Un Escape Game pour développer des attitudes protectrices chez les élÚves du secondaire et les sensibiliser aux conduites à risque : ce nouvel outil, ludique et collaboratif conçu par des acteurs issus des secteurs de la prévention et de la promotion de la santé sillonnera bientÎt la région bruxelloise.
âOn est dans la cabine du parc. La porte est bloquĂ©e. Je nâai plus de batterie, viens mâaider stpâ. Nour a envoyĂ© ce sms au milieu de la nuit, et depuis, elle ne rĂ©pond plus. Sacha aussi a disparu. Les joueurs ont une heure pour comprendre ce qui leur est arrivĂ© hier soir. Voici le scĂ©nario de dĂ©part de lâEscape Game baptisĂ© B(l)ack Out qui vise Ă dĂ©velopper des attitudes protectrices chez les jeunes et les sensibiliser aux conduites Ă risque.
A lâautomne 2023, le prototype de cette installation a Ă©tĂ© prĂ©-testĂ© par 68 professionnel.les issu.es de diffĂ©rents secteurs (promotion de la santĂ©, prĂ©vention, jeunesse) et 138 Ă©lĂšves de 15 Ă 20 ans scolarisĂ©s en secondaire dans la commune dâAnderlecht. LâEscape Game sây installera en septembre pendant plusieurs semaines.
âNous avons optĂ© pour une approche ludique, collaborative et expĂ©rientielle basĂ©e sur les compĂ©tences psychosociales pour susciter chez les jeunes une rĂ©flexion sur les comportements Ă risque et aussi sur les attitudes protectrices en milieu festif â, explique Fanny CĂ©phale, responsable de projets du Centre bruxellois de promotion de la santĂ© (CBPS) qui co-pilote le projet.
Créer un outil mobilisateur
La gestation a Ă©tĂ© longue et mĂ»rement rĂ©flĂ©chie. Tout commence fin 2020, quand lâidĂ©e de crĂ©er un nouvel outil de prĂ©vention Ă©merge au sein de la concertation des acteurs de prĂ©vention des assuĂ©tudes de Bruxelles coordonnĂ© par le CBPS. Un groupe de travail se met en place rassemblant le CBPS, le FARES, le PĂ©lican et le PĂŽle assuĂ©tudes du service PrĂ©vention dâAnderlecht.
Le groupe explore divers outils existants et trĂšs vite surgit lâexemple dâun Escape Game suisse sur les addictions, dont le rapport dâactivitĂ© donne de solides pistes de travail en terme dâempowerment et dâimpact Ă©ducatif. âLa participation active renforce l’assimilation des informations et des messages clĂ©s, rendant l’expĂ©rience Ă la fois plus mĂ©morable et plus significativeâ explique Fabienne Philippe, responsable et chargĂ©e de projets du PĂŽle assuĂ©tudes de la Commune dâAnderlecht.
Les acteurs sâaccordent alors sur lâidĂ©e de crĂ©er un outil mobilisateur qui rĂ©pondent aux besoins des acteurs de Promotion de la santĂ©. LâEscape Game devra ĂȘtre transportable pour aller Ă la rencontre du public en sâinstallant temporairement prĂšs des lieux de vie des jeunes. Pour ce faire, le groupe fait appel au concepteur dâEscape Game belge Bruno Willemark, fondateur de âLet Me Outâ et dĂ©croche un financement de la COCOF dans le cadre des subsides facultatifs de promotion de la santĂ©.
Le titre de l’Escape Game mĂȘle l’expression anglaise « back out », qui signifie littĂ©ralement « faire marche arriĂšre », et le terme « Black-Out » qui dĂ©signe Ă la fois la perte de conscience liĂ©e Ă la consommation d’alcool ou de stupĂ©fiant, ou plus simplement la panne d’alimentation Ă©lectrique.
Scénario et décors sur mesure
Au fil des discussions, le groupe assuĂ©tudes dĂ©cide dâouvrir l’Escape Game aux thĂ©matiques EVRAS, puis rĂ©alise que âlâapproche par les compĂ©tences psychosociales permet de faire la jonction entre santĂ© physique, santĂ© mentale et promotion de la santĂ© â, explique ValĂ©rie LefĂšvre, spĂ©cialiste EVRAS au sein du CBPS.
Le scénario de B(l)ack Out fait écho au film américain Very Bad Trip, de Todd Phillips, ou à la série Euphoria de Sam Levinson, en plus soft. Les trois parcours sont jouables simultanément pour permettre à une classe de 24 élÚves de le réaliser en une heure.
Chaque groupe de huit Ă©lĂšves doit retracer tous les faits et gestes de la soirĂ©e de Nour et Sacha, collecter des indices et rĂ©soudre des Ă©nigmes. Il passe par cinq espaces : un bar, un salon et un skatepark – ces trois dĂ©cors installĂ©s sous des grandes tentes de 5m sur 5 donnent la sensation que lâenquĂȘte se dĂ©roule la nuit en âcrĂ©ant une atmosphĂšre sur mesureâ explique Bruno Willemarck, le concepteur de Let Me Out qui tenait Ă crĂ©er âune expĂ©rience Ă©ducative immersive pour mieux glisser dans lâhistoireâ. Puis deux espaces ludiques catalysent lâattention du groupe autour de modules dâactivitĂ©s collaboratives : un laboratoire et un local technique de la STUP – la sociĂ©tĂ© de transport urbain planĂ©taire, un acronyme crĂ©Ă© pour lâoccasion.
âLes meufs, ça deale pasâ
Le bar est conçu comme un espace ludique qui permet dâaborder les conduites Ă risque et les comportements protecteurs en soirĂ©e. La voix du propriĂ©taire du bar accueille le groupe dâun ton bourru : «âŻJâai vu vos potes hier, bien bourrĂ©s, jâai dĂ» arrĂȘter de les servirâŻau bout dâun moment. (…) Je suppose que vous ĂȘtes lĂ pour rĂ©cupĂ©rer leur sacâŻ? Je lâai mis dans le coffre, vous pouvez le prendre ». Pour trouver le sac, le groupe doit chercher des indices dans le dĂ©cor sur des affiches de sensibilisation et de prĂ©vention sur le port du prĂ©servatif, le consentement, le respect ou encore le code Angela – toute personne harcelĂ©e ou victime de violences peut se rendre dans les bars ou les commerces affichant l’autocollant « Demandez Angela » et dire « OĂč est Angela ? » pour ĂȘtre prise en charge.
Lâespace du laboratoire se rapproche plutĂŽt de la thĂ©matique des assuĂ©tudes. Un comĂ©dien joue le rĂŽle du laborantin. Le groupe arrive avec le sac de Sacha : on y trouve une pomme, un journal de classe, de lâalcool et des petits rĂ©cipients avec des cachets et de la poudre â qui laissent penser que ce sont des stupĂ©fiants. Le groupe doit scanner les codes-barres des rĂ©cipients, et aller chercher les effets recherchĂ©s et indĂ©sirables de chaque substance.
Cet espace permet aussi dâinterroger les stĂ©rĂ©otypes de genre. âCertains Ă©lĂšves sont persuadĂ©s que Sacha – un prĂ©nom dĂ©libĂ©rĂ©ment non-genrĂ© – est un garçon, parce que selon eux, âles meufs, ça deale pasââ explique ValĂ©rie LefĂšvre. Tandis que les filles supposent que Sacha est un garçon pour une autre raison, parce que âcâest plus dangereux pour des filles de sortir seules dans un barâ. En gĂ©nĂ©ral, cette remarque fait rĂ©agir les garçons qui nâont pas forcĂ©ment conscience de ce sentiment d’insĂ©curitĂ© et de la prudence qui s’impose Ă leurs comparses fĂ©minines.
RĂ©vĂ©ler l’effet de groupe
L’Ă©nigme du skatepark permet aussi dâaborder la diffĂ©rence entre un fait, une opinion et une rumeur, tandis que lâespace du salon vise Ă mettre en lumiĂšre lâinfluence des pairs et lâinfluence sociale, pour montrer comment lâindividu rĂ©siste ou non Ă lâeffet de groupe.âŻCertains Ă©lĂšves ont pour consigne de se concentrer sur les Ă©nigmes, tandis que dâautres ont celle de jouer au jeu vidĂ©o et de convaincre les autres de les rejoindre. Ces consignes contradictoires gĂ©nĂšrent des tensions, les participants ne sachant pas quâils nâont pas reçu la mĂȘme, et que leur objectif est diffĂ©rent.
Enfin, le local technique de la STUP permet de retracer le chemin en mĂ©tro de Nour et Sacha. Ce module travaille les compĂ©tences psychosociales collectives : la coordination, lâĂ©coute, la communication, la prise de dĂ©cisions, la demande d’aide, la gestion de la frustration. âOn a eu droit Ă des disputes aussi bien chez les jeunes que chez les adultes lors des prĂ©-tests, quand l’un dâeux voulait prendre le leadâ sâamuse ValĂ©rie LefĂšvre.
Tout au long du parcours, le groupe est d’ailleurs suivi par un Game Master qui note sur une grille dâobservation et dâĂ©valuation les compĂ©tences psychosociales que les jeunes ont activĂ©.
Un debriefing ascendant qui part des jeunes
Le debriefing est un temps dâĂ©change avec les jeunes sur base de leur vĂ©cu, leur expĂ©rience. Il sâappuie sur la grille dâobservation crĂ©Ă©e pour lâEscape Game et un canevas avec des questions trĂšs ouvertes : Comment ça sâest passĂ© pour vous ? Quâest-ce quâil sâest passĂ© finalement entre Nour et Sacha ? Est-ce que vous avez appris des choses ? Comment a fonctionnĂ© votre Ă©quipeâŻ? Est-ce que vous aimeriez recevoir des informations complĂ©mentaires ? Si oui, lesquelles ? Sur quel support (brochure…) ?
âĂa a Ă©tĂ© plus complexe Ă construire quâun simple outil de sensibilisation, car on a construit autour dâeux pour libĂ©rer leur parole sur les reprĂ©sentations et valoriser leurs savoirs expĂ©rientielsâ explique Fanny CĂ©phale.
Des jeunes qui auront dĂ©jĂ consommĂ©, vont ainsi se mettre en position de pair, et faire part de leurs connaissances. âBen oui, Sacha a mĂ©langĂ© tel et tel produit, ça se fait pas, câest super dangereuxâ. Lâexpression de leur savoir expĂ©rientiel va rendre le groupe un peu plus omniscient, et permettre aux animateurs d’apporter des complĂ©ments.
âOn a trouvĂ© que les jeunes sont empathiques, ils font plus attention Ă lâautre et sont plus communautaires que ce que lâon pensait. On peut leur faire confiance,â ajoute ValĂ©rie LefĂšvre.
Encourager l’esprit de collaboration
Un professeur de 5Ăšme technique sociale confirme aprĂšs coup par Ă©crit que ses Ă©lĂšves âont apprĂ©ciĂ© la collaboration avec certains camarades quâils ne connaissaient pas forcĂ©ment, ça a crĂ©Ă© certaines synergies, affinitĂ©s. Lors du debriefing Ă lâĂ©cole, je les ai trouvĂ©s trĂšs enthousiastes, crĂ©atifs et entreprenants. Ils ont pris conscience de certains stĂ©rĂ©otypes et/ou prĂ©jugĂ©s (drogues, mĂ©dicaments, condition de la femme, Ă©ducation) ou de certaines croyances limitantes sur les sujets citĂ©s prĂ©cĂ©demment, lâimportance de âbien collaborer et de transmettre des infos pour mieux communiquer et atteindre ensemble un but communâ.
Le fait de choisir une approche par les CPS, et dâutiliser les thĂ©matiques comme des portes dâentrĂ©e permet de mobiliser des acteurs gĂ©nĂ©ralistes directement en contact avec le public scolaire (PMS, PSE, AMO). Ceux-ci seront spĂ©cialement formĂ©s pour coanimer les phases de jeu et de dĂ©briefing avec les membres du groupe de travail lors de lâinstallation de B(l)ack Out Ă Anderlecht. Un guide dâanimation leur sera destinĂ©.
âSur le terrain, les attentes sont fortes vis-Ă -vis de « B(l)ack Out », explique Fabienne Philippe. Notamment, car les directions d’Ă©cole et les institutions de soutien Ă la jeunesse cherchaient âdes outils capables de susciter l’intĂ©rĂȘt des jeunes pour des sujets sĂ©rieux et dĂ©licats tels que les drogues et leurs usages, tout en restant engageants et Ă©ducatifs. « B(l)ack Out » intĂ©resse aussi les PMS, PSE, et le secteur jeunesse (AMO, Ă©ducateurs de rue, …) pour sa capacitĂ© Ă faciliter l’engagement de leur publicâ ajoute-t-elle.
Le 21 mars, le projet a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© aux acteurs dâAnderlecht, Bruxelles et Saint-Gilles. En fin dâannĂ©e, il le sera aux professionnel.les de toutes les communes bruxelloises, Ă©tant donnĂ© que lâEscape Game est conçu pour ĂȘtre nomade. Les cinq espaces, une fois dĂ©montĂ©s, tiennent dans deux camions et pourront sillonner la rĂ©gion pendant plusieurs annĂ©es.
Contact :
ValĂ©rie LefĂšvre, responsable de projets au CBPS et rĂ©fĂ©rente du Point dâappui milieu de vie des jeunes (EVRAS) : valerie.lefevre@cbps.be
Fanny CĂ©phale, responsable de projets au CBPS et rĂ©fĂ©rente du Point dâappui en milieu de vie des jeunes (AssuĂ©tudes) : fanny.cephale@cbps.be
Dans le cadre de la lutte contre le harcĂšlement scolaire, la sanction entraĂźne souvent des reprĂ©sailles contre la victime et aggrave la situation. Une nouvelle mĂ©thode dâintervention propose de privilĂ©gier le dialogue dans le but de soutenir la cible et de mettre les intimidateurs prĂ©sumĂ©s en situation de rĂ©paration. Des intervenants Ă©ducatifs sây forment. Reportage
Au collĂšge Saint-AndrĂ© dâAuvelais, lovĂ© dans un mĂ©andre de la Sambre, des applaudissements et des Ă©clats de rire sâĂ©chappent dâune salle de rĂ©union. Treize enseignants, trois psychologues du centre psycho-mĂ©dico-social (PMS) et une Ă©ducatrice dĂ©couvrent la mĂ©thode de la prĂ©occupation partagĂ©e (MPPfr). Elle vise Ă renforcer leur pouvoir dâagir pour intervenir en cas de harcĂšlement scolaire.
Cette mĂ©thode permet aux adultes dâagir en systĂ©mie pour dĂ©manteler le systĂšme dâintimidation. BasĂ©e sur les travaux dâAnatol Pika, un psychologue estonien qui a ĆuvrĂ© dans les annĂ©es 70, elle a Ă©tĂ© adaptĂ©e en version francophone par le Centre de Ressources et dâEtudes SystĂ©miques contre les Intimidations Scolaires (RĂ©SIS France), qui a ouvert une antenne en Belgique en 2020. L’intervention consiste Ă agir sur deux plans : offrir un soutien sans faille de la cible du harcĂšlement, et mobiliser une partie de la classe, y compris les Ă©lĂšves qui prennent part Ă lâintimidation- et câest lĂ que se niche lâoriginalitĂ© – pour quâils changent de comportement. La mĂ©thode permet dâamĂ©liorer lâaccompagnement des Ă©lĂšves, notamment ceux qui souffrent dâintimidations, de gĂ©nĂ©rer de lâempathie et de redonner du pouvoir dâagir au corps enseignant.
Soutenir la victime
L’heure est aux jeux de rĂŽles entre les participants pour acquĂ©rir ces nouveaux rĂ©flexes dâintervention. Les deux formatrices VĂ©ronique Livet et Isabelle Willot rappellent le scĂ©nario : Jules a demandĂ© Ă voir un membre de la cellule bien-ĂȘtre de lâĂ©tablissement, car il dit quâil se sent mal. Ses anciens amis se sont retournĂ©s contre lui. Depuis plusieurs semaines, il est devenu la cible de moqueries et des brimades quotidiennes. LâĂ©change avec Jules a Ă©tĂ© aussi long que nĂ©cessaire. âJe te crois, je suis lĂ â sont les mots Ă prononcer. Ne surtout pas minimiser ou sous-entendre quâil a une part de responsabilitĂ© dans ce qui lui arrive. AprĂšs ce moment dâĂ©coute, lâintervenant lui explique comment les choses vont se passer si lâĂ©lĂšve accepte sa proposition. L’Ă©quipe de la cellule va Ă©valuer la situation, rencontrer ses parents, si nĂ©cessaire, et faire en sorte que les intimidateurs cessent les brimades grĂące Ă la mĂ©thode de la prĂ©occupation partagĂ©e. « Nous tâinvitons Ă observer les changements dâattitude de tes camarades. Je te propose que lâon se revoie dans une semaine, tu es trĂšs courageux et je reste joignableâ.
En fonction de la situation, les parents de Jules sont reçus. Sâils exigent une sanction disciplinaire, ce qui est souvent un premier rĂ©flexe comprĂ©hensible, il faut leur expliquer avec tact que, loin de mettre fin Ă lâintimidation, les sanctions ont tendance Ă fĂ©dĂ©rer le groupe dâintimidateurs et Ă mettre en danger lâĂ©lĂšve-cible qui pourrait ĂȘtre victime de reprĂ©sailles. Sâil devait y avoir une sanction, celle-ci est mise en suspens le temps de lâintervention de la cellule qui prend 3 Ă 4 semaines.
Placer les intimidateurs en situation de réparation
AprĂšs ce rappel des faits, trois participants se portent volontaire pour jouer la seconde Ă©tape : un enseignant va recevoir des Ă©lĂšves – certains ont pris part Ă lâintimidation, dâautres peuvent devenir des aidants. Pour cette impro, Vanessa, professeure de sciences endosse le rĂŽle de lâenseignante impliquĂ©e dans la cellule bien-ĂȘtre. Elle doit accorder trois minutes maximum par Ă©lĂšve. Guillaume, psychologue au centre PMS campe âThomasâ, un garçon un peu craintif. Sa professeure de chimie accueille âThomasâ Ă la porte et lui propose de sâassoir en face dâelle.
âBonjour Thomas, merci dâavoir rĂ©pondu Ă mon invitation, je voulais parler avec toi, parce que je me prĂ©occupe de Jules, il nâa pas lâair trĂšs bien pour le moment Ă lâĂ©cole, et je voulais savoir si tu lâavais remarquĂ© toi aussiâ. Thomas confirme âben avec ce quâil se prend tous les jours, moi non plus jâirais pas bienâ. La prĂ©occupation Ă©tant partagĂ©e, vient la proposition dâengagement : â jâaimerais mettre des choses en place pour lâaider. Jâai vu plusieurs personnes de ta classe dĂ©jĂ . Est-ce que tu crois que toi aussi tu pourrais faire quelque chose pour m’aider Ă ce que la situation sâamĂ©liore ?â
Thomas rechigne, mais semble soulagĂ© par le fait quâil ne soit pas question de sanction et quâil ne soit accusĂ© de rien. âBen, jâveux pas trop me mouiller, ils ont dit quoi les autres ?â Lâinterlocutrice explique que leur Ă©change est confidentiel, ce qui semble rĂ©duire Ă nĂ©ant les rĂ©ticences du jeune homme. Thomas propose de âdire bonjour Ă Julesâ. Cela semble tout Ă coup si simple : âmais discrĂštement pour pas que Kylian me voieâ. Lâinterlocutrice le remercie : âOk, super, je compte sur toi alors. Je te remercie, ça mâaide beaucoup. Je te propose quâon se revoie dans une semaine, mĂȘme lieu, mĂȘme heure pour faire le point. Dâici lĂ , tu es attentif Ă lâĂ©tat de Jules, et tu fais ce que tu as dit. Tu peux aller me chercher Kylian sâil te plait ?â.
Natacha, professeure de français en filiĂšre professionnelle se porte volontaire pour jouer le rĂŽle de âKylianâ, lâintimidateur en chef. Cet Ă©corchĂ© vif doit donner du fil Ă retordre Ă Vanessa. âBonjour Kylian, merci dâavoir…â, Kylian lâinterrompt aussi sec : âEh madame, pourquoi Thomas, il dit que jâai dĂ©connĂ© ?â. Elle le recadre. âOn nâest pas lĂ pour parler de toi, on est lĂ pour parler de Jules, aujourdâhui je suis prĂ©occupĂ©e parce quâil me semble quâil ne va pas bien.â Kylian joue la provocation : âmais non, Jules y va trĂšs bien, il y en a que pour lui, il fait sa star, mais moi, je le connais depuis le primaire, câest une fouine ce gars-lĂ …â La prof garde son sang-froid : âok, câest ton avis, mais ce nâest pas le sujetâ. Son rĂŽle est dâamener lâintimidateur Ă apaiser la situation mĂȘme sâil le fait avec des pieds de plomb, et donc dâinsister : âje tâai demandĂ© de venir parce que Jules ne va pas bien, comme tu lâas constatĂ©, jâai vu plusieurs personnes de ta classe, pour leur demander de mâaider car je suis vraiment prĂ©occupĂ©e par sa situation et certains se sont engagĂ©s Ă me donner un coup de main.â Kylian la coupe et lĂšve le ton : âjâmâen fous moi de Jules, jâle calcule pas, je vais le ghoster, il verra ce que ça fait. Moi tout le monde sâen fout de moi !â
Sang froid et coup de chaud
MalgrĂ© la tension, lâintervenante garde son calme, tandis que lâassemblĂ©e retient son souffle. Au cours de lâĂ©change VĂ©ronique Livet brandit une ardoise avec des suggestions de jeu. Vanessa formule une hypothĂšse : âAu contraire, je crois que les autres tâĂ©coutent beaucoup et que tu peux mâaider, je te propose dây rĂ©flĂ©chir, tu peux retourner en classeâ. Kylian sâinsurge : âeh, mais moi jâai pas fini, jâai encore envie de parler lĂ â. Elle met fin Ă lâentretien, car elle nâa pas obtenu le âpoint de ruptureâ de lâintimidateur, câest-Ă -dire la prĂ©occupation, qui pourrait indiquer quâil est prĂȘt Ă basculer dans un rĂŽle de rĂ©paration. Kylian semble tout de mĂȘme sâengager Ă ignorer Jules, ce qui pourrait signifier que les brimades vont sâarrĂȘter – la premiĂšre urgence. Elle prend aussi note que Kylian a peut-ĂȘtre besoin de confier des choses aussi, elle lui proposera plus tard de lâorienter vers le centre PMS.
Chaque jeu de rĂŽle fait lâobjet dâun debriefing. Le dernier Ă©change a fait forte impression. Vanessa qui jouait la professeure confie quâelle a eu beaucoup de mal Ă garder son calme face Ă âKylianâ. Contenir sa colĂšre lâa rendue fĂ©brile et elle retourne toute tremblante Ă sa place. Les formatrices la rassurent. MĂȘme si lâintimidateur ne veut pas bouger, le groupe bouge, ce qui redĂ©finit la place de chacun, y compris celle de lâintimidateur en chef, selon le principe de la systĂ©mie.
Natacha qui jouait le rĂŽle de Kylian explique que le calme olympien de Vanessa lâa vraiment dĂ©contenancĂ©e. âCâest dĂ©stabilisant dâavoir en face de toi quelquâun qui tâĂ©coute vraiment et dâavoir lâimpression que tu comptes. Câest difficile de rester en mode âtaureauâ! » s’exclame-t-elle enthousiaste, alors quâelle Ă©tait arrivĂ©e trĂšs sceptique sur la mĂ©thode. âSi nous en tant quâadulte, on se fait happer dans cette spirale de bienveillance en cinq minutes, pour un gamin de 12 ans, qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez, ça en prendra deuxâ.
âJe te fais confiance pour que cela changeâ
VĂ©ronique Livet, lâune des deux formatrices, rompue Ă lâexercice, confirme : âles Ă©lĂšves, quand on leur tend une perche, en gĂ©nĂ©ral, ils la saisissentâ. Avec sa collĂšgue, elles travaillaient auparavant en prĂ©vention dans un service de la Province de LiĂšge, et utilisaient dĂ©jĂ la MPP sur des interventions de crise. âDire Ă un enfant : âje te fais confiance pour que cela changeâ, ça marque, ce sont parfois des mots quâil entend pour la premiĂšre foisâ prĂ©cise-t-elle.
Comme le groupe construit et dĂ©construit la dynamique de harcĂšlement, la mĂ©thode consiste Ă mener ce type dâentretiens stratĂ©giques trĂšs codifiĂ©s Ă J+1, J+7 et J+14, voire J+21. âLe fait de voir 6 ou 7 Ă©lĂšves, un tiers dâune classe ou du groupe de vie permet dâavoir une âmasse critiqueâ pour inverser la vapeur. Ce qui compte câest lâaddition des engagements, tout acte, mĂȘme celui qui paraĂźt minimeâ prĂ©cise Isabelle Willot.
Etonnamment ces conversations ne reviennent pas sur les faits ou sur les responsabilitĂ©s de lâun ou de lâautre, mais elles permettent dâagir dans lâurgence pour mettre fin aux brimades, tout en offrant une porte de sortie honorable aux intimidateurs prĂ©sumĂ©s qui en viennent Ă partager la prĂ©occupation de l’adulte pour celui qui va mal. âAvec la MPP, lâĂ©lĂšve-cible nâest plus tout seul, on rĂ©pare, ça aura un impact majeur sur sa santĂ© mentale et physique et sur toute la dynamique de groupe au passageâ ajoute VĂ©ronique Livet.
âDes Kylian jâen ai rencontrĂ©. Et puis il y a tellement dâĂ©lĂšves qui vivent des choses terribles Ă la maison, qui nâont pas de sas, ni de rĂ©pit, alors ça s’exprime dans lâagression contre eux-mĂȘmes, ou contre les autresâ, constate Audrey, une des participantes qui enseigne le français.
âClairement, cette mĂ©thode fonctionnerait avec nos Ă©lĂšvesâ, ajoute CĂ©line. Cette professeure de nĂ©erlandais en filiĂšre professionnelle concĂšde quâelle a souvent eu tendance Ă ĂȘtre frontale avec les Ă©lĂšves intimidateurs. âJâusais de mon pouvoir de sanction, jamais il ne me serait venu Ă lâesprit de leur dire : âvas-y, je tâĂ©coute, jâai besoin de toi pour amĂ©liorer la situationââ.
Une mise en place progressive et éprouvée
Les concepteurs de la mĂ©thode (voir ci-dessous) insistent sur un point : les conditions de rĂ©ussite de la mĂ©thode reposent sur la constitution dâune Ă©quipe stable dans le temps, le soutien du chef dâĂ©tablissement et la politique de vie scolaire. Ici, câest un choix de lâĂ©tablissement. Chaque participant pourra se porter volontaire pour animer la future cellule bien-ĂȘtre qui se crĂ©era sur son implantation â l’Ă©tablissement en compte trois.
En 2020, le service AMO avait demandĂ© Ă la direction de crĂ©er une premiĂšre cellule sur lâimplantation de Fosses-la-ville, qui accueille 170 Ă©lĂšves de la 1Ăšre Ă la 7Ăšme. BaptisĂ©e âla Bulle dâairâ, celle-ci a fait ses preuves. âElle a Ă©tĂ© mobilisĂ©e deux fois pour des cas de harcĂšlement et plus souvent pour amĂ©liorer lâambiance de classe, quand on percevait des signaux faibles de dĂ©gradation, explique AngĂ©lique ThĂ©rĂšre, Ă©ducatrice. On nâattend pas quâil y ait une hĂ©catombe avant de soigner. Les Ă©lĂšves savent que la cellule existe, parfois les grands viennent nous voir car ils remarquent quâun plus jeune ne va pas trĂšs bien. L’empathie Ă©merge doucementâ.
En septembre dernier, la direction a donc proposĂ© une deuxiĂšme vague de formation pour les volontaires. âCâest comme si la direction avait affrĂ©tĂ© un train et quâon nâavait quâĂ monter et sâassoir dans le wagonâ, dit Audrey Gilson, professeure de sciences.
Le dernier jeu de rĂŽle, met en scĂšne Thomas, qui faisait partie des Ă©lĂšves intimidateurs Ă J+14. Thomas nâa pas rĂ©ussi Ă dire bonjour Ă Jules, de peur de provoquer la colĂšre de Kylian. Il raconte que Kylian ignore Jules. La situation semble plus sereine, mais les adultes devront sâassurer quâelle se stabilise dans le temps. Jules semble moins seul, âdâailleurs hier, je crois bien quâil a souriâ. Une petite victoire pour lâĂ©quipe. Empowerment 1 : HarcĂšlement 0.
Le harcÚlement scolaire en Belgique : une obligation légale pour les établissements
Depuis septembre 2023, un dĂ©cret dĂ©finit le cadre de l’amĂ©lioration du climat scolaire et de la prĂ©vention du harcĂšlement et du cyberharcĂšlement scolaires. Il incombe en particulier Ă la direction de l’Ă©tablissement et Ă l’Ă©quipe Ă©ducative dâĂ©tablir âune procĂ©dure de signalement interne Ă l’Ă©cole et de prise en charge des situations de harcĂšlement et de cyberharcĂšlement scolairesâ. Celle-ci vise Ă dĂ©tecter les situations, de harcĂšlement et de cyberharcĂšlement scolaires, Ă orienter les Ă©lĂšves concernĂ©s et Ă traiter les situations dĂ©tectĂ©es, en fonction des compĂ©tences disponibles et/ou de la gravitĂ© de la situation, au sein de l’Ă©cole ou avec des intervenants externes.
La MPPfr : une méthode systémique et non-blùmante
En France, plus de 80 000 fonctionnaires de lâEducation Nationale ont Ă©tĂ© formĂ©s Ă la mĂ©thode de la prĂ©occupation partagĂ©e. Mise au point en 2012 par Jean-Pierre Bellon et Marie Quartier, la mĂ©thode a Ă©tĂ© intĂ©grĂ©e dans le plan français de lutte contre le harcĂšlement scolaire (pHARe) lancĂ© en 2019 par le MinistĂšre de lâEducation Nationale. Selon une Ă©valuation menĂ©e cette annĂ©e-lĂ auprĂšs de 487 fonctionnaires formĂ©s dans lâAcadĂ©mie de Versailles, elle a permis de rĂ©soudre 82% des situations dâintimidation.
DĂ©couvrir la mĂ©thode sur le site du Centre de ressources et dâĂ©tudes systĂ©miques contre les intimidations scolaires (RĂ©SIS)
Contacter le centre RĂ©SIS Belgique : centreresis.belgique@gmail.com
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Références :
- Les blessures de lâĂ©cole : harcĂšlement, chahut, sexting, prĂ©venir et traiter les situations â Ă©ditions ESF – Marie Quartier et Jean-Pierre Bellon
- HarcĂšlement scolaire : le vaincre câest possible. La mĂ©thode de la prĂ©occupation partagĂ©e. Marie Quartier, Bertrand Gardette, Jean-Pierre Bellon
ProblĂšme de communication, faible niveau de littĂ©ratie, manque dâaccĂšs aux soins de base et dĂ©fiance envers le corps mĂ©dical. Les femmes dĂ©tenues pĂątissent de multiples insuffisances. Un rapport leur donne voix au chapitre.
Si lâincarcĂ©ration est Ă©videmment difficile pour toute personne, les femmes incarcĂ©rĂ©es peuvent rencontrer des difficultĂ©s supplĂ©mentaires comparĂ©es Ă celle des quartiers pour hommes. I.Care a choisi de rendre publique la parole de 17 femmes incarcĂ©rĂ©es ou qui ont connu la prison. Elles relatent le choc de lâentrĂ©e en prison, lâimpossible intimitĂ©, la faible qualitĂ© des soins, notamment gynĂ©cologiques ou obstĂ©triques, les difficultĂ©s Ă maintenir des relations familiales, et surtout le manque dâactivitĂ©s qui sont plus nombreuses dans les quartiers pour hommes.
IntitulĂ© Parle avec elles, ce document paru en juillet 2023 permet de cerner les rĂ©alitĂ©s et les dĂ©fis auxquels sont confrontĂ©es les femmes placĂ©es derriĂšre les barreaux et confortent les constats que I.Care fait quotidiennement dans son travail en prison. Non-prise en compte de la douleur, report des soins, ou actes de mauvaise qualitĂ©. Lâinsuffisance de soins de santĂ© en prison a des consĂ©quences graves sur la santĂ© physique et mentale des femmes. Les problĂšmes de santĂ© non traitĂ©s ou mal gĂ©rĂ©s peuvent sâaggraver, entraĂźnant des complications et une dĂ©tĂ©rioration de lâĂ©tat de santĂ© gĂ©nĂ©ral. De plus, le manque de confiance dans le systĂšme de santĂ© en prison peut avoir un impact nĂ©gatif sur la motivation des femmes Ă faire les dĂ©marches nĂ©cessaires afin de recevoir les soins dont elles ont besoin. Au point que certaines attendent leur libĂ©ration pour faire un bilan mĂ©dical.
âIci, Ă ma sortie, jâai fait un check-up mĂ©dical. DĂšs que jâai des nouvelles de la mutuelle, et ça fait trois semaines que je suis sortie et ça prend du temps, mais on me fait une prise de sang et tout ça, et on met tout en route. Je rattrape le retard de prise en charge de la prison quoi. Jâai un problĂšme Ă la thyroĂŻde qui nâa jamais Ă©tĂ© suivi en prison, donc je suis occupĂ©e maintenant Ă refaire tous les examens pour voir quand est ce quâon va mâopĂ©rer. Ce qui aurait pu ĂȘtre fin 2019 quand ils ont eu le rapport du mĂ©decin, mais… Non, ils ont juste rĂ©pondu que jâĂ©tais quâun cas de prison donc...â (Juliette*)
Le psychotrauma en héritage
Le rapport souligne aussi une rĂ©alitĂ© souvent mĂ©connue : les femmes incarcĂ©rĂ©es sont non seulement des auteures d’infractions, mais aussi souvent des victimes de divers traumas. Comme le dit Mia*, une des participantes : âMa mĂšre, jâĂ©tais son punchingball. On mâa pas appris Ă parler aux enfants, parce que moi on mâa jamais parlĂ©. On me frappait, ou on mâinsultait, on me parlait pasâ. Leur parcours est souvent marquĂ© par des violences et expĂ©riences traumatisantes qui ont pu influencer les actes menant Ă une incarcĂ©ration. Le passage en prison peut reprĂ©senter un nouveau dĂ©part et/ou un moment de rĂ©pit dans une vie de violences pour de nombreuses femmes, mĂȘme sâil apporte Ă©galement son lot de dĂ©fis et de difficultĂ©s. Les tĂ©moignages rĂ©coltĂ©s laissent Ă penser que lâincarcĂ©ration devrait ĂȘtre une opportunitĂ© de soin pour des personnes vulnĂ©rables, elle devrait ĂȘtre Ă©galement une opportunitĂ© dâaide Ă la (re)construction et Ă la capacitĂ© dâagir pour ces femmes.
En effet, les Ă©changes ont permis de constater, que les personnes dĂ©tenues disposent dâune trĂšs faible littĂ©ratie en santĂ©, ce qui impacte fortement leurs accĂšs aux soins et alimente la dĂ©fiance envers le personnel soignant. De nombreuses femmes peuvent prĂ©senter des difficultĂ©s dâaccĂšs Ă lâinformation mĂ©dicale et de comprĂ©hension de celle-ci. Cela peut ĂȘtre difficile pour elles de comprendre les instructions mĂ©dicales, les traitements prescrits ou les informations sur leur Ă©tat de santĂ©. Cette limitation peut entraver la communication avec les professionnel·les de santĂ© et compromettre les rĂ©sultats des soins.
Que demande I.Care ?
I.Care demande de financer et renforcer les actions de promotion de santĂ© en prison pour permettre un accompagnement individuel, collectif et communautaire agissant sur les dĂ©terminants sociaux de la santĂ©. Une mission spĂ©cifique EVRAS devrait ĂȘtre confiĂ©e Ă des centres de planning familial.
Il est essentiel d’adopter une approche holistique respectueuse des dimensions de genres dans les politiques et pratiques pĂ©nitentiaires, en prenant notamment en compte leurs besoins en santĂ© sexo-spĂ©cifiques mais Ă©galement les expĂ©riences de violences et de traumatismes quâelles ont pu vivre avant leur incarcĂ©ration.
Cela implique la sensibilisation et la formation continue des professionnel·les du systĂšme pĂ©nal sur les problĂ©matiques spĂ©cifiques aux femmes en prison. Il est Ă©galement crucial de permettre aux femmes dĂ©tenues victimes de violences d’accĂ©der Ă des services spĂ©cialisĂ©s dotĂ©s de moyens suffisants, notamment des thĂ©rapies individuelles et de groupe axĂ©es sur la guĂ©rison des traumatismes et le renforcement de l’estime de soi.Â
A ce titre, vous pouvez consulter la note : « Faire entrer en prison des structures d’accompagnement pour les femmes victimes de violences basĂ©es sur le genre »
Enfin, il est essentiel d’inclure le milieu carcĂ©ral dans la politique de prĂ©vention des violences. Cela doit passer par la mise en place de programmes pour les hommes et les femmes dĂ©tenuâes mais aussi par la mise en Ćuvre de mesures de protection spĂ©cifiques pour les femmes qui craignent des reprĂ©sailles ou des violences, afin de garantir la continuitĂ© des prises en charge aprĂšs leur sortie de prison.
Retrouvez le rapport complet en pdf
Chiffres-clés :
La Belgique vient de passer le cap des 12 000 personnes détenues.
Parmi elles, 4% sont des femmes et 96% sont des femmes.
La durĂ©e moyenne dâincarcĂ©ration est de 9,9 mois
(source : https://www.prison-insider.com/fichepays/belgique-2023)
La Chaire interdisciplinaire de recherche Be.Hive prĂ©sente ses travaux sur deux communautĂ©s de pratiques (CoPs) – des groupes dâindividus qui partagent un domaine dâintĂ©rĂȘt et qui cherchent Ă apprendre les uns des autres par des interactions rĂ©guliĂšres et lâexpĂ©rience de leur pratique. Des dispositifs sont particuliĂšrement prometteurs en ce qui concerne lâapproche en santĂ© communautaire.
Lâapproche en santĂ© communautaire se dĂ©finit commeâŻ: un processus ayant une vision plurifactorielle de la santĂ©, qui entreprend le dĂ©veloppement dâactions de prĂ©vention et de promotion de la santĂ© Ă travers la participation de groupes de personnes affiliĂ©es sur un territoire, dans une perspective de justice sociale, par la rĂ©alisation de changements structurels (environnementaux et comportementaux), en vue dâamĂ©liorer la santĂ© de la communautĂ© et de ses membres (2). Cette approche connait actuellement un regain dâintĂ©rĂȘt tant du cĂŽtĂ© wallon que bruxellois (3).
Dans le cadre des CoPs, nous avons choisi de mettre lâaccent non pas uniquement sur les actions qui la constituent, mais plutĂŽt sur les caractĂ©ristiques partagĂ©es par les dispositifs de santĂ© communautaire (4) (5). De facto, cette vision vise Ă Ă©pouser Ă la fois les attentes et le rythme du public afin quâil ne soit plus uniquement bĂ©nĂ©ficiaire du service, mais Ă©galement contributeur, en sâenrĂŽlant plus «âŻactivementâŻÂ» dans la relation de soins et dâaide.
En 2020, une Ă©tude a Ă©tĂ© menĂ©e dans le cadre des travaux de Be.hive sur les pratiques de santĂ© communautaire auprĂšs des professionnels de la premiĂšre ligne de soins et dâaide. Celle-ci a notamment mis en Ă©vidence un dĂ©sĂ©quilibre dans les principes dâaction sensĂ©s guider la santĂ© communautaire et des Ă©carts entre les pratiques annoncĂ©es et les pratiques effectives sur le terrain, laissant supposer des difficultĂ©s dans la mise en Ćuvre (6). Cette Ă©tude avait Ă©galement permis aux professionnels dâexprimer le besoin de pouvoir Ă©changer sur leurs pratiques. Câest dans ce contexte que Be-Hive, en collaboration avec les Centres locaux de promotion de la santĂ© (CLPS), a dĂ©veloppĂ© en 2021 deux CoPs autour de la santĂ© communautaireâŻ: lâune sur lâarrondissement de LiĂšge et lâautre sur celui de Namur.
Ă partir dâune analyse thĂ©matique de contenu des premiĂšres sĂ©ances de ces CoPs, voici quelques rĂ©flexions portant sur les paradoxes ou dĂ©fis exprimĂ©s par les professionnels dans la mise en Ćuvre des pratiques de santĂ© communautaire, mais aussi les leviers ou stratĂ©gies quâils ont dĂ©veloppĂ©s pour y faire face (7) (8).
La santé communautaire, comme réponse stratégique aux enjeux de santé publique
Cette vision de la santĂ© communautaire est soutenue par les professionnels qui participent aux CoPs et qui sont convaincus des avantages de lâapproche pour rĂ©pondre aux attentes dâun public sur un territoire dĂ©limitĂ©, tout en Ă©tant un levier important pour dĂ©passer les limites dâun systĂšme actuel encore fortement imprĂ©gnĂ© du modĂšle biomĂ©dicalâŻ: «âŻtrĂšs vite, dans les consultations individuelles, les mĂ©decins se sont rendus compte qu’il y avait des problĂ©matiques sur lesquelles ils n’arrivaient pas Ă avancer, parce que les causes n’Ă©taient pas individuelles et quâil fallait agir sur les conditions de vie (InfirmiĂšre, Service dâaide aux personnes en situation de mal logement, CoP de Namur).âŻÂ»
Paradoxe et dĂ©fis liĂ©s Ă la mise en Ćuvre des pratiques de santĂ© communautaire
Les CoPs confirment le dĂ©calage qui subsiste entre cette vision idĂ©ale et la rĂ©alitĂ© effective oĂč cette pratique de santĂ© communautaire reste difficile Ă concrĂ©tiser de maniĂšre systĂ©matique et diffuse, compte tenu Ă la fois du paysage peu structurĂ© de la santĂ© communautaire et de la difficultĂ© de trouver sa place en tant quâapproche Ă lâintĂ©rieur dâune organisation.
DĂšs lors, un certain paradoxe peut sâobserver avec dâune part lâapproche curative qui peut se montrer restrictive dans sa rĂ©ponse aux dĂ©fis de santĂ©, et dâautre part la reconnaissance dĂ©ficitaire de la santĂ© communautaire comme une option valable et faisable. Les participants des CoPs ont pu dĂ©ployer des stratĂ©gies variĂ©es pour faire face Ă ces diffĂ©rents dĂ©fis.
En quĂȘte de lĂ©gitimitĂ©
Les diffĂ©rentes actions constitutives de la santĂ© communautaire sont rĂ©alisĂ©es pour rĂ©pondre aux besoins spĂ©cifiques et pluriels du public et dĂ©passer un systĂšme qui priorise encore le biomĂ©dical. «âŻUne des difficultĂ©s concrĂštes, câest dâimpliquer lâĂ©quipe dans la dĂ©marche en santĂ© communautaire, d’ĂȘtre convaincu que le collectif est important. Mais concrĂštement, lâimplication est parfois dĂ©licate, car certains professionnels sont noyĂ©s par les besoins curatifs (âŠ) » (InfirmiĂšre, centre de santĂ© intĂ©grĂ©, CoP de LiĂšge).⯠La vision classique de type biomĂ©dical restant dominante tant pour les structures liĂ©es aux soins que pour leurs partenaires «âŻhors soinsâŻÂ»âŻ; la santĂ© communautaire semble demeurer encore mĂ©connue ou incomprise pour la plupart des professionnels de santĂ©, notamment en ce qui concerne lâapproche globale de la santĂ© qui fait appel Ă de lâintersectorialitĂ©âŻ: «âŻNous on travaille beaucoup avec le secteur culturel (âŠ) et câest vrai quâil y a encore des rĂ©actions du style «âŻouh la santĂ©, ça nous regarde pasâŻÂ»âŻÂ» (animatrice en santĂ© communautaire, CoP de Namur).
Les professionnels «âŻconvaincusâŻÂ» doivent ainsi faire face Ă des rĂ©actions dubitatives qui remettent cette approche en question. La question de la reconnaissance et dâune certaine maniĂšre de la lĂ©gitimitĂ© de la santĂ© communautaire revient souvent dans les Ă©changes lors des CoPsâŻ: «âŻCâest vrai que moi je suis convaincue de lâintĂ©rĂȘt de la santĂ© communautaire. Mais voilĂ , on est dans une Ă©quipe pluridisciplinaire oĂč le contact individuel est quand-mĂȘme majoritaire. Et il faut pouvoir vendre la santĂ© communautaire. Donc participer aux CoPs câest permettre dâamener des preuves (âŠ) face Ă des professionnels qui sont un peu scientifiques, et montrer que la santĂ© communautaire a vraiment sa place en maison mĂ©dicaleâŻÂ» (InfirmiĂšre en maison mĂ©dicale, CoP de LiĂšge).
Ces professionnels en arrivent Ă devoir ainsi combiner lâapproche en santĂ© communautaire avec cette rĂ©alitĂ© de terrain, en utilisant des procĂ©dures classiques telle quâune prescription mĂ©dicale afin dâapporter une certaine lĂ©gitimitĂ© Ă leurs actions, non seulement de la part des professionnels, mais Ă©galement de la part des patientsâŻ: «âŻC’est l’idĂ©e de prescrire de la santĂ© communautaire (âŠ) Il y a la possibilitĂ© pour le mĂ©decin de prescrire d’aller marcher, d’aller Ă lâatelier tricot. Et du coup, le patient se dit : « Ah mon mĂ©decin me prescrit ça, c’est que doncâŠâŻÂ» (InfirmiĂšre, Maison mĂ©dicale, CoP de LiĂšge).âŻÂ»
Une autre stratĂ©gie dĂ©veloppĂ©e par certains professionnels pour gagner en lĂ©gitimitĂ© a consistĂ© en la rĂ©alisation dâun diagnostic communautaire. Celui-ci permet dâidentifier les besoins bio-psycho-sociaux de la population sur un territoire donnĂ©. Lâensemble des parties prenantes contribue Ă la dĂ©marche, la lĂ©gitimant pour elle-mĂȘme, mais aussi vis-Ă -vis de lâextĂ©rieurâŻ: «âŻUn premier diagnostic communautaire a Ă©tĂ© menĂ© dans les annĂ©es 2005-2006 (âŠ) c’est ce qui a permis Ă la maison mĂ©dicale de gagner en lĂ©gitimitĂ© auprĂšs des autres partenaires puisqu’elle a vraiment appelĂ© tous les acteurs Ă participer Ă ce diagnostic et auprĂšs des habitants.» (Animatrice en santĂ© communautaire, maison mĂ©dicale, CoP de Namur).âŻRĂ©alisĂ© avec les personnes concernĂ©es par la problĂ©matique, le diagnostic communautaire apporte aussi, comme autres bĂ©nĂ©fices, un potentiel certain dâautodĂ©termination Ă ce public et rejaillit sur la mise en Ćuvre des pratiques de santĂ© communautaire.
En complĂ©ment des stratĂ©gies Ă©manant directement des professionnels, la participation aux CoPs peut Ă©galement ĂȘtre perçue comme un moyen indirect dâamener une certaine reconnaissance de la santĂ© communautaireâŻ: «âŻJe trouve que ce genre de comitĂ© pourrait peut-ĂȘtre nous aider Ă ĂȘtre encore plus convaincant vis-Ă -vis des collĂšgues et amener des arguments pour dire que ça vaut la peine dâen faireâŻÂ» (Responsable rĂ©seau multidisciplinaire local, CoP de Namur).
MultiplicitĂ© des rĂŽles dans la mise en Ćuvre de la santĂ© communautaire
Afin de dĂ©velopper des pratiques de santĂ© communautaire, deux approches diffĂ©rentes peuvent sâobserver au sein des organisationsâŻ: soit elles attribuent ce rĂŽle Ă une personne en particulier, soit elles le font Ă travers lâimplication de tous les professionnels de leur organisation. Ce type de fonctionnement est parfois perçu comme un avantage, selon certains participants, de pouvoir plus facilement concerner et impliquer lâensemble de lâĂ©quipeâŻ: «âŻLe fait quâil nây ait pas quelqu’un qui soit vraiment habilitĂ© Ă faire la santĂ© comâ, permet que tout le monde en fasse dans l’Ă©quipe, ça motive et tout le monde a envie de dĂ©velopper des projetsâŻÂ» (InfirmiĂšre, centre de santĂ© intĂ©grĂ©, CoP de LiĂšge).
Cependant, afin de concrĂ©tiser ces actions, les professionnels doivent bien souvent dĂ©ployer un surplus de temps, de travail et dâĂ©nergieâŻ: «âŻJe trouve quâil y a un manque de moyens pour assurer cette fonction de santĂ© communautaire. On fait un peu du bricolage pour ce concept qui est de fait un peu nĂ©buleux. (âŠ) Moi, jâai quatre heures pour coordonner.âŻÂ» (InfirmiĂšre en maison mĂ©dicale, CoP de LiĂšge). «âŻCe qui manque souvent, câest quâon nâest pas des cracs en communication (âŠ). Parce quâon nâa pas toujours le temps non plus de faire ça, ni les compĂ©tences.âŻÂ» (InfirmiĂšre dans un centre de soins intĂ©grĂ©s, CoP de LiĂšge).
Ce surplus semble inhĂ©rent Ă lâaddition, voire Ă la multiplication de rĂŽles (9). De fait, crĂ©er un diagnostic communautaire, co-gĂ©rer une activitĂ© participative, co-construire des partenariats avec des acteurs du rĂ©seau, crĂ©er des outils de communication ou dâautres types dâactions sont autant dâactivitĂ©s sociales spĂ©cifiques ayant leurs propres cadres, et donc leurs propres rĂŽles. Or ces activitĂ©s peuvent ĂȘtre effectuĂ©es par le mĂȘme professionnel au sein de la mĂȘme organisation. En plus du statut qui lui est assignĂ© contractuellement, il est amenĂ© Ă occuper plusieurs rĂŽles qui sâemboĂźtent les uns dans les autres au grĂ© des activitĂ©s qui sâenchĂąssent (9),âŻĂ lâimage de cette psychologue qui, en plus de son travail thĂ©rapeutique, se retrouve Ă organiser une donnerie et Ă bricoler du bois : «âŻLes adultes du club thĂ©rapeutique ont souhaitĂ© crĂ©er une donnerie. âŻEt lĂ , on a mis en place un espace de dressing mobile avec la rĂ©cupĂ©ration des bois de palettes qu’on fait depuis des annĂ©es, et donc on l’a construit avec eux.âŻÂ» (Psychologue, service de santĂ© mentale, COP Namur). âŻ
Cette multiplication des rĂŽles reflĂšte aussi, in fine, le flou conceptuel constitutif de ce que signifie «âŻsantĂ© communautaireâŻÂ». Dans le cadre de notre recherche, nous sommes partis dâune dĂ©finition multidimensionnelle et dynamique qui prĂ©sentait une certaine ouverture Ă une sĂ©rie de pratiques correspondantes. Mais les participants eux-mĂȘmes expriment cette notion comme Ă©tant fort abstraite et nĂ©buleuseâŻ: «âŻEn fait, je comprends lâenvie, le besoin dâavoir une dĂ©finition. Parce câest vrai que quand des collĂšgues qui ne sont pas initiĂ©s Ă la santĂ© communautaire me demandent comment je la dĂ©finirais, câest vrai que câest compliquĂ©.âŻÂ» (infirmiĂšre en maison mĂ©dicale, CoP de LiĂšge). «âŻQuand on parle de la santĂ© communautaire, on ne parle pas toujours de la mĂȘme chose. Câest frustrant, on est un peu perdu.âŻÂ» (InfirmiĂšre en maison mĂ©dicale, CoP de Namur).
Ce flou conceptuel entraĂźne de ce fait une difficultĂ© pour partager et communiquer ce type dâapproche auprĂšs dâautres professionnels, ce qui peut Ă terme freiner une certaine diffusion des pratiques.
MĂȘme du cĂŽtĂ© de la littĂ©rature scientifique, il parait difficile de se fixer sur une dĂ©finition univoque de la santĂ© communautaire. Dâailleurs, Didier Jourdan lâun des rĂ©fĂ©rents en la matiĂšre, souligne que ce concept renvoie plutĂŽt à «âŻune large diversitĂ© de rĂ©alitĂ©sâŻÂ». (10). Cela a comme consĂ©quence de rendre instable le processus dâidentification en tant que praticien de la santĂ© communautaire.
Conclusion
Ces retours dâexpĂ©rience de CoPs mettent clairement en Ă©vidence certains paradoxes et dĂ©fis exprimĂ©s par les professionnels de terrain. Certaines stratĂ©gies ont dĂ©jĂ pu ĂȘtre mises en Ă©vidence.
La poursuite de cette recherche sur les sĂ©ances suivantes permettra de continuer cette identification et de renforcer les Ă©changes de pratiques dans les CoPs. Une des perspectives est de voir comment les CoPs peuvent aider Ă amĂ©liorer les pratiques en intĂ©grant lâapproche en santĂ© communautaire au sein du systĂšme de santĂ© et de gagner en reconnaissance, ce qui semble notamment possible par lâintermĂ©diaire de lâeffet de duplication de connaissances que produisent les CoPs auprĂšs des membres.
Références
1. Wenger E, Trayner B, de Laat M. Promoting and assessing value creation in communities and networksâŻ: A conceptual framework. Heerlen (NL); 2011.
2. Committee C and TSA (CTSA) CCEKF. Principles of Community Engagement. NIH Publication No. 11-7782. 2011.
3. Negrel F, Michel N, Boland Z, DĂ©jou F,DĂ©marches communautaires : lâintrospection dĂ©gage de nouvelles perspectives, Education SantĂ© 2023 n°403
4. Chartier IS, Blanchet V, Provencher MD. Activation comportementale et dĂ©pressionâŻ: une approche de traitement contextuelle. Sante Ment Que. 2020;38 (2):175â94.
5. Transnational Forum on Integrated Community Care. Input paper on Integrated Community Care. 2019.
6. Kirkove D, Voz B, PĂ©trĂ© B. Renforcer la premiĂšre ligne de soins. SantĂ© ConjuguĂ©e. 2021;96:7â9.
7. Prost M, Fernagu-Oudet S. Lâapprenance au prisme de lâapproche par les capabilitĂ©s. Ăducation Perm. 2016;(207i(2)).
8. PaillĂ© P, Mucchielli A. Lâanalyse qualitative en sciences humaines et sociales. 4Ăšme Ă©diti. Colin A, editor. 2016.
9. Cefai D, Gardella E. Comment analyser une situation selon le dernier GoffmanâŻ? De Frame Analysis Ă Forms of Talk. Erving Goffman et lâordre de lâinteraction. 2012;233â65.
10. Jourdan D. Quarante ans aprĂšs , oĂč en est la santĂ© communautaireâŻ? Community healthâŻ: where do we stand after forty yearsâŻ? Sante Publique (Paris). 2012;24(2):165â78.
AprĂšs deux ans de concertation, les acteurs bruxellois qui mettent en Ćuvre des dĂ©marches communautaires en santĂ© publient une synthĂšse de leurs Ă©changes. Une Ă©tape-clĂ© pour mettre Ă plat les concepts et les repĂšres mĂ©thodologiques de cette approche riche et diversifiĂ©e de promotion de la santĂ© avant la crĂ©ation d’un Service Support dĂ©diĂ© en 2024
Pendant deux ans, 37 collectifs et institutions du territoire de Bruxelles-Capitale se sont interrogĂ©s sur leurs modes dâaction auprĂšs de la population en gĂ©nĂ©ral, et des populations dĂ©favorisĂ©es et marginalisĂ©es en particulier. Lâobjectif : renforcer la participation citoyenne et plaider pour une vision ascendante de la santĂ© publique via les dĂ©marches communautaires.
En effet, les plus précaires ont été fortement impactés par la crise sanitaire, leur vulnérabilité sociale, sanitaire et économique ainsi que la mise en place de mesures univoques et peu adaptées à leurs conditions de vie en a accru les effets directs et indirects.
Cette concertation impulsĂ©e par un collectif dâassociations membres de la FĂ©dĂ©ration Bruxelloise de Promotion de la SantĂ© (FBPS) et ouverte Ă tous les acteurs du territoire, a permis de faire le point sur la richesse des projets et la diversitĂ© des interventions.
Un travail en plusieurs Ă©tapes
Quatre journĂ©es de concertation ont rythmĂ© la premiĂšre annĂ©e, en parallĂšle dâune collecte de donnĂ©es sur les pratiques des dĂ©marches communautaires Ă lâappel de la FBPS et de la rĂ©alisation dâun cadastre de lâexistant. Une premiĂšre synthĂšse des Ă©changes, prĂ©sentĂ©e au parlement bruxellois, a permis aux Ă©lus de se familiariser avec les projets menĂ©s sur le territoire, leurs besoins et les spĂ©cificitĂ©s des populations accompagnĂ©es.
Au cours de la seconde annĂ©e, les participant.e.s ont formalisĂ© le commun partagĂ© par les institutions impliquĂ©es dans des dĂ©marches communautaires en promotion de la santĂ©. Ces Ă©changes ont permis de mettre en lumiĂšre et de revendiquer les spĂ©cificitĂ©s propres Ă une stratĂ©gie qui sâadapte au plus prĂšs des contextes, des parties prenantes, des sujets. Au terme de cette concertation, les parties prenantes ont Ă©ditĂ© un rapport synthĂ©tique de leurs travaux. Il reprend la cartographie des institutions et des collectifs mettant en Ćuvre ce type de dĂ©marches en rĂ©gion bruxelloise, et prĂ©sente les caractĂ©ristiques mĂ©thodologiques dâune dĂ©marche communautaire en santĂ©.
Une démarche réflexive
Parmi ses fondamentaux figure lâaspect âmulti-acteur·rice·sâ. Une dĂ©marche communautaire inclut diffĂ©rentes parties prenantes et vise Ă intĂ©grer la communautĂ© ciblĂ©e Ă toutes les Ă©tapes de la dĂ©marche â et non Ă des Ă©tapes exclusives et prĂ©dĂ©terminĂ©es. Câest aussi une dĂ©marche rĂ©flexive qui exige constamment de se questionner sur les termes et les catĂ©gories utilisĂ©s, dâĂ©valuer en permanence les objectifs initiaux, et le processus mis en place pour atteindre les objectifs. Elle nĂ©cessite du temps et des outils pour analyser ses pratiques, les dĂ©construire et les reconstruire.
Lors dâune sĂ©ance autour de la posture professionnelle en dĂ©marches communautaires, les participant.es ont ainsi identifiĂ© que les reprĂ©sentations autour des Habitant·e·s Usager·e·s Citoyen·ne·s sont centrales. Ceux-ci sont perçus non pas comme de simples usager.es Ă aider mais comme des acteurs.trices et partenaires centraux de la dĂ©marche et des personnes pleines de ressources Ă valoriser.
ConsĂ©quence des deux caractĂ©ristiques prĂ©cĂ©dentes, la dĂ©marche communautaire en santĂ© nĂ©cessite de lâinvestissement en moyens et en temps. Elle nâest ni une Ă©conomie de moyens, ni une simple juxtaposition de missions. La diversitĂ© des acteur·rice·s, les nĂ©cessitĂ©s dâĂ©galisation des savoirs et des pouvoirs qui articulent des cultures de groupes sociaux diffĂ©rents, exigent des compĂ©tences spĂ©cifiques et du temps.
Le rapport identifie les besoins et les freins. Dâabord en termes de financements. La dĂ©marche rigoureuse et exigeante requiert des financements structurels pour alimenter le processus de conception, dâappropriation et dâĂ©valuation. Dâailleurs, lâĂ©valuation dâune dĂ©marche communautaire aussi a des besoins propres, elle ne correspond pas aux Ă©valuations classiques en termes dâactivitĂ©s. Les actions devraient ĂȘtre Ă©valuĂ©es en cohĂ©rence avec lâensemble de la dĂ©marche communautaire. Enfin, lâimplication des membres des diffĂ©rentes parties prenantes dans lâensemble de la dĂ©marche, sâappuie sur la construction dâun lien de confiance entre les travailleur·euse·s communautaires et les membres de la communautĂ©.
Une grille pour soutenir la méthode
Les parties prenantes ont Ă©ditĂ© une grille dâanalyse de pratiques, questionnĂ©e au sein dâun panel de membres de la concertation qui lâont testĂ©e au sein de leur Ă©quipe. Pour certain·e·s participant·e·s, la grille rend compte de la diversitĂ© des mĂ©thodologies. Elle donne Ă©galement des balises claires Ă lâaction afin dâĂ©valuer la mise en oeuvre au fur et Ă mesure du dĂ©roulement des actions en termes de projet, et en termes de processus. Elle forme un bon outil dâauto-Ă©valuation pour les Ă©quipes. Elle peut servir dâoutil pĂ©dagogique : Ă destination des travailleur·euse·s, les membres de la communautĂ© en action, etc. Toutefois, pour certain·e·s membres de la concertation, elle reste encore trop rigide, relĂšve les aut.eur.rice.s de la synthĂšse.
Le rapport conclut sur les perspectives dans le dĂ©veloppement de ces dĂ©marches en prenant la forme dâun plaidoyer. Elle rĂ©affirme lâimportance de lâintĂ©gration des dĂ©marches communautaires en santĂ© dans la santĂ© publique et dans toutes les politiques. En effet, suite Ă la mise en place du Plan Promotion de la SantĂ© (PPS) et du Plan Social SantĂ© IntĂ©grĂ© (PSSI), et compte tenu des multiples initiatives locales en faveur de la santĂ© des citoyen·ne·s (Relais dâAction de Quartier, Contrat Local Social SantĂ©âŠ) qui ont Ă©mergĂ© Ă diffĂ©rents niveaux, il est nĂ©cessaire, selon les participants, dâassurer une plus grande cohĂ©rence des politiques et programmes soutenant les dĂ©marches communautaires en santĂ© et de les rattacher Ă des principes de promotion de la santĂ©. Â
Un appel à candidature pour désigner un service support en démarche communautaire est en cours au niveau de la COCOF. Ce service permettra de pérenniser cette démarche collective en créant un lieu de rencontre, de documentation et de formation. Un engagement qui se concrétisera début 2024.
Pour recevoir des exemplaires papier de la synthĂšse, si vous avez des questions, des suggestions Ă transmettre Ă la FBPS, contactez : fbpsante@gmail.com
Retrouvez sur le site internet www.fbpsante.brussels la synthĂšse et le rĂ©fĂ©rentiel complet en pdf, ainsi que les diffĂ©rentes ressources et informations relatives aux dĂ©marches communautaires en santĂ© et Ă la concertation. NâhĂ©sitez pas Ă vous inscrire Ă la newsletter de la fĂ©dĂ©ration sur la page dâaccueil du site.
La dĂ©marche communautaire est la mise en Ćuvre de la mobilisation communautaire en santĂ©, lâune des stratĂ©gies de la promotion de la santĂ© dĂ©finie par lâOrganisation mondiale de la santĂ© (1986). La diversitĂ© des formes quâelle peut prendre explique que lâon parle en 2023 deS dĂ©marcheS communautaireS. Celles-ci ont pour objectif lâacquisition de capacitĂ©s, par les individus et les communautĂ©s, leur permettant dâagir sur leur environnement et leur santĂ© afin dâamĂ©liorer leurs conditions de vies et in fine rĂ©duire les inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ©. Le processus dâacquisition de capacitĂ©s ainsi que son rĂ©sultat est nommĂ© empowerment ou pouvoir dâagir.
Cet article a pour objectif de prĂ©senter succinctement les Ă©tapes de mise en Ćuvre dâun cycle dâateliers collectifs et les principaux rĂ©sultats de cette expĂ©rimentation dans le cadre de la recherche-action « Comment soutenir sur le plan psychosocial les citoyens prĂ©carisĂ©s cumulant diffĂ©rents impacts nĂ©gatifs de la crise sanitaire Covid-19 ? », soutenue par la RĂ©gion Wallonne dans le cadre des StratĂ©gies concertĂ©es COVID-19 en Wallonie [1] [2].
NB: Les autrices s’expriment pour l’ensemble de l’Ă©quipe de recherche
Les pandĂ©mies ont bien souvent cette capacitĂ© dâamplifier les inĂ©galitĂ©s dĂ©jĂ existantes au sein des communautĂ©s en atteignant de maniĂšre disproportionnĂ©e les groupes les plus vulnĂ©rables. La crise sanitaire Covid-19 nâa pas fait exception en exacerbant les difficultĂ©s prĂ©-existantes, quâelles soient liĂ©es Ă lâaccĂšs au logement, aux soins de santĂ© et aux services sociaux, Ă lâemploi mais Ă©galement en matiĂšre de solidaritĂ©, de liens sociaux (Champagne et al., 2023 ; Rapport Final des StratĂ©gies ConcertĂ©es COVID-19 en Wallonie, 2022); elle a aussi crĂ©Ă© de nouvelles formes de dĂ©tresses psychologiques (Rens et al., 2021).
Les troubles anxieux et dĂ©pressifs ont notamment considĂ©rablement augmentĂ©, et ce, surtout auprĂšs des personnes dĂ©jĂ fragilisĂ©es (Renard et al., 2021 ; Santomauro et al., 2021). Les personnes et les groupes cumulant diffĂ©rents impacts nĂ©gatifs de la crise (perte dâemploi, isolement, logement et environnement prĂ©caires, comorbiditĂ©s, etc.), associĂ©s Ă des facteurs de vulnĂ©rabilitĂ© prĂ©existants auraient ainsi le plus souffert. Enfin, le manque de liens sociaux est apparu comme un stresseur psychologique majeur, impactant le bien-ĂȘtre et la santĂ© de maniĂšre gĂ©nĂ©rale (Renard et al., 2021 ; Gisle et al., 2021). Par ailleurs, lors de la crise sanitaire, le RĂ©seau SantĂ© Wallon de Lutte contre la pauvretĂ© (RWLP) a Ă©galement soulignĂ© lâaccentuation de lâisolement social des personnes en situation de pauvretĂ© (Rapport Final des StratĂ©gies ConcertĂ©es COVID-19 en Wallonie, 2022).
Face Ă ces constats, la nĂ©cessitĂ© de favoriser la cohĂ©sion sociale, la solidaritĂ©, lâempowerment individuel et collectif en renforçant le soutien social et Ă©motionnel, les compĂ©tences psychosociales et les liens communautaires a Ă©tĂ© soulignĂ©e, en Belgique comme dans dâautres pays (Observatoire de la santĂ© du Hainaut, 2020 ; Buetti et al., 2021).
Contexte, objectifs et dispositif de la recherche-action
Face Ă ces difficultĂ©s constatĂ©es et en rĂ©ponse Ă un appel Ă projet lancĂ© par la RĂ©gion Wallonne dans le cadre des StratĂ©gies concertĂ©es COVID-19 en Wallonie, le RESO-UCLouvain et le Service de SantĂ© Mentale de Gosselies (SSM) du Centre Public dâAide Sociale (CPAS) de Charleroi se sont associĂ©s dans le cadre de la mise en Ćuvre dâun projet de recherche-action visant Ă renforcer les compĂ©tences psychosociales des participants [3] et Ă diminuer le sentiment dâisolement de ceux-ci.
Au dĂ©part de la recherche-action, lâĂ©quipe de recherche du projet a fait lâhypothĂšse que « la rĂ©alisation dâun cycle dâateliers collectifs sâinscrivant dans une dĂ©marche communautaire de renforcement de compĂ©tences (psychosociales) et plus largement de promotion de la santĂ© permettrait dâapporter un soutien psychosocial Ă des personnes en situation de prĂ©caritĂ© ». (Champagne et al., 2023, p. 15). Le renforcement de compĂ©tences psychosociales, tant individuelles que collectives, a en effet Ă©tĂ© identifiĂ© comme susceptible de contribuer Ă lâaugmentation du pouvoir dâagir et Ă la promotion de la santĂ© de publics vulnĂ©rables impactĂ©s par la crise sanitaire (Observatoire de la santĂ© du Hainaut, 2020 ; Buetti et al., 2021).
La dĂ©marche de recherche-action sâest ainsi concrĂ©tisĂ©e par la mise en Ćuvre concomitante dâun cycle de 5 ateliers collectifs (septembre 2022 â dĂ©cembre 2022) dans 4 espaces citoyens liĂ©s au CPAS, sur le territoire de la ville de Charleroi et dâune recherche autour de ce dispositif dâanimation collective. Le public cible visĂ© par la recherche-action Ă©tait un public prĂ©carisĂ©, bĂ©nĂ©ficiant de services du CPAS et frĂ©quentant habituellement les Espaces Citoyens. Ce sont au total 25 personnes (mixitĂ© hommes/femmes, dâĂąge variant entre 40 et 86 ans) rĂ©parties en 3 groupes de respectivement 6, 7 et 12 personnes qui ont ainsi rĂ©guliĂšrement participĂ© au cycle dâateliers.
Les objectifs gĂ©nĂ©raux de la recherche-action visaient dâune part la planification et lâexpĂ©rimentation dâateliers collectifs portant sur la rĂ©duction des impacts psychosociaux liĂ©s Ă la crise sanitaire auprĂšs de populations prĂ©carisĂ©es (dans une perspective dâapproche communautaire et participative) et, dâautre part, lâanalyse du processus dâexpĂ©rimentation des ateliers collaboratifs/collectifs et la formulation de recommandations quant au dĂ©veloppement de pratiques liĂ©es aux ateliers collectifs de type communautaire. Il sâagissait donc de documenter les conditions de rĂ©ussite et les effets des ateliers collectifs, dans le cadre dâune dĂ©marche contextualisĂ©e, participative et itĂ©rative.
DĂšs lors, il sâagissait dâaccompagner les participants dans lâexpression de leurs vĂ©cus en lien avec des « traces laissĂ©es par la crise », et dans lâidentification des besoins liĂ©s aux sentiments exprimĂ©s. La mise en Ćuvre des ateliers visait Ă©galement lâacquisition de compĂ©tences psychosociales – individuelles et collectives – susceptibles de soutenir la capacitĂ© des individus Ă mobiliser des ressources intĂ©rieures et extĂ©rieures devant leur permettre de faire face aux impacts durables que la crise sanitaire a pu occasionner pour eux.
Le cycle de rĂ©alisation de la recherche-action sâest dĂ©clinĂ© en diffĂ©rentes Ă©tapes, la premiĂšre passant par un diagnostic de situation (identification de la problĂ©matique de recherche, dĂ©termination des objectifs gĂ©nĂ©raux et spĂ©cifiques, besoins, etc.). Sâen est suivi la planification du cycle des ateliers collectifs (calendrier des ateliers collectifs, Ă©laboration de canevas dâanimation, mobilisation et constitution des groupes, etc.). La troisiĂšme Ă©tape concernait la mise en Ćuvre Ă proprement parler des trois cycles dâateliers et les mĂ©thodes de collecte de donnĂ©es (transcription dâintervalles des ateliers collectifs, prise de notes dâobservation, collecte de donnĂ©es sociodĂ©mographiques, feedback auprĂšs des participants, Ă©valuation collective des participants en fin dâatelier, dĂ©briefing comme outil principal de documentation du dispositif dâateliers collectifs, Ă©vĂšnement de clĂŽture). La derniĂšre Ă©tape du cycle sâintĂ©ressait Ă lâanalyse des donnĂ©es issues des diffĂ©rents ateliers. La mĂ©thode dâanalyse des diffĂ©rentes donnĂ©es recueillies Ă©tait de type qualitatif, sur base essentiellement de matĂ©riaux Ă©crits.
Notons que dans le dispositif dâanimation des ateliers, lâanimatrice, prĂ©sente Ă lâensemble des ateliers et qui bĂ©nĂ©ficiait dâune trĂšs bonne connaissance du territoire et du public-cible, Ă©tait accompagnĂ©e par un chercheur/observateur (diffĂ©rent) pour chaque cycle dâateliers.
Le déroulement des ateliers
- Des activitĂ©s spĂ©cifiques au premier atelier de chaque groupe ont Ă©tĂ© menĂ©es comme par exemple la co-construction dâune charte de groupe qui a permis de poser des rĂšgles et ainsi soutenir tout au long du processus lâĂ©mergence de conditions favorables Ă la dynamique de groupe. Un outil âbrise-glaceâ a Ă©galement Ă©tĂ© mobilisĂ© dans le but de crĂ©er du lien entre tous les participants : une pelote de laine Ă©tait lancĂ©e vers une personne tout en tenant un bout de fil et en se prĂ©sentant. Cette technique simple dâutilisation a contribuĂ© dĂšs le dĂ©marrage du premier atelier Ă crĂ©er un climat de confiance et Ă tisser un lien symbolique entre les participants.
- Dâautres activitĂ©s introductives ont Ă©tĂ© reproduites lors des ateliers suivants, Ă savoir : un outil mĂ©tĂ©o qui permettait dâidentifier lâhumeur du groupe et de prendre la âtempĂ©rature Ă©motionnelleâ de chacun des participants, le rappel de la âcharte de groupeâ, une phase de restitution des âessentielsâ de lâatelier prĂ©cĂ©dent de maniĂšre Ă faire le lien entre les ateliers, le suivi de la ligne du temps qui a facilitĂ© la mise en perspective du cycle dâateliers et la perception dâun fil conducteur entre les diffĂ©rents ateliers.
- Des activitĂ©s conclusives Ă©taient mises en avant Ă la fin de chaque atelier et constituaient en une restitution Ă chaud faite par le chercheur/observateur (les moments forts, les coups de cĆur ou inversement les coups de massue) un feed-back collectif rĂ©alisĂ© par les participants et une conclusion qui Ă©tait assurĂ©e par lâanimatrice des ateliers. Au terme de chaque atelier un dĂ©briefing Ă huis clos entre lâanimatrice et le chercheur avait pour fonction de dĂ©marrer le travail dâanalyse et dâajuster les ateliers Ă venir.
- Outre les activitĂ©s dĂ©crites ci-dessus, dâautres activitĂ©s spĂ©cifiques propres Ă chaque atelier ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es.
- Atelier 1 : prĂ©sentation des compĂ©tences psychosociales, mobilisation de lâoutil Photolangage âCovid-19 & nousâ [4]. lors du premier atelier dont lâobjectif Ă©tait de faire Ă©merger les vĂ©cus en lien avec la crise sanitaire et les traces laissĂ©es par celle-ci.
- Atelier 2 : utilisation de trois outils âMes sentiments, mes besoinsâ, âEmotikaâet lâaffiche âOpĂ©ractionâ dont la complĂ©mentaritĂ© a permis de faire Ă©merger lâexpression des sentiments et des besoins.
- Atelier 3 : co-construction dâun outil personnalisĂ© avec les participants (dessin dâun plateau de balance venant reprĂ©senter un dĂ©sĂ©quilibre provoquĂ© par un dĂ©bordement de sentiments dĂ©montrant des besoins non rencontrĂ©s) lors du troisiĂšme atelier qui avait pour objectif de permettre aux participants dâidentifier et mobiliser des ressources internes leur permettant de faire face aux difficultĂ©s vĂ©cues.
- Atelier 4 : exploitation dâun Mind Map avec les participants dont lâobjectif Ă©tait dâidentifier collectivement les ressources externes mobilisables.
- Atelier 5 : exploration avec les participants de lâoutil âEnjeu SantĂ© : les dĂ©terminants de la santĂ© sous la loupeâ afin dâidentifier les freins et leviers Ă la mobilisation des ressources et mises en situation.
- Outre les activitĂ©s dĂ©crites ci-dessus, dâautres activitĂ©s spĂ©cifiques propres Ă chaque atelier ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es.
- Enfin, un Ă©vĂ©nement de clĂŽture du projet a Ă©tĂ© organisĂ© Ă des fins dâĂ©valuation et de co-construction des recommandations finales, le 12 dĂ©cembre 2022 autour de trois tables de discussion (de type World CafĂ©) avec trois thĂ©matiques diffĂ©rentes (âles rĂ©coltes pour soi : ce qui resteâ ; âdes Ă©lĂ©ments pour la poursuite et la transfĂ©rabilitĂ© du dispositif dâateliers collectifsâ et enfin âce que les participants aimeraient adresser aux politiquesâ. Cette activitĂ© de clĂŽture a permis des âretours collaboratifsâ de la part des participants des cycles des 5 ateliers qui avaient en effet lâopportunitĂ© de pouvoir tous se retrouver âensembleâ et ainsi pouvoir âsâexprimer une derniĂšre foisâ sur leur vĂ©cu et sur les apports identifiĂ©s lors de leur participation aux ateliers.
Les principaux effets du dispositif sur le renforcement des compĂ©tences psychosociales et sur la diminution du sentiment dâisolement
Le dispositif dâateliers mis en place a permis de confirmer ou renforcer lâisolement social comme une consĂ©quence importante de la crise sanitaire. Au moment de la rĂ©alisation des ateliers collectifs, certains des participants Ă©taient dĂ©jĂ sortis en partie de leur isolement par la participation Ă certaines activitĂ©s hebdomadaires organisĂ©es au sein des Espaces Citoyens. Nos rĂ©sultats soulignent cependant que les ateliers ont contribuĂ© Ă impulser une motivation supplĂ©mentaire pour que les participants âsortent de chez euxâ. Le trĂšs bon taux de participation, dans la durĂ©e, Ă un cycle complet de 5 ateliers en tĂ©moigne. Ainsi, il est probable que la mise en place des ateliers ait pu rĂ©pondre Ă un besoin chez les participants de pouvoir se rencontrer, de partager et de sâexprimer. Les participants ont particuliĂšrement apprĂ©ciĂ© âle fait dâavoir pu vivre une expĂ©rience riche en rencontres et dĂ©couvertes oĂč la confiance et le partage ont pris le dessus sur la mĂ©fianceâ. (Champagne et al., 2023, p.99).
Pour mĂ©moire, les activitĂ©s menĂ©es dans le cadre des ateliers collectifs portaient principalement sur le dĂ©veloppement de compĂ©tences psychosociales (sociales, Ă©motionnelles ou cognitives) qui ont Ă©tĂ© abordĂ©es avec les participants comme Ă©tant des ressources internes Ă mobiliser lors de situations complexes de vie. Les ateliers ont ainsi favorisĂ© la prise de conscience que chacun dispose de ressources internes qui peuvent ĂȘtre mobilisĂ©es et exploitĂ©es Ă tout moment ; la (re)dĂ©couverte de nombreuses ressources extĂ©rieures parfois nouvelles et âinsoupçonnĂ©esâ ; une reprise de confiance en soi et en lâautre ; une prise de conscience de la maniĂšre de gĂ©rer ses Ă©motions. Les ateliers ont Ă©galement permis de faciliter la capacitĂ© de sâexprimer avec confiance, y compris sur des sujets dĂ©licats et personnels ; de prendre conscience quâil y a plusieurs vĂ©cus de la mĂȘme crise sanitaire ; de partager ses expĂ©riences ; dâaugmenter la tolĂ©rance et lâouverture individuelles ; de co-engendrer un lieu de reconstruction dâun lien abĂźmĂ©.
Cela a pu ĂȘtre confirmĂ© lors de lâĂ©vĂ©nement de clĂŽture, au cours duquelâ ⊠les participants ont pu exprimer que lâespace-temps de parole reconstituĂ© lors de ces ateliers avait Ă©tĂ© vĂ©cu comme restaurateur du lien social et dâune certaine façon, comme un facteur dâhumanisation. Le souci du lien, de la relation, le sentiment dâappartenance Ă une mĂȘme communautĂ©, quelles que soient les rĂ©fĂ©rences de chacun, a commencĂ© Ă se reconstruire au travers de ces diffĂ©rents ateliers. Le groupe a donc pu (co)engendrer un lieu de reconstruction dâun lien qui avait Ă©tĂ© mis Ă mal pour certains par la crise sanitaireâ.(Champagne et al., 2023, p. 104). Ce constat rejoint par ailleurs les observations de lâĂ©quipe de recherche, qui est restĂ©e trĂšs attentive durant tout le processus Ă lâĂ©volution de la dynamique de groupe et Ă la notion de âfaire groupeâ. Ainsi, elle a pu observer lâinstauration rapide dâun sentiment de confiance et de sĂ©curitĂ© auprĂšs des participants, la rĂ©pĂ©tition dâinteractions de soutien entre les participants, une dynamique positive, enthousiaste et engagĂ©e de la plupart des participants, le partage de vĂ©cus et la reconnaissance mutuelle des vĂ©cus respectifs des diffĂ©rents membres du groupe.
En guise de conclusion…
Nous pensons pouvoir dire que lors du cycle dâateliers co-construit et expĂ©rimentĂ© dans le cadre de ce partenariat entre le RESO-UCLouvain et le CPAS de Charleroi, certains besoins importants contribuant Ă la restauration de la confiance en soi et en autrui ont pu ĂȘtre entendus et rencontrĂ©s. En effet, le dispositif dâateliers collectifs semble avoir Ă©tĂ© vĂ©cu comme restaurateur dâun lien social et de certaines compĂ©tences psychosociales, individuelles ou collectives, qui avaient Ă©tĂ© mises Ă mal par la crise sanitaire.
Nous ne pouvons clĂŽturer ce partage de rĂ©sultats Ă propos de la mise en Ćuvre dâun dispositif dâateliers collectifs sâinscrivant dans une dĂ©marche communautaire de promotion de la santĂ© sans citer quelques Ă©lĂ©ments de transfĂ©rabilitĂ© du dispositif: la co-construction dâune charte dĂšs le dĂ©marrage des ateliers, lâimportance du choix des outils mobilisĂ©s (et prĂ©-testĂ©s), la capacitĂ© dâajustement des ateliers en fonction des besoins, la mise en place dâun cadre bienveillant et sĂ©curisant, la clartĂ© des explications communiquĂ©es aux participants, lâimportance de la fonction de lâanimatrice, les Ă©changes rĂ©guliers au sein de lâĂ©quipe de recherche, en particulier les binĂŽmes animatrice/chercheur pour soutenir la cohĂ©rence (« fil-rouge ») et la flexibilitĂ© (ajustements) du dispositif.
[1] Dans le cadre des StratĂ©gies concertĂ©es Covid-19 (round 2- automne 2021), le RESO-UCLouvain et le Service de SantĂ© Mentale de Gosselies (SSM) du Centre Public dâAide Sociale (CPAS) de la ville de Charleroi ont rĂ©pondu conjointement Ă lâappel Ă projet : « Quelles stratĂ©gies prĂ©coniser pour (re)tisser le lien social et favoriser le bien-ĂȘtre psychosocial des populations dĂ©favorisĂ©es cumulant divers impacts nĂ©gatifs de la crise du Covid-19 en Wallonie ? ». Une recherche-action participative.
[2] Champagne L., Thibaut C., Santorone N., Doumont D., Dallemagne G., Aujoulat I. « Comment soutenir sur le plan psychosocial les citoyens prĂ©carisĂ©s cumulant diffĂ©rents impacts nĂ©gatifs de la crise sanitaires liĂ©e Ă la Covid-19 ? ». Rapport dâune recherche-action dans le cadre des StratĂ©gies ConcertĂ©es Covid-19 en Wallonie 2022. UCLouvain/CPAS de Charleroi, fĂ©vrier 2023, 116 pages.
Ce rapport/publication est disponible dans la section « Recherche » du site web du RESO : https://uclouvain.be/fr/instituts-recherche/irss/reso/tisser-le-lien-social-et-promouvoir-le-bien-etre-psychosocial.html
[3] LâĂ©criture inclusive nâa pas Ă©tĂ© privilĂ©giĂ©e dans le cadre de la rĂ©daction de cette publication. Par consĂ©quent, les mots tels que « participant » ou « chercheur » doivent ĂȘtre compris comme pouvant dĂ©signer tant un homme quâune femme.
[4] Il est Ă noter que le projet a pu bĂ©nĂ©ficier dâune collaboration avec le CLPS de Charleroi-Thuin pour le choix des outils pĂ©dagogiques et dâanimation mobilisĂ©s dans le cadre des ateliers.
Pour nous contacter
UCLouvain-IRSS/RESO
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reso@uclouvain.be
32 2.764.32.82
Bibliographie
Buetti, D., Taylor, S., & Lapierre, S. (2019). Interventions fondĂ©es sur les dĂ©terminants sociaux de la santĂ© : quelles implications pour le travail social structurelâ? Service social, 65 (1), 40â53. https://doi.org/10.7202/1064589ar
Champagne L., Thibaut C., Santorone N., Doumont D., Dallemagne G., Aujoulat I. « Comment soutenir sur le plan psychosocial les citoyens prĂ©carisĂ©s cumulant diffĂ©rents impacts nĂ©gatifs de la crise sanitaires liĂ©e Ă la Covid-19 ? » Rapport dâune recherche-action dans le cadre des StratĂ©gies ConcertĂ©es Covid-19 en Wallonie 2022. UCLouvain/CPAS de Charleroi, fĂ©vrier 2023, 116 pages. https://cdn.uclouvain.be/groups/cms-editors-reso/publications/recherches/RESO-CPAS_RapportSCCovid19_RW_28022023.pdf
Gisle, L., Berete, F., Braekman, E., Bruggeman, E., Charafeddine, R., Demarest, S., Drieskens, S., & Van der Heyden, J. (2021). SeptiĂšme enquĂȘte de santĂ© COVID-19 : rĂ©sultats prĂ©liminaires. Sciensano. https://www.sciensano.be/en/biblio/septieme-enquete-de-sante-COVID-19-resultats-preliminaires
Renard F., Scohy A., De Pauw R., JurÄeviÄ J., Devleesschauwer B., Health status report 2021 â LâĂ©tat de santĂ© en Belgique. Bruxelles, Belgique: Sciensano. NumĂ©ro de dĂ©pĂŽt: D/2022/14.440/07. https://www.belgiqueenbonnesante.be/fr/etat-de-sante
Observatoire de la SantĂ© du Hainaut. (2020). Quand le masque tombe⊠La crise de la pandĂ©mie COVID-19 dans lâaggravation des inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ©. Courtage en connaissances scientifiques, https://observatoiresante.hainaut.be/wp-content/uploads/2020/05/2020_05_13_COVID-19_et_ISS.pdf
Rens, E., Smith, P., Nicaise, P., Lorant, V., & Van den Broeck, K. (2021). Mental Distress and Its Contributing Factors Among Young People During the First Wave of COVID-19 : A Belgian Survey Study. Frontiers in Psychiatry, 12, 35. https://doi.org/10.3389/fpsyt.2021.575553
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Matériel
- 1 Carnet de prĂ©sentation de l’outil (PDF)
- 2 Fardes Activité introductive et généraliste
- DiversâsĂ©ki ?
- Le Monstre a ditâŠ
- 5 Fardes Activité thématique
- 1001 couleurs (Pigmentation, peau)
- Des yeux Ă faire peur (Pigmentation, yeux)
- Mon poids, câest pas câque tu crois ! (Morphologie)
- Le relais dâun autre genre (Genre)
- Ăa roule ! (Handicap)
- 1 Livret « Seize histoires pour y voir moins discriminatoire »
- 1 Panoptique des parcours (PDF) schĂ©matisant lâordre prĂ©conisĂ© pour mener lâensemble des activitĂ©s introductives et thĂ©matiques
- 1 Tableau vierge (PDF) pour l’analyse des situations de discrimination
Chaque farde dâactivitĂ© comprend :
- 1 livret
- 1 Guide Ă avoir avec soi pour mener lâanalyse lors de lâanimation
- Matériel de jeu (exemples : cartes, consignes et/ou photos)
Le kit est entiÚrement téléchargeable sur https://belgik-mojaik.be/outils-pedagogiques/les-autres-mon-corps-et-moi/
Concept
Cet outil met Ă la disposition des professionnel·le·s (travaillant avec des enfants de 6 Ă 12 ans, dans un cadre scolaire, parascolaire ou extra-scolaire) une sĂ©rie de sĂ©quences ludiques et pĂ©dagogiques permettant de dĂ©couvrir ce que sont la discrimination, les stĂ©rĂ©otypes corporels et comment apporter du changement au cĆur de situations de discrimination.
Il a Ă©tĂ© pensĂ© pour pouvoir accompagner un mĂȘme groupe dâenfants tout au long dâun trimestre ou dâune annĂ©e scolaire (selon le rythme auquel les activitĂ©s proposĂ©es seront menĂ©es).
En effet, une utilisation rĂ©guliĂšre de lâoutil permettra de progresser dans la maitrise des outils de repĂ©rage, dâanalyse et de changement des situations de discrimination ainsi que dans le travail de dĂ©construction de certains stĂ©rĂ©otypes et lâacceptation de la diffĂ©rence corporelle, quâil sâagisse de la sienne ou de celle de lâAutre.
Lâoutil propose de rĂ©aliser un parcours pouvant comprendre, selon les objectifs de la personne menant les animations et le temps dont elle dispose, de 3 Ă 23 activitĂ©s pĂ©dagogiques distinctes.
Lâavis de PIPSa (www.pipsa.be)
Appréciation globale
Cet outil pĂ©dagogique entiĂšrement tĂ©lĂ©chargeable permet de mettre en place un projet dâannĂ©e/dâĂ©cole autour de thĂ©matiques pertinentes dans les groupes dâenfants, particuliĂšrement en milieu multiculturel. Conçu pour le rythme scolaire et faisant le lien avec les compĂ©tences pĂ©dagogiques, il fournit Ă lâenseignant (et particuliĂšrement les dĂ©butants) un matĂ©riel complet, « clĂ© sur porte », particuliĂšrement adaptĂ© aux enfants et au contexte scolaire.
Des contenus sourcĂ©s, des thĂ©matiques pertinentes et actuelles (qui font sens Ă lâĂ©cole), des activitĂ©s testĂ©es et adaptĂ©es au public selon lâĂąge ; tout est en place pour faciliter lâutilisation de lâoutil. Quelle que soit la thĂ©matique (module), câest une mĂȘme mĂ©thodologie qui est appliquĂ©e, facilitant les apprentissages des enfants et lâutilisation par lâenseignant. Celui-ci devra toutefois consacrer un temps important pour sâapproprier lâoutil, vu son contenu trĂšs dense et riche (mais le processus est reproductible avec un autre groupe dâenfants, annĂ©e aprĂšs annĂ©e). Les explications sont claires, lâensemble bien structurĂ© et soutenu par un graphisme facilitant le repĂ©rage interne et la fluiditĂ© de lecture.
Les animations mettent les enfants au travail, par des activitĂ©s diversifiĂ©es, faciles Ă mettre en place, et sont suivies dâune mise en perspective pĂ©dagogique. Les nombreuses questions ouvertes de debriefing demandent des capacitĂ©s Ă susciter la parole dans le groupe. Les recommandations Ă lâutilisateur (et notamment celles relatives Ă ses propres stĂ©rĂ©otypes) sont issues des prĂ©-tests de lâoutil.
Un outil pour apprendre Ă nommer les Ă©motions (nĂ©cessaire pour le dĂ©briefing) sera peut-ĂȘtre utile en complĂ©mentaritĂ©.
Objectifs
- Prendre conscience de ses représentations relatives aux stéréotypes et discriminations
- Comprendre comment se construisent les stéréotypes/discriminations
- Favoriser une analyse critique en prenant position de maniÚre argumentée
- Développer ses compétences pour enrayer la discrimination au quotidien et favoriser le changement
Public cible
6 Ă 12 ans
Utilisation conseillée
- Inscrire lâoutil dans un temps scolaire long, en faire un projet dâannĂ©e pour permettre les apprentissages
- Prendre le temps de lire et sâapproprier les nombreux supports
OĂč trouver l’outil
BelgĂŻk MoJaĂŻk, 128 rue du CollĂšge, 1050 Bruxelles
+32 (0)486 71 89 37 – +32 (0)484 45 22 06 – info@belgik-mojaik.be
La palette des Ă©motions ressenties face aux crises environnementales est multiple et nuancĂ©e. De quelles Ă©motions parle-t-on ? Comment accompagner sans pathologiser les ressentis ? Quels leviers individuels et collectifs pour accompagner les Ă©motions ressenties face aux crises et leurs effets ? Sur quels principes de la promotion de la santĂ© peut-on sâappuyer pour agir ?
Les liens entre santĂ© mentale et environnement sont multiples. Sâil est dĂ©sormais prouvĂ© que le contact direct avec la nature a des effets positifs sur la santĂ© physique et mentale, les effets du dĂ©rĂšglement climatique peuvent diminuer notre sentiment de bien-ĂȘtre. Agir pour diminuer les impacts nĂ©gatifs des crises environnementales permet ainsi de prendre soin individuellement et collectivement de notre santĂ©, tant physique que mentale.
Santé mentale : de quoi parle-t-on ?
La notion de santĂ© mentale renvoie Ă un Ă©tat dâĂ©quilibre individuel et collectif, qui permet Ă chacun de se maintenir en bonne santĂ© malgrĂ© les Ă©preuves et les difficultĂ©s. Si nous avons tous une santĂ© mentale, nous nâavons pas tous les mĂȘmes vĂ©cus, ressources et capacitĂ©s pour faire face aux Ă©vĂ©nements. Les interventions en promotion de la santĂ© mentale visent ainsi Ă identifier les dĂ©terminants individuels, sociaux et structurels de la santĂ© mentale, puis Ă agir pour rĂ©duire les risques, accroĂźtre la rĂ©silience et crĂ©er des environnements propices Ă la santĂ© mentale.
Des (Ă©co)Ă©motions climatiques
La crise socio Ă©cologique fait vivre diffĂ©rentes Ă©motions, toutes lĂ©gitimes dans leurs ressentis et expressions. La plus utilisĂ©e par les mĂ©dias est lâĂ©co-anxiĂ©tĂ©, notion conceptualisĂ©e par la mĂ©decin-chercheure belgo-canadienne VĂ©ronique Lapaige en 1997. Elle peut ĂȘtre dĂ©finie comme une forme dâanxiĂ©tĂ©, dâapprĂ©hension et de stress liĂ©s au changement climatique et aux menaces constatĂ©es ou anticipĂ©es sur les Ă©cosystĂšmes (Lapaige, 2020 (1)).
Dans sa définition la plus large, le terme éco-anxiété traduit toutes les souffrances émotionnelles liées à la crise écologique (Lopes, 2022 (2)):
- anxiété ou autres éco-émotions ressenties face au changement climatique et/ou aux bouleversements/effondrements environnementaux et sociétaux ;
- en lien avec une expĂ©rience directe (ex : vĂ©cu dâinondations ou dâincendies), ou indirecte (ex : nouvelles entendues Ă la radio) ;
- dans un rapport au passĂ© (ex : perte de la biodiversitĂ©), au prĂ©sent (ex : abattage de forĂȘts) ou au futur (ex : projection vers un avenir invivable) ;
- avec différents degrés de ressenti (faible à sévÚre), liés aux ressources psychologiques individuelles, au tissu relationnel et au contexte politique et social.
Au-delĂ de lâanxiĂ©tĂ©, certains prĂ©fĂšrent ainsi utiliser le terme « Ă©co-Ă©motions », qui renvoie Ă lâĂ©ventail dâĂ©motions et de sentiments liĂ©s Ă la crise climatique : surprise, colĂšre, peur, culpabilitĂ©, indignation⊠mais aussi joie, fiertĂ©, espoir, empathie⊠(Pihkala, 2022 (3)) ; dĂ©clinĂ©es en Ă©co-rage, Ă©co-colĂšre, Ă©co-dĂ©ni, Ă©co-culpabilitĂ©, Ă©co-rĂ©sistance⊠(Agoston, 2022 (4)).
Eco-anxiété : des symptÎmes mais pas une maladie
La majoritĂ© des professionnels de santĂ© travaillant sur le sujet dĂ©fendent lâidĂ©e que lâinquiĂ©tude face Ă la menace de la crise environnementale est une rĂ©action normale, saine et non pathologique. Il est nĂ©anmoins important de distinguer les niveaux dâĂ©co-anxiĂ©tĂ© vĂ©cus de maniĂšre adaptĂ©e ou inadaptĂ©e, notamment lorsque lâĂ©co-anxiĂ©tĂ© se rĂ©vĂšle trop envahissante au quotidien, ou quâelle sâajoute Ă des fragilitĂ©s prĂ©existantes. Ainsi, lâĂ©co-anxiĂ©tĂ© nâest pas une maladie mais elle peut rendre malade.
Les ressentis et rĂ©actions dĂ©pendent ainsi du contexte quotidien, des vulnĂ©rabilitĂ©s personnelles et de lâintĂ©gritĂ© psychique des individus, quâil est essentiel de prendre en considĂ©ration (A. Desbiolles et C. Galais, 2021 (5)). Plusieurs Ă©chelles de mesures ont Ă©tĂ© publiĂ©es pour aider les professionnels et les personnes elles-mĂȘmes Ă Ă©valuer leur degrĂ© dâĂ©co-anxiĂ©tĂ© : on peut citer celle de lâĂ©quipe dâHĂ©lĂšne Jalin, publiĂ©e dans le Petit guide de survie pour Ă©co-anxieux (C. Schmerber, 2022 (6)).
Le parallĂšle avec le deuil normal et le deuil pathologique est Ă©clairant. On peut consulter un psychologue parce quâon est en souffrance Ă la suite dâun deuil, mais cela ne signifie pas quâon est malade. Le deuil est un processus psychique normal qui peut nĂ©cessiter un accompagnement : il est considĂ©rĂ© pathologique seulement sâil devient complexe, persistant ou sâil y a apparition de troubles psychiques ou psychiatriques.
Eco-anxiété ou éco-lucidité ?
De nombreux chercheurs et praticiens pointent le risque de psychologisation ou de pathologisation des enjeux climatiques. Le risque serait de penser lâĂ©co-anxiĂ©tĂ© comme une rĂ©ponse inadaptĂ©e ou disproportionnĂ©e par rapport Ă la menace. Pour la mĂ©decin Alice Desbiolle « les personnes Ă©co-anxieuses sont in fine les personnes rationnelles et lucides dans un monde qui ne lâest pas » (A. Desbiolles 2021 (7)).
Le terme dâĂ©co-luciditĂ© fait ici son apparition, comme lâillustre les propos de la pĂ©dopsychiatre LaĂ©lia Benoit : « lâĂ©co-anxiĂ©tĂ© est une rĂ©action naturelle et lĂ©gitime Ă la crise Ă©cologique. Ce nâest pas une nouvelle forme de dĂ©pression et elle nâappelle pas de traitement mĂ©dical : lâĂ©co-anxiĂ©tĂ© appelle une rĂ©ponse sociale. De plus en plus de jeunes vont souffrir dâĂ©co-anxiĂ©tĂ©. Mais ne nous trompons pas de problĂšme : câest leur solitude face Ă une sociĂ©tĂ© qui ignore le changement climatique qui les fait souffrir »(8).
« LâĂ©co-anxiĂ©tĂ© est une rĂ©action largement rationnelle compte tenu de la gravitĂ© de la crise (âŠ) qui ne doit pas dĂ©tourner lâattention de la rĂ©ponse sociĂ©tale nĂ©cessaire pour lutter contre le changement climatique et ses causes structurelles. »
(S. Clayton 2020 (9))
Des freins qui peuvent bloquer le passage Ă lâaction
Au-delĂ des Ă©motions ressenties, on observe de vrais blocages dans le passage Ă lâaction tant au niveau individuel que collectif. Le militant gandhien et altermondialiste Rajagopal P.V. (10) identifie quatre « dĂ©mons » paralysant au niveau individuel : le sentiment dâimpuissance, le sentiment de complexitĂ©, le sentiment de solitude et la peur. Vivian Labrie (11), intellectuelle quĂ©bĂ©coise, identifie un 5Ăš « dĂ©mon » : la tolĂ©rance aux inĂ©galitĂ©s, le fatalisme. Au niveau collectif et sociĂ©tal, lâessayiste Corinne Morel-Darleux, distingue plusieurs verrous dans le passage Ă lâaction (12). Elle Ă©voque le contexte de « consommation ostentatoire » qui encourage Ă consommer toujours plus (thĂ©orie du sociologue Veblen, 1899 (13)) ou encore le manque dâĂ©quitĂ© dans les mesures de protection de l’environnement se traduisant par un fort sentiment dâiniquitĂ© donc un refus dâagir. Elle identifie Ă©galement une forme de dĂ©ni (ou sous-estimation) accentuĂ© par une tendance Ă la dĂ©connexion au sensible et le poids des lobbys Ă©conomiques.
Des leviers pour passer de lâĂ©motion Ă lâaction
Explorer les Ă©motions plurielles reste nĂ©anmoins une maniĂšre de renouer avec une approche plus sensible et se dĂ©faire dâune relation « sans responsabilitĂ©, sans Ă©motion et sans sensibilitĂ© pour la nature » (Cottereau, 2019 (14)). En outre, les travaux de sciences humaines ont montrĂ© la fonction rĂ©gulatrice des Ă©motions dans les prises de dĂ©cision : pour le philosophe JĂ©rĂŽme Ravat (15), l’Ă©motion est Ă©troitement liĂ©e Ă la motivation Ă agir.
Les principes fondateurs de la promotion de la santé éclairent les différents leviers nécessaires pour engager une transformation sociale globale :
- Le levier individuel : thérapeutique ou non, cette approche vise à accompagner chacun.e à faire avec, transformer, dépasser ses émotions pour permettre de se sentir mieux ;
- Le levier collectif / Ă©ducatif : pour intĂ©grer dĂšs le plus jeune Ăąge l’Ă©ducation Ă l’environnement et la gestion des Ă©motions, cette approche cherche Ă aborder au quotidien ce thĂšme avec son public quand on est enseignant, Ă©ducateur, animateur ;
- Le levier systĂ©mique / politique : pour questionner l’organisation politique/Ă©conomique, notre sociĂ©tĂ© anthropocĂšne capitaliste basĂ©e sur la consommation d’Ă©nergie en masse, cette approche va axer sur le champ sociĂ©tal et politique, en Ă©vitant de moraliser-individualiser le problĂšme, et en soutenant le pouvoir d’agir, la capacitĂ© collective. On veut ici agir sur les dĂ©terminants sociaux/globaux.
On voit que lâenjeu de transformation sociale est fort. Pour transformer des Ă©motions (souffrantes ou non) en moteur pour lâaction, lâoutil dâanalyse du trĂ©pied « les trois piliers de la transformation sociale » est Ă©clairant. Il offre un cadre structurant avec trois pieds indissociables et interdĂ©pendants :
- la mise en Ćuvre dâalternatives : pour vivre mieux dĂšs maintenant, avoir des arguments pour le rapport de force, dĂ©velopper les imaginaires ;
- lâexercice de rapports de force : utiliser le nombre et la stratĂ©gie pour contraindre celle.ux qui ont des privilĂšges, pour dĂ©fendre ou remporter de nouveaux acquis sociaux ;
- la co-Ă©ducation : pour crĂ©er des rencontres entre les mondes, ne pas rĂ©server les ressources Ă une minoritĂ©, crĂ©er du commun en partageant nos savoirs et crĂ©ations avec des outils dâĂ©ducation populaire
En promotion de la santĂ©, on part du principe que les Ă©motions liĂ©es au changement climatique doivent ĂȘtre abordĂ©es en croisant ces diffĂ©rentes approches. Il nây a pas un objectif plus important que les autres, lâimportant est de les combiner.
Des principes dâaction pour guider notre approche en promotion de la santĂ©
En dressant le portrait des enjeux concernant la place de la promotion de la santĂ© face aux Ă©motions liĂ©es aux crises environnementales, nous voyons se dessiner plusieurs principes qui peuvent guider nos approches et pratiques aujourdâhui pour dĂ©passer les blocages et favoriser le passage Ă lâaction.
- Repolitiser le lien entre santĂ© mentale et protection de lâenvironnementâŻ: il nous semble central de reconnaitre la rĂ©alitĂ© de la souffrance sans la pathologiser ni la dĂ©politiser. LâĂ©co-anxiĂ©tĂ© n’est pas une maladie, et une grande partie des causes et rĂ©ponses aux souffrances qui peuvent y ĂȘtre associĂ©es sont sociĂ©tales et politiquesâ.
- Reconnaitre la rĂ©alitĂ© des inĂ©galitĂ©s sociales face aux dĂ©rĂšglements environnementaux et penser des actions visant Ă les rĂ©duireâ : il ne faut jamais perdre de vue qu’il existe des inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ© et que les rĂ©ponses Ă©thiques et politiques aux crises environnementales doivent viser la rĂ©duction de ces inĂ©galitĂ©s. Certains groupes de personnes sont plus vulnĂ©rables et plus touchĂ©s par les crises environnementales, on peut citer les enfants, les personnes ĂągĂ©es, les personnes en situation de handicap ou avec une maladie prĂ©existante, les peuples autochtones, les communautĂ©s racisĂ©es ou socialement dĂ©favorisĂ©es. Il est essentiel de prendre en considĂ©ration la justice sociale et environnementale dans nos actions en promotion de la santĂ©. Au-delĂ des inĂ©galitĂ©s sociales, on peut considĂ©rer les inĂ©galitĂ©s liĂ©es Ă lâĂąge et reconnaitre le rapport de force et de domination entre adultes et jeunes, qui sert Ă discrĂ©diter les mĂ©faits du changement climatique, crĂ©e du mĂ©pris par les classes dirigeantes et les adultes et donc un sentiment dâincomprĂ©hension, dâoppression et de perte de pouvoir par les jeunes (L.Benoit, 2022 (16))
- Partir du principe que toutes les Ă©motions sont lĂ©gitimes et Ă accueillir, mais que les actions qui en dĂ©coulent doivent ĂȘtre prioritairement collectives et non pas individuelles. Par exemple, il est important de ne pas dĂ©crĂ©dibiliser la colĂšre, qui nâest pas une rĂ©action puĂ©rile ou inadaptĂ©e, mais peut sâavĂ©rer un moteur efficace au passage Ă lâaction. Sans pour autant considĂ©rer les Ă©motions comme la seule entrĂ©e pour accompagner les personnes : le travail autour des compĂ©tences psychosociales doit par exemple permettre dâaller vers le cognitif et le collectif.
Le renforcement des compétences psychosociales (CPS) pour agir face à la crise environnementale
Les CPS traduisent lâaptitude dâune personne Ă maintenir un Ă©tat de bien-ĂȘtre mental, en adoptant un comportement appropriĂ© et positif Ă lâoccasion de relations entretenues avec les autres, sa propre culture et son environnement (OMS 1997). ArticulĂ©es autour de 3 domaines (social, cognitif et Ă©motionnel), les CPS se traduisent par exemple par des capacitĂ©s de plaidoyer, de coopĂ©ration, dâempathie, de pensĂ©e critique, de rĂ©gulation Ă©motionnelleâŠ
Il ne sâagit pas de permettre aux humains de rĂ©sister Ă un environnement de plus en plus dĂ©gradĂ© sans chercher Ă agir sur les causes, mais de mettre leurs compĂ©tences au service de l’intelligence collective pour s’affirmer, rĂ©sister, inventer des nouvelles formes d’organisation alliant relation aux autres et au vivant. Les CPS apparaissent ainsi comme un rĂ©el levier face Ă lâurgence environnementale. Pour aller plus loin : lire la fiche repĂšre du PĂŽle ESE ARA
Aller plus loin : rĂ©inventer lâapproche sensible du vivant
Les enjeux de la transformation sociale qui sâimpose soulĂšvent des questions existentielles qui invitent Ă analyser les processus socio-historiques ayant conduit une partie des humains Ă dĂ©truire leur habitat. Plusieurs processus sont Ă lâĆuvre et en particulier une forme de mise Ă distance de lâexpĂ©rience sensible, du rapport symbolique au monde avec lâĂ©mergence du scientisme et dâune maitrise de la nature par lâHomme. Il apparait nĂ©cessaire de rĂ©inviter un autre rapport Ă soi et au monde en sortant des modes dâorganisation dictĂ©s par une approche Ă©conomique. Il ne sâagit pas dâenvisager un rapport utilitariste entre les humains et la nature mais de rĂ©ancrer lâhumain dans un systĂšme dâinterdĂ©pendance en considĂ©rant les non-humains comme « des partenaires de vie » (P. Descola et A. Pignocchi (17)). Comme le GIEC le montre dans lâun de ses rapports, les savoirs et expertises des populations locales ou dâautres cultures Ă travers le monde constituent sans doute une voie Ă explorer pour sâinspirer Ă la fois de leur capacitĂ© Ă sâadapter aux changements grĂące Ă leurs connaissances expĂ©rientielles et de leur rapport symbolique, Ă©motionnel et spirituel au vivant.
Revoir le cycle de webinaires âSantĂ© psychique et environnement, des liens multiplesâ: https://agir-ese.org/evenement/voir-ou-revoir-le-cycle-de-webinaires-sante-psychique-et-environnement-des-liens
Les autrices
Julie Donjon est rĂ©fĂ©rente rĂ©gionale santĂ© mentale Ă l’IREPS Auvergne-RhĂŽne-Alpes
Lucie Pelosse est rĂ©fĂ©rente santĂ©-environnement Ă l’IREPS Auvergne-RhĂŽne-Alpes, et co-coordinatrice du PĂŽle Education et promotion de la SantĂ©-Environnement (ESE)
Lâassociation IREPS Auvergne-RhĂŽne-Alpes (Instance RĂ©gionale d’Education et de Promotion SantĂ©) dĂ©veloppe lâĂ©ducation et la promotion de la santĂ© pour amĂ©liorer la santĂ© des populations et contribuer Ă la rĂ©duction des inĂ©galitĂ©s de santĂ©.
LâIREPS est prĂ©sente dans lâensemble des dĂ©partements de la rĂ©gion ARA et propose des services et ressources (formations, conseil et accompagnement mĂ©thodologique, interventions, outils documentaire et pĂ©dagogiquesâŠ) pour accompagner les professionnels (secteurs Ă©ducatif, social, sanitaire…) dans leurs projets (alimentation, compĂ©tences psychosociales, santĂ© environnement, santĂ© mentaleâŠ).
Plus dâinfos : https://ireps-ara.org/
Le PĂŽle Education et promotion de la SantĂ© Environnement (ESE) Auvergne-RhĂŽne-Alpes est un programme co-portĂ© par lâIREPS ARA et le GRAINE ARA depuis 2010. NĂ© dâune volontĂ© de croiser lâapproche de la promotion de la santĂ© avec celle de lâĂ©ducation Ă lâenvironnement, le PĂŽle vise Ă outiller les acteurs de la rĂ©gion pour quâils dĂ©veloppent des actions en ESE Ă travers des journĂ©es dâĂ©changes, des accompagnements, un site internet ressourcesâŠ
Plus dâinfos : https://agir-ese.org/presentation-et-objectifs-du-pole-ese-ara
Bibliographie
(1) Lapaige V., LâĂ©co-anxiĂ©tĂ© : Interview de VĂ©ronique Lapaige, RĂ©seau IdĂ©e asbl, 2020 www.cres-paca.org/arkotheque/client/crespaca/thematiques/detail_document.php?ref=37659
(2) Lopes I., Intervention pour le Panel sur lâĂ©co-anxiĂ©tĂ©, Bell Cause pour la cause, 2022 www.youtube.com/watch?v=zX1LpoIGq-E
(3) Pihkala P., Toward a Taxonomy of Climate Emotions, Frontiers in Climate, 2022 https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fclim.2021.738154/full
(4) Ăgoston, C. et ali., Identifying Types of Eco-Anxiety, Eco-Guilt, Eco-Grief, and Eco-Coping in a Climate-Sensitive Population : A Qualitative Study, Int. J. Environ. Res. Public Health, 2022 https://doi.org/10.3390/ijerph19042461
(5) Desbiolles A et Galais C., Ăco-anxiĂ©tĂ© et effets du dĂ©rĂšglement global sur la santĂ© mentale des populations, La Presse MĂ©dicale Formation, 2021 www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2666479821002603
(6) Schmerber S., Guide de (sur)vie pour Ă©coanxieux, Ă©d. Philippe Rey, 2022.
(7) Op.Cit.
(8) Benoit L, Comment ne pas déprimer, Podcast Chaleur Humaine, Le Monde, 2022
(9) Clayton S., Climate anxiety : Psychological responses to climate change, J Anxiety Disord., 2020 https://doi.org/10.1016/j.janxdis.2020.102263
(10) Aequitaz, Comment lever les freins Ă la mobilisation collective ? 2018. https://www.aequitaz.org/wp-content/uploads/2018/07/outil-leviers-freins-mobilisation-az-1.pdf
(11) Aequitaz, op. cit.
(12) Webinaire âForum dâidĂ©es et dâĂ©changes : comment passer Ă lâaction collective ? », PĂŽle ESE et IREPS ARA, dĂ©cembre 2021. https://agir-ese.org/evenement/voir-ou-revoir-le-webinaire-forum-didees-et-dechanges-comment-passer-laction-collective
(13) Veblen T, Théorie de la classe de loisirs, 1899.
(14) Cottereau, D. et K. Tondeur « Accompagner la construction de lâĂȘtre au monde dans sa relation Ă lâenvironnement : quelles approches pĂ©dagogiques du sensible pour favoriser les comportements Ă©cocitoyens ? », in ââAnalysesââ, Productions de lâInstitut dâĂco-PĂ©dagogie (IEP), Juin 2019. https://ecotopie.be/publication/accompagner-la-construction/
(15) Ravat J., Actions, Ă©motions, motivation : fondements psychologiques du raisonnement pratique, Le Philosophoire, 2007. https://www.cairn.info/revue-le-philosophoire-2007-2-page-81.htm
(16) Vivre avec l’effondrement et revivre de ses cendres ! De causes Ă effets, Podcast France Culture, https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/de-cause-a-effets-le-magazine-de-l-environnement/vivre-avec-l-effondrement-et-revivre-de-ses-cendres-5634078
(17) P. Descola et A. Pignocchi. Ethnographies des mondes Ă venir, Seuil 2022.
On ne prĂ©sente plus PIPSa, le service de PĂ©dagogie Interactive en Promotion de la SantĂ©, son outilthĂšque pipsa.be et ses fameux âcoup de cĆurâ quâon relaye au fil de nos numĂ©ros. Mais connaissez-vous the new PIPSa ?
En 2023, le projet se réinvente et prend un nouveau virage, pour coller toujours plus aux besoins des acteurs de terrain. En marge des journées La Santé en Jeu(x) qui se sont déroulées fin mars, Lucie Hubinon et Catherine SpiÚce nous dévoilent la nouvelle silhouette de PIPSa.
Coup dâĆil dans le rĂ©troviseur
Lâhistoire de lâoutilthĂšque PIPSa remonte au crĂ©puscule du siĂšcle dernier, nous raconte avec malice Catherine SpiĂšce. Câest en effet en 1999, au moment oĂč la FĂ©dĂ©ration Wallonie-Bruxelles a publiĂ© son dĂ©cret relatif Ă la promotion de la santĂ© et organise le paysage sur son territoire, que le service de promotion de la santĂ© des MutualitĂ©s socialistes â dĂ©sormais Solidaris â propose un programme autour des outils pĂ©dagogiques en promotion de la santĂ©. LâidĂ©e est audacieuse et novatrice pour lâĂ©poque : un site internet qui recenserait le matĂ©riel pĂ©dagogique existant et donnerait un avis sur la qualitĂ© de chaque outil et son apport Ă la promotion de la santĂ©. Une grille dâĂ©valuation est alors Ă©laborĂ©e avec le soutien de lâAPES (devenu ESPRiST entre-temps), des cellules dâĂ©valuateurs avec des experts du terrain sont mises sur pied. Le projet est lancĂ© ! Lâanalyse des outils pĂ©dagogiques existants continue, et ce fut le cas sans discontinuer jusquâĂ ce jour.
Au fil des ans, le projet se dĂ©ploie et PIPSa ajoute Ă son offre lâaccompagnement mĂ©thodologique pour crĂ©er des outils en promotion de la santĂ©Â : formations, coaching individuel et en Ă©quipe, site www.creerunoutil.be. AccompagnĂ©e par la COCOF, lâĂ©quipe mĂšne ensuite une enquĂȘte portant sur les besoins des acteurs bruxellois en matiĂšre dâoutils. Elle interroge, au-delĂ des membres reconnus du secteur de la PS, dâautres associations issues de la mĂ©diation scolaire, des services dâalphabĂ©tisation, des maisons mĂ©dicales, etc. Le besoin le plus fortement exprimĂ© par tous : connaĂźtre des outils et des processus ludiques (comprenez « relatifs au jeu [1]»). PIPSa fait alors appel Ă lâasbl LUDO pour dispenser des formations destinĂ©es Ă enrichir la culture ludique des opĂ©rateurs afin que les jeux crĂ©Ă©s dans le cadre de la PS aient un potentiel ludique et de plaisir. Â
Un autre constat paradoxal est tirĂ© de cette enquĂȘte : dâaprĂšs les acteurs eux-mĂȘmes, le temps leur manque pour aller emprunter un support pĂ©dagogique, qui existe mais qui nâest pas toujours parfaitement adaptĂ© Ă leurs besoins ou leurs publics ; par contre, ils sont plus enclins Ă crĂ©er leurs propres supports pĂ©dagogiques. Concevoir un outil prend Ă©normĂ©ment de temps mais les acteurs estiment que le temps investi dans la crĂ©ation leur permet de sâapproprier la matiĂšre et lâoutil, et de se sentir plus lĂ©gitimes auprĂšs de leurs publics.
Face au double besoin exprimĂ© par les opĂ©rateurs dâenrichir leur culture ludique dâune part, et de crĂ©er leurs propres outils dâautre part, PIPSa et LUDO sâassocient pour crĂ©er le Ludovortex (voir encadrĂ© ci-dessous).
Aujourdâhui, Ă la faveur des agrĂ©ments et nouveaux programmes en Wallonie et Ă Bruxelles, PIPSa propose de se donner pour ligne conductrice de favoriser et faciliter lâutilisation du ludique dans la pĂ©dagogie en promotion de la santĂ©.
Le jeu, un outil puissant pour parler santé
« Le jeu nâest pas le contraire du sĂ©rieux, mais le contraire de la rĂ©alitĂ© »
Sigmund Freud
Comme lâexplique Lucie Hubinon, «le jeu offre la possibilitĂ© de vivre des expĂ©riences qui sont semblables Ă celles de la vie rĂ©elle, mais en ayant le droit Ă lâerreur. Câest un lieu oĂč on peut venir interroger et titiller nos reprĂ©sentations. ». Avant dâajouter : « parler de santĂ© touche Ă lâordre de lâintime, voire du trĂšs intime avec les thĂ©matiques de lâEVRAS, des addictions, de nos comportements et nos habitudes de vie⊠Quand on est dans un jeu, dans une rĂ©alitĂ© âqui nâest pas le rĂ©elâ, on peut venir tester, sâinterroger et mĂȘme se tromper».
De plus, le jeu a la capacitĂ© de favoriser la motivation et lâengagement, tant des enfants que des adultes, de maniĂšre individuelle et collective. Il a aussi la formidable possibilitĂ© de (re)crĂ©er du lien, dâinciter des dĂ©marches participatives⊠Le jeu est ainsi un outil prĂ©cieux en promotion de la santĂ© pour augmenter le pouvoir de dire et dâagir des personnes.
Pour autant quâil utilise Ă bon escient les ressorts de la ludopĂ©dagogieâŠ
Ludopédagogie, vous avez dit ?
Quâentend-t-on par-lĂ ? Comme lâexplique Michel Van Langedonckt [2], la ludopĂ©dagogie combine Ă la fois la pĂ©dagogie du jeu, mais aussi la pĂ©dagogie des jeux. La pĂ©dagogie du jeu fait appel Ă lâattitude de lâanimateur, quâon appelle lâattitude ludique, et au fait dâappliquer des mĂ©canismes ludiques (« la ludification ») aux apprentissages. Quant Ă la pĂ©dagogie des jeux, elle renvoie Ă la conception, Ă lâadaptation et Ă lâutilisation de jeux Ă des fins pĂ©dagogiques.
En faisant appel au concept de la ludopédagogie, PIPSa entend soutenir les acteurs de terrain sur ces différents axes
« Tous les jeux ne sont pas ludiques »
Cette affirmation va Ă lâencontre de la dĂ©finition proposĂ©e dans les dictionnaires, mais comme nous lâexpliquent Catherine SpiĂšce et Lucie Hubinon : « notre postulat de dĂ©part est quâon apprend mieux avec le plaisir. Certains jeux sont des âfaux jeuxâ. Câest une stratĂ©gie qui utilise le jeu en pĂ©dagogie⊠mais qui nâa de jeu que le nom. Tandis quâil existe des jeux, parfois trĂšs simples, Ă fort potentiel ludique. Nous souhaitons partir de ces jeux pour que les acteurs et animateurs puissent se les approprier et dĂ©velopper des contenus liĂ©s aux thĂ©matiques de santĂ© ».
Câest donc liĂ© au premier axe de la pĂ©dagogie des jeux : la crĂ©ation, lâadaptation et lâutilisation de jeux existants Ă des fins pĂ©dagogiques.
Une question dâattitude aussi
Le second axe quant Ă lui porte sur lâattitude et les mĂ©canismes ludiques. « MĂȘme si on est convaincu de la puissance du jeu comme outil de prĂ©vention et de promotion de la santĂ©, ça ne signifie pas quâon soit Ă lâaise avec la posture ludique », renchĂ©rit Lucie Hubinon. Le dĂ©veloppement de lâattitude ludique renvoie tant Ă lâanimateur quâĂ lâenvironnement qui soient suffisamment accueillant et bienveillant pour inviter le plaisir.
Le plaisir du jeu et dans le jeu
Le plaisir : voici justement un Ă©lĂ©ment qui est revenu dans la bouche de tous les intervenants lors des deux matinĂ©es La SantĂ© en Jeu(x). Olivier GrĂ©goire (Ludeo) lâexprime ainsi : « Ce nâest pas parce quâun outil a des cartes ou un dĂ© que câest un jeu. En tant que professionnels du jeu, lâidĂ©e est plutĂŽt de ramener le tout Ă la notion de plaisir. Sâil nây a pas de plaisir, il nây a pas de jeu. Notre outil, ce nâest pas le jeu, câest le plaisir de jouer ! ».
Et dâajouter ensuite « pour le dire de maniĂšre provocante : on peut dĂ©truire un groupe avec un jeu coopĂ©ratif, tout comme on peut souder un groupe avec un jeu compĂ©titif. La compĂ©tition peut ĂȘtre porteuse si elle est amenĂ©e dans un but de plaisir, de dĂ©calage, si elle est bien encadrĂ©e.»
Les recommandations dâexperts du jeu
Quels sont les freins et les leviers pour augmenter le pouvoir de dire et dâagir des personnes par lâentremise du jeu ? Voici la question substantielle qui Ă©tait posĂ©e aux intervenants de La SantĂ© en Jeu(x). Voici un florilĂšge de recommandations tirĂ©es de lâexpĂ©rience de professionnels du jeu.
« Partir des questionnements et des envies du public », commence Mathieu Blairon, de lâAMO TTC Accueil. « Mon retour de la pratique, quand on veut construire un instrument de prĂ©vention par le jeu comme en EVRAS avec des adolescents, est avant tout de partir dâexpĂ©riences positives et de leurs envies plutĂŽt que de partir des peurs des animateurs ». Dâailleurs, câest important « la maniĂšre dâentrer en jeu pour un animateur : ne pas adopter une posture dâexpert mais se mettre Ă la hauteur des personnes avec lesquelles on travaille », renchĂ©rit VĂ©ronique Joris de lâasbl Le Grain.
« Avant de jouer pour apprendre, il faut réapprendre à jouer. »
Quentin Daspremont , Ludo-Social
Trouver lâĂ©quilibre entre lâobjectif pĂ©dagogique et le plaisir est un frein important Ă lever, selon Thibaut Quintens (Seriously Fun et Acting Games). Ne pas rester braquĂ© sur le message quâon veut faire passer, mais se focaliser sur un seul objectif, un message simple⊠le reste suivra, et beaucoup plus de choses se diront et se vivront quâanticipĂ© au dĂ©part. « Au-delĂ mĂȘme du plaisir, cherchez Ă maximiser lâexpĂ©rience humaine, favorisez le relationnel et crĂ©ez un souvenir ! », insiste enfin Quentin Daspremont (Ludo-Social).
PIPSa dans lâavenir
Forte de ces notions et de ces recommandations, PIPSa a dĂ©sormais comme objectif, dâune part, de « faire sortir les jeux de lâenceinte de notre outilthĂšque », explique Catherine SpiĂšce, et aller les prĂ©senter davantage auprĂšs des intervenants de premiĂšre ligne qui les utilisent ou pourraient les utiliser. « Ceci nous permettra aussi de proposer ce qui touche au dĂ©veloppement de lâattitude ludique ».
Dâautre part, un autre objectif est dâaller (re)crĂ©er du lien social et du collectif, de favoriser et promouvoir lâintersectorialitĂ©. Regrouper diffĂ©rents acteurs autour dâoutils ou de thĂ©matiques particuliĂšres permettra de les rassembler, de favoriser les Ă©changes et les pratiques. PIPSa souhaite davantage encore devenir un point de liaison entre les acteurs de premiĂšre ligne, mais aussi un acteur de liaison entre le ludique, le pĂ©dagogique et la santĂ©.
Ludovortex: Vingt mille jeux sous les mers
CrĂ©Ă© par lâasbl LUDO, en partenariat avec PIPSa, le Ludovortex est un jeu de cartes « couteau suisse » destinĂ© Ă concevoir, adapter, analyser, animer ou encore dĂ©briefer des jeux ! Il est composĂ© de 8 catĂ©gories de cartes correspondant aux diffĂ©rents Ă©lĂ©ments constitutifs dâun jeu :
- Matériel (« Ce avec quoi on joue »)
- Animation (le processus de mise en jeu),
- DĂ©terminants (les notions incontournables),
- Mécanismes (les actions qui se répÚtent en cours de jeu),
- Compétences (les aptitudes sollicitées dans le jeu),
- Structures relationnelles (« ce qui conditionne les interactions ») ,
- Expérience (le vécu du joueur),
- DĂ©briefing (la mise en commun faisant suite au jeu).
Le Ludovortex facilite lâarticulation des mĂ©caniques ludiques et des compĂ©tences Ă mobiliser pour atteindre les objectifs de prĂ©vention et de promotion de la santĂ©.
Pour le dĂ©couvrir, le tester, apporter des suggestions pour le faire Ă©voluer ou lâacquĂ©rir, rendez-vous sur : www.ludovortex.games.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur https://www.pipsa.be
[1] DĂ©finition le Robert
[2] Michel Van Langedonckt,
« La ludopĂ©dagogie au cĆur des apprentissages des secteurs Ă©ducatif, social et de la santĂ© », revue Eduquer n°175, La Ligue de lâEnseignement et de lâEducation permanente, janvier 2023
Ămilie Gleason et Arthur Croque se sont donnĂ© pour mission de rĂ©vĂ©ler une problĂ©matique appelĂ©e «âŻaddiction Ă la malbouffeâŻÂ». LâidĂ©e est que la nourriture peut ĂȘtre une drogue pour certaines personnes. Dans cette BD-enquĂȘte, didactique et militante, aux personnages grotesques et flashy, les auteurs nous emmĂšnent Ă la rencontre des victimes de cette «âŻaddictionâŻÂ», des hommes et des femmes dĂ©vorĂ©s par leur relation Ă lâalimentation.
Tout est parti pour Ămilie Gleason dâun choc lorsque le mari de sa cousine, mexicain, ajoute deux cuillĂšres de sucre dans son Coca. Il nait chez la dessinatrice une envie insatiable dâen apprendre davantage sur les effets addictifs de cette substance et de rĂ©vĂ©ler ceux-ci au grand public. Elle est rejointe dans son projet par Arthur Croque, journaliste, pour mener lâenquĂȘte. Au fil de leurs recherches et de leurs rencontres, le projet sâoriente autour dâune organisation encore peu connue en Europe les «âŻFood addicts ».
Un recueil coloré de témoignages acidulés
Lâhistoire commence avec Zazou, une jeune femme de 19âŻans Ă lâallure rebelle, sur le point de participer Ă sa premiĂšre rĂ©union des « Food Addicts ».
AprĂšs avoir vu le rĂ©cit dâexpĂ©riences menĂ©es par Paul Kenny, expert en drogues irlandais, sur lâaddiction des rats pour la junk food (et particuliĂšrement le cheese-cake et sa combinaison de sucre et de gras), Zazou remplit le questionnaire de lâorganisation sur les troubles du comportement alimentaireâŻ: elle rĂ©pond oui Ă toutes les questions.
ScandalisĂ©e par son rĂ©sultat, elle fait la rencontre de Bambi, une motarde membre des Food Addicts qui tente de la convaincre dâassister Ă une rĂ©union. Zazou finit, non sans rĂ©ticence, par accepter. AccompagnĂ©e par Bambi qui devient sa «âŻmarraineâŻÂ», Zazou va dĂ©couvrir la dure rĂ©alitĂ© des membres de ce groupe, rĂ©uni Ă la maniĂšre des alcooliques anonymes.
Les tĂ©moignages vont sâenchaĂźnerâŻ:
- WinnieâŻ: « Food AddictâŻÂ» depuis lâenfance aprĂšs avoir goĂ»tĂ© une barre de «âŻCrunchâŻÂ» et qui va plonger dans une alternance de rĂ©gimes drastiques â soutenus par toutes les drogues possibles â et de moments de «âŻbingeâŻÂ» jusquâĂ sa grossesse oĂč ne se succĂšderont plus que des moments de «âŻbingeâŻÂ»â;
- IagoâŻ: au corps de rĂȘve adulĂ© sur Instagram, mangeant jusquâĂ exploser puis se faisant vomir et se perdant dans une frĂ©nĂ©sie de sports ;
- ClochetteâŻ: Ă la fois « Food Addict » et « Sex Addict », gobant aussi bien les mecs que les biscuits dâapĂ©roâ;
- âŠ
DiffĂ©rents personnages, qui illustrent tous, selon les auteurs, un aspect de lâaddiction Ă lâalimentation.
Lâaddiction Ă la malbouffe
Par ces tĂ©moignages, la BD dĂ©nonce lâexistence dâune « addiction Ă lâalimentation » en pointant du doigt les drogues toujours plus grasses et sucrĂ©es produites en masse par lâindustrie agroalimentaire. Elle explique que si un Food Addict peut dans lâabsolu dĂ©vorer nâimporte quoi, les produits qui vont lâobsĂ©der seront toujours les mĂȘmes : « les aliments trĂšs caloriques, Ă consistance onctueuse ou croustillante, qui combinent gras, sel, sucre et activent fortement le circuit de la rĂ©compense » [1].
Elle prĂ©cise Ă©galement que, tout comme pour lâalcool, certains pourront consommer un burger ou une pizza de temps en temps, alors que pour dâautres cela deviendra une « vĂ©ritable addiction ». La postface prĂ©cise que 5 Ă 10 % de la population pourrait ĂȘtre atteinte de « food addiction ».
Bien quâintĂ©ressante pour accroitre la visibilitĂ© de problĂ©matiques bien rĂ©elles, les explications apportĂ©es par la BD posent question.
Dans la littĂ©rature scientifique, câest en 1956 que le terme « food addiction » (addiction alimentaire) apparaĂźt pour la premiĂšre fois (Randolph, 1956). Cependant, aujourdâhui encore, la nature de « lâaddiction alimentaire » demeure un sujet controversĂ© qui divise les experts et nĂ©cessite des Ă©tudes supplĂ©mentaires.
Pour certains chercheurs, la nourriture hautement « palatable », contenant une grande quantitĂ© de sucre, de sel et de gras, aurait des propriĂ©tĂ©s addictives et agirait de la mĂȘme façon quâune drogue au niveau du cerveau (Avena, Rada & Hoebel, 2009â; Meule & Gearhardt, 2014).
Certaines Ă©tudes semblent en effet aller dans ce sens.
Des Ă©tudes menĂ©es auprĂšs de rats ont observĂ© que les animaux Ă qui on donnait accĂšs Ă de la nourriture sucrĂ©e, Ă la suite dâune pĂ©riode de privation, montraient des symptĂŽmes sâapparentant Ă ceux de la dĂ©pendance aux substances (Avena, Rada & Hoebel, 2008).
Les rats pouvaient consommer une trĂšs grande quantitĂ© de nourriture en trĂšs peu de temps, et ce, malgrĂ© des dĂ©charges Ă©lectriques (Avena et al., 2008â; Gearhardt, White & N Potenza, 2011â; Johnson & Kenny, 2010). En plus de ces changements comportementaux, les chercheurs ont observĂ© chez ces rats des altĂ©rations neurologiques au niveau de circuits impliquĂ©s dans la dĂ©pendance aux substances (Hoebel, Rada, Mark & Pothos, 1999â; Nieto, Wilson, Cupo, Roques & Noble, 2002).
Un questionnaire a dâailleurs Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© en 2009, le « Yale Food Addiction Scale » (YFAS), afin dâidentifier les individus prĂ©sentant des symptĂŽmes dâaddiction Ă lâalimentation (Gearhardt, Corbin & Brownell, 2009). InspirĂ© des critĂšres diagnostiques de dĂ©pendance aux substances du DSM-IV-TR (American Psychiatric Association, 2000), il vise Ă dĂ©crire les difficultĂ©s cliniques que rencontrent certaines personnes dans leur relation Ă lâalimentation : la perte de contrĂŽle sur la consommation alimentaire, une incapacitĂ© Ă rĂ©duire leur consommation malgrĂ© le dĂ©sir de le faire ou encore la poursuite de comportements malgrĂ© la connaissance des effets nĂ©gatifs de cette consommation alimentaire sur leur santĂ©. Par conception, le YFAS suggĂšre donc que la dĂ©finition de lâaddiction alimentaire serait constituĂ©e de symptĂŽmes approximativement Ă©quivalents aux symptĂŽmes dâune dĂ©pendance aux substances, mais appliquĂ© Ă la nourriture.
Toutefois, comme expliquĂ© plus tĂŽt, cette thĂ©orie ne repose que sur le modĂšle animal. Ă ce jour, aucune Ă©tude nâa pu Ă©valuer ce potentiel addictif sur les ĂȘtres humainsâ; ni dans quelle mesure celui-ci pourrait avoir un impact rĂ©el sur les comportements alimentaires.
De nombreux chercheurs et experts se sont donc opposĂ©s Ă lâidĂ©e de lâexistence dâune addiction alimentaire analogue Ă lâaddiction aux drogues (Albayrak, Wölfle & Hebebrand, 2012â; Hebebranda et al., 2015â; Wilson, 2010â; Nolan, 2017) et proposent plutĂŽt de classer lâaddiction alimentaire dans la catĂ©gorie des dĂ©pendances comportementales, qui ne seraient pas causĂ©es par une substance psychoactive (Rosenberg & Feder, 2014).
Jean-Philippe Zermati et GĂ©rard Apfeldorfer deux spĂ©cialistes français du comportement alimentaire expliquent : « aucun aliment ne rĂ©pond aux critĂšres dĂ©finissant une substance addictive ». Dâune part, « il nâexiste pas de tolĂ©rance, ce qui veut dire que la personne qui aime le chocolat nâest pas conduite Ă augmenter les doses indĂ©finiment pour obtenir le mĂȘme plaisir, comme câest le cas pour lâhĂ©roĂŻne, par exemple ». Dâautre part, « Il nây a pas non plus de syndrome de sevrage quand on cesse de boire du Coca ou de manger des hamburgers-frites ». Le seul Ă©lĂ©ment commun avec les produits addictifs serait donc « la focalisation sur la consommation : certaines personnes sacrifient leurs autres activitĂ©s Ă la recherche et la consommation de certains aliments ».
Sur ce point, ils pointent du doigt la restriction cognitive. Câest le « fait de contrĂŽler mentalement son comportement alimentaire en vue de contrĂŽler son poids qui serait, en rĂ©alitĂ©, ce qui conduit Ă cette focalisation. » Par ailleurs, ils prĂ©cisent que « certaines conduites alimentaires correspondent Ă ce quâon appelle des addictions comportementales. Ces conduites rĂ©pĂ©titives, comme le jeu pathologique, le travail compulsif, certaines conduites Ă risque, ont comme finalitĂ© de protĂ©ger la personne de ses Ă©motions et de ses pensĂ©es douloureuses ».
Qui dit « addiction » dit « abstinence »?
Pour surmonter sa dĂ©pendance, Zazou rejoint les Food Addicts. Un groupe de parole Ă caractĂšre religieux qui, Ă la maniĂšre des Alcooliques anonymes, prĂŽne lâabstinence. Pour lâalimentation, lâabstinence se dĂ©finit comme « des repas pesĂ©s, sans farine ni sucre, sans rien entre les repas et le moindre excĂšs ».
Cette association existe rĂ©ellement. CrĂ©Ă©e aux Ătats-Unis, elle propose un programme en douze Ă©tapes contre la malbouffe en sâinspirant du modĂšle des Alcooliques anonymes. Lâassociation sâest exportĂ©e dans diffĂ©rents pays, mais pas en Belgique.
Dans leur BD, les auteurs ont Ă cĆur de souligner la culpabilitĂ© des industries agroalimentaires qui Ćuvrent Ă rendre les produits alimentaires toujours plus addictifs en ciblant lâatteinte du « point de fĂ©licitĂ© », mĂ©lange de sucre, gras et sel destinĂ© Ă rendre accro le cerveau, et encouragent lâadoption de mesures politiques rĂšglementaires fortes. Toutefois, la solution prĂ©sentĂ©e dans lâhistoire repose sur le soutien des pairs, mais surtout un contrĂŽle alimentaire extrĂȘme.
Au vu de la controverse sur la nature de lâaddiction Ă lâalimentation, on peut sâinterroger sur lâefficacitĂ© rĂ©elle de cette solution. En effet, dans les Ă©tudes qui sâintĂ©ressent Ă lâaddiction alimentaire, sa prĂ©valence est bien plus importante chez les personnes prĂ©sentant un trouble du comportement alimentaire (« TCA ») (Pursey et al., 2014). Or, mĂȘme dans lâhypothĂšse dâune addiction alimentaire liĂ©e Ă la substance mĂȘme, dans le cas dâun TCA ou dâun trouble induit par la restriction cognitive (câest-Ă -dire dans la majoritĂ© des cas), cette solution peut, en rĂ©alitĂ©, venir renforcer le trouble prĂ©sent : lâinterdiction nourrissant lâaddiction.
Conclusion
Si la BD est discutable dâun point de vue scientifique sur la nature de lâaddiction Ă lâalimentation, et sur lâapproche thĂ©rapeutique qui en dĂ©coule, elle a lâindĂ©niable point fort de visibiliser lâenjeu et de donner la parole aux victimes en souffrance avec leur alimentation par des images colorĂ©es, fortes et marquantes.
Pour conclure, si lâaccent est mis dans la BD sur le caractĂšre addictif de lâalimentation, et spĂ©cifiquement de la malbouffe, il importe de ne pas non plus perdre de vue le rĂŽle central de la grossophobie, et de la pression sociale liĂ©es Ă la minceur, pouvant induire des phases de restrictions calorique ou cognitive extrĂȘmes et contribuant ainsi pour une large part Ă la souffrance illustrĂ©e par la BD.
[1] Les exemples cités dans la BD sont le chocolat, la crÚme glacée, les frites, la pizza ou encore le cookie.
Gleason E., Croque A., Junk Food, les dessous dâune addiction, Ed. Casterman, 2023
Pour aller plus loin
Site internet de lâassociation des Food addicts : https://www.foodaddicts.org
Bibliographie
Albayrak, Ă., Wölfle, S. M. & Hebebrand, J. (2012). Does food addiction exist? A phenomenological discussion based on the psychiatric classification of substance- related disorders and addiction. Obesity Facts, 5(2), 165â179.
American Psychiatric Association. (2000). Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fourth Edition: DSM-IV-TR. American Psychiatric Association.
American Psychiatric Association. (2013). Diagnostic and statistical manual of mental disorders. 5th ed. American Psychiatric Publishing.
APFELDORFER G. Addiction aux aliments sucrĂ©s : vrai ou faux dĂ©batâ? In Le goĂ»t du sucre, plaisir et consommation, M.-S. Billaux Ed. Ăditions Autrement, coll. Mutations, Paris, N°263, pp 125-137, sept. 2010.
Avena, N. M., Rada, P. & Hoebel, B. G. (2008). Evidence for sugar addiction: Behavioral and neurochemical effects of intermittent, excessive sugar intake. Neuroscience and biobehavioral reviews, 32(1), 20â39. https://doi.org/10.1016/j.neubiorev.2007.04.019
Avena, N. M., Rada, P. & Hoebel, B. G. (2009). Sugar and Fat Bingeing Have Notable Differences in Addictive-like Behavior. The Journal of Nutrition, 139(3), 623â628.
Gearhardt, A. N., Corbin, W. R. & Brownell, K. D. (2009). Preliminary validation of the Yale Food Addiction Scale. Appetite, 52(2), 430â436. https://doi.org/10.1016/j.appet.2008.12.003
Gearhardt, A. N., White, M. A. & N Potenza, M. (2011). Binge eating disorder and food addiction. Current drug abuse reviews, 4(3), 201â207.
Gearhardt, A. N., Corbin, W. R. & Brownell, K. D. (2016). Development of the Yale Food Addiction Scale Version 2.0. Psychology of Addictive Behaviors, 30(1), 113.
Hauck C, Cook B, Ellrott T. Food addiction, eating addiction and eating disorders. Proc Nutr Soc. 2020 Feb;79(1):103â112. doi: 10.1017/S0029665119001162. Epub 2019 Nov 20. PMID: 31744566.
Hebebranda, J., Albayraka, Ă., Adanb, R., Antel, J., Dieguezc, C., De Jongb, J., … Dickson, S. L. (2015). « Eating addiction », rather than « food addiction », better captures addictive-like eating behavior. Neuroscience and Biobehavioral Reviews, 47, 295â306. https://doi.org/10.1016/j.neubiorev.2014.08.016
Hoebel, B., Rada, P. V., Mark, G. P. & Pothos, E. (1999). Neural systems for reinforcement and inhibition of behavior: relevance to eating, addiction and depression. Well-being: Foundations of Hedonic Psychology, 560â574.
Johnson, P. M. & Kenny, P. J. (2010). Dopamine D2 receptors in addiction-like reward dysfunction and compulsive eating in obese rats. Nature Neuroscience, 13(5), 635â641. https://doi.org/10.1038/nn.2519
Meule, A. & Gearhardt, A. N. (2014). Food Addiction in the Light of DSM-5. Nutrients, 6(9), 3653â3671. https://doi.org/10.3390/nu6093653
Nieto, M., Wilson, J., Cupo, A., Roques, B. P. & Noble, F. (2002). Chronic morphine treatment modulates the extracellular levels of endogenous enkephalins in rat brain structures involved in opiate dependence: a microdialysis study. Journal of Neuroscience, 22, 1034â1041.
Nolan, L. J. (2017). Is it time to consider the âfood use disorder?â Appetite, 115, 16â18. https://doi.org/10.1016/j.appet.2017.01.029
Randolph, T. G. (1956). The descriptive features of food addiction; addictive eating and drinking. Quarterly Journal of Studies on Alcohol, 17(2), 198â224.
Rosenberg, K. P. & Feder, L. C. (2014). Behavioral Addictions: Criteria, Evidence, and Treatment. Academic Press.
Schulte, E. M. & Gearhardt, A. N. (2017). Development of the modified Yale food addiction scale version 2.0. European Eating Disorders Review, 25(4), 302â308.
Wilson, G. T. (2010). Eating disorders, obesity and addiction. European eating disorders review : the journal of the Eating Disorders Association, 18(5), 341â51. https://doi.org/10.1002/erv.1048
Zermati, J-P. (2019). Osez manger, libérez-vous du contrÎle. Odile Jacob.
Zermati, J-P. (2020, April 4). Addictions alimentairesâŻ: en rĂ©alitĂ©, nous sommes addicts au contrĂŽle. [Video]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=kQfwUSNzLQs
Que dâencre a coulĂ© depuis le dĂ©but de la pandĂ©mie de COVID-19 au niveau de la recherche scientifique, y compris dans le domaine de la promotion de la santĂ© (PS). Ces travaux ont souvent questionnĂ©, de maniĂšre critique, lâintĂ©gration de la PS dans la gestion de la crise. Ces critiques sont restĂ©es pour la plupart purement dĂ©claratives. En tant que chaire de recherche sur la premiĂšre ligne, Be.hive sâest engagĂ©e dans cette thĂ©matique avec la volontĂ© de tirer les leçons Ă partir de diffĂ©rents travaux menĂ©s pendant cette crise sanitaire.
Les auteurs
Delphine Kirkove (delphine.kirkove@uliege.be) et BenoĂźt PĂ©trĂ© (benoit.petre@uliege.be) , DĂ©partement des Sciences de la SantĂ© Publique Ă lâUniversitĂ© de LiĂšge
Aurore Margat et Remi Gagnayre, Laboratoire Educations et Promotion de la SantĂ© Ă lâUniversitĂ© Sorbonne Paris Nord (https://leps.univ-paris13.fr)
La crise sanitaire, liĂ©e au COVID-19, a mis les systĂšmes de santĂ© sous pression. Afin de limiter lâimpact de la pandĂ©mie et sa propagation, les gouvernements du monde entier ont dĂ» prendre diffĂ©rentes mesures, parmi lesquelles les Ă©ducations en santĂ© (ES), que ce soit lâĂ©ducation Ă la santĂ© (centrĂ©e sur la population gĂ©nĂ©rale) ou lâĂ©ducation thĂ©rapeutique du patient (centrĂ©e sur les personnes malades), occupent une place centrale (1).
Durant cette pĂ©riode, la premiĂšre ligne de soins a tenu un rĂŽle majeur au vu de sa position de proximitĂ© avec la population pour soutenir lâappropriation de ces mesures de protections. En ce sens, la pĂ©riode liĂ©e au COVID-19 reprĂ©sente une fenĂȘtre dâopportunitĂ© pour Ă©tudier les capacitĂ©s et la maturitĂ© de la premiĂšre ligne dans son rĂŽle Ă©ducatif. Cela rejoint par ailleurs des thĂ©matiques dâactualitĂ© comme en tĂ©moignent les assises de la premiĂšre ligne et le nouveau plan de Promotion de la SantĂ© de la rĂ©gion wallonne (3) (4).
Ă partir dâune sĂ©rie de recherches et de projets dâaccompagnement dâacteurs impliquĂ©s dans des actions Ă©ducatives, cet article prĂ©sente quelques rĂ©flexions et pistes dâaction.
Actions menées par Be.hive pendant la crise
Be.hive est la Chaire interdisciplinaire de la premiĂšre ligne. Elle rassemble 3 universitĂ©s (UCLouvain, ULB et U-LiĂšge), 3 hautes Ă©coles (HĂ©nallux, HE Vinci et HELB â Ilya Prigogine), des reprĂ©sentants des usagers de soins de santĂ© et du public, professionnels, managers et politiques. Lâobjectif de la Chaire est de contribuer au dĂ©veloppement dâune premiĂšre ligne dâaide et de soins forte et efficace en Belgique francophone.
Pour en savoir plus : be.hive.be
Un des axes de travail de Be.hive sâintĂ©resse tout particuliĂšrement Ă la participation et Ă lâengagement des individus dans les soins et lâaide (5). Lors de la crise sanitaire, Be.hive a rĂ©orientĂ© certains travaux afin dâexplorer cette crise sous le prisme de la promotion de la santĂ© et plus particuliĂšrement des Ă©ducations en santĂ©, en tant que levier de participation et dâengagement des citoyens.
Voici les différentes activités de recherche :
- La gestion de la pandĂ©mie questionne la place et lâimplication du citoyen dans cette gestion. Nous avons voulu savoir quelles Ă©taient les informations collectĂ©es au sein de la population pour monitorer les connaissances, attitudes et pratiques en matiĂšre de prĂ©vention sanitaire. Entre avril et mai 2020, nous avons enregistrĂ© et analysĂ© 45 enquĂȘtes de monitoring de la population rĂ©alisĂ©es durant la pĂ©riode de Covid-19, en Belgique et en France. Cette recherche a Ă©tĂ© menĂ©e en collaboration avec le LEPS (Laboratoire Educations et Pratiques de SantĂ©, UniversitĂ© Sorbonne â Paris Nord).
- PĂ©trĂ© B, Kirkove D, Andrade V De, Crozet C, Toro-arrocet D, Margat A, et al. Learnings from Health Behavioural Survey Practices in France and Belgium During the First COVID-19 Stay-at-Home Order. Patient Prefer Adherence [Internet]. 2021;15:807â9. https://doi.org/10.2147/ppa.s298401
- Face aux patients suspectĂ©s de COVID et se prĂ©sentant dans les centres de dĂ©pistage, les mĂ©decins se trouvaient relativement dĂ©munis pour donner les instructions des conduites prĂ©ventives Ă tenir aux patients avant leur retour Ă domicile. En rĂ©ponse, nous avons dĂ©veloppĂ©, Ă partir de juin 2020, le modĂšle CEdRIC : une stratĂ©gie dâĂ©ducation brĂšve destinĂ©e aux citoyens suspectĂ©s ou confirmĂ©s dâinfection au COVID-19 qui sont chargĂ©s de sâauto-isoler Ă la maison. Dâabord utilisĂ©e par les mĂ©decins urgentistes, lâutilisation de CEdRIC a ensuite Ă©tĂ© Ă©tendue au Service I Promâs de la Province de LiĂšge, qui a mis ses agents Ă disposition de diffĂ©rents centres de dĂ©pistage de la Province de LiĂšge. Nous avons analysĂ© le retour dâexpĂ©riences concernant lâutilisation de la stratĂ©gie CEdRIC Ă partir du point de vue des professionnels de santĂ© qui lâont utilisĂ©e et des bĂ©nĂ©ficiaires (429 participants).
- PĂ©trĂ© B, Paridans M, Guillaume M. Utilisation de la stratĂ©gie CEdRIC dans le contexte de la pandĂ©mie Ă coronavirus (COVID-19), retour dâexpĂ©rience. Rev Med Liege. 2022;77:1â6. https://hdl.handle.net/2268/293694
- Le dĂ©pistage du COVID-19 par testing salivaire a Ă©tĂ© introduit sous projet pilote dans les Ă©coles et maisons de repos (et de soins) entre dĂ©cembre 2020 et avril 2021. Les autoritĂ©s rĂ©gionales ont mandatĂ© notre service pour rĂ©aliser une Ă©tude de lâacceptabilitĂ© du test salivaire au niveau du personnel de ces deux types de structure (439 MR/MRS et 19 Ă©coles).
- PĂ©trĂ© B, Paridans M, Gillain N, Husson E, Donneau AF, Dardenne N, et al. Acceptability of community saliva testing in controlling the Covid-19 pandemicâŻ: lessons learned from two case studies in nursing homes and schools. Patient Prefer Adherence. 2022. https://doi.org/10.2147/PPA.S349742
- Lâaccompagnement Ă©ducatif des patients chroniques sâest vu mis Ă distance (usage de la tĂ©lĂ©consultation) en raison de la pandĂ©mie. Nous avons analysĂ©, de janvier Ă mai 2021, la prĂ©paration et la perception de mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes (MG) (n= 12) et de patients chroniques (n=16) concernant lâaccompagnement Ă©ducatif via la tĂ©lĂ©consultation, Ă travers la rĂ©alisation de deux mĂ©moires sur ces sujets.
- Kirkove, D., CennĂ©, L., & PĂ©trĂ©, B. (May 2022). Exploration du vĂ©cu des patients dans l’accompagnement Ă©ducatif durant la crise sanitaire en Belgique francophone. Poster session presented at CongrĂšs de la SociĂ©tĂ© d’Education ThĂ©rapeutique EuropĂ©enne, Montpellier, France. https://hdl.handle.net/2268/294735
- Face au dĂ©clin rencontrĂ© dans le nombre de cas-contact rapportĂ©s aux agents en charge du tracing en rĂ©gion wallonne, le service de promotion de la santĂ© de Solidaris a fait appel Ă notre Ă©quipe pour accompagner les agents de tracing (30), Ă travers des sĂ©ances de simulation et des apports de contenus liĂ©s aux Ă©ducations en santĂ© en juin 2020. Il sâagissait de faciliter lâengagement des publics bĂ©nĂ©ficiaires par une approche de type prĂ©ventive inscrite dans une perspective de promotion de la santĂ©.
- PĂ©trĂ© B, Service de Promotion de la SantĂ© de Solidaris. Agents de tracing et promotion de la santĂ©. Educ SantĂ© [Internet]. 2021;383:8â12. https://educationsante.be/agents-de-tracing-et-promotion-de-la-sante/
Les éducations en santé : un réel besoin perçu par les acteurs
Une des premiĂšres observations concerne la rĂ©ception positive auprĂšs des professionnels des diffĂ©rents dispositifs mis en place. MalgrĂ© leur arrivĂ©e jugĂ©e tardive, un haut niveau de satisfaction est atteint dans lâaccompagnement des agents de tracing qui se sont vu proposer une ouverture de leur pratique vers le champ des Ă©ducations en santĂ©. Le testing salivaire a Ă©tĂ© accueilli favorablement par 96.9% des Maisons de repos / Maisons de repos et soins (MR et MRS) et 100% des Ă©coles. Cet accueil favorable est notamment liĂ© Ă lâimpact important quâa pu avoir le COVID parmi ces deux milieux de vie avec des longues pĂ©riodes de quarantaine dans les MR / MRS et des fermetures dâĂ©coles. Dâailleurs, lâintention de poursuivre ce dispositif de testing Ă©tait trĂšs importante Ă©galement : 94.5% des MR / MRS (415 / 439) et 100% des Ă©coles (19/19).
Une réponse positive est également observée du cÎté des bénéficiaires.
- Dans la stratĂ©gie CEdRIC, lâinitiative a Ă©tĂ© apprĂ©ciĂ©e par 85.0% des bĂ©nĂ©ficiaires.
- Lâaccompagnement Ă©ducatif Ă distance a Ă©galement Ă©tĂ© accueilli favorablement par les patients porteurs de maladie chronique, notamment dans sa capacitĂ© Ă maintenir une certaine continuitĂ© des soins, comme en tĂ©moigne lâextrait suivant : « Donc j’ai eu en effet un suivi trĂšs trĂšs trĂšs trĂšs rapprochĂ©, je pense que eux ont aussi voulu combler un petit peu le manque de relation physique, donc lĂ -dessus rien Ă redire, j’ai Ă©tĂ© suivi particuliĂšrement frĂ©quemment ».
Au-delĂ de cette satisfaction, lâaccompagnement Ă distance des patients a amenĂ© dâautres effets bĂ©nĂ©fiques tels quâune plus grande flexibilitĂ© des professionnels de santĂ©, permettant de sâadapter aux besoins et rythmes des patients, suggĂ©rant lâintĂ©rĂȘt pour des formats multiples des Ă©ducations en santĂ© : « C’est une maladie quand mĂȘme assez complexe et au dĂ©but on se demande un petit peu ce qui nous arrive quoi, et c’est trĂšs compliquĂ© Ă gĂ©rer au dĂ©part, donc oui c’est trĂšs bien d’avoir une infirmiĂšre Ă tout moment aux heures de bureau et mĂȘme le mĂ©decin ».
Ce passage Ă distance a aussi mis en Ă©vidence la nĂ©cessitĂ© et le bienfait du soutien perçu du professionnel par le bĂ©nĂ©ficiaire, inscrivant le suivi dans une approche globale de lâindividu : « Lâaccompagnement Ă distance Ă©tait trĂšs soutenant. Surtout cette infirmiĂšre-lĂ qui prenait des nouvelles, qui a appelĂ© et cetera, on se sent considĂ©rĂ© pas que comme malade en fait, parce qu’elle demande pas quâaprĂšs notre maladie, elle demande aussi comment nous on allait ».
Les Ă©ducations en santĂ© : une stratĂ©gie qui ne sâimprovise pas
Au-delĂ du besoin perçu, la pĂ©riode COVID a aussi montrĂ© combien les Ă©ducations en santĂ© ne sont pas des stratĂ©gies qui sâimprovisent, mais qui, au contraire, nĂ©cessitent un apprentissage.
Ainsi, certains professionnels ont manifestĂ© le sentiment dâĂȘtre dĂ©munis, en particulier les urgentistes qui se sont vu confiĂ©s extrĂȘmement rapidement un rĂŽle « dâinstruction » vis-Ă -vis des citoyens suspectĂ©s ou confirmĂ©s dâinfection Ă la COVID-19. MĂȘme constat du cĂŽtĂ© des agents de tracing bien dĂ©munis pour rĂ©colter des informations des contacts. Cette pĂ©riode a aussi Ă©tĂ© lâoccasion dâune prise de conscience concernant lâinefficacitĂ© ou lâinadĂ©quation de certaines stratĂ©gies dâĂ©ducations en santĂ©, basĂ©es paradoxalement sur la peur ou lâimposition de mesures.
LâexpĂ©rience vĂ©cue par les mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes a Ă©galement mis en Ă©vidence un certain constat dâimprĂ©paration pour ces professionnels qui se sont retrouvĂ©s fort isolĂ©s, en rappelant lâimportance de la communication et du rĂŽle des Ă©motions dans la relation de soins : « Ătre prĂȘt Ă ĂȘtre ouvert, Ă Ă©couter, Ă se remettre en question et ĂȘtre prĂȘt Ă rĂ©apprendre tout le temps en fait. A vraiment laisser la parole au patient. [âŠ] ».
Les éducations en santé sont-elles convoquées trop tard pour répondre à la crise ?
La majoritĂ© de nos interventions font suite Ă lâĂ©mergence de difficultĂ©s et du constat dâimprĂ©paration des acteurs. Lâexpertise dans le domaine des Ă©ducations en santĂ© est ainsi relĂ©guĂ©e en seconde intention. Ainsi, lâaccompagnement des agents de tracing a principalement Ă©tĂ© suscitĂ© Ă la suite dâune rĂ©gression importante du nombre de cas rapportĂ©s (moins dâun cas par personne contactĂ©e).
MĂȘme si lâadhĂ©sion au test salivaire a Ă©tĂ© trĂšs important dans les MR / MRS, la participation effective au testing de la part du personnel lâest nettement moins avec un taux de 49% (11). Au-delĂ de lâaspect technique de la procĂ©dure, ce rĂ©sultat soulĂšve la question de la motivation interne des professionnels pour utiliser le testing et des stratĂ©gies mises en place par certaines MR / MRS pour le soutenir.
Alors que les mesures prĂ©ventives prĂ©conisĂ©es contre la COVID-19 nĂ©cessitent une participation active de la population, les enquĂȘtes de monitoring mettent en Ă©vidence une assez faible implication de celle-ci. Ainsi, ces enquĂȘtes, avec un taux de plus de 70%, se concentrent principalement sur les mesures de lâimpact du COVID sur la population tels que la qualitĂ© de vie, la vie sociale et professionnelle ou la sphĂšre familiale. Assez peu dâenquĂȘtes sâintĂ©ressent par contre aux mesures dâappropriation des conduites de prĂ©vention : 17% des enquĂȘtes (sur 45 Ă©tudiĂ©es) sur la perception de comprĂ©hension ou de connaissances des mesures. Les rĂ©sultats montrent aussi la nĂ©cessitĂ© dâun haut niveau de littĂ©ratie pour pouvoir y rĂ©pondre (une moyenne de 49.8 au test de Flesh, ce qui correspond Ă un niveau dâĂ©tudiant dâĂ©tudes supĂ©rieures), ainsi que la faible implication des individus aux processus dâenquĂȘte que ce soit pour la conception (2%), la diffusion (11%) ou lâinitiation de la recherche par une association de patients (4%). Lâensemble des rĂ©sultats laissent Ă penser que ces enquĂȘtes de monitoring peuvent difficilement guider lâaction publique. En effet, peu dâinvestigation des freins et facilitants de la population dans lâappropriation des mesures sont rĂ©alisĂ©es.
La crise sanitaire, source de rĂ©flexivitĂ© en matiĂšre dâĂ©ducations en santĂ©
En venant complĂ©ter lâaspect technique du dĂ©pistage, la stratĂ©gie CEdRIC, sous la forme dâune Ă©ducation brĂšve, a permis aux professionnels de dĂ©couvrir et puis dâadopter une certaine posture Ă©ducative et des stratĂ©gies soutenant lâautogestion. Par cette opportunitĂ©, ce dispositif sâinscrit dans lâun des cinq axes stratĂ©giques de la charte dâOttawa sur la rĂ©orientation des services et dĂ©montre la complĂ©mentaritĂ© des services de santĂ© avec des agents provinciaux venus renforcer les mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes sur les sites de dĂ©pistage. La crise sanitaire montre la capacitĂ© dâadaptation des Ă©ducations en santĂ© Ă dĂ©velopper diffĂ©rents formats, notamment de courte durĂ©e, de façon Ă la rendre plus accessible et intĂ©grĂ©e aux soins.
Du cĂŽtĂ© des mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes (MG) aussi, lâexpĂ©rience acquise lors de la crise sanitaire leur a permis de prendre conscience de pratiques Ă©ducatives dĂ©jĂ prĂ©sentes, comme celle de lâapprentissage par imitation : « Par moi-mĂȘme, jâai essayĂ© dans lâexemple que je donnais dâĂȘtre irrĂ©prochable donc de ne pas toucher le masque [âŠ]. Et je pense quâeffectivement, le fait que lâexemple soit montrĂ© [âŠ] les poussait Ă appliquer les mĂȘmes gestes. ». Cet extrait illustre comment le MG a intĂ©grĂ© une stratĂ©gie dâapprentissage â en servant de modĂšle â qui est un Ă©lĂ©ment plutĂŽt Ă©lĂ©mentaire.
Cette pĂ©riode a aussi constituĂ© une prise dâautonomie du patient, forcĂ©e par les Ă©vĂšnements. Cette expĂ©rience « grandeur nature » a Ă©tĂ© jugĂ©e positive par les MG et oĂč le plus difficile Ă©tait finalement dâoser se lancer. Afin de pallier la contrainte du temps, ces derniers ont dĂ©veloppĂ© des consultations intĂ©gratives oĂč se combinent les sphĂšres curatives, prĂ©ventives, Ă©ducativesâŠ
Finalement, la crise a eu pour effet de mettre en exergue les besoins bio-psycho-sociaux de tout un chacun, y compris pour les professionnels : « Je pense quâon doit mĂȘme dans des crises comme ça prendre soin de soi. [âŠ] ». Du cĂŽtĂ© des patients, cette pĂ©riode a agi comme un rĂ©vĂ©lateur sur lâimportance de prendre soin dâeux-mĂȘmes : « J’ai eu le dĂ©clic de me dire en fait si moi je prends pas soin de moi il y aura personne qui va le faire ».
La crise sanitaire : entre menaces et opportunitĂ©s pour lâintĂ©gration des Ă©ducations en santĂ©
Les observations transversales de ces diffĂ©rents travaux menĂ©s pendant la crise sanitaire ont comme point commun de mettre en Ă©vidence un certain manque dâintĂ©gration de pratiques des Educations en santĂ© dans le systĂšme actuel des soins de santĂ©.
Ce rĂ©sultat corrobore le rĂ©sultat dâune Ă©tude menĂ©e, pendant le COVID, sur les programmes dâEducation thĂ©rapeutique du patient en France. Cette derniĂšre rapporte une reprĂ©sentation de lâĂ©ducation thĂ©rapeutique du patient comme «non-essentielle », et qui a fait partie des premiĂšres activitĂ©s Ă ĂȘtre stoppĂ©e (12).
Une autre croyance erronĂ©e est restĂ©e Ă©galement dominante durant cette crise : celle de croire que lâinformation suffit pour entraĂźner un changement de comportement (13), en tĂ©moignent les nombreuses stratĂ©gies adoptĂ©es par les Ă©tats dans ce sens. Cela questionne la vision quâont les professionnels quant Ă lâadoption dâun nouveau comportement : mĂȘme si cela semble facile Ă appliquer, son maintien dans le temps nĂ©cessite un apprentissage volontaire et significatif. Ce type dâapprentissage, contrairement Ă la transmission dâinformation, repose sur une participation active de lâindividu avec un traitement actif de lâinformation qui doit ĂȘtre intelligible, qui doit permettre la recherche de sens par lâindividu lui-mĂȘme et enfin apporter la possibilitĂ© dâune transposition dans son cadre de vie (16). La gestion de la crise a montrĂ© la fragilitĂ© du systĂšme dans la capacitĂ© des politiques Ă soutenir la participation du citoyen dans la prise de dĂ©cision prĂ©servant sa santĂ© (6).
Le constat dâimprĂ©paration a Ă©tĂ© Ă©galement prĂ©sent auprĂšs des patients, en particulier ceux porteurs dâune maladie chronique. Nos observations soulĂšvent ainsi un besoin dâaccompagnement pour les bĂ©nĂ©ficiaires avec un processus dâĂ©ducation en santĂ© en continu – non de façon ponctuelle â et intĂ©grĂ©e aux soins (9) (12). Les besoins dâĂ©coute et dâaccompagnement qui ont Ă©tĂ© exprimĂ©s par les patients rappellent avec force lâimportance de la relation thĂ©rapeutique. Ă elle seule, elle peut se rĂ©vĂ©ler dĂ©terminante pour la motivation du patient Ă maintenir des comportements de santĂ© de façon autonome. Cette relation a ainsi dĂ©montrĂ© sa capacitĂ© Ă ĂȘtre thĂ©rapeutique pour le patient (9).
Mais au-delĂ de la relation soignant â soignĂ©, la crise a aussi mis en exergue la nĂ©cessitĂ© de tenir compte de lâenvironnement du patient Ă travers lâimportance de leur soutien social et du dĂ©veloppement de compĂ©tences psycho-sociales. Pour beaucoup de patients, mais aussi de soignants, la pandĂ©mie a constituĂ© un moment de recentrage sur ce qui fait le caractĂšre humain des individus, au-delĂ des soins et des aspects uniquement biomĂ©dicaux.
Ces diffĂ©rents constats nous invitent Ă repenser une approche plus intĂ©grĂ©e de la santĂ© avec le besoin dâinvestir dans les Ă©ducations en santĂ© comme un vĂ©ritable outil de promotion de la santĂ©, Ă travers diffĂ©rents leviers liĂ©s Ă la charte dâOttawa :
- reconnaitre cette approche comme essentielle et en tant quâacte thĂ©rapeutique ;
- développer et rendre accessibles les propositions éducatives existantes en modulant les formats, de maniÚre à pouvoir individualiser la prise en charge selon les besoins et spécificités des populations ;
- adopter des approches de soins intégrés, dans un processus continu et incluant les éducations en santé.
L’engagement de Be.hive
Be.hive sâengage dans diffĂ©rents Ă©lĂ©ments de rĂ©ponse Ă travers :
- un travail sur le soutien des professionnels à travers des communautés de pratiques (CoP) ;
- la connexion avec un projet de recherche sur la formation des professionnels en lien avec les éducations en santé / la promotion de la santé ;
- un plaidoyer politique permettant de renforcer ces aspects des éducations en santé / promotion de la santé dans le systÚme de santé.
Conclusion
La Wallonie vient de rĂ©affirmer son intention de renforcer le volet de la promotion de la santĂ© dans sa politique de santĂ©, notamment Ă travers la premiĂšre ligne de soins. Cela se justifie dâautant plus que toutes les recommandations internationales pour un systĂšme de santĂ© fort et durable vont dans ce sens.
Seule une stratĂ©gie globale, convoquant des leviers tels que le renforcement de la participation communautaire, la crĂ©ation dâenvironnements favorables Ă la santĂ© et les politiques en faveur de la santĂ©, permettra dâatteindre un objectif de rĂ©orientation des services de santĂ© de la premiĂšre ligne, appelĂ©e depuis les textes dâOttawa de 1986. Câest dans cette perspective que sâinscrit Be.hive.
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Les Rencontres Images Mentales, Ă l’Espace Delvaux, Ă Watermael-Boitsfort, en sont Ă leur quinziĂšme Ă©dition. En 2020, c’Ă©tait juste avant le premier confinement. En 2021, uniquement via Internet. En 2022, avec de sĂ©vĂšres restrictions sanitaires (ce pourquoi je n’ai pu y faire Ă©cho dans ces pages : un masque et des lunettes, c’est pas pratique au cinĂ©ma). Cette annĂ©e, ouf, on retrouve le plaisir du grand Ă©cran, des rencontres, des Ă©changes. Coup d’oeil au programme 2023…
C’est Le Monde en soi (18′, France, 2020), de Sandrine StoĂŻanov et Jean-Charles Finck, qui ouvre le programme, et ce film d’animation est un premier coup de coeur… Une jeune peintre sort de chez elle. On la voit faire des croquis de passants Ă la terrasse d’un cafĂ©. Quand le galeriste chez qui elle se prĂ©sente dĂ©couvre son travail, il est enthousiaste mais lui demande aussi « de grands dessins ». Elle se met Ă l’oeuvre et se donne Ă fond. Une scĂšne onirique la montre dansant pour rĂ©aliser ses toiles, tout son corps peint, ses cheveux deviennent pinceaux. Quand il voit le rĂ©sultat, le galeriste s’exclame : « C’est une mise Ă nu, dans tous les sens du terme ! » Une exposition est programmĂ©e. Mais l’artiste s’est littĂ©ralement tuĂ©e au travail, psychiquement parlant. Elle perd pied, comme le montrent des scĂšnes qui peuvent rappeler les peintures et dessins psychĂ©-pop de la seconde moitiĂ© des annĂ©es 60, mais on pense aussi Ă certains romans graphiques contemporains.
Elle se retrouve Ă l’hĂŽpital, en noir et blanc. Seul l’extĂ©rieur colorĂ© dit la vie, la nature : le passage du temps se manifeste par les changements de la ramure de l’arbre qu’elle voit par la fenĂȘtre de sa chambre. Mais voici qu’un Ă©cureuil lui laisse une noisette en prĂ©sent, sur l’appui de la fenĂȘtre. Il reviendra plusieurs fois avec une offrande, commençant Ă lui rendre des couleurs : elle rosit. Puis, Ă la cantine de l’hĂŽpital, un inconnu lui donne, avec un clin d’oeil, une petite boĂźte d’aquarelle. Elle peint le portrait de l’homme avec le doigt, trempant celui-ci dans le verre d’eau avec lequel elle avale habituellement ses mĂ©docs. Plus tard, Ă l’occasion du vernissage, le galeriste lui enverra une boĂźte de couleurs plus complĂšte et des pinceaux. Elle finira par couvrir de ses aquarelles les murs de sa chambre. Et par retrouver le dehors.
Un film chatoyant, poétique, qui a aussi été présenté au festival Anima et dans maints autres lieux.
Le point de dĂ©part de Club 55 (29′, Belgique, 2022) est le suivant : dans le contexte d’un confinement, des gens se rĂ©unissent dans une maison avec jardin et dĂ©cident de faire un film de science-fiction. Dans la vie, les personnes qui participent Ă ce centre de loisirs de L’Equipe (rĂ©seau de psychiatrie sociale, Anderlecht) ont des parcours trĂšs diffĂ©rents : abus de drogues, harcĂšlement raciste au travail, bipolaritĂ©… Mais ici on ne les rĂ©duit pas Ă une Ă©tiquette, l’une d’entre elles dira : « Les plus belles personnes que j’ai rencontrĂ©es, c’est dans des centres. Ils sont passĂ©s par la souffrance et ils ne font pas semblant. » Et un autre : « S’extĂ©rioriser, communiquer, passer des moments avec des gens, c’est ça qui compte. »
Les feedbacks des participants sont Ă voir par toute personne doutant de l’intĂ©rĂȘt de la dĂ©marche des ateliers crĂ©atifs â ici, la vidĂ©o â ou, plus largement, par qui se fait une idĂ©e toute faite des troubles de santĂ© mentale. Les effets bĂ©nĂ©fiques sont ici manifestes. Sans occulter la souffrance psychique, le film veut donner une image positive, il y a de l’humour, des rires. Quelqu’un cite Cibely Ayres Silva, la coordinatrice du Club 55 : « On peut tomber malade, mais on peut guĂ©rir. » Ce qui entre en rĂ©sonance avec le film prĂ©cĂ©dent.
Discussion : est-ce un documentaire sur un film d’atelier (dont on ne verra que des extraits) ? Au dĂ©part, il y a le dixiĂšme anniversaire du Club 55 et un appel d’offres. L’offre retenue se veut plus originale qu’un film de promotion. Paul Vincent de Lestrade, un des rĂ©alisateurs (l’autre Ă©tant Dorian RiviĂšre), dira : « On a fait un film dans le film, le tournage d’un tournage. »
Un quatuor de films d’ateliers
Ils sont peu nombreux cette annĂ©e mais la qualitĂ© est au rendez-vous. MosaĂŻques de shortcoms (15′) dĂ©roule une succession de sketches drĂŽlatiques, rĂ©jouissante mise en boĂźte d’idĂ©es reçues et satire des services d’aide tĂ©lĂ©phonique, le fil rouge Ă©tant un « service aprĂšs-vente » auquel s’adresse un appelant littĂ©ralement intarissable !
Le Centre Alba (La LouviĂšre) est un service de rĂ©Ă©ducation fonctionnelle, câest-Ă -dire un centre ouvert dotĂ© de missions comme la remise Ă l’emploi. La prise en charge va d’un an et demi Ă deux ans. Divers ateliers sont proposĂ©s, dont un atelier vidĂ©o. Pour ces « shortcoms » (un mot trouvĂ© sur le Net), le groupe a commencĂ© par un brainstorming, puis tout le monde a participĂ© Ă toutes les Ă©tapes, mais chacun/e a pu choisir sa place, devant ou derriĂšre la camĂ©ra, Ă l’Ă©criture, etc.
L’Heure Atelier est un centre d’expression et de crĂ©ativitĂ© situĂ© au sein du SSM La Gerbe (Schaerbeek). Chaque annĂ©e, un thĂšme est choisi : en 2022, c’Ă©tait la rĂ©clame publicitaire. Dans Poly le pro-pot (6′), de courtes saynĂštes vont vanter les avantages d’un objet polyvalent, tantĂŽt aquarium ou tambour, tantĂŽt siĂšge ou cache-pot. MoralitĂ© : pas la peine d’acheter toute une diversitĂ© d’objets diffĂ©rents. Et le slogan : « POLY, tant de pot-en-ciel ! » … SimplicitĂ© et lĂ©gĂšretĂ© sont les atouts de cette anti-pub.
C’est le 21 juillet, et le JT propose une Ă©mission spĂ©ciale : le Roi va prendre la parole. Oui mais… tous les personnages sont « jouĂ©s » par des figurines fixes d’animaux ! Et le discours royal est perturbĂ© par une manif en faveur des phoques pilotĂ©e par Brigitte Bardot. Puis la Foire du Midi connaĂźt un incendie surprise, peut-ĂȘtre causĂ© par une cigarette mal Ă©teinte de Jacques Brel ressuscitĂ©. LĂ -dessus survient la mort d’Elisabeth II, et enfin un vol belge dans l’espace rĂ©unit Marie Curie, Thomas Pesquet et Sandra (Kim?) en mĂ©langeant images d’archives et figurines sur fond de dĂ©cors crayonnĂ©s !
Circus TV (14′), rĂ©alisation du Code, centre thĂ©rapeutique de jour de L’Equipe, a un aspect bricolĂ©, loufoque, irrĂ©vĂ©rencieux, surrĂ©aliste « Ă la belge ». Le processus de production s’est Ă©talĂ© sur un an, en collaboration avec les ateliers d’Ă©criture et de dessin. Le cĂŽtĂ© purement ludique a de toute Ă©vidence Ă©tĂ© trĂšs important : « on s’est bien amusĂ©s ! » revient dans les Ă©changes qui suivent la projection.
Making of : lors d’une discussion prĂ©paratoire, il est question d’un lĂ©opard. Lou, une des animatrices, en sort un de son sac, Ă la surprise des autres ! Elle collectionne ces figurines, et il apparaĂźt ensuite que l’autre animatrice, Karien, en fait autant… Du rĂŽle du hasard dans la crĂ©ation.
Avec La main de la morte (5′, SSM de Saint-Gilles), on change complĂštement de registre. C’est du noir et blanc et s’il y a de l’humour, il est trĂšs noir. La souffrance ne se combat pas que par le rire… AprĂšs que son amie est sortie, une jeune femme se met Ă la danse, mais elle est interrompue par des bruits bizarres venant on ne sait d’oĂč, son magnĂ©tophone disjoncte Ă plusieurs reprises ; elle veut Ă©crire mais, lĂ encore, des sons inquiĂ©tants, des voix se font entendre. Elle prend la fuite et se rĂ©fugie dans la salle de douche, mais la paume d’une main se plaque sur la petite fenĂȘtre. C’est Rebecca, son ex, qui n’accepte pas la sĂ©paration et veut la rĂ©cupĂ©rer ! Puis on voit le cameraman et la rĂ©alisatrice, prĂȘts Ă remballer, mais on entend des cris, effarĂ©s les deux se prĂ©cipitent… The end.
Making of : les deux actrices-scĂ©naristes sont trĂšs vite parties vers le cinĂ©ma d’horreur ; or Carole, la rĂ©alisatrice, faisait elle-mĂȘme ce genre de films. Le tournage a Ă©tĂ© trĂšs dense, de l’ordre de 4 heures par jour pendant une semaine. Les deux actrices, qui ne se connaissaient pas, ont donc dĂ» « se jeter Ă l’eau ». Et maintenant, elles sont amies… Du rĂŽle du casting dans l’amitiĂ©.
Un trio de moyens métrages
Ces trois films ont un point commun : une maman qui perd pied. Mais l’intensitĂ© et la gravitĂ© de la maladie ne sont pas les mĂȘmes. Et la forme aussi varie considĂ©rablement, mĂȘme si la situation est chaque fois apprĂ©hendĂ©e par le regard d’un/e enfant. Ăa commence par Maman pleut des cordes (26′, France, 2021) un deuxiĂšme film d’animation et, pour moi, un deuxiĂšme coup de coeur. Jeanne, 8 ans, est envoyĂ©e Ă la campagne chez sa mĂ©mĂ© parce que sa maman doit « se reposer ». Elle n’est pas contente, Jeanne, mais alors pas du tout. Il faut dire que, venant de la ville, elle atterrit au Hameau de l’Enfer, au milieu des frimas. En se promenant dans le bois, elle fait une chute sous la pluie et se retrouve nez Ă nez avec… un GĂ©ant, peut-ĂȘtre un Ogre ! Heureusement, il s’avĂšre que Cloclo, s’il est gigantesque, est tout Ă fait inoffensif, et que c’est un copain de MĂ©mĂ©, la reine de la tarte Ă l’oignon. Jeanne rencontre d’autres enfants et se dĂ©gĂšle progressivement, se dĂ©surbanise aussi. Mais MĂ©mĂ© lui fait comprendre que sa mĂšre est malade, pas juste fatiguĂ©e. Suite Ă l’Ă©cran. Sachez seulement que, pour arriver au happy end dans la maison de repos, une Ă©pingle Ă cheveux en forme de coeur jouera un rĂŽle non nĂ©gligeable et que Cloclo devra recourir aux bottes de sept lieues…
Un film délicieux, touchant, drÎle, aux couleurs magnifiques, qui revisite des motifs du conte classique. Pour tous les ùges ! Dossier pédagogique sur www.lesfilmsdupreau.com.
RĂ©alisation : Hugo de Faucompret. Co-autrice : Lison d’AndrĂ©a. Compositeur : Pablo Pico. Avec les voix de Yolande Moreau, CĂ©line Sallette et Arthur H.
Dans Un jour viendra (29′, France, 2020), de Nicolas CazalĂ©, le dĂ©cor est tout diffĂ©rent : urbain, impersonnel, aux couleurs froides. Audrey retrouve son fils Luca, qui vit dĂ©sormais avec son pĂšre. Le divorce des parents est en cours, et on comprend vite qu’Audrey a fait un sĂ©jour en hĂŽpital psychiatrique. Elle est toujours sujette Ă des crises d’angoisse et Luca se rend compte, selon ses propres termes, qu’elle est « bizarre ». InquiĂ©tante ambiguĂŻtĂ© : Audrey l’encourage à « sauter » Ă trotinette d’une certaine hauteur, et on se demande ce que cela cache car il exprime sa peur… ouf, il ne s’agit que du dĂ©part d’une longue piste sinueuse conçue pour cela, et il crie sa joie !
Mais Luca a fait sortir la perruche qui se trouve dans une cage, sur la terrasse. La tension culmine lors d’une sortie en barque sur un lac : Audrey dĂ©cide tout Ă coup qu’elle a besoin de fraĂźcheur et se jette Ă l’eau. Luca est effrayĂ© mais, lorsqu’elle Ă©merge, c’est elle qui panique, parce qu’elle ne le voit plus dans la barque. En fait, il est Ă moitiĂ© immergĂ© et accrochĂ© au bordage. Quand elle le dĂ©couvre, il s’engage entre eux une lutte violente. Elle veut le faire remonter dans la barque manu militari mais c’est Ă nouveau trĂšs ambigu.
Un film perturbant et qui m’a laissĂ© perplexe. La perruche revient de temps en temps sur sa cage (et non plus dedans) : symbole ?…
Perturbant aussi, mĂȘme s’il provoque le rire Ă certains moments et si j’ai mieux saisi le propos, Trois grains de gros sel (26′, France, 2022), signĂ© Ingrid Chikhaoui, se situe en milieu rural. Deux soeurs, Elsa, 5 ans, et Judith, 8 ans, sont seules Ă la maison. Par curiositĂ©, la cadette avale quelques grains de gros sel et sa soeur lui prĂ©dit qu’elle est dĂšs lors condamnĂ©e Ă mourir par dessĂšchement ! Mi-dubitative, mi-inquiĂšte, Elsa tĂ©lĂ©phone Ă la grand-mĂšre, infirmiĂšre, mais celle-ci ne prend pas l’affaire au sĂ©rieux. Au bout d’un temps, les fillettes cherchent leur mĂšre. Qui surgit tout Ă coup en brandissant le cadavre du coq du voisin, qui la rĂ©veillait trop tĂŽt tous les matins ! AprĂšs l’avoir plumĂ©, elle se met Ă le dĂ©couper et le vider sous le regard intĂ©ressĂ© des fillettes. Elle finit le travail torse nu, barbouillĂ©e du sang de l’animal. Cette atmosphĂšre de jeu dangereux et de transgression trouve son point culminant quand Elsa, inquiĂšte, essaie d’appeler Ă nouveau sa grand-mĂšre. Dispute entre les deux soeurs autour du tĂ©lĂ©phone car on n’est pas censĂ©e « cafter ». La mĂšre surgit Ă nouveau, cette fois armĂ©e d’un arc ! Elle menace sa fille : « qu’est-ce qu’on dit !? » Elsa n’a pas peur mais hĂ©site, et il faut que sa soeur lui souffle la bonne rĂ©ponse : « pardon »…
FrĂ©dĂ©rique Van Leuven, psychiatre, loue l’intensitĂ©, la justesse et la force du film : « c’est une fiction qui dit la vĂ©ritĂ© ». Ingrid Chikhaoui : « L’idĂ©e du film est venue quand j’ai eu des enfants. Des souvenirs sont revenus Ă ce moment : les trois grains de gros sel, cela s’est jouĂ© entre ma soeur et moi. J’avais un pĂšre bipolaire, et je me souviens d’une crise maniaque trĂšs violente. Le personnage du pĂšre a Ă©tĂ© transformĂ© en mĂšre parce que je n’avais pas envie de filmer une violence masculine. » Les personnages ont Ă©tĂ© travaillĂ©s avec Manue Fleytoux, qui joue la mĂšre : « DĂšs l’Ă©criture, on a pris le parti de privilĂ©gier le regard des deux enfants. Elles n’ont pas peur de leur mĂšre, pour elles c’est tuer le coq qui est la grosse bĂȘtise ! Elles ne comprennent d’ailleurs pas pourquoi on emmĂšne leur mĂšre Ă la fin. » Manue : « Pour moi, il est beaucoup question d’amour dans ce scĂ©nario. Il y a de l’amour entre ces trois-lĂ … Je suis allĂ©e chercher chez moi ce qui pouvait trembler. » Ă la question classique de la direction d’enfants, Ingrid rĂ©pond : « Il faut que les enfants sentent que la parole est libre, il faut qu’ils puissent dire non, ce qui est d’ailleurs arrivĂ© dĂšs le casting : l’une d’elles a refusĂ© de jouer la scĂšne proposĂ©e, elle en prĂ©fĂ©rait une autre. » Manue : « Elles Ă©taient trĂšs conscientes que c’Ă©tait un jeu. Et elles Ă©taient prĂ©servĂ©es ; leurs mamans Ă©taient sur le tournage, elles pouvaient aller les retrouver quand elles en avaient envie. »
A suivre…
Pour en savoir plus sur les Rencontres Images Mentales
Depuis 2018 en Belgique, ce logo colorĂ© parĂ© de lettres est prĂ©sent sur de plus en plus de produits dans les rayons des supermarchĂ©s. MentionnĂ© sur base volontaire par les industriels, producteurs et distributeurs, il a rĂ©cemment fait lâobjet de modifications par un comitĂ© scientifique transnational. Il est Ă©galement au centre des dĂ©bats actuels au niveau europĂ©en.
Lâoccasion dâune mise au point avec Mme HĂ©lĂšne Alexiou, diĂ©tĂ©ticienne, maĂźtre-assistante Ă la Haute Ecole Leonard de Vinci et membre du ComitĂ© Scientifique du Nutri-Score.
Un score nutritionnel
« Les informations nutritionnelles prĂ©sentes sur les emballages des produits alimentaires sont rĂ©gies par la rĂ©glementation europĂ©enne « INCO » nÂș 1169/2011 [1]. Ce rĂšglement stipule que l’information du consommateur – la dĂ©claration nutritionnelle obligatoire – peut s’accompagner d’une rĂ©pĂ©tition de l’information facultative dans le champ visuel principal, câest-Ă -dire en face avant des emballages et de façon plus simplifiĂ©e. » explique HĂ©lĂšne Alexiou. Le Nutri-score sâinscrit dans cette disposition.
Le Nutri-score est aujourdâhui prĂ©sent sur base volontaire dans 7 pays europĂ©ens [2] dĂ©signĂ©s sous le nom de « pays officiellement engagĂ©s dans le Nutri-Score ». Mais dâautres logos existent en Europe, tels que le systĂšme des feux tricolores au Royaume-Uni ou encore le « verrou vert » dans les pays nordiques.
« La Commission europĂ©enne, dans son plan stratĂ©gique « Farm to Fork », a l’intention de modifier la rĂ©glementation INCO. Dans une volontĂ© de transparence sur la qualitĂ© nutritionnelle globale des aliments prĂ©emballĂ©s, elle a pour objectif de rendre obligatoire un logo nutritionnel simplifiĂ© en face avant des emballages. Il est donc possible que lâun de ces logos devienne obligatoire dans tous les pays de lâUnion EuropĂ©enne. Il Ă©tait prĂ©vu quâelle rende sa dĂ©cision dĂ©but 2023 mais celle-ci est actuellement retardĂ©e. »
DerriĂšre le score, un algorithme
Le Nutri-score est un score final, unique. Il est obtenu grùce à un algorithme (différent pour les aliments solides et les boissons) et reflÚte, par 100 g de produit (ou 100ml pour les liquides), la balance entre des éléments positifs et des éléments négatifs pour la santé.
« LâĂ©quipe scientifique de SantĂ© Publique France (sous lâĂ©gide du Prof. S Hercberg) qui a dĂ©veloppĂ© lâalgorithme sâest basĂ©e sur un autre algorithme crĂ©Ă© par une Ă©quipe de recherche de l’UniversitĂ© dâOxford afin de catĂ©goriser les aliments qui pourrait faire l’objet d’un marketing ou non chez les enfants. Dans les Ă©lĂ©ments positifs, lâalgorithme prend en compte la teneur en fibres, en protĂ©ines et une composante globale basĂ©e sur la prĂ©sence de fruits & lĂ©gumes, lĂ©gumineuses, fruits Ă coque et trois huiles (colza, noix et olive). La partie nĂ©gative tient compte des calories, de la teneur en acides gras saturĂ©s, en sucre et en sel. »
Des points sont attribués en fonction des différentes teneurs pour chaque composé de 0 à 5 pour les composés favorables et de 0 à 10 pour les composés de la partie défavorable.
« Ces Ă©lĂ©ments nâont pas Ă©tĂ© choisis par hasard. Il y a dâabord la contrainte que les nutriments doivent pouvoir ĂȘtre dĂ©duits de la dĂ©claration nutritionnelle obligatoire ou de la liste dâingrĂ©dients. Ensuite, les composantes constituant lâalgorithme ont Ă©tĂ© identifiĂ©es comme telles parce quâelles sont associĂ©es, dâaprĂšs de nombreuses Ă©tudes Ă©pidĂ©miologiques (GBD, 2017) aux principales maladies non transmissibles (obĂ©sitĂ©, maladies cardiovasculaires), et dont la consommation devrait ĂȘtre limitĂ©e ou encouragĂ©e dans lâintĂ©rĂȘt de la santĂ© publique. »
Le Nutri-score a fait l’objet d’un processus scientifique rigoureux tant dans lâĂ©laboration de lâalgorithme de classement des aliments que dans la validation du format graphique et de sa capacitĂ© Ă attirer lâattention du consommateur et Ă ĂȘtre comprĂ©hensible.
Une gouvernance transnationale
Un mĂ©canisme de coordination transnationale [3] a Ă©tĂ© mis en place pour faciliter lâutilisation du Nutri-score entre les diffĂ©rents pays lâayant adoptĂ© Ce mĂ©canisme rĂ©unit un comitĂ© de pilotage ainsi quâun comitĂ© scientifique. Ce dernier est constituĂ© de 13 experts des pays engagĂ©s (1 Ă 2 experts par pays). Ces scientifiques indĂ©pendants en nutrition, Ă©pidĂ©miologie et santĂ© publique, appartiennent au monde acadĂ©mique ou Ă des organismes publics ; ils ne prĂ©sentent donc aucun conflit dâintĂ©rĂȘt.
La mission principale du comitĂ© scientifique est de sâassurer que lâalgorithme intĂšgre les derniĂšres connaissances scientifiques. Les experts Ă©tudient Ă©galement le rationnel scientifique de toute demande de mise Ă jour du Nutri-score. Lâalgorithme est en effet destinĂ© Ă Ă©voluer au rythme des progrĂšs de la science. Câest ainsi que celui des aliments solides a Ă©tĂ© rĂ©cemment mis Ă jour [4] et que le comitĂ© scientifique travaille dĂ©sormais Ă la finalisation de lâactualisation de lâalgorithme pour les aliments liquides.
Mise Ă jour de lâalgorithme des aliments solides
Les modifications rĂ©centes de lâalgorithme ont menĂ© aux changements suivants :
- une meilleure diffĂ©renciation et rĂ©partition des huiles entre les catĂ©gories A Ă E ; lâhuile dâolive est classĂ©e B ainsi que les huiles vĂ©gĂ©tales Ă faible teneur en acides gras saturĂ©s (colza, noix, huile de tournesol olĂ©ique) ;
- une meilleure discrimination pour les noix et graines sans sel ni sucres ajoutés ;
- une amélioration de la différenciation des céréales complÚtes et du pain complet par rapport aux produits raffinés ;
- un classement plus strict des produits à forte teneur en sel (ex : préparations de viande, plats préparés, snacks salés) ;
- une allocation des points plus stricte pour les produits sucrĂ©s. Ceci a Ă©galement des rĂ©percussions sur les produits laitiers sucrĂ©s et les cĂ©rĂ©ales petit-dĂ©jeuner Ă teneur relativement Ă©levĂ©e en sucre (dĂ©sormais susceptibles dâĂȘtre moins bien catĂ©gorisĂ©s) ;
- la viande rouge est moins bien classée comparativement à la volaille ou au poisson, permettant un meilleur alignement avec les recommandations nutritionnelles visant à limiter leur consommation ;
- une meilleure classification des poissons gras sans ajouts (sel ou huile).
Un indicateur controversĂ©…
MalgrĂ© ses fondements scientifiques, le Nutri-score est sujet Ă de nombreuses critiques. Lâune dâentre elles remet en cause son efficacitĂ© car il peut catĂ©goriser en B un plat prĂ©parĂ© alors que lâhuile dâolive â dont lâintĂ©rĂȘt nutritionnel est dĂ©montrĂ© – est classĂ©e C.
« Cette critique provient de lâincomprĂ©hension de l’utilitĂ© du Nutri-score. Le logo a pour objectif dâaider les consommateurs Ă reconnaĂźtre en un clin d’Ćil la qualitĂ© nutritionnelle globale d’un aliment mais â surtout – Ă pouvoir le comparer Ă un aliment de la mĂȘme catĂ©gorie. Un consommateur qui prend un paquet de cĂ©rĂ©ales et voit quâil contient 0,8 g de sel ne pourra lui donner aucune valeur relative. Le Nutri-score, avec ses 5 couleurs et 5 lettres, permet de comparer, sur une base relative, la qualitĂ© d’aliments qui sont comparables en termes d’usage. Le Nutri-score traduit donc les chiffres de la dĂ©claration nutritionnelle – incomprĂ©hensibles pour la plupart des consommateurs qui n’ont pas de connaissances en nutrition – en quelque chose de simple et comprĂ©hensible. »
Plusieurs outils ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©s par SantĂ© Publique France [5] mais Ă©galement en Belgique par le Service Public FĂ©dĂ©ral SantĂ© publique [6] afin dâexpliquer lâintĂ©rĂȘt du score et ses limites.
Une autre critique formulĂ©e Ă lâencontre du Nutri-score est quâil mĂšne Ă une sur-reprĂ©sentation des aliments transformĂ©s. En ce sens, quâil valide des aliments industriels avec un Nutri-score A alors que des produits bruts comme des fruits et lĂ©gumes nâont pas de Nutri-score.
« De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, le Nutri-score des aliments ultra transformĂ©s est moins bon que celui des aliments qui ne le sont pas. Une analyse (Galan, 2021) de 220.522 aliments ultra transformĂ©s [7] a mis en Ă©vidence que 79% de ceux-ci sont classĂ©s C, D ou E, et seulement 13% se classent en B et 8% en A. Les dimensions nutritionnelles et dâultra-transformation ne couvrent pas les mĂȘmes dimensions mais sont complĂ©mentaires. Ainsi, au sein des aliments ultra-transformĂ©s par exemple, il existe des diffĂ©rences importantes de composition nutritionnelle, et le Nutri-Score peut permettre au consommateur de faire un choix de composition nutritionnelle plus favorable Ă sa santĂ©. Toutefois, il est possible quâĂ lâavenir le Nutri-score intĂšgre pleinement cette dimension et quâun produit ultra-transformĂ© voit son Nutri-Score cerclĂ© d’un bandeau noir. »
En outre, il est important de rappeler que le Nutri-score nâefface pas les autres outils existants sur les recommandations alimentaires : « la pyramide alimentaire est toujours lĂ pour rappeler que les fruits et lĂ©gumes constituent la base dâun mode dâalimentation Ă©quilibrĂ© ».
« PrĂ©cisons Ă©galement que le Nutri-score concoure Ă lâamĂ©lioration nutritionnelle des produits industriels. Les industries ont, en effet, intĂ©rĂȘt Ă amĂ©liorer les formulations de leurs produits dans une dynamique concurrentielle de vente. »
Enfin, le Nutri-score est jugĂ© incomplet car il ne prend pas en compte les additifs ou les rĂ©sidus de pesticides prĂ©sents dans les aliments. « Compte tenu des connaissances scientifiques actuelles, il nâest pas possible de dĂ©velopper un indicateur synthĂ©tique qui couvrirait toutes les dimensions santĂ© d’un aliment. Plusieurs dimensions sont complĂ©mentaires : la composition nutritionnelle, la prĂ©sence dâadditifs, l’ultra-transformation, les rĂ©sidus de pesticides. Pour le moment, il est impossible de pondĂ©rer la contribution relative de chacune de ces dimensions et d’obtenir un score synthĂ©tique qui serait prĂ©dictif au niveau du risque global pour la santĂ©. Et sâil existe des tentatives de score voulant prendre en compte toutes ces dimensions, ces scores ne sont absolument pas fondĂ©s ni validĂ©s sur le plan scientifique, contrairement au Nutri-score. »
⊠mais de solides preuves dâefficacitĂ©
« De trĂšs larges Ă©tudes de cohortes prospectives (Deschasaux, 2020 ; Egnell, 2021 ; Deschasaux, 2018) regroupant des centaines de milliers de participants dans plusieurs pays europĂ©ens suivis pendant de nombreuses annĂ©es (entre 6 et 17 ans) ont montrĂ© que les sujets qui consomment les aliments les moins bien classĂ©s sur l’Ă©chelle du Nutri-score ont un risque plus Ă©levĂ© de dĂ©velopper des maladies telles que le cancer, les maladies cardiovasculaires, le diabĂšte de type 2, et, enfin, ont un risque de mortalitĂ© plus Ă©levĂ©. Une association a Ă©tĂ© clairement dĂ©montrĂ©e entre les paramĂštres de morbiditĂ© et mortalitĂ©, et le Nutri-score. SĂ©lectionner des aliments avec un meilleur Nutri-score est associĂ© Ă des meilleurs paramĂštres de santĂ©. »
Des études ont également démontré que le Nutri-score améliore la capacité du consommateur à classer correctement les aliments en fonction de leur qualité nutritionnelle (Egnell, 2018a ; Egnell, 2020).
« Dâautres Ă©tudes (Egnell, 2020 ; Finkelstein, 2019 ; Crosetto, 2017 ; Ducrot, 2016 ; Egnell, 2019) ont Ă©galement testĂ© l’utilisation du logo en situation d’achat afin dâobserver si le Nutri-score impactait rĂ©ellement le comportement d’achat et cela sâest confirmĂ©. En situation rĂ©elle, le Nutri-score amĂ©liore la qualitĂ© nutritionnelle du panier d’achat. Ces Ă©tudes ont Ă©galement pris en compte des populations avec des niveaux socio-Ă©conomiques plus bas et des populations d’Ă©tudiants, et les effets sont tout autant observĂ©s. » « Un autre effet dĂ©montrĂ© porte sur la taille des portions. On observe que le consommateur va choisir des portions plus faibles lorsqu’il s’agit de produits de moins bonne qualitĂ© nutritionnelle (Egnell, 2018b). »
Une injonction nutritionnelle au détriment du plaisir alimentaire ?
Une Ă©tude (Poquet, 2019) a observĂ© que lâapposition du Nutri-score sur des goĂ»ters dâenfant entraine un choix dâun goĂ»ter de meilleure qualitĂ© nutritionnelle mais diminue Ă©galement le plaisir lors de la consommation de celui-ci. Cette Ă©tude soulĂšve la question du risque que peut reprĂ©senter le Nutri-score pour la dimension hĂ©donique de lâalimentation.
« Le fait que le Nutri-score – ou dâautres recommandations alimentaires – soit perçu comme une injonction Ă manger sainement et que cela diminue la valeur hĂ©donique des aliments est une question gĂ©nĂ©rale d’Ă©ducation alimentaire. Le Nutri-score est un outil de santĂ© publique dont l’objectif est d’amĂ©liorer le statut nutritionnel de la population.
Le plaisir hĂ©donique en lien avec des aliments sains est un aspect qui se dĂ©veloppe sur des annĂ©es par toute l’Ă©ducation alimentaire, depuis l’enfance. Le fait de voir un aliment sain, de l’apprĂ©cier ou non, et que le Nutri-score interfĂšre lĂ -dessus, dĂ©pend de l’Ă©ducation et notamment dâune attitude parentale positive (le fait de manger ensemble Ă table, de prĂ©senter des fruits et lĂ©gumes sous forme variĂ©e, d’associer le plaisir Ă ces aliments, etc.). » Mettre en avant un aliment uniquement sur base de sa dimension santĂ© ne valorise pas l’apprĂ©ciation de ce dernier : ce nâest pas en disant de manger tel aliment parce quâil est « sain » que lâon va apprĂ©cier lâaliment. Ce quâil faut, câest renforcer lâĂ©ducation alimentaire (le temps passĂ© Ă cuisiner, l’utilisation d’aliments bruts, etc.) qui malheureusement, tend Ă diminuer de plus en plus. »
Un outil pour une politique de santé plus large
Au vu de tous ces Ă©lĂ©ments positifs ou controversĂ©s du Nutriscore, HĂ©lĂšne Alexiou conclut en soulignant quâil nâest « qu’un outil dans la lutte contre les maladies non transmissibles liĂ©es Ă l’alimentation et quâil est indispensable de mettre en Ćuvre des mesures, complĂ©mentaires au Nutri-score : l’Ă©ducation alimentaire, la promotion de l’activitĂ© physique et surtout la rĂ©gulation du marketing des aliments malsains, notamment Ă lâĂ©gard des enfants. »
Pour aller plus loin
- Le site internet belge du Nutriscore : www.nutriscore.be
- Le site internet du SPF santé publique Belgique : www.health.belgium.be/fr/le-nutri-score
- Le site internet de Santé Publique France : www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/nutrition-et-activite-physique/articles/nutri-score
[1] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32011R1169
[2] Belgique, France, Espagne, Luxembourg, Allemagne, Pays-Bas et Suisse.
[4] https://www.health.belgium.be/en/lien-vers-le-rapport-update-nutri-score-algorithm-juin-2022
[6] https://www.health.belgium.be/fr/le-nutri-score
[7] Le systÚme NOVA est un systÚme de classification des denrées alimentaire en 4 groupes selon leur degré de transformation ; le groupe 4 étant le groupe des « produits alimentaires et boissons ultra-transformés ».
Références
Crosetto P, Lacroix A, Muller L, Ruffieux B. Modifications of food purchases in response to five nutrition simplified labelling. Cah Nut Diet. 2017;52(3):129-33.
Deschasaux M, Huybrechts I, Julia C, Hercberg S, Egnell M, Srour B et al. Association between nutritional profiles of foods underlying Nutri-Score front-of-pack labels and mortality: EPIC cohort study in 10 European countries BMJ 2020; 370 :m3173 doi:10.1136/bmj.m3173
Deschasaux M, Huybrechts I, Murphy N, Julia C, Hercberg S, Srour B, Kesse-Guyot E, Latino-Martel P, Biessy C, Casagrande C, Jenab M, Ward H, Weiderpass E, Dahm CC, Overvad K, KyrĂž C, Olsen A, Affret A, Boutron-Ruault MC, Mahamat-Saleh Y, Kaaks R, KĂŒhn T, Boeing H, Schwingshackl L, Bamia C, Peppa E, Trichopoulou A, Masala G, Krogh V, Panico S, Tumino R, Sacerdote C, Bueno-de-Mesquita B, Peeters PH, HjartĂ„ker A, Rylander C, Skeie G, RamĂłn QuirĂłs J, Jakszyn P, Salamanca-FernĂĄndez E, Huerta JM, Ardanaz E, Amiano P, Ericson U, Sonestedt E, Huseinovic E, Johansson I, Khaw KT, Wareham N, Bradbury KE, Perez-Cornago A, Tsilidis KK, Ferrari P, Riboli E, Gunter MJ, Touvier M. Nutritional quality of food as represented by the FSAm-NPS nutrient profiling system underlying the Nutri-Score label and cancer risk in Europe: Results from the EPIC prospective cohort study. PLoS Med. 2018 Sep 18;15(9):e1002651. doi: 10.1371/journal.pmed.1002651. PMID: 30226842; PMCID: PMC6143197.
Ducrot P, Julia C, MĂ©jean C, Kesse-Guyot E, Touvier M, Fezeu LK, Hercberg S, PĂ©neau S. Impact of Different Front-of-Pack Nutrition Labels on Consumer Purchasing Intentions: A Randomized Controlled Trial. Am J Prev Med. 2016 May;50(5):627-636. doi: 10.1016/j.amepre.2015.10.020. Epub 2015 Dec 15. PMID: 26699246.
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Egnell, M., Seconda, L., Neal, B., Mhurchu, C., Rayner, M., Jones, A., . . . Julia, C. (2021). Prospective associations of the original Food Standards Agency nutrient profiling system and three variants with weight gain, overweight and obesity risk: Results from the French NutriNet-Santé cohort. British Journal of Nutrition, 125(8), 902-914. doi:10.1017/S0007114520003384
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La santĂ© mentale ne se rĂ©duit pas quâau trouble psychique, bien au contraireâŻ! Câest en tout cas la philosophie mise en avant par le RĂ©seau Matilda, le RĂ©seau de santĂ© mentale intersectoriel et collaboratif pour enfants et adolescents en province de Luxembourg. DĂ©couverte dans cet article.
« On dit souvent quâil nây a pas de santĂ© sans santĂ© mentale, mais lâinverse est aussi vrai » explique Katalijne van Diest, coordinatrice du RĂ©seau Matilda, le rĂ©seau de santĂ© mentale pour jeunes en province de Luxembourg et qui promeut une vision globale et positive de la santĂ© mentale. « La santĂ© mentale nâenglobe pas seulement la santĂ© psychique, câest aussi notre bien-ĂȘtre au sens large. La santĂ© mentale couvre bien des domaines et câest par consĂ©quence lâaffaire de tous ! »
Cette approche globale de la santĂ© mentale implique la reconnaissance de la multitude de facteurs qui impactent notre bien-ĂȘtre de maniĂšre positive ou nĂ©gative, comme par exemple une relation familiale ou sociale, les passe-temps, un Ă©vĂ©nement, lâalimentation⊠« Cette vision globale est aussi plus positive, car elle permet certes de mettre le doigt sur ce qui ne va pas, mais aussi sur ce qui fonctionne, nos ressources, nos forces » ajoute Katalijne van Diest.
Pour Ă©tayer cette philosophie, le RĂ©seau Matilda a dâailleurs crĂ©Ă© avec ses partenaires le modĂšle 6 facettes qui met en Ă©vidence 6 facteurs qui impactent notre santĂ© mentale et donc notre bien-ĂȘtre :
- Fun – les activitĂ©s qui nous amusent, dans lesquelles on Ă©prouve du plaisir.
- Famille – les relations avec les personnes que lâon considĂšre comme notre famille.
- Forme physique – ce que nous faisons pour ĂȘtre en bonne santĂ©, mais aussi notre Ă©tat de santĂ© gĂ©nĂ©ral, comme une maladie, un handicap ou une allergieâŠ
- Forces et faiblesses – les domaines oĂč lâon se sent fort et ceux oĂč lâon se sent moins douĂ©.
- FraternitĂ© – les relations avec les amis et amies, nos pairs, les professeurs et les personnes qui sont importantes, ainsi que les relations amoureuses.
- Futur – nos attentes, nos rĂȘves pour lâavenir, pour Ă©voluer.
Des facettes interdépendantes
La prise en compte de ces six Ă©lĂ©ments qui impactent notre bien-ĂȘtre permet dâaborder autrement la santĂ© mentale, câest-Ă -dire de maniĂšre plus globale. Tous ces facteurs Ă©tant interconnectĂ©s, une facette peut impacter de maniĂšre positive ou nĂ©gative une autre facette. Tous ces Ă©lĂ©ments gravitent en nous et autour de nous et impactent positivement ou nĂ©gativement notre santĂ© mentale tout au long de notre vie.
Ajuster les facettes et préserver notre santé mentale
La mise en Ă©vidence de ces facteurs est une premiĂšre Ă©tape, ensuite, il faut aller plus loin. « Il est en effet important dâĂȘtre attentif Ă lâĂ©tat de nos facettes, dâen prendre soin chaque jour, de les comprendre, de les ajuster, avec de lâaide si nĂ©cessaire, et ce, pour amĂ©liorer, prĂ©server, renforcer notre bien-ĂȘtre. Câest aussi le message de notre vidĂ©o didactique intitulĂ©e « EnvolĂ©e au cĆur de notre santĂ© mentale » qui met en Ă©vidence les facteurs influant notre bien-ĂȘtre. »
La santĂ© mentale sâobserve donc dans sa globalitĂ©. « Nous avons Ă©galement crĂ©Ă© un outil dâobservation du bien-ĂȘtre chez les jeunes, intitulĂ© « Mes 6 facettes du bien-ĂȘtre ». Lâoutil permet de considĂ©rer le bien-ĂȘtre des jeunes dans sa globalitĂ© avec un focus sur leurs forces et leurs ressources. Lâoutil, Ă destination des professionnels, favorise la discussion avec le jeune sur les diffĂ©rentes facettes de sa vie qui impactent de maniĂšre positive et/ou nĂ©gative son bien-ĂȘtre. »
Une nouvelle politique en marche depuis 2014
Cette prise en compte de lâensemble des dĂ©terminants de la santĂ© fait partie intĂ©grante de la nouvelle politique de santĂ© mentale pour les enfants et adolescents mis en place par la confĂ©rence interministĂ©rielle de SantĂ© publique de 2014. « Notre mission en tant que rĂ©seau est de mobiliser nos partenaires (professionnels, jeunes et leurs proches) en faveur de lâamĂ©lioration de la santĂ© mentale et du bien-ĂȘtre des 0-23 ans prenant en compte lâensemble des dĂ©terminants de la santĂ©. »
Le rĂ©seau est une collaboration entre des partenaires de diffĂ©rents secteurs â les soins spĂ©cialisĂ©s en santĂ© mentale, les soins de santĂ©, lâaide aux personnes, lâaction sociale, et la sociĂ©tĂ©.
LâamĂ©lioration de la santĂ© mentale passe notamment par la promotion de la santĂ© et la prĂ©vention, la dĂ©tection et lâintervention prĂ©coce ou encore par des soins spĂ©cialisĂ©s plus accessibles. « En effet, en plus de nos Ă©quipes mobiles OdyssĂ©e, nous travaillons, en collaboration avec nos partenaires, sur diffĂ©rents projets, comme actuellement lâĂąge de transition, la dĂ©ficience intellectuelle, la participation ou encore les soins psychologiques avec des psychologues conventionnĂ©s permettant une meilleure accessibilitĂ© financiĂšre et gĂ©ographique aux patients », ajoute Katalijne van Diest. Le RĂ©seau organise aussi des activitĂ©s pour ses partenaires tout au long de lâannĂ©e.
Santé mentale et participation des jeunes
Cette vision globale de la santĂ© mentale est Ă©galement indissociable de la participation des jeunes et de leurs proches. « Le RĂ©seau Matilda souhaite Ă la fois soutenir et renforcer les pratiques participatives des professionnels et donner aux jeunes un espace dâexpression et dâaction. Participer, ce nâest pas uniquement ĂȘtre informĂ© ou donner son avis. Nous souhaitons que le jeune, sâil le souhaite, puisse prendre part activement aux projets qui concernent son bien-ĂȘtre », explique GĂ©raldine Henneaux, Coach Participation au RĂ©seau Matilda. Elle poursuit : « actuellement, nous travaillons avec diffĂ©rents partenaires sur la crĂ©ation dâun espace participatif en santĂ© mentale pour et par les jeunes. Lâobjectif est de donner lâopportunitĂ© aux jeunes de se positionner en tant quâacteurs de changement dans des activitĂ©s, projets, associations concernant leur santĂ© mentale. »
Plus dâinfos
www.facebook.com/reseaumatilda
Pour visionner la vidĂ©o « EnvolĂ©e au cĆur de notre santĂ© mentale » : https://www.youtube.com/watch?v=zd-08rUyOOY Pour commander lâoutil dâobservation Mes 6 facettes du bien-ĂȘtre : https://matilda-lux.be/outil-dobservation-mes-six-facettes-du-bien-etre
« Le concept de One Health dans lâaprĂšs Covid », voici le thĂšme de lâintervention de Marius Gilbert, lors dâune soirĂ©e organisĂ©e dans le cadre du Certificat dâUniversitĂ© en SantĂ© et PrĂ©caritĂ©. LâĂ©pidĂ©miologiste, visage connu et incontournable grĂące Ă ses interventions dans les mĂ©dias belges au plus haut de la crise sanitaire et ayant fait partie du groupe dâexperts qui a conseillĂ© le gouvernement belge pendant la crise, nous propose une lecture critique du concept One Health et insiste sur lâimportance des facteurs sociaux Ă ne pas occulter ou dĂ©considĂ©rer.
Le concept de One Health (Une seule santĂ©) lie la santĂ© humaine, la santĂ© animale et la santĂ© environnementale. One Health vient affirmer lâappartenance de lâhumain Ă un Ă©cosystĂšme peuplĂ© dâautres ĂȘtres sur lequel lâhumain a de lâinfluence, mais qui a aussi une influence sur lui. Concept popularisĂ© ces derniĂšres dĂ©cennies, il lâa surtout Ă©tĂ© grĂące aux organisations internationales telles que lâOrganisation des Nations Unies pour lâalimentation et lâagriculture (FAO) ou lâOrganisation Mondiale de la SantĂ© (OMS) par exemple, qui le dĂ©finit comme « une approche pour concevoir et implĂ©menter des programmes, des politiques, une lĂ©gislation et des recherches dans lesquelles de multiples secteurs communiquent et collaborent pour atteindre de meilleurs rĂ©sultats en santĂ© publique » (OMS, 2017).
Education Santé a consacré un numéro à la thématique du One Health en octobre 2021 (« Un monde, Une santé »), retrouvez-le sur https://educationsante.be/numero/381/
Selon Marius Gilbert, la grande force du One Health est justement « sa capacitĂ© conceptuelle Ă rencontrer certains enjeux sanitaires qui peuvent ĂȘtre importants face aux maladies infectieuses telles que les zoonoses ». Dernier exemple en date connu de tous: le Covid-19. Parmi les autres enjeux de santĂ© publique, il cite Ă©galement la santĂ© alimentaire ou lâantibiorĂ©sistance. « Dâailleurs, la composante animale est parfois peu connue. Ce ne sont pas moins de 73% des antimicrobiens vendus dans le monde qui sont utilisĂ©s dans la production animale », souligne-t-il encore.
Mais le concept connait des limites et des critiques. Dâune part, câest une approche jusquâĂ prĂ©sent essentiellement institutionnelle. Que ce soient au niveau plus macro des Nations Unies (incluant la FAO, lâOMS et lâUNEP) ou au niveau des Ă©tats avec la collaboration des ministĂšres de la santĂ©, de lâagriculture et de lâenvironnement, la concertation transsectorielle et transdisciplinaire reste intĂ©ressante mais limitĂ©e. De plus, elle porte surtout sur les maladies transmissibles. En effet, « le concept du One Health par rapport Ă des maladies comme le cancer ou le diabĂšte est moins Ă©vident ».
Un schéma pour ne pas oublier la composante sociale de la santé
Marius Gilbert nous prĂ©sente alors un schĂ©ma conceptuel quâil prĂ©fĂšre Ă celui du One Health et qui lui est complĂ©mentaire. Celui-ci prend la forme dâune pyramide avec Ă son sommet lâindividu et sa santĂ© (« son Ă©tat de bien-ĂȘtre physique, mental et social », pour appliquer la dĂ©finition de lâOMS). On la fait reposer sur la sociĂ©tĂ© et son Ă©tat de bien-ĂȘtre collectif. Celle-ci nâest pas la somme de la santĂ© des individus qui la composent mais est porteuse de caractĂ©ristiques propres, qui favorisent la santĂ© de ses individus : le niveau de prĂ©caritĂ©, dâĂ©galitĂ© (ou dâinĂ©galitĂ©s), de cohĂ©sion sociale, dâĂ©ducation, de libertĂ© dâexpression ou encore du sentiment dâappartenance Ă cette sociĂ©tĂ©. Ce socle repose lui-mĂȘme sur le socle plus large de lâenvironnement et lâĂ©tat des Ă©cosystĂšmes.
Ce modĂšle fait quelque peu disparaitre la composante animale, souligne lâintervenant de la soirĂ©e, mais son grand avantage est que « la composante sociale de la santĂ© nâest pas escamotĂ©e, elle qui est si importante en termes de dĂ©terminants ». Or, si on considĂšre le concept de One Health dans lâaprĂšs Covid (thĂšme de la soirĂ©e, rappelons-le), on ne peut pas faire lâimpasse de la composante sociale.
Marius Gilbert brosse ensuite une sĂ©rie dâĂ©tudes scientifiques mettant en lien la santĂ© des individus avec des caractĂ©ristiques de « la santĂ© dâune sociĂ©tĂ© », autrement dit les dĂ©terminants sociaux (ou sociaux-Ă©conomiques) de la santĂ©. Prenons par exemple le niveau de confiance (entre les personnes elles-mĂȘmes mais aussi envers les institutions qui les gouvernent), qui est corrĂ©lĂ© avec le niveau de rĂ©silience des pays en termes de lutte contre la pandĂ©mie [1]. Autre exemple : lâefficacitĂ© dâune « bonne » information communiquĂ©e Ă lâensemble des citoyens face Ă dâautres mesures restrictives telles que les fermetures des Ă©coles [2] (suivant laquelle on peut considĂ©rer quâune bonne campagne dâinformation peut Ă©ventuellement ĂȘtre aussi efficace que la fermeture des Ă©coles). Les inĂ©galitĂ©s inter- et intra-pays, les niveaux de revenus, les possibilitĂ©s pour certains travailleurs de tĂ©lĂ©travailler⊠tous ces aspects ont Ă©tĂ© documentĂ©s car impactant la lutte contre ce virus. A toutes les Ă©chelles, des pays Ă lâĂ©chelle mondiale, « la pandĂ©mie touche plus fortement les publics prĂ©carisĂ©s, et en plus elle va renforcer la prĂ©carisation des personnes » (M. Gilbert).
Considérer les inégalités, pas une mince affaire en santé ?
Pourtant lâOMS a publiĂ© en mars 2022 un document dĂ©finissant les grandes lignes pour Ă©tablir un prochain « plan pandĂ©mie » [3]. Et Richard Horton, rĂ©dacteur en chef de la prestigieuse revue The Lancet, sâest fendu dâun Ă©dito dĂ©nonçant notamment le fait que les inĂ©galitĂ©s â de maniĂšre gĂ©nĂ©rale – nây sont pas sĂ©rieusement considĂ©rĂ©es, or la pandĂ©mie de Covid-19 « sâest Ă©panouie grĂące aux inĂ©galitĂ©s. Il nây a pas de discussion sĂ©rieuse sur la maniĂšre dont ce virus a exploitĂ© les profondes disparitĂ©s Ă travers les sociĂ©tĂ©s et pourquoi attaquer ces disparitĂ©s doit faire partie dâun planning de prĂ©paration [4]». Pour appuyer ce constat, Marius Gilbert nous Ă©voque Ă©galement que lorsquâil travaillait avec CĂ©line Nieuwenhuys (secrĂ©taire gĂ©nĂ©rale de la FĂ©dĂ©ration des Services Sociaux) au sein du groupe dâexperts du GEMS et quâelle soulevait la question des inĂ©galitĂ©s dans une discussion qui portait sur la santĂ©, il lui Ă©tait rĂ©torquĂ© que câĂ©tait une question de politique et pas tant de santĂ©. « Ce nâest pas une coĂŻncidence ou un hasard que [ces considĂ©rations] ne se rejoignent pas », remarque-t-il.
Pourtant, poursuit-il, mettre en Ă©vidence la composante sociale de la santĂ© « permet dâavoir en tĂȘte les synergies possibles dâune action transversale, [âŠ] comme la rĂ©novation du bĂąti ou la promotion de lâalimentation durable, Ă chacun des niveaux (individuel, de la sociĂ©tĂ© et de lâenvironnement) ». Si on reprend lâexemple de la rĂ©novation du bĂąti, les impacts peuvent porter simultanĂ©ment sur la diminution du risque dâinfections respiratoires ou de maladies liĂ©es Ă la vĂ©tustĂ©, la diminution du risque de contagions interpersonnelles ou de la vulnĂ©rabilitĂ© face aux vagues de chaleur, mais aussi diminuer la vulnĂ©rabilitĂ© Ă©conomique par rapport Ă notre consommation dâĂ©nergie et diminuer les Ă©missions de gaz Ă effet de serre, etc.
Enfin, Marius Gilbert clĂŽt sa prĂ©sentation et les rĂ©ponses aux questions de lâassemblĂ©e en prĂ©cisant quâil est possible dâĂ©tayer et complexifier le modĂšle en trois cercles du One Health (« dans la santĂ© humaine, on pourrait parler de santĂ© individuelle ou collective ; on pourrait faire des distinctions dans la santĂ© animale ou encore dans la santĂ© de lâenvironnement en considĂ©rant les milieux urbains, sauvages, etc. ») On pourrait lui rĂ©torquer quâil existe dĂ©jĂ de nombreux modĂšles pour illustrer les dĂ©terminants de la santĂ©, que le schĂ©ma simplifie peut-ĂȘtre trop ceux-ci, quâon peut regretter cette vision trĂšs anthropocentrĂ©e, etc. Mais Marius Gilbert souligne : cette pyramide a un avantage considĂ©rable, « celui de passer un message clair et fort en termes de communication : la santĂ© individuelle repose sur la santĂ© de la sociĂ©tĂ©, qui repose sur la santĂ© des Ă©cosystĂšmes ». Et sur ces mots de clĂŽture, on ne peut que rejoindre lâintervenant de la soirĂ©e, qui a fait plusieurs mois durant lâexercice et qui continue encore aujourdâhui : « si au moins ce message-ci percole auprĂšs de tous ».
Le certificat d’UniversitĂ©s en SantĂ© et PrĂ©caritĂ©
Le certificat permet dâacquĂ©rir les connaissances en santĂ© et prĂ©caritĂ© et les compĂ©tences pour une prise en charge pluridisciplinaire des problĂšmes de santĂ© et dâaccĂšs aux soins des populations et des personnes en situation de prĂ©caritĂ©.
Il est organisĂ© par lâULB et ses partenaires : la FĂ©dĂ©ration des Maisons mĂ©dicales, MĂ©decins du Monde, la Haute Ecole Libre de Bruxelles Ilya Prigogine et Solidaris.
Parmi les intervenants, vous retrouverez les asbl Aquarelle, Cultures & Santé, I-Care, le Projet LAMA, SMES et Transit. Pour en savoir plus : https://www.ulb.be/fr/programme/fc-529
[1] Lenton, T.M., Boulton, C.A. & Scheffer, M. Resilience of countries to COVID-19 correlated with trust. Sci Rep 12, 75 (2022)
[2] Levelu, A. ; Sandkamp, A-N (2022). A lockdown a day keeps the doctor away: The effectiveness of non-pharmaceutical interventions during the Covid-19 pandemic, Kiel Working Paper, N°221, Kiel Institute for the World Economy, Kiel
[3] âStrengthening the Global Architecture for Health Emergency Preparedness, Response and Resilienceâ (OMS, mars 2022) https://www.who.int/publications/m/item/strengthening-the-global-architecture-for-health-emergency-preparedness-response-and-resilience (disponible en anglais)
[4] Retrouvez lâĂ©dito ici (en anglais): https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(22)00874-1/fulltext. La traduction de cet extrait est proposĂ©e par la rĂ©daction.
Concept
BoĂźte Ă outils contenant tout le matĂ©riel nĂ©cessaire Ă lâĂ©laboration de projets Ă©co-responsables en classe, avec les Ă©lĂšves de cycles 2 et 3, selon la dĂ©marche pĂ©dagogique BĂątisseurs de possibles.
Ă travers cette dĂ©marche pĂ©dagogique, les enfants sont invitĂ©s Ă exprimer et rĂ©aliser leurs idĂ©es pour amĂ©liorer leur Ă©cole, leur quartier ou plus largement la sociĂ©tĂ©. Ils prennent ainsi conscience quâils peuvent ĂȘtre des citoyens actifs, Ă leur Ă©chelle, dĂšs maintenant !
Cette démarche se décompose en 4 étapes :
Ătape 1. IDENTIFIER un problĂšme qui me touche
Ătape 2. IMAGINER une solution Ă ce problĂšme
Ătape 3. RĂALISER cette solution
Ătape 4. PARTAGER notre expĂ©rience
Plus que le rĂ©sultat des projets rĂ©alisĂ©s par les Ă©lĂšves, ce qui compte câest lâensemble du processus : lâexpĂ©rience vĂ©cue collectivement (avec les Ă©lĂšves, comme les parents ou lâĂ©quipe enseignante), les temps de rĂ©flexion et de prise de conscience, les savoirs et compĂ©tences acquis tout au long du projet.
BĂątisseurs de possibles sâappuie sur les leviers favorisant un climat de classe positif : Ă©motions, coopĂ©ration, crĂ©ativitĂ© et engagement. Ces 4 leviers permettent de crĂ©er cet environnement favorable aux apprentissages.
Pour aller plus loin : www.batisseursdepossibles.org
Pour tĂ©lĂ©charger le kit (aprĂšs inscription)âŻ: https://reseau.batisseursdepossibles.org/accompagnement/guide-enseignant
L’avis de PIPSa
Appréciation globale
Cet outil mĂ©thodologique « clĂ© en main » propose une dĂ©marche de pĂ©dagogie active, Ă mener au sein dâun groupe dâenfants, dans le cadre dâun projet de classe sur une annĂ©e scolaire.
Cet outil sâinscrit dans un rĂ©seau mondial de pĂ©dagogues investis dans les dĂ©marches dâempowerment et de changement, Ă partir de petits projets locaux citoyens, solidaires et Ă©coresponsables.
La dĂ©marche, trĂšs soutenante pour lâenseignant, propose un cadre mĂ©thodologique accessible, sĂ©curisant ; ainsi que tous les supports nĂ©cessaires pour animer le groupe et rĂ©aliser les diffĂ©rentes activitĂ©s.
La dĂ©marche donne confiance aux enfants en leur permettant dâexpĂ©rimenter, en groupe, Ă leur niveau â mĂȘme dans des micro-projets – quâils peuvent avoir un impact sur leur environnement. Si les enfants peuvent changer le monde, attention toutefois Ă ne pas les charger en responsabilitĂ© : il y a des facteurs « macro » qui les/nous dĂ©passent. Comme ces facteurs produisent des freins au changement, il importe de les nommer/les reconnaĂźtre lors du debriefing.
Cette approche de pĂ©dagogie active parie sur la force du collectif, Ă l’inverse du prĂ©cepte qui prĂŽne la rĂ©ussite individuelle. Les inĂ©galitĂ©s entre Ă©lĂšves sont prises en compte afin que chacun puisse trouver sa place, quelles que soient ses difficultĂ©s.
LâĂ©valuation aurait pu dĂ©passer le seul bilan individuel du vĂ©cu/ressenti pour poser un regard global/mĂ©ta sur ce qui a Ă©tĂ© fait ensemble.
Objectifs
- Prendre conscience quâon peut changer les choses, modifier son environnement.
- DĂ©velopper lâempowerment individuel et collectif par un projet de classe.
- Augmenter la motivation et compétences psychosociales chez les élÚves.
Public cible
Enfants de 6 Ă 12 ans
Utilisation conseillée
- Sâapproprier lâoutil revient Ă sâapproprier la mĂ©thodologie de projet, la pĂ©dagogie du projet.
- Sâassocier avec dâautres adultes (Ă©ducateurs, PMS/PSE) pourrait permettre de disposer de plus de ressources/aide pour lâune ou lâautre facette du projet.
- De nombreuses vidĂ©os sur YouTube facilitent lâaccĂšs/utilisation/les rĂ©alisations dâautres classes.
Vidéo de présentation : https://www.youtube.com/watch?v=7zzF13fMV9Q&t=165s
Autres vidéos : https://www.youtube.com/channel/UCe8btKVUP054FJQzM7YIUpA
Lâapproche des compĂ©tences psychosociales en promotion de la santĂ© est souvent abordĂ©e dans la littĂ©rature mais nâest pas encore assez visible concrĂštement sur le terrain. En quoi cette approche est-elle un levier en promotion de la santĂ© ? Comment les intervenants Ă©ducatifs peuvent-ils lâintĂ©grer dans leurs pratiques pour soutenir la santĂ© mentale des enfants et des jeunes ?
Beaucoup dâencre a coulĂ© sur les effets de la crise sanitaire sur la santĂ© mentale, en particulier celle des jeunes. Des pistes dâactions Ă©mergent peu Ă peu. Nous avons voulu nous pencher sur une approche qui agit en amont des problĂšmes de santĂ© mentale et plus gĂ©nĂ©ralement de comportement de santĂ©, celle des compĂ©tences psychosociales (CPS). En quoi cette approche soutient-elle le dĂ©veloppement global de la personne ? En quoi favorise-t-elle le dĂ©veloppement des facteurs de protection de la santĂ© ?
Compétences psychosociales (CPS) et promotion de la santé
LâĂ©mergence de cette approche dans le champ de la prĂ©vention et la promotion de la santĂ© a Ă©tĂ© fort liĂ©e Ă lâĂ©volution mĂȘme du concept de santĂ©, qui est passĂ© de lâabsence de maladie Ă un Ă©tat de bien-ĂȘtre physique, mental et social, et une ressource de la vie quotidienne.
En 1986 dĂ©jĂ , la Charte dâOttawa identifie comme stratĂ©gie dâintervention le renforcement des aptitudes individuelles et la participation des populations. MĂȘme si les CPS nây sont pas explicitement citĂ©es, celle-ci y faisait donc dĂ©jĂ rĂ©fĂ©rence par la notion de « life skills » ou « aptitudes indispensables Ă la vie » avec la finalitĂ© de « donner aux individus davantage de maitrise sur leur propre santĂ© ».
Extrait de la Charte d’Ottawa – Acquisition d’aptitudes individuelles
« La promotion de la santĂ© appuie le dĂ©veloppement individuel et social grĂące Ă l’information, Ă l’Ă©ducation pour la santĂ© et au perfectionnement des aptitudes indispensables Ă la vie. Ce faisant, elle donne aux gens davantage de possibilitĂ©s de contrĂŽle de leur propre santĂ© et de leur environnement et les rend mieux aptes Ă faire des choix judicieux. Il est crucial de permettre aux gens d’apprendre Ă faire face Ă tous les stades de leur vie et Ă se prĂ©parer Ă affronter les traumatismes et les maladies chroniques. Ce travail doit ĂȘtre facilitĂ© dans le cadre scolaire, familial, professionnel et communautaire et une action doit ĂȘtre menĂ©e par l’intermĂ©diaires des organismes Ă©ducatifs, professionnels, commerciaux et bĂ©nĂ©voles et dans les institutions elles-mĂȘmes.«Â
Ce nâest que dans les annĂ©es 90 que le concept des compĂ©tences psychosociales est explicitement introduit par lâOMS qui les dĂ©finit comme « la capacitĂ© dâune personne Ă rĂ©pondre avec efficacitĂ© aux exigences et aux Ă©preuves de la vie quotidienne. Câest lâaptitude dâune personne Ă maintenir un Ă©tat de bien-ĂȘtre mental, en adoptant un comportement appropriĂ© et positif Ă lâoccasion des relations entretenues avec les autres, sa propre culture et son environnement. Les CPS ont un rĂŽle important Ă jouer dans la promotion de la santĂ© dans son sens le plus large, en termes de bien-ĂȘtre physique, mental et social »[1].
MĂȘme si cette dĂ©finition reste une rĂ©fĂ©rence, SantĂ© publique France [2] lâa rĂ©cemment actualisĂ©e et dĂ©finit les CPS comme « un ensemble cohĂ©rent et interreliĂ© de capacitĂ©s psychologiques (cognitives, Ă©motionnelles et sociales), impliquant des connaissances, des processus intrapsychiques et des comportements spĂ©cifiques, qui permettent de renforcer le pouvoir dâagir (empowerment), de maintenir un Ă©tat de bien-ĂȘtre psychique, de favoriser un fonctionnement individuel optimal et de dĂ©velopper des interactions constructives » [3].
Nous remarquerons que les termes utilisĂ©s pour dĂ©signer les CPS varient en fonction des disciplines. En promotion de la santĂ©, on parlera de compĂ©tences psychosociales ou compĂ©tences utiles Ă la vie (life skills). Dans les champs de lâĂ©ducation et de la prĂ©vention, on parle plutĂŽt de compĂ©tences sociales et Ă©motionnelles ou compĂ©tences socio-Ă©motionnelles. Les Ă©conomistes mentionnent les termes de compĂ©tences socio-comportementales et compĂ©tences sociales ou compĂ©tences transversales [4].
Classification des CPS
Afin de complĂ©ter les aspects thĂ©oriques, il nous semble utile de mentionner les diverses classifications de CPS dĂ©veloppĂ©es. Elles nous permettent en effet de mieux cerner le concept et ce quâil revĂȘt.
La premiĂšre classification est celle dĂ©veloppĂ©e par lâOMS dans les annĂ©es 90 qui prĂ©sente les CPS en 5 couples de compĂ©tences : savoir rĂ©soudre des problĂšmes- savoir prendre des dĂ©cisions ; avoir une pensĂ©e crĂ©ative – avoir une pensĂ©e critique ; savoir communiquer efficacement – ĂȘtre habile dans les relations interpersonnelles ; avoir conscience de soi – avoir de l’empathie pour les autres ; savoir gĂ©rer son stress – savoir gĂ©rer ses Ă©motions.
LâOMS prĂ©sente ensuite, en 2001, une classification en 3 groupes de CPS : cognitives, Ă©motionnelles et sociales. Enfin, en 2021, SantĂ© publique France identifiera 9 CPS gĂ©nĂ©rales (comprenant au total 21 CPS spĂ©cifiques) : 3 CPS cognitives (avoir conscience de soi, capacitĂ© de maĂźtrise de soi, prendre des dĂ©cisions constructives) ; 3 CPS Ă©motionnelles (avoir conscience de ses Ă©motions et de son stress, rĂ©guler ses Ă©motions et gĂ©rer son stress); 3 CPS sociales (communiquer de façon constructive, dĂ©velopper des relations constructives, et rĂ©soudre des difficultĂ©s). [5]
Cette classification thĂ©orique nous permet probablement dây voir un peu plus clair mais ce qui nous intĂ©resse en promotion de la santĂ© câest surtout de comprendre comment sâexerce une CPS et comment celle-ci peut avoir un effet sur la santĂ© et le bien-ĂȘtre.
L’exercice des CPS
Pour mieux comprendre Ă quoi correspond lâexercice dâune CPS, passons par la dĂ©finition du terme compĂ©tence. Celle-ci est dĂ©finie par Tardiff comme « un savoir agir complexe prenant appui sur la mobilisation et la combinaison efficaces dâune variĂ©tĂ© de ressources internes et externes Ă lâintĂ©rieur dâune famille de situations » [6]. Les compĂ©tences sont psychosociales lorsquâelles font appel aux ressources cognitives, Ă©motionnelles et sociales. Câest en mobilisant ces ressources de façon combinĂ©e et appropriĂ©e, que lâon exerce une compĂ©tence psychosociale face aux alĂ©as de la vie [7].
Des compĂ©tences reprĂ©sentent donc des habilitĂ©s, des aptitudes⊠les CPS peuvent donc sâapprendre, se cultiver, ĂȘtre modifiĂ©es, renforcĂ©es. Elles se dĂ©veloppent notamment grĂące aux interactions familiales et sociales tout au long de la vie. La mobilisation des ressources qui composent les CPS est influencĂ©e et dĂ©terminĂ©e par trois Ă©lĂ©ments : la situation (ou contexte), lâĂ©tat Ă©motionnel et physique de la personne, les expĂ©riences personnelles passĂ©es. [8]
On comprendra que les CPS se vivent dans lâaction : câest face Ă une situation que lâon exerce une compĂ©tence psychosociale. Par exemple, une personne fait face Ă une situation stressante, câest dans ce contexte quâelle fera appel Ă ses ressources sociales, Ă©motionnelles et/ou cognitives pour les mobiliser et agir face Ă cette situation.
Les CPS comme facteurs de protection
La santĂ© mentale ne se rĂ©sume pas Ă une absence de troubles psychologiques. Elle inclut des aspects liĂ©s au bien-ĂȘtre, la joie de vivre, lâoptimisme, la confiance en soi, la capacitĂ© relationnelle et la rĂ©gulation Ă©motionnelle. Il ne sâagit pas dâun Ă©tat figĂ© mais dâune recherche constante dâĂ©quilibre entre contraintes et ressources. [9]
Comme la santĂ© globale, la santĂ© mentale dĂ©pend dâune multitude de facteurs qui interagissent entre eux. Certains y sont favorables (les facteurs de protection) et dâautres le sont moins (les facteurs de risques). Ces facteurs qui comprennent non seulement les caractĂ©ristiques individuelles dâune personne mais Ă©galement le contexte socio-Ă©conomique dans lequel elle vit, son environnement ou encore la sociĂ©tĂ© dans laquelle elle est intĂ©grĂ©e. Ces dĂ©terminants sâinfluencent mutuellement et câest de leur combinaison que rĂ©sulte lâĂ©tat de santĂ© mentale dâune personne. A titre dâexemple, lâisolement social, la pauvretĂ©, le chĂŽmage ou lâĂ©chec scolaire influent nĂ©gativement sur la santĂ© mentale ; Ă lâinverse le soutien social, de bonnes relations familiales, la sĂ©curitĂ© Ă©conomique ou la rĂ©ussite professionnelle reprĂ©sentent des facteurs protecteurs.
Soutenir le dĂ©veloppement des CPS, câest augmenter les ressources des individus pour quâils puissent agir favorablement sur leur santĂ© dans leurs choix de vie. En effet, des CPS peu dĂ©veloppĂ©es peuvent ĂȘtre Ă la source de divers comportements dĂ©favorables Ă la santĂ© : ĂȘtre incapable de gĂ©rer un Ă©chec, subir un alĂ©a de la vie, des Ă©motions, un stress, avoir des difficultĂ©s Ă faire des choixâŠ
Mais câest aussi agir sur les contextes de vie pour que les personnes soient placĂ©es dans des conditions favorables Ă lâexercice de lâune ou lâautre CPS.
Si par exemple, des jeunes ont la capacitĂ© dâexprimer une opinion ou des propositions mais que le cadre scolaire ou familial ne laisse pas la place Ă lâavis des jeunes ou nâen tient pas compte, ce contexte nâest alors pas cohĂ©rent et ne soutient pas lâexercice de CPS dans une approche dâempowerment. Il nâoccasionnera alors que des frustrations chez les jeunes. A contrario, un cadre favorable leur permettra de dĂ©velopper voire de renforcer leurs compĂ©tences psychosociales.
Renforcer les CPS câest donc contribuer Ă amĂ©liorer des facteurs de protection, câest en cela que lâapproche constitue un levier en promotion de la santĂ©. Les CPS sont aujourdâhui reconnues comme un dĂ©terminant majeur de la santĂ© et du bien-ĂȘtre. Elles se situent Ă la jonction entre le champ de la promotion de la santĂ© et celui de la prĂ©vention de problĂšmes de santĂ© physique et de santĂ© mentale. [10]
Les bĂ©nĂ©fices de l’approche
Il est Ă noter que les CPS sont considĂ©rĂ©es comme des « compĂ©tences transversales, gĂ©nĂ©riques et interdisciplinaires, se caractĂ©risant par un haut niveau de transfĂ©rabilitĂ©, et une mobilisation Ă large spectre transcendant les milieux, disciplines et secteurs dâintervention« . [11]
Plusieurs programmes de dĂ©veloppement des CPS existent, certains optent pour une approche thĂ©matique (autour dâun problĂšme de santĂ© comme le tabagisme), dâautres optent pour une approche plus globale de dĂ©veloppement positif : donner des ressources et promouvoir la santĂ© et le bien-ĂȘtre. Les donnĂ©es de recherche ont mis en Ă©vidence les bĂ©nĂ©fices du renforcement des CPS : il favorise lâadaptation sociale et la rĂ©ussite Ă©ducative, il contribue Ă prĂ©venir la consommation de substances psychoactives, les problĂšmes de santĂ© mentale ainsi que les comportements violents et les comportements sexuels Ă risque. [12]
En milieu scolaire, les recherches ont identifiĂ© les bĂ©nĂ©fices des interventions portant sur le renforcement des CPS : une amĂ©lioration significative de lâestime de soi, des relations positives avec les pairs et les enseignants, de leurs rĂ©sultats scolaires, et une rĂ©duction des symptĂŽmes de stress, dâanxiĂ©tĂ© et de dĂ©pression, ainsi quâune diminution des violences et du harcĂšlement en contexte scolaire.
Les CPS dĂ©veloppĂ©es amĂ©liorent donc le bien-ĂȘtre psychologique, la qualitĂ© relationnelle, les comportements favorables Ă la santĂ©, lâempowerment [13], la capacitĂ© de rĂ©silience [14], ainsi que la santĂ© globale.
Pour que des bĂ©nĂ©fices soient observĂ©s, des critĂšres dâefficacitĂ© ont Ă©tĂ© mis en Ă©vidence et Ă©laborĂ©s grĂące Ă lâĂ©valuation de programmes CPS. Le dĂ©veloppement des CPS nâest pas une recette miracle mais reste un dĂ©terminant majeur de la santĂ© globale. Il est cependant important de tenir compte de certains critĂšres dâefficacitĂ© afin de pouvoir favoriser lâĂ©mergence des bĂ©nĂ©fices des actions et projets. Ainsi plusieurs facteurs clĂ©s ou critĂšres dâefficacitĂ© ont Ă©tĂ© mis en en Ă©vidence grĂące Ă lâĂ©tude et lâĂ©valuation de programmes CPS (disponibles au niveau international). [15]
Renforcer les CPS, oui mais comment?
Les parents sont bien entendu en premiĂšre ligne lorsque lâon parle du renforcement des CPS des enfants et des jeunes. Mais les professionnels de lâĂ©ducation sont Ă©galement des acteurs incontournables. Câest dans leurs diffĂ©rents milieux de vie que les enfants et les jeunes se dĂ©veloppent et Ă©voluent en relation avec les autres.
Le renforcement des CPS passe par trois axes principaux : lâexpĂ©rimentation et la gĂ©nĂ©ralisation des expĂ©riences, la posture des intervenants Ă©ducatifs et la mise en place dâenvironnements favorables.
Les professionnels et bĂ©nĂ©voles travaillant avec les enfants et les jeunes peuvent contribuer au renforcement des CPS de leurs publics grĂące Ă lâanimation dâateliers collectifs expĂ©rientiels. Ces ateliers, mis en place de maniĂšre rĂ©guliĂšre, sont structurĂ©s selon une trame prĂ©cise qui permet le dĂ©veloppement des CPS.
La pĂ©dagogie expĂ©rientielle et participative est essentielle et permet aux enfants et aux jeunes dâexpĂ©rimenter des situations, de se questionner, et de rĂ©flĂ©chir au transfert des CPS dans la vie de tous les jours. La partie rĂ©flexive est essentielle.
De plus, par sa maniĂšre dâinteragir avec lâenfant ou le jeune, lâintervenant va contribuer au dĂ©veloppement des CPS du jeune mais Ă©galement de ses propres CPS. Cela passe donc par une posture professionnelle soutenant le dĂ©veloppement des CPS.
Enfin, lâaction sur les contextes favorables Ă lâexercice des CPS concerne notamment la crĂ©ation dâun cadre bienveillant et sĂ©curisant nĂ©cessaire pour la participation aux ateliers mais aussi en intĂ©grant cette approche Ă toutes les pratiques plus informelles comme lâaccueil, les moments « hors activitĂ© ».
Pour en savoir plus
La MC, en collaboration avec Ocarina et Cultures&Santé, organise en 2023 des journées de sensibilisation à destination des intervenants éducatifs dans plusieurs régions (les lieux seront précisés ultérieurement)
Ces journĂ©es seront lâoccasion de dĂ©couvrir lâapproche des CPS en promotion de la santĂ© et de lâexpĂ©rimenter via des ateliers.
Cela se passera :
- Le 28/03 (Namur)
- Le 4/04 Â (Nivelles)
- Le 27/04Â (Verviers)
- Le 23 mai (Charleroi)
- Le 17/10 (Mouscron)
- Le 14/11 (Bastogne)
- Le 21/11 (LiĂšge)
- Le 28/11 ou 05/12Â (Bruxelles) (date Ă confirmer)
Plus d’info: www.mc.be/competences-psychosociales
Quelques points d’attention
On pourrait penser que cette approche met lâaccent sur la responsabilitĂ© individuelle et mettrait dans lâombre les autres facteurs qui influencent la santĂ© comme les facteurs environnementaux et contextuels. Or « la promotion de la santĂ© sâappuie sur de nombreux champs de recherche (sociologie, psychologie, gĂ©ographieâŠ) qui apprĂ©hendent lâindividu et la sociĂ©tĂ© diffĂ©remment : au niveau des CPS, cela se traduit par la prise en compte de facteurs sociaux qui relativisent la responsabilitĂ© de lâindividu. » [16]
Le renforcement des compĂ©tences psychosociales, comme toute action de promotion de la santĂ©, tente dâagir simultanĂ©ment sur plusieurs dĂ©terminants de la santĂ© : lâaction sur lâenvironnement de vie a donc toute sa place.
Si par exemple, une action autour des CPS ne tient pas compte des conditions de vie du public, celle-ci peut contribuer à accentuer les inégalités sociales de santé.
Il est Ă noter aussi quâune rĂ©flexion Ă©thique est nĂ©cessaire auprĂšs des intervenants qui par leurs actions contribuent au renforcement des CPS : se focaliser sur certaines compĂ©tences au dĂ©triment dâautres (par exemple les compĂ©tences cognitives plutĂŽt que les compĂ©tences sociales) mĂšnerait Ă stigmatiser les personnes qui ne rĂ©pondraient pas Ă ces exigences.
De mĂȘme, rĂ©flĂ©chir et questionner sa posture professionnelle pour quâelle soit en phase avec lâapproche des CPS est essentiel mais peut ĂȘtre perçu comme inconfortable.
Conclusion
Lâapproche des CPS a toute sa place dans les actions de prĂ©vention et de promotion de la santĂ©, encore plus dans nos contextes de crise oĂč chaque personne doit faire appel Ă ses ressources cognitives, Ă©motionnelles et sociales pour exercer des compĂ©tences dans des contextes pas toujours favorables.
Soutenir le renforcement des CPS auprĂšs des enfants et des jeunes câest investir pour leur bien-ĂȘtre, câest les aider Ă dĂ©velopper des facteurs de protection pour leur santĂ© mentale. Les intervenants Ă©ducatifs ont un rĂŽle clĂ© Ă jouer par leur posture professionnelle et les actions quâils peuvent mettre en place pour permettre Ă leurs publics de dĂ©velopper et expĂ©rimenter leurs CPS.
[1] World Health Organization, Life skills education in schools, Geneva, WHO, 1997
[2] En France, une stratĂ©gie de dĂ©veloppement des compĂ©tences psychosociales (CPS) interministĂ©rielle, est dĂ©clinĂ©e sur 15 ans (2022-2037). Elle prĂ©sente des objectifs ambitieux pour quâau moins 30 % des jeunes de 13 Ă 18 ans de la « gĂ©nĂ©ration 2037 » bĂ©nĂ©ficient dâinterventions pluriannuelles sur les CPS et que cela soit renforcĂ© Ă©galement auprĂšs des parents et des adultes en premiĂšre ligne avec les jeunes (enseignants, Ă©ducateurs, professionnels de secteur social, de lâinsertion etc.).
[5] ibid.
[8] Cultures&Santé, Focus santé n°4, p.7.
[9] Promotion de la santĂ© mentale GenĂšve, Minds, La santĂ© mentale ce nâest pas que dans la tĂȘte
[10] LAMBOY B., GUILLEMONT J., « Développer les compétences psychosociales des enfants et des parents : pourquoi et comment ? », Devenir, 2014/4 (Vol. 26), p. 307-325.
[11] SantĂ© publique France, Les compĂ©tences psychosociales: un rĂ©fĂ©rentiel pour un dĂ©ploiement auprĂšs des enfants et des jeunes. SynthĂšse de l’Ă©tat des connaissances scientifiques et thĂ©oriques rĂ©alisĂ© en 2021.
[12] ibid.
[13] Lâempowerment est un processus ou une approche qui vise Ă permettre aux individus, aux communautĂ©s, aux organisations dâavoir plus de pouvoir dâaction et de dĂ©cision, plus dâinfluence sur leur environnement et leur vie. (Cultures & SantĂ©)
[14] RĂ©silience : construire aprĂšs avoir rĂ©sistĂ© Ă un traumatisme sĂ©vĂšre, une situation dĂ©stabilisante, un accident de parcours OU aptitude dâun individu Ă se construire et Ă vivre de maniĂšre satisfaisante en dĂ©pit de circonstances traumatiques (Larousse).
[15] Santé publique France, Les compétences psychosociales : état des connaissances scientifiques et théoriques, février 2022.
[16] Cultures&Santé, « Compétences psychosociales des adultes et promotion de la santé », Focus Santé n°4, 2016.
En 2023, les chantiers ne manqueront pas Ă Bruxelles et en Wallonie pour le secteur de la promotion de la santé⊠(non pas quâil en manquait !), mais les deux rĂ©gions passent un nouveau capâŻ: la mise en application de leurs plans respectifs de promotion de la santĂ©.
2 plans, 2 approches ou conceptions parfois trĂšs diffĂ©rentes⊠le prĂ©sent article vous prĂ©sente tout simplement leur contenu. Une fois passĂ©e la phase actuelle (appels Ă projets Ă Bruxelles et demandes dâagrĂ©ment en Wallonie), nous vous proposerons une carte des acteurs du secteur, ainsi que des lectures critiques et croisĂ©es. PremiĂšre Ă©tape, donc.
Certains dans le secteur de la promotion de la santĂ© jonglent avec ces notions, ces plans et leurs acronymes, sans (trop de) difficultĂ©, ayant Ă©tĂ© partie prenante ou ayant suivi leur Ă©laborationâŻ; dâautres par contre se sentent quelque peu perdus face Ă ceux-ci. Nous vous rĂ©sumons ici trĂšs briĂšvement les objectifs prioritaires que se donnent chacune des rĂ©gions pour amĂ©liorer la santĂ© et le bien-ĂȘtre de leurs citoyens au cours des prochaines annĂ©es.
Rappelons tout dâabord ce quâon entend par «âŻPlanâŻde prĂ©vention et promotion de la santĂ©âŻÂ». Dans son article «âŻTirez votre PlanâŻ! Une analyse de « Plans » pour promouvoir la santĂ© en Flandre, en France, au QuĂ©bec et en SuisseâŻÂ» (2017), SĂ©golĂšne Malengreaux propose la dĂ©finition suivanteâŻ:âŻÂ« toute production des politiques (stratĂ©gies, politiques, programmesâŠ), autant nationales que rĂ©gionales, visant Ă structurer le secteur de la santĂ© hors soins, Ă prioriser les objectifs de santĂ© Ă atteindre et Ă guider les actions des associations Ćuvrant pour amĂ©liorer la santĂ© et le bien-ĂȘtre des populations dans une vision de la santĂ© faisant Ă©cho Ă la charte dâOttawa. »
Chaque plan dresse un Ă©tat des lieux de la santĂ© de ses habitants, regroupĂ©es par thĂ©matiques de santĂ©, une vraie mine dâinformations synthĂ©tisĂ©es et vulgarisĂ©esâŻ!
En Wallonie
La Wallonie sâest dotĂ©e en 2018 dâun plan de prĂ©vention et de promotion de la santĂ©, quâon dĂ©signe communĂ©ment sous lâappellation de WAPPS. Il a pour vocation de fixer les objectifs Ă atteindre Ă lâhorizon 2030 et a Ă©tĂ© structurĂ© autour de 5 thĂ©matiques prioritaires de santĂ©, traversĂ©es par 12 stratĂ©gies porteuses en promotion de la santĂ© (alias «âŻdes objectifs transversauxâŻÂ»).
Sans rentrer dans les dĂ©tails lĂ©gislatifs et autres rebondissements qui ont retardĂ© la mise en application du Plan, prĂ©cisons quâil a fallu attendre que ce plan soit entĂ©rinĂ© par un dĂ©cret et un arrĂȘtĂ© du Gouvernement Wallon, ce qui est chose faite cinq ans plus tard, en juin 2022.
- DĂ©cret modifiant le Code wallon de l’Action sociale et de la SantĂ© en ce qui concerne la promotion de la santĂ© et la prĂ©vention (02 fĂ©vrier 2022)
- ArrĂȘtĂ© du Gouvernement wallon modifiant le Code rĂšglementaire wallon de l’action sociale et de la santĂ© en ce qui concerne la promotion de la santĂ©, en ce compris la prĂ©vention (19 juillet 2022)
Voici comment se dessine le paysage des acteurs de la prĂ©vention et de la promotion de la santĂ© (ceux qui seront agrĂ©Ă©s, et qui dĂšs lors seront subsidiĂ©s par la rĂ©gion)âŻ:
- les Centre locaux de promotion de la santé (CLPS),
- les Centres dâexpertise en promotion de la santĂ©,
- les Centres dâopĂ©rationnalisation en mĂ©decine prĂ©ventive,
- les opérateurs en promotion de la santé,
- la fédération wallonne de promotion de la santé.
Place alors aux choses concrĂštesâŻ: mettre ce plan en musique, autrement dit «âŻlâopĂ©rationnaliserâŻÂ», sur une pĂ©riode de 5 ans (de 2023 Ă 2027). Pour ce faire, la Programmation du plan reprend les 5 axes (les 5 prioritĂ©s thĂ©matiques du WAPPS), dans lesquels ont Ă©tĂ© dĂ©finis 2 Ă 4 objectifs spĂ©cifiques prioritaires.
Les 5 axes thĂ©matiques et les objectifs priorisĂ©s pour chacun dâeux
Axe 1âŻ: la promotion des modes de vie et des milieux de vie favorables Ă la santĂ©
1.1 Modes de vieâŻ: alimentation, activitĂ© physique, sĂ©dentaritĂ©
Objectifs priorisĂ©sâŻ:
- Renforcer lâaccessibilitĂ© des offres et des amĂ©nagements en matiĂšre dâalimentation, de diminution de la sĂ©dentaritĂ©, de pratiques rĂ©guliĂšres de lâactivitĂ© physique ;
- IntĂ©grer les thĂ©matiques de lâalimentation et de lâactivitĂ© physique dans le dĂ©veloppement de dynamiques communautaires et dans lâamĂ©nagement des milieux de vie collectifs ;
- DĂ©finir et dĂ©ployer des contenus et des stratĂ©gies dâinformation, de sensibilisation auprĂšs de la population, non culpabilisantes, adaptĂ©es aux conditions de vie de tous les publics ;
- DĂ©velopper des stratĂ©gies de plaidoyer auprĂšs des acteurs politiques, institutionnels, associatifs et Ă©conomiques de divers secteurs, en ce compris les acteurs de lâĂ©conomie sociale et solidaire, pour une attention plus soutenue aux enjeux de santĂ© et dâĂ©quitĂ© en santĂ©.
1.2 Modes de vie : lutte contre le tabagisme
Objectifs priorisĂ©sâŻ:
- Contribuer Ă rĂ©duire lâinitiation tabagique et la vape chez les jeunes de 11 Ă 24 ansâŻ;
- Contribuer Ă accroĂźtre la cessation tabagique chez les adultes et les jeunesâŻ;
- Contribuer Ă diminuer lâexposition Ă la fumĂ©e de tabac/vape.
Axe 2âŻ: la promotion dâune bonne santĂ© mentale et du bien-ĂȘtre global
2.1 Prévention des usages addictifs et réduction des risques
Objectifs priorisĂ©sâŻ:
- Renforcer les ressources, les connaissances et les compĂ©tences en matiĂšre de consommation de substances psychoactives et de conduites addictives (avec ou sans produit)âŻ:
- Soutenir les diffĂ©rents milieux de vie Ă mettre en place des actions de prĂ©vention et dâĂ©ducation pour la santĂ©âŻ;
- Renforcer lâaccessibilitĂ© aux services de prĂ©vention, de promotion de la santĂ© et aux structures dâaide et dâaccompagnement adaptĂ©s aux besoins dans les diffĂ©rents milieux de vieâŻ;
- Soutenir les stratégies de plaidoyer en faveur de modÚles de gestion publique adaptés à une politique intégrée et globale, en ce compris une clarification autour des produits.
2.2 Promotion dâune bonne santĂ© mentale et du bien-ĂȘtre global
Objectifs priorisĂ©sâŻ:
- DĂ©velopper des activitĂ©s communautaires visant Ă accroĂźtre les compĂ©tences utiles Ă la promotion de la santĂ© mentaleâŻ;
- DĂ©velopper des campagnes de communication et dâinformation diversifiĂ©es visant une plus grande attention aux conditions dâĂ©mergence de problĂ©matiques de santĂ© mentaleâŻ;
- AmĂ©liorer lâaccessibilitĂ© des services du secteur de la santĂ© mentale, avec une attention particuliĂšre pour les publics isolĂ©s et/ou prĂ©carisĂ©sâŻ;
- Encourager la prise en compte de la promotion de la santĂ© mentale et du bien-ĂȘtre de façon transversale dans toutes les politiques publiques, principalement dans les politiques et concertations locales.
Axe 3âŻ: prĂ©vention des maladies chroniques
Objectifs priorisĂ©sâŻ:
- AmĂ©liorer la prise en charge efficiente des maladies chroniques, plus particuliĂšrement pour les personnes vulnĂ©rablesâŻ;
- Organiser de maniĂšre efficiente et accessible des dĂ©pistages de qualitĂ©âŻ;
- IntĂ©grer la prĂ©vention des maladies chroniques de façon transversale dans toutes les politiques et Ă tous les niveaux de pouvoir, afin dâencourager les politiques, les actions et concertations locales en lien avec la prĂ©vention des maladies chroniques et la promotion de la santĂ© au sens largeâŻ;
- Mener des études sur le fardeau des maladies chroniques et leurs déterminants.
Axe 4âŻ: prĂ©vention des maladies infectieuses, y compris la politique de vaccination
Objectifs priorisĂ©sâŻ:
- Renforcer le systĂšme de surveillance des maladies infectieuses
- DĂ©velopper lâadhĂ©sion Ă la prĂ©vention combinĂ©e favorisant le respect des mesures dâhygiĂšne de base, la rĂ©duction des risques, la vaccination, le dĂ©pistage et le traitement tout au long de la vie auprĂšs des professionnels (Ă©ducatifs, sociaux et de la santĂ©) et des publics clĂ©s de maniĂšre adaptĂ©e et diversifiĂ©eâŻ;
- AmĂ©liorer la qualitĂ© de vie et Ă©liminer les discriminations par la crĂ©ation dâun environnement favorable envers les populations vulnĂ©rables.
Axe 5âŻ: prĂ©vention des traumatismes et promotion de la sĂ©curitĂ©
Objectifs priorisĂ©sâŻ:
- Augmenter la culture de la sĂ©curitĂ© et de la gestion des risques en WallonieâŻ: intĂ©grer la sĂ©curitĂ© de façon transversale dans toutes les politiques et Ă tous les niveaux de dĂ©cision, afin dâencourager les politiques, les actions et les concertations en lien avec la promotion de la sĂ©curitĂ© et la prĂ©vention des traumatismes intentionnels et non intentionnelsâŻ;
- Renforcer les capacités de la population à adopter des comportements et à aménager leur environnement pour privilégier leur sécurité.
A ces objectifs spĂ©cifiques peuvent se rattacher plusieurs objectifs opĂ©rationnels rĂ©partis parmi 6 stratĂ©gies dâactions.
Les 6 stratĂ©gies dâactionâŻ:
A. Informer, sensibiliser, développer la littératie en santé et le plaidoyer
B. Outiller les professionnels en stimulant les Ă©changes de pratiques et en formant Ă des pratiques innovantes
C. Renforcer les démarches communautaires et les approches collectives dans les milieux de vie
D. Renforcer les collaborations intersectorielles dans une optique de promotion de la santé, en vue de générer des dynamiques locales qui influencent les déterminants de la santé
E.Informer et collaborer pour renforcer lâaccessibilitĂ© des services de prĂ©vention et de promotion de la santĂ©
F. Intégrer la promotion de la santé dans le parcours de soin
A Bruxelles
Bruxelles a optĂ©, au moment de lâaccord de majoritĂ© bruxellois 2019-2024, pour un ambitieux Plan social-santĂ© intĂ©grĂ© «âŻBrussels Takes CareâŻÂ», plus connu sous le doux nom de PSSI. Ce vaste plan englobe 3 plans autrefois distinctsâŻ: le Plan SantĂ© Bruxellois, le Programme dâactions bruxellois de lutte contre la pauvretĂ© et le Plan stratĂ©gique de promotion de la santĂ© (celui qui sâachĂšve maintenant).
Dans le paysage bruxellois, on retrouve:
- le Conseil consultatif bruxellois (section promotion de la santé)
- des organismes piliersâŻ:
- un service dâaccompagnement en promotion de la santĂ©
- des services supports (méthodologiques et thématiques)
- des centres de référence en médecine préventive
- les acteurs et actrices sur le terrain (ceux qui sont désignés et subventionnés)
- les réseaux (ceux qui sont désignés et subventionnés)
Ainsi, le plan que nous allons dĂ©tailler ci-dessous «âŻopĂ©rationnaliseâŻÂ» le plan stratĂ©gique (le volet 1, dit «âŻrĂ©fĂ©rentiel communâŻÂ» Ă Bruxelles), et se nomme donc le Plan bruxellois de promotion de la santĂ© 2023.
Alors que le plan cĂŽtĂ© wallon sâorganise autour des thĂ©matiques de santĂ©, il en est tout autrement Ă Bruxelles oĂč les 5 axes dâintervention qui le dĂ©clinent correspondent aux 5 principes dâintervention de la Charte dâOttawa. Ils reprennent chacun des objectifs spĂ©cifiques, qui seront ensuite dĂ©clinĂ©s en objectifs opĂ©rationnels (soit dictĂ©s par les prioritĂ©s politiques ou correspondant Ă de nouvelles thĂ©matiques, soit coconstruits avec les acteurs qui vont porter les projets).
Axe 1âŻ: promouvoir la santĂ© et les stratĂ©gies de promotion de la santĂ© dans toutes les politiques
Les objectifs spĂ©cifiquesâŻ:
- Assurer la cohĂ©rence et lâarticulation des politiques de santĂ© et de promotion de la santĂ© aux diffĂ©rents niveaux de compĂ©tences politiques (fĂ©dĂ©rales, rĂ©gionales, communautaires, communales)âŻ;
- Soutenir lâintĂ©gration systĂ©matique des dimensions de santĂ© et de lutte contre les inĂ©galitĂ©s sociales dans le contenu des politique publiquesâŻ;
- Renforcer et soutenir la participation des citoyens et citoyennes dans lâĂ©laboration des politiques publiquesâŻ;
- Assurer la prĂ©sence des acteurs et actrices de promotion de la santĂ© dans la premiĂšre ligne dâaide et de soin et dans les territoires (quartier, groupement de quartiers, commune, bassin, rĂ©gion)âŻ;
- Participer Ă lâamĂ©lioration des programmes de mĂ©decine prĂ©ventive de maniĂšre Ă soutenir les populations dans une dynamique de dĂ©pistage des cancers et de la tuberculose, et de vaccination qui sâinscrivent dans des stratĂ©gies de promotion de la santĂ© notamment en accompagnant les services de premiĂšre ligneâŻ;
- Soutenir et élargir le processus de Stratégies concertées en promotion de la santé par rapport à la Covid 19 et aux situations de crises afin de favoriser la cohérence des actions menées en Région bruxelloise et de faire le lien entre le terrain et la décision politique.
Axe 2âŻ: renforcer la participation des publics et lâaction communautaire en santĂ©
Les objectifs spĂ©cifiquesâŻ:
- Contribuer au dĂ©veloppement de dĂ©marches communautaires en santĂ©, en particulier dans des quartiers abritant des publics vulnĂ©rablesâŻ;
- Organiser la reprĂ©sentation du secteur de la promotion de la santĂ© au niveau des quartiers, des communes et CPAS, des bassins dâaide et de soin, dans un espace de concertation afin de soutenir les stratĂ©gies de promotion de la santĂ© et lâaction communautaire, notamment au travers des contrats locaux social santĂ©âŻ;
- Soutenir la formation et lâaccompagnement mĂ©thodologique des acteurs souhaitant mettre en Ćuvre des dĂ©marches communautaires en santĂ© par rapport Ă lâimplication des citoyens et citoyennes dans lâĂ©tablissement et la mise en Ćuvre de politique de santĂ© publique et dans la conception dâoutils pĂ©dagogiques, de rĂ©flexion critique et de mobilisation, dâinformation et de communication via des mĂ©thodologies participativesâŻ;
- Assurer la participation des publics Ă lâĂ©laboration et Ă lâadaptation des programmes de prĂ©vention des maladies transmissibles et des maladies chroniques en ce compris les stratĂ©gies de mĂ©decine prĂ©ventiveâŻ;
- Plaidoyer pour le développement des actions et projets inscrits dans les démarches communautaires.
Axe 3âŻ: promouvoir et soutenir des actions visant des environnements et des milieux de vie favorables Ă la santĂ©
Les objectifs spĂ©cifiquesâŻ:
- Favoriser et soutenir des actions de promotion de la santĂ© visant un environnement favorable Ă la santĂ© (bruit, espaces verts, pollution de lâair, perturbateurs endocriniens, etc.)âŻ;
- Favoriser et soutenir des projets de promotion de la santĂ© contribuant Ă lâamĂ©lioration des logements afin de les rendre favorables Ă la santĂ© (insalubritĂ©, prĂ©vention des chutes, etc.)âŻ;
- Favoriser et soutenir des actions de promotion de la santĂ© Ă destination des jeunes dans leurs milieux de vie avec une attention particuliĂšre aux plus vulnĂ©rables (EX ; NEETâs)âŻ;
- Favoriser et soutenir des actions de promotion de la santĂ© en ce compris les dĂ©marches communautaires en santĂ© visant les personnes ĂągĂ©es ou les personnes en situation de handicap dans leurs milieux de vieâŻ;
- Soutenir les actions de promotion de la santĂ© dans les milieux carcĂ©raux et lors la sortie des dĂ©tenu.es en sâappuyant sur les besoins tels quâidentifiĂ©s par les deux publics cibles : les professionnels et professionnelles en contact avec les dĂ©tenus et dĂ©tenues et ex-dĂ©tenus et ex-dĂ©tenues et les dĂ©tenus et dĂ©tenues eux-mĂȘmesâŻ;
- Soutenir des actions de promotion de la santĂ© dans les lieux de travail, en ce compris la sensibilisation aux questions liĂ©es Ă la lutte contre le harcĂšlement et les violences psychologiques et sexuelles sur le lieu de travailâŻ;
- Inscrire les dĂ©marches dâoutreach et la communication de proximitĂ© dans les pratiques de promotion de la santĂ© existantes.
Axe 4âŻ: promouvoir et favoriser des aptitudes favorables Ă la santĂ©
Les objectifs spĂ©cifiquesâŻ:
- Favoriser lâaccessibilitĂ© Ă une alimentation durable et de qualitĂ© pour la population gĂ©nĂ©rale et pour des publics vulnĂ©rables, en ce compris les personnes en situation de handicap et les malades chroniquesâŻ;
- Promouvoir lâactivitĂ© physique et prĂ©venir la sĂ©dentaritĂ© auprĂšs des adultes et auprĂšs des jeunes dans des approches de promotion de la santĂ©âŻ;
- PrĂ©venir les usages de drogues, lĂ©gales et illĂ©gales, et les conduites addictives et favoriser la RDR auprĂšs des jeunes et auprĂšs des adultesâŻ;
- Promouvoir la santĂ© sexuelleâŻ;
- PrĂ©venir la stigmatisation des personnes LGBTQIA+ et celle des personnes vivant avec le VIHâŻ;
- Participer Ă lâorganisation de la prĂ©vention des maladies transmissibles au travers dâactions, de mĂ©decine prĂ©ventive et de programmes de vaccinationâŻ;
- Promouvoir la santĂ© mentaleâŻ;
- Soutenir des actions de promotion de la santĂ© Ă lâintention des personnes ayant vĂ©cu lâexil, avec ou sans titre de sĂ©jour en rĂšgle, et des personnes sans domicile fixeâŻ;
- Participer Ă lâorganisation et soutenir la sensibilisation au dĂ©pistage des maladies chroniques et des cancers au travers dâactions et de dispositifs qui visent lâinformation et la sensibilisation du grand public et de publics spĂ©cifiques et qui assurent une attention particuliĂšre aux inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ© dans des approches nourries par la promotion de la santĂ©âŻ;
- Soutenir des actions visant à réduire la fracture numérique.
Axe 5âŻ: rĂ©orienter les services
Les objectifs spĂ©cifiquesâŻ:
- ImplĂ©menter lâexpertise des actrices et acteurs de promotion de la santĂ©, notamment en matiĂšre de dĂ©marche intersectorielle, au cĆur des territoires et dans le dĂ©ploiement et le renforcement de lâarticulation des actions quâils et elles mĂšnent avec dâautres champs dâintervention de proximitĂ© Ă travers les contrat locaux social santĂ© : contrats de quartiers durables, maisons mĂ©dicales, initiatives de dĂ©veloppement local intĂ©grĂ©, agents de prĂ©vention communaux, associations de dĂ©marches communautaires en santĂ©…âŻ;
- Diversifier et Ă©largir lâoffre de formation continue, dâĂ©changes de pratiques et de soutien mĂ©thodologique afin de renforcer les compĂ©tences en matiĂšre de stratĂ©gie de promotion de la santĂ© (action communautaire et participation, communication, littĂ©ratie en santĂ©, approche par milieux de vie, collaboration interdisciplinaire, rĂ©flexivitĂ©…) Ă destination de professionnels et professionnelles de la santĂ©, du social et de lâĂ©ducationâŻ;
- Elargir la diffusion dâoutils et de mĂ©thodes pouvant favoriser la participation citoyenne en santĂ© dans les quartiers et en particulier au sein des contrats locaux social santĂ© (CLSS)âŻ;
- En partenariat avec les acteurs et les actrices concernĂ©.e.s, amĂ©liorer les connaissances de la population en gĂ©nĂ©ral et des publics vulnĂ©rables en particulier par rapport aux structures dâaide et de soins.
- Participer Ă lâorganisation de la concertation entre les centres de rĂ©fĂ©rences en mĂ©decine prĂ©ventive, les services dâaccompagnement et de support et les acteurs et actrices du social santĂ© concernĂ©s afin dâamĂ©liorer lâinformation et la sensibilisation aux dĂ©pistages, Ă lâaccompagnement et le cas Ă©chĂ©ant Ă la vaccination.
- Renforcer les capacitĂ©s, valoriser les compĂ©tences, soutenir la collaboration des structures de premiĂšre et de deuxiĂšme ligne, pour que celles-ci soient immĂ©diatement mobilisables et opĂ©rationnelles en termes dâappui et de ressources en promotion de la santĂ© en situation de crise (formation Ă lâutilisation du numĂ©rique, aide Ă la production de support dâinformation fiable, diffusion dâoutils pĂ©dagogiques adaptĂ©s, ateliers dâĂ©changes de pratiques, etc.).
- Renforcer la collaboration entre les acteurs et actrices de support et dâaccompagnement socio-sanitaires (par exemple ceux identifiĂ©s dans le PSSI comme le SMES, Brusano, âŠ) et les services supports de promotion de la santĂ© pour favoriser la qualitĂ© et lâĂ©valuation des actions.
- Mettre en place un groupe dâexperts et expertes interdisciplinaires, choisis sur base de leurs compĂ©tences et leur indĂ©pendance Ă lâĂ©gard des mesures. Chaque discipline serait reprĂ©sentĂ©e de maniĂšre Ă©quivalente en ce compris le secteur de la promotion de la santĂ© afin de limiter les mesures susceptibles dâaugmenter les inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ©.
Au moment de rĂ©diger ces lignes, les acteurs en promotion de la santĂ© souhaitant sâinscrire dans ces plans wallon et bruxellois ont remis leurs demandes dâagrĂ©ment (Wallonie) et/ou ont rĂ©pondu aux appels Ă projet (Bruxelles), suivant leurs lieux dâactivitĂ©s. Education SantĂ© ne manquera pas de vous informer sur les rĂŽles et missions de ceux qui seront repris dans la liste des opĂ©rateurs subventionnĂ©s, afin que vous puissiez avoir un aperçu du paysage du secteur de la promotion de la santĂ© dans chacune des deux rĂ©gions. Bien entendu, ce paysage reste non exhaustif, il ne reprend pas les acteurs-relais engagĂ©s en promotion de la santĂ© mais non subventionnĂ©s par les rĂ©gionsâŻ; et il va de soi quâil faut avant tout inclure les usagers et citoyensâŻ! La suite au prochain Ă©pisode.
Pour BruxellesâŻ: https://www.brusselstakescare.be/
Pour la WallonieâŻ: https://www.aviq.be/fr/sensibilisation-et-promotion/promotion-de-la-sante
Les fĂ©dĂ©rations de promotion de la santĂ© vous informent aussiâŻ:
FBPSantĂ©âŻ: https://www.fbpsante.brussels/
FWPSantĂ©âŻ: https://www.fwpsante.be/