L’asbl Eurotox, partenariat entre Infor-Drogues, Modus Vivendi et Prospective Jeunesse, nous propose une synthèse de son dernier Rapport sur l’usage des drogues en Communauté française (2009). En voici la partie concernant les tendances épidémiologiques marquantes.
L’indicateur de demandes de traitement
(1)
L’âge moyen des patients admis en 2007 est de 34 ans. Ils sont majoritairement de sexe masculin (80%) et d’origine belge (75%). Parmi les 25% de patients d’origine étrangère, 15% proviennent de pays hors Union européenne. Une proportion importante des demandeurs est peu scolarisée (65%) et à faibles (voire sans) revenus (16% sans revenus, 25% au chômage et 35% avec revenus de remplacement)(2) . Les patients vivent généralement seul (37%), en couple (23%), ou avec leur(s) parent(s) (17%). On notera également que 15% des patients ne possèdent pas de logement fixe.
Au niveau de la consommation, on observe que les produits les plus fréquemment à l’origine des demandes de traitements sont, par ordre d’importance, les opiacés (50%), l’alcool (20%), la cocaïne/crack (13%) et le cannabis (9%). Le mode de consommation le plus fréquemment rapporté est l’inhalation/fumette, suivi de l’absorption par voie orale. Environ 11% des demandeurs ont déclaré avoir eu récemment recours à des comportements d’injection. Enfin, l’âge moyen de la première consommation du produit à l’origine de la demande est de 21 ans.
On notera enfin que plus de la moitié des patients ayant introduit une demande de traitement en 2007 présentent des antécédents judiciaires.
Prix des drogues en rue
(3)
Les résultats de cette enquête nous montrent que le prix moyen du cannabis a fortement augmenté ces dernières années (en particulier en 2008), atteignant le record de 9 euros par gramme, probablement en raison de la récente diminution de l’offre. À l’inverse, on constate une diminution du prix moyen de l’héroïne (25 euros/gramme en 2008) et une stabilisation relativement généralisée du prix moyen des psycho-stimulants (cocaïne : 50 euros/gramme ; amphétamines : 9,5 euros/gramme ; ecstasy : 6 euros/gramme).
On constate également certaines différences régionales au niveau des prix pratiqués. Par exemple, certains produits sont plus chers en région liégeoise (héroïne, cocaïne et ecstasy) et d’autres moins chers en région bruxelloise (cannabis et cocaïne).
Ces fluctuations annuelles et régionales ont bien évidemment des conséquences directes sur la disponibilité des différents produits et donc sur les choix de consommation des usagers . Elles sont à mettre directement en relation avec la disponibilité (ou rareté) des produits, le degré de concurrence entre dealers (qui est proportionnel à leur nombre sur un territoire donné), mais aussi avec certaines caractéristiques du conditionnement (variation de l’écart entre le poids déclaré et le poids réel des «pacsons», degré de pureté du produit). Il est toutefois difficile à ce stade d’identifier systématiquement la (ou les) cause(s) exacte(s) des différences annuelles et régionales des prix observés à travers cette enquête.
De manière générale, on constate que le produit le plus consommé en 2007 après le tabac et l’alcool est le cannabis et ce, quel que soit le groupe spécifique envisagé. On constate également en milieu festif (4) que la majorité des indicateurs de consommation est en diminution progressive depuis 2004 (consommation d’au moins un produit hors tabac et alcool, consommation d’au moins un produit illégal, consommation d’au moins un produit illégal hors cannabis, consommation de stimulants). Le phénomène de polyconsommation semble également en diminution depuis 2005.
Dossier dopage
Cette année pour la deuxième fois (après l’alcool en 2005), un sujet particulier est développé dans le rapport. Cette fois, il s’agit du dopage. Ce dossier fait également l’objet d’un tiré-à-part téléchargeable via le site d’Eurotox ( http://www.eurotox.org ).
Quelle est la nature du geste dopant ? Ne le retrouve-t-on pas dans le geste banalisé d’une certaine médecine améliorative déjà présente dans le sport ? Ne le retrouve-t-on pas dans notre quotidien, toujours plus éprouvant, dans un monde si usant qu’on est bien obligé de s’aider à «tenir»? Existe-t-il des trajectoires de soins en assuétudes qui sont passées par le sport de haut niveau ? Y a-t-il lieu d’adapter l’offre de soins à ces trajectoires ? Les gouvernements, en recherche permanente de «héros positifs», n’ont-ils pas une part de responsabilité dans la quasi « obligation de résultat » qui baigne le sport de haut niveau, notamment aux Jeux Olympiques ?
Autant de questions qui sont abordées, avec bien d’autres, dans ce nouveau «focus» qui fut passionnant à élaborer, et dont la cinquantaine de pages est impossible à résumer ici. On verra notamment, que sous le vocable «prévention du dopage» se cache surtout une «lutte contre le dopage» menée, comme dans la «guerre à la drogue», avec des moyens souvent dérisoires et surtout peu adaptés aux intérêts financiers colossaux en jeu dans la sphère du sport professionnel. On s’interrogera dès lors sur la place actuelle ou future de réelles interventions de prévention, voire même de réduction des risques, dans les disciplines sportives. Avec des réponses parfois surprenantes.
Informations fournies par Eurotox
(1) Il s’agit d’un des 5 indicateurs épidémiologiques créés par l’Observatoire Européen des Drogues et Toxicomanies (OEDT), qui est constitué de 20 variables. Il permet d’offrir une estimation du nombre et du profil de personnes ayant fait une demande de traitement auprès d’un centre spécialisé en toxicomanies. En 2007, un total de 4435 demandes ont été enregistrées en Communauté française, dont 1185 premières demandes.
(2) Cette surreprésentation des demandeurs à faibles revenus et peu scolarisés est probablement due au fait que les personnes en situation d’abus ou de dépendance à une substance qui ont de meilleurs revenus ont sûrement davantage tendance à consulter et suivre un traitement dans un cabinet privé.
(3) En tant que Sous-point focal belge de l’OEDT, Eurotox réalise annuellement une enquête sur le prix des drogues en rue et ce, grâce à la centralisation de données fournies par différents partenaires de première ligne chargés d’interroger 10% des usagers rencontrés (travailleurs de rue, comptoirs d’échange de seringues, intervenants en milieu festif, etc.). En 2008, nous avons compilé des informations en provenance d’une centaine d’usagers.
(4) Attention, il s’agit de données rapportées par les personnes qui ont eu un contact direct avec l’une des associations de réduction des risques présente lors des événements couverts, et non pas de l’ensemble des personnes présentes dans le milieu festif.