Février 2007 Par Martine BANTUELLE Stratégies

Le Conseil supérieur de promotion de la santé remet au Gouvernement de la Communauté française des avis destinés à l’assister dans sa politique de promotion de la santé et de médecine préventive. Il s’agit souvent de recommandations techniques, imposées par la législation, ou d’avis ponctuels sur des programmes d’action et de recherche, sur des campagnes médiatiques, des registres de pathologies, etc.
Le Conseil est aussi amené à répondre à des questions de portée plus générale, et peut aussi prendre l’initiative d’attirer l’attention de la ministre sur une question qu’il juge intéressante ou préoccupante.
L’avis reproduit ci-dessous a été donné le 15 septembre 2006 en réponse à une interrogation de Madame Catherine Fonck, Ministre de l’Enfance, de l’Aide à la Jeunesse et de la Santé. Le Conseil a souhaité lui donner une certaine publicité.
A noter: le site http://www.sante.cfwb.be contient beaucoup d’informations utiles sur le Conseil, dont quelques-uns de ses avis.

Introduction

Le Conseil a mis à l’ordre du jour d’une de ses réunions le point sur le PNNSB en invitant les représentants des cabinets communautaires concernés: outre le cabinet de la Ministre Fonck , les cabinets de la Ministre Présidente, Marie Arena , et de la Ministre du Bien-être, de la Santé publique et de la Famille de la Communauté flamande, Inge Vervotte .
La Ministre Catherine Fonck, suite à cette réunion, a fait une demande précise au Conseil. Les questions évoquées dans ce courrier sont les suivantes:
-partenariat entre privé et public;
-critères d’attribution du logo PNNSB;
-coordination entre les niveaux fédéral et communautaire;
-points à améliorer (PNNSB et/ou PPAS, soit le Plan de promotion des attitudes saines sur les plans alimentaire et physique de la Communauté française).
Le Conseil s’inquiète – vu l’émergence de plusieurs plans et des différents niveaux de pouvoirs impliqués ainsi que des enjeux propres à chacun – d’un manque de concertation entre les niveaux fédéral et communautaire; les moyens importants dont dispose le fédéral pour ce plan ne devraient pas pour autant donner à celui-ci un rôle prépondérant dans l’opérationnalisation.
La concertation est d’autant plus nécessaire que la multiplicité des plans ne doit pas être un facteur de repli mais un élément renforçant le travail sur des objectifs de santé communs.

Partenariat entre privé et public

Le Conseil a déjà émis des avis sur ce sujet, notamment celui du 22/02/2002, qui demeure d’actualité. A son estime, cette question ne doit pas rester centrée sur la question abordée ici dans le contexte du PNNSB, mais être envisagée dans l’ensemble des partenariats privé/public.
Voici néanmoins quelques considérations sur ce sujet dans le cadre spécifique du PNNSB.

Dans les organes directeur et de gestion du Plan

Il est admis que la grande distribution et le secteur agro-alimentaire sont des partenaires obligés du Plan. Les partenariats entre les pouvoirs publics, les acteurs associatifs, les écoles… et le secteur privé (commercial) sont indispensables. La question qui se pose est donc plutôt de baliser ce partenariat.
Dans l’élaboration du plan et la gestion du plan opérationnel, la présence du commercial dans les organes de direction ne semble pas souhaitable. La FEVIA (Fédération de l’Industrie Alimentaire – Federatie Voedingsindustrie) le demande avec insistance, et reviendra sûrement à la charge.
L’exigence minimale est – pour chaque membre présent dans les organes de direction, de gestion, groupes de travail, comités,… – l’identification claire et complète de ses intérêts éventuels avec le secteur commercial, de près ou de loin, comme ceci se fait dans d’autres pays (Angleterre et Canada notamment). Les enjeux doivent être nettement définis, les intérêts non déguisés de sorte que l’engagement de chacun soit clair.

Dans les interventions en rapport avec le Plan

Chacun doit s’engager sur son terrain, en fonction de son secteur d’activité, et ne pas intervenir dans des domaines qui ne le concernent pas. Le secteur commercial n’est pas le niveau éducatif. On attend de lui la mise sur le marché de produits de qualité s’inscrivant dans une alimentation équilibrée, et pas des programmes ‘éducatifs’ clés sur porte qui risquent d’introduire une confusion entre information des consommateurs et promotion des ventes.
Un engagement clair, respectueux d’une éthique de travail, semblable aux exigences formulées dans le code éthique flamand (voir encadré) est souhaité.
Toutefois, la communication est le moyen privilégié par chacun pour se faire connaître, se ‘vendre’. La communication devrait avoir comme limite d’être en relation directe avec et dans les limites de ses activités et ne pas être détournée de son objet propre.
Cette dernière remarque concerne chaque secteur représenté, y compris le secteur public. On peut regretter (et la Flandre l’a fait vigoureusement) que le fédéral ait jusqu’à présent surtout fait une communication générale en occupant le terrain dévolu plutôt aux Communautés.
On peut le regretter, mais il est toujours possible de rectifier le tir si le fédéral accepte d’associer de façon plus étroite les entités fédérées au devenir du plan et de sa communication. Cela ne peut qu’en renforcer l’impact.
La Communauté française a joué correctement le jeu en autorisant la campagne de lancement du plan dans le cadre des espaces gratuits en radio TV pour des messages de promotion santé (du 10 au 31/04/2006). Elle est en droit d’attendre la même loyauté du niveau fédéral.

Critères d’attribution du logo PNNSB

Proposition

Le Conseil insiste pour que la Communauté française soit officiellement associée au Comité ‘logo’, dans l’esprit du protocole d’accord du 13 juin 2005 (voir ci-dessous). Le Conseil souligne la nécessaire cohérence entre les logos ou label attribués dans le cadre du PNNSB et du Plan de promotion des attitudes saines sur les plans alimentaire et physique de la Communauté française.

Coordination entre les niveaux fédéral et communautaire

Depuis le début du processus d’élaboration du PNNSB, plusieurs problèmes sont régulièrement soulevés.
Représentativité des différents niveaux politiques et place dans les décisions: il est clair que les Communautés ont joué un rôle actif dans le processus d’élaboration et d’opérationnalisation du PNNSB, notamment par la participation aux groupes de travail de bon nombre d’acteurs des secteurs santé, jeunesse et petite enfance. Malheureusement, les demandes, propositions, interpellations formulées aussi bien dans les groupes de travail qu’au sein du comité directeur sont restées la plupart du temps lettre morte.
Le plan opérationnel a été élaboré, phasé et présenté au public sans réelle interaction avec les participants aux groupes de travail. Les partenariats n’ont pas été construits et négociés avec les acteurs chargés de la diffusion (exemple significatif des guides grand public) ou avec les acteurs de terrain et institutionnels indispensables pour développer les mesures du plan.
Concertation : les décisions ne sont pas prises en concertation interministérielle mais de façon unilatérale par le niveau fédéral. Il serait d’ailleurs plus exact de parler de ‘consultation’ que de ‘concertation’. Les décisions ne reflètent pas de vrai consensus. Le retrait (ou la menace de retrait si ce n’est pas encore effectif) de la Communauté flamande ne reflète pas uniquement une guéguerre communautaire politicienne mais exprime aussi la déception devant une forme de déni des compétences communautaires pourtant essentielles dans ce projet.

Propositions

Le Conseil demande que le protocole d’accord du 13 juin 2005 (MB du 23/11/2005) soit tout simplement respecté par ses signataires. Le protocole prévoit au sein du Comité d’experts directeur la présence de 2 membres proposés par la ministre de la santé de la Communauté française. Ces 2 membres devraient avoir le même poids que les autres membres du comité directeur.
Le même protocole indique dans son art. 5 que tant l’autorité fédérale que les Communautés et Régions s’engagent à travailler au plan à l’intérieur de leurs compétences. Le Conseil demande que cet engagement formel soit respecté par les signataires.

Code éthique de la promotion de la santé en Flandre

La promotion de la santé choisit soigneusement ses partenaires

Plusieurs organisations du secteur de la prévention et de la promotion de la santé en Flandre viennent de convenir d’un code éthique qui servira de fil conducteur pour leurs partenariats et recherches de fonds privés futurs. C’est une initiative du VIG, du VAD, de SENSOA, des mutualités libérales et chrétiennes, du VRGT, PASOP, Stichting tegen kanker, de la Cellule de soutien aux Logo’s, de l’UWID et de 8 Logo’s (réseaux santé locaux)
Pourquoi un code éthique?
Les organisations ci-dessus sont financées entièrement ou partiellement par les pouvoirs publics (flamands ou fédéraux) pour réaliser leur objet social, mais à côté de cela, elles accordent aussi beaucoup d’importance aux partenariats avec des organisations tierces et avec le secteur privé. Ces partenariats sont noués pour des projets spécifiques comme des campagnes d’information, mais aussi parfois de façon structurelle.
A côté des avantages évidents du développement de partenariats avec le secteur privé, le risque est toujours présent de voir ces liens nuire à la crédibilité voire à l’indépendance de ces organisations.
Avec la mise en place de ce code éthique, elles veulent poser une série de balises et accorder leurs politiques en la matière.
Entreprendre de façon responsable
Comment évaluer une matière aussi délicate? Beaucoup d’entreprises privées ont maintenant un code éthique propre, mais comment s’assurer qu’elles le mettent réellement en pratique? Le site internet, le rapport annuel, les informations données aux médias sont des sources intéressantes.
Les organisations du secteur promotion de la santé à l’origine du code éthique ont élaboré un outil qui peut aider à la prise de décision.
Par ailleurs, pour les partenariats importants, ou en cas de dossier problématique, il peut être fait appel à Ethibel (1), une organisation qui analyse le caractère socialement responsable et durable du fonctionnement des entreprises. Les banques font régulièrement appel à son expertise dans le cadre de projets de ‘placements éthiques’.

Le code relatif aux partenariats et sponsors du secteur promotion de la santé

Déclaration de principe
Etant donné notre objectif de promotion de la santé, nous travaillons de préférence avec des entreprises et des organisations qui fabriquent des produits ou développent des activités qui stimulent ou favorisent la santé et/ou qui incitent à des comportements responsables tant sur le plan individuel que collectif.
Corollairement, nous ne collaborerons pas à des initiatives liées à des produits qui nuisent à la santé ou à des activités socialement irresponsables.
Critères
-Chaque partenariat doit avoir, à côté d’un bénéfice économique ou financier éventuel, une plus-value sociale.
-Nous attendons des candidats-partenaires le sens de la responsabilité sociale: cela implique une gestion correcte sur le plan social, le respect des droits de l’homme, la prise en considération de l’impact des initiatives de l’entreprise sur l’environnement.
-Il est exigé des candidats-partenaires qu’ils confirment leur engagement à respecter la déclaration de principe. Ouverture et transparence contribuent à la crédibilité du partenariat.
-Le partenariat ne peut être utilisé que dans un but informatif, pas pour faire de la publicité.
-Les partenariats doivent garantir l’indépendance et l’intégrité de l’organisation du secteur de la promotion de la santé. Celui-ci conserve le contrôle complet de son fonctionnement.
Procédure
-Chaque organisation évalue en interne les partenariats et financements privés potentiels.
-Cette évaluation s’appuie sur le code éthique du secteur, qui est appliqué concrètement à l’organisation concernée.
-La procédure d’évaluation doit être transparente. Dans ce but, le secteur fera appel aux conseils (et éventuellement au soutien actif) d’une organisation neutre (par exemple Ethibel).
D’après un communiqué de presse du 14 mars 2005 (extrait)
(1) Voir http://www.ethibel.org/index_f.html

Le Conseil estime que ces questions devraient être abordées à la conférence interministérielle de la santé.
Dans la mesure où le PNNSB est un Plan national, il convient que toutes les entités (fédérale et fédérées) soient présentes à l’ensemble des travaux relatifs à ce Plan.

Points à améliorer (PNNSB et/ou Politique de promotion des attitudes saines sur les plans alimentaire et physique)

Outre ce qui a déjà été énoncé ci-dessus:
La gestion du programme et le secrétariat apparaissent comme le point faible de la mise en œuvre du PNNSB depuis le début. Les participants de la Communauté française aux travaux relèvent l’absence de prise en compte des avis, remarques… émis par les membres, le manque de retour vers les membres des groupes de travail, des délais dans les travaux trop restreints, le manque de concertation opérationnelle pour le lancement du plan, etc.
Est noté également le rôle prédominant des présidents des groupes et des secrétaires qui ont une autonomie trop importante sans s’en référer aux membres des groupes de travail.
De même, les participants de la Communauté française regrettent l’absence d’un organigramme clair.
La communication lors du lancement du Plan a été monopolisée par le ministre fédéral.

Propositions

Le Conseil propose:
-le renforcement de la présence institutionnelle de la Communauté française dans les instances de consultation, concertation et décision pour faire contrepoids au secteur privé, extrêmement présent dans le PNNSB;
-le renforcement du rôle du Comité d’experts directeur qui doit élaborer un organigramme de gestion du PNNSB et lister les questions et problèmes notamment en terme de solution via des réglementations (on ne peut pas s’appuyer uniquement sur le souci d’autodiscipline du secteur commercial, notamment en termes d’allégations santé);
-la mise en place d’une gestion opérationnelle clairement définie avec un secrétariat composé d’une équipe permanente performante, professionnelle et suffisamment nombreuse (c’est un élément clé du programme et cela manque jusqu’ici); des procédures de travail clairement fixées; une clarté dans les liens entre le comité directeur et l’autorité ministérielle.
-l’identification des mandats de chacune des composantes de l’organigramme en fonction de son activité propre, de ses compétences;
-que la communication serve chacun dans l’objet même de ses activités: une information commune sur l’implantation du Plan adressée à la population et aux professionnels, une information communautaire sur les outils éducatifs élaborés, une information fédérale sur les aspects réglementaires. Pour le privé commercial, une information correcte, non déguisée en publicité;
-d’établir des passerelles entre PNNSB, PCO et PPAS, de veiller à la cohérence entre ces plans en se servant du PCO et du PPAS comme outils d’opérationnalisation des objectifs du PNNSB et vice versa;
-de faire participer davantage au processus décisionnel communautaire les acteurs concernés en Communauté française, et de prévoir aussi une bonne concertation avec la Communauté flamande.
La Présidente du Conseil, Martine Bantuelle
Avis du Conseil supérieur de promotion santé du 15 septembre 2006