Novembre 2003 Par N. MARECHAL Initiatives

La Communauté française lance des projets-pilotes auprès de 6000 patients

La Semaine du cœur , qui s’est tenue du 21 au 27 septembre dernier, présentait une bonne opportunité pour rappeler que la préservation de la santé cardiovasculaire est une des priorités de la Communauté française. Les maladies cardiovasculaires y sont, en effet, la première cause de mortalité: elles sont responsables d’un décès sur trois et touchent les femmes comme les hommes. Mais ce n’est pas une fatalité. Nous pouvons agir afin de diminuer l’incidence des troubles cardiovasculaires. Et en tant que Ministre de la Santé, j’ai décidé de faire de la prévention de ce problème de santé publique, une priorité.

Des moyens modestes

Dans ce contexte, je me dois de souligner, une fois encore, que la prévention reste le principal facteur qui contribue aux gains de santé alors que chez nous, lorsqu’on consacre 1 € pour la prévention en Communauté française, on en dépense plus de 1.000 pour le remboursement des soins de santé au niveau fédéral. Cette disparité des moyens attribués à la prévention par rapport au curatif (12,5 millions € contre 15,5 milliards €) démontre l’intérêt de construire dans la cohérence une politique de santé et pas seulement de soins de santé afin de récolter, à terme, le bénéfice des actions de prévention sur la consommation des soins. C’est la raison pour laquelle je souhaite que les entités fédérale et fédérées travaillent ensemble à l’élaboration d’un accord de coopération cadre en matière de prévention.
Afin de mener une politique de prévention cohérente, coordonnée et efficace, j’ai d’abord tenu à doter la Communauté française d’un arsenal réglementaire et de moyens nouveaux pour mieux prévenir les maladies qui engendrent les plus hauts taux de mortalité . La pratique quotidienne montre, en effet, qu’il est très difficile de prendre en compte de façon harmonieuse et pertinente tant la prévention que la promotion de la santé axée sur la « recherche du bien-être » et donc sur le renforcement des déterminants positifs de la santé comme l’activité physique par exemple.
Désormais, l’extension du décret «Promotion de la santé» à la prévention permet d’une part, d’articuler les différents programmes de prévention et d’autre part, de générer des synergies avec les démarches d’éducation et de promotion de la santé. La prévention en Communauté française dispose donc, enfin, d’un cadre législatif qui permet d’agréer des structures et de financer les programmes.
D’autre part, le Plan d’action pour la charte d’avenir de la Communauté française apportera des moyens supplémentaires pour permettre le développement de différents programmes de médecine préventive: 166.000 € viennent compléter en 2003 le budget global de 5.870.000 € attribué à la médecine préventive. Ces moyens nouveaux atteindront les 2.653.000 € en 2010.

De multiples facteurs de risque

de multiples réponses

La consommation de tabac, d’alcool, l’obésité, le stress et la sédentarité sont les premiers facteurs de risque relevant du style de vie. D’autres facteurs comme l’hypertension, l’hypercholestérolémie et le diabète interviennent également dans l’apparition des troubles cardiovasculaires. En Belgique, selon l’Enquête de santé réalisée en 2001 par l’Institut scientifique de la santé publique:
– 36 % des personnes (de 15 ans et plus) qui ont subi un contrôle ont un taux de cholestérol trop élevé. Ce pourcentage augmente considérablement avec l’âge, passant de 46% dans la tranche des 25-34 ans à près de 90% chez les personnes âgées de 65 à 74 ans;
– 28 % des personnes (de 15 ans et plus) qui ont subi un contrôle ont une tension artérielle trop élevée. Ce pourcentage augmente aussi avec l’âge: 39% pour la tranche 55-64 ans, 41% pour les hommes de 65 à 74 ans, 50% pour les femmes de 65 à 74 ans;
– 13 % des personnes (de 15 ans et plus) qui ont subi un contrôle ont une glycémie trop élevée. Ce pourcentage reste stable autour des 7 % dans les tranches d’âges les plus basses pour augmenter à partir de 55 ans et atteindre 27 % chez les personnes de 75 ans et plus.
A ces chiffres, il convient d’ajouter que la Belgique compte:
– 29 % de fumeurs journaliers avec un pic à 39 % chez les hommes âgés de 15 à 24 ans et chez les femmes de 35 à 44 ans;
entre 60 et 85 % des gens sont sédentaires ou quasi sédentaires;
– 49 % d’hommes et 28 % de femmes qui accusent une surcharge pondérale et 14 % d’hommes et 13 % de femmes qui souffrent d’obésité;
– entre 5 et 10 % d’alcooliques.
Le manque d’exercice physique, à lui seul, double le risque de maladie cardiovasculaire mais aussi d’obésité et d’apparition du diabète gras, tous deux augmentant encore la probabilité que surviennent des problèmes cardiovasculaires.

Le vélo, c’est la santé, en faire un peu tous les jours, c’est la conserver!

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), dans notre monde moderne, nous ne faisons plus assez d’exercice physique au quotidien. Le progrès a consacré le principe de la loi du moindre effort. L’automobile, l’escalator ou l’ascenseur, c’est tellement facile qu’il est devenu difficile de s’en passer. Et pourtant, ce manque d’activités physiques menace fortement la santé de 7 personnes sur 10 dans les pays dits développés (maladies cardiovasculaires, hypertension artérielle, cholestérol, surcharge pondérale, voire obésité, diabète, cancer du côlon, ostéoporose, stress, dépression, etc.). D’après les statistiques de l’OMS, cette sédentarité serait responsable de plus de 2 millions de décès prématurés par an dans le monde, soit beaucoup plus que les accidents de la route. Une demi-heure de vélo par jour suffit à prolonger l’espérance de vie de plusieurs années
L’OMS recommande à chacun une dose minimale journalière de 30 minutes d’exercice physique modéré.
Diverses solutions sont possibles: certains prendront leur voiture et paieront fort cher pour aller s’enfermer tous les jours dans une salle de sport le soir après leur travail, et y pédaler sur place; d’autres préféreront prendre le vélo pour effectuer les déplacements quotidiens vers le travail ou vers l’école et effectuer gratuitement et naturellement cet exercice physique quotidien avec les meilleures chances de pérennisation. La dose minimale recommandée par l’OMS est de 2 x 15 minutes de vélo par jour, à son aise et sans forcer, soit 2 x 4 à 5 km.
Rouler à vélo, c’est gai, chacun le sait. Le vélo, c’est la liberté. Pas de problèmes d’embouteillages ni de stationnement.
Sachant qu’il faut réduire l’usage de l’automobile, que 50% des déplacements en voiture se font sur moins de 5 km et que le vélo est bon marché et tellement bon pour la santé, celui qui choisit de se déplacer à vélo fait preuve d’une bonne dose de bon sens, et sans doute aussi de civisme. Un peu de vélo le week-end, c’est chouette. Mais en faire son moyen de déplacement quotidien, c’est non seulement chouette, bon pour la mobilité et l’environnement, mais aussi très bon pour la santé.
D’où la démarche sympathique de l’asbl GRACQ (les Cyclistes quotidiens) à l‘occasion de la Semaine de la mobilité 2003 , avec le soutien de la Communauté française Wallonie-Bruxelles, d’une campagne de sensibilisation du grand public aux bienfaits du vélo quotidien pour la santé face aux méfaits de la sédentarité.
Une recommandation que le rédacteur en chef d’ Education Santé suit d’ailleurs scrupuleusement depuis plusieurs années, ayant la chance d’habiter à moins de 5 km de son boulot. Et non, qui dit rouler en ville ne signifie pas automatiquement tempérament suicidaire, et non, il ne pleut pas tout le temps en Belgique, loin de là. En observant le ciel, on peut toujours trouver une éclaircie d’un quart d’heure, même les journées pourries!
Notons aussi que la même asbl va également sensibiliser les professionnels de santé à la ‘prescription médicale de la pratique du vélo’ d’ici la fin de l’année.
GRACQ asbl, rue de Londres 15, 1050 Bruxelles.
Tél.: 02 – 502 61 30.
Internet: [L=http://www.gracq.org]www.gracq.org[/L]
C.D.B.

Ces différents éléments doivent, de toute évidence, être pris en considération dans une approche globale et intégrée de prévention. Le problème est complexe, il appelle de multiples réponses.
Il est donc nécessaire d’une part de modifier certains comportements et d’autre part, de proposer un dépistage adapté et ciblé. Ces objectifs sont également poursuivis, de façon complémentaire, par des campagnes d’information et d’éducation. Certaines sont en cours actuellement, comme celle prônant l’activité physique menée avec l’Observatoire de santé du Hainaut ou celle des Cyclistes quotidiens (voir encadré) qui encourage à prendre son vélo le plus souvent possible. D’autres campagnes sont d’ores et déjà prévues: en novembre, des spots audiovisuels sous la forme de dessins animés seront diffusés afin de sensibiliser les enfants de 8 à 10 ans à une alimentation équilibrée, à un bon rythme de sommeil et au plaisir de se bouger.

Le rôle crucial des généralistes

Dans ce combat d’envergure, j’ai tenu à associer les généralistes qui développent des contacts réguliers avec leurs patients. En moyenne, il faut savoir qu’un médecin traitant voit 75 % de sa patientèle chaque année et que le patient lui rend visite entre quatre et cinq fois par an. Il est ainsi évident qu’une relation de proximité et de confiance peut facilement s’installer.
Depuis deux ans, je finance une étude menée par la Fédération des maisons médicales et l’Institut de médecine préventive de la Société scientifique de médecine générale sur le développement potentiel de la prévention en médecine générale. Cette étude fait le constat de la place privilégiée occupée par les médecins généralistes dans les actions de santé publique et de promotion de la santé. Le rôle du médecin traitant est reconnu à la fois par la population qui voit en lui un scientifique de proximité librement choisi et par les décideurs politiques et les responsables sanitaires qui le considèrent comme le maillon essentiel de la réussite des actions de santé …: c’est la relation directe et personnalisée avec toute la population .
De plus, plusieurs enquêtes envers le grand public ou les patientèles montrent clairement que les patients attendent implicitement de leur docteur qu’il leur propose des actions de prévention pour rester en bonne santé.
D’autre part, les généralistes se déclarent prêts à participer activement aux programmes de santé publique qui doivent s’inscrire dans une approche organisée et réfléchie du praticien pour favoriser la santé de son patient . L’étude insiste, dès lors, sur la nécessité d’une législation facilitant ces approches, tout en prévoyant la participation des médecins à l’élaboration de ces programmes. C’est ce que j’ai tenu à réaliser avec l’extension du décret «Promotion de la santé» au champ de la prévention.
Cependant, il apparaît très clairement que si les généralistes souhaitent s’investir dans la prévention, leur cursus universitaire ne leur permet pas d’acquérir une véritable culture de la prévention. Leur formation les pousse naturellement à devenir des «fournisseurs de soins». Il est donc utile aujourd’hui de réfléchir à l’intégration de la dimension «prévention» dans leur formation initiale.
La phase préparatoire de mon projet de développement d’un programme de prévention cardiovasculaire en médecine générale vient d’être clôturée. Elle a comporté plusieurs étapes: concertation, état des lieux des actions de prévention menées en Communauté française, définition des fonctions nécessaires à un programme de prévention cardiovasculaire, identification des intervenants potentiels.
Il s’agit à présent de mettre en place les éléments favorables à ce programme de prévention qui repose sur l’identification et le suivi du risque cardiovasculaire global. Nous entamons donc la phase expérimentale avec le lancement de projets-pilotes d’envergure qui impliqueront 60 médecins et 6000 patients.

Les projets-pilotes

Pour une question d’efficacité, j’ai sollicité la candidature, pour ces projets expérimentaux, de groupes préexistants de médecins disposant déjà d’une forme de structuration. Chacun de ces groupes est composé de dix généralistes. Chaque médecin s’engage à:
– participer aux séances de formations;
– sensibiliser cent patients «réguliers» avec leur accord. Au total, ce sont ainsi 6000 patients âgés de 30 à 70 ans qui se verront proposer une offre de prévention cardiovasculaire;
– recueillir, sur base d’un protocole consensuel, les données sanitaires des patients, les éléments de facilitation vue d’une amélioration des pratiques.
Suite à cet appel à projets, dix groupes ont déposé leur candidature: associations de médecins, GLEMS, associations de maisons médicales, dodécagroupes. Six groupes répondant aux critères sont sélectionnés et seront réunis, pour la première fois, le 18 octobre. Dans la sélection, nous veillons, également, à retenir des groupes exerçant dans des zones rurales et citadines. Pour son fonctionnement, chaque groupe recevra 7.500 €, ce qui porte le budget global à 45.000 €.
Constitué d’un groupe de pilotage, d’un comité d’accompagnement et d’un observateur, un centre expérimental de référence a été mis en place en juillet 2003. Ce centre de référence a défini un consensus sur les recommandations en prévention cardiovasculaire en médecine générale. Sur cette base, un protocole détaillé a été établi afin de préciser les paramètres de prévention à relever et à enregistrer en terme de dépistage (tension artérielle, poids, indice de masse corporelle, risque cardiovasculaire global, cholestérol et glycémie). Il comporte également le relevé de données comme le tabagisme, la sédentarité, l’alimentation.
Le centre de référence établira et coordonnera les formations destinées aux généralistes participants. Il est également chargé de développer des outils d’information à destination des patients, des cardiologues, des diététiciens et des acteurs-relais en éducation pour la santé en matière de tabac, alimentation, stress… C’est le centre de référence qui centralisera toutes les données recueillies, que ce soient celles relevées auprès des 6000 patients ou celles définies par les généralistes comme étant des freins ou des éléments favorables à la prévention. Le centre a aussi une mission d’évaluation au bout de deux années d’expérimentation. Une évaluation intermédiaire aura déjà lieu en mars-avril 2004.

Conclusion

L’installation de ces projets-pilotes est la première concrétisation du cadre législatif dont dispose, depuis peu, la prévention en Communauté française. A long terme, il s’agit de diminuer l’apparition de troubles cardiovasculaires en Communauté française et de ce fait, prolonger l’espérance de vie: l’infarctus, par exemple, entraîne une perte de plus de sept années potentielles de vie chez les hommes. C’est loin d’être négligeable!
Pour ce faire, il faut mettre toutes les chances de notre côté, c’est-à-dire créer les conditions optimales de prévention. Les expériences-pilotes qui débutent aujourd’hui, et qui se dérouleront pendant 18 mois, poursuivent clairement cet objectif.
A moyen terme, il faudra également implanter le dépistage des facteurs de risque et la promotion de la santé cardiovasculaire en médecine générale. Ces expériences serviront ainsi de base à l’élaboration d’arrêtés d’exécution concernant la prévention des facteurs de risque et la promotion de la santé cardiovasculaire.
Concrètement, les généralistes sélectionnés vont entamer leur formation dès octobre et les patients seront informés directement par leur médecin traitant à partir de janvier 2004. A noter encore, que le protocole élaboré par le centre de référence est sans précédent: c’est la première fois qu’un tel consensus a été obtenu.
Enfin, avec le programme ‘mammotest’ de dépistage du cancer du sein lancé il y a deux ans, ce sont deux initiatives spécifiques qui rencontrent aujourd’hui les deux plus importantes causes de mortalité en Communauté française. Mon souhait est en tout cas de donner l’impulsion nécessaire à la réalisation complète de ce vaste plan de lutte contre les maladies cardiovasculaires. Le calendrier que je me suis fixé devrait permettre le lancement du programme à l’échelle de la Communauté française en septembre 2005.

Nicole Maréchal , Ministre de la Santé