Janvier 2013 Par Christian DE BOCK Stratégies

D’après des communiqués de la Plate-forme prévention sida et de la Ministre fédérale de la Santé

Les données récentes

En 2011, 1177 infections par le VIH ont été diagnostiquées en Belgique, soit plus de trois par jour, ce qui maintient le nombre de nouvelles contaminations par an à un niveau élevé (1). Par ailleurs, on a relevé en 2011 1,8 diagnostic positif d’infection par le VIH sur 1000 tests, contre 1 sur 1000 en 1996. Le nombre croissant de nouveaux cas de séropositivité diagnostiqués n’est donc pas dû à une augmentation des tests. On constate depuis 2002 une nette augmentation de la proportion d’homo/bisexuels masculins contaminés par le VIH et diagnostiqués. Elle est de 46,6% en 2011 contre 23,6% en 2002, ce qui ne correspond pas du tout à la taille de ce groupe de population par rapport à l’ensemble de la population de la Belgique.
Avec 49,5%, la contamination par rapports hétérosexuels reste toutefois en première position et s’observe en priorité chez les migrants en provenance d’Afrique subsaharienne.

Même si l’infection à VIH, en Belgique, concerne surtout les homo/bisexuels belges et les personnes d’origine étrangère, il n’en est pas moins vrai que le VIH est présent dans l’ensemble des groupes de la population. C’est encore plus le cas si on regarde les autres infections sexuellement transmissibles.

Concernant le ratio hommes/femmes, les deux tiers des nouvelles personnes infectées en 2011 sont des hommes, une proportion qui est à nouveau en augmentation.

Concernant l’âge, les 25-34 ans sont les plus touchés et cela se confirme et se renforce d’année en année (40 nouveaux cas en 1999 dans ce groupe contre 160 en 2011) mais tous les groupes d’âge sont touchés, y compris les jeunes qui débutent leur vie sexuelle: 40 nouveaux cas ont été diagnostiqués en 2011 chez les 15-24 ans.
Le nombre élevé de diagnostics d’IST (infections sexuellement transmissibles) se maintient également. Des chiffres qui confirment le relâchement des comportements de prévention observé ces dernières années.

Dépistage

Lorsqu’il y a eu comportement à risque, il est indispensable de réaliser rapidement un test de dépistage. Car on peut être contaminé par le VIH ou par une IST sans présenter de symptômes… et donc contaminer ses partenaires. La précocité du diagnostic permet, en cas de contamination avérée, une prise en charge médicale plus rapide et une modification du comportement sexuel.

Réduire le dépistage tardif doit être une priorité. Avec 42% en moyenne, le pourcentage de diagnostics tardifs est en régression ces dernières années. C’est particulièrement marquant au sein du groupe homo/bisexuel (33% de dépistages tardifs). Une évolution favorable, certes, mais non suffisante: un tiers de ces patients est encore diagnostiqué tardivement, cela reste trop important.

Quels enseignements Laurette Onkelinx tire-t-elle de ces chiffres ?

Pour la Ministre fédérale de la Santé, les chiffres 2011 confirment la nécessité de doter la Belgique d’un Plan sida (voir ci-dessous l’article de Vladimir Martens), qui permette à l’ensemble des acteurs d’unir leurs forces autour d’une stratégie efficace.

Ce Plan devra être transversal et impliquer d’autres ministres. Un Plan sida qui ne parlerait pas d’éducation, d’égalité des chances, d’intégration sociale, de lutte contre les discriminations, etc. n’aurait aucun sens.
La Ministre insiste une nouvelle fois pour faire tomber les tabous et regarder la réalité en face. Les populations les plus touchées sont les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH en abrégé) et les migrants. Pour Laurette Onkelinx, il ne s’agit pas de stigmatiser mais d’avoir une action efficace. «Le crime, ici en l’occurrence, serait de préférer le politiquement correct. Le crime serait de s’inquiéter de la popularité de ces mots pendant que certaines populations continuent à être exposées à un risque pour leur santé. Le crime serait de ne pas se battre pour que chacun puisse avoir une sexualité sans risque.»

La Ministre de la Santé souhaite mieux comprendre l’épidémie. Si l’on veut avoir une politique efficace auprès des groupes plus exposés au VIH, il faut mieux comprendre ces groupes. «On ne peut pas résumer la population des HSH à ce qu’on a coutume d’appeler la communauté gay. La population des HSH est bien plus complexe que cela. Il faut donc être nuancé et se doter des outils pour comprendre ce concept d’HSH. La Belgique manque d’études à ce sujet. Il convient d’y remédier». La Ministre demande entre autres aux groupes de travail chargés de l’élaboration du Plan de plancher sur ce point fondamental.

Les autres priorités de Laurette Onkelinx

En matière de dépistage

Il faut faire tomber les barrières au dépistage pour que le diagnostic soit plus précoce. Il en va de la santé des patients et de la santé publique en général. Ces barrières sont par exemple la vulnérabilité sociale, l’anticipation de la stigmatisation, mais aussi d’ordre culturel, linguistique, etc.

Il faut réduire les opportunités manquées de dépistage : «Il faudra accroître la vigilance des professionnels de santé, en les sensibilisant davantage, non seulement sur le VIH mais aussi sur toutes les autres maladies sexuellement transmissibles.»

Il faut enfin recourir davantage aux tests de dépistage rapides et décentralisés.

En matière de prise en charge

Dès le diagnostic, il faut garantir une prise en charge optimale, globale, un accès aux soins. Cette prise en charge doit impliquer les acteurs médicaux et les acteurs associatifs, dans le cadre de véritables partenariats, sans relation de subordination! Car pour Laurette Onkelinx «traiter le VIH, ce n’est pas uniquement traiter un système immunitaire malade. On traite, avant tout, une personne. Et la réponse doit donc être globale.» Dans ce réseau, les personnes séropositives elles-mêmes doivent être impliquées, et pas uniquement en leur qualité de patient, mais en tant que personne capable d’assumer un rôle clé dans cette mission.

Un Registre du VIH en 2013

En juin 2013, la Belgique disposera de son Plan sida (voir l’article de Vladimir Martens ci-dessous). Pour Laurette Onkelinx, Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, il était indispensable que dans cette perspective, les membres de la Conférence interministérielle santé puissent disposer au plus vite d’outils et d’indicateurs qui permettront de calibrer au mieux les politiques et de les évaluer rigoureusement.
La Ministre a donc décidé d’octroyer un budget de 300.000 euros à l’Institut scientifique de santé publique (ISP) pour la création d’un Registre du VIH.

L’ensemble des données que ce Registre devra collecter seront déterminées dans les prochaines semaines, en collaboration avec tous les acteurs. La Ministre associera également les médecins généralistes, dont le rôle est essentiel dans la collecte des données. Le Registre VIH reprendrait notamment des informations sur les éléments suivants: le mode de contamination, si le dépistage a été tardif ou pas, le temps entre le diagnostic et le début du traitement, l’évolution de la charge virale des patients et les mesures prises afin d’éviter la contamination d’autres personnes, la qualité de vie des patients porteurs du virus, si des patients ont interrompu leur traitement et les raisons pour lesquelles ils l’ont interrompu, etc.

Un protocole précis de recueil des données sera ensuite établi, en collaboration avec les centres de référence sida. Il sera soumis à la Commission de protection de la vie privée.

La Ministre demandera également à l’ISP que les données du Registre soient complétées au moyen d’études ponctuelles que l’Institut devra mener en collaboration avec les acteurs de terrain pour améliorer encore l’efficacité des mesures mises en œuvre.

Vécu des séropositifs

À l’occasion du 1er décembre, les résultats d’une enquête sur les conditions de vie des personnes vivant avec le VIH en Belgique francophone ont été présentés. Objectif: disposer d’informations permettant d’améliorer les stratégies de lutte contre le sida et les discriminations.

Ce travail a été réalisé à l’initiative du GRECOS, Groupe de Réflexion et de Communication sur la Séropositivité. Il s’agit de la première enquête sur les conditions de vie des personnes séropositives menée en Belgique francophone. Elle aborde trois grands thèmes et vise à évaluer les conditions de vie des personnes séropositives du point de vue de leur santé et de leur rapport au milieu médical, de leur vie sociale et professionnelle et de leur vie affective et sexuelle, en essayant d’identifier les éventuelles difficultés et discriminations apparaissant dans leurs parcours.

Elle est le fruit d’une collaboration entre la Plate-forme prévention sida et l’Observatoire du sida et des sexualités auxquels s’est ajouté le Centre d’études sociologiques des Facultés universitaires Saint-Louis pour le traitement quantitatif des données.

Nous ne manquerons pas d’y revenir prochainement.

(1) SASSE A., VERBRUGGE R., VAN BECKHOVEN D. (2012), Épidémiologie du sida et de l’infection VIH en Belgique. Situation au 31 décembre 2011 , Bruxelles, Institut Scientifique de Santé Publique, Section Épidémiologie.