Février 2010 Par Roger LONFILS Christian DE BOCK Stratégies

Le Conseil supérieur de promotion de la santé a été renouvelé en mai 2009. Occasion pour nous de présenter le principal organe d’avis de la Communauté française en matière de santé, dont les recommandations – qui n’ont aucun caractère contraignant – sont suivies avec des fortunes diverses par les décideurs politiques. Le présent article évoquera aussi quelques enjeux actuels et futurs de ses travaux.

Missions et composition

Le Conseil supérieur de promotion de la santé a été créé par le décret du 14 juillet 1997 portant organisation de la promotion de la santé en Communauté française (1).
Dans le cadre du Programme quinquennal de promotion de la santé et du Plan communautaire opérationnel, le Conseil a trois missions:
-proposer des axes prioritaires et des stratégies en matière de promotion de la santé et de médecine préventive (envisagée dans ses aspects collectifs);
-donner avis sur les projets de Programme quinquennal et de Plan communautaire opérationnel. Cette mission est la suite logique de la précédente;
-enfin, faire rapport sur l’exécution du Programme et du Plan.
Le Conseil remet également au Gouvernement, d’initiative ou à la demande de ce dernier, des avis sur toute question relative à la promotion de la santé, y compris la médecine préventive, en veillant particulièrement à instruire les questions d’éthique.
À côté de ces missions premières, il remet aussi avis sur des dossiers concrets par l’intermédiaire de ses 3 commissions permanentes (voir plus loin).
Le Conseil est composé de membres nommés par le Gouvernement pour une période de 5 ans. Ces mandats sont renouvelables. Les qualités de ses membres visent à une certaine représentativité des acteurs concernés par la prévention (écoles de santé publique, médecine générale, provinces, promotion de la santé à l’école, usagers des services de santé, mutualités, société civile…).
La liste nominative des membres actuels du Conseil a été publiée dans le numéro 247 de juillet-août d’Éducation Santé.

Quelques chiffres du Conseil sortant

Le Conseil a tenu 54 assemblées plénières entre 2004 et 2009. Le quorum a été atteint 47 fois et le taux moyen de participation a été de près de 62%. Au cours de ces 54 assemblées, le Conseil a remis 20 avis sur des agréments, 7 avis sur des subventionnements, 26 avis à la demande du Gouvernement, et 20 avis d’initiative.
La commission Campagne radiodiffusée s’est réunie 43 fois.
La commission Programmes s’est réunie 42 fois.
La commission Épidémiologie s’est réunie 25 fois
Le Conseil a constitué cinq groupes de travail, sur les sujets suivants: bonnes pratiques en matière de dépistage (2), fondations privées et tabac, Plan national nutrition et santé, mise en forme de l’avis du Conseil sur le Programme quinquennal, partenariats public-privé.

Les commissions

Une commission est un groupe de travail à caractère permanent composé d’une partie des membres effectifs et suppléants du Conseil et éventuellement d’experts extérieurs. Elle est chargée par le Conseil d’une mission déléguée; dans les limites de ce mandat, elle émet de façon autonome des avis qu’elle ne fait pas approuver en assemblée du Conseil. Toutefois, son président et son secrétaire rendent compte régulièrement en assemblée plénière de ses activités.
Trois commissions ont été mises en place: la commission Campagnes radiodiffusées, la commission Programmes d’actions et de recherches en promotion de la santé et la commission Épidémiologie.
La commission Campagnes radiodiffusées a pour mission de remettre avis dans le cadre des demandes de diffusion gratuite de campagnes de promotion de la santé par les organismes publics et privés de radiodiffusion.
Elle examine en particulier la cohérence, la rigueur scientifique, l’éthique et l’intelligibilité des messages formulés dans les projets qui lui sont soumis.
Elle examine une seconde fois les messages approuvés par le Ministre de la Santé, en portant sa seconde analyse notamment sur la qualité de la ‘traduction’ du dossier en images et/ou en sons.
Le demandeur utilise un formulaire de demande d’espaces gratuits, conformément à l’arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 18 janvier 1995.
La commission Programmes d’action et de recherches en promotion de la santé a pour mission de remettre avis sur les demandes de financement pour des programmes d’actions et de recherche en promotion de la santé à portée communautaire, qui ont au préalable été considérées éligibles par l’Administration.
Tout programme doit être présenté suivant un canevas de rédaction légal. La Commission utilise une grille d’appréciation de la qualité des projets. Cette grille cherche à favoriser une lecture transversale du projet pour permettre un débat et une appréciation globale par la commission d’avis. Ainsi elle se fonde sur les rubriques/questions énumérées dans le canevas de rédaction en les structurant suivant cinq dimensions (pertinence, cohérence, plus-value, crédibilité, priorité). Chacune des cinq dimensions comprend un ensemble plus large de critères.
La commission Épidémiologie a pour mission de remettre avis sur les demandes de financement pour des programmes à caractère épidémiologique. Dans l’attente d’un fonctionnement effectif de cette commission, certains dossiers ont été examinés par l’assemblée du Conseil. D’autres programmes de promotion de la santé dont une des composantes relevait des recueils et traitements de données ont été analysés par la Commission Programmes.
Cette commission a rencontré depuis le début de ses travaux des difficultés quant à l’exécution de ses missions légales, notamment par manque de précision quant à la nature exacte de son mandat.

Les groupes de travail

Un groupe de travail se distingue d’une commission par le caractère temporaire de ses activités. Il est composé d’une partie des membres effectifs et suppléants du Conseil, sur une base volontaire, et éventuellement d’experts extérieurs.
Les groupes de travail sont mis en place par l’assemblée qui fixe leur mandat et la durée de leurs travaux. Ils font rapport au Conseil de l’état d’avancement de leurs travaux; et leurs conclusions sont soumises à la discussion et à l’aval du Conseil.

Les représentations

Le Conseil en tant que tel est aussi impliqué dans les travaux de plusieurs instances: Commission promotion de la santé à l’école, Commission de promotion de la santé dans la pratique du sport, Comité de pilotage du PCO cardiovasculaire, Comités de pilotage de l’Institut scientifique de santé publique.

Un investissement important dans les tâches décrétales

Le Conseil a investi un temps important dans les discussions et avis relatifs au Programme quinquennal et au Plan communautaire opérationnel, ce qui est normal puisqu’il s’agit d’une de ses missions fondamentales.
Il a aussi consacré beaucoup d’énergie à remettre ses avis sur les programmes de médecine préventive instaurés en Communauté française: dépistage du cancer du sein, dépistage des anomalies congénitales, dépistage du cancer colorectal, dépistage néonatal de la surdité.

Points d’attention

Promotion de la santé et médecine préventive

Lors de la discussion du décret de 2003 modifiant celui de 1997, le Conseil avait précisé que le champ de la promotion de la santé intégrait la médecine préventive. C’est ainsi que l’appellation «la promotion de la santé, y compris la médecine préventive…» a été choisie dans la nouvelle formulation du texte ‘fondateur’, afin de mettre en évidence la nécessité pour les programmes de médecine préventive de s’inscrire dans une approche de promotion de la santé et de développer les stratégies de celle-ci.
Le Conseil a insisté à plusieurs reprises sur « le caractère incontournable de stratégies de promotion de la santé pour que les programmes de médecine préventive aboutissent à leurs objectifs en termes de couverture et aient un impact sur la réduction des inégalités face à la santé . Ce sont les stratégies de promotion de la santé qui permettent une participation éclairée des populations à ces programmes . Les stratégies et méthodes de la promotion de la santé favorisent , auprès des populations , l’ancrage et le travail en profondeur , dans le long terme , des actions de médecine préventive en agissant sur les déterminants de la santé , sur les processus de changement individuel et collectif ».

Financement du dispositif et du secteur

Le décret du 14 juillet 1997 a mis en place un dispositif comprenant deux types de services agréés: 4 services communautaires et 10 centres locaux de promotion de la santé. Sur base du décret modificatif de juillet 2003 (3) , un centre de référence, service d’un ‘troisième type’, a été agréé. De nouvelles missions et de nouvelles priorités ont également été attribuées aux centres locaux et aux services communautaires.
Au vu des rapports de ces services, les demandes qui leur sont faites sont de plus en plus nombreuses et complexes. Les charges salariales et les coûts de fonctionnement ont augmenté; parallèlement, les financements n’ont pas bougé mis à part l’indexation (4).
Cette situation mène à un goulot d’étranglement qui risque d’aboutir à une situation de blocage du secteur. Ceci est d’autant plus évident pour les CLPS, dont les pôles de compétences se sont développés et diversifiés et dont le rôle de décentralisation devrait être renforcé afin de répondre aux besoins et aux demandes du terrain.
En outre, la priorisation vers de nouveaux programmes de médecine préventive et l’affectation de budgets significatifs vers ceux-ci mettent en péril les programmes de promotion de la santé existants. C’est d’autant plus vrai que les moyens attribués au secteur de la promotion de la santé, y compris la médecine préventive, restent dérisoires comparés à ceux affectés au secteur curatif, qui est lui du ressort du niveau fédéral. Cette situation pose à nouveau la question de la répartition des compétences entre les niveaux de pouvoir et celle du refinancement de la Communauté française.

Multiplicité des niveaux de compétences

Le secteur de la promotion de la santé, y compris la médecine préventive, est confronté à une difficulté institutionnelle qui concerne d’ailleurs l’ensemble de la santé en Belgique. La multiplicité des niveaux de décision rend plus difficile le travail des acteurs: de plus en plus souvent, des ‘plans’ apparaissent au niveau national sous l’égide du fédéral qui demande ensuite aux Communautés de les décliner localement.
Le manque de concertation et d’élaboration avec l’ensemble des acteurs et publics concernés, ainsi que l’absence de prise en compte des initiatives déjà développées par les entités fédérées posent la question de la pertinence et de la cohérence des programmes implantés au niveau local. La conséquence peut être qu’une Communauté décline l’invitation à investir dans un plan (cas du Plan national nutrition et santé, boycotté depuis le début par la Communauté flamande, alors que les Communautés française et germanophone y collaborent).
Apparaissent également des choix d’orientation différents entre ces niveaux de pouvoir. Ceci est d’autant plus marqué au niveau du secteur de la promotion de la santé qui estime essentiel de mobiliser l’ensemble des acteurs de tous les secteurs concernés: éducatif, socioculturel, environnemental et social.
Le Conseil a d’ailleurs observé au cours de son dernier mandat un élargissement des demandes hors du champ des compétences santé prises au sens strict (cela confirme le caractère transversal des compétences santé de la Communauté française).

Difficulté d’évaluer le dispositif

Un bilan du premier Programme quinquennal 1998-2003 avait été entrepris à l’initiative du précédent Conseil (1998-2004). Il avait mis en évidence, de façon modeste et parcellaire, l’impossibilité d’aboutir à une véritable évaluation du Programme, notamment à cause des ressources limitées et de l’absence d’indicateurs de suivi.
Depuis 2004, le Conseil a redit l’importance qu’il accordait à une évaluation du dispositif mis en place par le décret de 1997. Il entendait par là l’évaluation des structures agréées (CLPS, SCPS et centres de références, le Conseil lui-même et ses commissions) ainsi que l’évaluation du Programme quinquennal et du Plan communautaire opérationnel.
À différentes reprises (travaux en rapport avec le programme quinquennal, le PCO, avis relatifs aux agréments des CLPS), le Conseil a rappelé au Gouvernement l’importance de cette évaluation, sans succès. Cela va sans doute changer prochainement, car une modification récente du décret du 14 juillet 1997 prévoit ce travail, qui devrait d’ailleurs être mis en route sous l’égide du Conseil.

Multiplication des centres de référence

Le Conseil a relevé à plusieurs reprises certaines difficultés induites par la multiplication de centres de référence créés par problématique (cancer, anomalies congénitales, surdité). Cela entraîne une verticalisation de plus en plus forte du dispositif, qui constitue selon lui un frein important à une approche globale de la santé envisagée en fonction des publics et/ou des milieux.

Et demain…

Le Conseil a entamé une réflexion éthique , qui mérite incontestablement d’être approfondie. En effet, on observe de plus en plus un investissement massif du secteur privé dans la santé, qui lui permet d’y affirmer sa ‘responsabilité sociale’ comme il le fait dans le domaine du ‘marketing vert’. Cette tendance lourde ne peut être encouragée que si des balises fortes empêchent d’inévitables dérapages. Le Conseil pourrait se mobiliser sur cette passionnante question.
Il pourrait aussi avancer dans la réflexion sur la mise en place d’un système d’informations sanitaires efficace et opérationnel, que nombre d’acteurs en santé publique appellent de leurs vœux depuis des années. L’unique décision fut la mise en place au niveau de la Direction générale d’une mini-cellule d’informations socio-sanitaires.
Le Conseil a souvent déploré que l’opinion dominante a une vision étriquée et caricaturale de la promotion de la santé, qu’il s’agisse du grand public, des médias, voire même des politiques (à quelques remarquables exceptions près heureusement). Il y a là un enjeu ‘pédagogique’ essentiel sur lequel il pourrait utilement travailler dans les prochains mois…
Roger Lonfils , Directeur de la promotion de la santé au Ministère de la Communauté française, et Christian De Bock
Source: Rapport global du Conseil supérieur de promotion de la santé, mars 2004 à mars 2009. Ce document de 26 pages comprend aussi un tableau de synthèse des travaux du Conseil, la liste de tous ses avis, une synthèse des travaux des commissions Campagnes et Programmes, et la liste de toutes les réunions d’information tenues par le Conseil au cours de la période considérée. Il est téléchargeable sur le site http://www.sante.cfwb.be .

(1) Tous les textes législatifs cités sont accessibles sur le site de la Direction générale de la santé (DGS) http://www.sante.cfwb.be
(2) Éducation Santé a publié la synthèse de ce travail de longue haleine en annexe de sa livraison de mars 2009.
(3) Décret du 17 juillet 2003 modifiant le décret du 14 juillet 1997 organisant la promotion de la santé.
(4) Certains programmes dont les activités ont un caractère permanent sont encore plus mal lotis, puisqu’ils ne bénéficient même pas d’une indexation annuelle.