Globalement bon, l’état de santé des Français ? À première vue beaucoup d’indicateurs sont au vert. Mais le constat qu’en dressent les pouvoirs publics met aussi en lumière une palette d’inégalités qui laissent à penser que la promotion de la santé a encore de beaux jours devant elle… Le rapport 2011 sur l’état de santé de la population en France est le cinquième du genre depuis l’adoption de la loi de santé publique française en 2004. Ainsi les pouvoirs publics nationaux apprécient-ils année après année l’atteinte des quelque 100 objectifs qu’ils se sont fixés et ont déclinés dans des plans thématiques (cancer, Alzheimer, AVC, etc.).
Comme dans les précédentes versions de cette évaluation, toutes les questions de santé y passent ou presque, abordées successivement par tranche d’âge (santé des enfants, des jeunes, des travailleurs, des plus de 65 ans), par déterminant de santé (alcool, environnement, tabac, surpoids) ou par pathologie (maladies infectieuses, chroniques).
Copieux et complet sans être indigeste, le discours se veut factuel et détaillé avec une abondance de données quantitatives et qualitatives issues des plus récents travaux scientifiques. Pour qui veut avoir une vue d’ensemble de la santé des Français ou d’une thématique particulière y afférant, ces 340 pages sont sans aucun doute utiles et éclairantes.
On ne peut pas être bon partout
Qu’y apprend-on ? Pour faire court, il y a d’abord une bonne et une mauvaise nouvelle.
La première est ainsi résumée : “Comparativement aux pays de même niveau de vie, l’état de santé en France apparaît globalement bon”. Avec une espérance de vie à la naissance proche de 85 ans pour les femmes et 78 ans pour les hommes, le pays peut s’enorgueillir de compter parmi les plus privilégiés d’Europe.
Le constat est déjà moins glorieux si l’on considère l’espérance de vie sans incapacité (EVSI), qui représente les années vécues sans limitation dans les activités usuelles : avec une EVSI de 63,5 ans pour les femmes et 61,9 ans pour les hommes, la France doit se contenter de la 10e place. Considérons maintenant la mortalité prématurée, l’une des plus élevées de l’Union européenne, et la situation française devient soudain peu enviable. Ces décès survenant avant 65 ans, principalement consécutifs à des tumeurs, des morts violentes ou des maladies de l’appareil circulatoire, représenteraient environ 20% de l’ensemble des décès et toucheraient à 70% les hommes.
Inutile de chercher le scoop dans ce rapport d’évaluation car là n’est pas son ambition. La grande majorité des faits décrits est déjà bien connue et admise, comme la forte fréquence des suicides en France, le fait que les jeunes filles privilégient la pilule comme moyen de contraception, l’importance grandissante des résistances bactériennes aux antibiotiques ou la stabilité du taux de mortalité infantile autour de 3,7 pour 1000 depuis cinq ans. Idem pour ce qui est de la prévalence de l’asthme proche de 9% chez les enfants, la progression alarmante de l’obésité chez les jeunes de 15 à 24 ans et leur insuffisante couverture vaccinale, l’importante prévalence des démences et des troubles anxieux et dépressifs pour lesquels les données épidémiologiques manquent. Sur tous ces sujets de santé publique et beaucoup d’autres, les scientifiques ont travaillé et accumulé des données, les médias les ont relayées au grand public qui les a peu ou prou digérées.
La percée des inégalités sociales de santé
Les propos les plus marquants de ce rapport évoquent des phénomènes sans doute pas moins documentés mais qui hier encore semblaient capter bien peu d’attention de la part des décideurs. Les inégalités sociales de santé par exemple. Ainsi le renoncement aux soins, dont la cause principale serait l’absence de couverture complémentaire, concernerait-il 12% des hommes et 18% des femmes en France. La santé bucco-dentaire, l’optique et les soins chez un spécialiste seraient les pans les plus délaissés pour raisons financières.
La réalité de ces inégalités d’accès aux soins, et plus largement des inégalités sociales de santé, ne fait plus aucun doute aujourd’hui en France. Inégalités entre hommes et femmes, entre catégories sociales et ce dès le plus jeune âge, entre groupes de population dont certaines cumulent les expositions aux différents facteurs de risque pour la santé… Les disparités géographiques relatives à la mortalité évitable, particulièrement marquées pour la population masculine, se lisent en un coup d’oeil sur la carte de l’Hexagone: la situation s’améliore nettement en descendant vers le sud. Le rapport n’omet pas de préciser que les facteurs en cause (conditions de vie, position sociale, niveau d’études) sont loin d’être tous élucidés. Prudents, les auteurs suggèrent que “certains dispositifs comme le dépistage organisé pourraient contribuer à la réduction des inégalités de santé” et continuent de s’exprimer au conditionnel lorsqu’ils citent les politiques sanitaires et sociales parmi les facteurs agissant sur ces inégalités…
Une fois la boîte de Pandore des inégalités sociales de santé ouverte, il faut bien trouver le moyen de la refermer. «Les actions à mener pour réduire les inégalités sociales de santé se situent (…) en grande partie dans le champ d’autres politiques publiques, et notamment des politiques fiscales et sociales, éducatives et environnementales», avancent les rapporteurs. [Une résolution adoptée par le Parlement européen, ndlr] rappelle aux États membres que «la lutte contre les inégalités de santé est une priorité à mettre en oeuvre dans les principes du “Health in all policies” (une inclusion de la santé dans toutes les politiques)».
Si cette approche globale des questions de santé est une évidence pour les artisans de la promotion de la santé, elle l’est hélas beaucoup moins pour les pouvoirs publics, en France comme ailleurs. Saluons donc l’initiative de ceux qui au détour d’un rapport d’évaluation, tentent de faire passer le message.
Référence: L’état de santé de la population en France – Suivi des objectifs annexés à la loi de santé publique – Rapport 2011, ouvrage coordonné par la Direction des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES).
Téléchargeable intégralement à l’adresse http://www.sante.gouv.fr/l-etat-de-sante-de-la-population-en-france-rapport-2011.html