Voici quelques mois, j’aurais été bien en peine d’imaginer que le numéro 300 d’Éducation Santé sortirait dans un contexte marqué par la disparition programmée de la promotion de la santé en tant que compétence dévolue aux communautés de notre pays (1).
Bénéficiant d’un soutien financier récurrent de la Fédération Wallonie-Bruxelles depuis 25 ans, d’une remarquable stabilité institutionnelle depuis le vote du décret de 1997 et d’une confiance précieuse de la Mutualité chrétienne, son pouvoir organisateur, notre mensuel a pu se développer au fil du temps dans un climat plutôt favorable.
C’est dire si l’annonce de l’éclatement prochain (dès le 1er juillet de cette année) des compétences de santé francophones entre la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Wallonie et la Région de Bruxelles-Capitale a assombri notre horizon, comme celui de nombreux opérateurs du secteur.
En effet, l’avenir d’un outil d’information et de formation des travailleurs de la promotion de la santé qui est largement apprécié par ses destinataires (2) semble compromis ou à tout le moins incertain.
Le sens de notre travail dépasse le cadre étriqué de notre petite Belgique, ce qui rend l’évolution actuelle d’autant plus difficile à comprendre. À l’écart des replis territoriaux programmés, nous plaidons au contraire pour un partage des expertises francophones en promotion de la santé sans nous arrêter aux frontières du royaume. Encore heureux !
Cela me donne l’occasion d’adresser au passage un coup de chapeau bien mérité à notre correspondante française, Anne Le Pennec et à notre collaboratrice au Québec, Pascale Dupuis , dont les regards extérieurs et pertinents enrichissent considérablement notre publication.
Une petite leçon de surréalisme
À en croire la déclaration des partis à l’origine de cette réforme, elle a pour finalité de confirmer la puissance des liens entre francophones de Wallonie et de Bruxelles. Apprécions au passage ce délicat paradoxe politique qui consiste à réaffirmer un principe de solidarité tout en le mettant à mal dans les faits.
Qu’on me comprenne bien: il ne s’agit pas pour Éducation Santé de s’arc-bouter à une ‘rente de situation’ et de rejeter toute évolution. Mais, réaffirmer la pertinence d’une approche cohérente de la prévention au profit de populations partageant une même langue et une même culture, est-ce si extravagant que cela ?
On me rétorquera que l’intention des uns et des autres est de formaliser aussi souvent que possible la concertation entre Wallons et Bruxellois (3). Dans ces conditions confier la gestion de la matière ‘prévention’ à une entité commune, par exemple la Fédération Wallonie-Bruxelles, serait une bonne idée, non ?
(1) En tout cas du côté francophone.
(2) Voir l’article présentant la dernière évaluation, réalisée en 2012 : C. De Bock, ‘Votre avis sur Education Santé’, Education Santé n°285, janvier 2013, http://www.educationsante.be/es/article.php?id=1541
(3) L’exemple le plus cocasse des conséquences possibles de cette régionalisation, ce sont les campagnes radiodiffusées gratuites de promotion de la santé. On pourrait parfaitement imaginer des messages contradictoires sur une même thématique selon qu’ils émaneront du sud ou du centre du pays…