Disposer d’un système de santé ouvert et efficace, d’une école de qualité, d’un réseau routier bien entretenu, d’un bon système de transports publics, de politiques sociales justes et efficaces, etc. Autant d’images dont rêvent sans doute la plupart des citoyens belges. Si les autorités développent une multitude d’instruments et de plans d’intervention pour atteindre de tels objectifs, de nombreux observateurs dénoncent un certain retard dans notre région en matière d’évaluation de l’impact de ces politiques. Pourtant les démarches d’évaluation représentent un moyen d’informer les décideurs politiques, quels qu’ils soient : l’évaluation permet aux parties prenantes, parlementaires, partenaires ou simples citoyens, de se former un jugement sur l’action d’un État dont la complexité tend à rendre la gestion publique de plus en plus opaque.
L’évaluation d’une politique publique consiste à mesurer les effets propres d’une politique pour porter un jugement sur sa valeur. Il s’agit très souvent d’une démarche partenariale entre administrations, cabinets et experts. Elle a pour ambition de contribuer à transformer les modes de fonctionnement de l’administration pour une gestion stratégique qui prenne pleinement en compte les finalités politiques, la logique d’intervention de l’État et de ses partenaires, pour poser la question de pertinence, d’économie, d’efficience et d’efficacité.
Quand une évaluation est menée de façon pluraliste, transparente et reproductible, la discussion publique de ses résultats ne peut qu’améliorer le fonctionnement de notre système démocratique et renforcer la légitimité de l’État et de ses interventions.
Une préoccupation renforcée
On observe depuis quelques années des frémissements au niveau de la gestion publique dans notre région : dans une logique de «bonne gouvernance», de nombreuses politiques s’engagent à organiser des évaluations extérieures avant de définir leur action et plusieurs instances officielles travaillent dans une telle logique. La Cour des Comptes assure un contrôle ciblé de la gestion publique, en termes de qualité et de régularité des actions menées au regard des objectifs fixés par les pouvoirs publics. Depuis peu, elle en analyse aussi l’efficacité (a-t-on atteint les objectifs assignés ?) et l’efficience (les ressources ont- elles été utilisées de façon optimale au vu des résultats atteints ?). On peut aussi citer, en matière de politiques de santé et d’assurance-maladie, les rapports du KCE (Centre fédéral d’expertise des soins de santé). Au niveau régional, l’IWEPS est chargé de missions spécifiques d’évaluation, par exemple pour une étude approfondie des réalisations et des résultats du Plan Marshall en 2009.
La dernière déclaration gouvernementale régionale de 2009 mentionne plusieurs centaines de fois le mot «évaluation» et annonce de nombreux projets d’évaluation de dispositifs d’intervention. La mise en place d’une École d’Administration publique pour les fonctionnaires de la Région et de la Fédération Wallonie-Bruxelles relève d’une même logique : renforcer au sein de l’administration une culture du «management public» par une formation continue transversale.
Un nouveau projet de formation
Depuis de nombreuses années, des spécialistes en gestion publique de toutes les universités appellent à un renforcement des capacités de l’administration et des organes politiques en matière d’évaluation. C’est à l’initiative de la Société Wallonne d’Évaluation et de Prospective (la SWEP) que quatre universités francophones ont uni leurs forces en 2010 pour lancer un projet de formation professionnelle en évaluation des politiques publiques.
Ce certificat interuniversitaire a pour ambition de répondre aux enjeux et questions spécifiques que des acteurs de terrain confrontés aux phénomènes évaluatifs rencontrent.
Il s’agit plus particulièrement de donner aux acteurs les bases nécessaires à la compréhension de ce qu’est un processus d’évaluation intégré dans une démarche d’action publique. Ce programme a pour objectif de former les participants à occuper des fonctions dans lesquelles ils seront amenés à gérer des processus de suivi-évaluation, à intervenir dans leur conception, leur mise en œuvre, à accompagner l’évaluateur et les parties prenantes dans le processus de l’évaluation de façon à en maximiser l’apport de valeur en termes de connaissances et de propositions concrètes d’amélioration des politiques publiques.
Le programme vise toute personne occupant ou se destinant à occuper des fonctions dans le cadre de la préparation, de la commande, de l’organisation, du suivi et de la réalisation d’évaluations de politiques, de projets et de programmes publics et non-marchands, quel que soit le secteur d’intervention, depuis les transports jusqu’à la coopération au développement, en passant par la santé.
Le programme s’appuie sur des méthodes pédagogiques participatives valorisant un apprentissage coopératif: des enseignements théoriques, mais aussi des apprentissages par problèmes; des débats avec des invités; des analyses de cas réels rencontrés par les participants dans leur activité professionnelle. Il insiste sur une grande interactivité entre les participants et les intervenants, c’est pourquoi le nombre de participants est strictement limité à 25. L’objectif poursuivi est de permettre aux participants de développer des évaluations en toute autonomie avec un regard critique, prospectif et inventif. En effet, en plus des 150 heures de cours, un travail personnel est demandé aux participants, sous la direction d’un responsable académique et d’un expert du secteur considéré.
Le programme a été organisé en 2011 à Louvain-la-Neuve et en 2012 à Liège. Il sera organisé à Bruxelles de janvier à décembre 2013 à raison de 2 vendredis entiers et un samedi matin par mois.
Catherine Fallon, Université de Liège, Co-directeur du Certificat interuniversitaire en évaluation des politiques publiques ( http://www.certificat-evaluation.be )