĂ©duire la vulnĂ©rabilitĂ© des groupes dĂ©favorisĂ©s (accompagnement psychologique et social, soutien Ă la parentalitĂ©âŠ) et les politiques rĂ©duisant les consĂ©quences sociales et Ă©conomiques de la maladie (accĂšs aux soins primaires, complĂ©mentaires santĂ©âŠ) crĂ©ent un contexte gĂ©nĂ©ral soutenant et renforcent la capacitĂ© de la population Ă amortir le choc de la pandĂ©mie ».Une lueur dâespoir : le Service Public fĂ©dĂ©ral dans sa note COVID-19 et transition durable prĂ©cise : « la rĂ©action gĂ©nĂ©ralement positive et le sens des responsabilitĂ©s des citoyens et des acteurs politiques face Ă ces mesures sans prĂ©cĂ©dent, la multiplication des diverses initiatives citoyennes et la solidaritĂ© ainsi manifestĂ©e montrent qu’il peut y avoir un large soutien du public Ă des mesures de grande envergure dĂšs lors qu’il existe un consensus sur leur nĂ©cessitĂ©. Il est important que ce soutien perdure pour soutenir la politique de relance et relever nos dĂ©fis environnementaux, sociaux et de santĂ©. Il est donc essentiel d’Ă©tablir un dialogue sociĂ©tal large et approfondi afin d’impliquer les citoyens et tous les acteurs de la sociĂ©tĂ© civile dans toutes les phases des politiques de redressement et de transition et de continuer Ă communiquer de maniĂšre transparente sur ces politiques ».
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19_1w1h_fr.pdf
Etude Uclouvain – CommuniquĂ© de presse (juin 2020)En parallĂšle des efforts pour soigner et sauver des malades du Covid-19, les soignant·es se sont alarmé·es de la diminution significative de la frĂ©quentation des services de santĂ©, et des annulations de rendez-vous mĂ©dicaux durant le confinement. LâUCLouvain (Sandy Tubeuf et Dominique Vanpee), en collaboration avec la KU Leuven (Jeroen Luyten), a donc lancĂ© une Ă©tude pour connaĂźtre les raisons de ce renoncement aux soins. 1 963 personnes ont rĂ©pondu Ă lâenquĂȘte (Ăąge moyen 48 ans), majoritairement des femmes (74,2%), dĂ©tentrices dâun diplĂŽme de lâenseignement supĂ©rieur (80,3%). 1 rĂ©pondant·e sur 4 dĂ©clare une baisse de revenu depuis le dĂ©but du confinement.2 personnes sur 3 se dĂ©clarent en bonne (ou trĂšs bonne) santĂ© (62,4%) avant le confinement et consultaient des mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes et spĂ©cialistes rĂ©guliĂšrement au cours des 12 derniers mois (1 Ă 3 X/an). 1 personne sur 2 dĂ©clare avoir au moins un problĂšme de santĂ© chronique et 35,5% des personnes dĂ©clarent ĂȘtre limitĂ©es dans les activitĂ©s du quotidien depuis au moins six mois.
Les rĂ©sultats de l’enquĂȘte UCLouvain ?
- 1 personne sur 2 affirme avoir renoncé à des soins de spécialistes, pour des rendezvous prévus avant le confinement, suite à la pandémie. 1 personne sur 5 a renoncé à plusieurs rendez-vous
- 38,7% ont renoncé à des soins dentaires, 33,6% à des soins paramédicaux (kinésithérapie, logopédie, pédicure, etc.) et 19 % à des visites chez le généraliste
- 9 personnes sur 10 (87,5%) nâont pas pu faire un examen mĂ©dical (prise de sang, test de dĂ©pistage, imagerie mĂ©dicale) qui avait Ă©tĂ© prĂ©vu avant le confinement
Les raisons invoquĂ©es ? Rendez-vous annulĂ©s ou cabinets fermĂ©s. Mais aussi, la peur d’attraper le coronavirus en allant se faire soigner (10,2%).Autre constat : 38,6% rapportent avoir eu au moins un nouveau problĂšme de santĂ© pour lequel ils et elles nâont pas consultĂ© alors que cela aurait Ă©tĂ© leur rĂ©flexe en temps normal. La raison ? Les rĂ©pondants ont prĂ©fĂ©rĂ© attendre de voir s’ils et elles allaient mieux. Ou, le mĂ©decin leur a demandĂ© de ne pas venir.
Lâimpact pour le futur ?
- 15,8% des rĂ©pondants pensent que le renoncement aux soins durant le confinement a dĂ©tĂ©riorĂ© leur Ă©tat de santĂ© « assez fortement » ou « trĂšs fortement » et parmi les personnes avec une maladie chronique cette proportion passe Ă 22.8% soit plus dâune personne sur cinq
- Un problĂšme de santĂ© dans les semaines Ă venir ? 34,8% consulteraient un·e mĂ©decin, mais 48,9% ne consulteraient que s’ils jugent le problĂšme de santĂ© sĂ©vĂšre et 10,1% ne consulteraient que par tĂ©lĂ©phone. Les 6.2% restant ne consulteraient pas du tout.
ConcrĂštement, lâĂ©tude UCLouvain indique quâil y a une crainte de la population Ă ĂȘtre contaminĂ© en allant se faire soigner et que le renoncement Ă des consultations mĂ©dicales et paramĂ©dicales dans le futur risque de perdurer. De plus, les professionnel·les de la santĂ© vont voir venir en consultation des personnes avec un Ă©tat de santĂ© dĂ©gradĂ© du fait de la crise sanitaire.Alors que les rĂ©pondants Ă lâenquĂȘte sont majoritairement des femmes actives, trĂšs Ă©duquĂ©es, plutĂŽt en bonne santĂ© avant le confinement, les scientifiques UCLouvain observent un fort renoncement Ă diffĂ©rents types de soins mĂ©dicaux durant le confinement et prĂšs dâ1 personne sur 5 indique que son Ă©tat de santĂ© sâest dĂ©tĂ©riorĂ© du fait du renoncement ou du report de soins durant le confinement. Donc, si les rĂ©pondants Ă©taient plus reprĂ©sentatifs de la population gĂ©nĂ©rale en Belgique, le non-recours et ses consĂ©quences seraient susceptibles dâĂȘtre encore plus importants.
LâenquĂȘte se poursuit jusquâĂ la fin du mois de juin: https://uclouvainph.qualtrics.com/jfe/form/SV_8D3WX8lH34Lf6LP
Le concept de renoncement aux soins vise Ă identifier des besoins de soins non satisfaits, câest-Ă -dire non reçus alors que le patient en ressentait la nĂ©cessitĂ©. Des travaux antĂ©rieurs sur le renoncement aux soins pour raisons financiĂšres montrent que le renoncement a un effet dĂ©lĂ©tĂšre sur lâĂ©tat de santĂ© futur.
Linda Binette, chercheure indĂ©pendante quĂ©bĂ©coise en sciences de lâĂ©ducation, en santĂ© environnementale et en sciences de lâinformation nous propose de revenir dans cet article sur le rĂŽle de lâinformation relative Ă la santĂ©, la gestion de la connaissance et la formation tant pour les professionnels de santĂ© que les bĂ©nĂ©ficiaires. Elle met en avant le rĂŽle Ă©mergeant de lâ« informationniste » en santĂ© – apparu principalement dans le monde anglo-saxon et au QuĂ©bec-et nous partage quelques considĂ©rations sur les bienfaits de la lecture et de la bibliothĂ©rapie. [fin]
Informationniste en santĂ©, Ă©mergence dâune nouvelle fonction
Depuis toujours, les centres de documentation dans le domaine de la santĂ© et les bibliothĂšques mĂ©dicales jouent un rĂŽle important pour vĂ©hiculer lâinformation vers les praticiens de la santĂ©, mais aussi des bĂ©nĂ©ficiaires du systĂšme de santĂ©, dans une dĂ©marche dâĂ©ducation Ă la santĂ©. Par exemple, durant les annĂ©es 2000, dans certains milieux de la santĂ© aux Ătats-Unis et en Grande-Bretagne, considĂ©rant les enjeux prĂ©sentĂ©s par les sciences de lâinformation, la fonction de bibliothĂ©caire mĂ©dical traditionnel a Ă©tĂ© complexifiĂ©e et enrichie en un rĂŽle un peu Ă©largi, dĂ©nommĂ© « Informationniste » (Hill, 2008).IdĂ©alement, « lâinformationniste » devrait possĂ©der des connaissances en sciences de lâinformation, en informatique documentaire, tout en ayant certaines connaissances liĂ©es au domaine mĂ©dical (Brown, 2004). Par ailleurs, il faut ajouter Ă cela une connaissance du monde numĂ©rique (revues en ligne, bases de donnĂ©es âŠ) qui est maintenant omniprĂ©sent dans les divers milieux reliĂ©s Ă la santĂ©.Au QuĂ©bec, lorsque cette fonction sâest progressivement implantĂ©e, on a voulu quâelle soit Ă©volutive et quâil soit possible de lâajuster selon les milieux, les circonstances et les ressources disponibles. Il Ă©tait souhaitable que lâinformationniste puisse intervenir dans diffĂ©rents groupes â groupes de pratique, groupes cliniques, communautĂ©s de pratique interdisciplinaires â en repĂ©rant les meilleures sources dâinformation qui orienteront et serviront dâassises aux pratiques, et aideront Ă bĂątir des outils de formation. Les Ă©quipes cliniques de soins sont souvent trĂšs occupĂ©es Ă prodiguer les soins. Le fait de pouvoir compter sur des personnes capables de rechercher lâinformation la plus exhaustive et rigoureuse qui soit constitue donc un atout majeur.
Des besoins en recherche, formation et gestion des connaissances
Parmi les besoins rencontrés dans le secteur de la santé, on peut citer :
- La recherche servie par des services documentaires de qualité
- La formation continue
- La gestion des connaissances et de lâinformation
En effet, une culture de la connaissance, de lâapprentissage ou de la formation continue est Ă instaurer de plus en plus dans les centres de documentation et bibliothĂšques de la santĂ© (Robinson et al. 2005).Les aptitudes Ă donner des informations et de la formation ainsi quâĂ dĂ©velopper des outils de formation pour le personnel soignant et les patients sont Ă prioriser. Dâune part, les compĂ©tences informationnelles aident Ă savoir oĂč trouver les informations pertinentes et Ă ĂȘtre ensuite capable de les Ă©valuer. Dâautre part, le volet de la formation, la connaissance des processus dâapprentissage tout au long de la vie, et donc des principes inhĂ©rents Ă lâĂ©ducation des adultes est un atout de plus pour rĂ©pondre aux divers besoins dâapprentissage qui peuvent se prĂ©senter.Lâandragogie repose entre autres sur les analyses de besoins et dâapprentissage ainsi que lâadaptation Ă ces diverses demandes. (Knowles, 1984; Pring, 1991; Elias, 1995). Par exemple, lâinformation peut ĂȘtre formulĂ©e diffĂ©remment selon le destinataire : Un mĂ©decin veut-il de lâinformation pointue concernant les donnĂ©es recueillies sur un nouveau virus? Ou un patient demande-t-il de lâinformation exacte en rapport avec sa maladie?Les activitĂ©s de recherche et de publication ont aussi de lâimportance pour les chercheurs. Les mĂ©decins-praticiens et autres professionnels ont toujours eu lâobligation professionnelle de baser leurs dĂ©cisions sur la meilleure information disponible (Davidoff, 2000). Les questions provenant de la clinique peuvent bĂ©nĂ©ficier des avantages des derniĂšres avancĂ©es en recherche. Les «informationnistes» peuvent aussi donner un appui quant Ă la consultation de diverses ressources , ce qui donne des effets positifs sur les soins aux patients, sur le temps sauvegardĂ© et sur la qualitĂ© et lâexhaustivitĂ© de lâinformation trouvĂ©e, tout en fournissant une aide pour lâenseignement et la formation continue.
Lâapport dâInternet
Le dĂ©veloppement et lâaccessibilitĂ© dâInternet ces derniĂšres dĂ©cennies est un fait incontournable. Les consultations en ligne de la part des gens qui recherchent des informations, des conseils, des renseignements quant Ă une maladie ou autres sujets dâordre mĂ©dical ont pris de lâimportance. Les TIC ont permis lâaccessibilitĂ© aux divers types dâinformation et Ă un partage des connaissances sur le Web. En santĂ© publique, on tend Ă considĂ©rer Internet comme un outil supplĂ©mentaire pour donner des informations au patient, favoriser la promotion de la santĂ© et la prĂ©vention, et pour aider Ă rĂ©duire les inĂ©galitĂ©s sociales en santĂ©.
Une information « grand public » vs « spécialisée »?
Une vision simplifiĂ©e des choses consisterait Ă considĂ©rer quâil existe une information Ă la santĂ© dĂ©diĂ©e au « grand public » et une autre, plus spĂ©cifique, adressĂ©e au monde mĂ©dical et scientifique, englobant des bases de donnĂ©es moins accessibles car payantes. La personne qui recherche une information santĂ© «grand public», donc accessible en termes de comprĂ©hension, doit tout de mĂȘme sâassurer de la qualitĂ© de celle-ci en vĂ©rifiant les sources et en Ă©tant consciente que de vĂ©ritables industries du contenu se sont spĂ©cialisĂ©es dans le domaine de la santĂ©, faisant entrer en jeu des dynamiques commerciales et des enjeux financiers (vente de produits, etc.) (Romeyer, 2008). Quant aux articles retrouvĂ©s dans les bases de donnĂ©es spĂ©cialisĂ©es, ils ont Ă©tĂ© validĂ©s par des comitĂ©s de lecture avant publication. Il existe aussi de plus en plus dâarticles publiĂ©s en « open edition ». Selon le schĂ©ma organisationnel choisi, « lâinformationniste» ou certaines instances en santĂ© publique, peuvent aider Ă rĂ©fĂ©rencer, documenter ou construire des sites fiables accessibles au grand public. Une ambivalence subsiste toutefois chez certains professionnels de santĂ© quant Ă la validitĂ© de lâinformation vĂ©hiculĂ©e pour le grand public. Certains voient dâun mauvais Ćil le fait que les gens se documentent ainsi. Pourtant, certains sites de consultation et sources en accĂšs libre sont trĂšs valables puisque des mĂ©decins et autres professionnels de la santĂ© ont participĂ© Ă lâĂ©laboration de ces sites. Les informations de qualitĂ© et vulgarisĂ©es tout en Ă©tant valides au niveau des contenus sont souvent trĂšs utiles aux patients qui peuvent devenir plus participatifs et donc ĂȘtre capables de sâimpliquer plus activement dans la comprĂ©hension et lâapplication de leur traitement. Entre en jeu ici la notion de patient-partenaire. Ce sont eux qui vivent les symptĂŽmes de leur maladie, qui sont experts de leur vĂ©cu. En formant une Ă©quipe avec le personnel soignant, dans une relation patient-mĂ©decin empreinte de respect mutuel, un patient bien informĂ© peut reprĂ©senter un atout majeur dans la rĂ©ussite dâun traitement.
Bibliothérapie et autres bienfaits de la lecture
Un autre aspect quâil est important dâaborder est le rĂŽle des bibliothĂšques publiques et, Ă travers elles, le rĂŽle des livres et de la lecture sur lâinformation, lâĂ©ducation et le bien-ĂȘtre des gens en gĂ©nĂ©ral. Plusieurs Ă©tudes se dĂ©veloppent au sujet de la bibliothĂ©rapie. La lecture de tous types dâouvrages tels que romans, essais, ou encore recueil de poĂ©sies auraient des effets positifs au niveau de la diminution du stress, de la dĂ©pression et donc de la santĂ© physique et mentale. La lecture devient aussi un remĂšde contre le manque de littĂ©ratie dans plusieurs domaines. Les avantages au plan cognitif sont indĂ©niables. La lecture permet de contrer les mĂ©faits de la solitude, de lâisolement, de la perte dâautonomie chez plusieurs aĂźnĂ©s. Il arrive parfois que certains praticiens recommandent Ă leurs patients des titres de livres pouvant les aider dans leurs problĂ©matiques (Detambel, 2015). Mais il nây a pas que des textes Ă saveur thĂ©rapeutique qui peuvent aider en ce sens. La lecture de grands textes peut aussi devenir rĂ©paratrice et transformer le regard, faire connaĂźtre dâautres horizons et mobiliser des Ă©nergies mĂ©connues. Des catĂ©gories de livres utilisĂ©s ont Ă©tĂ© discernĂ©es en bibliothĂ©rapie. Le rĂ©pertoire classique est constituĂ© de romans, recueils de poĂ©sie, biographies, livres de fiction, etc. qui par un mĂ©canisme dâidentification, de divertissement apporte un mieux-ĂȘtre au lecteur (Detambel, 2015; PellĂ©-DouĂ«l, 2017). En effet, le lecteur, envoĂ»tĂ© par la lecture dâun livre quâil aime, y puise un rĂ©confort, un plaisir et souvent un soulagement Ă certains de ses maux ou Ă©prouve tout simplement une prĂ©sence Ă©motionnelle tout au long de son parcours de lecture. Certains livres font voyager des personnes qui nâauront jamais lâoccasion de le faire, leur faisant dĂ©couvrir des lieux et des horizons inĂ©dits (PellĂ©-DouĂ«l, 2017). Tandis que dâautres, comme les livres de dĂ©veloppement personnel et de psychologie peuvent aider certaines personnes dans des situations de vies diverses. Dâautres livres encore aident les individus Ă dĂ©celer et comprendre leur(s) problĂšme(s), rĂ©aliser quâils ne sont pas seuls, ou ressentir une certaine aide et un renforcement du bien-ĂȘtre psychologique. Mieux connue dans les pays anglo-saxons, la bibliothĂ©rapie gagnerait Ă ĂȘtre explorĂ©e. MĂȘme si cette pratique nâest pas entiĂšrement mĂ©dicalement fondĂ©e, plusieurs personnes affirment que la lecture dâun roman les a aidĂ©es Ă porter un autre regard sur les choses et mĂȘme Ă dĂ©velopper lâempathie (Matthijs et Veltkamp, 2013). Enfin, mises Ă part les valeurs thĂ©rapeutiques, les avantages de la lecture comme outil de transmission des savoirs, des informations ou tout simplement pour tous les bienfaits citĂ©s quâelle apporte auraient avantage Ă ĂȘtre connus et Ă ĂȘtre privilĂ©giĂ©s. Ces avantages incluent, entre autres, une aide Ă la relaxation, Ă la dĂ©tente, Ă lâĂ©vasion, au maintien des capacitĂ©s cognitives et au retour Ă la santĂ© sâil y a lieu.
Bibliographie
Binette, Linda et Lauzon, HĂ©lĂšne. 2008. Un nouveau modĂšle sâimpose, lâinformationniste. Argus. Vol. 37, no. 2: pp. 33-36.Brown, Helen-Ann. 2004. Clinical medical librarian to clinical information. Research paper. Vol. 32, no. 1: pp. 45-49.Davidoff, Frank, et Florance, Valerie. June 2000. The informationist: A New Health profession? Annals of Internal Medicine. Vol. 132, no. 12: pp. 996-998.Detambel, RĂ©gine. 2015. Les livres prennent soin de nous â Pour une bibliothĂ©rapie crĂ©ative. Actes-Sud. 163 p.Elias, John et Merriam, Sharan 2004. Philosophical foundations of adult education. 3 edition, Krieger Pub. Co. 286 p.Galbraith, Michael. 2003. Adult learning methods: a guide for effective instruction. Krieger, 478 p.Giuse, Nunzia B. 2005. Evolution of a Mature Clinical Informationist Model. Journal of the American Medical Informatics Association. Vol. 12 no. 3: pp. 249-255.Hill, Peter. 2008. Report of a national review of NHS health library services in England. England.Knowles, Malcolm S. et al. 1984. Andragogy in action. San Francisco: Jossey-Bass. 444 p.Matthijs Bal, P. et Veltkamp, M. 2013. How does fiction reading influence empathy? An experimental investigation on the role of emotional transportation. PLOS ONE 8(1): e55341. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0055341.McKnight, Michelyn. 2005. Librarian, Informaticists, Informationists and Other Information Professionals in Biomedicine and the Health Sciences: What Do They Do? Journal of Hospital Librarianship, Vol. 5 (1). : pp. 13-29.PellĂ©-DouĂ«l, Christilla. 2017. Ces livres qui nous font du bien. Marabout. 224 p.Pring, R. 1991. Curriculum integration proceeding of the philosophy of Education. Society of Great Britain. Vol. 5, no. 2. Supplementary issue. p. 184.Robinson, Lyn, et al. 2005. Healthcare librarians and learner support: a review of competences and methods. Health, Information and libraries Journal. Vol. 22: pp. 42-50.Romeyer, HĂ©lĂšne. 2008. TIC et santĂ©: entre information mĂ©dicale et information de santĂ©. Tic& sociĂ©tĂ©.-2(1).Sladek, Ruth et al. 2004. The Informationist in Australia: a feasibility study. Health Information and Libraries Journal. Vol. 21: pp. 94-101.Ward, Linda. 2005. A survey of UK clinical librarianship: February 2004. Health information and Libraries Journal. Vol. 22: pp. 26-34.
Au QuĂ©bec, lorsque la fĂ©minisation se forme Ă partir dâun nom masculin, on se contente dâajouter un âe Ă la fin du mot.
Docteure en sciences de lâĂ©ducation. Retrouvez son parcours et ses publications sur www.lindabinette.com
Lâandragogie se dĂ©finit comme Ă©tant la pratique de lâĂ©ducation des adultes. Le concept, nĂ© en Allemagne au 19 e siĂšcle et popularisĂ© aux Ătats-Unis et en Europe Ă partir des annĂ©es 1950, dĂ©veloppe plusieurs principes inhĂ©rents aux conditions dâapprentissage optimales des adultes.
Technologie de lâinformation et des communications
DĂšs le dĂ©but de la pandĂ©mie, le secteur « Promotion de la SantĂ© », dont les Centres Locaux de Promotion de la SantĂ© (CLPS) font partie, a dĂ» sâajuster et agir pour faire face Ă cette situation inĂ©dite, Ă lâinstar des diffĂ©rents secteurs dâactivitĂ©s composant notre sociĂ©tĂ©. En guise de premiĂšres rĂ©ponses, les CLPS ont dĂ©veloppĂ© des actions spĂ©cifiques en lien avec les stratĂ©gies de promotion de la santĂ©. Les objectifs Ă©taient de soutenir les professionnels de terrain, de les outiller et dâenvisager les possibilitĂ©s dâadaptation. La prĂ©sentation de ces actions, menĂ©es dĂšs les premiers mois de la pandĂ©mie, illustre lâintĂ©rĂȘt des dĂ©marches de promotion de la santĂ©.
Les stratégies de promotion de la santé : une grille de lecture des réponses formulées en temps de crise
La crise a bousculĂ© notre conception de la maladie, de lâhygiĂšne, de la prise de risque (individuelle et collective), de notre rapport aux autresâŠLes trĂšs nombreux messages dâinformation transmis par les autoritĂ©s nâont pas permis Ă tou.te.s dâĂ©valuer la gravitĂ© de la situation, de se sentir concernĂ©.e.s, dâestimer lâefficacitĂ© des mesures prises ou tout simplement de se sentir capable de les mettre en Ćuvre.Dans ce contexte, les stratĂ©gies de promotion de la santĂ© dĂ©veloppĂ©es dans la Charte dâOttawa en 1986 ont structurĂ© les modalitĂ©s dâintervention des CLPS.
Renforcer le développement des aptitudes individuelles
Pour permettre un changement durable de comportement, lâindividu doit se sentir en capacitĂ© dâagir. Un axe de travail consiste donc Ă augmenter ses connaissances, ses aptitudes et sa motivation au changement.Dans un premier temps, les dĂ©marches des CLPS se sont concentrĂ©es sur la sĂ©lection des ressources, particuliĂšrement abondantes durant la crise sanitaire. Celles-ci ont Ă©tĂ© diffusĂ©es Ă un large panel dâacteurs.Les CLPS ont aussi crĂ©Ă© et diffusĂ© des rĂ©pertoires dâoutils en ligne via les rĂ©seaux sociaux, leurs sites web et/ou leurs newsletters. Ces ressources, destinĂ©es Ă des publics spĂ©cifiques (enfants et famille, milieu scolaire, secteur du handicap, public des ainĂ©sâŠ) permettaient dâaborder un ensemble de thĂ©matiques en lien avec la covid-19 : explications adaptĂ©es pour la comprĂ©hension du virus et des comportements protecteurs, bien-ĂȘtre et santĂ© mentale, activitĂ©s spĂ©cifiques rĂ©alisables en pĂ©riode de confinement, dĂ©marches pratiques de maintien du lien social, etc.En parallĂšle, les centres de ressources documentaires des CLPS, malgrĂ© leur inaccessibilitĂ© physique, ont continuĂ© Ă rĂ©pondre aux demandes spĂ©cifiques, notamment en proposant des ressources disponibles au format numĂ©rique.
âŠet le pouvoir dâagir
Mais le renforcement du pouvoir dâagir ne passe pas que par la diffusion dâinformations.Les CLPS ont aussi dĂ©veloppĂ© des supports (ci-dessous) permettant lâexpression des reprĂ©sentations de la maladie, de lâhygiĂšne, des mesures de protection et Ă©galement du « vivre ensemble ».Si ces supports dâexpression des vĂ©cus et des Ă©motions sont utilisĂ©s au sein des institutions lors des accompagnements proposĂ©s par les CLPS et des concertations de professionnels, ils peuvent aussi ĂȘtre utilisĂ©s par les acteurs de terrain avec leurs publics.La diffusion dâinformations, le travail autour des reprĂ©sentations et le renforcement des compĂ©tences psychosociales Ă tout Ăąge, participent Ă redonner confiance en sa capacitĂ© de faire des choix Ă©clairĂ©s et libres pour sa santĂ© et celle de la collectivitĂ©.
« Et si on en parlait dâabord ? »
Le CLPS du Brabant Wallon a rĂ©alisĂ© cet outil afin dâĂ©changer en Ă©quipe sur la maniĂšre dont a Ă©tĂ© vĂ©cue la pĂ©riode du coronavirus et ses moments de confinement et de dĂ©confine. Retrouvez-le ici.
« Le Covid-19 et nous »
Le CLPS de Charleroi-Thuin a rĂ©alisĂ© un outil de photo-expression qui permet, Ă des personnes, en individuel ou en collectif, dâexprimer leurs ressentis et leurs reprĂ©sentations liĂ©es Ă la crise. Retrouvez-le ici.
Renforcer lâaction communautaire
Le soutien au renforcement de la cohĂ©sion sociale et de la solidaritĂ© est un Ă©lĂ©ment incontournable du travail dâaccompagnement des CLPS. Au sein de chaque territoire couvert par un CLPS, encore plus durant la pĂ©riode de crise sanitaire, des rĂ©ponses adaptĂ©es ont Ă©tĂ© initiĂ©es par de nombreux professionnels et citoyens. Les CLPS ont souhaitĂ© rendre visibles ces initiatives locales en rĂ©alisant des interviews de professionnels de secteurs variĂ©s, en recensant les projets et en les relayant via leurs sites internet, pages Facebook et newsletters.
Quelques exemples dâinitiatives qui ont vu le jour
- ouverture dâune ligne tĂ©lĂ©phonique « soutien Ă la parentalitĂ© » Ă lâinitiative de diffĂ©rents intervenants dans le secteur du soin et du social ;
- mise en place au dĂ©part dâun Centre Culturel, dâun projet avec des citoyens pour rĂ©aliser et distribuer des masques aux institutions du secteur associatif et aux Ă©coles ;
- dans le cadre de la « Plateforme Enseignement / Aide Ă la Jeunesse », enquĂȘte pour relever les besoins liĂ©s Ă la reprise des activitĂ©s mais aussi pour relever et faire connaĂźtre les bonnes pratiques de gestion de la crise.
LâamĂ©lioration des conditions de vie en soutenant la crĂ©ation dâenvironnements naturels et socioĂ©conomiques favorables Ă la santĂ©
Les mesures prises dans le cadre de la pandĂ©mie de Covid-19 en Belgique, le confinement par exemple, Ă©taient probablement essentielles maisont rĂ©vĂ©lĂ© et aggravĂ© des inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ© dĂ©jĂ existantes. AssurĂ©ment, des situations sociales complexes ont Ă©tĂ© aggravĂ©es par le contexte de pandĂ©mie : les personnes sans-abris se retrouvant dans lâincapacitĂ© de se confiner ; les personnes victimes de violences conjugales et intrafamiliales qui ne peuvent fuir leur foyer ; la difficultĂ© de tĂ©lĂ©travailler dans de bonnes conditions en situation de monoparentalitĂ©, etc.Pour promouvoir une Ă©quitĂ© en santĂ©, les interventions des CLPS se sont aussi concentrĂ©es sur des professionnels travaillant avec des publics spĂ©cifiques. Les CLPS ont poursuivi les accompagnements de certaines institutions dans le dĂ©veloppement de projets destinĂ©s Ă des publics aux vulnĂ©rabilitĂ©s variĂ©es.
Accompagner des projets spécifiques et prioritaires
Par exemple, accompagner une asbl qui accueille des femmes victimes de violences pour un travail sur la gestion du service : les conditions dâaccueil, le fonctionnement interne de lâĂ©quipe, la recherche de nouveaux partenariats pour des logements de crise, etc.
Réorienter les services de santé
La rĂ©orientation des services de santĂ© implique notamment lâarticulation entre le domaine de la santĂ©, de la promotion de la santĂ© et lâensemble des secteurs qui composent la sociĂ©tĂ©. Les CLPS ont maintenu le contact entre les acteurs locaux issus de diffĂ©rents secteurs, via des diffusions de tĂ©moignages et dâĂ©changes de pratiques, et des concertations en visio-confĂ©rence. Ces temps dâĂ©changes ont permis de structurer lâaction locale en ayant une meilleure connaissance et complĂ©mentaritĂ© des dĂ©ploiements des services de soins, sociaux, et de prĂ©vention pendant la crise.
Lancement d’une Plate-forme regroupant les acteurs et institutions de 1Ăšre ligne et 2Ăšme ligne
afin de travailler davantage en synergie dans le domaine de la santĂ© pour permettre une prise en charge plus globale de la population, en collaboration avec le Groupe de travail ‘santĂ©’ du Conseil de dĂ©veloppement Wallonie picarde. La dĂ©marche est en construction au dĂ©part dâune analyse des besoins de lâensemble de ces acteurs.
Elaborer des politiques pour la santé
Dans le cadre des accompagnements menĂ©s par les CLPS Ă lâĂ©chelon local, la participation de tous – Ă©lus, professionnels et citoyens – aux politiques locales qui agissent sur les dĂ©terminants de la santĂ© est largement encouragĂ©e.A titre dâexemples, citons la prise de conscience de communes, durant la crise, sur la nĂ©cessitĂ© de la mise en place dâun dispositif local en faveur de la qualitĂ© de vie des aĂźnĂ©s ; la mise en place de visites Ă domicile de personnes ĂągĂ©es isolĂ©es, suite Ă la fermeture des Maisons Communautaires ; la poursuite de la politique de soutien Ă la parentalitĂ© par lâorganisation dâateliers en visio-confĂ©rence, au dĂ©part de « Maison des parents » (CPAS). Cette pĂ©riode de crise sanitaire et sociale a rappelĂ© une dĂ©marche essentielle : la SantĂ© dans toutes les Politiques (SdtP). En effet, alors que le secteur mĂ©dical a Ă©tĂ© mis en avant Ă juste titre au dĂ©but de la crise, lâimportance de la prise en compte des dĂ©terminants sociaux, politiques, Ă©conomiques et environnementaux sâest rĂ©affirmĂ©e assez rapidement. Dans ce cadre, les CLPS ont encouragĂ© le maintien des concertations intersectorielles Ă lâĂ©chelon local et poursuivent leur travail de mise en commun en proposant des concertations rĂ©gionales et notamment en faveur de la qualitĂ© de vie des aĂźnĂ©s, durement touchĂ©s par cette crise.
Et maintenant ?
Ces exemples dâactions menĂ©es par les CLPS montrent la pertinence de poursuivre et dâencourager les dĂ©marches de promotion de la santĂ©. Ceux-ci pourraient utilement ĂȘtre complĂ©tĂ©s par lâensemble des actions menĂ©es localement par les acteurs de terrain, du secteur de la promotion de la santĂ© ou dâautres secteurs. Il nâen reste pas moins que la rĂ©flexion sur les opportunitĂ©s Ă dĂ©velopper dans le cadre des principes dâaction de promotion de la santĂ© doit se poursuivre.Il semble essentiel que les pouvoirs publics, en parallĂšle aux renforcements du systĂšme de soins de santĂ©, soutiennent les acteurs qui dĂ©veloppent au quotidien des actions dans le champ de la promotion de la santĂ©, notamment au niveau local. Comme le soulignent les auteurs de la Tribune « Covid 19 et lutte contre les inĂ©galitĂ©s : pour un vĂ©ritable soutien aux dynamiques territoriales de santĂ© » : « Les dynamiques territoriales de santĂ©, quand elles existent, facilitent la gestion locale de la crise (…). Ces dynamiques, marquĂ©es dans leur ADN par la lutte contre les inĂ©galitĂ©s sociales et territoriales de santĂ©, sont des points dâappui incontournables Ă la mise en place de rĂ©ponses rapides, adaptĂ©es et concertĂ©es, au plus prĂšs des besoins et ressources du territoire. La crise actuelle confirme â amĂšrement â que la santĂ© renvoie Ă un champ large de dĂ©terminants sociaux et Ă©conomiques : logement et urbanisme, Ă©ducation, alimentation, emploi, environnement, cadre de vie, etc. Les rĂ©ponses les plus pertinentes, au plus prĂšs de situations, se tissent au niveau local, dans la solidaritĂ©, avec lâensemble des acteur.rices locaux.ales, en particulier avec les habitant.e.s ».Comme soulignĂ© par le Refips : « Par son adoption dâune vision globale de la santeÌ, le domaine de la promotion de la santeÌ fournit des rĂ©ponses pour amĂ©liorer la santeÌ et le bien-eÌtre des populations de maniĂšre durable et Ă©quitable ». La promotion de la santĂ©, en complĂ©mentaritĂ© avec les autres secteurs de la sociĂ©tĂ©, aura ainsi les moyens dâaider Ă faire face aux moments de crise comme celle de la Covid-19.
PandĂ©mie de covid-19 : les rĂ©ponses de la promotion de la santĂ©. Webinaire « Education et santĂ© » organisĂ© par la Chaire Unesco, avec le professeur StĂ©phan Van den Broucke – https://www.youtube.com/watch?time_continue=340&v=eakBX2Tw1Fo&feature=emb_title
FĂ©dĂ©ration nationale dâĂ©ducation et de promotion de la santĂ©. (2020, 5 mai). Tribune de la Fnes « ĂpidĂ©mie, crise sanitaire et Covid-19 : le pouvoir dâagir de la promotion de la santĂ© ».
Le Conseil de dĂ©veloppement est une structure pilote qui anticipe lâĂ©volution de la gouvernance territoriale Ă lâĂ©chelle de la Wallonie picarde. Il est composĂ© dâacteurs des milieux politique, socio-Ă©conomique, syndical, culturel, environnementalâŠ
International Union for Health Promotion and Education, & Réseau francophone international pour la promotion de la santé. (2020). La promotion de la santé en temps de crise. https://refips.org/wp-content/uploads/2020/06/IUHPE_REFIPS_COVID19.pdf
Fabrique, Territoires et Santé, & Elus, Santé Publique et Territoire. (2020, 20 avril). Covid-19 et lutte contre les inégalités : pour un véritable soutien aux dynamiques territoriales de santé. https://espt.asso.fr/wp-content/uploads/2020/04/CP-FTS-ESPT-avril-2020.pdf
Op. Cit. International Union for Health Promotion and Education, & Réseau francophone international pour la promotion de la santé. (2020). La promotion de la santé en temps de crise.
Cette pĂ©riode de crise sanitaire, plus que jamais, nous a dĂ©montrĂ© Ă quel point la solidaritĂ© Ă©tait une valeur essentielle Ă notre sociĂ©tĂ©. Il est pourtant des associations qui nâont pas attendu quâelle soit sur le devant de la scĂšne pour lâadopter. Le Petit VĂ©lo Jaune, lancĂ© en 2013 par Vinciane Gautier et Isabelle Laurent, en a fait sa ligne directrice. Lâassociation propose un soutien bĂ©nĂ©vole aux familles en difficultĂ©s Ă Bruxelles. Le principe : offrir une assistance aux parents dâun enfant de moins de 3 ans afin de leur redonner une confiance parentale, parfois perdue sous des monceaux de difficultĂ©s ou cachĂ©e derriĂšre des situations de vie diverses. Ce faisant, Le Petit VĂ©lo Jaune peut prĂ©venir certaines situations problĂ©matiques telles que lâĂ©puisement parental qui dans les cas les plus extrĂȘmes peut mener Ă de la nĂ©gligence, voire de la maltraitance.
Education SantĂ© a rencontrĂ© Pascale Staquet qui a rejoint lâĂ©quipe en 2017. « Câest une initiative qui promeut la santĂ© Ă double titre, estime-t-elle, parce que ça a un effet positif sur les familles accompagnĂ©es par des bĂ©nĂ©voles (aussi appelĂ©s coĂ©quipiers), mais ça fait aussi du bien aux bĂ©nĂ©voles eux-mĂȘmes. Beaucoup reconnaissent que ça leur apporte vraiment du plaisir, notamment Ă certains moments de leur vie oĂč ils rencontrent des passes difficiles. »
Le Petit VĂ©lo Jaune : en pratique
Il sâagit dâoffrir une aide trĂšs concrĂšte. Les bĂ©nĂ©voles (appelĂ©s coĂ©quipiers) arrivent dans une famille oĂč il y a soit une grossesse, soit un enfant de moins de trois ans, et vont aider le ou les parents dans la gestion des petites urgences quotidiennes (aller au CPAS avec la maman, chez le mĂ©decin, faire un gĂąteau, âŠ) une fois par semaine durant un an (dans certains cas, cela peut ĂȘtre prolongĂ© si nĂ©cessaire).En gĂ©nĂ©ral, les familles qui en ont besoin sont dirigĂ©es vers Le Petit VĂ©lo Jaune par lâintermĂ©diaire de professionnels. « A lâONE ils nous connaissent bien. Mais ça peut ĂȘtre aussi une maternitĂ©, un pĂ©diatre, des psychologues, des coachs en santĂ© mentale, des plannings familiaux⊠5 Ă 10% des familles viennent car elles ont trouvĂ© le site et fait la dĂ©marche de recherche. Et de plus en plus, nous voyons des familles qui viennent sur conseil dâune autre famille, dâun ou une ami.e.» Le bouche Ă oreille commence Ă faire son effet.Et pour les bĂ©nĂ©voles, tout commence par des entretiens assez rigoureux. « Il y a deux entretiens avant de commencer. Les bĂ©nĂ©voles nous contactent, on leur renvoie un questionnaire (assez court) pour mieux les connaĂźtre et une fois quâils nous le retournent, on leur propose un premier rendez-vous pour les recevoir. LĂ , on explique le projet, on entend Ă quel moment de leur vie ils sont, quelles sont leurs motivations. On Ă©value si on les voit bien dans la position de coĂ©quipier, sâils sont dans le non-jugement, si on les sent chaleureux, etc. Ensuite, si tout va bien et quâils sont partants pour le projet, on va alors leur donner un second rendez-vous pour tout ce qui concerne les conventions, chartes, document de confidentialitĂ©… ».LâĂ©quipe du Petit VĂ©lo Jaune organise le âmatchingâ quâelle juge le plus idĂ©al en prenant compte des besoins des parents ainsi que des prĂ©fĂ©rences du ou de la bĂ©nĂ©vole. Par exemple, les communes dans lesquelles il ou elle prĂ©fĂšre se rendre mais aussi par rapport Ă ses affinitĂ©s, ce quâil ou elle prĂ©fĂšre Ă©viter, ses centres dâintĂ©rĂȘt, etc. Les coĂ©quipiers reçoivent alors un petit document anonyme qui les informe des caractĂ©ristiques principales de la famille quâon leur propose dâaccompagner et ils ont alors le choix de refuser ou non. « Sâils acceptent, ils sont prĂ©sentĂ©s Ă la famille, encadrĂ©s par ce que lâon appelle leur rĂ©fĂ©rent duo, dĂ©taille Pascale Staquet. »
Le référent duo
Le Petit VĂ©lo Jaune travaille Ă lâimage des poupĂ©es russes : les parents sâoccupent de leurs enfants, les bĂ©nĂ©voles sâoccupent des parents, et les rĂ©fĂ©rents duo sâoccupent des bĂ©nĂ©voles. Il sâagit de personnes diplĂŽmĂ©es en psychologie, travailleuses sociales, assistantes sociales, infirmiĂšres⊠souvent dâanciens professionnels du secteur. Le but est dâapporter un soutien professionnel solide Ă lâaccompagnement des bĂ©nĂ©voles. Le rĂ©fĂ©rent duo offre environ 7 heures de son temps par semaine au Petit VĂ©lo Jaune et encadre en moyenne 5 ou 6 bĂ©nĂ©voles. Câest la personne qui prĂ©sente le ou la bĂ©nĂ©vole aux parents.
Le Petit VĂ©lo Jaune est Ă la recherche de nouveaux rĂ©fĂ©rents duo ! Si vous ĂȘtes intĂ©ressĂ©.e, contactez-les via leur site internet https://www.petitvelojaune.be/ ou par mail Ă info@petitvelojaune.be
Pour aider les coĂ©quipiers, « Le Petit VĂ©lo Jaune fournit un document reprenant une dizaine de bulles sur ce qui peut ĂȘtre fait en tant que bĂ©nĂ©vole dans une famille. Ce sont des idĂ©es quâon a prĂ©sentĂ© Ă la famille en leur demandant sur quoi elle souhaite que le coĂ©quipier lâaccompagne. Par exemple, si elle souhaite ĂȘtre soutenue pour faire des dĂ©marches administratives, si lâimportant est lâ Ă©coute, de jouer avec les enfants⊠Câest une sorte de « photo de dĂ©part. »Les coĂ©quipiers font parfois plusieurs accompagnements. Mais Pascale Staquet prĂ©cise quâ« une bonne moitiĂ© des bĂ©nĂ©voles fait 2 ou 3 accompagnements. Souvent, ils restent en contact avec des familles, donc ils en accompagnent rarement plus de 3.»
Ătre rĂ©fĂ©rent duo : portrait de Claudine
Par Thibault Grégoire, initialement publié sur le site http://petitvelojaune.be
Lorsque le Petit vĂ©lo jaune fut crĂ©Ă©, en 2013, le poste de rĂ©fĂ©rent-duo nâexistait pas. Les deux fondatrices se chargeaient de chapeauter les coĂ©quipiers. DĂ©but 2016, dĂ©bordĂ©es par le nombre croissant dâaccompagnements, les coordinatrices dĂ©cident de dĂ©lĂ©guer cette responsabilitĂ© et initient le rĂŽle de rĂ©fĂ©rent-duo. Claudine Joye en sera la pionniĂšre, elle qui connait parfaitement le secteur. Jusquâil y a peu, elle Ćuvrait dans le domaine de lâaide Ă la jeunesse et plus spĂ©cifiquement dans un service de placement familial. Elle sait toute la pertinence du Petit vĂ©lo jaune : « Je suis persuadĂ©e que lorsque la dĂ©cision est prise de placer un enfant en famille dâaccueil, câest souvent parce que lâon arrive trop tard. Si certains parents avaient reçu de lâaide plus tĂŽt, sâils avaient Ă©tĂ© accompagnĂ©s plus tĂŽt dans leur vie de parents, par exemple depuis la grossesse, certains placements auraient peut-ĂȘtre pu ĂȘtre Ă©vitĂ©s. »
Fin 2018, Claudine compte 6 accompagnements clĂŽturĂ©s. « Ma mission est de pouvoir ĂȘtre disponible pour Ă©couter et conseiller le coĂ©quipier, et ce avec le recul nĂ©cessaire. Mais je ne dois pas non plus chercher Ă ĂȘtre trop prĂ©sente, Ă mâimposer. Je suis lĂ en soutien pour le coĂ©quipier, mais je nâagis pas Ă sa place, un peu de la mĂȘme maniĂšre que le coĂ©quipier avec les parents. Il sâagit donc de sans cesse trouver le juste Ă©quilibre ». Bien entendu un coĂ©quipier nâest pas lâautre. Certains sont eux-mĂȘmes parents quand dâautres sont plus dĂ©munis en prĂ©sence de nourrissons ou dâenfants en bas Ăąge. « Je me dois de communiquer davantage avec certains quand je peux en laisser dâautres plus en roue libre. Mais de façon gĂ©nĂ©rale, je les appelle assez frĂ©quemment dans les premiĂšres semaines de lâaccompagnement, lorsque les questions dâordre pratique sont nombreuses. Des coĂ©quipiers sont moins Ă lâaise lors des premiers contacts, sont plus timides, ou nĂ©cessitent que je âvalideâ la relation qui sâinstalle avec la famille. Une coĂ©quipiĂšre confrontĂ©e Ă de longs moments de silence me demandait rĂ©cemment comment rĂ©agir⊠Bien sĂ»r, je prendrai aussi souvent des nouvelles dâun coĂ©quipier qui accompagne une famille dont je sais la situation trĂšs lourde. »
Lors de la mise en place de lâaccompagnement, rĂ©fĂ©rent-duo, coĂ©quipier et parent(s) se rencontrent pour dĂ©finir les besoins prioritaires de lâaccompagnement. Une relation conflictuelle avec un enfant difficile, de multiples factures impayĂ©es introuvables, le besoin de « vider son sac » rĂ©guliĂšrement avec un autre adulte, les rĂ©alitĂ©s sont nombreuses. Le rĂ©fĂ©rent-duo ne reverra la famille, en prĂ©sence du coĂ©quipier, quâaprĂšs une premiĂšre pĂ©riode de 3 mois, sauf en cas de demande prĂ©cise. « Ce bilan de trois mois est essentiel. Il est le moment de clarifier certaines choses, de mesurer si les premiers objectifs de lâaccompagnement ont Ă©tĂ© atteints et quels sont les Ă©cueils Ă©ventuels, de rĂ©Ă©valuer ces besoins et de dĂ©finir de nouvelles prioritĂ©s pour le reste de lâannĂ©e. Je prĂ©cise quâavant toute rĂ©union avec la famille je rencontre toujours le coĂ©quipier seul, pour connaitre son ressenti sur lâaccompagnement et sur la demande du parent. Je contacte Ă©galement la famille pour connaitre son propre vĂ©cu dans la relation avec son coĂ©quipier. »
Une troisiĂšme et derniĂšre rĂ©union rĂ©fĂ©rent-duo, parent(s) et coĂ©quipier se fait Ă la clĂŽture de lâaccompagnement, aprĂšs un an. Si le besoin sâen fait ressentir, une rĂ©union prĂ©liminaire peut se tenir plus tĂŽt, aprĂšs 9 mois. « Pour ma part, jâapprĂ©cie un bilan Ă 9 mois car câest lâoccasion dâĂ©voquer dĂ©jĂ la fin de lâaccompagnement. Car oui, certains parents sont un peu paniquĂ©s de savoir que lâaccompagnement va se terminer, de peur de se retrouver Ă nouveau seuls ou dĂ©munis. Jâencourage par exemple toujours les bĂ©nĂ©voles Ă laisser une trace une fois lâaccompagnement terminĂ©, que ce soit un dessin, un objet, une photo. Pour le parent, mais surtout pour les enfants. Une rupture trop brusque pour un enfant est habituellement plus difficile, surtout sâil a dĂ©jĂ vĂ©cu des ruptures de liens familiaux. »
Les rĂ©fĂ©rents-duo participent aussi Ă diverses rĂ©unions de coĂ©quipiers, telles que les soirĂ©es âpartage de vĂ©cusâ. « Cela me permet de connaĂźtre dâautres rĂ©alitĂ©s, dâautres situations, et de façon prĂ©ventive Ă mây prĂ©parer si je dois y ĂȘtre confrontĂ©e avec le binĂŽme que je soutiens. »
La monoparentalitĂ© et lâisolement, rĂ©currents chez les familles accompagnĂ©es
En ce qui concerne les familles, environ 70% dâentre elles sont monoparentales. Pascale Staquet explique que les profils sont variĂ©s. « Les nationalitĂ©s sont variĂ©es, et nous avons aussi bien des mamans de 20 que de 48 ans. »« Nous rencontrons beaucoup de personnes dâorigine Ă©trangĂšre Ă Bruxelles, Ă©videmment, avec une partie dâentre elles issue de lâimmigration rĂ©cente. Et notamment beaucoup de femmes guinĂ©ennes qui se retrouvent seules en Belgique et sont dans leur premier logement aprĂšs ĂȘtre passĂ©es par un centre dâhĂ©bergement. Souvent, câest la premiĂšre fois quâelles ont un logement pour elles seules et elles arrivent dans un quartier un peu par hasard mais ne connaissent rien du lieu, donc Ă ce moment-lĂ le bĂ©nĂ©vole va les aider Ă comprendre les codes, dĂ©couvrir ce quâil y a autour dâelles dans le quartier, les assister au niveau administratif, etc. Dâailleurs, la plupart du temps, ces femmes se dĂ©brouillent extrĂȘmement bien avec leurs bĂ©bĂ©s, elles ont tous les gestes, savent comment faire, et câest souvent trĂšs beau de voir la maniĂšre dont elles sâoccupent de leurs enfants, donc la question, la difficultĂ©, nâest pas lĂ . Le but sera plutĂŽt de les aider dans leur processus dâintĂ©gration sociale. »« Ensuite, on voit des parents en difficultĂ© parce que leur enfant a des besoins intenses, demande Ă©normĂ©ment dâattention, est trĂšs exigeant, jamais content⊠et peut donc Ă©puiser complĂštement ses parents. » On retrouve aussi des familles avec un enfant prĂ©sentant un handicap, pour qui de nombreux soins sont nĂ©cessaires, ou encore qui gĂ©nĂšre de lâinquiĂ©tude, de la peur, chez ses parents. Les difficultĂ©s viennent parfois de situations de vie des parents : sĂ©paration durant la grossesse, coup du sort tel que le dĂ©cĂšs de proches qui auraient pu aider, etc. Un facteur est nĂ©anmoins rĂ©current : lâisolement.
Le bénévole : un soutien pour apprendre à rouler seul.es
Bien quâils soient une soixantaine actuellement, le nombres de bĂ©nĂ©voles reste infĂ©rieur Ă la demande de familles. Câest la raison pour laquelle lâassociation est constamment Ă la recherche de nouveaux bĂ©nĂ©voles. Pour ce faire, lâassociation dĂ©ploie un travail de communication important pour faire parler dâelle et pouvoir ainsi aider plus de familles. Actuellement, une grande partie des bĂ©nĂ©voles arrivent via le bouche Ă oreille.Un autre volet important du projet consiste en des temps de rencontres avec les coĂ©quipiers autour de ce quâils et elles vivent dans les familles. Le Petit VĂ©lo Jaune organise des soirĂ©es durant lesquelles ils peuvent Ă©voquer – de maniĂšre anonyme â les aspects les plus compliquĂ©s, les bons moments, comment trouver sa place au sein de la famille, mais aussi comment la quitter progressivement. Pascale Staquet prĂ©cise :Mise en Ă©vidence : « A un moment, Le Petit VĂ©lo Jaune se retire, mais souvent les liens restent. Les gens restent en contact, mĂȘme si ce nâest plus tout Ă fait de la mĂȘme façon. LâidĂ©e est que les parents puissent reprendre leur vie en main, soient autonomes et ne dĂ©pendent pas du bĂ©nĂ©vole. » Fin de mise en Ă©vidence
Faire face aux cas particuliers
La diversitĂ© des profils des familles peut amener le bĂ©nĂ©vole Ă se retrouver face Ă des parents en situation dâĂ©puisement, de mal ĂȘtre physique ou mental. âDans ce cas, nous rĂ©flĂ©chissons avec le parent sur les difficultĂ©s quâil rencontre et nous le soutenons pour rouvrir son rĂ©seau familial ou amical, trouver le moyen de rencontrer dâautres parents… Si nĂ©cessaire, nous cherchons avec eux les aides professionnelles qui pourraient le mieux les soutenir et elles sont nombreuses Ă Bruxellesâ.Parfois, les parents sont dĂ©jĂ aidĂ©s par plusieurs services et Le Petit VĂ©lo Jaune fait alors sa part dâaide en respectant une position bien dĂ©finie. « On ne fait pas dâĂ©valuation de ce quâil se passe dans les familles. Si un jour on se rend compte quâil y a une trĂšs grosse difficultĂ© et quâil nây a pas dâautre service prĂ©sent, alors, comme des voisins sâils entendent un bĂ©bĂ© qui pleure Ă cĂŽtĂ©, on va essayer dâintervenir. Mais vraiment de la mĂȘme façon quâun voisin, et on prĂ©viendrait le parent. ».
2020 pour Le Petit VĂ©lo Jaune, du printemps de la pandĂ©mie Ă lâĂ©tĂ© du dĂ©confinement
Quand il est question de parentalitĂ© et dâisolement, difficile dâignorer la pĂ©riode de confinement que nous venons tous de traverser, et qui frappe durement la tranche de la population Ă laquelle Le Petit VĂ©lo Jaune vient en aide. A cette pĂ©riode, les bĂ©nĂ©voles ont cessĂ© de se rendre dans les familles, mais sont nĂ©anmoins restĂ©s en contact avec les parents et les enfants, souvent via Whatsâapp ou par tĂ©lĂ©phone. Pascale Staquet souligne la grande crĂ©ativitĂ© dont les bĂ©nĂ©voles ont fait preuve : « ils ont lu des histoires et les ont enregistrĂ©es puis envoyĂ©es aux enfants, certains sont allĂ©s amener du matĂ©riel de bricolage, dâautres ont apportĂ© des crĂȘpes, il y en a qui sont allĂ©s chercher des colis alimentaires parce quâil y avait une dĂ©tresse Ă ce niveau-lĂ , dâautres encore allaient promener avec une maman seule avec son bĂ©bĂ© (en tenant leurs distances, bien sĂ»r)⊠». MĂȘme si le contact Ă distance ne remplace pas la prĂ©sence physique, il aura peut-ĂȘtre permis dâadoucir un peu le quotidien de ces parents.Le confinement a Ă©tĂ© suivi dâune autre pĂ©riode particuliĂšre pour lâassociation : lâĂ©tĂ©. Les organisatrices ont mis en place une aide supplĂ©mentaire et un peu diffĂ©rente pour la pĂ©riode estivale. Il sâagissait de travailler avec de jeunes bĂ©nĂ©voles (entre 18 et 30 ans) qui nâauraient pas le temps de sâengager dans un accompagnement Ă lâannĂ©e mais qui pourraient le faire Ă certains moments prĂ©cis et qui auraient un rĂŽle plutĂŽt tournĂ© vers lâanimation, pour (r)amener le plaisir du jeu. « Tous les jeunes qui ont rempli ce rĂŽle cet Ă©tĂ© Ă©taient trĂšs contents en tout cas, se rĂ©jouit Pascale Staquet. »
En route vers demain !
Si pour Bruxelles, la volontĂ© dâextension du Petit VĂ©lo Jaune sâarrĂȘterait autour de la centaine de familles afin de garder un projet Ă taille humaine, les retours et rĂ©sultats positifs obtenus ont apportĂ© aux organisatrices du projet la volontĂ© dâessaimer. Câest-Ă -dire de donner envie Ă dâautres personnes de mettre en place des projets similaires, ailleurs en Belgique. LâidĂ©e est de collaborer avec ces futures structures, notamment en partageant leur expĂ©rience. Elles espĂšrent, dans un avenir proche, voir dâautres asbl indĂ©pendantes ouvrir Ă Gembloux, Ottignies et Nivelles.
Le Petit VĂ©lo Jaune est constamment Ă la recherche de bĂ©nĂ©voles ! Si vous souhaitez vous lancer dans lâaventure : https://www.petitvelojaune.be/benevoleEt si vous aimeriez soutenir le projet mais nâavez pas le temps ou lâĂ©nergie nĂ©cessaire, vous pouvez aussi faire un don Ă lâassociation : https://www.petitvelojaune.be/nous-aider
Retrouvez les bienfaits que procure le volontariat dans notre article «Le volontariat, câest bon pour la santĂ© », par Avalosse H., Delvaux J., Morton J., RimĂ© B., Vankorenland S., Verniest R. , Ă lâadresse : https://educationsante.be/article/le-volontariat-cest-bon-pour-la-sante/
Nous avons tendance Ă considĂ©rer notre environnement comme une petite bulle dans laquelle nous sommes en sĂ©curité⊠Pourtant, des intrus, nocifs pour notre santĂ©, sây cachent trop souvent. Il sâagit des Perturbateurs Endocriniens (PE). Dans les peintures, les jeux des enfants, sur les meubles, dans les vĂȘtements ou dans les ordinateurs, ils sont prĂ©sents tout autour de nous, et de plus en plus pointĂ©s du doigts par le monde scientifique et les organismes de santĂ© publique.
LâOMS les dĂ©finit comme âune substance exogĂšne ou un mĂ©lange qui altĂšre la ou les fonction(s) du systĂšme endocrinien et, par voie de consĂ©quence, cause un effet dĂ©lĂ©tĂšre sur la santĂ© dâun individu, sa descendance ou des sous-populations’. Une dĂ©finition qui se veut large. Cependant, les noms de certains PE nous sont plus familiers que dâautres. Câest le cas pour les pesticides, et notamment le fameux glyphosate qui fut au cĆur de polĂ©miques derniĂšrement, mais aussi des insecticides, de certains parabĂšnes (dans les shampoings, notamment), les « phtalates » contenus entre autres dans les parfums, le « tĂ©flon » des poĂȘles, ou encore les « retardateurs de flammes » Une grande partie dâentre eux est issue de lâindustrie de la chimie et a Ă©tĂ© volontairement ajoutĂ©e aux produits quotidiens pour les amĂ©liorer ou augmenter notre confort (conservation, propriĂ©tĂ©s moussantes, soliditĂ© ou mallĂ©abilitĂ© du matĂ©riau, âŠ) .
« Selon lâOrganisation Mondiale de la SantĂ© (OMS), plus de 800 produits sont suspectĂ©s dâĂȘtre des perturbateurs endocriniens. Ils miment, bloquent ou modifient les hormones dont ils dĂ©traquent complĂštement le fonctionnement. Ils engendreraient allergies, troubles de la fertilitĂ©, cancers, problĂšmes neurologiques, anomalies gĂ©nĂ©tiques, diabĂšte, obĂ©sité⊠Pourtant, aucune preuve nâatteste incontestablement que la hausse de lâinfertilitĂ©, le nombre de cancers ou dâanomalies gĂ©nĂ©tiques chez lâhomme sont dus Ă ces perturbateurs endocriniens. ».Source : âPerturbateurs endocrinien Ces produits chimiques capables de bouleverser notre Ă©quilibre hormonalâ, brochure Ă©ditĂ©e par La Province de LiĂšge en 2016.
Mode de fonctionnement dâun perturbateur endocrinien et effets potentiels
DĂšs quâelles ont pu pĂ©nĂ©trer dans le sang, les substances perturbatrices se font passer pour les hormones sĂ©crĂ©tĂ©es naturellement par lâorganisme, elle les imitent. DĂšs lors, en plus de perturber la livraison des messages hormonaux, elles seraient suspectĂ©es de bloquer les hormones naturellement produites par nos glandes endocrines. Or, le systĂšme endocrinien fonctionne avec une extrĂȘme prĂ©cision et les quantitĂ©s hormonales nĂ©cessaires au contrĂŽle de lâorganisme, pour le protĂ©ger ou assurer son dĂ©veloppement par exemple, sont trĂšs faibles. Le moindre bouleversement pourrait avoir de graves consĂ©quences et mener Ă de lâinfertilitĂ©, des cancers, des anomalies gĂ©nĂ©tiques…
Quelques hormones sécrétées par les glandes endocrines :
- oestrogĂšne,
- testostérone,
- adrénaline et noradrénaline,
- progestérone,
- ocytocine,
- cortisol,
- insuline,
- mélatonine,
- prolactine,
- …
Publics Ă risque
Ce mode de fonctionnement implique que certains moments de la vie sont plus sensibles que dâautres Ă lâaction des PE. Un dĂ©rĂšglement hormonal qui surviendrait aux pĂ©riodes pendant lesquelles les tissus et organes sont en cours de dĂ©veloppement, soit pendant les premiers mois de grossesse, pourrait avoir des consĂ©quences trĂšs nĂ©fastes et provoquer, entre autres, des malformations du systĂšme gĂ©nital, voire de lâinfertilitĂ© de lâenfant.
Le SĂ©nat belge, dans son Rapport dâinformation sur la question des perturbateurs endocriniens[1] du 28 mars 2018 sâadresse particuliĂšrement aux femmes enceintes : âPour les femmes qui dĂ©sirent avoir un enfant ou qui sont enceintes, il est prĂ©fĂ©rable de limiter au maximum lâexposition aux perturbateurs endocriniens. En effet, ces substances peuvent influencer la croissance et le dĂ©veloppement du fĆtus, mĂȘme Ă de trĂšs faibles doses.â. Il est donc recommandĂ© dâĂȘtre particuliĂšrement vigilant.e en pĂ©riode gestationnelle.
Cependant, il ne sâagit pas de la seule pĂ©riode de vulnĂ©rabilitĂ©. Lors la petite enfance, durant le dĂ©veloppement (surtout la premiĂšre annĂ©e de vie), lâenfant est Ă©galement plus sensible au PE. Il en est de mĂȘme, lorsquâil/elle arrive Ă la pubertĂ© (dĂ©veloppement des organes sexuels).
Femmes enceintes, ados et jeunes enfants sont donc ceux pour qui la vigilance doit ĂȘtre accrue.
Le nĆud du problĂšme
Etablir des Ă©tudes scientifiques qui attestent rigoureusement du lien entre lâexposition Ă un PE et le dĂ©veloppement dâun cancer est Ă ce jour trĂšs compliquĂ©. La cause Ă©tant que le cancer (mais aussi la majeure partie des autres pathologies provoquĂ©es) reste multifactoriel. Or, si lâon ne peut isoler lâeffet du perturbateur endocrinien, on ne peut lâincriminer officiellement (pour plus de dĂ©tails Ă ce sujet, retrouvez lâinterview de Martine Röhl, du SPF SantĂ©, en deuxiĂšme partie de cet article). NĂ©anmoins, nombre dâexperts sâaccordent Ă dire quâil y a dĂ©jĂ suffisamment de preuves de la nocivitĂ© des PE pour se permettre dâappliquer le âprincipe de prĂ©cautionâ. [2]
Le principe de précaution
En cas de risque de dommages graves ou irrĂ©versibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prĂ©texte pour remettre Ă plus tard l’adoption de mesures effectives visant Ă prĂ©venir la dĂ©gradation de l’environnement.â
(Source : DĂ©claration de Rio, Sommet de la Terre, 1992)
Il existe de nombreuses substances qui perturbent le systĂšme endocrinien. En voici quelques-unes :
- 4-Nonylphenol : utilisĂ© dans la production de rĂ©sines Ă©poxy et stabilisants de plastiques, peinturesâŠ
- 4-Nonylphenol ethoxylates : utilisĂ© dans la production de polymĂšres, papiers, textiles, peinturesâŠ
- 4-Tert-octylphenol : intermĂ©diaire dans la production de rĂ©sines, de peinturesâŠ
- 4-Tert-octylphenol ethoxylates : dĂ©tergent utilisĂ© en biologie cellulaire et molĂ©culaire qui permet de dĂ©truire les membranes cellulaires (Triton X-100), surfactant dans les savonsâŠ
- Bis(2-ethylhexyl) phthalate (DEHP) : utilisĂ© pour assouplir les plastiques PVC et dans dâautres composĂ©s plastiques, prĂ©sence dans certaines peintures, encres dâimprimanteâŠ
- Bisphenol A : utilisĂ© dans la fabrication de plastiques polycarbonatesâŠ
Pour une liste plus longue des substances les plus souvent rencontrées : https://www.echa.europa.eu/fr/candidate-list-table
Du cÎté des autorités, les prises de décision avancent
Education Santé a rencontré Martine Röhl, en charge de la thématique PE au SPF Santé Publique.
Martine Röhl : Je travaille Ă la Direction GĂ©nĂ©rale Environnement depuis maintenant presque 16 ans, dans unservice qui sâoccupe de la gestion des risques des produits chimiques. Je coordonne les positions belges sur la thĂ©matique des perturbateurs endocriniens (PE).
JusquâĂ prĂ©sent, mon travail se situait principalement au niveau europĂ©en mais, depuis peu, le niveau belge prend de lâimportance. Le sĂ©nat, en mars 2018, a sorti un rapport dâinformation contenant 72 recommandations, dont celle dâĂ©laborer un plan dâaction national sur la thĂ©matique des perturbateurs endocriniens. Cela commence Ă se mettre en route. Les ministres de lâenvironnement et de la santĂ© ont donnĂ© le coup dâenvoi en dĂ©cembre dernier pour Ă©laborer ce plan dâaction national. Ma collĂšgue, Sandrine Jouan, et moi-mĂȘme, coordonnons ce travail. En juin, un premier projet de plan dâaction national, va ĂȘtre prĂ©sentĂ© aux ministres.
Education Santé : Et maintenant, quelle est la situation au niveau européen ?
MR : Les choses bougent Ă nouveau. Pendant tout un temps, il y a eu un blocage. En 2013, la Commission europĂ©enne devait proposer des critĂšres qui permettent dâidentifier les perturbateurs endocriniens pour les biocides/pesticides. Ils ne lâont pas fait ⊠La SuĂšde a donc intentĂ© une action au niveau de la Cour EuropĂ©enne de Justice, disant que la Commission nâavait pas rempli ses obligations. AprĂšs de longues discussions, des critĂšres ont finalement Ă©tĂ© adoptĂ©s au niveau europĂ©en en 2018, pour les biocides et les produits phytopharmaceutiques.
Pour quâune substance soit reconnue comme perturbateur endocrinien, il faut quâelle remplisse 3 conditions essentielles :
- un mode dâaction endocrinien dĂ©terminĂ©, par exemple, par des Ă©tudes in vitro (tests sur des cellules)
- un/des effet(s) néfaste(s) démontré(s) chez un organisme intact (tests sur animaux)
- une relation de cause Ă effet plausible entre les deux
(Source : SPF Santé Publique, Sécurité de la chaine alimentaire et Environnement)
Les mĂȘmes critĂšres ont donc Ă©tĂ© adoptĂ©s pour deux rĂšglements existants celui sur les biocides (pour tout ce quâon utilise notamment Ă lâintĂ©rieur des maisons pour tuer la vie), et celui sur les produits phytosanitaires (les pesticides pour lâagriculture).
Il y a aussi le rĂšglement REACH qui concerne toutes les substances qui ne sont pas rĂ©glementĂ©es par dâautres lĂ©gislations. Dans le cadre de REACH, on peut identifier des substances comme perturbateurs endocriniens sur base de la dĂ©finition de lâOMS et au cas par cas. Et actuellement, la Commission est en train dâanalyser les diffĂ©rentes lĂ©gislations qui sont concernĂ©es par la thĂ©matique (ex : matĂ©riaux en contact avec la nourriture, cosmĂ©tiques,âŠ) afin de dĂ©cider de la meilleure maniĂšre dâavancer. LâidĂ©al serait de pouvoir identifier tous les perturbateurs endocriniens au moyen dâun seul et mĂȘme outil et que cette identification ait une consĂ©quence directe sur la maniĂšre dont la substance est rĂšglementĂ©e dans tel ou tel secteur.
ES : Dans les critĂšres de reconnaissance dâun PE, on lit quâil faut montrer lâexistence dâune relation de cause Ă effet PLAUSIBLE. Quâest-ce que ça signifie exactement ?
MR : Plausible parce que câest le plus difficile Ă montrer : le lien causal. Les tests sur animaux permettent de voir des effets comme des pertes dâembryons post-implantatoires, lorsque la rate est exposĂ©e Ă certaines substance chimiques. On peut donc dire que ces substances sont toxiques pour le dĂ©veloppement des petits parce quâils ne restent pas dans lâutĂ©rus mais pour dire que câest un perturbateur endocrinien, il faut dâautres preuves, qui feraient le lien entre cet effet est un mode dâaction PE de la substance.
De plus les dĂ©cisions se prennent au niveau europĂ©en, donc des pays peuvent dire quâun certain niveau de preuve est suffisant tandis que dâautres ne seront pas dâaccord. Il y a des modes dâactions pour lesquels on dispose de plus dâĂ©tudes scientifiques. Par exemple les substances qui agissent comme plastifiants (PVC souple). Pour leur donner de la souplesse, on y ajoute des phtalates, dont plusieurs substances de cette famille sont identifiĂ©es comme perturbateurs endocriniens. Pour ceux-lĂ , on avait un mode dâaction bien connu qui a donc pu ĂȘtre utilisĂ©.
ES : Est-il vrai quâaucune Ă©tude ne dĂ©montre clairement lâimplication des PE dans les cancers ou sur lâinfertilitĂ© ?
MR : En fait si, il y en a. On sait que des substances chimiques peuvent induire le cancer ou lâinfertilitĂ©. Le bisphĂ©nol S peut par exemple agir au niveau du cycle de la femelle chez le rat. On a des donnĂ©es au niveau des rats/animaux et notre volontĂ© est de considĂ©rer quâelles sont suffisantes et quâon ne veut pas la preuve chez lâhumain (pour des raisons Ă©thiques Ă©videmment). On a dâune part les donnĂ©es de substances chimiques, et dâautre part, on voit des problĂšmes tels que des recrudescences de cancers ou autres. On sait que câest possible mais on ne sait pas dire, comme pour la cigarette et le cancer des poumons, que tels pourcentages de cancers sont dus aux PE. Pour les substances chimiques, il y a tellement de substances diffĂ©rentes quâon ne sait pas faire ce lien chez lâhomme. Ou alors dans des cas bien prĂ©cis. Je pense notamment Ă lâamiante pour laquelle on a su faire un lien parce que des travailleurs y Ă©taient exposĂ©s dans un cadre bien prĂ©cis.
Il faut aussi faire le lien entre une exposition 10, 20 ans avant et lâapparition du cancer. De plus, un cancer, câest multifactoriel⊠Donc, quelle est la part de responsabilitĂ© des substances chimiques ? Celle de lâalimentation ? Du stress ? Câest trĂšs compliquĂ© Ă dĂ©terminer. Maintenant, Ă force de rassembler les donnĂ©es, on va savoir faire des liens entre certaines substances et lâapparition de certains cancers, dans des cas bien prĂ©cis, comme lorsquâon sâest rendu compte que des femmes qui prenaient un mĂ©dicament particulier en Ă©tant enceinte voyaient leur fille dĂ©velopper, vers la vingtaine, une forme de cancer trĂšs rare. Dans ce cas-lĂ , il nâa suffi que de 7 cas pour faire le lien. Maintenant, câest essentiellement sur base de donnĂ©es animales quâon prend des dĂ©cisions. Avec parfois la difficultĂ© que lâanimal et lâhomme ne rĂ©agissent pas de la mĂȘme maniĂšre. Et les divergences de vues calent quelques fois lĂ -dessus.
Certaines Ă©tudes Ă©pidĂ©miologiques essaient quand mĂȘme de faire des liens⊠Au niveau belge, et surtout au niveau flamand, ils sont assez bien impliquĂ©s dans des programmes de biomonitoring[3] , depuis quelques annĂ©es. La RĂ©gion wallonne vient Ă©galement de lancer un programme de biomonitoring. Au niveau europĂ©en, un programme de biomonitoring rassemble diffĂ©rents pays. Câest important parce quâon nâaura pas les mĂȘmes infos si on a un petit ou un grand Ă©chantillon.
ES : Les effets dĂ©montrĂ©s des PE Ă©tant multifactoriels, difficile dâavoir des critĂšres rigoureusement scientifiques ?
MR : Oui, souvent on analyse un aspect ou un effet dâune substance isolĂ©e⊠Il faudrait tout mettre ensemble mais câest un gros travail. Câest une combinaison dâun ensemble de facteurs. Quand on fait des tests avec les animaux, on est dans des conditions standardisĂ©es. On leur donne tous la mĂȘme nourriture, ils sont dans des cages, ont un environnement contrĂŽlĂ©. Tandis que pour nous câest diffĂ©rent. Vous allez manger quelque chose, moi, peut-ĂȘtre plus de fruits et de lĂ©gumes, et je vais ĂȘtre exposĂ©e diffĂ©remment, avoir moins de stress⊠Et donc les effets peuvent ĂȘtre diffĂ©rents simplement parce quâon a des conditions environnementales diffĂ©rentes.
ES : A cÎté des substances isolées, est-il possible que 2 substances non-toxiques indépendamment le deviennent une fois mises ensembles ?
MR : Oui, câest ce quâon appelle les effets cocktails. Câest un Ă©lĂ©ment clĂ© aussi. On a montrĂ© chez lâanimal que deux substances qui nâavaient pas dâeffet de maniĂšre isolĂ©e, pouvaient ensemble induire des effets. Or, on est toujours exposĂ©s Ă une multitude de substances et donc, lĂ on joue un peu aux apprentis sorciers parce quâon ne sait pas quels sont les effets possibles⊠Au niveau des lĂ©gislations, cet aspect nâest quasiment pas pris en compte . On examine la plupart du temps les substances de maniĂšre isolĂ©e. Câest clairement quelque chose sur laquelle il faut agir, mais pour lâinstant, on ne sait pas encore comment.
ES: En plus des effets cocktails, la toxicitĂ© nâest pas liĂ©e Ă la doseâŠ
MR : Une faible exposition peut dĂ©jĂ avoir un effet. Surtout que dans notre corps, les hormones circulent Ă des concentrations trĂšs faibles (entre 10-9 et 10-12 mol/l). Jâai fait le calcul, cela Ă©quivaut Ă un petit morceau de sucre dans une piscine olympique.
Chez lâadulte, le systĂšme endocrinien a la capacitĂ© de revenir rapidement Ă lâĂ©quilibre et de sâauto-rĂ©guler, avec des boucles de contrĂŽles qui permettent de conserver lâhomĂ©ostasie (soit un Ă©tat dâĂ©quilibre du systĂšme), mais certaines pĂ©riodes de la vie sont beaucoup plus sensibles, comme les pĂ©riodes de dĂ©veloppement par exemple. Durant la grossesse, Ă©normĂ©ment de choses se construisent sous le contrĂŽle des hormones et donc des expositions Ă ce moment-lĂ peuvent vraiment avoir des effets Ă long terme. Et parfois ce nâest mĂȘme pas Ă la naissance quâon voit lâeffet. Ăa peut ĂȘtre le cas au niveau du systĂšme reproducteur, par exemple. Peut-ĂȘtre que quelque chose va se passer au moment de la puberté⊠DĂšs lors, le Conseil SupĂ©rieur de la SantĂ© (avis de 2013) a mis lâaccent sur la pĂ©riode prĂ©natale qui est vraiment une pĂ©riode trĂšs sensible, ainsi que pour les jeunes enfants.
ES: Y a-t-il une concentration en-dessous de laquelle on peut affirmer quâil nây a pas de soucis ?
MR : Il y a un dĂ©bat dâexperts, forcĂ©ment, mais câest surtout aussi une question liĂ©e aux lĂ©gislations puisque beaucoup fonctionnent sur base du risque. Certaines dĂ©cident que le risque est Ă©cartĂ© en-dessous dâune telle concentration, mais dâautres lĂ©gislations ont fait un pas plus loin et disent âOn ne sait plus calculer le risque. A partir du moment oĂč on sait quâil y a un danger et que la substance agit comme un PE, il nây a pas de concentration sĂ»re. Lâexposition doit ĂȘtre supprimĂ©eâ. Les rĂšglements Biocides et Pesticides ont cette approche. Pour REACH, ce nâest pas aussi clair, mĂȘme si les autoritĂ©s belges soutiennent ici aussi lâabsence de concentration sĂ»re pour les PE
ES : Un PE, ça disparait ou se dégrade facilement ?
MR : Cela dĂ©pend des substances, certaines se dĂ©gradent bien tandis que dâautres pas, mais aussi de lâexposition. Certaines substances sâaccumulent dans les tissus, dâautres seront Ă©liminĂ©es rapidement par le corps, mais pour ces derniĂšres, si on est continuellement exposĂ©s, câest problĂ©matique Ă©galement. Et puis, il y a les substances qui vont sâaccumuler dans lâenvironnementâŠ
LĂ aussi on a plein de cas de figure. Ici on parle Ă©normĂ©ment de la santĂ© humaine mais aprĂšs il y a aussi tout le volet environnemental. Certains mĂ©dicaments, les pilules contraceptives ne sont pas dĂ©gradĂ©s dans les stations dâĂ©puration dâeau et finissent dans les riviĂšres. Câest une problĂ©matique qui est aussi discutĂ©e au niveau europĂ©en.
ES : Précaution, donc ?
MR : Notre approche est de suivre lâavis du Conseil SupĂ©rieur de la SantĂ©, qui est de prĂ©coniser une hygiĂšne chimique. Ce sera donc : arrĂȘter de fumer, de boire de lâalcool, ventiler les chambres, faire souvent les poussiĂšres qui sont pleines de matĂ©riaux chimiques dĂ©sagrĂ©gĂ©s, Ă©viter les parfums, dĂ©sodorisants, les peintures⊠On a souvent lâimage de la future maman enceinte qui repeint la chambre de bĂ©bé⊠Non ! Ce sont des choses trĂšs ancrĂ©es et il y a vraiment une grosse communication Ă faire.
Evidemment, Ăvitez le plus possible dâutiliser des insecticides, herbicides, ⊠Ce sont quand mĂȘme des substances qui sont faites pour tuer, elles ne sont pas anodines !
Il y a des recommandations pour certains produits mais qui les suit strictement? Qui met systématiquement un masque et aÚre aprÚs avoir pulvériser un insecticide?
ES: Concernant ce qui a déjà été fait, quels résultats ?
MR : Certaines substances ont Ă©tĂ© interdites parce quâon sâest rendu compte quâelles Ă©taient persistantes, donc quâelles restaient dans lâenvironnement, quâelles se bio-accumulaient dans la graisse des animaux, et quâon en avait de plus en plus dans la chaine alimentaire. Ces substances ont Ă©tĂ© interdites au niveau international, et maintenant on voit que ça diminue⊠Une sĂ©rie dâĂ©tudes, notamment sur le lait maternel, ont Ă©tĂ© menĂ©es dans le cadre de lâOMS et montrent une diminution. Du cĂŽtĂ© de chez nous, lors du dernier biomonitoring flamand, on a testĂ© des adolescents et on constate que ces substances diminuent Ă©galement. Câest encourageant parce quâon voit que ce quâon fait en tant quâautoritĂ© a un impact.
ES : Bonne nouvelle ! Et ensuite ? Quâest-ce qui est mis en place pour sensibiliser la population ?
MR : Le Plan dâaction national devrait aborder ce point. Il y a encore beaucoup de travail Ă faire pour sensibiliser et informer le grand public. Il nous faudra aussi essayer de cibler tout particuliĂšrement les populations prĂ©carisĂ©es qui ont encore plus de mal Ă avoir accĂšs Ă lâinformation. Nous imaginerons donc un canal dâinformation spĂ©cifique Ă cette population. Mais dâautres publics concernĂ©s sont, par exemple, les mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes. Lors dâun atelier sur les PE rĂ©alisĂ© en 2017, beaucoup ont dĂ©couvert la problĂ©matique, simplement parce que ce nâest pas dans leur formation initiale. LâidĂ©al Ă lâavenir serait dâailleurs dâintĂ©grer cette thĂ©matique aux cursus universitaires. Câest aussi un travail en cours.
Le processus pour faire retirer un produit du marchĂ© prend du temps, des annĂ©es, parce quâil faut suivre des procĂ©dures Ă©tablies, avec des discussions parfois longues pour se mettre dâaccord⊠Il faut donc appliquer le principe de prĂ©caution. La connaissance est suffisante pour dire : Ă©vitons les produits Ă risque. Il ne faut pas attendre un niveau de preuve maximal, et se dire « tant que tout nâest pas prouvĂ© Ă 100%, tant que le lien causal entre telle substance et tel cancer nâest pas Ă©tabli, alors on ne fera rien ». En tant quâautoritĂ©, on traite certaines substances, on avance, mais on est aussi conscient que ça prend beaucoup (trop) de temps et quâil faut agir sur les deux fronts. A la fois faire de la prĂ©vention auprĂšs de la population, et agir en tant quâautoritĂ© pour interdire certaines substances. Ăa avance, mĂȘme si ça prend du temps et que câest parfois dĂ©courageant. Mais on y croit parce que ça a du sens !
Quelques ressources pour aller plus loin :
Nous vous conseillons de consulter le site https://www.perturbateurendocrinien.fr
- Mazzoni, M. (2018) Perturbateurs endocriniens : état des lieux et perspectives en promotion de la santé. Santé en action, n°446, pp. 46-48 : disponible sur www.santepubliquefrance.fr
- Province de LiĂšge. (2016) Les perturbateurs endocriniens : Ces produits chimiques capables de bouleverser notre Ă©quilibre hormonal. LiĂšge : Province de LiĂšge. 49p.
- Observatoire rĂ©gional de santĂ© (ORS) Ăle-de-France. (2019) Perturbateurs endocriniens. Effets sur la santĂ© et leviers dâaction en rĂ©gion Ăle-de-France. Paris : Observatoire rĂ©gional de santĂ© (ORS) Ăle-de-France, 20p.
Comment sâen protĂ©ger au mieux ?
De plus en plus de voix se font entendre, et des associations se mettent en place pour lutter contre les PE. Si certaines entreprises commencent Ă tenter de les bannir. La seule solution actuellement viable reste d’ĂȘtre soi-mĂȘme vigilant quant Ă ses achats. Quâil sâagisse de denrĂ©es alimentaires, de produits dâentretien de la maison, de matĂ©riaux de bricolage, ⊠il faut, dans la mesure du possible, contrĂŽler ses achats et sâinformer sur les contenus et origines du produit. Une tĂąche qui peut ĂȘtre fastidieuse mais qui, câest Ă espĂ©rer, deviendra une habitude avec le temps.
Pour vous aider Ă y voir plus clair, voici quelques applications pour smartphone
- Yuka : https://yuka.io/
Yuka scanne vos produits et analyse leur impact sur la santĂ©. En un clin dâĆil, il dĂ©chiffre pour vous les Ă©tiquettes : vous visualisez les produits qui sont bons et ceux quâil vaut mieux Ă©viter.
- Inci beauty : https://incibeauty.com/
- Scanner un produit
Et consulter la liste des ingrédients qui le compose
- Rechercher un produit
Afin de vérifier sa composition sans avoir le produit sous la main
- Trouver un meilleur produit
Les propositions de produits alternatifs sont lĂ pour vous aider
- S’informer sur un composant
Grùce à sa description, son appartenance aux différentes familles, etc.
[1] https://www.senate.be/www/webdriver?MItabObj=pdf&MIcolObj=pdf&MInamObj=pdfid&MItypeObj=application/pdf&MIvalObj=100663866
[2] NB : Nous sommes conscients du fait quâil est difficile dâaborder cette thĂ©matique sans mentionner le poids du lobbying. Cependant, afin de la faire de maniĂšre rigoureuse et dĂ©taillĂ©e, nous avons pris la dĂ©cision de traiter cette problĂ©matique dans un prochain article, dĂ©diĂ© exclusivement au sujet.
VoilĂ maintenant plusieurs semaines que nous sommes confinĂ©s chez nous en rĂ©ponse Ă lâĂ©pidĂ©mie du COVID 19. Ce nouveau mode de vie a chamboulĂ© nos repĂšres et nous oblige Ă revoir nos façons de faire. Si cela est vrai pour notre vie privĂ©e, ça lâest autant dans notre vie professionnelle. Comment continuer Ă ĂȘtre proche de nos publics en ces temps de distanciation physique ? Comment continuer de faire de la lutte contre le VIH une prioritĂ© quand les esprits sont concentrĂ©s sur une autre Ă©pidĂ©mie ? Comment continuer Ă atteindre nos objectifs quand certaines de nos activitĂ©s ne sont plus possibles ?
Nouvelles stratégies mises en place à la Plateforme Prévention sida pour maintenir la réalisation des objectifs de son programme.
A la Plateforme PrĂ©vention Sida, il a fallu rĂ©flĂ©chir, se concerter, prioriser les besoins et sâadapter afin de proposer rapidement des solutions pour rĂ©pondre Ă toutes ces questions. Dans un premier temps, il nous est apparu nĂ©cessaire de rassurer nos publics sur le maintien de notre prĂ©sence Ă leur cĂŽtĂ©. Par la suite, nous avons dĂ» mettre en place de nouvelles actions ou modifier nos actions habituelles pour continuer de rĂ©pondre aux besoins de nos publics. Et pour finir, nous avons Ă©galement engagĂ© une rĂ©flexion sur nos prioritĂ©s pour lâaprĂšs confinement. Dans cette recherche de nouvelles stratĂ©gies, les nouvelles technologies se sont vite imposĂ©es comme une solution. En effet, nous avons dĂšs le dĂ©but cherchĂ© Ă renforcer notre prĂ©sence sur les rĂ©seaux sociaux (Facebook, Instagram⊠outils inĂ©vitables en cette pĂ©riode de distanciation physique) pour rappeler Ă nos publics notre prĂ©sence, les rassurer et les encourager Ă rester en contact avec nous.
Il nous a Ă©galement semblĂ© important de mettre en ligne des informations sur la COVID 19 et les liens avec le VIH, en reprenant toutes les informations dont pourraient avoir besoin nos publics. Dans cette dĂ©marche, nous avons Ă©galement rĂ©flĂ©chi aux publics fragilisĂ©s en fournissant une information comprĂ©hensible et lisible, ainsi que des renseignements sur le maintien de la prise en charge de la santĂ© dans les conditions actuelles. En effet, il nous a semblĂ© primordial de lutter contre lâaugmentation de lâĂ©cart de santĂ© que pourrait induire cette nouvelle Ă©pidĂ©mie. Pour revenir aux rĂ©seaux sociaux plus spĂ©cifiquement, nous avons notamment mis en place cinq nouvelles rubriques de post Facebook et Instagram pour alimenter chaque jour nos comptes : Covid 19 et VIH, Safe Sex Quiz, le chiffre de la semaine, saviez-vous que ? et flashback (rappel sur nos anciennes campagnes). Cette stratĂ©gie de communication, nous permet de maintenir la lutte contre le VIH et les autres IST au centre des dĂ©bats et de poursuivre le dialogue autour de ces questions de santĂ© sexuelle.
Dâautres projets ont dĂ» Ă©galement modifier leur fonctionnement. Par exemple, le soutien collectif apportĂ© par le Groupe Mandela de la Plateforme PrĂ©vention Sida a Ă©tĂ© maintenu grĂące Ă la crĂ©ation dâun groupe WhatsApp et le travail des Relais PrEP sâest poursuivi par lâintermĂ©diaire des rĂ©unions en ligne et de la production de vidĂ©os informatives Ă partager sur les rĂ©seaux sociaux.
Si dans un premier temps il a fallu assurer notre prĂ©sence et la continuitĂ© de lâinformation, nous avons aussi dĂ» rĂ©flĂ©chir Ă des stratĂ©gies alternatives pour continuer de favoriser lâaccĂšs des publics aux outils de prĂ©vention du VIH et des autres IST. Notamment lâaccĂšs aux prĂ©servatifs grĂące Ă un envoi hebdomadaire de prĂ©servatifs gratuits par la poste aux personnes qui en font la demande. Mais Ă©galement en insistant sur lâimportance de les rendre disponibles dans un contexte de potentielle pĂ©nurie Ă la suite des fermetures des usines en Malaisie.
LâaccĂšs au dĂ©pistage du VIH a Ă©galement retenu notre attention. En effet, les demandes continuent dâarriver. Il fallait donc envisager une solution pour que les publics continuent Ă y avoir accĂšs, tout en respectant les rĂšgles en mesure de distanciation physique. Nous avons donc rĂ©flĂ©chi Ă un systĂšme dâenvoi dâautotests pour les tests urgents en cas de prise de risque avĂ©rĂ©e, et aprĂšs un counseling en ligne ou par tĂ©lĂ©phone pour sâassurer que la personne ait reçu toute lâaide nĂ©cessaire et saura quoi faire en cas de rĂ©sultat positif.
ConfinĂ©s individuellement chacun dans nos maisons, nous restons une Ă©quipe motivĂ©e et dĂ©terminĂ©e Ă poursuivre les objectifs de notre programme : lutter contre lâĂ©pidĂ©mie du VIH en renforçant les publics par rapport Ă la prise en charge de leur santĂ© sexuelle, maintenir la lutte contre le VIH et les autres IST dans les prioritĂ©s de nos dĂ©cideurs, favoriser lâaccĂšs Ă lâinformation et au matĂ©riel de prĂ©vention pour tous, avec une attention particuliĂšre pour les plus fragilisĂ©s, continuer de travailler avec et pour nos publics, favoriser le travail de proximitĂ©, mĂȘme si cela nous demande de revoir nos actions.
Vers une rĂ©ouverture progressiveâŠ
Depuis l’Ă©criture de l’article, le Plateforme PrĂ©vention Sida a rĂ©ouvert progressivement ses bureaux au public. Notamment des permanences deux fois par semaine pour rĂ©aliser sur rendez-vous des tests de dĂ©pistage du VIH Ă rĂ©sultat rapide, des distributions de matĂ©riel de prĂ©vention sur rendez-vous et une permanence une fois par semaine pour les personnes vivant avec le VIH qui souffrent de l’isolement. Nous adaptons toutes ces activitĂ©s aux consignes de sĂ©curitĂ© pour Ă©viter la transmission du Coronavirus (hygiĂšne des surfaces, nettoyage frĂ©quent des mains, distanciation physique et port du masque). Nos activitĂ©s continueront de s’adapter Ă l’Ă©volution de la situation.
MĂȘme si nos esprits sont prĂ©occupĂ©s par la situation que nous vivons, mĂȘme si les prioritĂ©s sont Ă la lutte contre le coronavirus, et bien que nous vivions confinĂ©s, les questions sur la vie sexuelle et affective, et les prises de risque par rapport Ă la transmission du VIH et des autres IST nâont pas disparu. MĂȘme si le confinement nous impose dâĂ©viter les contacts physiques, il est naĂŻf de penser que les gens nâont plus de rapports sexuels. La vie continue et les gens continuent de faire des rencontres sur internet, Ă se rencontrer et Ă avoir des rapports sexuels. A nous de leur apporter des messages sans porter de jugement pour leur permettre de continuer Ă le faire en se protĂ©geant contre le VIH et les autres IST. La lutte contre le VIH et les autres IST reste une prioritĂ© et nous espĂ©rons que cela le reste Ă©galement pour nos politiques afin dâĂ©viter une augmentation des chiffres relatifs au VIH et autres IST dans les annĂ©es Ă venir.
Pour en savoir plus sur la Plateforme Prévention Sida :
Plate-Forme Prévention Sida Asbl
Place de la Vieille halle aux blé 28-29
1000 Bruxelles
TĂ©l. : 02/733 72 99
www.preventionsida.org
https://preventionsida.org/fr/covid-19-les-activites-de-la-plateforme-prevention-sida-sont-impactees/
https://preventionsida.org/fr/personnes-vivant-avec-le-vih-et-coronavirus-ce-quil-faut-savoir/
https://preventionsida.org/fr/ressources/espace-mandela/
https://preventionsida.org/fr/ressources/accompagnement-communautaire-prep/
La pandĂ©mie de Covid-19 et sa prise en charge sont rĂ©vĂ©latrices dâinĂ©galitĂ©s sociales lancinantes au sein de notre sociĂ©tĂ©. Les individus et les groupes sociaux, compte tenu de leurs conditions de vie, sont touchĂ©s de maniĂšre diffĂ©renciĂ©e par le virus et par les mesures prises par les pouvoirs publics pour contenir sa propagation. Genre, Ăąge, logement, travail, revenus, statut administratif⊠vont dĂ©terminer les possibilitĂ©s de se prĂ©munir de la contagion, dâaccĂ©der Ă des soins et surtout de vivre avec plus ou moins de difficultĂ©s cette pĂ©riode de vigilance sanitaire extrĂȘme. Dans le domaine de lâinformation et des compĂ©tences dâĂ©valuation de celle-ci, le phĂ©nomĂšne Ă©pidĂ©mique met Ă©galement en Ă©vidence des facteurs de disparitĂ©s.
Lâinfo au pouvoir
Pendant cette crise, lâinformation est omniprĂ©sente. Elle joue un rĂŽle fondamental Ă plusieurs Ă©gards. Dâabord, pour les autoritĂ©s publiques (en tant quâĂ©mettrices), elle a une fonction de prĂ©vention et de contrĂŽle Ă travers une forme dâencadrement idĂ©ologique des individus. BasĂ©es sur une expertise scientifique, leurs communications martĂšlent les comportements Ă adopter (gestes barriĂšres, dispositions de confinement) et conscientisent Ă une forme de gravitĂ© en essayant de confĂ©rer un sens individuel et collectif aux dĂ©cisions prises. Leurs objectifs sont des objectifs de santĂ© publique prĂ©cis : limiter la propagation du virus, empĂȘcher une saturation des services de soins et prĂ©server le maximum de vies. Pour cela, lâĂtat doit notamment rĂ©affirmer sa puissance en communiquant les sanctions quâil adopte, sans oublier les dispositifs de soutien quâil met en place pour limiter les « effets collatĂ©raux » de ses propres mesures.
Ensuite, pour la population (ici en tant que rĂ©ceptrice), lâinformation rĂ©pond Ă un besoin de savoir. Dans une optique rationnelle, il sâagit pour elle de cerner le risque auquel elle est exposĂ©e et la maniĂšre dây faire face concrĂštement. Elle recherche lĂ une capacitĂ© dâagir dans un contexte de vulnĂ©rabilitĂ© et de limitations. Elle est Ă©galement en quĂȘte dâexplications au milieu dâun ocĂ©an dâincertitudes. Ă cĂŽtĂ© de cela, face Ă une « menace lĂ©tale » relativement proche, lâinformation vient assouvir une pulsion chez lâindividu le renvoyant Ă son propre devenir et Ă sa propre finitude. Il y a ici nĂ©cessitĂ© impĂ©rieuse de connaĂźtre la maniĂšre dont sâen sortent nos semblables et dont nous allons nous en sortir. Les diffuseurs (mĂ©dias de masse ou spĂ©cialisĂ©s, acteurs et actrices dâinternet et des rĂ©seaux sociaux, relais communautaires, entourage) offrent donc une rĂ©ponse Ă cet immense besoin dâinformations, en proposant un flot continu de contenus hĂ©tĂ©roclites avec une qualitĂ© et des enjeux inĂ©gaux. La consommation dâinformations sur la crise du coronavirus varie fortement au sein de la sociĂ©tĂ© (canaux utilisĂ©s, intensitĂ© de la prise dâinformations, attention portĂ©e Ă certaines dâentre elles plutĂŽt quâĂ dâautres) et les rĂ©actions face Ă celles-ci se dĂ©ploient sur une large palette : dâun sentiment de responsabilitĂ© au repli sur soi et Ă la peur, en passant par la compassion et lâĂ©lan de solidaritĂ©.
Lâenjeu de la littĂ©ratie en santĂ©
La littĂ©ratie en santĂ© dĂ©signe les compĂ©tences que les individus exercent pour accĂ©der aux informations, pour les comprendre, les Ă©valuer et les utiliser dans la perspective de maintenir ou dâamĂ©liorer leur santĂ© et celle de leur entourage. Pendant cette crise sanitaire, ces compĂ©tences et les possibilitĂ©s de les mettre en Ćuvre jouent un rĂŽle essentiel. Elles vont conditionner les capacitĂ©s de prĂ©vention de la maladie chez chacun·e et Ă lâĂ©chelle de la collectivitĂ©, mais aussi dĂ©terminer la santĂ© dans son aspect plus global, alors que les repĂšres sociaux sont bouleversĂ©s. En fonction des ressources sociales, Ă©conomiques et culturelles Ă disposition, le rapport Ă lâinformation variera et les compĂ©tences en littĂ©ratie en santĂ© sâexerceront Ă des Ă©chelles diffĂ©rentes.
LâĂ©valuation de lâinfo en temps dâinfodĂ©mie
InfodĂ©mie, voilĂ comment lâOrganisation Mondiale de la SantĂ© appelle cette surabondance dâinformations sur la Covid-19. Causes et origines du virus et de la maladie, symptĂŽmes et modes de transmission, traitements et mesures prophylactiques, efficacitĂ© des interventions des autoritĂ©s : ces champs font lâobjet de beaucoup dâincertitudes scientifiques, ce qui amĂšne des informations contradictoires ou relevant plus de lâhypothĂšse que du fait. Puis, il y a bien entendu des informations manipulĂ©es. Elles dĂ©ferlent, en particulier, sur les plateformes numĂ©riques et les rĂ©seaux sociaux. Compte tenu de cela, la troisiĂšme dimension de la littĂ©ratie en santĂ©, Ă savoir lâĂ©valuation de lâinformation, constitue un enjeu de taille. Les compĂ©tences que les personnes mobilisent pour Ă©mettre un jugement sur lâinformation, estimer sa fiabilitĂ©, la sĂ©lectionner, sâen distancier ou non, influeront leurs attitudes face Ă la pandĂ©mie ainsi que leur santĂ© notamment mentale. Les facteurs influençant cette capacitĂ© dâĂ©valuation sont multiples. Trois facteurs nous viennent particuliĂšrement Ă lâesprit Ă la lumiĂšre de la situation actuelle : les reprĂ©sentations, la peur et lâĂ©ducation.
Le poids des représentations
Il est Ă©vident que lâinformation consultĂ©e forge en partie les reprĂ©sentations que lâon se fait de la question. La maniĂšre dont une personne va percevoir et interprĂ©ter le risque et les moyens de se protĂ©ger va fortement varier en fonction des informations auxquelles elle aura Ă©tĂ© exposĂ©e et quâelle aura pu intĂ©grer. Par exemple, lâobtention dâune information dĂ©comptant un nombre de dĂ©cĂšs de la Covid-19 gĂ©ographiquement proches pourra rendre prĂ©gnant un sentiment de vulnĂ©rabilitĂ© par rapport Ă une maladie qui se prĂ©sentera dĂšs lors Ă lâesprit comme grave et particuliĂšrement mortelle. Mais, Ă leur tour, les reprĂ©sentations personnelles vont conditionner la maniĂšre dont lâinformation sera recherchĂ©e, sĂ©lectionnĂ©e et retenue. Sâappuyant sur les expĂ©riences vĂ©cues, les reprĂ©sentations, par exemple, du risque (proche ou lointain), du corps (fragile ou rĂ©sistant), de la science et de la mĂ©decine (porteuses ou non de solutions), mais aussi du pouvoir public (peu ou prou digne de confiance) dĂ©termineront lâattention portĂ©e Ă certaines informations, lâutilisation de certains types de sources et le crĂ©dit quâon leur accordera. Chacun·e vivant la situation Ă travers un champ de reprĂ©sentations propre, plus ou moins partagĂ© avec les autres, portera un jugement sur lâinformation de maniĂšre singuliĂšre. Une personne qui se reprĂ©sente la maladie Ă coronavirus comme une « simple grippe » et estimant que les autoritĂ©s en font trop, pourrait ĂȘtre plus encline Ă se dĂ©tourner des canaux officiels voire ĂȘtre plus rĂ©ceptive aux thĂšses alternatives.
Une sĂ©rie de biais cognitifs peuvent intervenir dans le traitement de lâinformation. Ăvoquons ici, le biais de confirmation. On aura tendance Ă chercher et Ă Ă©couter plus attentivement ce qui confirme les perspectives dĂ©jĂ installĂ©es dans notre esprit. De surcroĂźt, dans un monde numĂ©rique, oĂč une bonne part des informations est amenĂ©e par des algorithmes, le risque de figement des reprĂ©sentations grandit. BranchĂ©e sur les mĂȘmes registres informationnels, une personne sâinstalle dans une bulle qui peut sâavĂ©rer dĂ©lĂ©tĂšre surtout quand elle se compose dâinfos manipulĂ©es et/ou de contenus anxiogĂšnes.
La peur, conseillÚre en désorientation
Cet Ă©pisode pandĂ©mique dâune ampleur jamais connue par les gĂ©nĂ©rations actuelles diffuse inĂ©vitablement une certaine anxiĂ©tĂ© au sein de la population. Il la gĂ©nĂšre dâautant plus que la menace reste relativement imprĂ©cise, que lâhorizon est incertain. Face Ă ce fait social total fortement chargĂ© en Ă©motions, il est difficile de rester rationnel·le. DĂšs lors, nos capacitĂ©s de jugement et de prise de recul sâĂ©tiolent en fonction de ce vĂ©cu Ă©motionnel. Toute personne aspirant Ă trouver des solutions rapides et globales Ă la problĂ©matique, la crĂ©dulitĂ© sâaccroĂźt face Ă des explications pĂ©remptoires, dĂ©contextualisĂ©e et non-Ă©tayĂ©es (ex. : le virus a Ă©tĂ© crĂ©Ă© dans un labo) ou face Ă des remĂšdes miracles (ex. : boire de lâeau chaude tue le virus). Les informations tronquĂ©es, frelatĂ©es, manipulĂ©es, les thĂ©ories du complot qui offrent des explications limpides Ă un phĂ©nomĂšne terrifiant, sâinfiltrent donc allĂšgrement dans les flux et les esprits. Si ces nouvelles peuvent porter de graves atteintes Ă la santĂ© (dĂ©ni ou exagĂ©ration du risque, comportements prĂ©ventifs inefficaces voire nocifs), elles peuvent, elles-mĂȘmes, alimenter la peur. Par exemple, le contact avec certaines infox pourrait nous amener Ă penser que nous sommes gouvernĂ©s par des personnes qui nous cachent Ă dessein une sĂ©rie dâinformations essentielles. Des infox catastrophistes ou dĂ©clinistes peuvent nourrir une mĂ©fiance face aux institutions, au collectif, Ă lâAutre ; qui se profileront tantĂŽt comme inconscients tantĂŽt comme menaçants. MĂȘme si le sentiment de peur est prĂ©sent et sans doute inĂ©vitable dans cette situation, il ne doit pas nous empĂȘcher de continuer Ă rĂ©flĂ©chir et de se donner un dĂ©lai de traitement de lâinformation.
Info(x)
Les infox (contraction dâinformation et dâintoxication) sont rarement des fausses nouvelles, construites de toute piĂšce. Elles sont souvent des « faits manipulĂ©s sortis de leur contexte, des gĂ©nĂ©ralisations hĂątives ou des interprĂ©tations subjectives prĂ©sentĂ©es comme des faits ». Ni tout Ă fait justes, ni tout Ă fait fausses, elles sont diffusĂ©es pour diffĂ©rentes raisons en vue dâorienter les pensĂ©es et comportements : objectifs commerciaux, gĂ©opolitiques, de notoriĂ©té⊠Elles peuvent Ă©galement ĂȘtre relayĂ©es de bonne foi.
LâĂ©ducation : esprit critique es-tu lĂ ?
Certes, le parcours Ă©ducatif joue un rĂŽle. Les clĂ©s obtenues Ă lâĂ©cole et utilisĂ©es au quotidien pĂšsent sur lâapproche que nous allons avoir de lâinformation ; par exemple, pour dĂ©crypter les rĂ©cits mĂ©diatiques ou pour suspendre notre jugement Ă partir de certains indices. Mais, nous vivons ici de lâinĂ©dit : une vulnĂ©rabilitĂ© universelle dans un monde de lâimmĂ©diatetĂ© dans lequel chaque individu est producteur et consommateur de contenu. Ces clĂ©s Ă©ducatives sont donc mises Ă rude Ă©preuve et se rĂ©vĂšlent pour beaucoup insuffisantes. Il est pourtant plus que jamais nĂ©cessaire de mettre en Ćuvre notre esprit critique. Comme le dit le sociologue GĂ©rald Bronner, il sâagit dâabord de se mĂ©fier de nos intuitions, de prendre conscience de lâensemble des biais cognitifs qui interviennent dans nos jugements. Pour faire face Ă la manipulation et aux opinions peu fondĂ©es, il est indispensable de se dĂ©centrer de ses propres rĂ©actions Ă©motionnelles et dâadopter dâautres points de vue. Tout cela exige des ressources mentales et de la mĂ©thode. En effet, exercĂ©e sans mĂ©thode, la pensĂ©e critique peut paradoxalement nous amener sur la voie de la crĂ©dulitĂ©. Se mĂ©fier de tout, ne plus croire en rien nous expose aux rĂ©vĂ©lations non-fondĂ©es. Si lâĂ©mission du doute face Ă certaines informations est nĂ©cessaire, elle doit sâaccompagner dâun effort, celui de dĂ©ployer une pensĂ©e mĂ©thodique nous permettant de nous raccrocher avec raison Ă la rĂ©alitĂ©.
Employer une méthode
Lâadoption par le ou la citoyen·ne de quelques principes contribuera Ă dĂ©jouer les piĂšges de la mĂ©sinformation. Qui est son auteur·rice ? Pourquoi est-elle diffusĂ©e ? De quand date-t-elle ? Ă quelle source fait-elle rĂ©fĂ©rence ? Il est dâabord fondamental de se poser certaines questions pour dĂ©crypter lâinformation avant de lui accorder du crĂ©dit. Il sâagit ensuite de garder une circonspection face Ă ce qui est trop « Ă©vident », comme la cause unique Ă un problĂšme complexe ou une solution apportĂ©e par une seule personne.
La mĂ©thode de latĂ©ralisation peut constituer un bon levier de vĂ©rification : lâinformation est-elle confirmĂ©e sur dâautres types de mĂ©dias avec les mĂȘmes nuances ? La diversification des sources est donc importante tout comme le fait dâavoir en tĂȘte la distinction entre fait et opinion. Si le fait peut ĂȘtre vĂ©rifiĂ© et est indĂ©pendant des personnes qui le relaient, lâopinion relĂšve dâidĂ©es qui peuvent ĂȘtre discutĂ©es et partagĂ©es ou non entre les individus. Enfin, garder la maĂźtrise de lâinformation est un dernier point Ă souligner. Il sâagit de choisir et de limiter les temps dâinformation et mĂȘme de pouvoir faire un pas de cĂŽtĂ© face Ă un flux intarissable. Se dĂ©connecter permet de se donner de lâair par rapport Ă ce quâil se passe.
Suivre ces quelques principes nâest pas une mince affaire. Cela nĂ©cessite des ressources matĂ©rielles, techniques et mentales que la collectivitĂ© se doit de proposer Ă tout·e citoyen·ne.
Et les diffuseurs dans tout ça
Mais lâĂ©valuation de lâinformation se joue aussi sur dâautres tableaux. Lâenvironnement informationnel actuel est terriblement exigeant, peu propice Ă la sĂ©rĂ©nitĂ© et au dĂ©ploiement de la pensĂ©e rĂ©flexive. Dans cette infodĂ©mie, la responsabilitĂ© des diffuseurs est en jeu. Exemples :
- Les gĂ©ants du Web dĂ©clarent faire des efforts pour lutter contre les fake news en redoublant leurs efforts de signalement, mais le fondement sur lequel leurs produits commerciaux reposent, Ă savoir un marchĂ© de lâattention, est peu favorable Ă la prise de recul.
- Les mĂ©dias traditionnels (en particulier la tĂ©lĂ©vision) devraient Ă©galement poser un regard sur le cadrage quâils font de lâactualitĂ© en ayant en tĂȘte le niveau dâangoisse quâils peuvent gĂ©nĂ©rer, tout en favorisant lâappropriation critique et nuancĂ©e de lâinformation.
- La communication de crise des autoritĂ©s publiques est sans aucun doute un exercice dâĂ©quilibriste. Mais, le cas Ă©chĂ©ant, elles gagneraient Ă reconnaĂźtre publiquement leurs erreurs (ex. : gestion des masques) dans une optique dâaccroĂźtre leur transparence et dâĂ©viter de donner du grain Ă moudre aux dĂ©fenseur·euses de thĂšses conspirationnistes.
- Enfin, nâoublions pas que chacun·e dâentre nous est potentiellement diffuseur·euse dâinformations. Il relĂšve dĂšs lors de notre responsabilitĂ© citoyenne de rĂ©flĂ©chir Ă la qualitĂ© des informations et de les contextualiser avant de les relayer.
Faisant affleurer des enjeux fondamentaux, lâĂ©pidĂ©mie de Covid-19 peut ĂȘtre la cause dâun changement de sociĂ©tĂ©. Un dĂ©fi se prĂ©sente Ă nous aussi en termes dâĂ©ducation permanente et de promotion de la santĂ© avec, entre autres, lâaxe stratĂ©gique de renforcer les capacitĂ©s des citoyen·nes leur permettant dâapprivoiser ce monde de lâinformation en lien avec la santĂ© mais aussi de le repenser collectivement. Ă suivre doncâŠ
Ressources bibliographiques pour aller plus loin âŠ
- BRONNER G., Aiguiser le sens critique, in : Sciences Humaines, n°287, 2016
- DESCLOS A., La mondialisation des infox et ses effets sur la santĂ© en Afrique, lâexemple de la chloroquine, in : The conversation.fr, mars 2020
- FRAU-MEIGS D., EpidĂ©mie dâinfox, des gestes barriĂšres numĂ©riques Ă adopter, in : The conversation.fr, Avril 2020
- GURVIEZ P., Covid-19 : comment les biais cognitifs ont diminuĂ© lâefficacitĂ© de la communication officielle, in : The conversation.fr, avril 2020
- MOUTON P., Coronavirus et fausses informations : Les alĂ©as de la libertĂ© dâexpression en pĂ©riode de crise sanitaire, in : Revue des droits et libertĂ©s fondamentaux, Centre de Recherches Juridiques de Grenoble, 2020
- MURAILLE E., Rien ne prouve que le coronavirus a Ă©tĂ© crĂ©Ă© en laboratoire : les dessous de lâinfodĂ©mie sur le Covid-19, in : The conversation.fr, avril 2020
- PAAKKARI A. & OKAN O., Covid-19 : Health literacy is an underestimated problem, in : The Lancet, Avril 2020
- LOMBARD F. & MERMINOD M., Esprit critique en sciences : Comment concilier lâĂ©motion et la raison ?, Abstract de sĂ©minaire, UniversitĂ© de GenĂšve, avril 2019
- PERETTI-WATEL P., Peur, danger, menace⊠Le poids des représentations, in : Sciences Humaines, n°124, 2002
- WHO, Providing timely and accurate information to dispelthe « infodemic », in : Covid-19 situation report, n°86, Avril 2020
Note : LâĂ©quipe promotion de la santĂ© contributrice de cette rĂ©flexion Ă©crite en avril 2020 : Alexia Brumagne, MaĂŻtĂ© Cuvelier, Jeanne Dupuis, Denis Mannaerts et CĂ©line Prescott.
Par parenthĂšse, on ne peut Ă©luder le fait que certain·es profitent de ce contexte exceptionnel pour se faire une notoriĂ©tĂ©, asseoir une emprise sur les consciences en surfant sur une angoisse diffuse, nâhĂ©sitant pas Ă propager des informations non-Ă©tayĂ©es ou manipulĂ©es ; nous revenons sur ces aspects dans la suite du texte.
Mécanismes de pensée faussement logiques. Ils sont fondés sur les expériences intériorisées et les émotions. Ils altÚrent notre jugement et nous font agir intuitivement.
Ceux-ci amÚnent souvent les informations en fonction des recherches précédemment effectuées ou sur base des préférences affichées sur les réseaux sociaux.
Concept développé par Marcel Mauss qui désigne un phénomÚne qui impacte tous les champs de la société, ébranle les systÚmes et bouleverse nos habitudes.
DESCLOS A., La mondialisation des infox et ses effets sur la santĂ© en Afrique, lâexemple de la chloroquine, in : The conversation.fr, mars 2020
Cultures&SantĂ© a derniĂšrement publiĂ© des outils permettant dâobtenir quelques clĂ©s pour faire face Ă ce torrent dâinfos : Fiche Lisa n°3 : Comment Ă©valuer lâinformation pour la santĂ© sur le Web ?, Covid-19 : Comment rĂ©agir face Ă lâinfo ? (infographie et clĂ©s mĂ©thodologiques et de rĂ©flexion).
Ă ce propos, Olenka Czarnocki, une enseignante de lâInstitut Emile Gryson, donne ses clĂ©s pour rester critique face Ă lâinformation dans la vidĂ©o ConfinĂ© mais critique (https://www.youtube.com/watch?v=3cdb3XUOBzo&feature=youtu.be).
Tout est fait sur les rĂ©seaux sociaux pour capter lâattention de lâutilisateur·rice et de crĂ©er chez lui ou elle des stimuli notamment au travers des Ă©motions.
Il y a dĂ©jĂ un an de cela, en avril 2019, se dĂ©roulait la 23e confĂ©rence internationale de lâUnion Internationale de Promotion et dâEducation pour la SantĂ© (UIPES, nĂ©e en 1951 !). De cette rencontre est nĂ©e la DĂ©claration de Rotorua : « Promouvoir la santĂ© planĂ©taire et le dĂ©veloppement durable pour tous » (Nouvelle-ZĂ©lande, 2019). Quelles sont les lignes de force de cette dĂ©claration ? Faut-il y voir un colloque supplĂ©mentaire ? Une dĂ©claration de bonnes intentions ? En quoi la dĂ©claration est-elle mobilisatrice de nouvelles stratĂ©gies ? Voici une proposition de lecture critique.
PARTIE 1
Présentation de la déclaration
La dĂ©claration est avant tout lâoccasion de lier la promotion de la santĂ© aux Objectifs du DĂ©veloppement Durable (ODD) : de dĂ©montrer sa contribution Ă lâaccomplissement des ODD mais aussi de reconnaĂźtre comment ces ODD contribuent Ă amĂ©liorer la santĂ© et le bien-ĂȘtre.
Une particularitĂ© de cette dĂ©claration est que les participants Ă la confĂ©rence ont souhaitĂ© lier leurs travaux aux revendications des populations locales. La promotion de la santĂ© rejoint ainsi le concept autochtone de Waiora : la santĂ© des peuples et lâenvironnement naturel interagissent. La dĂ©claration conjointe en appelle Ă une action urgente de la communautĂ© mondiale sur les dĂ©terminants environnementaux et sociaux de la santĂ© : promouvoir la santĂ© planĂ©taire et le dĂ©veloppement durable pour tous.
Analyse partagée des défis pour une action urgente
Lâaccroissement rĂ©gulier des inĂ©galitĂ©s au sein de – et entre les classes sociales, entre les gĂ©nĂ©rations mais aussi entre les territoires, internes et externes aux pays, est inextricablement liĂ© Ă lâaugmentation des pollutions tant locales que rĂ©gionales et planĂ©taires, ainsi quâaux dĂ©rĂ©gulations climatiques et leurs impacts. Les travaux de la confĂ©rence sâappuient sur ces constats factuels, mais devenus pĂ©rennes. Constats de plus en plus clairement dĂ©montrĂ©s et qui ont un impact indĂ©niable sur la santĂ© et la qualitĂ© de vie des populations.
La dĂ©claration rappelle quâen 2015, lâAssemblĂ©e GĂ©nĂ©rale des Nations Unies a adoptĂ© un nouveau programme pour le dĂ©veloppement durable Ă lâhorizon 2030. 17 objectifs (ODD) intĂ©grant le dĂ©veloppement Ă©conomique, social et environnemental dĂ©finissent un plan dâaction mondial. Parmi ceux-ci figure la santĂ©.
Les preuves sâaccumulent et conduisent Ă interroger le modĂšle de dĂ©veloppement qui organise la production de ces inĂ©galitĂ©s, de ces dĂ©rĂ©gulations climatiques, de ces pollutions⊠La dĂ©claration souligne que le paradigme actuel de dĂ©veloppement socio-Ă©conomique de croissance infinie et dâexploitation sans fin des ressources limitĂ©es est injuste et insoutenable. Il a une incidence sur la santĂ© et la qualitĂ© de vie des populations.Les signataires de la dĂ©claration de Rotorua rĂ©clament dĂšs lors une action urgente.
Appel Ă lâaction Ă travers quatre domaines clĂ©s
La déclaration de Rotorua en appelle à une action immédiate de la communauté mondiale pour :
- Assurer lâĂ©quitĂ© en santĂ© tout au long de la vie, au sein des pays et entre eux, au sein des gĂ©nĂ©rations et entre elles.
Autrement dit, il sâagit de
- sâattaquer aux facteurs structurels qui alimentent la rĂ©partition inĂ©quitable du pouvoir, de lâargent et des ressources ;
- améliorer les conditions de vie quotidienne, en particulier des plus démunis ;
- mesurer le problĂšme, le comprendre dans son ensemble. Et Ă©valuer lâincidence des mesures dĂ©crites par la Commission sur les dĂ©terminants sociaux de la santĂ© (OMS)[1].
- Rendre tous les habitats urbains et autres, inclusifs, sans danger, rĂ©sistants, durables et favorables Ă la santĂ© et au bien-ĂȘtre de la population et de la planĂšte.
Pour ce faire, des mesures immĂ©diates pour lutter contre le changement climatique et la perte de la biodiversitĂ© sont Ă prendre, ainsi que pour rĂ©duire les disparitĂ©s des ressources disponibles, la dĂ©gradation de lâenvironnement, les migrations massives contraintes des populationsâŠ
- Concevoir et mettre en Ćuvre des stratĂ©gies efficaces et Ă©quitables dâadaptation aux changements climatiques.
Le dĂ©fi Ă relever ici est notamment dâĂ©laborer des nouvelles approches en matiĂšre de gouvernance et dâintendance mondiales, rĂ©gionales, nationales et locales. Celles-ci auront comme objectif et comme effet, dâune part de favoriser Ă©quitablement la santĂ© et le bien-ĂȘtre ; et dâautre part, de prĂ©venir et attĂ©nuer la dĂ©gradation catastrophique du climat et de lâenvironnement, en particulier dans les pays Ă faible et moyen revenu.
Cela implique donc de dĂ©velopper des politiques et des partenariats avec dâautres secteurs pour agir sur la santĂ© et le climat.
- Etablir une gouvernance, des systĂšmes et des processus collaboratifs, efficaces, responsables et inclusifs Ă tous les niveaux afin de promouvoir la participation, la paix, la justice, le respect des droits de la personne et lâĂ©quitĂ© intergĂ©nĂ©rationnelle en santĂ©.
Au programme, donc :
- respecter les droits inhérents des peuples ;
- mettre en place une gouvernance mondiale efficace et non plus dominĂ©e par des considĂ©rations Ă©conomiques et des intĂ©rĂȘts commerciaux ; et limiter les conflits dâintĂ©rĂȘts
- promouvoir la dĂ©mocratie participative, lâĂ©laboration de politiques cohĂ©rentes et la rĂ©gulation dans lâintĂ©rĂȘt public .
La communauté de la promotion de la santé
Les participants Ă la confĂ©rence de Rotorua soulignent Ă©galement, au travers de la dĂ©claration, que la communautĂ© de la promotion de la santĂ© joue un rĂŽle crucial pour promouvoir la santĂ© humaine et la santĂ© planĂ©taire. Cette communautĂ© dispose dâune expertise pertinente, y compris pour mettre en Ćuvre les ODD. Ainsi, les participants exhortent la communautĂ© Ă faire preuve de leadership Ă travers notre seule et unique planĂšte en ce sens.
LIEN VERS LA DECLARATION: https://www.iuhpe.org/images/CONFERENCES/world/2019/Rotorua_statement_fr.pdf
PARTIE 2
Proposition de lecture critique
Développement durable et promotion de la santé
La déclaration de Rotorua apportera-t-elle du neuf dans les convergences entre la promotion de la santé et le développement durable ?
Ces convergences sont mises en avant depuis quelques décennies.
DĂšs la fin des 30 glorieuses et aux premiers soubresauts de lâĂ©tat providence, des interrogations et des inquiĂ©tudes Ă©mergent, Ă lâintĂ©rieur mĂȘme du systĂšme, sur la nature du dĂ©veloppement et son avenir. Le rapport Meadows[2], publiĂ© en 1972 sous le titre « The limits to growth » (« Les limites Ă la croissance »), est sans doute la premiĂšre Ă©tude importante mettant en exergue les dangers, pour la Terre et lâhumanitĂ©, de la croissance Ă©conomique et dĂ©mographique que connait alors le monde. VoilĂ donc bientĂŽt 50 ans que cette question se pose : le dĂ©veloppement de nos sociĂ©tĂ©s est-il soutenable, malgrĂ© une utilisation « sauvage » des ressources limitĂ©es par une population en croissance rapide et une technologie galopante mais aussi polluante et consommatrice ? Cette Ă©quation est aux prĂ©mices de lâĂ©cologie, du dĂ©veloppement durable, puis de lâĂ©cologie politique.
Depuis la Charte dâOttawa (1986) et le rapport Bruntdland (1987) Ă lâOMS qui dĂ©finit les rapports entre la santĂ© et le dĂ©veloppement durable, une dizaine de dĂ©clarations, chartes et confĂ©rences nâont de cesse de promouvoir la prise en compte des dĂ©terminants sociaux, Ă©conomiques, Ă©ducatifs et, bien sĂ»r, environnementaux de la santĂ©. Mais la difficultĂ© rĂ©side dans la mise en Ćuvre de ces prises en compte.
Le Sommet de la Terre Ă Rio, tenu en 1992 sous lâĂ©gide des Nations Unies, officialise la notion de dĂ©veloppement durable et ses trois piliers : un dĂ©veloppement Ă©conomique efficace, socialement Ă©quitable et Ă©cologiquement soutenable. Par la suite, Ă travers Rio+20 et lâAssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de lâONU de 2015, les lieux de dĂ©cision ont conduit Ă une opĂ©rationnalisation plus large, via les Agendas 21 et les Objectifs 2030 (ODD). LâintĂ©rĂȘt est dâoffrir aux nations un programme appropriable tant au niveau global que local. Dans les faits, de nombreux pays ont institutionnalisĂ© des compĂ©tences en matiĂšre de dĂ©veloppement durable (en mettant en place des ministĂšres, des administrations, des services dâĂ©tudes, etc. dĂ©diĂ©s Ă ces matiĂšres). La Cop 21 et celles qui ont suivi en sont la traduction politique Ă lâĂ©chelle planĂ©taire. Le dĂ©veloppement durable, et surtout son volet environnemental et climatique devient un sujet local, rĂ©gional, national mais aussi mondial. Pourtant, ces avancĂ©es dĂ©claratives, institutionnelles et politiques ne prĂ©jugent guĂšre de rĂ©sultatsâŠ
Sur ce plan, la dĂ©claration de Rotorua est dans la continuitĂ© des ConfĂ©rences depuis celles dâOttawa et de Rio. Toutefois, elle se projette dans un espace mondialisĂ© avec une analyse actualisĂ©e mais aussi plus globale des rapports entre santĂ© et dĂ©veloppement. Son appel Ă lâurgence dâagir est activĂ©e par les crises sociales et environnementales en cours.
Quelques points dâaccroche qui diffĂ©rencient cette dĂ©claration des prĂ©cĂ©dentes
- Mondialisation et santé planétaire
La pauvretĂ©, les inĂ©galitĂ©s, le changement climatique et la pollution impactent de maniĂšre diffĂ©rente les parties du mondeâŠmais ne sâarrĂȘtent guĂšre aux frontiĂšres de quelque nature. LâenvolĂ©e dĂ©mographique, la finalitĂ© des ressources naturelles, la rĂ©partition inĂ©quitable des richesses traversent les continents et relĂšvent dâun modĂšle âĂ©conomiqueâ et idĂ©ologique quasi universalisĂ© autour de la pensĂ©e nĂ©o-libĂ©rale.
Pourtant, dĂšs lors que le DD nâest pas confinĂ© Ă lâenvironnement ou Ă un outil dâanalyse, son cadre devient une option pertinente en tant que plan dâaction global pour transformer le paradigme actuel.
Une perspective de « santĂ© planĂ©taire » – mĂȘme si lâappellation paraĂźt planante â est sans doute une utopie lĂ©gitime. On perçoit la pertinence de cette nouvelle appellation Ă lâĂ©gard de la mondialisation de lâĂ©conomie, de lâinternationalitĂ© des Ă©changes, de la distribution planĂ©taire des pollutions impactant la santĂ© de lâhumanitĂ©âŠ
Les dĂ©rĂ©gulations climatiques agissent comme les crises le font souvent : les maladies mobilisent. Elles sont un indicateur significatif de « maladie » pour la planĂšte. Significatif car elles intĂšgrent des forces qui traversent le modĂšle de sociĂ©tĂ© actuel : capitaliste, exploitant les hommes et la nature. Lâappel de Rotorua rejoint cette analyse et en appelle Ă des transformations structurelles.
Le complément de cette approche « planétaire » est la prise en compte des compétences des autochtones et populaires, tant dans les travaux de la conférence que dans sa déclaration finale. Le terreau du changement se trouve auprÚs des populations, dans la valorisation de leur culture et de leur savoir, mais aussi dans la prise en compte des conditions de leur vie quotidienne.
Mais au-delĂ des constats et des dĂ©clarations, lâabsence de volontĂ© de traduire les mobilisations populaires â contre le rĂ©chauffement climatique, par exemple – en capacitĂ© dâagir, Ă tous les niveaux de sociĂ©tĂ©, est capable de les Ă©touffer⊠fussent-elles planĂ©taires.
- Etablir une gouvernance libre et efficace
La posture planĂ©taire, traduite par les organisations internationales, est rĂ©guliĂšrement perçue comme trĂšs Ă©loignĂ©e des rĂ©alitĂ©s. Leur fonctionnement handicape lâefficacitĂ© dây faire face. Les conflits dâintĂ©rĂȘt et lâasservissement des politiques et des scientifiques sont aujourdâhui encore des facteurs dâinfluence limitants. Les exemples de temps Ă©coulĂ© entre les constats, leur analyse et les dĂ©cisions de rĂ©actions opportunes sont plĂ©thores.
La dĂ©claration de Rotorua a voulu sâassocier Ă une revitalisation de la dĂ©mocratie en valorisant la participation, les processus collaboratifs, des pratiques politiques plus responsables, des gouvernances capables de rĂ©guler lâintĂ©rĂȘt public et de le prĂ©server de lâemprise de la marchandisation, par exemple.
La contribution des populations, la reconnaissance de leurs compétences et de leurs capacités à dire leur vie et agir collectivement reste un chantier indispensable pour « réincarner » les institutions, et ainsi la filiÚre des décisions politiques.
- Les stratégies de la transformation concrÚte peu élaborées
Les dĂ©cisions portent davantage sur des amĂ©nagements que sur des transformations et laissent alors la place Ă beaucoup de dĂ©tournements. Bien des contournements de la rĂšgle son possible, ce qui traduit sa fragilitĂ©. Citons, en guise dâexemples, le rachat des excĂ©dents aux normes de CO2, les dĂ©taxations de fuel pour lâaviation, les reports dâinterdiction des pesticidesâŠ
Si les rapports entre santĂ© et environnement commencent Ă Ă©clairer certaines dĂ©cisions, on est encore loin dâune approche plus globale qui, outre lâenvironnement, prendrait en considĂ©ration les piliers Ă©conomique et social du DD, et leurs interactions. De la mĂȘme façon, les dĂ©terminants de la santĂ© tels que le logement, lâurbanisme, la culture, lâemploi ou les revenus ont beaucoup de mal Ă ĂȘtre considĂ©rĂ©s concrĂštement comme des leviers Ă actionner pour promouvoir la santĂ©.
La santĂ© nâest guĂšre dans toutes les politiques. Les diffĂ©rents secteurs de la vie sociale sont loin dâĂȘtre considĂ©rĂ©s – et de se considĂ©rer comme â des acteurs de santĂ©. Les Ă©tudes dâimpact sur la santĂ©, comme celles sur lâenvironnement, trouveraient Ă sâĂ©tendre Ă partir des piliers du DD.
- Exercer un leadership
La déclaration de Rotorua exhorte la communauté de la promotion de la santé à exercer un leadership dans cette perspective de « promouvoir la santé et le développement durable pour tous ».
Ainsi, la promotion de la santĂ© est intĂ©grĂ©e au cĆur du dĂ©veloppement durable. Cette conception stratĂ©gique est du mĂȘme ordre que « la santĂ© dans toutes les politiques », mais avec une ambition de conforter un nouveau modĂšle social. Cette conception est utopique mais mobilisatrice⊠à condition de ne pas ĂȘtre incantatoire.
En passant du concept Ă lâaction (tant locale que globale), on perçoit aisĂ©ment le porte-Ă -faux avec le modĂšle social dominant. On peut noter ĂŽ combien le projet est contre-culturel et combien sa traduction politique sâinscrit dans des rapports de force.
Lâapproche contributive de la population est confrontĂ©e Ă la diversitĂ© et la multiplicitĂ© des acteurs impliquĂ©s. Pourtant, dĂšs lors que la collectivitĂ© sâorganise avec cohĂ©rence, cela devient une force mobilisatrice : dynamique dâempowerment et Ă©ducation citoyenne, aiguillon culturel, expĂ©riences novatrices de concrĂ©tisation dâun dĂ©veloppement Ă©quitable et soutenable de nos sociĂ©tĂ©s ,plaidoyer auprĂšs des responsables institutionnels et politiques. Une force contenue, encore insuffisante dans le rapport de force…
Câest bien Ă un changement du modĂšle de sociĂ©tĂ© – avec une urgence que confirment les faits, quâobservent les experts et que vivent les gens – que la politique de promotion de la santĂ© et du dĂ©veloppement durable doit contribuer. Inscrire le dĂ©veloppement durable et la promotion de la santĂ© au cĆur dâun nouveau projet politique nâest pas aussi explicite dans le texte, malgrĂ© lâĂ©vocation de ânĂ©cessitĂ© de rĂ©formes structurellesâ (je me permets de combler ce dĂ©ficit !).
En guise de conclusion, je mâ(vous) interroge : vivons-nous rĂ©ellement le changement de paradigme de la promotion de la santĂ©, en miroir de la transformation des sociĂ©tĂ©s⊠vers une transition loin dâĂȘtre aboutie ?
Quelques ressources pour aller plus loin:
- Almendra, R., Bolte, G., Buekers, J. et al. (2019) Environmental health inequalities in Europe. Second assessment report. Coppenhagen: World Health Organization Regional Office for Europe. 148p.: disponible en ligne (en anglais) sur www.euro.who.int
- Sourimant, M. (2012) Santé environnementale: promouvoir la qualité de vie dans toutes ses dimensions. Horizon pluriel, n°23, 12p.: disponible en ligne sur www.irepsbretagne.fr
- BĂ©langer, D., Bustinza, R., Campagna, C. (2019) Changements climatiques et santĂ© : PrĂ©venir, soigner et sâadapter. Canada: Les Presses de lâUniversitĂ© de Laval, 236p.: disponible au centre de documentation du RESO
[1]
[1] Le rapport de la Commission sur les déterminants sociaux de la santé est consultable ici : https://www.who.int/social_determinants/thecommission/finalreport/fr/
Aborder les dĂ©terminants environnementaux de la santĂ© avec ceux qui en sont les plus impactĂ©s en Belgique, aller Ă la rencontre et travailler de maniĂšre participative avec un public en situation de prĂ©caritĂ©, agir Ă un niveau individuel et collectif, favoriser la cohĂ©sion sociale⊠Câest ce dont il est question avec le projet Eco Watchers. StĂ©phanie de TiĂšge, chargĂ©e de projet chez Empreintes asbl, nous en parle. Coup de projecteur sur un projet coup de cĆur !
Quâentendez-vous par âprĂ©caritĂ© environnementaleâ?
SdT : Lâenvironnement est le cadre de vie des personnes. Il fait rĂ©fĂ©rence Ă la nature, au climat, Ă la planĂšte Terre, mais aussi au logement, au quartier, Ă lâĂ©cole…La prĂ©caritĂ© environnementale dĂ©signe le lien entre ce que vivent au quotidien les personnes en situation de prĂ©caritĂ© sociale, et les enjeux environnementaux qui impactent leurs vies, leurs lieux de vie et lâensemble de la sociĂ©tĂ©. On parle ainsi de prĂ©caritĂ© Ă©nergĂ©tique, de mobilitĂ©, de questions liĂ©es Ă la santĂ© (comme les pollutions intĂ©rieures, lâhumiditĂ©…), ou encore de prĂ©caritĂ© hydrique. LâĂ©nergie, par exemple, est Ă la fois un levier financier pour les personnes et un levier pour amĂ©liorer le cadre de vie dans un logement.
Quâest-ce qui vous a amenĂ© Ă vous emparer de cette thĂ©matique ?
SdT : Chez Empreintes, nous avons conscience que la plupart des actions et animations en Ă©ducation relative Ă lâenvironnement (ERE) touchent un public dĂ©jà « averti » et plutĂŽt favorisĂ©. Pourtant, notre association a la volontĂ© de sâadresser Ă tous types de publics et de rendre accessibles les informations.
En 2007, suite Ă notre reconnaissance comme Centre rĂ©gional dâInitiation Ă lâEnvironnement (CRIE), nous avons dĂ©veloppĂ© le projet Eco Watchers. Nous avons dĂ©marrĂ© en ayant trĂšs peu de connaissances sur la prĂ©caritĂ© environnementale et sur le public en question. A cette Ă©poque, le secteur de lâERE et le secteur social partageaient peu de liens et de regards croisĂ©s sur les pratiques, les objectifs et les missions de chacun.
Au dĂ©part, un CPAS nous a interpellĂ© car ils voulaient aborder la thĂ©matique de lâĂ©nergie avec un groupe. Mais câest ensuite avec la cellule Ă©nergie du CPAS de Namur, dont la personne en charge Ă©tait Isabelle Goyens, que nous avons co-crĂ©Ă© et co-construit le projet tel quâil est actuellement, testĂ© les animations, etc.
Force est de constater que le projet rĂ©pond Ă un rĂ©el besoin aujourdâhui. Dâune animatrice, lâĂ©quipe sâest Ă©toffĂ©e aujourdâhui de 3 animateur.trice.s.
Quel est lâobjectif du projet Eco Watchers ? Quels sont les principes qui le sous-tendent ?
SdT : Le point de dĂ©part pour toute animation est toujours un besoin ou une problĂ©matique quâune personne Ă©nonce comme difficultĂ©, quâelle ne comprend pas, qui lâimpacte ou sur laquelle elle nâa pas de prise. Lâobjectif est de renforcer le pouvoir dâagir des personnes, au dĂ©part des prĂ©occupations environnementales du quotidien.
Au travers dâun atelier et dâĂ©changes avec le groupe, chaque participant est amenĂ© Ă se questionner, tester, expĂ©rimenter et trouver ensemble les rĂ©ponses Ă leurs questions. Notre posture, nourrie de lâĂ©ducation populaire et de lâĂ©ducation permanente, est de considĂ©rer chacun comme expert de sa vie et de son lieu de vie.
Dâailleurs, en tant quâanimateur, nous nâavons bien souvent mĂȘme pas de rĂ©ponse toute faite ! DĂ©marrer en tant que novice mâa aidĂ©e Ă adopter cette posture. Bien sĂ»r, avec une dizaine dâannĂ©es de travail sur cette thĂ©matique, je me suis progressivement co-construit des connaissances et des savoirs. Arriver Ă ne pas biaiser les Ă©changes et les relations en tant quâanimatrice, sâeffacer pour que chacun puisse prendre sa place, est un rĂ©el exercice. En plus, leurs rĂ©alitĂ©s sont des mines dâor de rĂ©ponses Ă leurs questions.
DĂšs le dĂ©part, il nous a semblĂ© essentiel Ă©galement de travailler tant sur lâindividuel que sur le collectif. Notre association a une expertise pĂ©dagogique dâanimation dâun collectif, tandis que nos partenaires, acteurs de lâaide sociale, ont une rĂ©elle plus-value dans lâaccompagnement individuel des personnes et de leur rĂ©alitĂ© sociale. Notre partenariat est un renforcement par chacun des niveaux dâaction.
Comment rencontrez-vous le public en situation de précarité ?
SdT : Les acteurs de lâaide sociale qui font appel Ă nous sont trĂšs variĂ©s : des CPAS, des Plans de cohĂ©sion sociale, des sociĂ©tĂ©s de logements sociaux, des rĂ©gies de quartier, des Plans dâHabitat permanent, des associations dâĂ©ducation permanente, etc. Ils constatent une forte prĂ©caritĂ© Ă©nergĂ©tique sur leur territoire, souhaitent agir mais rencontrent des difficultĂ©s pour mobiliser les gens. Nous leur donnons des outils de mobilisation et les soutenons dans cette dĂ©marche, mais nous ne sommes pas en premiĂšre ligne.
Dans un premier temps, on encourage nos partenaires Ă ne pas diffuser largement les invitations mais Ă cibler des personnes quâils connaissent dĂ©jĂ , plus facilement atteignables, quâils sentent plus rĂ©ceptifs pour participer au projet.
On a dĂ©veloppĂ© une sĂ©rie dâoutils, par exemple une boĂźte-Ă -ampoule pour inviter les personnes Ă une sĂ©ance dâinformation collective. Cette boĂźte fait office de flyer : elle « dĂ©note » par rapport aux affiches plus traditionnelles, est un objet manipulable, sans trop de texte mais surtout, elle est personnalisable. Elle permet ainsi aux travailleurs sociaux dâavoir un rĂ©el contact avec les personnes quâelles invitent. Suite Ă leur participation Ă la sĂ©ance dâinformation, les personnes reçoivent une ampoule Ă©conomique. Je ne suis pas forcĂ©ment trĂšs Ă lâaise avec cet aspect-lĂ (ndlr « la carotte » pour participer). Pourtant, force est de reconnaĂźtre que cet incitant semble fonctionner pour faire le premier pas. Le message reste toutefois quâil nây a pas dâobligation, pas de contrĂŽle, et que venir Ă cette sĂ©ance ne fait pas office dâengagement dans le projet.
Lors de cette premiĂšre rencontre, des anciens participants viennent tĂ©moigner et parler du projet avec leurs propres mots. Cette sĂ©ance est en fait dĂ©jĂ construite dans une dynamique interactive et collective, avec des moments de partage en sous-groupe, etc. Les personnes se rencontrent et crĂ©ent dĂ©jĂ du lien. ProcĂ©der ainsi a pour rĂ©sultat que presque tous poursuivent lâaventure.
Enfin, à la fin du projet, les participants sont invités à parrainer une personne de leur entourage pour participer à la prochaine session. Par cet effet « boule de neige », on parvient à atteindre des publics que les acteurs sociaux ne parviennent pas nécessairement à atteindre.
Comment se déroule ensuite le projet ?
SdT : Les groupes sont constituĂ©s de 6 Ă 12 personnes, chaque rencontre dure 2h30 et nous en organisons entre 10 et 14 au total. En concertation avec les participants, on dĂ©finit le lieu et le moment le plus opportun pour elles. Que ce soit le matin, en soirĂ©e⊠Mais on laisse un minimum de 15 jours entre chaque rencontre afin dâavoir le temps de prĂ©parer.La premiĂšre sĂ©ance est consacrĂ©e Ă poser un cadre de bienveillance qui permet Ă chacun de se sentir en sĂ©curitĂ©.
Ensuite, le dĂ©roulĂ© de chaque sĂ©ance est important Ă respecter : avoir un rĂ©el temps dâaccueil, utiliser des outils adaptĂ©s pour permettre Ă tous de suivre et de participer⊠On utilise par exemple de sĂ©ance en sĂ©ance, un « arbre Ă engagement » qui invite chacun Ă tester chez lui une piste Ă©laborĂ©e par le groupe. Cela permet aussi dâamener des changements progressifs et de faire le lien entre le projet et son propre chez soi. On va aussi demander Ă chacun de faire son relevĂ© de compteurs (une sĂ©ance est systĂ©matiquement consacrĂ©e Ă ce sujet).
Les thĂ©matiques sont listĂ©es et priorisĂ©es par le groupe. En amont, nous prĂ©parons un atelier interactif, un outil, une expĂ©rience sur le sujet de la sĂ©ance, on expĂ©rimente, on observe, on cherche, partage ensemble des solutions. Notre association favorise ce genre de dĂ©marche car nous sommes convaincus de la pertinence dâapprendre de maniĂšre interactive et en Ă©tant « acteur » de ses apprentissages, sans prof qui vient partager « La vĂ©ritĂ© ». Câest dâautant plus vrai avec un public prĂ©carisĂ© : les personnes ont souvent Ă©tĂ© abĂźmĂ©es par le systĂšme scolaire, ne maĂźtrisent pas forcĂ©ment la langue françaiseâŠ
Quand vous travaillez sur des thĂšmes tels que lâhumiditĂ© ou lâisolation des logements, sâen rendre compte et le comprendre est une chose, mais on perçoit aussi les limites dâaction pour les participants. Comment agissez-vous alors ?
SdT : En parallĂšle du projet collectif, un budget entre 200 et 500⏠par mĂ©nage est prĂ©vu pour mettre en place des amĂ©nagements dans le logement, dans lâobjectif dâamĂ©liorer leur confort de vie et amĂ©liorer la performance Ă©nergĂ©tique du logement. Celui-ci est libĂ©rĂ© si les personnes souhaitent avoir une visite du logement par le partenaire ou une structure extĂ©rieure. Les amĂ©nagements ou les Ă©quipements sont pensĂ©s pour ĂȘtre transposables Ă un autre logement : installer de bonnes tentures, mettre en place un bon Ă©clairage ou des rĂ©flecteurs de lumiĂšre, isoler certaines parois ou des pas-de-porte avec des boudinsâŠ
Il est Ă©vident que bien souvent, on vient poser des bouts de sparadrap, mĂȘme sâils apportent une petite plus-value au bien-ĂȘtre de la personne et au logement. Si lâunique objectif du projet Ă©tait dâamĂ©liorer la performance Ă©nergĂ©tique des logements, ça nâaurait presque pas de sens de procĂ©der ainsi. Ces logements sont souvent de vraies passoires Ă©nergĂ©tiques.
On travaille en fait sur lâhumain, celui qui vit dans le logement. LâĂ©nergie est presque devenue un prĂ©texte pour rassembler les gens, crĂ©er du lien social, de la solidaritĂ©, leurs redonner confiance en eux, les rendre maĂźtres de leur vie afin quâils posent des actes qui auront un effet important dans leurs vies et dans leurs droits. Je nâai pas le sentiment quâon rĂ©duise la prĂ©caritĂ© Ă©nergĂ©tique, souvent liĂ©e Ă lâaspect financier, mais on leur permet de ne pas sâenliser dans des problĂšmes, dâĂȘtre « maitre Ă bord » de leur vie et de pouvoir gĂ©rer de maniĂšre plus optimale leur logement.
Avez-vous observĂ© dâautres impacts, auprĂšs des partenaires, des propriĂ©taires ?
SdT : Parfois, de belles situations se produisent : les propriĂ©taires sont rassurĂ©s de voir que leurs locataires ne sâen fichent pas, quâils essayent de faire de leur mieux… une relation de confiance Ă©merge et peut mener Ă des amĂ©nagements plus importants du logement. Quand un groupe est constituĂ© au dĂ©part dâune mĂȘme sociĂ©tĂ© de logement, des rencontres peuvent sâorganiser avec les gestionnaires, la dynamique dâinfluence, de lien, se trouve ainsi modifiĂ©e par rapport Ă une situation de confrontation face-Ă -face. Les tĂ©moignages des personnes sont considĂ©rĂ©s comme plus lĂ©gitimes du fait quâelles sont inscrites dans ce projet, encadrĂ©es par des professionnels. On se dit dâun cĂŽtĂ© que câest regrettable de devoir en arriver lĂ , mais nous nous rĂ©jouissons aussi des impacts positifs que cela a engendrĂ©.
Parfois aussi, les locataires dĂ©cident de dĂ©mĂ©nager. Ils rĂ©alisent que lâĂ©tat de leur logement est inacceptable. Les participants sortent renforcĂ©s du projet, ils sont alors plus Ă mĂȘme dâaller chercher des solutions.
Mais le projet sensibilise Ă©galement nos partenaires de lâaide sociale, le regard quâils portent peut ĂȘtre bousculĂ© et ils apprĂ©hendent diffĂ©remment la complexe rĂ©alitĂ© des gens et la façon dâexercer leur mĂ©tier.
Et auprÚs des décideurs politiques ?
SdT : En 2017, nous avons menĂ© un projet dâinformation et de sensibilisation Ă destination des politiques, avec le RĂ©seau Wallon de Lutte contre la PauvretĂ©, le RĂ©seau Wallon de lâAccĂšs durable Ă lâEnergie et les Ă©quipes populaires. Des tĂ©moins du vĂ©cu sont allĂ©s Ă leur rencontre pour tĂ©moigner et tenter de rĂ©duire le fossĂ© entre eux et les dĂ©cideurs, afin quâils puissent mieux apprĂ©hender la situation de vie des personnes. Ce fut trĂšs riche. A lâavenir, on continuera dâappuyer les acteurs qui mĂšnent ce genre dâinitiatives.
Que ce soit envers les politiques, les partenaires, le grand public… il y a un Ă©norme travail de dĂ©construction des prĂ©jugĂ©s Ă faire. Les personnes en situation de prĂ©caritĂ© font extrĂȘmement attention Ă leurs consommations, elles y sont bien obligĂ©es ! Ainsi, elles dĂ©veloppent des systĂšmes hyper ingĂ©nieux pour rĂ©duire leurs consommations, « les personnes en situation de prĂ©caritĂ© »] elles nâont en fait pratiquement aucun impact environnemental avec leur façon de vivre. Ce sont donc elles qui devraient dĂ©livrer un message fort, auprĂšs du grand public, des dĂ©cideurs, de toutes celles et ceux qui veulent ĂȘtre dans la transition et agir face Ă lâurgence climatique. Ca nous placerait tous dans une situation dâhumilitĂ© salutaire!
Rendez-vous sur le site dĂ©diĂ© au projet : www.precarite-environnement.bePour plus dâinfos sur Empreintes asbl : www.empreintes.be
Quelques ressources pour aller plus loin :
- Fabrique Territoires SantĂ© (2019) PrĂ©caritĂ© et santĂ©-environnementâŻ: Lutter localement contre les inĂ©galitĂ©s environnementales de santĂ© (Dossier ressources et Inspiration actions). Paris: Fabrique Territoires SantĂ©, 85p.: disponible en ligne sur www.frabrique-territoires-sante.org
- Fourmeaux, A. (2019) Logement et SantĂ©âŻ: des droits indissociables. Les Echos du Logement, n°125, 72p.: disponible en ligne sur www.lampspw.wallonie.be
- Dubois, F. (2019) Bien se loger, mettre sa santĂ© Ă lâabri. SantĂ© conjuguĂ©e, n°47, 48p.: disponible sur www.maisonmedicale.org
- Domergue, M., Taoussi, L. (2016) Le mal-logement, déterminant sous-estimé de la santé. Santé en action, n°437, pp. 18-21: disponible en ligne sur www.santepubliquefrance.fr
La pandémie de COVID-19 et les mesures de confinement ont (eu) de multiples conséquences sur le fonctionnement de notre société. De nombreux lieux de travail, de vie, de socialisation, de commerce, de santé physique et mentale ont fermé ; les travailleur·ses essentiel.lle.s, y compris le personnel de santé, les travailleur·ses sociaux, les caissier·es, les éboueur·ses, les livreur·ses, les enseignant·es, continuent de travailler afin de permettre la continuité et la survie de la société tout entiÚre, au péril de leur santé et de leur vie.
La crise sanitaire actuelle est anxiogĂšne et stressante pour une large proportion de la population, qui est contrainte de puiser dans ses ressources psychologiques, sociales et financiĂšres pour la traverser. Les politiques publiques dâaustĂ©ritĂ© menĂ©es ces derniĂšres dĂ©cennies en matiĂšre de santĂ© et de sĂ©curitĂ© sociale, ainsi que les mesures prises en rĂ©ponse Ă la pandĂ©mie, ont engendrĂ© nombre de dĂ©gĂąts collatĂ©raux, rĂ©duisant drastiquement la capacitĂ© du secteur du soin Ă gĂ©rer la crise et renforçant les inĂ©galitĂ©s sociales (de santĂ©, de genre) prĂ©existantes. Les populations prĂ©carisĂ©es (y compris une partie des usager·es de drogues), dĂ©jĂ davantage vulnĂ©rables en temps ordinaires, sont particuliĂšrement impactĂ©es par la crise actuelle et les mesures de confinement. La pandĂ©mie de COVID-19 exacerbe ainsi les inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ© et rĂ©vĂšle les rouages systĂ©miques qui participent Ă leur reproduction ; elle rappelle Ă©galement le rĂŽle fondamental de la promotion de la santĂ©.
Le renforcement des inégalités sociales
Les inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ© suivent le gradient social. Ce qui signifie que plus un individu occupe une position socio-Ă©conomique dĂ©favorable (câest-Ă -dire un statut socio-Ă©conomique â ou SSE â faible), plus il a de probabilitĂ©s dâĂȘtre en mauvaise santĂ©. De nombreux facteurs biologiques, psychosociaux et environnementaux interviennent dans cette corrĂ©lation et dĂ©terminent la santĂ© physique et mentale des individus.LâĂ©tat de santĂ© physique et mentale, le logement, la qualitĂ© des liens sociaux, la fracture numĂ©rique, les conditions de travail et la possibilitĂ© de travailler en sĂ©curitĂ©, le fait dâavoir un revenu garanti et suffisant, le fait dâavoir un permis de sĂ©jour, lâaccĂšs aux soins de santĂ©, le genre, les mĂ©canismes de sĂ©curitĂ© sociale, les reprĂ©sentations de la sociĂ©tĂ©, lâaccĂšs Ă lâinformation et la littĂ©ratie en santĂ©, etc. sont autant de dĂ©terminants qui influent sur les risques sanitaires et psychosociaux liĂ©s Ă la pandĂ©mie de COVID-19.La crise sanitaire et les mesures politiques quâelle a entraĂźnĂ©es nâimpactent donc pas uniformĂ©ment lâensemble de la population. Dâabord, les personnes de SSE faible sont davantage Ă risque que les personnes SSE Ă©levĂ©, parce que 1) elles sont davantage exposĂ©es Ă la COVID-19, et dĂšs lors plus Ă risque de le contracter et de le transmettre, et 2) elles sont globalement en moins bonne santĂ© que la population gĂ©nĂ©rale, ce qui peut augmenter les risques de dĂ©velopper des formes sĂ©vĂšres de la COVID-19.
En effet, les professions considĂ©rĂ©es comme essentielles en temps de crise sanitaire sont majoritairement occupĂ©es par des personnes de SSE faible, des personnes racisĂ©es et issues de lâimmigration, et sont fortement fĂ©minisĂ©es (aides soignant·es, infirmier·es, agent·es dâentretien, caissier·es, livreur·ses, aides mĂ©nagĂšres Ă domicile, etc. ; IREPS, 2020). Les personnes de SSE faible exercent aussi souvent des mĂ©tiers qui ne permettent pas le tĂ©lĂ©travail (ouvrier·es, employé·es, en opposition aux cadres par exemple). De plus, la forte promiscuitĂ© et densitĂ© des logements prĂ©caires ou quartiers Ă hauts taux de pauvretĂ© et de chĂŽmage participe Ă la transmission du virus au sein dâune mĂȘme famille ou dâun ensemble dâhabitations. Enfin, la prĂ©sence de maladies prĂ©existantes (notamment hypertension, diabĂšte, obĂ©sitĂ©, maladies respiratoires ; Lang et al, 2020) peut jouer sur le dĂ©veloppement de sĂ©vĂšres difficultĂ©s respiratoires liĂ©es au virus, pouvant mener au dĂ©cĂšs. De plus, les mĂ©nages de SSE faible sont davantage susceptibles de retarder lâaccĂšs aux soins, en temps ordinaire et dâautant plus en temps de crise (Lang et al, 2020 ; Observatoire de la santĂ© et du social, 2017).Ensuite, les mesures de confinement impactent diffĂ©remment la santĂ© physique et mentale des individus selon leurs conditions de vie. De nouveau, les violences intrafamiliales, lâaccĂšs Ă un domicile oĂč se confiner, la possibilitĂ© de payer un loyer, la salubritĂ© et la promiscuitĂ© au sein du logement, lâaccĂšs Ă un jardin, un balcon, un parc public, ont un impact non-nĂ©gligeable sur le vĂ©cu du confinement et la santĂ© globale des personnes. Le renforcement de la prĂ©sence policiĂšre et la multiplication des contrĂŽles touchent particuliĂšrement les populations sans domicile ou ayant un logement prĂ©caire, davantage prĂ©sentes en rue. Ceci peut Ă©galement impacter la santĂ© mentale des individus et les pousser Ă se cacher davantage ; autant dâĂ©lĂ©ments qui compliquent le travail dâoutreach et dâaccompagnement de ces publics (Alter Ă©chos, 2020a). De plus, les mesures de confinement peuvent entraĂźner le chĂŽmage (partiel), le licenciement ou lâimpossibilitĂ© de poursuivre le travail cachĂ© exercĂ© jusquâĂ prĂ©sent (prostitution, travail au noir, deal, mendicitĂ©, etc.).ParallĂšlement, les dispositifs officiels (notamment les banques alimentaires, les associations et services publics de prĂ©vention, accompagnement et santĂ©) ou officieux (par exemple, rĂ©cupĂ©rer les invendus alimentaires) tentant (tant bien que mal) dâordinaire de pallier les inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ© et la reproduction sociale sont fermĂ©s ou considĂ©rablement rĂ©duits/ralentis par les mesures de confinement. Câest notamment le cas des Ă©coles. La dĂ©scolarisation a des effets considĂ©rables sur la reproduction des inĂ©galitĂ©s sociales au sein des familles ayant un SSE faible. Dâune part, la contrainte de garder les enfants et dâassurer lâĂ©cole Ă la maison complique considĂ©rablement le travail des parents Ă lâextĂ©rieur ou Ă domicile, dâautant plus dans les familles monoparentales ; dâautre part, les ressources pour faire lâĂ©cole Ă la maison sont inĂ©galement rĂ©parties, quâil sâagisse de la maĂźtrise de la langue dâenseignement et/ou de la culture scolaire, des conditions matĂ©rielles (accĂšs Ă internet, papier, crayons, imprimante) ou des conditions de scolarisation Ă domicile (piĂšce calme, enfants en bas Ăąge, parents disponibles, etc.). La fermeture des Ă©coles participe dĂšs lors au creusement des inĂ©galitĂ©s scolaires et peut considĂ©rablement impacter la santĂ© mentale des familles.
La littératie en santé
Le concept de littĂ©ratie en santĂ© dĂ©signe « la connaissance, la motivation et les compĂ©tences des individus Ă accĂ©der, comprendre, Ă©valuer et utiliser lâinformation de santĂ© en vue de porter des jugements et prendre des dĂ©cisions dans la vie de tous les jours en ce qui concerne la santĂ©, la prĂ©vention des maladies et la promotion de la santĂ©, de maniĂšre Ă maintenir ou amĂ©liorer la qualitĂ© de vie » (SĂžrensen et al, 2012). La littĂ©ratie en santĂ© est inĂ©galement distribuĂ©e au sein de la population et dĂšs lors une source dâinĂ©galitĂ© sociale.
La reproduction sociale
La notion de reproduction sociale dĂ©signe, pour le dire simplement, la perpĂ©tuation des positions sociales et de la hiĂ©rarchie entre les classes sociales. Elle repose sur la transmission du capital Ă©conomique (revenus, dividendes), social (rĂ©seau de connaissances et interconnaissances), culturel (diplĂŽmes, biens culturels, savoir et savoir-ĂȘtre valorisĂ©s par lâĂ©cole) et symbolique (valeur, prestige et lĂ©gitimitĂ©) dâune gĂ©nĂ©ration Ă lâautre. Et câest lâaccumulation ou le dĂ©ficit de ces diffĂ©rentes formes de capital qui dĂ©termine la place dâun individu dans la sociĂ©tĂ© (dans un rapport dominant-dominĂ©). La transmission de capital et la reproduction sociale sâexercent par le biais de nombreuses institutions, notamment la famille et lâĂ©cole.La reproduction sociale maintient les rapports de domination et repose donc sur la perpĂ©tuation des inĂ©galitĂ©s sociales (de santĂ©, de genre, âŠ).
Le confinement impacte Ă©galement les personnes vivant en collectivitĂ© (personnes dĂ©tenues, enfants placĂ©s, patient·es psychiatriques, personnes ĂągĂ©es, personnes porteuses dâun handicap, usager·es de drogues en traitement rĂ©sidentiel, etc.). Une partie des patient·es psychiatriques et des personnes porteuses dâun handicap habituellement en rĂ©sidentiel ou en centre de jour ont Ă©tĂ© renvoyĂ©s chez eux ou dans leur famille afin de respecter les consignes de confinement, au risque de chambouler lâĂ©quilibre relatif que ces Ă©tablissements fournissent Ă la fois Ă la personne et Ă leurs proches (Alter Echos, 2020b ; Le Soir, 2020). Les personnes restĂ©es au sein des collectivitĂ©s rĂ©sidentielles sont quant Ă elles plus Ă risque face Ă la COVID-19, soit parce quâelles ne sont pas en mesure de respecter la distanciation sociale (soins et nursing de la part des professionnel·les, difficultĂ©s ou incapacitĂ© Ă comprendre les consignes et/ou Ă appliquer les mesures dâhygiĂšne personnelle, promiscuitĂ©), soit parce quâelles sont dĂ©jĂ en moins bonne santĂ© que la population gĂ©nĂ©rale (câest le cas des personnes ĂągĂ©es, des personnes dĂ©tenues, des usager·es de drogues, et dâune partie des patient·es psychiatriques et personnes porteuses dâun handicap ; Le Soir, 2020). A cela sâajoutent lâisolement social, le sentiment de solitude ou dâabandon qui peuvent accompagner la rĂ©duction drastique des contacts humains, des soutiens psychologiques professionnels et des proches, et jouer sur la santĂ© mentale et physique des individus (et de leurs proches).Le confinement aggrave les inĂ©galitĂ©s socialeset constitue dĂšs lors une vĂ©ritable double peine pour les personnes prĂ©carisĂ©es : non seulement sont-elles contraintes de rester chez elles et courent davantage de risques sanitaires, mais les dispositifs permettant dâordinaire de garantir lâaccĂšs universel Ă la santĂ© et de limiter la reproduction des inĂ©galitĂ©s sociales et leurs effets dĂ©lĂ©tĂšres sont Ă lâarrĂȘt ou fortement ralentis. Les consĂ©quences du confinement ont et auront des rĂ©percussions Ă court et Ă long termes sur la perpĂ©tuation des inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ©, et donc sur la santĂ© et le bien-ĂȘtre des individus.
Les facteurs influençant lâadhĂ©sion et lâapplication du confinement et des gestes barriĂšres
Une revue de la littĂ©rature scientifique, encouragĂ©e par les mesures de confinement opĂ©rĂ©es Ă travers le globe, sâest intĂ©ressĂ©e aux facteurs jouant sur lâadhĂ©sion Ă celles-ci (Webster et al, 2020). Les recherches sĂ©lectionnĂ©es portent sur les mesures de quarantaine individuelle ou collective lors dâĂ©pidĂ©mies prĂ©cĂ©dentes (SRAS, grippe porcine, Ebola).Les Ă©tudes nâĂ©pinglent pas de lien entre les caractĂ©ristiques dĂ©mographiques ou lâemploi et lâadhĂ©sion au confinement. Les facteurs les plus importants, qui jouent sur le respect des mesures de confinement et de protection sanitaire (laver les mains, porter un masque, Ă©viter les rassemblements de personnes, se faire vacciner) sont les connaissances des individus au sujet de lâĂ©pidĂ©mie et des protocoles de distanciation physique, les normes sociales (pression sociale Ă la conformitĂ©, perception du respect du confinement par la population, devoir civique, volontĂ© de respecter la loi), les coĂ»ts et bĂ©nĂ©fices perçus du confinement, les risques perçus de lâĂ©pidĂ©mie et les aspects pratiques du confinement (perte de revenu, isolement social, capacitĂ© de garder les enfantsâŠ). Dâautres facteurs peuvent Ă©galement intervenir : le fait que les centres de soins fonctionnent bien et reçoivent les ressources nĂ©cessaires pour cela, ainsi que la confiance dans le Gouvernement, influencent lâadhĂ©sion des individus aux mesures de confinement.Aux facteurs Ă©pinglĂ©s par la revue de la littĂ©rature, sâajoutent Ă©videmment lâensemble des facteurs abordĂ©s ici, Ă savoir : le logement, le mĂ©tier exercĂ©, la santĂ© physique et mentale, qui suivent le gradient social. Les connaissances relatives Ă lâĂ©pidĂ©mie et aux mesures de distanciation sociale sont tout Ă fait centrales, particuliĂšrement dans un contexte oĂč les fake news et les thĂ©ories conspirationnistes circulent largement. La littĂ©ratie en santĂ© est inĂ©galement rĂ©partie au sein de la sociĂ©tĂ© (les personnes de SSE faible, ayant un niveau dâinstruction faible ou un Ăąge avancĂ© ont un niveau de littĂ©ratie en santĂ© moins Ă©levĂ©), suivant le gradient social et participant Ă la reproduction des inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ© (Rondia et al, 2019). De plus, la permĂ©abilitĂ© aux thĂ©ories du complot est plus Ă©levĂ©e au sein des moins de 35 ans, des personnes les moins diplĂŽmĂ©es et issues des catĂ©gories sociales les plus dĂ©favorisĂ©es (IFOP, 2019). Une information large, adaptĂ©e et transparente est dĂšs lors tout Ă fait centrale dans la poursuite de lâadhĂ©sion des individus aux mesures de distanciation physique et de protection sanitaire.
Les usager·es de drogues face à la crise sanitaire
Le confinement, lâennui, la perte de repĂšres temporels, la perte de libertĂ©, les sensations de solitude et dâisolement, la rupture avec les habitudes et le quotidien, le contexte anxiogĂšne, la peur de la maladie, lâinquiĂ©tude pour ses proches, les interrogations concernant le virus et ses traitements, les incertitudes quant aux retombĂ©es Ă©conomiques, etc. sont autant de facteurs pouvant jouer sur la consommation de drogues licites et illicites (Rolland et de Ternay, 2020). Plusieurs enquĂȘtes en ligne ont Ă©tĂ© menĂ©e afin de mesurer les impacts du confinement sur la consommation de substances psychoactives au sein de la population gĂ©nĂ©rale belge, voir notamment Sciensano (2020), Antoine et al. (2020) et de lâUCLouvain.Les usager·es de drogues licites et illicites courent Ă la fois les risques liĂ©s Ă la COVID-19 et ceux liĂ©s Ă la consommation de substances en pĂ©riode de confinement. Les personnes usagĂšres de drogues ont souvent un systĂšme immunitaire plus faible et des difficultĂ©s respiratoires, ce qui constitue un risque supplĂ©mentaire de contracter le virus et de dĂ©velopper des symptĂŽmes graves. Elles sont davantage Ă risque dâĂȘtre gravement malades ou de dĂ©cĂ©der de la COVID-19 :
- la COVID-19 aggrave les dĂ©pressions respiratoires provoquĂ©es par la consommation dâopioĂŻdes, de benzodiazĂ©pines et dâalcool ;
- le sevrage aux opioïdes, potentiellement induit par le confinement, peut aggraver des difficultés respiratoires ;
- fumer ou inhaler des produits (tabac, cannabis, crack, cocaĂŻne, meth/speed, etc.) aggrave les problĂšmes respiratoires ;
- les infections au HIV, hépatites virales et cancers du foie, dont la prévalence chez les usager·es injecteurs est élevée, affaiblissent le systÚme immunitaire ;
- le confinement éloigne les personnes vulnérables des centres de soins de santé physique et mentale ;
- la co-occurrence dâune consommation problĂ©matique et de problĂšmes de santĂ© mentale peuvent significativement compliquer lâoutreach, la prise en charge et le respect des gestes barriĂšres ;
- certains usager·es, notamment les plus marginalisés ou précarisés, ont parfois une relation compliquée au milieu médical.
Les situations de stress ou dâanxiĂ©tĂ© liĂ©es Ă la pandĂ©mie et au confinement obligatoire peuvent avoir diffĂ©rents effets sur les usager·es de drogues et les personnes en sevrage ou sous traitement de substitution :
- envie ou besoin de consommer davantage (risque de surdoses) ;
- envie ou besoin de consommer Ă nouveau aprĂšs une pĂ©riode dâabstinence (risque de rechute et de surdoses) ;
- Ă©tat dâesprit propice aux bad trip.
Sâajoutent Ă cela les risques inhĂ©rents au manque de matĂ©riel stĂ©rile et en bon Ă©tat pour consommer Ă moindre risque, Ă la suite de la fermeture ou du ralentissement des dispositifs de rĂ©duction des risques. De plus, la disponibilitĂ© et la qualitĂ© des drogues en circulation sont impactĂ©es par les mesures de confinement, probablement de maniĂšre diffĂ©renciĂ©e sur le territoire et selon le produit :
- la chaĂźne de production, dâapprovisionnement et de vente peut ĂȘtre perturbĂ©e par la maladie, les mesures de confinement, les contrĂŽles policiers⊠entraĂźnant une baisse de la disponibilitĂ© des produits, et dĂšs lors, une augmentation des prix et de la proportion des produits de coupe, au risque de mettre la santĂ© des usager·es en danger ;
- les activitĂ©s en rue Ă©tant limitĂ©es et davantage contrĂŽlĂ©es, le deal peut sâavĂ©rer davantage compliquĂ© et dangereux quâavant ;
- les usager·es qui en ont les moyens font des stocks de produits, dans la perspective dâaller se fournir moins souvent et/ou en anticipation dâune perturbation de la chaĂźne dâapprovisionnement ;
- les usager·es qui en ont les moyens techniques, matériels et les connaissances se tournent vers le Darknet pour se fournir en produit.
La baisse de la qualitĂ© des produits en circulation, les produits de coupe et la baisse de la disponibilitĂ© peuvent entraĂźner de rĂ©els problĂšmes de santĂ© pour les usager·es, y compris un sevrage contraint ou une moindre consommation par manque de produit/de principe actif.Les usager·es prĂ©carisĂ©s sont dâautant plus Ă risque quâils cumulent Ă la fois les risques corrĂ©lĂ©s Ă un SSE faible et ceux liĂ©s Ă lâusage de drogues (licites et illicites). Leur santĂ© est en effet impactĂ©e, dâune part, par les fluctuations du marchĂ© des drogues illicites et, dâautre part, par lâarrĂȘt ou ralentissement des services de santĂ©, prĂ©vention, rĂ©duction des risques, aide et accompagnement.Si des Ă©tudes sont en cours afin dâobjectiver la situation actuelle, certains centres et intervenant·es spĂ©cialisĂ©s en relation avec les usager·es prĂ©carisĂ©s rapportent une baisse de la disponibilitĂ© et de la qualitĂ© des produits illicites, une augmentation des prix en rue (Le Vif, 2020 ; Antoine et al, 2020), et globalement une aggravation de leurs conditions de vie et des risques socio-sanitaires (RTBF, 2020 ; LibĂ©ration, 2020). La rarĂ©faction des substances illicites, lâaugmentation de la demande et celle des risques pris par la chaĂźne dâapprovisionnement peuvent en effet participer Ă lâaugmentation des prix en rue. Or, les usager·es prĂ©carisĂ©s sont dâautant plus sensibles aux fluctuations du marchĂ© que leurs revenus sont faibles et incertains. Lâaugmentation des prix, la baisse de la qualitĂ© des produits et la rĂ©duction de leur disponibilitĂ© peuvent pousser les usager·es les plus prĂ©caires Ă consommer des produits de substitution et Ă diminuer leurs dĂ©penses de premiĂšre nĂ©cessitĂ© (nourriture, logement), aux dĂ©pens de leur santĂ©, et/ou les prĂ©cipiter dans des sevrages non-dĂ©sirĂ©s, non-prĂ©vus et surtout non-accompagnĂ©s (RTBF, 2020 ; Hamilton et Stevens, 2020).Les mesures de confinement et de distanciation physique ont dâautres effets dĂ©lĂ©tĂšres sur les usager·es prĂ©carisĂ©s. La fermeture ou le ralentissement des services de santĂ© et dâaccompagnement limitent lâaccĂšs aux soins, le nombre de places en rĂ©sidentiel et lâaccĂšs aux traitements de substitutions au opiacĂ©s (notamment pour les nouveaux patient·es), et ce, alors mĂȘme que les risques liĂ©s Ă lâusage de drogues et les risques de sevrage contraint augmentent. En mĂȘme temps, les dispositifs de prĂ©vention et de rĂ©duction des risques (matĂ©riel stĂ©rile de consommation, dĂ©pistage, testing de produits) subissent un ralentissement, dĂ» aux mesures dâhygiĂšne et de distanciation physique (RTBF, 2020 ; Alter Ă©chos, 2020a ; EMCDDA, 2020). Dâautres services sur lesquels lâĂ©quilibre prĂ©caire de ces usager·es repose sont contraints de fermer ou de limiter leurs activitĂ©s, notamment les douches, les centres de jour, les restaurants sociaux, les services sociaux, etc. (Alter Ă©chos, 2020a). ParallĂšlement, lâaugmentation des contrĂŽles policiers et la baisse drastique de la frĂ©quentation de lâespace public impactent les usager·es prĂ©carisĂ©s qui sont davantage en rue. La consommation en rue, la mendicitĂ©, lâapprovisionnement auprĂšs des dealers, ou mĂȘme le fait de se poser ou dormir dans lâespace public sont devenus beaucoup plus compliquĂ©s voire impossibles (LibĂ©ration, 2020).
Innovation et adaptation des dispositifs de traitements de substitution aux opiacés et de réduction des risques
Partout en Europe, les services de TSO et de rĂ©duction des risques ont dĂ» rapidement sâadapter et innover afin de poursuivre leurs activitĂ©s, vitales pour nombre dâusager·es (EMCDDA, 2020).Certains pays ont assoupli la rĂ©glementation en matiĂšre de TSO : allongement de la durĂ©e des prescriptions, augmentation des quantitĂ©s prescrites, changements dans le dosage et les produits, rĂ©duction ou annulation des tests dâurine ou des prises supervisĂ©es⊠Des dispositifs de dĂ©livrance Ă domicile ont aussi Ă©tĂ© mis en place, ainsi que des programmes dâoutreach mobiles (qui reposent sur un accĂšs rapide et simplifiĂ© Ă un TSO).Beaucoup de dispositifs de rĂ©duction des risques ont Ă©tĂ© fortement ralentis. Les services de testing ont dĂ» arrĂȘter leurs activitĂ©s en face Ă face, mais ont parallĂšlement renforcĂ© leur prĂ©sence en ligne. Les dispositifs de distribution de matĂ©riel stĂ©rile ont quant Ă eux augmentĂ© les quantitĂ©s de matĂ©riel dĂ©livrĂ© en une fois et dĂ©veloppĂ© la livraison Ă domicile ou des lieux de self-service. Les salles de consommation Ă moindre risque ont pour beaucoup poursuivi leurs activitĂ©s, en sâadaptant ; et certains pays ont mis en place des salles mobiles. Les abris Ă destination des personnes fortement marginalisĂ©es ont quant Ă eux dĂ©veloppĂ© des activitĂ©s de rĂ©duction des risques liĂ©s Ă lâalcool.
Tous ces Ă©lĂ©ments combinĂ©s poussent les usager·es prĂ©carisĂ©s Ă se cacher davantage et les Ă©loignent des services dâaide, de soins et de rĂ©duction des risques, augmentant dĂšs lors les risques liĂ©s Ă la consommation de drogues. Au final, le lien entre les services spĂ©cialisĂ©s et les usager·es, dĂ©jĂ fragile, risque de sâeffilocher, et la santĂ© physique et mentale des usager·es de se dĂ©tĂ©riorer significativement. De nouveau, la crise sanitaire liĂ©e Ă la COVID-19 agit en rĂ©vĂ©lateur des limites et manquements du modĂšle sociĂ©tal dans lequel nous Ă©voluons ; un modĂšle basĂ© sur la prohibition de certaines substances psychoactives et sur la rĂ©pression des usager·es, plutĂŽt que sur la promotion de la santĂ© et une approche de lâusage de drogues licites et illicites depuis le prisme de la santĂ© publique.
Lâessoufflement de notre modĂšle de sociĂ©tĂ©
Ces constats ne sont Ă©videmment pas nouveaux et ont dĂ©jĂ fait couler beaucoup dâencre. Les secteurs de la lutte contre la pauvretĂ©, de la promotion de la santĂ©, de la santĂ©, de lâaide sociale, de la prĂ©vention et de la rĂ©duction des risques tirent depuis longtemps la sonnette dâalarme.Les crises, quâelles soient sociales, sanitaires, Ă©conomiques ou Ă©cologiques, tendent Ă rĂ©vĂ©ler les faiblesses structurelles des sociĂ©tĂ©s (Peretti-Watel, 2020). La crise sanitaire liĂ©e Ă la COVID-19 exacerbe, voire accĂ©lĂšre, les consĂ©quences des mesures politiques prises ces derniĂšres dĂ©cennies en matiĂšre de dĂ©rĂ©gulation du travail, de privatisation des services publics, dâaustĂ©ritĂ©, de dissolution du systĂšme de protection sociale et de santĂ© (les hĂŽpitaux en premiĂšre ligne) et de dĂ©sintĂ©rĂȘt pour la promotion de la santĂ© ; autant de mesures qui ignorent les inĂ©galitĂ©s sociales prĂ©existantes et qui font toujours davantage reposer la responsabilitĂ© de leur santĂ© et de leurs conditions de vie sur les individus, et non plus sur la collectivitĂ© et lâEtat. Or, ce sont la collectivitĂ© et lâEtat qui devraient compenser, rĂ©parer et lutter durablement contre les inĂ©galitĂ©s sociales.La crise actuelle exacerbe donc les inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ© qui persistent entre les classes sociales, les genres et les corps de mĂ©tier. Elle souligne lâoubli systĂ©mique de ces inĂ©galitĂ©s et de certaines franges de la population, ainsi que les politiques de lâurgence appliquĂ©es par les pouvoirs publics aux personnes prĂ©carisĂ©es, sans abri, dĂ©tenues, institutionnalisĂ©es, ĂągĂ©es, marginalisĂ©es, sans papier, usagĂšres de drogues, travailleuses du sexe, pour ne citer quâelles. Elle met en exergue une hiĂ©rarchisation erronĂ©e des mĂ©tiers, du mĂ©rite et de lâutilitĂ© basĂ©e sur la rentabilitĂ© et le profit, plutĂŽt que sur la plus-value socio-sanitaire.La crise actuelle rappelle en consĂ©quence le rĂŽle central et indispensable du travail reproductif et des dispositifs de soin, dâaide et dâaccompagnement ; et le rĂŽle pilier que jouent les institutions publiques (lâĂ©cole en premier lieu) et les points dâappui associatifs et non-gouvernementaux qui luttent contre la pauvretĂ© et les inĂ©galitĂ©s sociales. Elle met Ă©galement en lumiĂšre toute lâimportance dâinvestir durablement dans la prĂ©vention et la promotion de la santĂ©.
Le rÎle de la promotion de la santé
La promotion de la santĂ© permet aux individus dâamĂ©liorer la maĂźtrise de leur propre santĂ© et comprend un vaste panel dâinterventions sociales et environnementales visant Ă favoriser et protĂ©ger la santĂ© et la qualitĂ© de vie, tout en luttant contre les principales causes de la mauvaise santĂ© (câest-Ă -dire en agissant sur les dĂ©terminants de la santĂ© ; OMS, 2016). La santĂ© est comprise de maniĂšre globale : la santĂ© physique, certes, mais Ă©galement la santĂ© mentale et le bien-ĂȘtre. La promotion de la santĂ© dĂ©fend dĂšs lors la mise en place dâun projet social durable qui sâinscrit dans un Ă©cosystĂšme. Ce projet social tend vers la crĂ©ation des conditions et environnements favorables Ă la santĂ© des individus et communautĂ©s.Les modĂšles thĂ©oriques sur lesquels repose la promotion de la santĂ© participent Ă mettre en place des actions cohĂ©rentes et globales autour des dĂ©terminants de la santĂ© et Ă Ă©laborer des stratĂ©gies de communication, dâinformation et dâĂ©ducation Ă la santĂ© (Scheen et Aujoulat, 2020). La promotion de la santĂ© vise Ă autonomiser les communautĂ©s et Ă faire vivre le projet dĂ©mocratique en encourageant la participation citoyenne aux dĂ©cisions ayant un impact sur la santĂ© (IREPS, 2020). La collaboration interdisciplinaire et la crĂ©ation de liens et de solidaritĂ©s sont au centre de son fonctionnement. Ainsi, en temps ordinaires et en temps de crise, la promotion de la santĂ© et ses acteur·rices permettent 1) la mise en place de politiques publiques soucieuses de leurs rĂ©percussions sur les dĂ©terminants de la santĂ© et les inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ©, et 2) une communication optimale, non-paternaliste et transparente auprĂšs des populations, qui tienne compte du niveau de littĂ©ratie en santĂ© de celles-ci.La promotion de la santĂ© participe ainsi Ă lâĂ©dification dâun modĂšle de sociĂ©tĂ© plus Ă©galitaire, plus Ă©quitable, plus dĂ©mocratique et durable, qui considĂšre la santĂ© des individus comme un bien collectif et essentiel. Elle dĂ©fend le caractĂšre non-marchand et collectif de la santĂ©, ainsi que le droit Ă la santĂ© dans sa totalitĂ© (y compris des conditions de vie dignes, la participation dĂ©mocratique aux dĂ©cisions politiques, et lâaccĂšs Ă une information sanitaire complĂšte et transparente ; Mebtoul, 2020). Or, malgrĂ© son importance fondamentale dans la pĂ©rennitĂ© de la sociĂ©tĂ©, force est de constater que la promotion de la santĂ© souffre dâun manque systĂ©mique de moyens financiers et humains et de considĂ©ration de la part des pouvoirs publics.
Références bibliographique
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EUROTOX ASBL
Observatoire socio-Ă©pidĂ©miologique alcool-drogues en Wallonie et Ă Bruxelles info@eurotox.org – 02/539.48.29
Les reprĂ©sentations sociales dĂ©signent lâensemble des croyances, connaissances et opinions produites, transmises et partagĂ©es au sein dâune sociĂ©tĂ© donnĂ©e, Ă un moment donnĂ©. Les individus agissent, interagissent et rĂ©agissent en fonction de ces reprĂ©sentations, qui ne sont Ă©videmment pas immuables et peuvent Ă©voluer dans le temps.
La notion de « racisation » (une personne « racisée ») désigne le processus dynamique et structurel de production sociale de la « race ». La « race » est donc le produit du rapport social ; elle est une construction sociale, économique, historique et politique qui a des effets néfastes sur les personnes racisées (Orban, 2020).
Les violences intrafamiliales (psychologiques, physiques, Ă©conomiques) touchent tous les milieux sociaux. Les personnes de SSE faible, victimes de ces violences, ont cependant moins de ressources pour y Ă©chapper.
Les sciences sociales ont depuis longtemps dĂ©montrĂ© le rĂŽle des institutions scolaires dans la reproduction des inĂ©galitĂ©s (Bourdieu et Passeron, 1964, pour ne citer que les plus connus). La dĂ©scolarisation, cependant, renforce les inĂ©galitĂ©s sociales, puisque les familles sont inĂ©galement Ă©quipĂ©es pour se substituer au rĂŽle de lâĂ©cole. Cela se vĂ©rifie dĂ©jĂ en temps ordinaires lors des grandes vacances dâĂ©tĂ©, au cours desquelles les Ă©carts entre les enfants de SSE Ă©levĂ© et les enfants de SSE faible se creusent largement et durablement (Darnon, 2020).
Voir les rĂ©sultats de lâĂ©tude COCONEL â Coronavirus et Confinement : EnquĂȘte longitudinale, rĂ©alisĂ©e par lâUMR Vitrome, EHESP et al (2020).
Voir notre note « COVID-19 : Conseils de rĂ©duction des risques liĂ©s Ă lâusage de drogues » sur eurotox.org.
Le manque de matĂ©riel de consommation stĂ©rile et en bon Ă©tat augmente les pratiques de partage et rĂ©utilisation du matĂ©riel, et donc les risques de transmission et infection au VIH et hĂ©patites B et C, et dâabcĂšs.
A noter quâen temps ordinaires, lâoffre de matĂ©riel stĂ©rile ne rencontre dĂ©jĂ pas la demande, faute de moyens suffisants mis Ă disposition du milieu associatif (voir 20 ans dâĂ©change de seringues en Belgique francophone : Quel dispositif dâaccĂšs au matĂ©riel stĂ©rile dâinjection Ă Bruxelles et en Wallonie ? Mira Goldwicht. Modus Vivendi. Novembre 2016).
PrĂ©cisons toutefois que dâaprĂšs les rĂ©sultats prĂ©liminaires de lâenquĂȘte menĂ©e par Sciensano (2020), les usager·es de drogues sondĂ©s ne rapportent pas de baisse de la qualitĂ© des produits en circulation, ni dâaugmentation des prix, contrairement Ă lâenquĂȘte menĂ©e auprĂšs des centres et intervenant·es spĂ©cialisĂ©s. Deux hypothĂšses peuvent expliquer la diffĂ©rence de constats : 1) les centres et intervenant·es rapportant une baisse de la disponibilitĂ© et une hausse des prix sont principalement en RĂ©gion wallonne et en RĂ©gion de Bruxelles-Capitale, tandis que les usager·es sondĂ©s sont principalement en RĂ©gion flamande (il y aurait donc Ă©ventuellement une disparitĂ© spatiale) ; 2) Les publics dâusager·es ne sont pas les mĂȘmes : les usager·es ayant rĂ©pondu Ă lâenquĂȘte en ligne se dĂ©clarent en effet en bonne santĂ©, ont un emploi et ont un niveau dâĂ©ducation relativement Ă©levĂ© (secondaire et plus), alors que lâenquĂȘte auprĂšs des centres et intervenant·es concernerait davantage des usager·es prĂ©carisĂ©s.
Le travail reproductif dĂ©signe lâensemble des activitĂ©s qui permettent de crĂ©er et renouveler la force de travail, câest-Ă -dire procrĂ©er, mais aussi nourrir, loger, prendre soin et soigner des malades, des aĂźné·es et des jeunes, soutenir, nettoyer, Ă©duquer, etc. Ă lâĂ©chelle du foyer domestique et de la sociĂ©tĂ©. Ce travail reproductif est largement dĂ©valorisĂ© au sein des sociĂ©tĂ©s occidentales, puisque considĂ©rĂ© comme non rentable. Il repose fortement sur une rĂ©partition genrĂ©e et racisĂ©e des tĂąches, les femmes et personnes racisĂ©es Ă©tant surreprĂ©sentĂ©es dans le travail reproductif[10]. Parce que considĂ©rĂ© comme une compĂ©tence « naturelle », une passion ou un dĂ», le travail reproductif est souvent dĂ©valorisĂ©, mal rĂ©munĂ©rĂ© voire gratuit (voir notamment De Beauvoir, 1949 ; Federici, 2014 ; Cognet, 2010).