Afin de garantir la santé et la sécurité des personnes dans les lieux de fête de la capitale, une charte du bien-être y sera lancée en septembre prochain. Mise au point par l’asbl Modus Vivendi, l’Administration de la Commission communautaire française (Cocof), le Centre local de promotion de la santé de Bruxelles (CLPS) et douze organisateurs de soirées, cette charte définit des critères spécifiques et obligatoires qui donneront droit à un label de qualité aux établissements faisant le choix d’y adhérer.
En 2001, l’asbl Modus Vivendi réalisait une recherche-action sur la pertinence d’une action de réduction des risques en milieux festifs. « A cet effet , nous avons interrogé des personnes qui travaillent en boîte et des sorteurs », raconte Catherine Van Huyck , coordinatrice de «Modus Fiesta», nom du projet qui porte l’élaboration et la coordination de la charte du bien-être en milieu festif. « La recherche a montré qu’il était indispensable d’intervenir en milieu festif et cela pour plusieurs raisons : une formation du personnel travaillant dans les boîtes de nuit s’avérait nécessaire , une partie du public ne possédait pas d’informations sur les risques liés à la consommation de drogues et d’alcool , il y avait le problème du retour à domicile sous l’effet de l’alcool et des produits psychotropes , l’accès gratuit à l’eau potable et à des préservatifs était inexistant et la question des nuisances sonores devait être travaillée . Par ailleurs , la recherche a révélé qu’une partie de la population à risque n’avait aucun contact avec les institutions médicales .»
Suite à cette recherche menée sous la législature précédente, le Ministre Didier Gosuin décidait de la création de Modus Fiesta, qui fut d’abord un lieu d’accueil et d’information pour usagers de drogues liées aux milieux festifs. Dans un deuxième temps, toujours sous l’impulsion du Ministre Gosuin et de l’asbl Modus Vivendi, un projet de charte du bien-être en milieu festif voyait le jour. « Pour mener à bien une action à long terme , nous avons pensé qu’il serait intéressant d’élaborer un projet de réglementation , de respect de certaines normes en milieu festif », se souvient Catherine Van Huyck.
C’est dans cette perspective qu’un premier projet de charte a été lancé en 2003, mais uniquement avec les discothèques. Le projet n’a cependant pas rencontré les objectifs visés et Modus Vivendi a remis une deuxième fois l’ouvrage sur le métier. « Nous avons alors soumis le projet à Benoît Cerexhe – Président actuel du Collège de la Cocof en charge de la Santé et de la Fonction publique – qui a décidé de soutenir activement le projet , explique Catherine Van Huyck. Le Ministre Cerexhe a alors organisé une concertation avec les patrons de discothèques et les organisateurs de soirées , afin d’aboutir à quelque chose de cohérent . Par rapport à la première charte , nous ne nous sommes donc pas contentés de travailler uniquement avec les patrons de discothèques , nous avons également rencontré les organisateurs de soirées et les patrons de salles . D’autre part , nous avons compris qu’il était inefficace d’apporter un projet ficelé aux organisateurs de soirées , mais qu’il était , au contraire , indispensable de construire la charte avec leur collaboration , en tenant compte de leur expérience et de leurs questionnements .»
Promotion de la santé et bien-être
Le projet se déroulant, il est devenu évident pour l’asbl Modus Vivendi que le fait de travailler exclusivement dans le domaine de l’usage de drogues en milieu festif n’avait pas de sens, étant donné qu’il existe d’autres types de risques, notamment en ce qui concerne les nuisances sonores, la conduite automobile, les informations relatives à la vie sexuelle… « Nous avons donc décidé de diriger le projet vers l’idée de bien – être en milieu festif , poursuit Catherine Van Huyck. C’est à ce moment – là que nous avons rencontré le Centre local de promotion de la santé de Bruxelles pour qu’il nous aide à intégrer la notion de promotion de la santé dans la charte .»
Modus Vivendi et le CLPS: des voisins proches
Créée en 1993, l’asbl Modus Vivendi a pour but la prévention du sida et autres maladies sexuellement transmissibles, des hépatites et des risques liés à l’usage de drogues (overdoses, «bad trips»). Au moyen de brochures et d’actions sur le terrain, l’association diffuse des informations sur les produits, ainsi que sur les manières de les consommer à moindre risque.
Le Centre local de promotion de la santé de Bruxelles est une asbl agréée par la Communauté française pour organiser la promotion de la santé dans la région de Bruxelles-Capitale. Le CLPS est chargé de coordonner, sur le plan local, la mise en œuvre du programme quinquennal et des plans communautaires de promotion de la santé. Concrètement, le CLPS accompagne les organismes et les acteurs de terrain dans la réflexion et la conception de projets, et met à leur disposition de la documentation, des formations et des outils adaptés.
La charte vise donc à promouvoir des nuits de qualité à Bruxelles qui tiennent compte du public et veillent à son bien-être. Comme le souligne Begonia Montilla , responsable de projets au CLPS, « il est important de dire au public que les risques en milieu festif existent , qu’il s’agisse de risques liés au bruit , à la prise de produits , au retour à la maison , mais avec l’idée de réduire ces risques , et ceci sans juger la consommation du public .»
Un label de qualité soumis à des critères
Jusqu’à présent, douze organisateurs de nuits festives ont collaboré à l’élaboration de la charte: cinq discothèques (You, Mirano Continental, Fuse, Jeux d’Hiver, Louise Gallery), quatre organisateurs de soirées (Bulex, Magasin 4, Structure Béton, NEMO) et trois salles (Recyclart, Ric’s Art Boat, les Halles de Schaerbeek). Les organisateurs de soirées qui adhèrent à la charte recevront un label de qualité. Pour obtenir ce label, six critères devront obligatoirement être respectés.
1. Formation du personnel à la réduction des risques liés aux milieux festifs
Cette formation, dont les frais sont pris en charge par un subside spécifique accordé à Modus Vivendi, permettra à chaque lieu de réagir avec sérénité face aux difficultés ayant trait à la santé en général. Les signataires de la charte s’engagent à former au minimum 50 % de leur personnel en contact avec le public (barmen, ouvreuses, sorteurs, dames de cour). Chaque formation est adaptée à l’établissement représenté, en fonction de ses besoins et disponibilités. Avant la formation, les membres du personnel en contact avec le public sont invités à remplir une fiche relatant les problèmes rencontrés et leurs questionnements.
La formation, d’une durée de huit heures, est assurée par Modus Vivendi et un médecin. Elle aborde:
-une présentation de la Charte du bien-être en milieu festif;
-un échange sur les problèmes rencontrés par le personnel en ce qui concerne la santé et le bien-être du public;
-une présentation des drogues existantes (légales et illégales), leurs effets et les risques associés à leur consommation;
-la prévention et la réduction des risques liés à l’usage de drogues;
-la gestion des consommateurs, les abus, les «bad trips»;
-les techniques de communication non-violente;
-un rappel de la loi concernant les stupéfiants;
-les nuisances sonores;
-et une initiation aux premiers secours.
2. Mise à disposition d’informations sur la santé
Cette information se fera par la diffusion de brochures, dépliants et affiches dans les lieux de fête, à des endroits visibles et accessibles (à l’entrée, au bar, au vestiaire…). Ces brochures traiteront des maladies sexuellement transmissibles, du sida, de la contraception, de la prévention relative à la sécurité routière, aux nuisances sonores, aux drogues légales (alcool, tabac, médicaments psycho-actifs), aux drogues illégales (XTC, cocaïne, speed, cannabis…). Elles mentionneront également les coordonnées des services de garde et d’urgence des environs.
3. Mise à disposition de matériel de réduction des risques
Ce matériel comprend notamment des préservatifs et des bouchons d’oreilles.
4. Mise à disposition d’eau gratuite et accessible
Afin d’éviter la déshydratation et d’offrir une alternative aux boissons alcoolisées, la mise à disposition d’eau doit être clairement signalée au public, soit par le placement d’une fontaine d’eau, soit au bar.
5. Niveau sonore
Le but est d’agir pour limiter les risques de nuisances sonores au moyen, soit de la mise à disposition de bouchons d’oreilles, soit d’un avertissement au public du niveau sonore émis, ou encore par le placement d’un limiteur de bruit respectant les normes sonores européennes.
6. Alertes précoces
Les établissements devront s’engager à transmettre au public et au personnel les alertes précoces diffusées par Modus Fiesta (par exemple, une alerte concernant un produit particulièrement nocif pour la santé).
Et des étoiles en plus…
A côté de ces six critères obligatoires, les organisateurs pourront obtenir un bonus, sous forme d’étoiles, en remplissant un ou plusieurs critères facultatifs. Ces critères, en cours d’élaboration (toujours en concertation avec les organisateurs de soirées), concerneront entre autres la participation à un système de gestion du retour à domicile, l’installation d’une salle de repos, la présence d’un système d’urgence médicale (soit par la présence d’un médecin ou d’un infirmier sur place, soit par l’établissement d’un contact privilégié avec un médecin de garde), la mise à disposition d’au moins une salle festive non-fumeur, l’organisation périodique – en collaboration avec Modus Fiesta ou un de ses partenaires – de la présence d’un stand de réduction des risques, la participation à une plate-forme de concertation entre les responsables de lieux festifs.
Lancement ce mois-ci
Cette charte prend son envol en septembre. Les critères seront mis en œuvre dans les lieux de fête qui auront fait le choix d’y adhérer. Ces lieux de fête seront donc labellisés et deviendront, du même coup, plus incontournables que jamais…
Notons encore que la charte fera l’objet d’une valorisation des partenaires auprès du public: une campagne d’information sera lancée avec l’ensemble des acteurs présents sur le terrain de la vie nocturne. Cette valorisation se fera également via l’édition d’un plan de Bruxelles indiquant les lieux de sorties signataires de la charte, de cartes postales reprenant les logos des lieux participants, ainsi qu’une promotion sur internet, par les acteurs du tourisme, les guides touristiques, etc.
Colette Barbier
Pour en savoir plus:
Modus Vivendi, Catherine Van Huyck, Avenue Emile de Béco 67, 1050 Bruxelles. Tél.: 0479 82 96 08.
Centre local de promotion de la santé (CLPS), Begonia Montilla et Dominique Werbrouck, Avenue Emile de Béco 67, 1050 Bruxelles. Tél.: 02 639 66 88.
Cabinet du Ministre Benoît Cerexhe, Béatrice van Schendel, Rue Capitaine Crespel 35, 1050 Bruxelles. Tél.: 02 508 79 11.