Après un premier livret thématique, sorti en 2015, qui portait sur les nouvelles drogues de synthèse, l’Observatoire socio-épidémiologique alcool-drogues Eurotox nous propose en propose deux autres. Ils portent tous deux sur le même sujet, et sont très largement identiques, à l’exception des résultats concrets de la récolte des données, fournis séparément pour Bruxelles et la Wallonie. L’Institut scientifique de santé publique (ISP) se charge de collecter les données pour l’ensemble du pays et de les fournir à l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT)…
L’indicateur de demande de traitement (appelé TDI pour Treatment demand indicator) lié à l’usage de drogues est l’un des cinq indicateurs épidémiologiques clés récoltés dans les pays de l’Union européenne de manière à ce que l’OEDT puisse évaluer la problématique de l’usage de drogues et des assuétudes en Europe.
Le recueil de cet indicateur a longtemps été hétérogène au niveau belge en raison de la multiplicité des outils de récolte et de la diversité des variables d’un outil à l’autre.
Depuis 2011, cette récolte a été rendue plus cohérente via une informatisation et une coordination de la récolte au niveau national, impulsée et supervisée par l’ISP. De plus, un nouveau protocole a été introduit à l’échelle de l’Union européenne et est en application au niveau belge depuis le 1er janvier 2015.
Des données à étudier avec prudence
Les livrets proposent les données suivantes: évolution de la couverture de la collecte des TDI entre 2011 et 2014, profil des patients selon le principal produit consommé, profil des patients primo-demandeurs selon le principal produit, profil des patients selon le secteur de prise en charge, profil différenciés des patients ayant eu ou non recours à l’injection (UDI) dans les 30 jours avant l’introduction de la demande de traitement.
Tableau – Profil des patients (tous produits confondus)
Bruxelles | Wallonie | |
Hommes
Femmes |
81,3%
18,7% |
79%
21% |
Age moyen | 38,9 ans | 34,7 ans |
Nationalité belge
Union européenne Hors UE |
63,3%
13% 23,7% |
87,8%
5,6% 6,6% |
Logement ‘stable’
Logement instable Institution/Prison |
57,4%
31,2% 11,4% |
76,4%
12,1% 11,5% |
Diplôme secondaire
Diplôme supérieur |
36,4%
14,2% |
49,1%
8,8% |
Statut professionnel
Emploi régulier Non-actif Chômeur |
10,4%
46,8% 14,5% |
13,9%
47,5% 20% |
Sources: Eurotox, livrets TDI 2 et 3
Il convient d’être prudent lors de l’extrapolation des résultats présenté. Premièrement, la couverture externe (nombre d’unités de traitement participant au recueil / nombre total d’unités de traitement sur le territoire) de la collecte du TDI n’est pas très élevée actuellement.
Deuxièmement, il n’est pas possible d’obtenir systématiquement des réponses pour toutes les variables investiguées, notamment en raison du caractère sensible de certaines d’entre elles, ou parce que le patient ne sait pas ou ne désire pas y répondre.
Troisièmement, la participation des patients se fait sur base volontaire:ils sont informés que ces questions leurs sont posées dans le cadre d’un monitoring épidémiologique, et ils ont le droit refuser d’y collaborer. Nous ne connaissons toutefois pas le nombre de patients qui refusent effectivement d’y participer.
Pour ces raisons, le TDI ne couvre actuellement qu’une partie des traitements effectivement dispensés en Belgique, de sorte que les données ne sont probablement pas représentatives de l’ensemble des personnes en demande de soin pour une consommation problématique d’alcool ou de drogues, a fortiori parce que les traitements dispensés en hôpitaux et en cabinet privé n’y sont pas inclus ou comptabilisés actuellement.
Ces données représentent donc les patients pris en charge dans les structures spécialisées qui participent actuellement à cet enregistrement. Une conséquence de ce défaut de couverture est la surreprésentation des demandeurs économiquement non actifs ou au chômage, car les personnes en situation d’abus ou de dépendance qui ont de meilleurs revenus ont probablement davantage tendance à consulter et suivre un traitement ambulatoire dans un cabinet privé.
Et plus globalement, si le TDI est un outil pertinent pour décrire le profil des personnes en demande de traitement, utile pour estimer l’incidence annuelle des demandes (le nombre de patients en traitement pour la première fois de leur vie), et adapté à la quantification de la charge des demandes annuelles, il ne permet malheureusement pas d’estimer la prévalence des demandes de traitement, c’est-à-dire l’ensemble des patients en demande de traitement sur une année civile, car le protocole TDI ne prévoit que l’enregistrement des nouvelles demandes de traitement introduites sur une année civile (et non de l’ensemble des traitements en cours).
En outre, il ne fournit aucune indication sur l’issue de la demande de traitement (prise en charge effective, réorientation, patient ne s’est plus représenté, etc.) ni sur les trajectoires de soin des patients.
Enfin, il convient d’insister sur la complémentarité des 5 indicateurs épidémiologiques clés de l’OEDT , chacun étant un éclairage particulier sur les phénomènes de l’usage de drogues et des assuétudes. Ils permettent ensemble d’appréhender globalement les différents types d’usages de drogues et certaines de leurs conséquences sanitaires, et de caractériser les publics spécifiques qui y sont associés. Ils doivent donc idéalement être analysés et pondérés les uns par rapport aux autres.
Dans ce contexte, et au-delà des 5 indicateurs épidémiologiques clés de l’OEDT, il serait pertinent de mieux connaître le profil des personnes en contact avec les services du secteur de la prévention et de la réduction des risques en développant une enquête spécifique qui permettrait de connaitre aussi le profil et les pratiques de consommation des usagers de drogues avant qu’ils ne soient éventuellement en contact avec les structures d’aide et de soin.
Eurotox, rue Jourdan 151, 1060 Bruxelles. Courriel: info@eurotox.org. Internet: www.eurotox.org