Une campagne de Médecins du Monde et de Netwerk tegen Armoede (le réseau flamand de lutte contre la pauvreté) s’engage contre l’augmentation des inégalités de l’accès aux soins et le report des soins en Belgique.
L’écart continue de se creuser entre ‘ceux qui ont’ et ‘ceux qui n’ont pas’ accès aux soins
Les personnes ne disposant pas d’un revenu confortable ont de plus en plus de difficultés à nouer les deux bouts : alors qu’ils n’étaient que 1,4% parmi les revenus les plus bas à ne pas pouvoir subvenir aux dépenses de base en 2008, ce chiffre s’est élevé à 7,9% en 2016, selon un rapport de la Commission européenne paru cette année.
« En 8 ans, les chiffres sont presque 6 fois supérieurs et ils ont doublé depuis 2011 », commente Ri De Ridder, président de Médecins du Monde Belgique. « Ce qui est par ailleurs frappant, c’est qu’en Belgique, de plus en plus de personnes sont obligées de reporter des soins, alors qu’on observe la tendance inverse dans les autres pays européens. La difficulté d’accéder aux soins n’est pas seulement importante, mais elle est plus importante que dans les autres pays d’Europe. »
44% des enfants vivant dans la précarité sont privés de soins pour des raisons financières
« 600.000 Belges vivent actuellement dans la pauvreté. Ils.elles doivent trop souvent reporter des soins par manque de moyens », explique David de Vaal, coordinateur de Netwerk tegen Armoede.
Les enfants qui grandissent dans des familles précarisées sont les plus durement touchés par cette réalité : « en Belgique, 44% de toutes les ménages vivant dans la précarité, avec des enfants de moins de 16 ans ont dû, se priver de soins nécessaires, au cours de l’année écoulée », explique de Vaal.
Les Belges qui vivent dans la pauvreté s’inquiètent par ailleurs de leur santé : « 79% des ménages précaires perçoivent le coût des médicaments comme une charge financière sur leur budget, 32% ont dû reporter une visite chez le dentiste et 35% estiment ne pas pouvoir prendre en charge les soins de santé mentale.»
Ces inégalités dans l’accès aux soins ont des conséquences : « l’écart de l’espérance de vie en bonne santé entre une personne de 25 ans ayant le niveau d’éducation le plus bas et celle ayant le niveau le plus élevé, est de 10,5 ans pour les hommes et de 13,4 ans pour les femmes » explique Ri De Ridder. « En d’autres termes, une femme de 25 ans ayant un niveau très élevé d’éducation vivra en moyenne jusqu’à 74 ans en bonne santé. Pour une femme peu qualifiée, cette moyenne descendra à 60 ans, ce qui signifie qu’elle sera confrontée à des problèmes de santé avant d’atteindre l’âge de la pension. »
Les dépenses pour les soins de santé les plus élevées en Belgique
Les Belges vivant dans la précarité ne sont pas les seuls à se tracasser sur leur budget santé. D’autres parties de la population sont également préoccupées par le coût des soins. « 34% des familles belges considèrent le prix des médicaments comme une charge moyenne ou lourde », explique De Ridder. « Et 26% admettent que les montants des soins de santé sont difficiles ou très difficiles à concilier avec leur budget disponible. »
Par ailleurs, 1 Belge sur 5 affirme ne pas pouvoir payer de soins dentaires ou de consultation psychologique. Le fait que l’intervention personnelle chez le dentiste puisse aller jusqu’à plusieurs centaines, voire milliers d’euros et que 40% des dentistes pratiquent des prix plus élevés que les tarifs de base peut expliquer cela.
En ce qui concerne les soins de santé mentale, la mesure récente qui prévoit que la consultation chez un psychologue soit remboursée est trop limitée, car les jeunes et les personnes de plus de 65 ans en sont exclus. « Nous avons aussi des doutes sur le fait de pouvoir aller chez un psychologue sans avoir été référé et la possibilité d’appliquer des tarifs libres. Cela peut entraîner un ‘effet Matthieu’ qui implique que les plus favorisés tendent à plus profiter de ces mesures. Trop peu d’attention a été portée à l’accessibilité (financière) des soins psychologiques pour les personnes peu diplômées ou disposant de peu de moyens, alors qu’elles en ont plus besoin. Les mesures actuelles n’intègrent pas suffisamment la santé mentale dans les soins de première ligne et ne font pas assez tomber les obstacles pour l’accès des personnes précarisées.»
« On peut conclure de tout cela que le Belge finance lui-même une grande partie des soins » conclut De Ridder. « La partie non remboursée des soins représente chaque année en moyenne 1.100 euros par ménage, soit le montant le plus élevé sur l’ensemble de l’Europe et 500 euros de plus que la moyenne européenne qui est de 600 euros. »
La campagne formule 6 recommandations urgentes destinées aux autorités fédérales.