Ce rendez-vous annuel incontournable pour quelque 20.000 professionnels de l’éducation a pris place à Charleroi à la mi-octobre. Le Salon Éducation, ce sont 5 jours, 200 exposants du monde de l’édition scolaire et pédagogique, de la culture, du voyage organisé, du multimédia, de la prévention, de la formation, etc. Ce sont aussi des conférences et ateliers animés par des chercheurs et experts sur les thématiques, cette année, de l’éducation positive, des enfants à besoins spécifiques, de la violence et du harcèlement, et bien d’autres thèmes encore.
Après une balade dans le quartier presque abandonné de Charleroi Expo pour en trouver l’entrée, je me faufile dans le premier hall, entre jouets mécaniques, groupes de presse, stands de modules et jeux de psychomotricité, manuels scolaires et matériel didactique en tout genre.
Très vite, je découvre le stand de Lire et Écrire, qui me présente ses huit mallettes pédagogiques, kits d’animation à destination des primo-arrivants, «pour (mieux) comprendre la Belgique». Celles-ci ont été conçues pour leur permettre de découvrir leur nouveau lieu de vie, de se débrouiller au quotidien, d’acquérir des connaissances élémentaires sur l’histoire de la Belgique, ses institutions et leur fonctionnement, ses caractéristiques socioéconomiques et culturelles, etc. Un impressionnant travail de vulgarisation des rouages de notre pays.
Presqu’à côté, se tient le stand des ONG de coopération au développement, toutes regroupées sur le salon en un seul lieu. J’ai l’occasion d’y participer à un quiz original portant sur l’éducation (numérique) à la citoyenneté. Le principe est simple: des écrans avec des questions, un vase pour chaque réponse possible et des bandelettes de couleur à y déposer, pour marquer son choix et visualiser rapidement les préférences des participants.
Les 29 ONG belges actives en milieu scolaire représentées sur ce stand y proposent également le fruit de leur collaboration, un catalogue complet de leurs activités et outils pédagogiques en matière de coopération au développement. Un index permet d’identifier facilement les thématiques traitées par chaque outil (commerce équitable, découverte d’un pays, droits de l’enfant, environnement, migration, etc.). Un travail remarquable et utile!
Plus loin, c’est le stand de Child Focus qui attire mon attention. Il met en évidence son matériel pédagogique, didactique et éducatif en matière d’internet pour les jeunes, notamment son jeu Jungle web. L’organisation propose aussi un catalogue répertoriant 34 outils sur le sujet, sous forme de fiches techniques reprenant les objectifs, le public, les thèmes et les caractéristiques de chacun.
Mon regard s’arrête au passage sur la «classe du futur», avec ses tableaux interactifs, ses cahiers de communication numériques et autres technologies de pointe.
En parlant de nouvelles technologies, la Cité des Métiers de Charleroi présente Vidéobox, son application mobile à destination des jeunes, des demandeurs d’emploi et des personnes en réorientation professionnelle. Celle-ci permet de s’informer sur les métiers. Il s’agit en réalité d’une banque de données de 700 «vidéos métiers» dans lesquelles des professionnels présentent leur job. Pour s’y retrouver, toutes les vidéos sont classées par verbes d’action. Vous aimez diriger, fabriquer ou plutôt divertir? Vous cherchez un métier accessible? En alternance? Avec des débouchés? Il suffit de quelques clics pour découvrir le métier qui vous correspond.
Bref arrêt au stand de l’asbl verviétoise Loupiote, qui développe des ateliers itinérants d’éducation au et par le cinéma. Elle y présente son guide pédagogique ‘No hate’ , support d’animation pour un travail de sensibilisation des jeunes à la problématique du discours de haine en ligne et du cyber-harcèlement.
Ensuite, c’est le stand Cooking Class de Colruyt qui attire mon attention. Le groupe de distribution propose un programme de cours complet en ligne sur l’alimentation et l’exercice physique, à destination des écoles. On y retrouve des recettes pour enfants, des animations autour des fruits et légumes, des vidéos avec de petits exercices physiques, des idées de bricolage, etc. sur des thèmes variés comme la conservation de la nourriture, l’hygiène alimentaire ou la gestion durable de la pêche. Un enseignant intéressé s’inscrit et reçoit un petit dossier de présentation, accompagné de divers bons de réduction pour faire des achats dans les magasins du groupe. Bien que l’initiative ne soit pas dénuée d’arrière-pensées commerciales, elle mérite tout de même d’être soulignée.
On note aussi la présence de l’ONE ou du réseau Anastasia, centre de ressources documentaires de la province de Namur, qui propose un large stand plutôt fourni en livres et matériel éducatif. Divers musées et offices du tourisme présentent quant à eux leur offre pédagogique, tandis que les sociétés spécialisées dans le voyage organisé proposent classes vertes et de neige en tout genre.
Le secteur promotion santé semble plutôt discret cette année. Toutefois, on relève notamment la présence du Fonds BYX avec son appel à projets ‘Ne tournons pas autour du pot’, du service Infor Santé de la Mutualité chrétienne ou de ‘Sourire pour tous‘ (Fondation pour la Santé dentaire).
Harcèlement scolaire et enfants à haut potentiel
C’est l’heure des conférences. La première à laquelle j’assiste est organisée par l’Université de Paix (Réseau Prévention Harcèlement) et porte sur le (cyber-) harcèlement entre élèves. L’atelier est complet et même plus: 60 à 70 personnes, parmi lesquelles un grand nombre de jeunes étudiants, sont venues écouter les deux conférencières. Elles nous révèlent des chiffres préoccupants: selon l’OMS, 1 élève sur 5 se déclarerait victime de harcèlement; les 11-15 ans, particulièrement soucieux de leur appartenance au groupe et de leur acceptation par les autres, seraient les plus touchés; seulement 5,6% des jeunes harcelés prendront la décision d’aller trouver un adulte; seuls 1,8% des témoins parleront.
Le harcèlement serait une relation triangulaire (harceleur-s/ victime-s/ pair-s témoin-s) dans laquelle les pairs témoins ont une importance capitale car ce sont ceux qui donnent du poids au harceleur. Ainsi, la réflexion du groupe Réseau Prévention Harcèlement tourne notamment autour de la rupture de cette relation particulière.
Ces constats posés, les conférencières terminent en proposant des pistes d’action pour les professionnels travaillant avec les jeunes, afin de les aider à détecter le harcèlement ou idéalement, à l’éviter. Malgré le brouhaha ambiant et le manque de confort, cette conférence, parmi les centaines proposées sur le salon, s’est sans doute avérée fort intéressante et utile pour les professionnels présents.
Ding-ding-ding: la cloche sonne, la classe commence. Le second atelier auquel je participe nous propose de nous mettre dans la peau d’un enfant à besoins spécifiques, un ‘HP’ (haut potentiel). C’est une orthopédagogue spécialisée en accompagnement des enfants en difficulté d’apprentissage qui joue le rôle de la maîtresse.
L’exposé commence par un petit exercice: relier 9 points répartis sur 3 lignes en quatre traits, sans soulever son crayon… Nous avons quelques minutes pour résoudre l’exercice. À l’issue de celui-ci, la plupart d’entre nous ont échoué. Il existe pourtant une solution, mais pour la trouver, il faut «sortir des cases», ce que les enfants HP font très facilement, pas parce qu’ils sont plus intelligents que les autres comme le laissent penser les stéréotypes à leur sujet, mais parce qu’ils ont un mode de réflexion différent.
L’enfant HP a une pensée par arborescence, ou en réseau, qui se déploie dans plusieurs directions face à une problématique donnée (versus séquentielle, ou linéaire, pour la plupart des personnes présentes). Plus concrètement, quand une personne HP réfléchit, c’est un peu comme un feu d’artifice, constitué de tout un ensemble de mots, de sons, de couleurs, de formes qui s’associent dans le cerveau… Bien des choses se mêlent, c’est comme une explosion de connexions neuronales. En effet, les neurones du HP sont deux fois plus rapides, les connexions entre son cerveau droit (celui qui gère l’espace, l’intelligence globale, l’intuition, le sens artistique, etc.) et son cerveau gauche (qui gère le temps, le langage, le calcul, la pensée analytique, les savoir-faire et les procédures) se font plus rapidement, ce qui lui donne aussi une grande rapidité d’exécution.
La conférencière déconstruit une à une les idées reçues à propos des HP: un tiers d’entre eux sont en échec scolaire, ce sont des personnes qui apprennent vite mais ne retiennent pas, les enfants rencontrent souvent des problèmes de méthodologie, ils ont besoin de sens et de globalité, dans un système scolaire peu adapté à leurs besoins, très séquentiel et normatif. Elle conclut son exposé en encourageant les enseignants et tout un chacun à apprendre à changer de regard, à s’intéresser à la différence pour ne pas en faire une inégalité. Un atelier illustré, vivant, clair et concis, par une conférencière très pédagogue !
Pour en savoir plus: https://loupioteasbl.wordpress.com/ce-qui-vous-regarde-no-hate/
Réseau dont l’objectif est de créer un lieu de concertation et de collaboration visant à sensibiliser les acteurs scolaires et de partager informations, ressources et réflexions pour prévenir le harcèlement à l’école. Pour en savoir plus: http://www.enseignement.be/index.php?page=27753&navi=4289