Novembre 2013 Par Chantal VANDOORNE Initiatives

Un dispositif innovant et ouvert

Depuis les années nonante, de nombreuses initiatives de promotion de la santé à l’école se sont développées en Communauté française de Belgique. Nombre d’entre elles tentent d’intégrer des actions sur les contenus d’enseignement, sur les apprentissages informels produits par la fréquentation de l’école pendant et en dehors des cours, sur les modes de vie induits par l’environnement matériel et organisationnel, sur le climat scolaire.

Ces initiatives étaient généralement portées par des instances situées hors du champ de l’enseignement, notamment dans le cadre de projets financés par le secteur de la santé. En mars 2011 par contre, un dispositif pilote appelé Cellule bien-être (CBE) est promu simultanément par les ministères de l’Enseignement, de la Santé, de la Jeunesse et de l’Aide à la jeunesse de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Le dispositif pilote s’étalait sur deux années scolaires (2011-2012 et 2012-2013) et concerne 80 établissements volontaires de tous niveaux, tous réseaux d’enseignement et tous types (maternel et primaire, secondaire général et qualifiant, ordinaire et spécialisé). La liberté est laissée à chaque école de développer son projet en fonction de ses propres priorités et de son contexte, de ses ressources et contraintes. Les 80 écoles participantes sont réparties en deux groupes : 56 écoles A ont bénéficié d’un accompagnement méthodologique du dispositif sur deux ans, 24 écoles B n’ont pas souhaité bénéficier d’un accompagnement organisé par le dispositif, mais ont été invitées à participer aux rencontres collectives entre établissements et sont parties prenantes de l’évaluation.

Si ce dispositif s’inscrit dans la continuité philosophique et théorique des approches intégrées couramment employées en promotion de la santé à l’école, l’association des trois cabinets ministériels dans la mise en place du dispositif et l’organisation multi-niveau de celui-ci sont inédites. Est innovante aussi la volonté de laisser ce dispositif très ouvert afin de faire émerger, sans idée préconçue, des points de repères et des procédures dont les acteurs institutionnels pourront s’inspirer pour favoriser une dissémination progressive des Cellules bien-être.

Une évaluation pour faire émerger des repères pour le futur

Dans le numéro 283 d’Éducation Santé, Noémie Hubin et Gaëtan Absil (SCPS APES-ULg) ont présenté la démarche et les méthodes d’évaluation utilisées pour faire surgir et construire ces points de repères collectivement, de façon inductive et itérative. Un premier rapport d’évaluation intermédiaire ‘EvalCBE.1′ (1) est consacré à la présentation et aux premières analyses de la mise en œuvre du dispositif au niveau local. Il donne une image des initiatives développées par les établissements scolaires au cours de la première année et une première analyse des processus à l’œuvre au niveau local.

Il propose une série d’hypothèses à approfondir au cours de la deuxième année, dans les lieux de réflexions collectifs prévus par le dispositif. On relève ainsi des questionnements dans les domaines suivants :

– comment institutionnaliser une telle cellule au sein des établissements, quels sont les modes d’organisation adoptés, les acteurs impliqués, les liens noués avec d’autres structures de concertation au sein de l’école ou en dehors de celle-ci, les éléments qui facilitent ou limitent la mise en place et la continuité d’une cellule? Dans quelle mesure la préoccupation pour le bien-être prend-elle place dans une vision partagée et élargie des missions éducatives de l’école ?

– quelles stratégies sont développées pour faciliter l’intégration et la cohérence des initiatives autour du bien-être de la communauté scolaire (élèves et adultes) ? En effet, la culture d’établissement est à la fois le fondement et la conséquence de cette recherche de cohérence, les thématiques diverses liées au bien-être se complètent et s’enchevêtrent, elles nécessitent d’utiliser des ressources externes très diversifiées, elles mobilisent des approches collectives et individuelles.

– comment s’organisent et s’échelonnent les collaborations sur lesquelles s’appuyer pour développer une cellule bien-être ou des projets autour du bien-être ? Comment s’appuyer sur des ressources externes tout en laissant la main aux établissements scolaires ? Comment distinguer et faire exister dans la cohérence divers types de collaborations externes: le CPMS et le SPSE, des services qui accompagnent sur le long cours pour soutenir l’institutionnalisation d’une CBE; des organismes qui soutiennent un projet thématique depuis sa construction jusqu’à son évaluation; des acteurs qui apportent de façon ponctuelle (mais parfois récurrente) le soutien de leur expertise auprès des élèves ou des adultes de l’école; des acteurs ou services de la communauté locale, etc.

Un dispositif multi niveaux favorisant l’intersectorialité (2)

Concrètement le déploiement du dispositif est soutenu par l’accompagnement méthodologique des écoles, par une mobilisation des partenaires locaux, dont les SPSE et CPMS, ainsi que par des réflexions collectives à l’étage territorial et à l’échelon global.

L’accompagnement individualisé des CBE a été préféré à une formation systématique de leurs membres et vise, entre autres, à aider les CBE à identifier les ressources internes et les services ‘extérieurs’ auxquels faire appel, à construire les solutions pour faire face aux difficultés rencontrées dans la mise au point d’une dynamique autour du bien-être. Cet accompagnement est assuré par une quinzaine de personnes appartenant à six services issus de différents secteurs: l’éducation permanente, la jeunesse, l’aide à la jeunesse, le développement durable et la promotion de la santé : CEMEA, FPS Hainaut, Empreintes, Université de paix, Synergie, et Repères. Chacun des services accompagne 9 ou 10 écoles. Sur les deux années, les CBE se sont réunies 8 fois en moyenne avec leur accompagnateur, sans compter les contacts téléphoniques ou par mail.

L’accompagnement méthodologique est complété par des ‘journées territoriales’ organisées deux fois par an pour favoriser les échanges entre les établissements plus proches géographiquement. (Hainaut 1, Hainaut et Brabant wallon, Namur et Luxembourg, Liège, Bruxelles). Quatre journées ont été organisées dans chacun des cinq territoires: en janvier 2012, mai 2012, novembre 2012 et mars 2013. Chacune de ces quatre séries de journées a rassemblé une centaine de participants issus des Cellules bien-être. Septante pourcent des établissements ont ainsi participé à 3 ou 4 journées, trois établissements seulement n’ont participé à aucune des journées.

À l’échelle plus globale de la Fédération Wallonie-Bruxelles, des rencontres entre les différents services d’accompagnement sont régulièrement organisées: elles ont pour but de préparer les journées territoriales, mais aussi d’organiser la collecte d’informations sur les initiatives mises en place dans les écoles et enfin de construire collectivement des analyses des processus de développement des CBE.

Quatre assemblées stratégiques ont été organisées rassemblant des acteurs institutionnels de différents secteurs d’activité concernés par le bien-être à l’école, notamment échanger sur ce qui, dans le premier rapport d’évaluation, fait écho aux repères et pratiques de leur secteur d’activité.

Enfin, le dispositif est géré par un Comité opérationnel où siègent des représentants des ministères impliqués et des administrations correspondantes ainsi que l’APES-ULg, chargée de l’accompagnement et de l’évaluation du dispositif au niveau global.

Ainsi, aussi bien au niveau de sa mise en œuvre que de son évaluation, le dispositif est pensé comme une organisation favorisant les apprentissages de tous les acteurs impliqués en contact les uns avec les autres. La volonté interministérielle d’ouverture s’est aussi manifestée en associant à tous les niveaux des acteurs de diverses appartenances sectorielles. L’opportunité est ainsi offerte d’un réel travail plurisectoriel, tout en affirmant la place centrale des acteurs scolaires dans la promotion de la santé et du bien-être à l’école. Cette volonté de favoriser la plurisectorialité s’impose au vu de la variété des thématiques et des intervenants associés à la notion de bien-être en milieu scolaire.

Les processus d’appui aux établissements tout comme les autres repères issus de ces deux ans d’expérience seront présentés dans le rapport ‘EvalCBE.2’ qui sera diffusé fin octobre 2013 (3)auprès des acteurs du dispositif à tous les étages, puis commenté et approfondi par ceux-ci lors d’une ‘journée d’envol’ le 4 novembre.

On y abordera notamment les atouts et contraintes du travail plurisectoriel qui constitue un défi d’autant plus difficile à relever que l’on se rapproche du niveau global du dispositif. Bien que complexe, ce travail est précieux car il est source d’une diversification des regards sur les conditions internes et externes de la promotion du bien-être pour les enfants et les jeunes, mais aussi pour leurs éducateurs et enseignants. C’est pour ouvrir cette perspective que nous avons proposé aux services d’accompagnement de partager avec les lecteurs d’Éducation Santé un morceau de leur expérience de collaboration avec les écoles participantes. Quatre services issus d’autres secteurs que la Santé et l’Enseignement ont répondu à cet appel et ont accepté de braquer le projecteur sur une des facettes qui les a particulièrement interpellés dans l’accompagnement des Cellules bien-être. Nous les en remercions.

Contact: Isabelle Polain, chargée de mission ‘Cellule bien-être’, DGEO, rue Adolphe Lavallée 1, 1080 Bruxelles. Courriel: isabelle.polain@cfwb.be.

(1) Disponible à l’adresse suivante ( http://www.enseignement.be/index.php?page=26753&navi;=3375 ). On y trouve aussi la liste des établissements participants, la composition du comité opérationnel et de l’assemblée stratégique, et enfin des récits de leur expérience par les Cellules bien-être .
(2) Si l’intersectorialité est le but à atteindre, supposant des objectifs communs, des cadres de référence co-construits, très souvent les réalisations en sont encore aux prémices, cherchant comment mieux comprendre et faire coexister les cadres de référence des uns et des autres et s’enrichir réciproquement. Nous utiliserons donc aussi, dans ce texte, le terme ‘pluri-sectoriel’.
(3) Cet article a été rédigé le 3 octobre (ndlr)