L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) recommande à tous les pays de se doter d’objectifs concrets pour orienter leurs politiques en matière de santé. La Belgique en utilise déjà un certain nombre, mais ils sont assez disparates. En vue de mettre sur pied une approche plus cohérente, il a été demandé au Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) de dresser l’inventaire de tout ce qui existe au niveau fédéral.
Des objectifs de santé, pour quoi faire ?
Pour être cohérente, la politique de santé d’un pays (ou d’une région) doit idéalement viser certains objectifs plus ou moins concrets, ce qui donne à tous les acteurs du secteur des buts communs à poursuivre. C’est en tout cas la recommandation que font différentes institutions internationales comme l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ou l’Observatoire européen des Systèmes de Santé.
De nombreux pays ont mis en place de véritables programmes globaux de fixation d’objectifs de santé. Ils contribuent à piloter l’ensemble de leurs actions en matière de santé, à les évaluer et, de façon générale, à orienter leur politique à plus ou moins long terme. Certains de ces pays ont même fait de ces programmes des outils de sensibilisation de la population, avec des sites web où sont publiées les valeurs-cibles à atteindre et où professionnels et communautés locales peuvent échanger leurs expériences de terrain.
Dresser l’inventaire de ce qui existe déjà
La Belgique fédérale n’a pas de tel programme de fixation d’objectifs ; elle a plutôt pris l’habitude de se fixer des objectifs au cas par cas. Nous en avons déjà un certain nombre, mais ils sont assez disparates, ce qui peut donner une impression de « patchwork ». Les réunir dans un programme structuré donnerait à l’ensemble une cohérence et une meilleure visibilité. Ce serait également plus motivant pour tous les acteurs de terrain, qui auraient ainsi des cibles bien définies à atteindre tout en ayant conscience de participer à un effort global à l’échelle de tout le pays.
Un premier pas vers une telle approche structurée est de faire l’inventaire de ce qui existe déjà. C’est pourquoi la ministre de la Santé publique a demandé au KCE de dresser une liste des objectifs déjà définis au niveau fédéral (y compris les objectifs supranationaux tels que ceux fixés dans le cadre d’accord avec l’OMS par exemple).
Un inventaire à la Prévert
L’inventaire ainsi réalisé révèle un mélange d’objectifs très généraux (p.ex. réduire les inégalités d’espérance de vie liées au niveau socioéconomique au sein de la population belge), et d’autres beaucoup plus spécifiques (p.ex. un pourcentage minimum de prescriptions bon marché par chaque médecin ou dentiste individuel). On distingue aussi des objectifs de résultats (ce que l’on veut atteindre, avec éventuellement des objectifs intermédiaires), des objectifs de processus (les actions à entreprendre pour atteindre les résultats escomptés) et des objectifs de structure (les modifications structurelles à obtenir pour atteindre le résultat).
Ces objectifs sont formulés tantôt par le niveau politique (p.ex. la ministre de la santé publique a formulé un objectif de réduction du nombre d’adultes fumeurs à 17%), tantôt par le monde scientifique (p.ex. les recommandations du Conseil supérieur de la Santé en matière de nutrition), tantôt encore à un niveau plus opérationnel ou administratif (p.ex. les objectifs du Conseil National de Promotion de la Qualité à l’attention des médecins).
Il faut aussi ajouter à cet inventaire les divers plans d’action adoptés ces dernières années, comme par exemple le plan conjoint « Soins intégrés en faveur des malades chroniques » (lancé conjointement par les Ministres de la santé fédéraux et des entités fédérées) ou le plan d’action pour une réforme du système de financement des hôpitaux (lancé par la Ministre de la santé fédérale). Ces plans regroupent chacun plusieurs objectifs ambitieux.
Quelles devraient être les prochaines étapes ?
On peut donc dire que la Belgique a déjà bel et bien défini de nombreux objectifs de (soins de) santé mais qu’il faut leur donner un fil rouge et un encadrement. Le KCE propose de créer à cet effet une plateforme pour coordonner, soutenir et faire connaître la politique de fixation d’objectifs. Cette plateforme devrait réunir les représentants politiques et administratifs des différents niveaux de compétences et domaines pertinents, ainsi que des représentants des principales parties concernées sur le terrain et des scientifiques.
Une des premières tâches de la plateforme devrait être de définir les priorités de la politique de santé. Cet exercice doit idéalement se faire en large concertation avec les acteurs de terrain afin de développer des objectifs concrets, des valeurs-cibles à la fois ambitieuses et réalistes, et ensuite des programmes d’action réellement portés par le secteur.
D’autres objectifs pourront être ajoutés à ceux déjà inventoriés ; le KCE en a proposé une longue série en annexe de son rapport. Ils ont été élaborés sur la base de son exercice récurrent d’évaluation de la performance du système de santé, développé en collaboration avec l’ISP et l’INAMI. Ces propositions visent surtout à mettre en évidence la nécessaire cohérence entre cet exercice d’évaluation de la performance du système de soins et l’établissement d’objectifs tels que proposés dans le présent rapport. Ces propositions devront évidemment faire l’objet d’une réflexion plus avancée en concertation avec les parties prenantes avant d’être adoptées comme objectifs.
À terme, avec un brin d’optimisme, cet exercice pourrait mener à un élargissement des objectifs aux autres secteurs et niveaux de gouvernance, pour atteindre le principe de la « santé dans toutes les politiques » (Health in all policies) qui constitue une sorte de Graal en la matière.