Janvier 2004 Par N. MARECHAL Initiatives

A l’échelle mondiale, 40 millions de personnes sont contaminées par le HIV; 5 millions de nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année; en 2003, 3 millions de malades sont morts.
En Belgique, en moyenne, 1000 nouveaux séropositifs sont enregistrés chaque année. Cette incidence croît depuis quelque temps d’environ 1% chaque année.
Depuis le début de l’épidémie, on a enregistré dans notre pays plus de 16.000 personnes séropositives, et les derniers chiffres connus, relatifs au premier semestre 2003 (499 nouveaux cas contre 457 dépistés au premier semestre 2002) confirment la tendance négative actuelle. Evidemment, il est toujours difficile de les interpréter correctement à partir du moment où, comme le précisent certains spécialistes de la question, ‘ces chiffres dépendent non seulement des nouvelles infections mais aussi de la politique de dépistage mise en oeuvre. Si on améliore le dépistage, on augmente le nombre de cas de dépistés…’ ( Dr Legrand , chef de clinique des maladies infectieuses du CHU de Charleroi).
L’amélioration des conditions thérapeutiques, la plus grande mobilité des populations, dont récemment les migrations à partir des pays de l’Est ont alimenté au même titre que la banalisation du problème, l’augmentation de son incidence. Il est inadmissible de laisser progresser cette tendance à la hausse. On ne peut accepter cette fatalité, même si ces chiffres méritent de ne pas être interprétés de manière simpliste.
Il importe de réaffirmer combien il s’agit de se mobiliser, à tous niveaux, pour lutter contre le sida. Il est de notre devoir à tous, responsables politiques mais aussi intervenants de terrain, de prôner la vigilance. Et la vigilance est d’autant plus indispensable que des chercheurs, parmi les plus sérieux, estiment que le pic de la progression de la maladie ne pourrait être atteint qu’en 2040! Nous avons, cependant, souvent l’impression que, et nous faisons comme si, le pire était derrière nous…
Il faut le rappeler sans cesse: on ne guérit toujours pas du sida. Il est vrai que la génération actuelle est née lorsqu’émergeaient des possibilités de traitement. Les recherches ont certes progressé, permettant un allongement de la vie des malades, mais l’arrivée d’un vaccin thérapeutique dont on parle beaucoup est loin d’être imminente. De plus, ce vaccin ne permettrait qu’un ralentissement de l’évolution de la maladie et n’empêcherait pas sa survenance.
Une trop grande banalisation s’est installée avec le temps et les comportements de prudence se sont estompés. Une récente enquête de Test-Achats le confirme: 65% des personnes interrogées déclarent ne jamais recourir au préservatif (1) . Quant aux publics les plus vulnérables, ce sondage révèle que 42% des homosexuels n’utilisent pas cet unique moyen de protection contre le sida.
Il n’est évidemment pas question de se retrancher derrière cette analyse tout simplement parce que le nombre de cas de sida a augmenté. Un seuil permanent de sensibilisation «grand public» doit permettre de maintenir cette vigilance et d’accrocher des campagnes d’information destinées surtout aux publics plus vulnérables, pour lesquels les démarches doivent être plus spécifiques. Je prévois d’ailleurs une nouvelle campagne audiovisuelle d’envergure en 2004.
La problématique reste donc entière, grave et très préoccupante. Au-delà des campagnes d’information et de sensibilisation il s’agit aussi de reformuler les politiques de prévention du sida, de les actualiser et de les renforcer: un nouvel élan de mobilisation des acteurs mais aussi des pouvoirs publics est nécessaire. Je suis convaincue que nous pouvons faire mieux et obtenir une stabilisation du développement de l’épidémie dans notre pays.

Mobilisation des acteurs et des pouvoirs publics

C’est la raison pour laquelle, soutenue par le Ministre-Président Hervé Hasquin , j’ai décidé de lancer un appel à une mobilisation générale. Afin de prendre cette problématique à bras-le-corps, dans ses nombreuses composantes, il est en effet indispensable d’associer à cette démarche, d’une part tous les acteurs professionnels du secteur du sida, et d’autre part toutes les compétences communautaires concernées (enseignement, culture, milieux d’accueil, égalité des chances…) ainsi que les compétences complémentaires au sein des différentes entités fédérées et de l’Etat fédéral (affaires sociales, égalité des chances, intégration sociale, intérieur… ).
«Pour la mobilisation des acteurs et des pouvoirs publics», c’est le pilier qui doit soutenir la Conférence de lutte contre le sida que je lance dès ce mois de janvier. Elle se déclinera en quatre ateliers:
discrimination vis-à-vis des personnes séropositives;
– stratégie coordonnée de dépistage ;
– prévention des populations parmi les plus vulnérables (communauté homosexuelle, migrants, malades du sida);
conditions d’accès en matière de prévention, de soins et d’accompagnement.
Une Conférence plénière réunira, en mars 2004, l’ensemble des participants aux ateliers (ministres des différents niveaux de pouvoir et acteurs de la lutte contre le sida) et tous les publics concernés (professionnels de la santé, services sociaux, associations de prévention du sida et des MST, bénévoles…) afin de sélectionner, suite aux travaux des ateliers, les recommandations stratégiques à adopter pour l’avenir. L’Observatoire du sida et des sexualités de la Communauté française assurera la coordination scientifique et le suivi méthodologique des travaux.
Pour créer et mettre en oeuvre une véritable politique cohérente et concertée, et parce que le sida doit s’inscrire dans une approche plus globale que purement médicale, je tiens également à solliciter tous les relais: les plannings familiaux, les médecins généralistes et spécialistes, les services sociaux, les équipes de Promotion de la santé à l’école, les milieux de jeunesse, les centres d’accueil et les services d’immigration. Tous ont un rôle à jouer.
Le Gouvernement de la Communauté française a marqué son accord à ma proposition de préparation et de réalisation de cette Conférence, comme il avait marqué son accord pour retenir la prévention du sida et des MST comme une des priorités du plan d’action de la Charte d’avenir , ouvrant ainsi la possibilité de moyens nouveaux pour des actions en cette matière.
Les moyens consacrés à la prévention du sida représentent l’un des plus gros budgets dans le cadre des dépenses «santé» de la Communauté française après la vaccination (2.196.000 € en 2003 et 78.000 € en plus en 2004), et ces moyens vont encore progresser.
Il est urgent et nécessaire d’établir une politique solide et ambitieuse pour lutter efficacement contre la propagation du sida. C’est l’ambition de la Conférence de lutte contre le sida qui se déroulera en mars 2004 et des ateliers qui la prépareront que de dresser les balises et les objectifs concrets pour les 5 années à venir. Ce qui est souhaitable c’est donc une mobilisation des acteurs de la prévention du sida – y compris ceux qui échappent habituellement à cette appellation – et des pouvoirs publics pour un renouvellement de l’approche préventive, pour une articulation avec le dépistage, les soins et le secteur social, pour une réduction de l’incidence de l’infection par des stratégies actualisées.
Nicole Maréchal , Ministre de la santé


(1) Plus précisément, 65% des Belges ont répondu ‘jamais’ ou disent que cela ‘ne s’applique pas à leur situation’, ce qui nuance un peu le propos (ndrl).

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