Un Escape Game pour développer des attitudes protectrices chez les élÚves du secondaire et les sensibiliser aux conduites à risque : ce nouvel outil, ludique et collaboratif conçu par des acteurs issus des secteurs de la prévention et de la promotion de la santé sillonnera bientÎt la région bruxelloise.

Nour et Sacha ont disparu, les Ă©lĂšves ont une heure pour les retrouver
Nour et Sacha ont disparu, les Ă©lĂšves ont une heure pour les retrouver (CrĂ©dit photo CBPS – Octobre 2023)

“On est dans la cabine du parc. La porte est bloquĂ©e. Je n’ai plus de batterie, viens m’aider stp”. Nour a envoyĂ© ce sms au milieu de la nuit, et depuis, elle ne rĂ©pond plus. Sacha aussi a disparu. Les joueurs ont une heure pour comprendre ce qui leur est arrivĂ© hier soir. Voici le scĂ©nario de dĂ©part de l’Escape Game baptisĂ© B(l)ack Out qui vise Ă  dĂ©velopper des attitudes protectrices chez les jeunes et les sensibiliser aux conduites Ă  risque.

A l’automne 2023, le prototype de cette installation a Ă©tĂ© prĂ©-testĂ© par 68 professionnel.les issu.es de diffĂ©rents secteurs (promotion de la santĂ©, prĂ©vention, jeunesse) et 138 Ă©lĂšves de 15 Ă  20 ans scolarisĂ©s en secondaire dans la commune d’Anderlecht. L’Escape Game s’y installera en septembre pendant plusieurs semaines. 

“Nous avons optĂ© pour une approche ludique, collaborative et expĂ©rientielle basĂ©e sur les compĂ©tences psychosociales pour susciter chez les jeunes une rĂ©flexion sur les comportements Ă  risque et aussi sur les attitudes protectrices en milieu festif ”, explique Fanny CĂ©phale, responsable de projets du Centre bruxellois de promotion de la santĂ© (CBPS) qui co-pilote le projet.

Créer un outil mobilisateur

La gestation a Ă©tĂ© longue et mĂ»rement rĂ©flĂ©chie. Tout commence fin 2020, quand l’idĂ©e de crĂ©er un nouvel outil de prĂ©vention Ă©merge au sein de la concertation des acteurs de prĂ©vention des assuĂ©tudes de Bruxelles coordonnĂ© par le CBPS. Un groupe de travail se met en place rassemblant le CBPS, le FARES, le PĂ©lican et le PĂŽle assuĂ©tudes du service PrĂ©vention d’Anderlecht. 

Le groupe explore divers outils existants et trĂšs vite surgit l’exemple d’un Escape Game suisse sur les addictions, dont le rapport d’activitĂ© donne de solides pistes de travail en terme d’empowerment et d’impact Ă©ducatif. “La participation active renforce l’assimilation des informations et des messages clĂ©s, rendant l’expĂ©rience Ă  la fois plus mĂ©morable et plus significative” explique Fabienne Philippe, responsable et chargĂ©e de projets du PĂŽle assuĂ©tudes de la Commune d’Anderlecht. 

Les acteurs s’accordent alors sur l’idĂ©e de crĂ©er un outil mobilisateur qui rĂ©pondent aux besoins des acteurs de Promotion de la santĂ©. L’Escape Game devra ĂȘtre transportable pour aller Ă  la rencontre du public en s’installant temporairement prĂšs des lieux de vie des jeunes. Pour ce faire, le groupe fait appel au concepteur d’Escape Game belge Bruno Willemark, fondateur de “Let Me Out” et dĂ©croche un financement de la COCOF dans le cadre des subsides facultatifs de promotion de la santĂ©.

logo blackout

Le titre de l’Escape Game mĂȘle l’expression anglaise « back out », qui signifie littĂ©ralement « faire marche arriĂšre », et le terme « Black-Out » qui dĂ©signe Ă  la fois la perte de conscience liĂ©e Ă  la consommation d’alcool ou de stupĂ©fiant, ou plus simplement la panne d’alimentation Ă©lectrique.

Scénario et décors sur mesure

Au fil des discussions, le groupe assuĂ©tudes dĂ©cide d’ouvrir l’Escape Game aux thĂ©matiques EVRAS, puis rĂ©alise que “l’approche par les compĂ©tences psychosociales permet de faire la jonction entre santĂ© physique, santĂ© mentale et promotion de la santĂ© ”, explique ValĂ©rie LefĂšvre, spĂ©cialiste EVRAS au sein du CBPS.  

Le scĂ©nario de B(l)ack Out fait Ă©cho au film amĂ©ricain Very Bad Trip, de Todd Phillips, ou Ă  la sĂ©rie Euphoria de Sam Levinson, en plus soft. Les trois parcours sont jouables simultanĂ©ment pour permettre Ă  une classe de 24 Ă©lĂšves de le rĂ©aliser en une heure. 

Chaque groupe de huit Ă©lĂšves doit retracer tous les faits et gestes de la soirĂ©e de Nour et Sacha, collecter des indices et rĂ©soudre des Ă©nigmes. Il passe par cinq espaces : un bar, un salon et un skatepark – ces trois dĂ©cors installĂ©s sous des grandes tentes de 5m sur 5 donnent la sensation que l’enquĂȘte se dĂ©roule la nuit en “crĂ©ant une atmosphĂšre sur mesure” explique Bruno Willemarck, le concepteur de Let Me Out qui tenait Ă  crĂ©er “une expĂ©rience Ă©ducative immersive pour mieux glisser dans l’histoire”. Puis deux espaces ludiques catalysent l’attention du groupe autour de modules d’activitĂ©s collaboratives : un laboratoire et un local technique de la STUP – la sociĂ©tĂ© de transport urbain planĂ©taire, un acronyme crĂ©Ă© pour l’occasion. 

“Les meufs, ça deale pas” 

Le bar est conçu comme un espace ludique qui permet d’aborder les conduites Ă  risque et les comportements protecteurs en soirĂ©e. La voix du propriĂ©taire du bar accueille le groupe d’un ton bourru : « J’ai vu vos potes hier, bien bourrĂ©s, j’ai dĂ» arrĂȘter de les servir au bout d’un moment. (…) Je suppose que vous ĂȘtes lĂ  pour rĂ©cupĂ©rer leur sac ? Je l’ai mis dans le coffre, vous pouvez le prendre ». Pour trouver le sac, le groupe doit chercher des indices dans le dĂ©cor sur des affiches de sensibilisation et de prĂ©vention sur le port du prĂ©servatif, le consentement, le respect ou encore le code Angela – toute personne harcelĂ©e ou victime de violences peut se rendre dans les bars ou les commerces affichant l’autocollant « Demandez Angela » et dire « OĂč est Angela ? » pour ĂȘtre prise en charge.

L’espace du laboratoire se rapproche plutĂŽt de la thĂ©matique des assuĂ©tudes. Un comĂ©dien joue le rĂŽle du laborantin. Le groupe arrive avec le sac de Sacha : on y trouve une pomme, un journal de classe, de l’alcool et des petits rĂ©cipients avec des cachets et de la poudre – qui laissent penser que ce sont des stupĂ©fiants. Le groupe doit scanner les codes-barres des rĂ©cipients, et aller chercher les effets recherchĂ©s et indĂ©sirables de chaque substance.

Cet espace permet aussi d’interroger les stĂ©rĂ©otypes de genre. “Certains Ă©lĂšves sont persuadĂ©s que Sacha – un prĂ©nom dĂ©libĂ©rĂ©ment non-genrĂ© – est un garçon, parce que selon eux, “les meufs, ça deale pas”” explique ValĂ©rie LefĂšvre. Tandis que les filles supposent que Sacha est un garçon pour une autre raison, parce que “c’est plus dangereux pour des filles de sortir seules dans un bar”. En gĂ©nĂ©ral, cette remarque fait rĂ©agir les garçons qui n’ont pas forcĂ©ment conscience de ce sentiment d’insĂ©curitĂ© et de la prudence qui s’impose Ă  leurs comparses fĂ©minines.

RĂ©vĂ©ler l’effet de groupe

L’Ă©nigme du skatepark permet aussi d’aborder la diffĂ©rence entre un fait, une opinion et une rumeur, tandis que l’espace du salon vise Ă  mettre en lumiĂšre l’influence des pairs et l’influence sociale, pour montrer comment l’individu rĂ©siste ou non Ă  l’effet de groupe. Certains Ă©lĂšves ont pour consigne de se concentrer sur les Ă©nigmes, tandis que d’autres ont celle de jouer au jeu vidĂ©o et de convaincre les autres de les rejoindre. Ces consignes contradictoires gĂ©nĂšrent des tensions, les participants ne sachant pas qu’ils n’ont pas reçu la mĂȘme, et que leur objectif est diffĂ©rent. 

Enfin, le local technique de la STUP permet de retracer le chemin en mĂ©tro de Nour et Sacha. Ce module travaille les compĂ©tences psychosociales collectives : la coordination, l’écoute, la communication, la prise de dĂ©cisions, la demande d’aide, la gestion de la frustration. “On a eu droit Ă  des disputes aussi bien chez les jeunes que chez les adultes lors des prĂ©-tests, quand l’un d’eux voulait prendre le lead” s’amuse ValĂ©rie LefĂšvre. 

Tout au long du parcours, le groupe est d’ailleurs suivi par un Game Master qui note sur une grille d’observation et d’évaluation les compĂ©tences psychosociales que les jeunes ont activĂ©. 

Un debriefing ascendant qui part des jeunes 

Le debriefing est un temps d’échange avec les jeunes sur base de leur vĂ©cu, leur expĂ©rience. Il s’appuie sur la grille d’observation crĂ©Ă©e pour l’Escape Game et un canevas avec des questions trĂšs ouvertes : Comment ça s’est passĂ© pour vous ? Qu’est-ce qu’il s’est passĂ© finalement entre Nour et Sacha ? Est-ce que vous avez appris des choses ? Comment a fonctionnĂ© votre Ă©quipe ? Est-ce que vous aimeriez recevoir des informations complĂ©mentaires ? Si oui, lesquelles ? Sur quel support (brochure…) ? 

“Ça a Ă©tĂ© plus complexe Ă  construire qu’un simple outil de sensibilisation, car on a construit autour d’eux pour libĂ©rer leur parole sur les reprĂ©sentations et valoriser leurs savoirs expĂ©rientiels” explique Fanny CĂ©phale. 

Des jeunes qui auront dĂ©jĂ  consommĂ©, vont ainsi se mettre en position de pair, et faire part de leurs connaissances. “Ben oui, Sacha a mĂ©langĂ© tel et tel produit, ça se fait pas, c’est super dangereux”. L’expression de leur savoir expĂ©rientiel va rendre le groupe un peu plus omniscient, et permettre aux animateurs d’apporter des complĂ©ments. 

“On a trouvĂ© que les jeunes sont empathiques, ils font plus attention Ă  l’autre et sont plus communautaires que ce que l’on pensait. On peut leur faire confiance,” ajoute ValĂ©rie LefĂšvre. 

Encourager l’esprit de collaboration

Un professeur de 5Ăšme technique sociale confirme aprĂšs coup par Ă©crit que ses Ă©lĂšves “ont apprĂ©ciĂ© la collaboration avec certains camarades qu’ils ne connaissaient pas forcĂ©ment, ça a crĂ©Ă© certaines synergies, affinitĂ©s. Lors du debriefing Ă  l’école, je les ai trouvĂ©s trĂšs enthousiastes, crĂ©atifs et entreprenants. Ils ont pris conscience de certains stĂ©rĂ©otypes et/ou prĂ©jugĂ©s (drogues, mĂ©dicaments, condition de la femme, Ă©ducation) ou de certaines croyances limitantes sur les sujets citĂ©s prĂ©cĂ©demment, l’importance de “bien collaborer et de transmettre des infos pour mieux communiquer et atteindre ensemble un but commun”. 

Le fait de choisir une approche par les CPS, et d’utiliser les thĂ©matiques comme des portes d’entrĂ©e permet de mobiliser des acteurs gĂ©nĂ©ralistes directement en contact avec le public scolaire (PMS, PSE, AMO). Ceux-ci seront spĂ©cialement formĂ©s pour coanimer les phases de jeu et de dĂ©briefing avec les membres du groupe de travail lors de l’installation de B(l)ack Out Ă  Anderlecht. Un guide d’animation leur sera destinĂ©. 

“Sur le terrain, les attentes sont fortes vis-Ă -vis de « B(l)ack Out », explique Fabienne Philippe. Notamment, car les directions d’Ă©cole et les institutions de soutien Ă  la jeunesse cherchaient “des outils capables de susciter l’intĂ©rĂȘt des jeunes pour des sujets sĂ©rieux et dĂ©licats tels que les drogues et leurs usages, tout en restant engageants et Ă©ducatifs. « B(l)ack Out » intĂ©resse aussi les PMS, PSE, et le secteur jeunesse (AMO, Ă©ducateurs de rue, …) pour sa capacitĂ© Ă  faciliter l’engagement de leur public” ajoute-t-elle. 

Le 21 mars, le projet a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© aux acteurs d’Anderlecht, Bruxelles et Saint-Gilles. En fin d’annĂ©e, il le sera aux professionnel.les de toutes les communes bruxelloises, Ă©tant donnĂ© que l’Escape Game est conçu pour ĂȘtre nomade. Les cinq espaces, une fois dĂ©montĂ©s, tiennent dans deux camions et pourront sillonner la rĂ©gion pendant plusieurs annĂ©es.

Contact : 

ValĂ©rie LefĂšvre, responsable de projets au CBPS et rĂ©fĂ©rente du Point d’appui milieu de vie des jeunes (EVRAS) : valerie.lefevre@cbps.be

Fanny CĂ©phale, responsable de projets au CBPS et rĂ©fĂ©rente du Point d’appui en milieu de vie des jeunes (AssuĂ©tudes) : fanny.cephale@cbps.be

Dans le cadre de la lutte contre le harcĂšlement scolaire, la sanction entraĂźne souvent des reprĂ©sailles contre la victime et aggrave la situation. Une nouvelle mĂ©thode d’intervention propose de privilĂ©gier le dialogue dans le but de soutenir la cible et de mettre les intimidateurs prĂ©sumĂ©s en situation de rĂ©paration. Des intervenants Ă©ducatifs s’y forment. Reportage

VĂ©ronique Livet donne des instructions  pendant le jeu de rĂŽle
VĂ©ronique Livet donne des instructions pendant le jeu de rĂŽle (FĂ©vrier 2023 – Clotilde de Gastines)

Au collĂšge Saint-AndrĂ© d’Auvelais, lovĂ© dans un mĂ©andre de la Sambre, des applaudissements et des Ă©clats de rire s’échappent d’une salle de rĂ©union. Treize enseignants, trois psychologues du centre psycho-mĂ©dico-social (PMS) et une Ă©ducatrice dĂ©couvrent la mĂ©thode de la prĂ©occupation partagĂ©e (MPPfr). Elle vise Ă  renforcer leur pouvoir d’agir pour intervenir en cas de harcĂšlement scolaire.  

Cette mĂ©thode permet aux adultes d’agir en systĂ©mie pour dĂ©manteler le systĂšme d’intimidation. BasĂ©e sur les travaux d’Anatol Pika, un psychologue estonien qui a ƓuvrĂ© dans les annĂ©es 70, elle a Ă©tĂ© adaptĂ©e en version francophone par le Centre de Ressources et d’Etudes SystĂ©miques contre les Intimidations Scolaires (RĂ©SIS France), qui a ouvert une antenne en Belgique en 2020. L’intervention consiste Ă  agir sur deux plans : offrir un soutien sans faille de la cible du harcĂšlement, et mobiliser une partie de la classe, y compris les Ă©lĂšves qui prennent part Ă  l’intimidation- et c’est lĂ  que se niche l’originalitĂ© – pour qu’ils changent de comportement. La mĂ©thode permet d’amĂ©liorer l’accompagnement des Ă©lĂšves, notamment ceux qui souffrent d’intimidations, de gĂ©nĂ©rer de l’empathie et de redonner du pouvoir d’agir au corps enseignant.  

Soutenir la victime 

L’heure est aux jeux de rĂŽles entre les participants pour acquĂ©rir ces nouveaux rĂ©flexes d’intervention. Les deux formatrices VĂ©ronique Livet et Isabelle Willot rappellent le scĂ©nario : Jules a demandĂ© Ă  voir un membre de la cellule bien-ĂȘtre de l’établissement, car il dit qu’il se sent mal. Ses anciens amis se sont retournĂ©s contre lui. Depuis plusieurs semaines, il est devenu la cible de moqueries et des brimades quotidiennes.  L’échange avec Jules a Ă©tĂ© aussi long que nĂ©cessaire. “Je te crois, je suis là” sont les mots Ă  prononcer. Ne surtout pas minimiser ou sous-entendre qu’il a une part de responsabilitĂ© dans ce qui lui arrive. AprĂšs ce moment d’écoute, l’intervenant lui explique comment les choses vont se passer si l’élĂšve accepte sa proposition. L’Ă©quipe de la cellule va Ă©valuer la situation, rencontrer ses parents, si nĂ©cessaire, et faire en sorte que les intimidateurs cessent les brimades grĂące Ă  la mĂ©thode de la prĂ©occupation partagĂ©e. « Nous t’invitons Ă  observer les changements d’attitude de tes camarades. Je te propose que l’on se revoie dans une semaine, tu es trĂšs courageux et je reste joignable”. 

En fonction de la situation, les parents de Jules sont reçus. S’ils exigent une sanction disciplinaire, ce qui est souvent un premier rĂ©flexe comprĂ©hensible, il faut leur expliquer avec tact que, loin de mettre fin Ă  l’intimidation, les sanctions ont tendance Ă  fĂ©dĂ©rer le groupe d’intimidateurs et Ă  mettre en danger l’élĂšve-cible qui pourrait ĂȘtre victime de reprĂ©sailles. S’il devait y avoir une sanction, celle-ci est mise en suspens le temps de l’intervention de la cellule qui prend 3 Ă  4 semaines. 

Placer les intimidateurs en situation de rĂ©paration 

AprĂšs ce rappel des faits, trois participants se portent volontaire pour jouer la seconde Ă©tape : un enseignant va recevoir des Ă©lĂšves – certains ont pris part Ă  l’intimidation, d’autres peuvent devenir des aidants. Pour cette impro, Vanessa, professeure de sciences endosse le rĂŽle de l’enseignante impliquĂ©e dans la cellule bien-ĂȘtre. Elle doit accorder trois minutes maximum par Ă©lĂšve. Guillaume, psychologue au centre PMS campe “Thomas”, un garçon un peu craintif. Sa professeure de chimie accueille “Thomas” Ă  la porte et lui propose de s’assoir en face d’elle. 

“Bonjour Thomas, merci d’avoir rĂ©pondu Ă  mon invitation, je voulais parler avec toi, parce que je me prĂ©occupe de Jules, il n’a pas l’air trĂšs bien pour le moment Ă  l’école, et je voulais savoir si tu l’avais remarquĂ© toi aussi”. Thomas confirme “ben avec ce qu’il se prend tous les jours, moi non plus j’irais pas bien”. La prĂ©occupation Ă©tant partagĂ©e, vient la proposition d’engagement : “ j’aimerais mettre des choses en place pour l’aider. J’ai vu plusieurs personnes de ta classe dĂ©jĂ . Est-ce que tu crois que toi aussi tu pourrais faire quelque chose pour m’aider Ă  ce que la situation s’amĂ©liore ?”  

Thomas rechigne, mais semble soulagĂ© par le fait qu’il ne soit pas question de sanction et qu’il ne soit accusĂ© de rien. “Ben, j’veux pas trop me mouiller, ils ont dit quoi les autres ?” L’interlocutrice explique que leur Ă©change est confidentiel, ce qui semble rĂ©duire Ă  nĂ©ant les rĂ©ticences du jeune homme. Thomas propose de “dire bonjour Ă  Jules”. Cela semble tout Ă  coup si simple : “mais discrĂštement pour pas que Kylian me voie”. L’interlocutrice le remercie : “Ok, super, je compte sur toi alors. Je te remercie, ça m’aide beaucoup. Je te propose qu’on se revoie dans une semaine, mĂȘme lieu, mĂȘme heure pour faire le point. D’ici lĂ , tu es attentif Ă  l’état de Jules, et tu fais ce que tu as dit. Tu peux aller me chercher Kylian s’il te plait ?”. 

Natacha, professeure de français en filiĂšre professionnelle se porte volontaire pour jouer le rĂŽle de “Kylian”, l’intimidateur en chef. Cet Ă©corchĂ© vif doit donner du fil Ă  retordre Ă  Vanessa. “Bonjour Kylian, merci d’avoir…”, Kylian l’interrompt aussi sec : “Eh madame, pourquoi Thomas, il dit que j’ai dĂ©connĂ© ?”. Elle le recadre. “On n’est pas lĂ  pour parler de toi, on est lĂ  pour parler de Jules, aujourd’hui je suis prĂ©occupĂ©e parce qu’il me semble qu’il ne va pas bien.” Kylian joue la provocation : “mais non, Jules y va trĂšs bien, il y en a que pour lui, il fait sa star, mais moi, je le connais depuis le primaire, c’est une fouine ce gars-lĂ …” La prof garde son sang-froid : “ok, c’est ton avis, mais ce n’est pas le sujet”. Son rĂŽle est d’amener l’intimidateur Ă  apaiser la situation mĂȘme s’il le fait avec des pieds de plomb, et donc d’insister : “je t’ai demandĂ© de venir parce que Jules ne va pas bien, comme tu l’as constatĂ©, j’ai vu plusieurs personnes de ta classe, pour leur demander de m’aider car je suis vraiment prĂ©occupĂ©e par sa situation et certains se sont engagĂ©s Ă  me donner un coup de main.” Kylian la coupe et lĂšve le ton : “j’m’en fous moi de Jules, j’le calcule pas, je vais le ghoster, il verra ce que ça fait. Moi tout le monde s’en fout de moi !” 

Sang froid et coup de chaud 

MalgrĂ© la tension, l’intervenante garde son calme, tandis que l’assemblĂ©e retient son souffle. Au cours de l’échange VĂ©ronique Livet brandit une ardoise avec des suggestions de jeu. Vanessa formule une hypothĂšse : “Au contraire, je crois que les autres t’écoutent beaucoup et que tu peux m’aider, je te propose d’y rĂ©flĂ©chir, tu peux retourner en classe”. Kylian s’insurge : “eh, mais moi j’ai pas fini, j’ai encore envie de parler là”. Elle met fin Ă  l’entretien, car elle n’a pas obtenu le “point de rupture” de l’intimidateur, c’est-Ă -dire la prĂ©occupation, qui pourrait indiquer qu’il est prĂȘt Ă  basculer dans un rĂŽle de rĂ©paration. Kylian semble tout de mĂȘme s’engager Ă  ignorer Jules, ce qui pourrait signifier que les brimades vont s’arrĂȘter – la premiĂšre urgence. Elle prend aussi note que Kylian a peut-ĂȘtre besoin de confier des choses aussi, elle lui proposera plus tard de l’orienter vers le centre PMS. 

Chaque jeu de rĂŽle fait l’objet d’un debriefing. Le dernier Ă©change a fait forte impression. Vanessa qui jouait la professeure confie qu’elle a eu beaucoup de mal Ă  garder son calme face Ă  “Kylian”. Contenir sa colĂšre l’a rendue fĂ©brile et elle retourne toute tremblante Ă  sa place. Les formatrices la rassurent. MĂȘme si l’intimidateur ne veut pas bouger, le groupe bouge, ce qui redĂ©finit la place de chacun, y compris celle de l’intimidateur en chef, selon le principe de la systĂ©mie. 

Natacha qui jouait le rĂŽle de Kylian explique que le calme olympien de Vanessa l’a vraiment dĂ©contenancĂ©e. “C’est dĂ©stabilisant d’avoir en face de toi quelqu’un qui t’écoute vraiment et d’avoir l’impression que tu comptes. C’est difficile de rester en mode “taureau”! » s’exclame-t-elle enthousiaste, alors qu’elle Ă©tait arrivĂ©e trĂšs sceptique sur la mĂ©thode. “Si nous en tant qu’adulte, on se fait happer dans cette spirale de bienveillance en cinq minutes, pour un gamin de 12 ans, qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez, ça en prendra deux”. 

“Je te fais confiance pour que cela change” 

VĂ©ronique Livet, l’une des deux formatrices, rompue Ă  l’exercice, confirme : “les Ă©lĂšves, quand on leur tend une perche, en gĂ©nĂ©ral, ils la saisissent”. Avec sa collĂšgue, elles travaillaient auparavant en prĂ©vention dans un service de la Province de LiĂšge, et utilisaient dĂ©jĂ  la MPP sur des interventions de crise. “Dire Ă  un enfant : “je te fais confiance pour que cela change”, ça marque, ce sont parfois des mots qu’il entend pour la premiĂšre fois” prĂ©cise-t-elle.  

Comme le groupe construit et dĂ©construit la dynamique de harcĂšlement, la mĂ©thode consiste Ă  mener ce type d’entretiens stratĂ©giques trĂšs codifiĂ©s Ă  J+1, J+7 et J+14, voire J+21. “Le fait de voir 6 ou 7 Ă©lĂšves, un tiers d’une classe ou du groupe de vie permet d’avoir une “masse critique” pour inverser la vapeur. Ce qui compte c’est l’addition des engagements, tout acte, mĂȘme celui qui paraĂźt minime” prĂ©cise Isabelle Willot. 

Etonnamment ces conversations ne reviennent pas sur les faits ou sur les responsabilitĂ©s de l’un ou de l’autre, mais elles permettent d’agir dans l’urgence pour mettre fin aux brimades, tout en offrant une porte de sortie honorable aux intimidateurs prĂ©sumĂ©s qui en viennent Ă  partager la prĂ©occupation de l’adulte pour celui qui va mal. “Avec la MPP, l’élĂšve-cible n’est plus tout seul, on rĂ©pare, ça aura un impact majeur sur sa santĂ© mentale et physique et sur toute la dynamique de groupe au passage” ajoute VĂ©ronique Livet. 

“Des Kylian j’en ai rencontrĂ©. Et puis il y a tellement d’élĂšves qui vivent des choses terribles Ă  la maison, qui n’ont pas de sas, ni de rĂ©pit, alors ça s’exprime dans l’agression contre eux-mĂȘmes, ou contre les autres”, constate Audrey, une des participantes qui enseigne le français. 

“Clairement, cette mĂ©thode fonctionnerait avec nos Ă©lĂšves”, ajoute CĂ©line. Cette professeure de nĂ©erlandais en filiĂšre professionnelle concĂšde qu’elle a souvent eu tendance Ă  ĂȘtre frontale avec les Ă©lĂšves intimidateurs. “J’usais de mon pouvoir de sanction, jamais il ne me serait venu Ă  l’esprit de leur dire : “vas-y, je t’écoute, j’ai besoin de toi pour amĂ©liorer la situation””. 

Une mise en place progressive et Ă©prouvĂ©e 

Les concepteurs de la mĂ©thode (voir ci-dessous) insistent sur un point : les conditions de rĂ©ussite de la mĂ©thode reposent sur la constitution d’une Ă©quipe stable dans le temps, le soutien du chef d’établissement et la politique de vie scolaire. Ici, c’est un choix de l’établissement. Chaque participant pourra se porter volontaire pour animer la future cellule bien-ĂȘtre qui se crĂ©era sur son implantation – l’Ă©tablissement en compte trois. 

En 2020, le service AMO avait demandĂ© Ă  la direction de crĂ©er une premiĂšre cellule sur l’implantation de Fosses-la-ville, qui accueille 170 Ă©lĂšves de la 1Ăšre Ă  la 7Ăšme. BaptisĂ©e “la Bulle d’air”, celle-ci a fait ses preuves. “Elle a Ă©tĂ© mobilisĂ©e deux fois pour des cas de harcĂšlement et plus souvent pour amĂ©liorer l’ambiance de classe, quand on percevait des signaux faibles de dĂ©gradation, explique AngĂ©lique ThĂ©rĂšre, Ă©ducatrice. On n’attend pas qu’il y ait une hĂ©catombe avant de soigner. Les Ă©lĂšves savent que la cellule existe, parfois les grands viennent nous voir car ils remarquent qu’un plus jeune ne va pas trĂšs bien. L’empathie Ă©merge doucement”. 

En septembre dernier, la direction a donc proposĂ© une deuxiĂšme vague de formation pour les volontaires. “C’est comme si la direction avait affrĂ©tĂ© un train et qu’on n’avait qu’à monter et s’assoir dans le wagon”, dit Audrey Gilson, professeure de sciences.  

Le dernier jeu de rĂŽle, met en scĂšne Thomas, qui faisait partie des Ă©lĂšves intimidateurs Ă  J+14. Thomas n’a pas rĂ©ussi Ă  dire bonjour Ă  Jules, de peur de provoquer la colĂšre de Kylian. Il raconte que Kylian ignore Jules. La situation semble plus sereine, mais les adultes devront s’assurer qu’elle se stabilise dans le temps. Jules semble moins seul, “d’ailleurs hier, je crois bien qu’il a souri”. Une petite victoire pour l’équipe. Empowerment 1 : HarcĂšlement 0. 

Le harcÚlement scolaire en Belgique : une obligation légale pour les établissements

Depuis septembre 2023, un dĂ©cret dĂ©finit le cadre de l’amĂ©lioration du climat scolaire et de la prĂ©vention du harcĂšlement et du cyberharcĂšlement scolaires. Il incombe en particulier Ă  la direction de l’Ă©tablissement et Ă  l’Ă©quipe Ă©ducative d’établir “une procĂ©dure de signalement interne Ă  l’Ă©cole et de prise en charge des situations de harcĂšlement et de cyberharcĂšlement scolaires”. Celle-ci vise Ă  dĂ©tecter les situations, de harcĂšlement et de cyberharcĂšlement scolaires, Ă  orienter les Ă©lĂšves concernĂ©s et Ă  traiter les situations dĂ©tectĂ©es, en fonction des compĂ©tences disponibles et/ou de la gravitĂ© de la situation, au sein de l’Ă©cole ou avec des intervenants externes. 

La MPPfr : une mĂ©thode systĂ©mique et non-blĂąmante 

En France, plus de 80 000 fonctionnaires de l’Education Nationale ont Ă©tĂ© formĂ©s Ă  la mĂ©thode de la prĂ©occupation partagĂ©e. Mise au point en 2012 par Jean-Pierre Bellon et Marie Quartier, la mĂ©thode a Ă©tĂ© intĂ©grĂ©e dans le plan français de lutte contre le harcĂšlement scolaire (pHARe) lancĂ© en 2019 par le MinistĂšre de l’Education Nationale. Selon une Ă©valuation menĂ©e cette annĂ©e-lĂ  auprĂšs de 487 fonctionnaires formĂ©s dans l’AcadĂ©mie de Versailles, elle a permis de rĂ©soudre 82% des situations d’intimidation.

DĂ©couvrir la mĂ©thode sur le site du Centre de ressources et d’études systĂ©miques contre les intimidations scolaires (RĂ©SIS)

Contacter le centre RĂ©SIS Belgique : centreresis.belgique@gmail.com 

DĂ©couvrez les formations en Belgique

ProblĂšme de communication, faible niveau de littĂ©ratie, manque d’accĂšs aux soins de base et dĂ©fiance envers le corps mĂ©dical. Les femmes dĂ©tenues pĂątissent de multiples insuffisances. Un rapport leur donne voix au chapitre. 

parle avec elle couverture du rapport

Si l’incarcĂ©ration est Ă©videmment difficile pour toute personne, les femmes incarcĂ©rĂ©es peuvent rencontrer des difficultĂ©s supplĂ©mentaires comparĂ©es Ă  celle des quartiers pour hommes. I.Care a choisi de rendre publique la parole de 17 femmes incarcĂ©rĂ©es ou qui ont connu la prison. Elles relatent le choc de l’entrĂ©e en prison, l’impossible intimitĂ©, la faible qualitĂ© des soins, notamment gynĂ©cologiques ou obstĂ©triques, les difficultĂ©s Ă  maintenir des relations familiales, et surtout le manque d’activitĂ©s qui sont plus nombreuses dans les quartiers pour hommes. 

IntitulĂ© Parle avec elles, ce document paru en juillet 2023 permet de cerner les rĂ©alitĂ©s et les dĂ©fis auxquels sont confrontĂ©es les femmes placĂ©es derriĂšre les barreaux et confortent les constats que I.Care fait quotidiennement dans son travail en prison. Non-prise en compte de la douleur, report des soins, ou actes de mauvaise qualitĂ©. L’insuffisance de soins de santĂ© en prison a des consĂ©quences graves sur la santĂ© physique et mentale des femmes. Les problĂšmes de santĂ© non traitĂ©s ou mal gĂ©rĂ©s peuvent s’aggraver, entraĂźnant des complications et une dĂ©tĂ©rioration de l’état de santĂ© gĂ©nĂ©ral. De plus, le manque de confiance dans le systĂšme de santĂ© en prison peut avoir un impact nĂ©gatif sur la motivation des femmes Ă  faire les dĂ©marches nĂ©cessaires afin de recevoir les soins dont elles ont besoin. Au point que certaines attendent leur libĂ©ration pour faire un bilan mĂ©dical. 

“Ici, Ă  ma sortie, j’ai fait un check-up mĂ©dical. DĂšs que j’ai des nouvelles de la mutuelle, et ça fait trois semaines que je suis sortie et ça prend du temps, mais on me fait une prise de sang et tout ça, et on met tout en route. Je rattrape le retard de prise en charge de la prison quoi. J’ai un problĂšme Ă  la thyroĂŻde qui n’a jamais Ă©tĂ© suivi en prison, donc je suis occupĂ©e maintenant Ă  refaire tous les examens pour voir quand est ce qu’on va m’opĂ©rer. Ce qui aurait pu ĂȘtre fin 2019 quand ils ont eu le rapport du mĂ©decin, mais… Non, ils ont juste rĂ©pondu que j’étais qu’un cas de prison donc...” (Juliette*) 

Le psychotrauma en hĂ©ritage 

Le rapport souligne aussi une rĂ©alitĂ© souvent mĂ©connue : les femmes incarcĂ©rĂ©es sont non seulement des auteures d’infractions, mais aussi souvent des victimes de divers traumas. Comme le dit Mia*, une des participantes : “Ma mĂšre, j’étais son punchingball. On m’a pas appris Ă  parler aux enfants, parce que moi on m’a jamais parlĂ©. On me frappait, ou on m’insultait, on me parlait pas”. Leur parcours est souvent marquĂ© par des violences et expĂ©riences traumatisantes qui ont pu influencer les actes menant Ă  une incarcĂ©ration. Le passage en prison peut reprĂ©senter un nouveau dĂ©part et/ou un moment de rĂ©pit dans une vie de violences pour de nombreuses femmes, mĂȘme s’il apporte Ă©galement son lot de dĂ©fis et de difficultĂ©s. Les tĂ©moignages rĂ©coltĂ©s laissent Ă  penser que l’incarcĂ©ration devrait ĂȘtre une opportunitĂ© de soin pour des personnes vulnĂ©rables, elle devrait ĂȘtre Ă©galement une opportunitĂ© d’aide Ă  la (re)construction et Ă  la capacitĂ© d’agir pour ces femmes. 

En effet, les Ă©changes ont permis de constater, que les personnes dĂ©tenues disposent d’une trĂšs faible littĂ©ratie en santĂ©, ce qui impacte fortement leurs accĂšs aux soins et alimente la dĂ©fiance envers le personnel soignant. De nombreuses femmes peuvent prĂ©senter des difficultĂ©s d’accĂšs Ă  l’information mĂ©dicale et de comprĂ©hension de celle-ci. Cela peut ĂȘtre difficile pour elles de comprendre les instructions mĂ©dicales, les traitements prescrits ou les informations sur leur Ă©tat de santĂ©. Cette limitation peut entraver la communication avec les professionnel·les de santĂ© et compromettre les rĂ©sultats des soins. 

Que demande I.Care ? 

I.Care demande de financer et renforcer les actions de promotion de santĂ© en prison pour permettre un accompagnement individuel, collectif et communautaire agissant sur les dĂ©terminants sociaux de la santĂ©. Une mission spĂ©cifique EVRAS devrait ĂȘtre confiĂ©e Ă  des centres de planning familial. 

Il est essentiel d’adopter une approche holistique respectueuse des dimensions de genres dans les politiques et pratiques pĂ©nitentiaires, en prenant notamment en compte leurs besoins en santĂ© sexo-spĂ©cifiques mais Ă©galement les expĂ©riences de violences et de traumatismes qu’elles ont pu vivre avant leur incarcĂ©ration.  

Cela implique la sensibilisation et la formation continue des professionnel·les du systĂšme pĂ©nal sur les problĂ©matiques spĂ©cifiques aux femmes en prison. Il est Ă©galement crucial de permettre aux femmes dĂ©tenues victimes de violences d’accĂ©der Ă  des services spĂ©cialisĂ©s dotĂ©s de moyens suffisants, notamment des thĂ©rapies individuelles et de groupe axĂ©es sur la guĂ©rison des traumatismes et le renforcement de l’estime de soi. 

A ce titre, vous pouvez consulter la note : « Faire entrer en prison des structures d’accompagnement pour les femmes victimes de violences basĂ©es sur le genre »

Enfin, il est essentiel d’inclure le milieu carcĂ©ral dans la politique de prĂ©vention des violences. Cela doit passer par la mise en place de programmes pour les hommes et les femmes dĂ©tenu∙es mais aussi par la mise en Ɠuvre de mesures de protection spĂ©cifiques pour les femmes qui craignent des reprĂ©sailles ou des violences, afin de garantir la continuitĂ© des prises en charge aprĂšs leur sortie de prison. 

Retrouvez le rapport complet en pdf  

Chiffres-clĂ©s :  

La Belgique vient de passer le cap des 12 000 personnes dĂ©tenues.  

Parmi elles, 4% sont des femmes et 96% sont des femmes. 

La durĂ©e moyenne d’incarcĂ©ration est de 9,9 mois 

(source : https://www.prison-insider.com/fichepays/belgique-2023)

La Chaire interdisciplinaire de recherche Be.Hive prĂ©sente ses travaux sur deux communautĂ©s de pratiques (CoPs) – des groupes d’individus qui partagent un domaine d’intĂ©rĂȘt et qui cherchent Ă  apprendre les uns des autres par des interactions rĂ©guliĂšres et l’expĂ©rience de leur pratique. Des dispositifs sont particuliĂšrement prometteurs en ce qui concerne l’approche en santĂ© communautaire.

L’approche en santĂ© communautaire se dĂ©finit comme : un processus ayant une vision plurifactorielle de la santĂ©, qui entreprend le dĂ©veloppement d’actions de prĂ©vention et de promotion de la santĂ© Ă  travers la participation de groupes de personnes affiliĂ©es sur un territoire, dans une perspective de justice sociale, par la rĂ©alisation de changements structurels (environnementaux et comportementaux), en vue d’amĂ©liorer la santĂ© de la communautĂ© et de ses membres (2). Cette approche connait actuellement un regain d’intĂ©rĂȘt tant du cĂŽtĂ© wallon que bruxellois (3).  

Deux hommes ùgés tricotent

Dans le cadre des CoPs, nous avons choisi de mettre l’accent non pas uniquement sur les actions qui la constituent, mais plutĂŽt sur les caractĂ©ristiques partagĂ©es par les dispositifs de santĂ© communautaire (4) (5). De facto, cette vision vise Ă  Ă©pouser Ă  la fois les attentes et le rythme du public afin qu’il ne soit plus uniquement bĂ©nĂ©ficiaire du service, mais Ă©galement contributeur, en s’enrĂŽlant plus « activement » dans la relation de soins et d’aide. 

En 2020, une Ă©tude a Ă©tĂ© menĂ©e dans le cadre des travaux de Be.hive sur les pratiques de santĂ© communautaire auprĂšs des professionnels de la premiĂšre ligne de soins et d’aide. Celle-ci a notamment mis en Ă©vidence un dĂ©sĂ©quilibre dans les principes d’action sensĂ©s guider la santĂ© communautaire et des Ă©carts entre les pratiques annoncĂ©es et les pratiques effectives sur le terrain, laissant supposer des difficultĂ©s dans la mise en Ɠuvre (6). Cette Ă©tude avait Ă©galement permis aux professionnels d’exprimer le besoin de pouvoir Ă©changer sur leurs pratiques. C’est dans ce contexte que Be-Hive, en collaboration avec les Centres locaux de promotion de la santĂ© (CLPS), a dĂ©veloppĂ© en 2021 deux CoPs autour de la santĂ© communautaire : l’une sur l’arrondissement de LiĂšge et l’autre sur celui de Namur.  

À partir d’une analyse thĂ©matique de contenu des premiĂšres sĂ©ances de ces CoPs, voici quelques rĂ©flexions portant sur les paradoxes ou dĂ©fis exprimĂ©s par les professionnels dans la mise en Ɠuvre des pratiques de santĂ© communautaire, mais aussi les leviers ou stratĂ©gies qu’ils ont dĂ©veloppĂ©s pour y faire face (7) (8).  

La santĂ© communautaire, comme rĂ©ponse stratĂ©gique aux enjeux de santĂ© publique 

Cette vision de la santĂ© communautaire est soutenue par les professionnels qui participent aux CoPs et qui sont convaincus des avantages de l’approche pour rĂ©pondre aux attentes d’un public sur un territoire dĂ©limitĂ©, tout en Ă©tant un levier important pour dĂ©passer les limites d’un systĂšme actuel encore fortement imprĂ©gnĂ© du modĂšle biomĂ©dical : « trĂšs vite, dans les consultations individuelles, les mĂ©decins se sont rendus compte qu’il y avait des problĂ©matiques sur lesquelles ils n’arrivaient pas Ă  avancer, parce que les causes n’Ă©taient pas individuelles et qu’il fallait agir sur les conditions de vie (InfirmiĂšre, Service d’aide aux personnes en situation de mal logement, CoP de Namur). » 

Paradoxe et dĂ©fis liĂ©s Ă  la mise en Ɠuvre des pratiques de santĂ© communautaire  

Les CoPs confirment le dĂ©calage qui subsiste entre cette vision idĂ©ale et la rĂ©alitĂ© effective oĂč cette pratique de santĂ© communautaire reste difficile Ă  concrĂ©tiser de maniĂšre systĂ©matique et diffuse, compte tenu Ă  la fois du paysage peu structurĂ© de la santĂ© communautaire et de la difficultĂ© de trouver sa place en tant qu’approche Ă  l’intĂ©rieur d’une organisation.  

DĂšs lors, un certain paradoxe peut s’observer avec d’une part l’approche curative qui peut se montrer restrictive dans sa rĂ©ponse aux dĂ©fis de santĂ©, et d’autre part la reconnaissance dĂ©ficitaire de la santĂ© communautaire comme une option valable et faisable. Les participants des CoPs ont pu dĂ©ployer des stratĂ©gies variĂ©es pour faire face Ă  ces diffĂ©rents dĂ©fis.  

En quĂȘte de lĂ©gitimitĂ©  

Les diffĂ©rentes actions constitutives de la santĂ© communautaire sont rĂ©alisĂ©es pour rĂ©pondre aux besoins spĂ©cifiques et pluriels du public et dĂ©passer un systĂšme qui priorise encore le biomĂ©dical. « Une des difficultĂ©s concrĂštes, c’est d’impliquer l’équipe dans la dĂ©marche en santĂ© communautaire, d’ĂȘtre convaincu que le collectif est important. Mais concrĂštement, l’implication est parfois dĂ©licate, car certains professionnels sont noyĂ©s par les besoins curatifs (
) » (InfirmiĂšre, centre de santĂ© intĂ©grĂ©, CoP de LiĂšge).  La vision classique de type biomĂ©dical restant dominante tant pour les structures liĂ©es aux soins que pour leurs partenaires « hors soins » ; la santĂ© communautaire semble demeurer encore mĂ©connue ou incomprise pour la plupart des professionnels de santĂ©, notamment en ce qui concerne l’approche  globale de la santĂ© qui fait appel Ă  de l’intersectorialité : « Nous on travaille beaucoup avec le secteur culturel (
) et c’est vrai qu’il y a encore des rĂ©actions du style « ouh la santĂ©, ça nous regarde pas » » (animatrice en santĂ© communautaire, CoP de Namur).  

Les professionnels « convaincus » doivent ainsi faire face Ă  des rĂ©actions dubitatives qui remettent cette approche en question. La question de la reconnaissance et d’une certaine maniĂšre de la lĂ©gitimitĂ© de la santĂ© communautaire revient souvent dans les Ă©changes lors des CoPs : « C’est vrai que moi je suis convaincue de l’intĂ©rĂȘt de la santĂ© communautaire. Mais voilĂ , on est dans une Ă©quipe pluridisciplinaire oĂč le contact individuel est quand-mĂȘme majoritaire. Et il faut pouvoir vendre la santĂ© communautaire.  Donc participer aux CoPs c’est permettre d’amener des preuves (
) face Ă  des professionnels qui sont un peu scientifiques, et montrer que la santĂ© communautaire a vraiment sa place en maison mĂ©dicale » (InfirmiĂšre en maison mĂ©dicale, CoP de LiĂšge).  

Ces professionnels en arrivent Ă  devoir ainsi combiner l’approche en santĂ© communautaire avec cette rĂ©alitĂ© de terrain, en utilisant des procĂ©dures classiques telle qu’une prescription mĂ©dicale afin d’apporter une certaine lĂ©gitimitĂ© Ă  leurs actions, non seulement de la part des professionnels, mais Ă©galement de la part des patients : « C’est l’idĂ©e de prescrire de la santĂ© communautaire (
) Il y a la possibilitĂ© pour le mĂ©decin de prescrire d’aller marcher, d’aller Ă  l’atelier tricot. Et du coup, le patient se dit : « Ah mon mĂ©decin me prescrit ça, c’est que donc  » (InfirmiĂšre, Maison mĂ©dicale, CoP de LiĂšge). » 

Une autre stratĂ©gie dĂ©veloppĂ©e par certains professionnels pour gagner en lĂ©gitimitĂ© a consistĂ© en la rĂ©alisation d’un diagnostic communautaire. Celui-ci permet d’identifier les besoins bio-psycho-sociaux de la population sur un territoire donnĂ©. L’ensemble des parties prenantes contribue Ă  la dĂ©marche, la lĂ©gitimant pour elle-mĂȘme, mais aussi vis-Ă -vis de l’extĂ©rieur : « Un premier diagnostic communautaire a Ă©tĂ© menĂ© dans les annĂ©es 2005-2006 (
) c’est ce qui a permis Ă  la maison mĂ©dicale de gagner en lĂ©gitimitĂ© auprĂšs des autres partenaires puisqu’elle a vraiment appelĂ© tous les acteurs Ă  participer Ă  ce diagnostic et auprĂšs des habitants.» (Animatrice en santĂ© communautaire, maison mĂ©dicale, CoP de Namur). RĂ©alisĂ© avec les personnes concernĂ©es par la problĂ©matique, le diagnostic communautaire apporte aussi, comme autres bĂ©nĂ©fices, un potentiel certain d’autodĂ©termination Ă  ce public et rejaillit sur la mise en Ɠuvre des pratiques de santĂ© communautaire.  

En complĂ©ment des stratĂ©gies Ă©manant directement des professionnels, la participation aux CoPs peut Ă©galement ĂȘtre perçue comme un moyen indirect d’amener une certaine reconnaissance de la santĂ© communautaire : « Je trouve que ce genre de comitĂ© pourrait peut-ĂȘtre nous aider Ă  ĂȘtre encore plus convaincant vis-Ă -vis des collĂšgues et amener des arguments pour dire que ça vaut la peine d’en faire » (Responsable rĂ©seau multidisciplinaire local, CoP de Namur).   

MultiplicitĂ© des rĂŽles dans la mise en Ɠuvre de la santĂ© communautaire 

Afin de dĂ©velopper des pratiques de santĂ© communautaire, deux approches diffĂ©rentes peuvent s’observer au sein des organisations : soit elles attribuent ce rĂŽle Ă  une personne en particulier, soit elles le font Ă  travers l’implication de tous les professionnels de leur organisation. Ce type de fonctionnement est parfois perçu comme un avantage, selon certains participants, de pouvoir plus facilement concerner et impliquer l’ensemble de l’équipe : « Le fait qu’il n’y ait pas quelqu’un qui soit vraiment habilitĂ© Ă  faire la santĂ© com’, permet que tout le monde en fasse dans l’Ă©quipe, ça motive et tout le monde a envie de dĂ©velopper des projets » (InfirmiĂšre, centre de santĂ© intĂ©grĂ©, CoP de LiĂšge). 

Cependant, afin de concrĂ©tiser ces actions, les professionnels doivent bien souvent dĂ©ployer un surplus de temps, de travail et d’énergie : « Je trouve qu’il y a un manque de moyens pour assurer cette fonction de santĂ© communautaire. On fait un peu du bricolage pour ce concept qui est de fait un peu nĂ©buleux. (
) Moi, j’ai quatre heures pour coordonner. » (InfirmiĂšre en maison mĂ©dicale, CoP de LiĂšge).  « Ce qui manque souvent, c’est qu’on n’est pas des cracs en communication (
). Parce qu’on n’a pas toujours le temps non plus de faire ça, ni les compĂ©tences. » (InfirmiĂšre dans un centre de soins intĂ©grĂ©s, CoP de LiĂšge).  

Ce surplus semble inhĂ©rent Ă  l’addition, voire Ă  la multiplication de rĂŽles (9). De fait, crĂ©er un diagnostic communautaire, co-gĂ©rer une activitĂ© participative, co-construire des partenariats avec des acteurs du rĂ©seau, crĂ©er des outils de communication ou d’autres types d’actions sont autant d‘activitĂ©s sociales spĂ©cifiques ayant leurs propres cadres, et donc leurs propres rĂŽles. Or ces activitĂ©s peuvent ĂȘtre effectuĂ©es par le mĂȘme professionnel au sein de la mĂȘme organisation. En plus du statut qui lui est assignĂ© contractuellement, il est amenĂ© Ă  occuper plusieurs rĂŽles qui s’emboĂźtent les uns dans les autres au grĂ© des activitĂ©s qui s’enchĂąssent (9), à l’image de cette psychologue qui, en plus de son travail thĂ©rapeutique, se retrouve Ă  organiser une donnerie et Ă  bricoler du bois : « Les adultes du club thĂ©rapeutique ont souhaitĂ© crĂ©er une donnerie.  Et lĂ , on a mis en place un espace de dressing mobile avec la rĂ©cupĂ©ration des bois de palettes qu’on fait depuis des annĂ©es, et donc on l’a construit avec eux. » (Psychologue, service de santĂ© mentale, COP Namur).   

Cette multiplication des rĂŽles reflĂšte aussi, in fine, le flou conceptuel constitutif de ce que signifie « santĂ© communautaire ». Dans le cadre de notre recherche, nous sommes partis d’une dĂ©finition multidimensionnelle et dynamique qui prĂ©sentait une certaine ouverture Ă  une sĂ©rie de pratiques correspondantes. Mais les participants eux-mĂȘmes expriment cette notion comme Ă©tant fort abstraite et nĂ©buleuse : « En fait, je comprends l’envie, le besoin d’avoir une dĂ©finition. Parce c’est vrai que quand des collĂšgues qui ne sont pas initiĂ©s Ă  la santĂ© communautaire me demandent comment je la dĂ©finirais, c’est vrai que c’est compliquĂ©. » (infirmiĂšre en maison mĂ©dicale, CoP de LiĂšge). « Quand on parle de la santĂ© communautaire, on ne parle pas toujours de la mĂȘme chose. C’est frustrant, on est un peu perdu. » (InfirmiĂšre en maison mĂ©dicale, CoP de Namur).  

Ce flou conceptuel entraĂźne de ce fait une difficultĂ© pour partager et communiquer ce type d’approche auprĂšs d’autres professionnels, ce qui peut Ă  terme freiner une certaine diffusion des pratiques.  

MĂȘme du cĂŽtĂ© de la littĂ©rature scientifique, il parait difficile de se fixer sur une dĂ©finition univoque de la santĂ© communautaire. D’ailleurs, Didier Jourdan l’un des rĂ©fĂ©rents en la matiĂšre, souligne que ce concept renvoie plutĂŽt Ă  « une large diversitĂ© de rĂ©alitĂ©s ». (10). Cela a comme consĂ©quence de rendre instable le processus d’identification en tant que praticien de la santĂ© communautaire.  

Conclusion  

Ces retours d’expĂ©rience de CoPs mettent clairement en Ă©vidence certains paradoxes et dĂ©fis exprimĂ©s par les professionnels de terrain. Certaines stratĂ©gies ont dĂ©jĂ  pu ĂȘtre mises en Ă©vidence.  

La poursuite de cette recherche sur les sĂ©ances suivantes permettra de continuer cette identification et de renforcer les Ă©changes de pratiques dans les CoPs. Une des perspectives est de voir comment les CoPs peuvent aider Ă  amĂ©liorer les pratiques en intĂ©grant l’approche en santĂ© communautaire au sein du systĂšme de santĂ© et de gagner en reconnaissance, ce qui semble notamment possible par l’intermĂ©diaire de l’effet de duplication de connaissances que produisent les CoPs auprĂšs des membres. 

RĂ©fĂ©rences  

1. Wenger E, Trayner B, de Laat M. Promoting and assessing value creation in communities and networks : A conceptual framework. Heerlen (NL); 2011.  

2. Committee C and TSA (CTSA) CCEKF. Principles of Community Engagement. NIH Publication No. 11-7782. 2011.

3. Negrel F, Michel N, Boland Z, DĂ©jou F,DĂ©marches communautaires : l’introspection dĂ©gage de nouvelles perspectives, Education SantĂ© 2023 n°403  

4. Chartier IS, Blanchet V, Provencher MD. Activation comportementale et dĂ©pression : une approche de traitement contextuelle. Sante Ment Que. 2020;38 (2):175–94.  

5. Transnational Forum on Integrated Community Care. Input paper on Integrated Community Care. 2019.

6. Kirkove D, Voz B, PĂ©trĂ© B. Renforcer la premiĂšre ligne de soins. SantĂ© ConjuguĂ©e. 2021;96:7–9.

7. Prost M, Fernagu-Oudet S. L’apprenance au prisme de l’approche par les capabilitĂ©s. Éducation Perm. 2016;(207i(2)).  

8. PaillĂ© P, Mucchielli A. L’analyse qualitative en sciences humaines et sociales. 4Ăšme Ă©diti. Colin A, editor. 2016.

9. Cefai D, Gardella E. Comment analyser une situation selon le dernier Goffman ? De Frame Analysis Ă  Forms of Talk. Erving Goffman et l’ordre de l’interaction. 2012;233–65.  

10. Jourdan D. Quarante ans aprĂšs , oĂč en est la santĂ© communautaire ? Community health : where do we stand after forty years ? Sante Publique (Paris). 2012;24(2):165–78.

AprĂšs deux ans de concertation, les acteurs bruxellois qui mettent en Ɠuvre des dĂ©marches communautaires en santĂ© publient une synthĂšse de leurs Ă©changes. Une Ă©tape-clĂ© pour mettre Ă  plat les concepts et les repĂšres mĂ©thodologiques de cette approche riche et diversifiĂ©e de promotion de la santĂ© avant la crĂ©ation d’un Service Support dĂ©diĂ© en 2024 

Pendant deux ans, 37 collectifs et institutions du territoire de Bruxelles-Capitale se sont interrogĂ©s sur leurs modes d’action auprĂšs de la population en gĂ©nĂ©ral, et des populations dĂ©favorisĂ©es et marginalisĂ©es en particulier. L’objectif : renforcer la participation citoyenne et plaider pour une vision ascendante de la santĂ© publique via les dĂ©marches communautaires.

group of people discussing with constructive chat bubbles

En effet, les plus précaires ont été fortement impactés par la crise sanitaire, leur vulnérabilité sociale, sanitaire et économique ainsi que la mise en place de mesures univoques et peu adaptées à leurs conditions de vie en a accru les effets directs et indirects.

Cette concertation impulsĂ©e par un collectif d’associations membres de la FĂ©dĂ©ration Bruxelloise de Promotion de la SantĂ© (FBPS) et ouverte Ă  tous les acteurs du territoire, a permis de faire le point sur la richesse des projets et la diversitĂ© des interventions.

Un travail en plusieurs Ă©tapes

Quatre journĂ©es de concertation ont rythmĂ© la premiĂšre annĂ©e, en parallĂšle d’une collecte de donnĂ©es sur les pratiques des dĂ©marches communautaires Ă  l’appel de la FBPS et de la rĂ©alisation d’un cadastre de l’existant. Une premiĂšre synthĂšse des Ă©changes, prĂ©sentĂ©e au parlement bruxellois, a permis aux Ă©lus de se familiariser avec les projets menĂ©s sur le territoire, leurs besoins et les spĂ©cificitĂ©s des populations accompagnĂ©es.

Au cours de la seconde annĂ©e, les participant.e.s ont formalisĂ© le commun partagĂ© par les institutions impliquĂ©es dans des dĂ©marches communautaires en promotion de la santĂ©. Ces Ă©changes ont permis de mettre en lumiĂšre et de revendiquer les spĂ©cificitĂ©s propres Ă  une stratĂ©gie qui s’adapte au plus prĂšs des contextes, des parties prenantes, des sujets. Au terme de cette concertation, les parties prenantes ont Ă©ditĂ© un rapport synthĂ©tique de leurs travaux. Il reprend la cartographie des institutions et des collectifs mettant en Ɠuvre ce type de dĂ©marches en rĂ©gion bruxelloise, et prĂ©sente les caractĂ©ristiques mĂ©thodologiques d’une dĂ©marche communautaire en santĂ©.

Une démarche réflexive

Parmi ses fondamentaux figure l’aspect “multi-acteur·rice·s”. Une dĂ©marche communautaire inclut diffĂ©rentes parties prenantes et vise Ă  intĂ©grer la communautĂ© ciblĂ©e Ă  toutes les Ă©tapes de la dĂ©marche – et non Ă  des Ă©tapes exclusives et prĂ©dĂ©terminĂ©es. C’est aussi une dĂ©marche rĂ©flexive qui exige constamment de se questionner sur les termes et les catĂ©gories utilisĂ©s, d’évaluer en permanence les objectifs initiaux, et le processus mis en place pour atteindre les objectifs. Elle nĂ©cessite du temps et des outils pour analyser ses pratiques, les dĂ©construire et les reconstruire.  

Lors d’une sĂ©ance autour de la posture professionnelle en dĂ©marches communautaires, les participant.es ont ainsi identifiĂ© que les reprĂ©sentations autour des Habitant·e·s Usager·e·s Citoyen·ne·s sont centrales. Ceux-ci sont perçus non pas comme de simples usager.es Ă  aider mais comme des acteurs.trices et partenaires centraux de la dĂ©marche et des personnes pleines de ressources Ă  valoriser. 

ConsĂ©quence des deux caractĂ©ristiques prĂ©cĂ©dentes, la dĂ©marche communautaire en santĂ© nĂ©cessite de l’investissement en moyens et en temps. Elle n’est ni une Ă©conomie de moyens, ni une simple juxtaposition de missions. La diversitĂ© des acteur·rice·s, les nĂ©cessitĂ©s d’égalisation des savoirs et des pouvoirs qui articulent des cultures de groupes sociaux diffĂ©rents, exigent des compĂ©tences spĂ©cifiques et du temps. 

Le rapport identifie les besoins et les freins. D’abord en termes de financements. La dĂ©marche rigoureuse et exigeante requiert des financements structurels pour alimenter le processus de conception, d’appropriation et d’évaluation. D’ailleurs, l’évaluation d’une dĂ©marche communautaire aussi a des besoins propres, elle ne correspond pas aux Ă©valuations classiques en termes d’activitĂ©s. Les actions devraient ĂȘtre Ă©valuĂ©es en cohĂ©rence avec l’ensemble de la dĂ©marche communautaire. Enfin, l’implication des membres des diffĂ©rentes parties prenantes dans l’ensemble de la dĂ©marche, s’appuie sur la construction d’un lien de confiance entre les travailleur·euse·s communautaires et les membres de la communautĂ©. 

Une grille pour soutenir la méthode

Les parties prenantes ont Ă©ditĂ© une grille d’analyse de pratiques, questionnĂ©e au sein d’un panel de membres de la concertation qui l’ont testĂ©e au sein de leur Ă©quipe. Pour certain·e·s participant·e·s, la grille rend compte de la diversitĂ© des mĂ©thodologies. Elle donne Ă©galement des balises claires Ă  l’action afin d’évaluer la mise en oeuvre au fur et Ă  mesure du dĂ©roulement des actions en termes de projet, et en termes de processus. Elle forme un bon outil d’auto-Ă©valuation pour les Ă©quipes. Elle peut servir d’outil pĂ©dagogique : Ă  destination des travailleur·euse·s, les membres de la communautĂ© en action, etc. Toutefois, pour certain·e·s membres de la concertation, elle reste encore trop rigide, relĂšve les aut.eur.rice.s de la synthĂšse.   

Le rapport conclut sur les perspectives dans le dĂ©veloppement de ces dĂ©marches en prenant la forme d’un plaidoyer. Elle rĂ©affirme l’importance de l’intĂ©gration des dĂ©marches communautaires en santĂ© dans la santĂ© publique et dans toutes les politiques. En effet, suite Ă  la mise en place du Plan Promotion de la SantĂ© (PPS) et du Plan Social SantĂ© IntĂ©grĂ© (PSSI), et compte tenu des multiples initiatives locales en faveur de la santĂ© des citoyen·ne·s (Relais d’Action de Quartier, Contrat Local Social Santé ) qui ont Ă©mergĂ© Ă  diffĂ©rents niveaux, il est nĂ©cessaire, selon les participants, d’assurer une plus grande cohĂ©rence des politiques et programmes soutenant les dĂ©marches communautaires en santĂ© et de les rattacher Ă  des principes de promotion de la santĂ©.  

Un appel à candidature pour désigner un service support en démarche communautaire est en cours au niveau de la COCOF. Ce service permettra de pérenniser cette démarche collective en créant un lieu de rencontre, de documentation et de formation. Un engagement qui se concrétisera début 2024.

Pour recevoir des exemplaires papier de la synthĂšse, si vous avez des questions, des suggestions Ă  transmettre Ă  la FBPS, contactez : fbpsante@gmail.com 

Retrouvez sur le site internet www.fbpsante.brussels la synthĂšse et le rĂ©fĂ©rentiel complet en pdf, ainsi que les diffĂ©rentes ressources et informations relatives aux dĂ©marches communautaires en santĂ© et Ă  la concertation. N’hĂ©sitez pas Ă  vous inscrire Ă  la newsletter de la fĂ©dĂ©ration sur la page d’accueil du site.

La dĂ©marche communautaire est la mise en Ɠuvre de la mobilisation communautaire en santĂ©, l’une des stratĂ©gies de la promotion de la santĂ© dĂ©finie par l’Organisation mondiale de la santĂ© (1986). La diversitĂ© des formes qu’elle peut prendre explique que l’on parle en 2023 deS dĂ©marcheS communautaireS. Celles-ci ont pour objectif l’acquisition de capacitĂ©s, par les individus et les communautĂ©s, leur permettant d’agir sur leur environnement et leur santĂ© afin d’amĂ©liorer leurs conditions de vies et in fine rĂ©duire les inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ©. Le processus d’acquisition de capacitĂ©s ainsi que son rĂ©sultat est nommĂ© empowerment ou pouvoir d’agir.

Cet article a pour objectif de prĂ©senter succinctement les Ă©tapes de mise en Ɠuvre d’un cycle d’ateliers collectifs et les principaux rĂ©sultats de cette expĂ©rimentation dans le cadre de la recherche-action « Comment soutenir sur le plan psychosocial les citoyens prĂ©carisĂ©s cumulant diffĂ©rents impacts nĂ©gatifs de la crise sanitaire Covid-19 ? », soutenue par la RĂ©gion Wallonne dans le cadre des StratĂ©gies concertĂ©es COVID-19 en Wallonie [1] [2].

NB: Les autrices s’expriment pour l’ensemble de l’Ă©quipe de recherche

close up of man sharing addiction problems with aa meeting people and specialist
crédit: Adobe

Les pandĂ©mies ont bien souvent cette capacitĂ© d’amplifier les inĂ©galitĂ©s dĂ©jĂ  existantes au sein des communautĂ©s en atteignant de maniĂšre disproportionnĂ©e les groupes les plus vulnĂ©rables.  La crise sanitaire Covid-19 n’a pas fait exception en exacerbant les difficultĂ©s prĂ©-existantes, qu’elles soient liĂ©es Ă  l’accĂšs au logement, aux soins de santĂ© et aux services sociaux, Ă  l’emploi mais Ă©galement en matiĂšre de solidaritĂ©, de liens sociaux (Champagne et al., 2023 ; Rapport Final des StratĂ©gies ConcertĂ©es COVID-19 en Wallonie, 2022); elle a aussi crĂ©Ă© de nouvelles formes de dĂ©tresses psychologiques (Rens et al., 2021).

Les troubles anxieux et dĂ©pressifs ont notamment considĂ©rablement augmentĂ©, et ce, surtout auprĂšs des personnes dĂ©jĂ  fragilisĂ©es (Renard et al., 2021 ; Santomauro et al., 2021). Les personnes et les groupes cumulant diffĂ©rents impacts nĂ©gatifs de la crise (perte d’emploi, isolement, logement et environnement prĂ©caires, comorbiditĂ©s, etc.), associĂ©s Ă  des facteurs de vulnĂ©rabilitĂ© prĂ©existants auraient ainsi le plus souffert. Enfin, le manque de liens sociaux est apparu comme un stresseur psychologique majeur, impactant le bien-ĂȘtre et la santĂ© de maniĂšre gĂ©nĂ©rale (Renard et al., 2021 ; Gisle et al., 2021). Par ailleurs, lors de la crise sanitaire, le RĂ©seau SantĂ© Wallon de Lutte contre la pauvretĂ© (RWLP) a Ă©galement soulignĂ© l’accentuation de l’isolement social des personnes en situation de pauvretĂ© (Rapport Final des StratĂ©gies ConcertĂ©es COVID-19 en Wallonie, 2022).

Face Ă  ces constats, la nĂ©cessitĂ© de favoriser la cohĂ©sion sociale, la solidaritĂ©, l’empowerment individuel et collectif en renforçant le soutien social et Ă©motionnel, les compĂ©tences psychosociales et les liens communautaires a Ă©tĂ© soulignĂ©e, en Belgique comme dans d’autres pays (Observatoire de la santĂ© du Hainaut, 2020 ; Buetti et al., 2021).

Contexte, objectifs et dispositif de la recherche-action

Face Ă  ces difficultĂ©s constatĂ©es et en rĂ©ponse Ă  un appel Ă  projet lancĂ© par la RĂ©gion Wallonne dans le cadre des StratĂ©gies concertĂ©es COVID-19 en Wallonie, le RESO-UCLouvain et le Service de SantĂ© Mentale de Gosselies (SSM) du Centre Public d’Aide Sociale (CPAS) de Charleroi se sont associĂ©s dans le cadre de la mise en Ɠuvre d’un projet de recherche-action visant Ă  renforcer les compĂ©tences psychosociales des participants [3] et Ă  diminuer le sentiment d’isolement de ceux-ci.

Au dĂ©part de la recherche-action, l’équipe de recherche du projet a fait l’hypothĂšse que « la rĂ©alisation d’un cycle d’ateliers collectifs s’inscrivant dans une dĂ©marche communautaire de renforcement de compĂ©tences (psychosociales) et plus largement de promotion de la santĂ© permettrait d’apporter un soutien psychosocial Ă  des personnes en situation de prĂ©caritĂ© Â». (Champagne et al., 2023, p. 15). Le renforcement de compĂ©tences psychosociales, tant individuelles que collectives, a en effet Ă©tĂ© identifiĂ© comme susceptible de contribuer Ă  l’augmentation du pouvoir d’agir et Ă  la promotion de la santĂ© de publics vulnĂ©rables impactĂ©s par la crise sanitaire (Observatoire de la santĂ© du Hainaut, 2020 ; Buetti et al., 2021).

La dĂ©marche de recherche-action s’est ainsi concrĂ©tisĂ©e par la mise en Ɠuvre concomitante d’un cycle de 5 ateliers collectifs (septembre 2022 – dĂ©cembre 2022) dans 4 espaces citoyens liĂ©s au CPAS, sur le territoire de la ville de Charleroi et d’une recherche autour de ce dispositif d’animation collective. Le public cible visĂ© par la recherche-action Ă©tait un public prĂ©carisĂ©, bĂ©nĂ©ficiant de services du CPAS et frĂ©quentant habituellement les Espaces Citoyens. Ce sont au total 25 personnes (mixitĂ© hommes/femmes, d’ñge variant entre 40 et 86 ans) rĂ©parties en 3 groupes de respectivement 6, 7 et 12 personnes qui ont ainsi rĂ©guliĂšrement participĂ© au cycle d’ateliers.

Les objectifs gĂ©nĂ©raux de la recherche-action visaient d’une part la planification et l’expĂ©rimentation d’ateliers collectifs portant sur la rĂ©duction des impacts psychosociaux liĂ©s Ă  la crise sanitaire auprĂšs de populations prĂ©carisĂ©es (dans une perspective d’approche communautaire et participative) et, d’autre part, l’analyse du processus d’expĂ©rimentation des ateliers collaboratifs/collectifs et la formulation de recommandations quant au dĂ©veloppement de pratiques liĂ©es aux ateliers collectifs de type communautaire. Il s’agissait donc de documenter les conditions de rĂ©ussite et les effets des ateliers collectifs, dans le cadre d’une dĂ©marche contextualisĂ©e, participative et itĂ©rative.

DĂšs lors, il s’agissait d’accompagner les participants dans l’expression de leurs vĂ©cus en lien avec des « traces laissĂ©es par la crise Â», et dans l’identification des besoins liĂ©s aux sentiments exprimĂ©s.  La mise en Ɠuvre des ateliers visait Ă©galement l’acquisition de compĂ©tences psychosociales – individuelles et collectives – susceptibles de soutenir la capacitĂ© des individus Ă  mobiliser des ressources intĂ©rieures et extĂ©rieures devant leur permettre de faire face aux impacts durables que la crise sanitaire a pu occasionner pour eux.

Le cycle de rĂ©alisation de la recherche-action s’est dĂ©clinĂ© en diffĂ©rentes Ă©tapes, la premiĂšre passant par un diagnostic de situation (identification de la problĂ©matique de recherche, dĂ©termination des objectifs gĂ©nĂ©raux et spĂ©cifiques, besoins, etc.).  S’en est suivi la planification du cycle des ateliers collectifs (calendrier des ateliers collectifs, Ă©laboration de canevas d’animation, mobilisation et constitution des groupes, etc.). La troisiĂšme Ă©tape concernait la mise en Ɠuvre Ă  proprement parler des trois cycles d’ateliers et les mĂ©thodes de collecte de donnĂ©es (transcription d’intervalles des ateliers collectifs, prise de notes d’observation, collecte de donnĂ©es sociodĂ©mographiques, feedback auprĂšs des participants, Ă©valuation collective des participants en fin d’atelier, dĂ©briefing comme outil principal de documentation du dispositif d’ateliers collectifs, Ă©vĂšnement de clĂŽture). La derniĂšre Ă©tape du cycle s’intĂ©ressait Ă  l’analyse des donnĂ©es issues des diffĂ©rents ateliers.  La mĂ©thode d’analyse des diffĂ©rentes donnĂ©es recueillies Ă©tait de type qualitatif, sur base essentiellement de matĂ©riaux Ă©crits.

Notons que dans le dispositif d’animation des ateliers, l’animatrice, prĂ©sente Ă  l’ensemble des ateliers et qui bĂ©nĂ©ficiait d’une trĂšs bonne connaissance du territoire et du public-cible, Ă©tait accompagnĂ©e par un chercheur/observateur (diffĂ©rent) pour chaque cycle d’ateliers.

Le déroulement des ateliers

  • Des activitĂ©s spĂ©cifiques au premier atelier de chaque groupe ont Ă©tĂ© menĂ©es comme par exemple la co-construction d’une charte de groupe qui a permis de poser des rĂšgles et ainsi soutenir tout au long du processus l’émergence de conditions favorables Ă  la dynamique de groupe.  Un outil ‘brise-glace’ a Ă©galement Ă©tĂ© mobilisĂ© dans le but de crĂ©er du lien entre tous les participants : une pelote de laine Ă©tait lancĂ©e vers une personne tout en tenant un bout de fil et en se prĂ©sentant. Cette technique simple d’utilisation a contribuĂ© dĂšs le dĂ©marrage du premier atelier Ă  crĂ©er un climat de confiance et Ă  tisser un lien symbolique entre les participants.
  • D’autres activitĂ©s introductives ont Ă©tĂ© reproduites lors des ateliers suivants, Ă  savoir : un outil mĂ©tĂ©o qui permettait d’identifier l’humeur du groupe et de prendre la ‘tempĂ©rature Ă©motionnelle’ de chacun des participants, le rappel de la ‘charte de groupe’,  une phase de restitution des ‘essentiels’ de l’atelier prĂ©cĂ©dent de maniĂšre Ă  faire le lien entre les ateliers, le suivi de la ligne du temps qui a facilitĂ© la mise en perspective du cycle d’ateliers et la perception d’un fil conducteur entre les diffĂ©rents ateliers.

  • Des activitĂ©s conclusives Ă©taient mises en avant Ă  la fin de chaque atelier et constituaient en une restitution Ă  chaud faite par le chercheur/observateur (les moments forts, les coups de cƓur ou inversement les coups de massue) un feed-back collectif rĂ©alisĂ© par les participants et une conclusion qui Ă©tait assurĂ©e par l’animatrice des ateliers. Au terme de chaque atelier un dĂ©briefing Ă  huis clos entre l’animatrice et le chercheur avait pour fonction de dĂ©marrer le travail d’analyse et d’ajuster les ateliers Ă  venir.

  • Outre les activitĂ©s dĂ©crites ci-dessus, d’autres activitĂ©s spĂ©cifiques propres Ă  chaque atelier ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es.
    • Atelier 1 : prĂ©sentation des compĂ©tences psychosociales, mobilisation de l’outil Photolangage ‘Covid-19 & nous’ [4]. lors du premier atelier dont l’objectif Ă©tait de faire Ă©merger les vĂ©cus en lien avec la crise sanitaire et les traces laissĂ©es par celle-ci.
    • Atelier 2 :  utilisation de trois outils ‘Mes sentiments, mes besoins’, ‘Emotika’et l’affiche ‘OpĂ©raction’ dont la complĂ©mentaritĂ© a permis de faire Ă©merger l’expression des sentiments et des besoins.
    • Atelier 3 : co-construction d’un outil personnalisĂ© avec les participants (dessin d’un plateau de balance venant reprĂ©senter un dĂ©sĂ©quilibre provoquĂ© par un dĂ©bordement de sentiments dĂ©montrant des besoins non rencontrĂ©s) lors du troisiĂšme atelier qui avait pour objectif de permettre aux participants d’identifier et mobiliser des ressources internes leur permettant de faire face aux difficultĂ©s vĂ©cues.
    • Atelier 4 : exploitation d’un Mind Map avec les participants dont l’objectif Ă©tait d’identifier collectivement les ressources externes mobilisables.
    • Atelier 5 : exploration avec les participants de l’outil ‘Enjeu SantĂ© : les dĂ©terminants de la santĂ© sous la loupe’ afin d’identifier les freins et leviers Ă  la mobilisation des ressources et mises en situation.
    • Outre les activitĂ©s dĂ©crites ci-dessus, d’autres activitĂ©s spĂ©cifiques propres Ă  chaque atelier ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es.
  • Enfin, un Ă©vĂ©nement de clĂŽture du projet a Ă©tĂ© organisĂ© Ă  des fins d’évaluation et de co-construction des recommandations finales, le 12 dĂ©cembre 2022 autour de trois tables de discussion (de type World CafĂ©) avec trois thĂ©matiques diffĂ©rentes (‘les rĂ©coltes pour soi : ce qui reste’ ; ‘des Ă©lĂ©ments pour la poursuite et la transfĂ©rabilitĂ© du dispositif d’ateliers collectifs’ et enfin ‘ce que les participants aimeraient adresser aux politiques’. Cette activitĂ© de clĂŽture a permis des ‘retours collaboratifs’ de la part des participants des cycles des 5 ateliers qui avaient en effet l’opportunitĂ© de pouvoir tous se retrouver ‘ensemble’ et ainsi pouvoir ‘s’exprimer une derniĂšre fois’ sur leur vĂ©cu et sur les apports identifiĂ©s lors de leur participation aux ateliers.

Les principaux effets du dispositif sur le renforcement des compĂ©tences psychosociales et sur la diminution du sentiment d’isolement

Le dispositif d’ateliers mis en place a permis de confirmer ou renforcer l’isolement social comme une consĂ©quence importante de la crise sanitaire. Au moment de la rĂ©alisation des ateliers collectifs, certains des participants Ă©taient dĂ©jĂ  sortis en partie de leur isolement par la participation Ă  certaines activitĂ©s hebdomadaires organisĂ©es au sein des Espaces Citoyens.  Nos rĂ©sultats soulignent cependant que les ateliers ont contribuĂ© Ă  impulser une motivation supplĂ©mentaire pour que les participants ‘sortent de chez eux’. Le trĂšs bon taux de participation, dans la durĂ©e, Ă  un cycle complet de 5 ateliers en tĂ©moigne. Ainsi, il est probable que la mise en place des ateliers ait pu rĂ©pondre Ă  un besoin chez les participants de pouvoir se rencontrer, de partager et de s’exprimer. Les participants ont particuliĂšrement apprĂ©ciĂ© ‘le fait d’avoir pu vivre une expĂ©rience riche en rencontres et dĂ©couvertes oĂč la confiance et le partage ont pris le dessus sur la mĂ©fiance’. (Champagne et al., 2023, p.99).

Pour mĂ©moire, les activitĂ©s menĂ©es dans le cadre des ateliers collectifs portaient principalement sur le dĂ©veloppement de compĂ©tences psychosociales (sociales, Ă©motionnelles ou cognitives) qui ont Ă©tĂ© abordĂ©es avec les participants comme Ă©tant des ressources internes Ă  mobiliser lors de situations complexes de vie. Les ateliers ont ainsi favorisĂ© la prise de conscience que chacun dispose de ressources internes qui peuvent ĂȘtre mobilisĂ©es et exploitĂ©es Ă  tout moment ; la (re)dĂ©couverte de nombreuses ressources extĂ©rieures parfois nouvelles et ‘insoupçonnĂ©es’ ; une reprise de confiance en soi et en l’autre ; une prise de conscience de la maniĂšre de gĂ©rer ses Ă©motions.  Les ateliers ont Ă©galement permis de faciliter la capacitĂ© de s’exprimer avec confiance, y compris sur des sujets dĂ©licats et personnels ; de prendre conscience qu’il y a plusieurs vĂ©cus de la mĂȘme crise sanitaire ; de partager ses expĂ©riences ; d’augmenter la tolĂ©rance et l’ouverture individuelles ; de co-engendrer un lieu de reconstruction d’un lien abĂźmĂ©.

Cela a pu ĂȘtre confirmĂ© lors de l’évĂ©nement de clĂŽture, au cours duquel‘ â€Š les participants ont pu exprimer que l’espace-temps de parole reconstituĂ© lors de ces ateliers avait Ă©tĂ© vĂ©cu comme restaurateur du lien social et d’une certaine façon, comme un facteur d’humanisation.  Le souci du lien, de la relation, le sentiment d’appartenance Ă  une mĂȘme communautĂ©, quelles que soient les rĂ©fĂ©rences de chacun, a commencĂ© Ă  se reconstruire au travers de ces diffĂ©rents ateliers.  Le groupe a donc pu (co)engendrer un lieu de reconstruction d’un lien qui avait Ă©tĂ© mis Ă  mal pour certains par la crise sanitaire’.(Champagne et al., 2023, p. 104). Ce constat rejoint par ailleurs les observations de l’équipe de recherche, qui est restĂ©e trĂšs attentive durant tout le processus Ă  l’évolution de la dynamique de groupe et Ă  la notion de ‘faire groupe’.  Ainsi, elle a pu observer l’instauration rapide d’un sentiment de confiance et de sĂ©curitĂ© auprĂšs des participants, la rĂ©pĂ©tition d’interactions de soutien entre les participants, une dynamique positive, enthousiaste et engagĂ©e de la plupart des participants, le partage de vĂ©cus et la reconnaissance mutuelle des vĂ©cus respectifs des diffĂ©rents membres du groupe.

En guise de conclusion…

Nous pensons pouvoir dire que lors du cycle d’ateliers co-construit et expĂ©rimentĂ© dans le cadre de ce partenariat entre le RESO-UCLouvain et le CPAS de Charleroi, certains besoins importants contribuant Ă  la restauration de la confiance en soi et en autrui ont pu ĂȘtre entendus et rencontrĂ©s. En effet, le dispositif d’ateliers collectifs semble avoir Ă©tĂ© vĂ©cu comme restaurateur d’un lien social et de certaines compĂ©tences psychosociales, individuelles ou collectives, qui avaient Ă©tĂ© mises Ă  mal par la crise sanitaire.  

Nous ne pouvons clĂŽturer ce partage de rĂ©sultats Ă  propos de la mise en Ɠuvre d’un dispositif d’ateliers collectifs s’inscrivant dans une dĂ©marche communautaire de promotion de la santĂ© sans citer quelques Ă©lĂ©ments de transfĂ©rabilitĂ© du dispositif: la co-construction d’une charte dĂšs le dĂ©marrage des ateliers, l’importance du choix des outils mobilisĂ©s (et prĂ©-testĂ©s), la capacitĂ© d’ajustement des ateliers en fonction des besoins, la mise en place d’un cadre bienveillant et sĂ©curisant, la clartĂ© des explications communiquĂ©es aux participants, l’importance de la fonction de l’animatrice, les Ă©changes rĂ©guliers au sein de l’équipe de recherche, en particulier les binĂŽmes animatrice/chercheur pour soutenir la cohĂ©rence (« fil-rouge Â») et la flexibilitĂ© (ajustements) du dispositif.

[1] Dans le cadre des StratĂ©gies concertĂ©es Covid-19 (round 2- automne 2021), le RESO-UCLouvain et le Service de SantĂ© Mentale de Gosselies (SSM) du Centre Public d’Aide Sociale (CPAS) de la ville de Charleroi ont rĂ©pondu conjointement Ă  l’appel Ă  projet : « Quelles stratĂ©gies prĂ©coniser pour (re)tisser le lien social et favoriser le bien-ĂȘtre psychosocial des populations dĂ©favorisĂ©es cumulant divers impacts nĂ©gatifs de la crise du Covid-19 en Wallonie ? Â». Une recherche-action participative.

[2] Champagne L., Thibaut C., Santorone N., Doumont D., Dallemagne G., Aujoulat I. « Comment soutenir sur le plan psychosocial les citoyens prĂ©carisĂ©s cumulant diffĂ©rents impacts nĂ©gatifs de la crise sanitaires liĂ©e Ă  la Covid-19 ? ». Rapport d’une recherche-action dans le cadre des StratĂ©gies ConcertĂ©es Covid-19 en Wallonie 2022. UCLouvain/CPAS de Charleroi, fĂ©vrier 2023, 116 pages.

Ce rapport/publication est disponible dans la section « Recherche » du site web du RESO : https://uclouvain.be/fr/instituts-recherche/irss/reso/tisser-le-lien-social-et-promouvoir-le-bien-etre-psychosocial.html

[3] L’écriture inclusive n’a pas Ă©tĂ© privilĂ©giĂ©e dans le cadre de la rĂ©daction de cette publication.  Par consĂ©quent, les mots tels que « participant Â» ou « chercheur Â» doivent ĂȘtre compris comme pouvant dĂ©signer tant un homme qu’une femme.

[4] Il est Ă  noter que le projet a pu bĂ©nĂ©ficier d’une collaboration avec le CLPS de Charleroi-Thuin pour le choix des outils pĂ©dagogiques et d’animation mobilisĂ©s dans le cadre des ateliers.

Pour nous contacter

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Clos Chapelle aux champs 30 bte B1.30.14
B – 1200 Woluwe-St-Lambert
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reso@uclouvain.be

32 2.764.32.82

Bibliographie

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Champagne L., Thibaut C., Santorone N., Doumont D., Dallemagne G., Aujoulat I. « Comment soutenir sur le plan psychosocial les citoyens prĂ©carisĂ©s cumulant diffĂ©rents impacts nĂ©gatifs de la crise sanitaires liĂ©e Ă  la Covid-19 ? Â» Rapport d’une recherche-action dans le cadre des StratĂ©gies ConcertĂ©es Covid-19 en Wallonie 2022. UCLouvain/CPAS de Charleroi, fĂ©vrier 2023, 116 pages. https://cdn.uclouvain.be/groups/cms-editors-reso/publications/recherches/RESO-CPAS_RapportSCCovid19_RW_28022023.pdf

Gisle, L., Berete, F., Braekman, E., Bruggeman, E., Charafeddine, R., Demarest, S., Drieskens, S., & Van der Heyden, J. (2021). SeptiĂšme enquĂȘte de santĂ© COVID-19 : rĂ©sultats prĂ©liminaires. Sciensano. https://www.sciensano.be/en/biblio/septieme-enquete-de-sante-COVID-19-resultats-preliminaires

Renard F., Scohy A., De Pauw R., Jurčević J., Devleesschauwer B., Health status report 2021 – L’état de santĂ© en Belgique. Bruxelles, Belgique: Sciensano. NumĂ©ro de dĂ©pĂŽt: D/2022/14.440/07. https://www.belgiqueenbonnesante.be/fr/etat-de-sante

Observatoire de la SantĂ© du Hainaut. (2020). Quand le masque tombe
 La crise de la pandĂ©mie COVID-19 dans l’aggravation des inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ©. Courtage en connaissances scientifiques, https://observatoiresante.hainaut.be/wp-content/uploads/2020/05/2020_05_13_COVID-19_et_ISS.pdf

Rens, E., Smith, P., Nicaise, P., Lorant, V., & Van den Broeck, K. (2021). Mental Distress and Its Contributing Factors Among Young People During the First Wave of COVID-19 : A Belgian Survey Study. Frontiers in Psychiatry12, 35. https://doi.org/10.3389/fpsyt.2021.575553 

Rapport final des Stratégies Concertées COVID-19 en Wallonie. https://www.fwpsante.be/le-rapport-des-strategies-concertees-covid-wallonie/ Santomauro, D.F., & COVID-19 Mental Disorders Collaborators. (2021). Global prevalence and burden of depressive and anxiety disorders in 204 countries and territories in 2020 due to the COVID-19 pandemic. Lancet, 398, 1700-1712.https://dx.doi. org/10.1016/S0140- 6736(21)02143-7. https://www.thelancet.com/action/showPdf?pii=S0140-6736%2821%2902143-7

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crédit: Belgïk MoJaïk

Matériel

  • 1 Carnet de prĂ©sentation de l’outil (PDF)
  • 2 Fardes ActivitĂ© introductive et gĂ©nĂ©raliste
    • Divers’sĂ©ki ?
    • Le Monstre a dit

  • 5 Fardes ActivitĂ© thĂ©matique
    • 1001 couleurs (Pigmentation, peau)
    • Des yeux Ă  faire peur (Pigmentation, yeux)
    • Mon poids, c’est pas c’que tu crois ! (Morphologie)
    • Le relais d’un autre genre (Genre)
    • Ça roule ! (Handicap)
  • 1 Livret « Seize histoires pour y voir moins discriminatoire »
  • 1 Panoptique des parcours (PDF) schĂ©matisant l’ordre prĂ©conisĂ© pour mener l’ensemble des activitĂ©s introductives et thĂ©matiques
  • 1 Tableau vierge (PDF) pour l’analyse des situations de discrimination

Chaque farde d’activitĂ© comprend :

  • 1 livret
  • 1 Guide Ă  avoir avec soi pour mener l’analyse lors de l’animation
  • MatĂ©riel de jeu (exemples : cartes, consignes et/ou photos)

Le kit est entiÚrement téléchargeable sur https://belgik-mojaik.be/outils-pedagogiques/les-autres-mon-corps-et-moi/

Concept

Cet outil met Ă  la disposition des professionnel·le·s (travaillant avec des enfants de 6 Ă  12 ans, dans un cadre scolaire, parascolaire ou extra-scolaire) une sĂ©rie de sĂ©quences ludiques et pĂ©dagogiques permettant de dĂ©couvrir ce que sont la discrimination, les stĂ©rĂ©otypes corporels et comment apporter du changement au cƓur de situations de discrimination.

Il a Ă©tĂ© pensĂ© pour pouvoir accompagner un mĂȘme groupe d’enfants tout au long d’un trimestre ou d’une annĂ©e scolaire (selon le rythme auquel les activitĂ©s proposĂ©es seront menĂ©es).

En effet, une utilisation rĂ©guliĂšre de l’outil permettra de progresser dans la maitrise des outils de repĂ©rage, d’analyse et de changement des situations de discrimination ainsi que dans le travail de dĂ©construction de certains stĂ©rĂ©otypes et l’acceptation de la diffĂ©rence corporelle, qu’il s’agisse de la sienne ou de celle de l’Autre.

L’outil propose de rĂ©aliser un parcours pouvant comprendre, selon les objectifs de la personne menant les animations et le temps dont elle dispose, de 3 Ă  23 activitĂ©s pĂ©dagogiques distinctes.

L’avis de PIPSa (www.pipsa.be)

Appréciation globale

Cet outil pĂ©dagogique entiĂšrement tĂ©lĂ©chargeable permet de mettre en place un projet d’annĂ©e/d’école autour de thĂ©matiques pertinentes dans les groupes d’enfants, particuliĂšrement en milieu multiculturel. Conçu pour le rythme scolaire et faisant le lien avec les compĂ©tences pĂ©dagogiques, il fournit Ă  l’enseignant (et particuliĂšrement les dĂ©butants) un matĂ©riel complet, « clĂ© sur porte », particuliĂšrement adaptĂ© aux enfants et au contexte scolaire.

Des contenus sourcĂ©s, des thĂ©matiques pertinentes et actuelles (qui font sens Ă  l’école), des activitĂ©s testĂ©es et adaptĂ©es au public selon l’ñge ; tout est en place pour faciliter l’utilisation de l’outil. Quelle que soit la thĂ©matique (module), c’est une mĂȘme mĂ©thodologie qui est appliquĂ©e, facilitant les apprentissages des enfants et l’utilisation par l’enseignant. Celui-ci devra toutefois consacrer un temps important pour s’approprier l’outil, vu son contenu trĂšs dense et riche (mais le processus est reproductible avec un autre groupe d’enfants, annĂ©e aprĂšs annĂ©e). Les explications sont claires, l’ensemble bien structurĂ© et soutenu par un graphisme facilitant le repĂ©rage interne et la fluiditĂ© de lecture.

Les animations mettent les enfants au travail, par des activitĂ©s diversifiĂ©es, faciles Ă  mettre en place, et sont suivies d’une mise en perspective pĂ©dagogique. Les nombreuses questions ouvertes de debriefing demandent des capacitĂ©s Ă  susciter la parole dans le groupe. Les recommandations Ă  l’utilisateur (et notamment celles relatives Ă  ses propres stĂ©rĂ©otypes) sont issues des prĂ©-tests de l’outil.

Un outil pour apprendre Ă  nommer les Ă©motions (nĂ©cessaire pour le dĂ©briefing) sera peut-ĂȘtre utile en complĂ©mentaritĂ©.

Objectifs

  • Prendre conscience de ses reprĂ©sentations relatives aux stĂ©rĂ©otypes et discriminations
  • Comprendre comment se construisent les stĂ©rĂ©otypes/discriminations
  • Favoriser une analyse critique en prenant position de maniĂšre argumentĂ©e
  • DĂ©velopper ses compĂ©tences pour enrayer la discrimination au quotidien et favoriser le changement

Public cible

6 Ă  12 ans

Utilisation conseillée

  • Inscrire l’outil dans un temps scolaire long, en faire un projet d’annĂ©e pour permettre les apprentissages
  • Prendre le temps de lire et s’approprier les nombreux supports

OĂč trouver l’outil

BelgĂŻk MoJaĂŻk, 128 rue du CollĂšge, 1050 Bruxelles

+32 (0)486 71 89 37 – +32 (0)484 45 22 06 – info@belgik-mojaik.be

www.belgik-mojaik.be

La palette des Ă©motions ressenties face aux crises environnementales est multiple et nuancĂ©e. De quelles Ă©motions parle-t-on ? Comment accompagner sans pathologiser les ressentis ? Quels leviers individuels et collectifs pour accompagner les Ă©motions ressenties face aux crises et leurs effets ? Sur quels principes de la promotion de la santĂ© peut-on s’appuyer pour agir ?

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Les liens entre santĂ© mentale et environnement sont multiples. S’il est dĂ©sormais prouvĂ© que le contact direct avec la nature a des effets positifs sur la santĂ© physique et mentale, les effets du dĂ©rĂšglement climatique peuvent diminuer notre sentiment de bien-ĂȘtre. Agir pour diminuer les impacts nĂ©gatifs des crises environnementales permet ainsi de prendre soin individuellement et collectivement de notre santĂ©, tant physique que mentale.

SantĂ© mentale : de quoi parle-t-on ?

La notion de santĂ© mentale renvoie Ă  un Ă©tat d’équilibre individuel et collectif, qui permet Ă  chacun de se maintenir en bonne santĂ© malgrĂ© les Ă©preuves et les difficultĂ©s.  Si nous avons tous une santĂ© mentale, nous n’avons pas tous les mĂȘmes vĂ©cus, ressources et capacitĂ©s pour faire face aux Ă©vĂ©nements. Les interventions en promotion de la santĂ© mentale visent ainsi Ă  identifier les dĂ©terminants individuels, sociaux et structurels de la santĂ© mentale, puis Ă  agir pour rĂ©duire les risques, accroĂźtre la rĂ©silience et crĂ©er des environnements propices Ă  la santĂ© mentale. 

Des (Ă©co)Ă©motions climatiques 

La crise socio Ă©cologique fait vivre diffĂ©rentes Ă©motions, toutes lĂ©gitimes dans leurs ressentis et expressions. La plus utilisĂ©e par les mĂ©dias est l’éco-anxiĂ©tĂ©, notion conceptualisĂ©e par la mĂ©decin-chercheure belgo-canadienne VĂ©ronique Lapaige en 1997. Elle peut ĂȘtre dĂ©finie comme une forme d’anxiĂ©tĂ©, d’apprĂ©hension et de stress liĂ©s au changement climatique et aux menaces constatĂ©es ou anticipĂ©es sur les Ă©cosystĂšmes (Lapaige, 2020 (1)).

Dans sa définition la plus large, le terme éco-anxiété traduit toutes les souffrances émotionnelles liées à la crise écologique (Lopes, 2022 (2)):

  • anxiĂ©tĂ© ou autres Ă©co-Ă©motions ressenties face au changement climatique et/ou aux bouleversements/effondrements environnementaux et sociĂ©taux ;
  • en lien avec une expĂ©rience directe (ex : vĂ©cu d’inondations ou d’incendies), ou indirecte (ex : nouvelles entendues Ă  la radio) ;
  • dans un rapport au passĂ© (ex : perte de la biodiversitĂ©), au prĂ©sent (ex : abattage de forĂȘts) ou au futur (ex : projection vers un avenir invivable) ;
  • avec diffĂ©rents degrĂ©s de ressenti (faible Ă  sĂ©vĂšre), liĂ©s aux ressources psychologiques individuelles, au tissu relationnel et au contexte politique et social.

Au-delĂ  de l’anxiĂ©tĂ©, certains prĂ©fĂšrent ainsi utiliser le terme « Ă©co-Ă©motions », qui renvoie Ă  l’éventail d’émotions et de sentiments liĂ©s Ă  la crise climatique : surprise, colĂšre, peur, culpabilitĂ©, indignation
 mais aussi joie, fiertĂ©, espoir, empathie
 (Pihkala, 2022 (3)) ; dĂ©clinĂ©es en Ă©co-rage, Ă©co-colĂšre, Ă©co-dĂ©ni, Ă©co-culpabilitĂ©, Ă©co-rĂ©sistance
 (Agoston, 2022 (4)).

Eco-anxiĂ©tĂ© : des symptĂŽmes mais pas une maladie

La majoritĂ© des professionnels de santĂ© travaillant sur le sujet dĂ©fendent l’idĂ©e que l’inquiĂ©tude face Ă  la menace de la crise environnementale est une rĂ©action normale, saine et non pathologique. Il est nĂ©anmoins important de distinguer les niveaux d’éco-anxiĂ©tĂ© vĂ©cus de maniĂšre adaptĂ©e ou inadaptĂ©e, notamment lorsque l’éco-anxiĂ©tĂ© se rĂ©vĂšle trop envahissante au quotidien, ou qu’elle s’ajoute Ă  des fragilitĂ©s prĂ©existantes. Ainsi, l’éco-anxiĂ©tĂ© n’est pas une maladie mais elle peut rendre malade.

Les ressentis et rĂ©actions dĂ©pendent ainsi du contexte quotidien, des vulnĂ©rabilitĂ©s personnelles et de l’intĂ©gritĂ© psychique des individus, qu’il est essentiel de prendre en considĂ©ration (A. Desbiolles et C. Galais, 2021 (5)). Plusieurs Ă©chelles de mesures ont Ă©tĂ© publiĂ©es pour aider les professionnels et les personnes elles-mĂȘmes Ă  Ă©valuer leur degrĂ© d’éco-anxiĂ©tĂ© : on peut citer celle de l’équipe d’HĂ©lĂšne Jalin, publiĂ©e dans le Petit guide de survie pour Ă©co-anxieux (C. Schmerber, 2022 (6)).

Le parallĂšle avec le deuil normal et le deuil pathologique est Ă©clairant. On peut consulter un psychologue parce qu’on est en souffrance Ă  la suite d’un deuil, mais cela ne signifie pas qu’on est malade. Le deuil est un processus psychique normal qui peut nĂ©cessiter un accompagnement : il est considĂ©rĂ© pathologique seulement s’il devient complexe, persistant ou s’il y a apparition de troubles psychiques ou psychiatriques.

Eco-anxiĂ©tĂ© ou Ă©co-luciditĂ© ?

De nombreux chercheurs et praticiens pointent le risque de psychologisation ou de pathologisation des enjeux climatiques. Le risque serait de penser l’éco-anxiĂ©tĂ© comme une rĂ©ponse inadaptĂ©e ou disproportionnĂ©e par rapport Ă  la menace. Pour la mĂ©decin Alice Desbiolle « les personnes Ă©co-anxieuses sont in fine les personnes rationnelles et lucides dans un monde qui ne l’est pas Â» (A. Desbiolles 2021 (7)).

Le terme d’éco-luciditĂ© fait ici son apparition, comme l’illustre les propos de la pĂ©dopsychiatre LaĂ©lia Benoit : « l’éco-anxiĂ©tĂ© est une rĂ©action naturelle et lĂ©gitime Ă  la crise Ă©cologique. Ce n’est pas une nouvelle forme de dĂ©pression et elle n’appelle pas de traitement mĂ©dical : l’éco-anxiĂ©tĂ© appelle une rĂ©ponse sociale. De plus en plus de jeunes vont souffrir d’éco-anxiĂ©tĂ©. Mais ne nous trompons pas de problĂšme : c’est leur solitude face Ă  une sociĂ©tĂ© qui ignore le changement climatique qui les fait souffrir »(8).

« L’éco-anxiĂ©tĂ© est une rĂ©action largement rationnelle compte tenu de la gravitĂ© de la crise (
) qui ne doit pas dĂ©tourner l’attention de la rĂ©ponse sociĂ©tale nĂ©cessaire pour lutter contre le changement climatique et ses causes structurelles. Â»

(S. Clayton 2020 (9))

Des freins qui peuvent bloquer le passage à l’action

Au-delĂ  des Ă©motions ressenties, on observe de vrais blocages dans le passage Ă  l’action tant au niveau individuel que collectif. Le militant gandhien et altermondialiste Rajagopal P.V. (10) identifie quatre « dĂ©mons Â» paralysant au niveau individuel : le sentiment d’impuissance, le sentiment de complexitĂ©, le sentiment de solitude et la peur. Vivian Labrie (11), intellectuelle quĂ©bĂ©coise, identifie un 5Ăš « dĂ©mon Â» : la tolĂ©rance aux inĂ©galitĂ©s, le fatalisme.  Au niveau collectif et sociĂ©tal, l’essayiste Corinne Morel-Darleux, distingue plusieurs verrous dans le passage Ă  l’action (12). Elle Ă©voque le contexte de « consommation ostentatoire Â» qui encourage Ă  consommer toujours plus (thĂ©orie du sociologue Veblen, 1899 (13)) ou encore le manque d’équitĂ© dans les mesures de protection de l’environnement se traduisant par un fort sentiment d’iniquitĂ© donc un refus d’agir.  Elle identifie Ă©galement une forme de dĂ©ni (ou sous-estimation) accentuĂ© par une tendance Ă  la dĂ©connexion au sensible et le poids des lobbys Ă©conomiques.

Des leviers pour passer de l’émotion Ă  l’action

Explorer les Ă©motions plurielles reste nĂ©anmoins une maniĂšre de renouer avec une approche plus sensible et se dĂ©faire d’une relation « sans responsabilitĂ©, sans Ă©motion et sans sensibilitĂ© pour la nature Â» (Cottereau, 2019 (14)). En outre, les travaux de sciences humaines ont montrĂ© la fonction rĂ©gulatrice des Ă©motions dans les prises de dĂ©cision : pour le philosophe JĂ©rĂŽme Ravat (15), l’Ă©motion est Ă©troitement liĂ©e Ă  la motivation Ă  agir.  

Les principes fondateurs de la promotion de la santĂ© Ă©clairent les diffĂ©rents leviers nĂ©cessaires pour engager une transformation sociale globale :

  • Le levier individuel : thĂ©rapeutique ou non, cette approche vise Ă  accompagner chacun.e Ă  faire avec, transformer, dĂ©passer ses Ă©motions pour permettre de se sentir mieux ;
  • Le levier collectif / Ă©ducatif : pour intĂ©grer dĂšs le plus jeune Ăąge l’Ă©ducation Ă  l’environnement et la gestion des Ă©motions, cette approche cherche Ă  aborder au quotidien ce thĂšme avec son public quand on est enseignant, Ă©ducateur, animateur ;
  • Le levier systĂ©mique / politique : pour questionner l’organisation politique/Ă©conomique, notre sociĂ©tĂ© anthropocĂšne capitaliste basĂ©e sur la consommation d’Ă©nergie en masse, cette approche va axer sur le champ sociĂ©tal et politique, en Ă©vitant de moraliser-individualiser le problĂšme, et en soutenant le pouvoir d’agir, la capacitĂ© collective. On veut ici agir sur les dĂ©terminants sociaux/globaux.

On voit que l’enjeu de transformation sociale est fort. Pour transformer des Ă©motions (souffrantes ou non) en moteur pour l’action, l’outil d’analyse du trĂ©pied « les trois piliers de la transformation sociale Â» est Ă©clairant. Il offre un cadre structurant avec trois pieds indissociables et interdĂ©pendants :

  • la mise en Ɠuvre d’alternatives : pour vivre mieux dĂšs maintenant, avoir des arguments pour le rapport de force, dĂ©velopper les imaginaires ;
  • l’exercice de rapports de force : utiliser le nombre et la stratĂ©gie pour contraindre celle.ux qui ont des privilĂšges, pour dĂ©fendre ou remporter de nouveaux acquis sociaux ;
  • la co-Ă©ducation : pour crĂ©er des rencontres entre les mondes, ne pas rĂ©server les ressources Ă  une minoritĂ©, crĂ©er du commun en partageant nos savoirs et crĂ©ations avec des outils d’éducation populaire
trepied transformation sociale
« Tectonique de salon », Timult n° 10, mars 2018, pp. 26-35, https://timult.poivron.org/10/timult-10-201803.pdf

En promotion de la santĂ©, on part du principe que les Ă©motions liĂ©es au changement climatique doivent ĂȘtre abordĂ©es en croisant ces diffĂ©rentes approches. Il n’y a pas un objectif plus important que les autres, l’important est de les combiner.

Des principes d’action pour guider notre approche en promotion de la santĂ©

En dressant le portrait des enjeux concernant la place de la promotion de la santĂ© face aux Ă©motions liĂ©es aux crises environnementales, nous voyons se dessiner plusieurs principes qui peuvent guider nos approches et pratiques aujourd’hui pour dĂ©passer les blocages et favoriser le passage Ă  l’action.

  1. Repolitiser le lien entre santĂ© mentale et protection de l’environnement : il nous semble central de reconnaitre la rĂ©alitĂ© de la souffrance sans la pathologiser ni la dĂ©politiser. L’éco-anxiĂ©tĂ© n’est pas une maladie, et une grande partie des causes et rĂ©ponses aux souffrances qui peuvent y ĂȘtre associĂ©es sont sociĂ©tales et politiques​.
  2. Reconnaitre la rĂ©alitĂ© des inĂ©galitĂ©s sociales face aux dĂ©rĂšglements environnementaux et penser des actions visant Ă  les rĂ©duire​ : il ne faut jamais perdre de vue qu’il existe des inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ© et que les rĂ©ponses Ă©thiques et politiques aux crises environnementales doivent viser la rĂ©duction de ces inĂ©galitĂ©s. Certains groupes de personnes sont plus vulnĂ©rables et plus touchĂ©s par les crises environnementales, on peut citer les enfants, les personnes ĂągĂ©es, les personnes en situation de handicap ou avec une maladie prĂ©existante, les peuples autochtones, les communautĂ©s racisĂ©es ou socialement dĂ©favorisĂ©es. Il est essentiel de prendre en considĂ©ration la justice sociale et environnementale dans nos actions en promotion de la santĂ©. Au-delĂ  des inĂ©galitĂ©s sociales, on peut considĂ©rer les inĂ©galitĂ©s liĂ©es Ă  l’ñge et reconnaitre le rapport de force et de domination entre adultes et jeunes, qui sert Ă  discrĂ©diter les mĂ©faits du changement climatique, crĂ©e du mĂ©pris par les classes dirigeantes et les adultes et donc un sentiment d’incomprĂ©hension, d’oppression et de perte de pouvoir par les jeunes (L.Benoit, 2022 (16))
  3. Partir du principe que toutes les Ă©motions sont lĂ©gitimes et Ă  accueillir, mais que les actions qui en dĂ©coulent doivent ĂȘtre prioritairement collectives et non pas individuelles. Par exemple, il est important de ne pas dĂ©crĂ©dibiliser la colĂšre, qui n’est pas une rĂ©action puĂ©rile ou inadaptĂ©e, mais peut s’avĂ©rer un moteur efficace au passage Ă  l’action. Sans pour autant considĂ©rer les Ă©motions comme la seule entrĂ©e pour accompagner les personnes : le travail autour des compĂ©tences psychosociales doit par exemple permettre d’aller vers le cognitif et le collectif.

Le renforcement des compétences psychosociales (CPS) pour agir face à la crise environnementale

Les CPS traduisent l’aptitude d’une personne Ă  maintenir un Ă©tat de bien-ĂȘtre mental, en adoptant un comportement appropriĂ© et positif Ă  l’occasion de relations entretenues avec les autres, sa propre culture et son environnement (OMS 1997). ArticulĂ©es autour de 3 domaines (social, cognitif et Ă©motionnel), les CPS se traduisent par exemple par des capacitĂ©s de plaidoyer, de coopĂ©ration, d’empathie, de pensĂ©e critique, de rĂ©gulation Ă©motionnelle


Il ne s’agit pas de permettre aux humains de rĂ©sister Ă  un environnement de plus en plus dĂ©gradĂ© sans chercher Ă  agir sur les causes, mais de mettre leurs compĂ©tences au service de l’intelligence collective pour s’affirmer, rĂ©sister, inventer des nouvelles formes d’organisation alliant relation aux autres et au vivant. Les CPS apparaissent ainsi comme un rĂ©el levier face Ă  l’urgence environnementale. Pour aller plus loin : lire la fiche repĂšre du PĂŽle ESE ARA

Aller plus loin : rĂ©inventer l’approche sensible du vivant

Les enjeux de la transformation sociale qui s’impose soulĂšvent des questions existentielles qui invitent Ă  analyser les processus socio-historiques ayant conduit une partie des humains Ă  dĂ©truire leur habitat. Plusieurs processus sont Ă  l’Ɠuvre et en particulier une forme de mise Ă  distance de l’expĂ©rience sensible, du rapport symbolique au monde avec l’émergence du scientisme et d’une maitrise de la nature par l’Homme. Il apparait nĂ©cessaire de rĂ©inviter un autre rapport Ă  soi et au monde en sortant des modes d’organisation dictĂ©s par une approche Ă©conomique. Il ne s’agit pas d’envisager un rapport utilitariste entre les humains et la nature mais de rĂ©ancrer l’humain dans un systĂšme d’interdĂ©pendance en considĂ©rant les non-humains comme « des partenaires de vie Â» (P. Descola et A. Pignocchi (17)). Comme le GIEC le montre dans l’un de ses rapports, les savoirs et expertises des populations locales ou d’autres cultures Ă  travers le monde constituent sans doute une voie Ă  explorer pour s’inspirer Ă  la fois de leur capacitĂ© Ă  s’adapter aux changements grĂące Ă  leurs connaissances expĂ©rientielles et de leur rapport symbolique, Ă©motionnel et spirituel au vivant.

Revoir le cycle de webinaires “SantĂ© psychique et environnement, des liens multiples”: https://agir-ese.org/evenement/voir-ou-revoir-le-cycle-de-webinaires-sante-psychique-et-environnement-des-liens

Les autrices

Julie Donjon est rĂ©fĂ©rente rĂ©gionale santĂ© mentale Ă  l’IREPS Auvergne-RhĂŽne-Alpes

Lucie Pelosse est rĂ©fĂ©rente santĂ©-environnement Ă  l’IREPS Auvergne-RhĂŽne-Alpes, et co-coordinatrice du PĂŽle Education et promotion de la SantĂ©-Environnement (ESE)

L’association IREPS Auvergne-RhĂŽne-Alpes (Instance RĂ©gionale d’Education et de Promotion SantĂ©) dĂ©veloppe l’éducation et la promotion de la santĂ© pour amĂ©liorer la santĂ© des populations et contribuer Ă  la rĂ©duction des inĂ©galitĂ©s de santĂ©.

L’IREPS est prĂ©sente dans l’ensemble des dĂ©partements de la rĂ©gion ARA et propose des services et ressources (formations, conseil et accompagnement mĂ©thodologique, interventions, outils documentaire et pĂ©dagogiques
) pour accompagner les professionnels (secteurs Ă©ducatif, social, sanitaire…) dans leurs projets (alimentation, compĂ©tences psychosociales, santĂ© environnement, santĂ© mentale
).

Plus d’infos : https://ireps-ara.org/ 

Le PĂŽle Education et promotion de la SantĂ© Environnement (ESE) Auvergne-RhĂŽne-Alpes est un programme co-portĂ© par l’IREPS ARA et le GRAINE ARA depuis 2010. NĂ© d’une volontĂ© de croiser l’approche de la promotion de la santĂ© avec celle de l’éducation Ă  l’environnement, le PĂŽle vise Ă  outiller les acteurs de la rĂ©gion pour qu’ils dĂ©veloppent des actions en ESE Ă  travers des journĂ©es d’échanges, des accompagnements, un site internet ressources


Plus d’infos : https://agir-ese.org/presentation-et-objectifs-du-pole-ese-ara

Bibliographie

(1)  Lapaige V., L’éco-anxiĂ©tĂ© : Interview de VĂ©ronique Lapaige, RĂ©seau IdĂ©e asbl, 2020 www.cres-paca.org/arkotheque/client/crespaca/thematiques/detail_document.php?ref=37659

(2)  Lopes I., Intervention pour le Panel sur l’éco-anxiĂ©tĂ©, Bell Cause pour la cause, 2022 www.youtube.com/watch?v=zX1LpoIGq-E

(3)  Pihkala P., Toward a Taxonomy of Climate Emotions, Frontiers in Climate, 2022 https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fclim.2021.738154/full

(4)  Ágoston, C. et ali., Identifying Types of Eco-Anxiety, Eco-Guilt, Eco-Grief, and Eco-Coping in a Climate-Sensitive Population : A Qualitative Study, Int. J. Environ. Res. Public Health, 2022 https://doi.org/10.3390/ijerph19042461

(5)  Desbiolles A et Galais C., Éco-anxiĂ©tĂ© et effets du dĂ©rĂšglement global sur la santĂ© mentale des populations, La Presse MĂ©dicale Formation, 2021 www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2666479821002603

(6)  Schmerber S., Guide de (sur)vie pour Ă©coanxieux, Ă©d. Philippe Rey, 2022.

(7)  Op.Cit.

(8)  Benoit L, Comment ne pas dĂ©primer, Podcast Chaleur Humaine, Le Monde, 2022

(9)  Clayton S., Climate anxiety : Psychological responses to climate change, J Anxiety Disord., 2020 https://doi.org/10.1016/j.janxdis.2020.102263

(10)  Aequitaz, Comment lever les freins Ă  la mobilisation collective ? 2018. https://www.aequitaz.org/wp-content/uploads/2018/07/outil-leviers-freins-mobilisation-az-1.pdf

(11)  Aequitaz, op. cit.

(12)  Webinaire “Forum d’idĂ©es et d’échanges : comment passer Ă  l’action collective ? », PĂŽle ESE et IREPS ARA, dĂ©cembre 2021. https://agir-ese.org/evenement/voir-ou-revoir-le-webinaire-forum-didees-et-dechanges-comment-passer-laction-collective

(13)  Veblen T, ThĂ©orie de la classe de loisirs, 1899.

(14)  Cottereau, D. et K. Tondeur « Accompagner la construction de l’ĂȘtre au monde dans sa relation Ă  l’environnement : quelles approches pĂ©dagogiques du sensible pour favoriser les comportements Ă©cocitoyens ? », in ‘‘Analyses’’, Productions de l’Institut d’Éco-PĂ©dagogie (IEP), Juin 2019. https://ecotopie.be/publication/accompagner-la-construction/

(15)  Ravat J., Actions, Ă©motions, motivation : fondements psychologiques du raisonnement pratique, Le Philosophoire, 2007. https://www.cairn.info/revue-le-philosophoire-2007-2-page-81.htm

(16)  Vivre avec l’effondrement et revivre de ses cendres ! De causes Ă  effets, Podcast France Culture,  https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/de-cause-a-effets-le-magazine-de-l-environnement/vivre-avec-l-effondrement-et-revivre-de-ses-cendres-5634078

(17)  P. Descola et A. Pignocchi. Ethnographies des mondes Ă  venir, Seuil 2022.

On ne prĂ©sente plus PIPSa, le service de PĂ©dagogie Interactive en Promotion de la SantĂ©, son outilthĂšque pipsa.be et ses fameux ‘coup de cƓur’ qu’on relaye au fil de nos numĂ©ros. Mais connaissez-vous the new PIPSa ?

En 2023, le projet se réinvente et prend un nouveau virage, pour coller toujours plus aux besoins des acteurs de terrain. En marge des journées La Santé en Jeu(x) qui se sont déroulées fin mars, Lucie Hubinon et Catherine SpiÚce nous dévoilent la nouvelle silhouette de PIPSa.

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Coup d’Ɠil dans le rĂ©troviseur

L’histoire de l’outilthĂšque PIPSa remonte au crĂ©puscule du siĂšcle dernier, nous raconte avec malice Catherine SpiĂšce. C’est en effet en 1999, au moment oĂč la FĂ©dĂ©ration Wallonie-Bruxelles a publiĂ© son dĂ©cret relatif Ă  la promotion de la santĂ© et organise le paysage sur son territoire, que le service de promotion de la santĂ© des MutualitĂ©s socialistes – dĂ©sormais Solidaris – propose un programme autour des outils pĂ©dagogiques en promotion de la santĂ©. L’idĂ©e est audacieuse et novatrice pour l’époque : un site internet qui recenserait le matĂ©riel pĂ©dagogique existant et donnerait un avis sur la qualitĂ© de chaque outil et son apport Ă  la promotion de la santĂ©. Une grille d’évaluation est alors Ă©laborĂ©e avec le soutien de l’APES (devenu ESPRiST entre-temps), des cellules d’évaluateurs avec des experts du terrain sont mises sur pied. Le projet est lancĂ© ! L’analyse des outils pĂ©dagogiques existants continue, et ce fut le cas sans discontinuer jusqu’à ce jour.

Au fil des ans, le projet se dĂ©ploie et PIPSa ajoute Ă  son offre l’accompagnement mĂ©thodologique pour crĂ©er des outils en promotion de la santé : formations, coaching individuel et en Ă©quipe, site www.creerunoutil.be. AccompagnĂ©e par la COCOF, l’équipe mĂšne ensuite une enquĂȘte portant sur les besoins des acteurs bruxellois en matiĂšre d’outils. Elle interroge, au-delĂ  des membres reconnus du secteur de la PS, d’autres associations issues de la mĂ©diation scolaire, des services d’alphabĂ©tisation, des maisons mĂ©dicales, etc. Le besoin le plus fortement exprimĂ© par tous : connaĂźtre des outils et des processus ludiques (comprenez « relatifs au jeu [1]»). PIPSa fait alors appel Ă  l’asbl LUDO pour dispenser des formations destinĂ©es Ă  enrichir la culture ludique des opĂ©rateurs afin que les jeux crĂ©Ă©s dans le cadre de la PS aient un potentiel ludique et de plaisir.  

Un autre constat paradoxal est tirĂ© de cette enquĂȘte : d’aprĂšs les acteurs eux-mĂȘmes, le temps leur manque pour aller emprunter un support pĂ©dagogique, qui existe mais qui n’est pas toujours parfaitement adaptĂ© Ă  leurs besoins ou leurs publics ; par contre, ils sont plus enclins Ă  crĂ©er leurs propres supports pĂ©dagogiques. Concevoir un outil prend Ă©normĂ©ment de temps mais les acteurs estiment que le temps investi dans la crĂ©ation leur permet de s’approprier la matiĂšre et l’outil, et de se sentir plus lĂ©gitimes auprĂšs de leurs publics.

Face au double besoin exprimĂ© par les opĂ©rateurs d’enrichir leur culture ludique d’une part, et de crĂ©er leurs propres outils d’autre part, PIPSa et LUDO s’associent pour crĂ©er le Ludovortex (voir encadrĂ© ci-dessous).

Aujourd’hui, Ă  la faveur des agrĂ©ments et nouveaux programmes en Wallonie et Ă  Bruxelles, PIPSa propose de se donner pour ligne conductrice de favoriser et faciliter l’utilisation du ludique dans la pĂ©dagogie en promotion de la santĂ©.

Le jeu, un outil puissant pour parler santé

« Le jeu n’est pas le contraire du sĂ©rieux, mais le contraire de la rĂ©alitĂ© Â»

Sigmund Freud

Comme l’explique Lucie Hubinon, «le jeu offre la possibilitĂ© de vivre des expĂ©riences qui sont semblables Ă  celles de la vie rĂ©elle, mais en ayant le droit Ă  l’erreur. C’est un lieu oĂč on peut venir interroger et titiller nos reprĂ©sentations. Â». Avant d’ajouter : Â« parler de santĂ© touche Ă  l’ordre de l’intime, voire du trĂšs intime avec les thĂ©matiques de l’EVRAS, des addictions, de nos comportements et nos habitudes de vie
 Quand on est dans un jeu, dans une rĂ©alitĂ© ‘qui n’est pas le rĂ©el’, on peut venir tester, s’interroger et mĂȘme se tromper».

De plus, le jeu a la capacitĂ© de favoriser la motivation et l’engagement, tant des enfants que des adultes, de maniĂšre individuelle et collective. Il a aussi la formidable possibilitĂ© de (re)crĂ©er du lien, d’inciter des dĂ©marches participatives
 Le jeu est ainsi un outil prĂ©cieux en promotion de la santĂ© pour augmenter le pouvoir de dire et d’agir des personnes.

Pour autant qu’il utilise Ă  bon escient les ressorts de la ludopĂ©dagogie


LudopĂ©dagogie, vous avez dit ?

Qu’entend-t-on par-lĂ  ? Comme l’explique Michel Van Langedonckt [2], la ludopĂ©dagogie combine Ă  la fois la pĂ©dagogie du jeu, mais aussi la pĂ©dagogie des jeux. La pĂ©dagogie du jeu fait appel Ă  l’attitude de l’animateur, qu’on appelle l’attitude ludique, et au fait d’appliquer des mĂ©canismes ludiques (« la ludification Â») aux apprentissages. Quant Ă  la pĂ©dagogie des jeux, elle renvoie Ă  la conception, Ă  l’adaptation et Ă  l’utilisation de jeux Ă  des fins pĂ©dagogiques.

En faisant appel au concept de la ludopédagogie, PIPSa entend soutenir les acteurs de terrain sur ces différents axes

« Tous les jeux ne sont pas ludiques Â»

Cette affirmation va Ă  l’encontre de la dĂ©finition proposĂ©e dans les dictionnaires, mais comme nous l’expliquent Catherine SpiĂšce et Lucie Hubinon : « notre postulat de dĂ©part est qu’on apprend mieux avec le plaisir. Certains jeux sont des ‘faux jeux’. C’est une stratĂ©gie qui utilise le jeu en pĂ©dagogie
 mais qui n’a de jeu que le nom. Tandis qu’il existe des jeux, parfois trĂšs simples, Ă  fort potentiel ludique. Nous souhaitons partir de ces jeux pour que les acteurs et animateurs puissent se les approprier et dĂ©velopper des contenus liĂ©s aux thĂ©matiques de santĂ© ».

C’est donc liĂ© au premier axe de la pĂ©dagogie des jeux : la crĂ©ation, l’adaptation et l’utilisation de jeux existants Ă  des fins pĂ©dagogiques.

Une question d’attitude aussi

Le second axe quant Ă  lui porte sur l’attitude et les mĂ©canismes ludiques. « MĂȘme si on est convaincu de la puissance du jeu comme outil de prĂ©vention et de promotion de la santĂ©, ça ne signifie pas qu’on soit Ă  l’aise avec la posture ludique », renchĂ©rit Lucie Hubinon. Le dĂ©veloppement de l’attitude ludique renvoie tant Ă  l’animateur qu’à l’environnement qui soient suffisamment accueillant et bienveillant pour inviter le plaisir.

Le plaisir du jeu et dans le jeu

Le plaisir : voici justement un Ă©lĂ©ment qui est revenu dans la bouche de tous les intervenants lors des deux matinĂ©es La SantĂ© en Jeu(x). Olivier GrĂ©goire (Ludeo) l’exprime ainsi : Â« Ce n’est pas parce qu’un outil a des cartes ou un dĂ© que c’est un jeu. En tant que professionnels du jeu, l’idĂ©e est plutĂŽt de ramener le tout Ă  la notion de plaisir. S’il n’y a pas de plaisir, il n’y a pas de jeu. Notre outil, ce n’est pas le jeu, c’est le plaisir de jouer ! ».

Et d’ajouter ensuite « pour le dire de maniĂšre provocante : on peut dĂ©truire un groupe avec un jeu coopĂ©ratif, tout comme on peut souder un groupe avec un jeu compĂ©titif. La compĂ©tition peut ĂȘtre porteuse si elle est amenĂ©e dans un but de plaisir, de dĂ©calage, si elle est bien encadrĂ©e.»

Les recommandations d’experts du jeu

Quels sont les freins et les leviers pour augmenter le pouvoir de dire et d’agir des personnes par l’entremise du jeu ? Voici la question substantielle qui Ă©tait posĂ©e aux intervenants de La SantĂ© en Jeu(x). Voici un florilĂšge de recommandations tirĂ©es de l’expĂ©rience de professionnels du jeu.

« Partir des questionnements et des envies du public Â», commence Mathieu Blairon, de l’AMO TTC Accueil. « Mon retour de la pratique, quand on veut construire un instrument de prĂ©vention par le jeu comme en EVRAS avec des adolescents, est avant tout de partir d’expĂ©riences positives et de leurs envies plutĂŽt que de partir des peurs des animateurs Â». D’ailleurs, c’est important « la maniĂšre d’entrer en jeu pour un animateur : ne pas adopter une posture d’expert mais se mettre Ă  la hauteur des personnes avec lesquelles on travaille Â», renchĂ©rit VĂ©ronique Joris de l’asbl Le Grain.

« Avant de jouer pour apprendre, il faut rĂ©apprendre Ă  jouer. Â»

Quentin Daspremont , Ludo-Social

Trouver l’équilibre entre l’objectif pĂ©dagogique et le plaisir est un frein important Ă  lever, selon Thibaut Quintens (Seriously Fun et Acting Games). Ne pas rester braquĂ© sur le message qu’on veut faire passer, mais se focaliser sur un seul objectif, un message simple
 le reste suivra, et beaucoup plus de choses se diront et se vivront qu’anticipĂ© au dĂ©part. « Au-delĂ  mĂȘme du plaisir, cherchez Ă  maximiser l’expĂ©rience humaine, favorisez le relationnel et crĂ©ez un souvenir ! Â», insiste enfin Quentin Daspremont (Ludo-Social).

PIPSa dans l’avenir

Forte de ces notions et de ces recommandations, PIPSa a dĂ©sormais comme objectif, d’une part, de « faire sortir les jeux de l’enceinte de notre outilthĂšque Â», explique Catherine SpiĂšce, et aller les prĂ©senter davantage auprĂšs des intervenants de premiĂšre ligne qui les utilisent ou pourraient les utiliser. « Ceci nous permettra aussi de proposer ce qui touche au dĂ©veloppement de l’attitude ludique Â».

D’autre part, un autre objectif est d’aller (re)crĂ©er du lien social et du collectif, de favoriser et promouvoir l’intersectorialitĂ©. Regrouper diffĂ©rents acteurs autour d’outils ou de thĂ©matiques particuliĂšres permettra de les rassembler, de favoriser les Ă©changes et les pratiques. PIPSa souhaite davantage encore devenir un point de liaison entre les acteurs de premiĂšre ligne, mais aussi un acteur de liaison entre le ludique, le pĂ©dagogique et la santĂ©.

Ludovortex: Vingt mille jeux sous les mers

CrĂ©Ă© par l’asbl LUDO, en partenariat avec PIPSa, le Ludovortex est un jeu de cartes « couteau suisse Â» destinĂ© Ă  concevoir, adapter, analyser, animer ou encore dĂ©briefer des jeux ! Il est composĂ© de 8 catĂ©gories de cartes correspondant aux diffĂ©rents Ă©lĂ©ments constitutifs d’un jeu :

  • MatĂ©riel (« Ce avec quoi on joue Â»)
  • Animation (le processus de mise en jeu),
  • DĂ©terminants (les notions incontournables),
  • MĂ©canismes (les actions qui se rĂ©pĂštent en cours de jeu),
  • CompĂ©tences (les aptitudes sollicitĂ©es dans le jeu),
  • Structures relationnelles (« ce qui conditionne les interactions Â») ,
  • ExpĂ©rience (le vĂ©cu du joueur),
  • DĂ©briefing (la mise en commun faisant suite au jeu).

Le Ludovortex facilite l’articulation des mĂ©caniques ludiques et des compĂ©tences Ă  mobiliser pour atteindre les objectifs de prĂ©vention et de promotion de la santĂ©.

Pour le dĂ©couvrir, le tester, apporter des suggestions pour le faire Ă©voluer ou l’acquĂ©rir, rendez-vous sur : www.ludovortex.games.

Pour en savoir plus, rendez-vous sur https://www.pipsa.be

[1] DĂ©finition le Robert

[2] Michel Van Langedonckt,

« La ludopĂ©dagogie au cƓur des apprentissages des secteurs Ă©ducatif, social et de la santĂ© Â», revue Eduquer n°175, La Ligue de l’Enseignement et de l’Education permanente, janvier 2023

Émilie Gleason et Arthur Croque se sont donnĂ© pour mission de rĂ©vĂ©ler une problĂ©matique appelĂ©e « addiction Ă  la malbouffe ». L’idĂ©e est que la nourriture peut ĂȘtre une drogue pour certaines personnes. Dans cette BD-enquĂȘte, didactique et militante, aux personnages grotesques et flashy, les auteurs nous emmĂšnent Ă  la rencontre des victimes de cette « addiction », des hommes et des femmes dĂ©vorĂ©s par leur relation Ă  l’alimentation.

three different donuts, on a plate on yellow background

Tout est parti pour Émilie Gleason d’un choc lorsque le mari de sa cousine, mexicain, ajoute deux cuillĂšres de sucre dans son Coca. Il nait chez la dessinatrice une envie insatiable d’en apprendre davantage sur les effets addictifs de cette substance et de rĂ©vĂ©ler ceux-ci au grand public. Elle est rejointe dans son projet par Arthur Croque, journaliste, pour mener l’enquĂȘte. Au fil de leurs recherches et de leurs rencontres, le projet s’oriente autour d’une organisation encore peu connue en Europe les « Food addicts ». 

Un recueil colorĂ© de tĂ©moignages acidulĂ©s 

L’histoire commence avec Zazou, une jeune femme de 19 ans Ă  l’allure rebelle, sur le point de participer Ă  sa premiĂšre rĂ©union des « Food Addicts ». 

AprĂšs avoir vu le rĂ©cit d’expĂ©riences menĂ©es par Paul Kenny, expert en drogues irlandais, sur l’addiction des rats pour la junk food (et particuliĂšrement le cheese-cake et sa combinaison de sucre et de gras), Zazou remplit le questionnaire de l’organisation sur les troubles du comportement alimentaire : elle rĂ©pond oui Ă  toutes les questions.  

ScandalisĂ©e par son rĂ©sultat, elle fait la rencontre de Bambi, une motarde membre des Food Addicts qui tente de la convaincre d’assister Ă  une rĂ©union. Zazou finit, non sans rĂ©ticence, par accepter. AccompagnĂ©e par Bambi qui devient sa « marraine », Zazou va dĂ©couvrir la dure rĂ©alitĂ© des membres de ce groupe, rĂ©uni Ă  la maniĂšre des alcooliques anonymes. 

Les tĂ©moignages vont s’enchaĂźner :  

  • Winnie : « Food Addict » depuis l’enfance aprĂšs avoir goĂ»tĂ© une barre de « Crunch » et qui va plonger dans une alternance de rĂ©gimes drastiques – soutenus par toutes les drogues possibles – et de moments de « binge » jusqu’à sa grossesse oĂč ne se succĂšderont plus que des moments de « binge » ;  
  • Iago : au corps de rĂȘve adulĂ© sur Instagram, mangeant jusqu’à exploser puis se faisant vomir et se perdant dans une frĂ©nĂ©sie de sports ; 
  • Clochette : Ă  la fois « Food Addict » et « Sex Addict », gobant aussi bien les mecs que les biscuits d’apĂ©ro ; 
  • 
  

DiffĂ©rents personnages, qui illustrent tous, selon les auteurs, un aspect de l’addiction Ă  l’alimentation.  

L’addiction à la malbouffe

Par ces tĂ©moignages, la BD dĂ©nonce l’existence d’une « addiction Ă  l’alimentation Â» en pointant du doigt les drogues toujours plus grasses et sucrĂ©es produites en masse par l’industrie agroalimentaire. Elle explique que si un Food Addict peut dans l’absolu dĂ©vorer n’importe quoi, les produits qui vont l’obsĂ©der seront toujours les mĂȘmes : « les aliments trĂšs caloriques, Ă  consistance onctueuse ou croustillante, qui combinent gras, sel, sucre et activent fortement le circuit de la rĂ©compense Â» [1].

Elle prĂ©cise Ă©galement que, tout comme pour l’alcool, certains pourront consommer un burger ou une pizza de temps en temps, alors que pour d’autres cela deviendra une « vĂ©ritable addiction Â». La postface prĂ©cise que 5 Ă  10 % de la population pourrait ĂȘtre atteinte de « food addiction ». 

Bien qu’intĂ©ressante pour accroitre la visibilitĂ© de problĂ©matiques bien rĂ©elles, les explications apportĂ©es par la BD posent question.

Dans la littĂ©rature scientifique, c’est en 1956 que le terme « food addiction » (addiction alimentaire) apparaĂźt pour la premiĂšre fois (Randolph, 1956). Cependant, aujourd’hui encore, la nature de « l’addiction alimentaire Â» demeure un sujet controversĂ© qui divise les experts et nĂ©cessite des Ă©tudes supplĂ©mentaires.

Pour certains chercheurs, la nourriture hautement « palatable Â», contenant une grande quantitĂ© de sucre, de sel et de gras, aurait des propriĂ©tĂ©s addictives et agirait de la mĂȘme façon qu’une drogue au niveau du cerveau (Avena, Rada & Hoebel, 2009 ; Meule & Gearhardt, 2014).

Certaines Ă©tudes semblent en effet aller dans ce sens.

Des Ă©tudes menĂ©es auprĂšs de rats ont observĂ© que les animaux Ă  qui on donnait accĂšs Ă  de la nourriture sucrĂ©e, Ă  la suite d’une pĂ©riode de privation, montraient des symptĂŽmes s’apparentant Ă  ceux de la dĂ©pendance aux substances (Avena, Rada & Hoebel, 2008).

Les rats pouvaient consommer une trĂšs grande quantitĂ© de nourriture en trĂšs peu de temps, et ce, malgrĂ© des dĂ©charges Ă©lectriques (Avena et al., 2008 ; Gearhardt, White & N Potenza, 2011 ; Johnson & Kenny, 2010). En plus de ces changements comportementaux, les chercheurs ont observĂ© chez ces rats des altĂ©rations neurologiques au niveau de circuits impliquĂ©s dans la dĂ©pendance aux substances (Hoebel, Rada, Mark & Pothos, 1999 ; Nieto, Wilson, Cupo, Roques & Noble, 2002).

Un questionnaire a d’ailleurs Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© en 2009, le « Yale Food Addiction Scale Â» (YFAS), afin d’identifier les individus prĂ©sentant des symptĂŽmes d’addiction Ă  l’alimentation (Gearhardt, Corbin & Brownell, 2009). InspirĂ© des critĂšres diagnostiques de dĂ©pendance aux substances du DSM-IV-TR (American Psychiatric Association, 2000), il vise Ă  dĂ©crire les difficultĂ©s cliniques que rencontrent certaines personnes dans leur relation Ă  l’alimentation : la perte de contrĂŽle sur la consommation alimentaire, une incapacitĂ© Ă  rĂ©duire leur consommation malgrĂ© le dĂ©sir de le faire ou encore la poursuite de comportements malgrĂ© la connaissance des effets nĂ©gatifs de cette consommation alimentaire sur leur santĂ©. Par conception, le YFAS suggĂšre donc que la dĂ©finition de l’addiction alimentaire serait constituĂ©e de symptĂŽmes approximativement Ă©quivalents aux symptĂŽmes d’une dĂ©pendance aux substances, mais appliquĂ© Ă  la nourriture.

Toutefois, comme expliquĂ© plus tĂŽt, cette thĂ©orie ne repose que sur le modĂšle animal. À ce jour, aucune Ă©tude n’a pu Ă©valuer ce potentiel addictif sur les ĂȘtres humains ; ni dans quelle mesure celui-ci pourrait avoir un impact rĂ©el sur les comportements alimentaires.

De nombreux chercheurs et experts se sont donc opposĂ©s Ă  l’idĂ©e de l’existence d’une addiction alimentaire analogue Ă  l’addiction aux drogues (Albayrak, Wölfle & Hebebrand, 2012 ; Hebebranda et al., 2015 ; Wilson, 2010 ; Nolan, 2017) et proposent plutĂŽt de classer l’addiction alimentaire dans la catĂ©gorie des dĂ©pendances comportementales, qui ne seraient pas causĂ©es par une substance psychoactive (Rosenberg & Feder, 2014).

Jean-Philippe Zermati et GĂ©rard Apfeldorfer deux spĂ©cialistes français du comportement alimentaire expliquent : « aucun aliment ne rĂ©pond aux critĂšres dĂ©finissant une substance addictive Â». D’une part, « il n’existe pas de tolĂ©rance, ce qui veut dire que la personne qui aime le chocolat n’est pas conduite Ă  augmenter les doses indĂ©finiment pour obtenir le mĂȘme plaisir, comme c’est le cas pour l’hĂ©roĂŻne, par exemple Â». D’autre part, « Il n’y a pas non plus de syndrome de sevrage quand on cesse de boire du Coca ou de manger des hamburgers-frites Â». Le seul Ă©lĂ©ment commun avec les produits addictifs serait donc « la focalisation sur la consommation : certaines personnes sacrifient leurs autres activitĂ©s Ă  la recherche et la consommation de certains aliments Â».

Sur ce point, ils pointent du doigt la restriction cognitive. C’est le « fait de contrĂŽler mentalement son comportement alimentaire en vue de contrĂŽler son poids qui serait, en rĂ©alitĂ©, ce qui conduit Ă  cette focalisation. Â» Par ailleurs, ils prĂ©cisent que « certaines conduites alimentaires correspondent Ă  ce qu’on appelle des addictions comportementales. Ces conduites rĂ©pĂ©titives, comme le jeu pathologique, le travail compulsif, certaines conduites Ă  risque, ont comme finalitĂ© de protĂ©ger la personne de ses Ă©motions et de ses pensĂ©es douloureuses Â».

Qui dit « addiction » dit « abstinence »?

Pour surmonter sa dĂ©pendance, Zazou rejoint les Food Addicts. Un groupe de parole Ă  caractĂšre religieux qui, Ă  la maniĂšre des Alcooliques anonymes, prĂŽne l’abstinence. Pour l’alimentation, l’abstinence se dĂ©finit comme « des repas pesĂ©s, sans farine ni sucre, sans rien entre les repas et le moindre excĂšs Â».

Cette association existe rĂ©ellement. CrĂ©Ă©e aux États-Unis, elle propose un programme en douze Ă©tapes contre la malbouffe en s’inspirant du modĂšle des Alcooliques anonymes. L’association s’est exportĂ©e dans diffĂ©rents pays, mais pas en Belgique.

Dans leur BD, les auteurs ont Ă  cƓur de souligner la culpabilitĂ© des industries agroalimentaires qui Ɠuvrent Ă  rendre les produits alimentaires toujours plus addictifs en ciblant l’atteinte du « point de fĂ©licitĂ© Â», mĂ©lange de sucre, gras et sel destinĂ© Ă  rendre accro le cerveau, et encouragent l’adoption de mesures politiques rĂšglementaires fortes. Toutefois, la solution prĂ©sentĂ©e dans l’histoire repose sur le soutien des pairs, mais surtout un contrĂŽle alimentaire extrĂȘme.

Au vu de la controverse sur la nature de l’addiction Ă  l’alimentation, on peut s’interroger sur l’efficacitĂ© rĂ©elle de cette solution. En effet, dans les Ă©tudes qui s’intĂ©ressent Ă  l’addiction alimentaire, sa prĂ©valence est bien plus importante chez les personnes prĂ©sentant un trouble du comportement alimentaire (« TCA Â») (Pursey et al., 2014). Or, mĂȘme dans l’hypothĂšse d’une addiction alimentaire liĂ©e Ă  la substance mĂȘme, dans le cas d’un TCA ou d’un trouble induit par la restriction cognitive (c’est-Ă -dire dans la majoritĂ© des cas), cette solution peut, en rĂ©alitĂ©, venir renforcer le trouble prĂ©sent : l’interdiction nourrissant l’addiction.

Conclusion

Si la BD est discutable d’un point de vue scientifique sur la nature de l’addiction Ă  l’alimentation, et sur l’approche thĂ©rapeutique qui en dĂ©coule, elle a l’indĂ©niable point fort de visibiliser l’enjeu et de donner la parole aux victimes en souffrance avec leur alimentation par des images colorĂ©es, fortes et marquantes.

Pour conclure, si l’accent est mis dans la BD sur le caractĂšre addictif de l’alimentation, et spĂ©cifiquement de la malbouffe, il importe de ne pas non plus perdre de vue le rĂŽle central de la grossophobie, et de la pression sociale liĂ©es Ă  la minceur, pouvant induire des phases de restrictions calorique ou cognitive extrĂȘmes et contribuant ainsi pour une large part Ă  la souffrance illustrĂ©e par la BD.

[1] Les exemples cités dans la BD sont le chocolat, la crÚme glacée, les frites, la pizza ou encore le cookie.

Gleason E., Croque A., Junk Food, les dessous d’une addiction, Ed. Casterman, 2023

Pour aller plus loin

Site internet de l’association des Food addicts : https://www.foodaddicts.org

Bibliographie

Albayrak, Ö., Wölfle, S. M. & Hebebrand, J. (2012). Does food addiction exist? A phenomenological discussion based on the psychiatric classification of substance- related disorders and addiction. Obesity Facts, 5(2), 165‐179.

American Psychiatric Association. (2000). Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fourth Edition: DSM-IV-TR. American Psychiatric Association.

American Psychiatric Association. (2013). Diagnostic and statistical manual of mental disorders. 5th ed. American Psychiatric Publishing.

APFELDORFER G. Addiction aux aliments sucrĂ©s : vrai ou faux dĂ©bat ? In Le goĂ»t du sucre, plaisir et consommation, M.-S. Billaux Ed. Éditions Autrement, coll. Mutations, Paris, N°263, pp 125-137, sept. 2010.

Avena, N. M., Rada, P. & Hoebel, B. G. (2008). Evidence for sugar addiction: Behavioral and neurochemical effects of intermittent, excessive sugar intake. Neuroscience and biobehavioral reviews, 32(1), 20‐39. https://doi.org/10.1016/j.neubiorev.2007.04.019

Avena, N. M., Rada, P. & Hoebel, B. G. (2009). Sugar and Fat Bingeing Have Notable Differences in Addictive-like Behavior. The Journal of Nutrition, 139(3), 623‐628.

Gearhardt, A. N., Corbin, W. R. & Brownell, K. D. (2009). Preliminary validation of the Yale Food Addiction Scale. Appetite, 52(2), 430‐436. https://doi.org/10.1016/j.appet.2008.12.003

Gearhardt, A. N., White, M. A. & N Potenza, M. (2011). Binge eating disorder and food addiction. Current drug abuse reviews, 4(3), 201–207.

Gearhardt, A. N., Corbin, W. R. & Brownell, K. D. (2016). Development of the Yale Food Addiction Scale Version 2.0. Psychology of Addictive Behaviors, 30(1), 113.

Hauck C, Cook B, Ellrott T. Food addiction, eating addiction and eating disorders. Proc Nutr Soc. 2020 Feb;79(1):103–112. doi: 10.1017/S0029665119001162. Epub 2019 Nov 20. PMID: 31744566.

Hebebranda, J., Albayraka, Ö., Adanb, R., Antel, J., Dieguezc, C., De Jongb, J., … Dickson, S. L. (2015). « Eating addiction », rather than « food addiction », better captures addictive-like eating behavior. Neuroscience and Biobehavioral Reviews, 47, 295‐306. https://doi.org/10.1016/j.neubiorev.2014.08.016

Hoebel, B., Rada, P. V., Mark, G. P. & Pothos, E. (1999). Neural systems for reinforcement and inhibition of behavior: relevance to eating, addiction and depression. Well-being: Foundations of Hedonic Psychology, 560–574.

Johnson, P. M. & Kenny, P. J. (2010). Dopamine D2 receptors in addiction-like reward dysfunction and compulsive eating in obese rats. Nature Neuroscience, 13(5), 635‐641. https://doi.org/10.1038/nn.2519

Meule, A. & Gearhardt, A. N. (2014). Food Addiction in the Light of DSM-5. Nutrients, 6(9), 3653‐3671. https://doi.org/10.3390/nu6093653

Nieto, M., Wilson, J., Cupo, A., Roques, B. P. & Noble, F. (2002). Chronic morphine treatment modulates the extracellular levels of endogenous enkephalins in rat brain structures involved in opiate dependence: a microdialysis study. Journal of Neuroscience, 22, 1034–1041.

Nolan, L. J. (2017). Is it time to consider the “food use disorder?” Appetite, 115, 16–18. https://doi.org/10.1016/j.appet.2017.01.029

Randolph, T. G. (1956). The descriptive features of food addiction; addictive eating and drinking. Quarterly Journal of Studies on Alcohol, 17(2), 198‐224.

Rosenberg, K. P. & Feder, L. C. (2014). Behavioral Addictions: Criteria, Evidence, and Treatment. Academic Press.

Schulte, E. M. & Gearhardt, A. N. (2017). Development of the modified Yale food addiction scale version 2.0. European Eating Disorders Review, 25(4), 302–308.

Wilson, G. T. (2010). Eating disorders, obesity and addiction. European eating disorders review : the journal of the Eating Disorders Association, 18(5), 341‐51. https://doi.org/10.1002/erv.1048

Zermati, J-P. (2019). Osez manger, libérez-vous du contrÎle. Odile Jacob.

Zermati, J-P. (2020, April 4). Addictions alimentaires : en rĂ©alitĂ©, nous sommes addicts au contrĂŽle. [Video]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=kQfwUSNzLQs

Que d’encre a coulĂ© depuis le dĂ©but de la pandĂ©mie de COVID-19 au niveau de la recherche scientifique, y compris dans le domaine de la promotion de la santĂ© (PS). Ces travaux ont souvent questionnĂ©, de maniĂšre critique, l’intĂ©gration de la PS dans la gestion de la crise. Ces critiques sont restĂ©es pour la plupart purement dĂ©claratives. En tant que chaire de recherche sur la premiĂšre ligne, Be.hive s’est engagĂ©e dans cette thĂ©matique avec la volontĂ© de tirer les leçons Ă  partir de diffĂ©rents travaux menĂ©s pendant cette crise sanitaire.

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Les auteurs

Delphine Kirkove (delphine.kirkove@uliege.be) et BenoĂźt PĂ©trĂ© (benoit.petre@uliege.be) , DĂ©partement des Sciences de la SantĂ© Publique Ă  l’UniversitĂ© de LiĂšge   

Aurore Margat et Remi Gagnayre, Laboratoire Educations et Promotion de la SantĂ© Ă  l’UniversitĂ© Sorbonne Paris Nord (https://leps.univ-paris13.fr)

La crise sanitaire, liĂ©e au COVID-19, a mis les systĂšmes de santĂ© sous pression. Afin de limiter l’impact de la pandĂ©mie et sa propagation, les gouvernements du monde entier ont dĂ» prendre diffĂ©rentes mesures, parmi lesquelles les Ă©ducations en santĂ© (ES), que ce soit l’éducation Ă  la santĂ© (centrĂ©e sur la population gĂ©nĂ©rale) ou l’éducation thĂ©rapeutique du patient (centrĂ©e sur les personnes malades), occupent une place centrale (1).

Durant cette pĂ©riode, la premiĂšre ligne de soins a tenu un rĂŽle majeur au vu de sa position de proximitĂ© avec la population pour soutenir l’appropriation de ces mesures de protections. En ce sens, la pĂ©riode liĂ©e au COVID-19 reprĂ©sente une fenĂȘtre d’opportunitĂ© pour Ă©tudier les capacitĂ©s et la maturitĂ© de la premiĂšre ligne dans son rĂŽle Ă©ducatif. Cela rejoint par ailleurs des thĂ©matiques d’actualitĂ© comme en tĂ©moignent les assises de la premiĂšre ligne et le nouveau plan de Promotion de la SantĂ© de la rĂ©gion wallonne (3) (4).

À partir d’une sĂ©rie de recherches et de projets d’accompagnement d’acteurs impliquĂ©s dans des actions Ă©ducatives, cet article prĂ©sente quelques rĂ©flexions et pistes d’action.

Actions menées par Be.hive pendant la crise

Be.hive est la Chaire interdisciplinaire de la premiĂšre ligne. Elle rassemble 3 universitĂ©s (UCLouvain, ULB et U-LiĂšge), 3 hautes Ă©coles (HĂ©nallux, HE Vinci et HELB – Ilya Prigogine), des reprĂ©sentants des usagers de soins de santĂ© et du public, professionnels, managers et politiques. L’objectif de la Chaire est de contribuer au dĂ©veloppement d’une premiĂšre ligne d’aide et de soins forte et efficace en Belgique francophone.

Pour en savoir plus : be.hive.be

Un des axes de travail de Be.hive s’intĂ©resse tout particuliĂšrement Ă  la participation et Ă  l’engagement des individus dans les soins et l’aide (5). Lors de la crise sanitaire, Be.hive a rĂ©orientĂ© certains travaux afin d’explorer cette crise sous le prisme de la promotion de la santĂ© et plus particuliĂšrement des Ă©ducations en santĂ©, en tant que levier de participation et d’engagement des citoyens.

Voici les diffĂ©rentes activitĂ©s de recherche :

  1. La gestion de la pandĂ©mie questionne la place et l’implication du citoyen dans cette gestion. Nous avons voulu savoir quelles Ă©taient les informations collectĂ©es au sein de la population pour monitorer les connaissances, attitudes et pratiques en matiĂšre de prĂ©vention sanitaire. Entre avril et mai 2020, nous avons enregistrĂ© et analysĂ© 45 enquĂȘtes de monitoring de la population rĂ©alisĂ©es durant la pĂ©riode de Covid-19, en Belgique et en France. Cette recherche a Ă©tĂ© menĂ©e en collaboration avec le LEPS (Laboratoire Educations et Pratiques de SantĂ©, UniversitĂ© Sorbonne – Paris Nord).
    • PĂ©trĂ© B, Kirkove D, Andrade V De, Crozet C, Toro-arrocet D, Margat A, et al. Learnings from Health Behavioural Survey Practices in France and Belgium During the First COVID-19 Stay-at-Home Order. Patient Prefer Adherence [Internet]. 2021;15:807–9. https://doi.org/10.2147/ppa.s298401
  2. Face aux patients suspectĂ©s de COVID et se prĂ©sentant dans les centres de dĂ©pistage, les mĂ©decins se trouvaient relativement dĂ©munis pour donner les instructions des conduites prĂ©ventives Ă  tenir aux patients avant leur retour Ă  domicile. En rĂ©ponse, nous avons dĂ©veloppĂ©, Ă  partir de juin 2020, le modĂšle CEdRIC : une stratĂ©gie d’éducation brĂšve destinĂ©e aux citoyens suspectĂ©s ou confirmĂ©s d’infection au COVID-19 qui sont chargĂ©s de s’auto-isoler Ă  la maison. D’abord utilisĂ©e par les mĂ©decins urgentistes, l’utilisation de CEdRIC a ensuite Ă©tĂ© Ă©tendue au Service I Prom’s de la Province de LiĂšge, qui a mis ses agents Ă  disposition de diffĂ©rents centres de dĂ©pistage de la Province de LiĂšge. Nous avons analysĂ© le retour d’expĂ©riences concernant l’utilisation de la stratĂ©gie CEdRIC Ă  partir du point de vue des professionnels de santĂ© qui l’ont utilisĂ©e et des bĂ©nĂ©ficiaires (429 participants).
    • PĂ©trĂ© B, Paridans M, Guillaume M. Utilisation de la stratĂ©gie CEdRIC dans le contexte de la pandĂ©mie Ă  coronavirus (COVID-19), retour d’expĂ©rience. Rev Med Liege. 2022;77:1–6. https://hdl.handle.net/2268/293694
  3. Le dĂ©pistage du COVID-19 par testing salivaire a Ă©tĂ© introduit sous projet pilote dans les Ă©coles et maisons de repos (et de soins) entre dĂ©cembre 2020 et avril 2021. Les autoritĂ©s rĂ©gionales ont mandatĂ© notre service pour rĂ©aliser une Ă©tude de l’acceptabilitĂ© du test salivaire au niveau du personnel de ces deux types de structure (439 MR/MRS et 19 Ă©coles).
    • PĂ©trĂ© B, Paridans M, Gillain N, Husson E, Donneau AF, Dardenne N, et al. Acceptability of community saliva testing in controlling the Covid-19 pandemic : lessons learned from two case studies in nursing homes and schools. Patient Prefer Adherence. 2022. https://doi.org/10.2147/PPA.S349742
  4. L’accompagnement Ă©ducatif des patients chroniques s’est vu mis Ă  distance (usage de la tĂ©lĂ©consultation) en raison de la pandĂ©mie. Nous avons analysĂ©, de janvier Ă  mai 2021, la prĂ©paration et la perception de mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes (MG) (n= 12) et de patients chroniques (n=16) concernant l’accompagnement Ă©ducatif via la tĂ©lĂ©consultation, Ă  travers la rĂ©alisation de deux mĂ©moires sur ces sujets.
    • Kirkove, D., CennĂ©, L., & PĂ©trĂ©, B. (May 2022). Exploration du vĂ©cu des patients dans l’accompagnement Ă©ducatif durant la crise sanitaire en Belgique francophone. Poster session presented at CongrĂšs de la SociĂ©tĂ© d’Education ThĂ©rapeutique EuropĂ©enne, Montpellier, France. https://hdl.handle.net/2268/294735
  5. Face au dĂ©clin rencontrĂ© dans le nombre de cas-contact rapportĂ©s aux agents en charge du tracing en rĂ©gion wallonne, le service de promotion de la santĂ© de Solidaris a fait appel Ă  notre Ă©quipe pour accompagner les agents de tracing (30), Ă  travers des sĂ©ances de simulation et des apports de contenus liĂ©s aux Ă©ducations en santĂ© en juin 2020. Il s’agissait de faciliter l’engagement des publics bĂ©nĂ©ficiaires par une approche de type prĂ©ventive inscrite dans une perspective de promotion de la santĂ©.

Les éducations en santé : un réel besoin perçu par les acteurs

Une des premiĂšres observations concerne la rĂ©ception positive auprĂšs des professionnels des diffĂ©rents dispositifs mis en place. MalgrĂ© leur arrivĂ©e jugĂ©e tardive, un haut niveau de satisfaction est atteint dans l’accompagnement des agents de tracing qui se sont vu proposer une ouverture de leur pratique vers le champ des Ă©ducations en santĂ©. Le testing salivaire a Ă©tĂ© accueilli favorablement par 96.9% des Maisons de repos / Maisons de repos et soins (MR et MRS) et 100% des Ă©coles. Cet accueil favorable est notamment liĂ© Ă  l’impact important qu’a pu avoir le COVID parmi ces deux milieux de vie avec des longues pĂ©riodes de quarantaine dans les MR / MRS et des fermetures d’écoles. D’ailleurs, l’intention de poursuivre ce dispositif de testing Ă©tait trĂšs importante Ă©galement : 94.5% des MR / MRS (415 / 439) et 100% des Ă©coles (19/19).

Une réponse positive est également observée du cÎté des bénéficiaires.

  • Dans la stratĂ©gie CEdRIC, l’initiative a Ă©tĂ© apprĂ©ciĂ©e par 85.0% des bĂ©nĂ©ficiaires.
  • L’accompagnement Ă©ducatif Ă  distance a Ă©galement Ă©tĂ© accueilli favorablement par les patients porteurs de maladie chronique, notamment dans sa capacitĂ© Ă  maintenir une certaine continuitĂ© des soins, comme en tĂ©moigne l’extrait suivant : « Donc j’ai eu en effet un suivi trĂšs trĂšs trĂšs trĂšs rapprochĂ©, je pense que eux ont aussi voulu combler un petit peu le manque de relation physique, donc lĂ -dessus rien Ă  redire, j’ai Ă©tĂ© suivi particuliĂšrement frĂ©quemment ».

Au-delĂ  de cette satisfaction, l’accompagnement Ă  distance des patients a amenĂ© d’autres effets bĂ©nĂ©fiques tels qu’une plus grande flexibilitĂ© des professionnels de santĂ©, permettant de s’adapter aux besoins et rythmes des patients, suggĂ©rant l’intĂ©rĂȘt pour des formats multiples des Ă©ducations en santĂ© : « C’est une maladie quand mĂȘme assez complexe et au dĂ©but on se demande un petit peu ce qui nous arrive quoi, et c’est trĂšs compliquĂ© Ă  gĂ©rer au dĂ©part, donc oui c’est trĂšs bien d’avoir une infirmiĂšre Ă  tout moment aux heures de bureau et mĂȘme le mĂ©decin Â».

Ce passage Ă  distance a aussi mis en Ă©vidence la nĂ©cessitĂ© et le bienfait du soutien perçu du professionnel par le bĂ©nĂ©ficiaire, inscrivant le suivi dans une approche globale de l’individu : « L’accompagnement Ă  distance Ă©tait trĂšs soutenant. Surtout cette infirmiĂšre-lĂ  qui prenait des nouvelles, qui a appelĂ© et cetera, on se sent considĂ©rĂ© pas que comme malade en fait, parce qu’elle demande pas qu’aprĂšs notre maladie, elle demande aussi comment nous on allait ».

Les Ă©ducations en santĂ© : une stratĂ©gie qui ne s’improvise pas

Au-delĂ  du besoin perçu, la pĂ©riode COVID a aussi montrĂ© combien les Ă©ducations en santĂ© ne sont pas des stratĂ©gies qui s’improvisent, mais qui, au contraire, nĂ©cessitent un apprentissage.

Ainsi, certains professionnels ont manifestĂ© le sentiment d’ĂȘtre dĂ©munis, en particulier les urgentistes qui se sont vu confiĂ©s extrĂȘmement rapidement un rĂŽle « d’instruction Â» vis-Ă -vis des citoyens suspectĂ©s ou confirmĂ©s d’infection Ă  la COVID-19. MĂȘme constat du cĂŽtĂ© des agents de tracing bien dĂ©munis pour rĂ©colter des informations des contacts. Cette pĂ©riode a aussi Ă©tĂ© l’occasion d’une prise de conscience concernant l’inefficacitĂ© ou l’inadĂ©quation de certaines stratĂ©gies d’éducations en santĂ©, basĂ©es paradoxalement sur la peur ou l’imposition de mesures.

L’expĂ©rience vĂ©cue par les mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes a Ă©galement mis en Ă©vidence un certain constat d’imprĂ©paration pour ces professionnels qui se sont retrouvĂ©s fort isolĂ©s, en rappelant l’importance de la communication et du rĂŽle des Ă©motions dans la relation de soins : « ĂŠtre prĂȘt Ă  ĂȘtre ouvert, Ă  Ă©couter, Ă  se remettre en question et ĂȘtre prĂȘt Ă  rĂ©apprendre tout le temps en fait. A vraiment laisser la parole au patient. [
] Â».

Les éducations en santé sont-elles convoquées trop tard pour répondre à la crise ?

La majoritĂ© de nos interventions font suite Ă  l’émergence de difficultĂ©s et du constat d’imprĂ©paration des acteurs. L’expertise dans le domaine des Ă©ducations en santĂ© est ainsi relĂ©guĂ©e en seconde intention. Ainsi, l’accompagnement des agents de tracing a principalement Ă©tĂ© suscitĂ© Ă  la suite d’une rĂ©gression importante du nombre de cas rapportĂ©s (moins d’un cas par personne contactĂ©e).

MĂȘme si l’adhĂ©sion au test salivaire a Ă©tĂ© trĂšs important dans les MR / MRS, la participation effective au testing de la part du personnel l’est nettement moins avec un taux de 49% (11). Au-delĂ  de l’aspect technique de la procĂ©dure, ce rĂ©sultat soulĂšve la question de la motivation interne des professionnels pour utiliser le testing et des stratĂ©gies mises en place par certaines MR / MRS pour le soutenir.

Alors que les mesures prĂ©ventives prĂ©conisĂ©es contre la COVID-19 nĂ©cessitent une participation active de la population, les enquĂȘtes de monitoring mettent en Ă©vidence une assez faible implication de celle-ci. Ainsi, ces enquĂȘtes, avec un taux de plus de 70%, se concentrent principalement sur les mesures de l’impact du COVID sur la population tels que la qualitĂ© de vie, la vie sociale et professionnelle ou la sphĂšre familiale. Assez peu d’enquĂȘtes s’intĂ©ressent par contre aux mesures d’appropriation des conduites de prĂ©vention : 17% des enquĂȘtes (sur 45 Ă©tudiĂ©es) sur la perception de comprĂ©hension ou de connaissances des mesures. Les rĂ©sultats montrent aussi la nĂ©cessitĂ© d’un haut niveau de littĂ©ratie pour pouvoir y rĂ©pondre (une moyenne de 49.8 au test de Flesh, ce qui correspond Ă  un niveau d’étudiant d’études supĂ©rieures), ainsi que la faible implication des individus aux processus d’enquĂȘte que ce soit pour la conception (2%), la diffusion (11%) ou l’initiation de la recherche par une association de patients (4%). L’ensemble des rĂ©sultats laissent Ă  penser que ces enquĂȘtes de monitoring peuvent difficilement guider l’action publique.  En effet, peu d’investigation des freins et facilitants de la population dans l’appropriation des mesures sont rĂ©alisĂ©es.  

La crise sanitaire, source de rĂ©flexivitĂ© en matiĂšre d’éducations en santĂ©

En venant complĂ©ter l’aspect technique du dĂ©pistage, la stratĂ©gie CEdRIC, sous la forme d’une Ă©ducation brĂšve, a permis aux professionnels de dĂ©couvrir et puis d’adopter une certaine posture Ă©ducative et des stratĂ©gies soutenant l’autogestion. Par cette opportunitĂ©, ce dispositif s’inscrit dans l’un des cinq axes stratĂ©giques de la charte d’Ottawa sur la rĂ©orientation des services et dĂ©montre la complĂ©mentaritĂ© des services de santĂ© avec des agents provinciaux venus renforcer les mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes sur les sites de dĂ©pistage. La crise sanitaire montre la capacitĂ© d’adaptation des Ă©ducations en santĂ© Ă  dĂ©velopper diffĂ©rents formats, notamment de courte durĂ©e, de façon Ă  la rendre plus accessible et intĂ©grĂ©e aux soins.

Du cĂŽtĂ© des mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes (MG) aussi, l’expĂ©rience acquise lors de la crise sanitaire leur a permis de prendre conscience de pratiques Ă©ducatives dĂ©jĂ  prĂ©sentes, comme celle de l’apprentissage par imitation : « Par moi-mĂȘme, j’ai essayĂ© dans l’exemple que je donnais d’ĂȘtre irrĂ©prochable donc de ne pas toucher le masque [
]. Et je pense qu’effectivement, le fait que l’exemple soit montrĂ© [
] les poussait Ă  appliquer les mĂȘmes gestes. Â». Cet extrait illustre comment le MG a intĂ©grĂ© une stratĂ©gie d’apprentissage – en servant de modĂšle – qui est un Ă©lĂ©ment plutĂŽt Ă©lĂ©mentaire.

Cette pĂ©riode a aussi constituĂ© une prise d’autonomie du patient, forcĂ©e par les Ă©vĂšnements. Cette expĂ©rience « grandeur nature Â» a Ă©tĂ© jugĂ©e positive par les MG et oĂč le plus difficile Ă©tait finalement d’oser se lancer. Afin de pallier la contrainte du temps, ces derniers ont dĂ©veloppĂ© des consultations intĂ©gratives oĂč se combinent les sphĂšres curatives, prĂ©ventives, Ă©ducatives


Finalement, la crise a eu pour effet de mettre en exergue les besoins bio-psycho-sociaux de tout un chacun, y compris pour les professionnels : « Je pense qu’on doit mĂȘme dans des crises comme ça prendre soin de soi. [
] Â». Du cĂŽtĂ© des patients, cette pĂ©riode a agi comme un rĂ©vĂ©lateur sur l’importance de prendre soin d’eux-mĂȘmes : « J’ai eu le dĂ©clic de me dire en fait si moi je prends pas soin de moi il y aura personne qui va le faire ».

La crise sanitaire : entre menaces et opportunitĂ©s pour l’intĂ©gration des Ă©ducations en santĂ©

Les observations transversales de ces diffĂ©rents travaux menĂ©s pendant la crise sanitaire ont comme point commun de mettre en Ă©vidence un certain manque d’intĂ©gration de pratiques des Educations en santĂ© dans le systĂšme actuel des soins de santĂ©.

Ce rĂ©sultat corrobore le rĂ©sultat d’une Ă©tude menĂ©e, pendant le COVID, sur les programmes d’Education thĂ©rapeutique du patient en France. Cette derniĂšre rapporte une reprĂ©sentation de l’éducation thĂ©rapeutique du patient comme «non-essentielle Â», et qui a fait partie des premiĂšres activitĂ©s Ă  ĂȘtre stoppĂ©e (12).

Une autre croyance erronĂ©e est restĂ©e Ă©galement dominante durant cette crise : celle de croire que l’information suffit pour entraĂźner un changement de comportement (13), en tĂ©moignent les nombreuses stratĂ©gies adoptĂ©es par les Ă©tats dans ce sens. Cela questionne la vision qu’ont les professionnels quant Ă  l’adoption d’un nouveau comportement : mĂȘme si cela semble facile Ă  appliquer, son maintien dans le temps nĂ©cessite un apprentissage volontaire et significatif. Ce type d’apprentissage, contrairement Ă  la transmission d’information, repose sur une participation active de l’individu avec un traitement actif de l’information qui doit ĂȘtre intelligible, qui doit permettre la recherche de sens par l’individu lui-mĂȘme et enfin apporter la possibilitĂ© d’une transposition dans son cadre de vie (16). La gestion de la crise a montrĂ© la fragilitĂ© du systĂšme dans la capacitĂ© des politiques Ă  soutenir la participation du citoyen dans la prise de dĂ©cision prĂ©servant sa santĂ© (6).

Le constat d’imprĂ©paration a Ă©tĂ© Ă©galement prĂ©sent auprĂšs des patients, en particulier ceux porteurs d’une maladie chronique. Nos observations soulĂšvent ainsi un besoin d’accompagnement pour les bĂ©nĂ©ficiaires avec un processus d’éducation en santĂ© en continu –  non de façon ponctuelle – et intĂ©grĂ©e aux soins (9) (12). Les besoins d’écoute et d’accompagnement qui ont Ă©tĂ© exprimĂ©s par les patients rappellent avec force l’importance de la relation thĂ©rapeutique. À elle seule, elle peut se rĂ©vĂ©ler dĂ©terminante pour la motivation du patient Ă  maintenir des comportements de santĂ© de façon autonome. Cette relation a ainsi dĂ©montrĂ© sa capacitĂ© Ă  ĂȘtre thĂ©rapeutique pour le patient (9).

Mais au-delĂ  de la relation soignant – soignĂ©, la crise a aussi mis en exergue la nĂ©cessitĂ© de tenir compte de l’environnement du patient Ă  travers l’importance de leur soutien social et du dĂ©veloppement de compĂ©tences psycho-sociales. Pour beaucoup de patients, mais aussi de soignants, la pandĂ©mie a constituĂ© un moment de recentrage sur ce qui fait le caractĂšre humain des individus, au-delĂ  des soins et des aspects uniquement biomĂ©dicaux.

Ces diffĂ©rents constats nous invitent Ă  repenser une approche plus intĂ©grĂ©e de la santĂ© avec le besoin d’investir dans les Ă©ducations en santĂ© comme un vĂ©ritable outil de promotion de la santĂ©, Ă  travers diffĂ©rents leviers liĂ©s Ă  la charte d’Ottawa :

  • reconnaitre cette approche comme essentielle et en tant qu’acte thĂ©rapeutique ;
  • dĂ©velopper et rendre accessibles les propositions Ă©ducatives existantes en modulant les formats, de maniĂšre Ă  pouvoir individualiser la prise en charge selon les besoins et spĂ©cificitĂ©s des populations ;
  • adopter des approches de soins intĂ©grĂ©s, dans un processus continu et incluant les Ă©ducations en santĂ©.

L’engagement de Be.hive

Be.hive s’engage dans diffĂ©rents Ă©lĂ©ments de rĂ©ponse Ă  travers :

  • un travail sur le soutien des professionnels Ă  travers des communautĂ©s de pratiques (CoP) ;
  • la connexion avec un projet de recherche sur la formation des professionnels en lien avec les Ă©ducations en santĂ© / la promotion de la santĂ© ;
  • un plaidoyer politique permettant de renforcer ces aspects des Ă©ducations en santĂ© / promotion de la santĂ© dans le systĂšme de santĂ©.

Conclusion

La Wallonie vient de rĂ©affirmer son intention de renforcer le volet de la promotion de la santĂ© dans sa politique de santĂ©, notamment Ă  travers la premiĂšre ligne de soins. Cela se justifie d’autant plus que toutes les recommandations internationales pour un systĂšme de santĂ© fort et durable vont dans ce sens.

Seule une stratĂ©gie globale, convoquant des leviers tels que le renforcement de la participation communautaire, la crĂ©ation d’environnements favorables Ă  la santĂ© et les politiques en faveur de la santĂ©, permettra d’atteindre un objectif de rĂ©orientation des services de santĂ© de la premiĂšre ligne, appelĂ©e depuis les textes d’Ottawa de 1986. C’est dans cette perspective que s’inscrit Be.hive.

Bibliographie

1.      WHO / OMS. 2019 Novel Coronavirus (2019 – nCoV) : strategic preparedness and response plan [Internet]. Geneva; 2020. Available from: https://www.who.int/publications/i/item/strategic-preparedness-and-response-plan-for-the-new-coronavirus

2.      WHO Regional Office for Europe. Pandemic fatigue : reinvigorating the public to prevent COVID-19. Policy framework for supporting pandemic prevention and management. Copenhagen; 2020.

3.      Wallonne R. Plan PrĂ©vention et Promotion de la SantĂ© ́ en Wallonie, Partie 1 : dĂ©finition des prioritĂ©s en santĂ© [Internet]. 2022. Available from: https://www.aviq.be/fr/sensibilisation-et-promotion/promotion-de-la-sante/horizon-2030

4.      RĂ©gion Wallonne. Plan de prĂ©vention et de promotion de la santé : partie 2, rĂ©fĂ©rentiel pour l’action [Internet]. 2022. Available from: https://www.aviq.be/fr/sensibilisation-et-promotion/promotion-de-la-sante/horizon-2030

5.      Chaire Interdisciplinaire de la PremiĂšre Ligne. Be.Hive, Un livre blanc de la premiĂšre ligne francophone. Bruxelles; 2020.

6.      PĂ©trĂ© B, Kirkove D, Andrade V De, Crozet C, Toro-arrocet D, Margat A, et al. Learnings from Health Behavioural Survey Practices in France and Belgium During the First COVID-19 Stay-at-Home Order. Patient Prefer Adherence [Internet]. 2021;15:807–9. Available from: https://www.dovepress.com/learnings-from-health-behavioural-survey-practices-in-france-and-belgi-peer-reviewed-fulltext-article-PPA

7.      PĂ©trĂ© B, Paridans M, Guillaume M. Utilisation de la stratĂ©gie CEdRIC dans le contexte de la pandĂ©mie Ă  coronavirus (COVID-19), retour d’expĂ©rience. Rev Med Liege. 2022;77:1–6.

8.      PĂ©trĂ© B, Paridans M, Gillain N, Husson E, Donneau A-F, Dardenne N, et al. Acceptability of community saliva testing in controlling the Covid-19 pandemic : lessons learned from two case studies in nursing homes and schools. Patient Prefer Adherence. 2022;

9.      Kirkove D, CennĂ© L, PĂ©trĂ© B. Exploration du vĂ©cu des patients dans l’accompagnement Ă©ducatif durant la crise sanitaire en Belgique francophone [Internet]. Montpellier; 2022. Available from: https://hdl.handle.net/2268/294735

10.     PĂ©trĂ© B, Service de Promotion de la SantĂ© de Solidaris. Agents de tracing et promotion de la santĂ©. Educ SantĂ© [Internet]. 2021;383:8–12. Available from: https://educationsante.be/agents-de-tracing-et-promotion-de-la-sante/

11.     PĂ©trĂ© B, Paridans M, Gillain N, Husson E, Donneau A-F, Dardenne N, et al. Factors influencing the adoption and participation rate of nursing homes staff in a saliva testing screening programme for Covid-19. PLoS One. 2022;

12.     Lafitte P, PĂ©trĂ© B, de la TribonniĂšre X, GAGNAYRE R. Comment les soignants-Ă©ducateurs ont-ils adaptĂ© leurs pratiques de l’ETP durant la crise du COVID-19 ? Une enquĂȘte descriptive sur 714 programmes d’ETP. Educ Ther du Patient / Ther Patient Educ. 2020;12.

13.     PĂ©trĂ© B, Margat A, Guillaume M, Gagnayre R. Et s’il Ă©tait temps de croire en la capacitĂ© des citoyens Ă  s’investir dans les questions de santé ? Educ SantĂ© [Internet]. 2020;368:7–10. Available from: https://educationsante.be/et-sil-etait-temps-de-croire-en-la-capacite-des-citoyens-a-sinvestir-dans-les-questions-de-sante/

14.     Brunois T, Decuman S, Perl F. LittĂ©ratie en santĂ© et crise sanitaire : l’exemple de la Covid-19 Health literacy and health crisis : the example of the Covid-19. Sante Publique (Paris) [Internet]. 2021;33(6):843–6. Available from: https://www.cairn.info/revue-sante-publique-2022-0-page-843.htm

15.     SĂžrensen K, Pelikan JM, Ganahl K, Slonska Z, Doyle G, Fullam J, et al. Health literacy in Europe : comparative results of the European health literacy survey (HLS-EU). Eur J Public Health [Internet]. 2015;25(6):1053–8. Available from: https://www.regards-economiques.be/images/reco-pdf/reco_211.pdf

16.     Margat A, PĂ©trĂ© B, D’Ivernois JF, Lombrail P, Cailhol J, Gagnayre R. Covid-19 : Proposition d’un modĂšle d’éducation d’urgence. Educ Ther du Patient / Ther Patient Educ. 2020;12:10–3.

17.     Woolley I. Coronavirus disease 2019 (COVID-19): not one epidemic but four. Intern Med J. 2020;50(6):657–8.

18.     Castro E-M, Van Regenmortel T, Vanhaecht K, Sermeus W, Van Hecke A. Patient empowerment , patient participation and patient-centeredness in hospital care : A concept analysis based on a literature review. Patient Educ Couns [Internet]. 2016;99(12):1923–39. Available from: http://dx.doi.org/10.1016/j.pec.2016.07.026

Les Rencontres Images Mentales, Ă  l’Espace Delvaux, Ă  Watermael-Boitsfort, en sont Ă  leur quinziĂšme Ă©dition. En 2020, c’Ă©tait juste avant le premier confinement. En 2021, uniquement via Internet. En 2022, avec de sĂ©vĂšres restrictions sanitaires (ce pourquoi je n’ai pu y faire Ă©cho dans ces pages : un masque et des lunettes, c’est pas pratique au cinĂ©ma). Cette annĂ©e, ouf, on retrouve le plaisir du grand Ă©cran, des rencontres, des Ă©changes. Coup d’oeil au programme 2023…

le monde en soi
crédit: Caïmans Productions/ Arte France

C’est Le Monde en soi (18′, France, 2020), de Sandrine StoĂŻanov et Jean-Charles Finck, qui ouvre le programme, et ce film d’animation est un premier coup de coeur… Une jeune peintre sort de chez elle. On la voit faire des croquis de passants Ă  la terrasse d’un cafĂ©. Quand le galeriste chez qui elle se prĂ©sente dĂ©couvre son travail, il est enthousiaste mais lui demande aussi « de grands dessins Â». Elle se met Ă  l’oeuvre et se donne Ă  fond. Une scĂšne onirique la montre dansant pour rĂ©aliser ses toiles, tout son corps peint, ses cheveux deviennent pinceaux. Quand il voit le rĂ©sultat, le galeriste s’exclame : « C’est une mise Ă  nu, dans tous les sens du terme ! Â» Une exposition est programmĂ©e. Mais l’artiste s’est littĂ©ralement tuĂ©e au travail, psychiquement parlant. Elle perd pied, comme le montrent des scĂšnes qui peuvent rappeler les peintures et dessins psychĂ©-pop de la seconde moitiĂ© des annĂ©es 60, mais on pense aussi Ă  certains romans graphiques contemporains.

Elle se retrouve Ă  l’hĂŽpital, en noir et blanc. Seul l’extĂ©rieur colorĂ© dit la vie, la nature : le passage du temps se manifeste par les changements de la ramure de l’arbre qu’elle voit par la fenĂȘtre de sa chambre. Mais voici qu’un Ă©cureuil lui laisse une noisette en prĂ©sent, sur l’appui de la fenĂȘtre. Il reviendra plusieurs fois avec une offrande, commençant Ă  lui rendre des couleurs : elle rosit. Puis, Ă  la cantine de l’hĂŽpital, un inconnu lui donne, avec un clin d’oeil, une petite boĂźte d’aquarelle. Elle peint le portrait de l’homme avec le doigt, trempant celui-ci dans le verre d’eau avec lequel elle avale habituellement ses mĂ©docs. Plus tard, Ă  l’occasion du vernissage, le galeriste lui enverra une boĂźte de couleurs plus complĂšte et des pinceaux. Elle finira par couvrir de ses aquarelles les murs de sa chambre. Et par retrouver le dehors.

Un film chatoyant, poĂ©tique, qui a aussi Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© au festival Anima et dans maints autres lieux. 

club55
crédit: Club 55 (2022) Dorian Riviere et Paul Vincent de Lestrade

Le point de dĂ©part de Club 55 (29′, Belgique, 2022) est le suivant : dans le contexte d’un confinement, des gens se rĂ©unissent dans une maison avec jardin et dĂ©cident de faire un film de science-fiction. Dans la vie, les personnes qui participent Ă  ce centre de loisirs de L’Equipe (rĂ©seau de psychiatrie sociale, Anderlecht) ont des parcours trĂšs diffĂ©rents : abus de drogues, harcĂšlement raciste au travail, bipolaritĂ©… Mais ici on ne les rĂ©duit pas Ă  une Ă©tiquette, l’une d’entre elles dira : « Les plus belles personnes que j’ai rencontrĂ©es, c’est dans des centres. Ils sont passĂ©s par la souffrance et ils ne font pas semblant. Â» Et un autre : « S’extĂ©rioriser, communiquer, passer des moments avec des gens, c’est ça qui compte. Â»

Les feedbacks des participants sont Ă  voir par toute personne doutant de l’intĂ©rĂȘt de la dĂ©marche des ateliers crĂ©atifs – ici, la vidĂ©o – ou, plus largement, par qui se fait une idĂ©e toute faite des troubles de santĂ© mentale. Les effets bĂ©nĂ©fiques sont ici manifestes. Sans occulter la souffrance psychique, le film veut donner une image positive, il y a de l’humour, des rires. Quelqu’un cite Cibely Ayres Silva, la coordinatrice du Club 55 : « On peut tomber malade, mais on peut guĂ©rir. Â» Ce qui entre en rĂ©sonance avec le film prĂ©cĂ©dent.

Discussion : est-ce un documentaire sur un film d’atelier (dont on ne verra que des extraits) ? Au dĂ©part, il y a le dixiĂšme anniversaire du Club 55 et un appel d’offres. L’offre retenue se veut plus originale qu’un film de promotion. Paul Vincent de Lestrade, un des rĂ©alisateurs (l’autre Ă©tant Dorian RiviĂšre), dira : « On a fait un film dans le film, le tournage d’un tournage. Â»

Un quatuor de films d’ateliers

Ils sont peu nombreux cette annĂ©e mais la qualitĂ© est au rendez-vous. MosaĂŻques de shortcoms (15′) dĂ©roule une succession de sketches drĂŽlatiques, rĂ©jouissante mise en boĂźte d’idĂ©es reçues et satire des services d’aide tĂ©lĂ©phonique, le fil rouge Ă©tant un « service aprĂšs-vente Â» auquel s’adresse un appelant littĂ©ralement intarissable !

Le Centre Alba (La LouviĂšre) est un service de rĂ©Ă©ducation fonctionnelle, c’est-Ă -dire un centre ouvert dotĂ© de missions comme la remise Ă  l’emploi. La prise en charge va d’un an et demi Ă  deux ans. Divers ateliers sont proposĂ©s, dont un atelier vidĂ©o. Pour ces « shortcoms Â» (un mot trouvĂ© sur le Net), le groupe a commencĂ© par un brainstorming, puis tout le monde a participĂ© Ă  toutes les Ă©tapes, mais chacun/e a pu choisir sa place, devant ou derriĂšre la camĂ©ra, Ă  l’Ă©criture, etc.

L’Heure Atelier est un centre d’expression et de crĂ©ativitĂ© situĂ© au sein du SSM La Gerbe (Schaerbeek). Chaque annĂ©e, un thĂšme est choisi : en 2022, c’Ă©tait la rĂ©clame publicitaire. Dans Poly le pro-pot (6′), de courtes saynĂštes vont vanter les avantages d’un objet polyvalent, tantĂŽt aquarium ou tambour, tantĂŽt siĂšge ou cache-pot. MoralitĂ© : pas la peine d’acheter toute une diversitĂ© d’objets diffĂ©rents. Et le slogan : « POLY, tant de pot-en-ciel ! Â» … SimplicitĂ© et lĂ©gĂšretĂ© sont les atouts de cette anti-pub.

C’est le 21 juillet, et le JT propose une Ă©mission spĂ©ciale : le Roi va prendre la parole. Oui mais… tous les personnages sont « jouĂ©s Â» par des figurines fixes d’animaux ! Et le discours royal est perturbĂ© par une manif en faveur des phoques pilotĂ©e par Brigitte Bardot. Puis la Foire du Midi connaĂźt un incendie surprise, peut-ĂȘtre causĂ© par une cigarette mal Ă©teinte de Jacques Brel ressuscitĂ©. LĂ -dessus survient la mort d’Elisabeth II, et enfin un vol belge dans l’espace rĂ©unit Marie Curie, Thomas Pesquet et Sandra (Kim?) en mĂ©langeant images d’archives et figurines sur fond de dĂ©cors crayonnĂ©s !

Circus TV (14′), rĂ©alisation du Code, centre thĂ©rapeutique de jour de L’Equipe, a un aspect bricolĂ©, loufoque, irrĂ©vĂ©rencieux, surrĂ©aliste « Ă  la belge Â». Le processus de production s’est Ă©talĂ© sur un an, en collaboration avec les ateliers d’Ă©criture et de dessin. Le cĂŽtĂ© purement ludique a de toute Ă©vidence Ă©tĂ© trĂšs important : « on s’est bien amusĂ©s ! Â» revient dans les Ă©changes qui suivent la projection.

Making of : lors d’une discussion prĂ©paratoire, il est question d’un lĂ©opard. Lou, une des animatrices, en sort un de son sac, Ă  la surprise des autres ! Elle collectionne ces figurines, et il apparaĂźt ensuite que l’autre animatrice, Karien, en fait autant… Du rĂŽle du hasard dans la crĂ©ation.

Avec La main de la morte (5′, SSM de Saint-Gilles), on change complĂštement de registre. C’est du noir et blanc et s’il y a de l’humour, il est trĂšs noir. La souffrance ne se combat pas que par le rire… AprĂšs que son amie est sortie, une jeune femme se met Ă  la danse, mais elle est interrompue par des bruits bizarres venant on ne sait d’oĂč, son magnĂ©tophone disjoncte Ă  plusieurs reprises ; elle veut Ă©crire mais, lĂ  encore, des sons inquiĂ©tants, des voix se font entendre. Elle prend la fuite et se rĂ©fugie dans la salle de douche, mais la paume d’une main se plaque sur la petite fenĂȘtre. C’est Rebecca, son ex, qui n’accepte pas la sĂ©paration et veut la rĂ©cupĂ©rer ! Puis on voit le cameraman et la rĂ©alisatrice, prĂȘts Ă  remballer, mais on entend des cris, effarĂ©s les deux se prĂ©cipitent… The end.

Making of : les deux actrices-scĂ©naristes sont trĂšs vite parties vers le cinĂ©ma d’horreur ; or Carole, la rĂ©alisatrice, faisait elle-mĂȘme ce genre de films. Le tournage a Ă©tĂ© trĂšs dense, de l’ordre de 4 heures par jour pendant une semaine. Les deux actrices, qui ne se connaissaient pas, ont donc dĂ» « se jeter Ă  l’eau Â». Et maintenant, elles sont amies… Du rĂŽle du casting dans l’amitiĂ©.

Un trio de moyens métrages

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crédit: Laïdakfilms / Dandelooo

Ces trois films ont un point commun : une maman qui perd pied. Mais l’intensitĂ© et la gravitĂ© de la maladie ne sont pas les mĂȘmes. Et la forme aussi varie considĂ©rablement, mĂȘme si la situation est chaque fois apprĂ©hendĂ©e par le regard d’un/e enfant. Ça commence par Maman pleut des cordes (26′, France, 2021) un deuxiĂšme film d’animation et, pour moi, un deuxiĂšme coup de coeur. Jeanne, 8 ans, est envoyĂ©e Ă  la campagne chez sa mĂ©mĂ© parce que sa maman doit « se reposer Â». Elle n’est pas contente, Jeanne, mais alors pas du tout. Il faut dire que, venant de la ville, elle atterrit au Hameau de l’Enfer, au milieu des frimas. En se promenant dans le bois, elle fait une chute sous la pluie et se retrouve nez Ă  nez avec… un GĂ©ant, peut-ĂȘtre un Ogre ! Heureusement, il s’avĂšre que Cloclo, s’il est gigantesque, est tout Ă  fait inoffensif, et que c’est un copain de MĂ©mĂ©, la reine de la tarte Ă  l’oignon. Jeanne rencontre d’autres enfants et se dĂ©gĂšle progressivement, se dĂ©surbanise aussi. Mais MĂ©mĂ© lui fait comprendre que sa mĂšre est malade, pas juste fatiguĂ©e. Suite Ă  l’Ă©cran. Sachez seulement que, pour arriver au happy end dans la maison de repos, une Ă©pingle Ă  cheveux en forme de coeur jouera un rĂŽle non nĂ©gligeable et que Cloclo devra recourir aux bottes de sept lieues…

Un film dĂ©licieux, touchant, drĂŽle, aux couleurs magnifiques, qui revisite des motifs du conte classique. Pour tous les Ăąges ! Dossier pĂ©dagogique sur www.lesfilmsdupreau.com.

RĂ©alisation : Hugo de Faucompret. Co-autrice : Lison d’AndrĂ©a. Compositeur : Pablo Pico. Avec les voix de Yolande Moreau, CĂ©line Sallette et Arthur H.

Dans Un jour viendra (29′, France, 2020), de Nicolas CazalĂ©, le dĂ©cor est tout diffĂ©rent : urbain, impersonnel, aux couleurs froides. Audrey retrouve son fils Luca, qui vit dĂ©sormais avec son pĂšre. Le divorce des parents est en cours, et on comprend vite qu’Audrey a fait un sĂ©jour en hĂŽpital psychiatrique. Elle est toujours sujette Ă  des crises d’angoisse et Luca se rend compte, selon ses propres termes, qu’elle est « bizarre Â». InquiĂ©tante ambiguĂŻtĂ© : Audrey l’encourage Ă  « sauter Â» Ă  trotinette d’une certaine hauteur, et on se demande ce que cela cache car il exprime sa peur… ouf, il ne s’agit que du dĂ©part d’une longue piste sinueuse conçue pour cela, et il crie sa joie !

Mais Luca a fait sortir la perruche qui se trouve dans une cage, sur la terrasse. La tension culmine lors d’une sortie en barque sur un lac : Audrey dĂ©cide tout Ă  coup qu’elle a besoin de fraĂźcheur et se jette Ă  l’eau. Luca est effrayĂ© mais, lorsqu’elle Ă©merge, c’est elle qui panique, parce qu’elle ne le voit plus dans la barque. En fait, il est Ă  moitiĂ© immergĂ© et accrochĂ© au bordage. Quand elle le dĂ©couvre, il s’engage entre eux une lutte violente. Elle veut le faire remonter dans la barque manu militari mais c’est Ă  nouveau trĂšs ambigu.

Un film perturbant et qui m’a laissĂ© perplexe. La perruche revient de temps en temps sur sa cage (et non plus dedans) : symbole ?…

Perturbant aussi, mĂȘme s’il provoque le rire Ă  certains moments et si j’ai mieux saisi le propos, Trois grains de gros sel (26′, France, 2022), signĂ© Ingrid Chikhaoui, se situe en milieu rural. Deux soeurs, Elsa, 5 ans, et Judith, 8 ans, sont seules Ă  la maison. Par curiositĂ©, la cadette avale quelques grains de gros sel et sa soeur lui prĂ©dit qu’elle est dĂšs lors condamnĂ©e Ă  mourir par dessĂšchement ! Mi-dubitative, mi-inquiĂšte, Elsa tĂ©lĂ©phone Ă  la grand-mĂšre, infirmiĂšre, mais celle-ci ne prend pas l’affaire au sĂ©rieux. Au bout d’un temps, les fillettes cherchent leur mĂšre. Qui surgit tout Ă  coup en brandissant le cadavre du coq du voisin, qui la rĂ©veillait trop tĂŽt tous les matins ! AprĂšs l’avoir plumĂ©, elle se met Ă  le dĂ©couper et le vider sous le regard intĂ©ressĂ© des fillettes. Elle finit le travail torse nu, barbouillĂ©e du sang de l’animal. Cette atmosphĂšre de jeu dangereux et de transgression trouve son point culminant quand Elsa, inquiĂšte, essaie d’appeler Ă  nouveau sa grand-mĂšre. Dispute entre les deux soeurs autour du tĂ©lĂ©phone car on n’est pas censĂ©e « cafter Â». La mĂšre surgit Ă  nouveau, cette fois armĂ©e d’un arc ! Elle menace sa fille : « qu’est-ce qu’on dit !? Â» Elsa n’a pas peur mais hĂ©site, et il faut que sa soeur lui souffle la bonne rĂ©ponse : « pardon Â»…

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crédit photo: Trois grains de gros sel (2023) Ingrid Chikaoui / Les Films Norfolk

FrĂ©dĂ©rique Van Leuven, psychiatre, loue l’intensitĂ©, la justesse et la force du film : « c’est une fiction qui dit la vĂ©ritĂ© Â». Ingrid Chikhaoui : « L’idĂ©e du film est venue quand j’ai eu des enfants. Des souvenirs sont revenus Ă  ce moment : les trois grains de gros sel, cela s’est jouĂ© entre ma soeur et moi. J’avais un pĂšre bipolaire, et je me souviens d’une crise maniaque trĂšs violente. Le personnage du pĂšre a Ă©tĂ© transformĂ© en mĂšre parce que je n’avais pas envie de filmer une violence masculine. Â» Les personnages ont Ă©tĂ© travaillĂ©s avec Manue Fleytoux, qui joue la mĂšre : « DĂšs l’Ă©criture, on a pris le parti de privilĂ©gier le regard des deux enfants. Elles n’ont pas peur de leur mĂšre, pour elles c’est tuer le coq qui est la grosse bĂȘtise ! Elles ne comprennent d’ailleurs pas pourquoi on emmĂšne leur mĂšre Ă  la fin. Â» Manue : « Pour moi, il est beaucoup question d’amour dans ce scĂ©nario. Il y a de l’amour entre ces trois-lĂ … Je suis allĂ©e chercher chez moi ce qui pouvait trembler. Â» À la question classique de la direction d’enfants, Ingrid rĂ©pond : « Il faut que les enfants sentent que la parole est libre, il faut qu’ils puissent dire non, ce qui est d’ailleurs arrivĂ© dĂšs le casting : l’une d’elles a refusĂ© de jouer la scĂšne proposĂ©e, elle en prĂ©fĂ©rait une autre. Â» Manue : « Elles Ă©taient trĂšs conscientes que c’Ă©tait un jeu. Et elles Ă©taient prĂ©servĂ©es ; leurs mamans Ă©taient sur le tournage, elles pouvaient aller les retrouver quand elles en avaient envie. Â»

A suivre…

Pour en savoir plus sur les Rencontres Images Mentales

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Depuis 2018 en Belgique, ce logo colorĂ© parĂ© de lettres est prĂ©sent sur de plus en plus de produits dans les rayons des supermarchĂ©s. MentionnĂ© sur base volontaire par les industriels, producteurs et distributeurs, il a rĂ©cemment fait l’objet de modifications par un comitĂ© scientifique transnational. Il est Ă©galement au centre des dĂ©bats actuels au niveau europĂ©en. 

L’occasion d’une mise au point avec Mme HĂ©lĂšne Alexiou, diĂ©tĂ©ticienne, maĂźtre-assistante Ă  la Haute Ecole Leonard de Vinci et membre du ComitĂ© Scientifique du Nutri-Score.

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Un score nutritionnel

« Les informations nutritionnelles prĂ©sentes sur les emballages des produits alimentaires sont rĂ©gies par la rĂ©glementation europĂ©enne « INCO » nÂș 1169/2011 [1]. Ce rĂšglement stipule que l’information du consommateur – la dĂ©claration nutritionnelle obligatoire – peut s’accompagner d’une rĂ©pĂ©tition de l’information facultative dans le champ visuel principal, c’est-Ă -dire en face avant des emballages et de façon plus simplifiĂ©e. » explique HĂ©lĂšne Alexiou. Le Nutri-score s’inscrit dans cette disposition.

Le Nutri-score est aujourd’hui prĂ©sent sur base volontaire dans 7 pays europĂ©ens [2] dĂ©signĂ©s sous le nom de « pays officiellement engagĂ©s dans le Nutri-Score ». Mais d’autres logos existent en Europe, tels que le systĂšme des feux tricolores au Royaume-Uni ou encore le « verrou vert » dans les pays nordiques.

« La Commission europĂ©enne, dans son plan stratĂ©gique « Farm to Fork », a l’intention de modifier la rĂ©glementation INCO. Dans une volontĂ© de transparence sur la qualitĂ© nutritionnelle globale des aliments prĂ©emballĂ©s, elle a pour objectif de rendre obligatoire un logo nutritionnel simplifiĂ© en face avant des emballages. Il est donc possible que l’un de ces logos devienne obligatoire dans tous les pays de l’Union EuropĂ©enne. Il Ă©tait prĂ©vu qu’elle rende sa dĂ©cision dĂ©but 2023 mais celle-ci est actuellement retardĂ©e. »

DerriĂšre le score, un algorithme

Le Nutri-score est un score final, unique. Il est obtenu grùce à un algorithme (différent pour les aliments solides et les boissons) et reflÚte, par 100 g de produit (ou 100ml pour les liquides), la balance entre des éléments positifs et des éléments négatifs pour la santé.

« L’équipe scientifique de SantĂ© Publique France (sous l’égide du Prof. S Hercberg) qui a dĂ©veloppĂ© l’algorithme s’est basĂ©e sur un autre algorithme crĂ©Ă© par une Ă©quipe de recherche de l’UniversitĂ© d’Oxford afin de catĂ©goriser les aliments qui pourrait faire l’objet d’un marketing ou non chez les enfantsDans les Ă©lĂ©ments positifs, l’algorithme prend en compte la teneur en fibres, en protĂ©ines et une composante globale basĂ©e sur la prĂ©sence de fruits & lĂ©gumes, lĂ©gumineuses, fruits Ă  coque et trois huiles (colza, noix et olive). La partie nĂ©gative tient compte des calories, de la teneur en acides gras saturĂ©s, en sucre et en sel. Â»

Des points sont attribuĂ©s en fonction des diffĂ©rentes teneurs pour chaque composĂ© de 0 Ă  5 pour les composĂ©s favorables et de 0 Ă  10 pour les composĂ©s de la partie dĂ©favorable. 

« Ces Ă©lĂ©ments n’ont pas Ă©tĂ© choisis par hasard. Il y a d’abord la contrainte que les nutriments doivent pouvoir ĂȘtre dĂ©duits de la dĂ©claration nutritionnelle obligatoire ou de la liste d’ingrĂ©dients. Ensuite, les composantes constituant l’algorithme ont Ă©tĂ© identifiĂ©es comme telles parce qu’elles sont associĂ©es, d’aprĂšs de nombreuses Ă©tudes Ă©pidĂ©miologiques (GBD, 2017) aux principales maladies non transmissibles (obĂ©sitĂ©, maladies cardiovasculaires), et dont la consommation devrait ĂȘtre limitĂ©e ou encouragĂ©e dans l’intĂ©rĂȘt de la santĂ© publique. Â»

Le Nutri-score a fait l’objet d’un processus scientifique rigoureux tant dans l’élaboration de l’algorithme de classement des aliments que dans la validation du format graphique et de sa capacitĂ© Ă  attirer l’attention du consommateur et Ă  ĂȘtre comprĂ©hensible.

Une gouvernance transnationale

Un mĂ©canisme de coordination transnationale [3] a Ă©tĂ© mis en place pour faciliter l’utilisation du Nutri-score entre les diffĂ©rents pays l’ayant adoptĂ© Ce mĂ©canisme rĂ©unit un comitĂ© de pilotage ainsi qu’un comitĂ© scientifique. Ce dernier est constituĂ© de 13 experts des pays engagĂ©s (1 Ă  2 experts par pays). Ces scientifiques indĂ©pendants en nutrition, Ă©pidĂ©miologie et santĂ© publique, appartiennent au monde acadĂ©mique ou Ă  des organismes publics ; ils ne prĂ©sentent donc aucun conflit d’intĂ©rĂȘt.

La mission principale du comitĂ© scientifique est de s’assurer que l’algorithme intĂšgre les derniĂšres connaissances scientifiques. Les experts Ă©tudient Ă©galement le rationnel scientifique de toute demande de mise Ă  jour du Nutri-score. L’algorithme est en effet destinĂ© Ă  Ă©voluer au rythme des progrĂšs de la science. C’est ainsi que celui des aliments solides a Ă©tĂ© rĂ©cemment mis Ă  jour [4] et que le comitĂ© scientifique travaille dĂ©sormais Ă  la finalisation de l’actualisation de l’algorithme pour les aliments liquides.

Mise à jour de l’algorithme des aliments solides

Les modifications rĂ©centes de l’algorithme ont menĂ© aux changements suivants :

  • une meilleure diffĂ©renciation et rĂ©partition des huiles entre les catĂ©gories A Ă  E ;  l’huile d’olive est classĂ©e B ainsi que les huiles vĂ©gĂ©tales Ă  faible teneur en acides gras saturĂ©s (colza, noix, huile de tournesol olĂ©ique) ;
  • une meilleure discrimination pour les noix et graines sans sel ni sucres ajoutĂ©s ;
  • une amĂ©lioration de la diffĂ©renciation des cĂ©rĂ©ales complĂštes et du pain complet par rapport aux produits raffinĂ©s ;
  • un classement plus strict des produits Ă  forte teneur en sel (ex : prĂ©parations de viande, plats prĂ©parĂ©s, snacks salĂ©s) ;
  • une allocation des points plus stricte pour les produits sucrĂ©s. Ceci a Ă©galement des rĂ©percussions sur les produits laitiers sucrĂ©s et les cĂ©rĂ©ales petit-dĂ©jeuner Ă  teneur relativement Ă©levĂ©e en sucre (dĂ©sormais susceptibles d’ĂȘtre moins bien catĂ©gorisĂ©s) ;
  • la viande rouge est moins bien classĂ©e comparativement Ă  la volaille ou au poisson, permettant un meilleur alignement avec les recommandations nutritionnelles visant Ă  limiter leur consommation ;
  • une meilleure classification des poissons gras sans ajouts (sel ou huile).

Un indicateur controversĂ©…

MalgrĂ© ses fondements scientifiques, le Nutri-score est sujet Ă  de nombreuses critiques. L’une d’entre elles remet en cause son efficacitĂ© car il peut catĂ©goriser en B un plat prĂ©parĂ© alors que l’huile d’olive – dont l’intĂ©rĂȘt nutritionnel est dĂ©montrĂ© – est classĂ©e C.

« Cette critique provient de l’incomprĂ©hension de l’utilitĂ© du Nutri-score. Le logo a pour objectif d’aider les consommateurs Ă  reconnaĂźtre en un clin d’Ɠil la qualitĂ© nutritionnelle globale d’un aliment mais – surtout – Ă  pouvoir le comparer Ă  un aliment de la mĂȘme catĂ©gorie. Un consommateur qui prend un paquet de cĂ©rĂ©ales et voit qu’il contient 0,8 g de sel ne pourra lui donner aucune valeur relative. Le Nutri-score, avec ses 5 couleurs et 5 lettres, permet de comparer, sur une base relative, la qualitĂ© d’aliments qui sont comparables en termes d’usage. Le Nutri-score traduit donc les chiffres de la dĂ©claration nutritionnelle – incomprĂ©hensibles pour la plupart des consommateurs qui n’ont pas de connaissances en nutrition – en quelque chose de simple et comprĂ©hensible. Â»

Plusieurs outils ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©s par SantĂ© Publique France [5] mais Ă©galement en Belgique par le Service Public FĂ©dĂ©ral SantĂ© publique [6] afin d’expliquer l’intĂ©rĂȘt du score et ses limites.

Une autre critique formulĂ©e Ă  l’encontre du Nutri-score est qu’il mĂšne Ă  une sur-reprĂ©sentation des aliments transformĂ©s. En ce sens, qu’il valide des aliments industriels avec un Nutri-score A alors que des produits bruts comme des fruits et lĂ©gumes n’ont pas de Nutri-score.

« De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, le Nutri-score des aliments ultra transformĂ©s est moins bon que celui des aliments qui ne le sont pas. Une analyse (Galan, 2021) de 220.522 aliments ultra transformĂ©s [7] a mis en Ă©vidence que 79% de ceux-ci sont classĂ©s C, D ou E, et seulement 13% se classent en B et 8% en A. Les dimensions nutritionnelles et d’ultra-transformation ne couvrent pas les mĂȘmes dimensions mais sont complĂ©mentaires. Ainsi, au sein des aliments ultra-transformĂ©s par exemple, il existe des diffĂ©rences importantes de composition nutritionnelle, et le Nutri-Score peut permettre au consommateur de faire un choix de composition nutritionnelle plus favorable Ă  sa santĂ©. Toutefois, il est possible qu’à l’avenir le Nutri-score intĂšgre pleinement cette dimension et qu’un produit ultra-transformĂ© voit son Nutri-Score cerclĂ© d’un bandeau noir. »

En outre, il est important de rappeler que le Nutri-score n’efface pas les autres outils existants sur les recommandations alimentaires : « la pyramide alimentaire est toujours lĂ  pour rappeler que les fruits et lĂ©gumes constituent la base d’un mode d’alimentation Ă©quilibrĂ© Â».

« PrĂ©cisons Ă©galement que le Nutri-score concoure Ă  l’amĂ©lioration nutritionnelle des produits industriels. Les industries ont, en effet, intĂ©rĂȘt Ă  amĂ©liorer les formulations de leurs produits dans une dynamique concurrentielle de vente. Â»  

Enfin, le Nutri-score est jugĂ© incomplet car il ne prend pas en compte les additifs ou les rĂ©sidus de pesticides prĂ©sents dans les aliments. « Compte tenu des connaissances scientifiques actuelles, il n’est pas possible de dĂ©velopper un indicateur synthĂ©tique qui couvrirait toutes les dimensions santĂ© d’un aliment. Plusieurs dimensions sont complĂ©mentaires : la composition nutritionnelle, la prĂ©sence d’additifs, l’ultra-transformation, les rĂ©sidus de pesticides. Pour le moment, il est impossible de pondĂ©rer la contribution relative de chacune de ces dimensions et d’obtenir un score synthĂ©tique qui serait prĂ©dictif au niveau du risque global pour la santĂ©. Et s’il existe des tentatives de score voulant prendre en compte toutes ces dimensions, ces scores ne sont absolument pas fondĂ©s ni validĂ©s sur le plan scientifique, contrairement au Nutri-score. Â»


 mais de solides preuves d’efficacitĂ©

« De trĂšs larges Ă©tudes de cohortes prospectives (Deschasaux, 2020 ; Egnell, 2021 ; Deschasaux, 2018) regroupant des centaines de milliers de participants dans plusieurs pays europĂ©ens suivis pendant de nombreuses annĂ©es (entre 6 et 17 ans) ont montrĂ© que les sujets qui consomment les aliments les moins bien classĂ©s sur l’Ă©chelle du Nutri-score ont un risque plus Ă©levĂ© de dĂ©velopper des maladies telles que le cancer, les maladies cardiovasculaires, le diabĂšte de type 2, et, enfin, ont un risque de mortalitĂ© plus Ă©levĂ©. Une association a Ă©tĂ© clairement dĂ©montrĂ©e entre les paramĂštres de morbiditĂ© et mortalitĂ©, et le Nutri-score. SĂ©lectionner des aliments avec un meilleur Nutri-score est associĂ© Ă  des meilleurs paramĂštres de santĂ©. Â»

Des Ă©tudes ont Ă©galement dĂ©montrĂ© que le Nutri-score amĂ©liore la capacitĂ© du consommateur Ă  classer correctement les aliments en fonction de leur qualitĂ© nutritionnelle (Egnell, 2018a ; Egnell, 2020).

« D’autres Ă©tudes (Egnell, 2020 ; Finkelstein, 2019 ; Crosetto, 2017 ; Ducrot, 2016 ; Egnell, 2019) ont Ă©galement testĂ© l’utilisation du logo en situation d’achat afin d’observer si le Nutri-score impactait rĂ©ellement le comportement d’achat et cela s’est confirmĂ©. En situation rĂ©elle, le Nutri-score amĂ©liore la qualitĂ© nutritionnelle du panier d’achat. Ces Ă©tudes ont Ă©galement pris en compte des populations avec des niveaux socio-Ă©conomiques plus bas et des populations d’Ă©tudiants, et les effets sont tout autant observĂ©s. Â»   « Un autre effet dĂ©montrĂ© porte sur la taille des portions. On observe que le consommateur va choisir des portions plus faibles lorsqu’il s’agit de produits de moins bonne qualitĂ© nutritionnelle (Egnell, 2018b). Â»

Une injonction nutritionnelle au dĂ©triment du plaisir alimentaire ?

Une Ă©tude (Poquet, 2019) a observĂ© que l’apposition du Nutri-score sur des goĂ»ters d’enfant entraine un choix d’un goĂ»ter de meilleure qualitĂ© nutritionnelle mais diminue Ă©galement le plaisir lors de la consommation de celui-ci. Cette Ă©tude soulĂšve la question du risque que peut reprĂ©senter le Nutri-score pour la dimension hĂ©donique de l’alimentation.

« Le fait que le Nutri-score – ou d’autres recommandations alimentaires – soit perçu comme une injonction Ă  manger sainement et que cela diminue la valeur hĂ©donique des aliments est une question gĂ©nĂ©rale d’Ă©ducation alimentaire. Le Nutri-score est un outil de santĂ© publique dont l’objectif est d’amĂ©liorer le statut nutritionnel de la population

Le plaisir hĂ©donique en lien avec des aliments sains est un aspect qui se dĂ©veloppe sur des annĂ©es par toute l’Ă©ducation alimentaire, depuis l’enfance. Le fait de voir un aliment sain, de l’apprĂ©cier ou non, et que le Nutri-score interfĂšre lĂ -dessus, dĂ©pend de l’Ă©ducation et notamment d’une attitude parentale positive (le fait de manger ensemble Ă  table, de prĂ©senter des fruits et lĂ©gumes sous forme variĂ©e, d’associer le plaisir Ă  ces aliments, etc.). Â» Mettre en avant un aliment uniquement sur base de sa dimension santĂ© ne valorise pas l’apprĂ©ciation de ce dernier : ce n’est pas en disant de manger tel aliment parce qu’il est « sain Â» que l’on va apprĂ©cier l’aliment. Ce qu’il faut, c’est renforcer l’éducation alimentaire (le temps passĂ© Ă  cuisiner, l’utilisation d’aliments bruts, etc.) qui malheureusement, tend Ă  diminuer de plus en plus. Â»

Un outil pour une politique de santé plus large

Au vu de tous ces Ă©lĂ©ments positifs ou controversĂ©s du Nutriscore, HĂ©lĂšne Alexiou conclut en soulignant qu’il n’est « qu’un outil dans la lutte contre les maladies non transmissibles liĂ©es Ă  l’alimentation et qu’il est indispensable de mettre en Ɠuvre des mesures, complĂ©mentaires au Nutri-score : l’Ă©ducation alimentaire, la promotion de l’activitĂ© physique et surtout la rĂ©gulation du marketing des aliments malsains, notamment Ă  l’égard des enfants. Â»

Pour aller plus loin

[1] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32011R1169

[2] Belgique, France, Espagne, Luxembourg, Allemagne, Pays-Bas et Suisse.

[3] https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2021/gouvernance-nutri-score-3-questions-a-anne-juliette-serry-responsable-de-l-unite-alimentation-et-activite-physique-a-sante-publique-france

[4] https://www.health.belgium.be/en/lien-vers-le-rapport-update-nutri-score-algorithm-juin-2022

[5] https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/nutrition-et-activite-physique/articles/nutri-score

[6] https://www.health.belgium.be/fr/le-nutri-score

[7] Le systĂšme NOVA est un systĂšme de classification des denrĂ©es alimentaire en 4 groupes selon leur degrĂ© de transformation ; le groupe 4 Ă©tant le groupe des « produits alimentaires et boissons ultra-transformĂ©s Â».

Références

Crosetto P, Lacroix A, Muller L, Ruffieux B. Modifications of food purchases in response to five nutrition simplified labelling. Cah Nut Diet. 2017;52(3):129-33.

Deschasaux M, Huybrechts I, Julia C, Hercberg S, Egnell M, Srour B et al. Association between nutritional profiles of foods underlying Nutri-Score front-of-pack labels and mortality: EPIC cohort study in 10 European countries BMJ 2020; 370 :m3173 doi:10.1136/bmj.m3173

Deschasaux M, Huybrechts I, Murphy N, Julia C, Hercberg S, Srour B, Kesse-Guyot E, Latino-Martel P, Biessy C, Casagrande C, Jenab M, Ward H, Weiderpass E, Dahm CC, Overvad K, KyrĂž C, Olsen A, Affret A, Boutron-Ruault MC, Mahamat-Saleh Y, Kaaks R, KĂŒhn T, Boeing H, Schwingshackl L, Bamia C, Peppa E, Trichopoulou A, Masala G, Krogh V, Panico S, Tumino R, Sacerdote C, Bueno-de-Mesquita B, Peeters PH, HjartĂ„ker A, Rylander C, Skeie G, RamĂłn QuirĂłs J, Jakszyn P, Salamanca-FernĂĄndez E, Huerta JM, Ardanaz E, Amiano P, Ericson U, Sonestedt E, Huseinovic E, Johansson I, Khaw KT, Wareham N, Bradbury KE, Perez-Cornago A, Tsilidis KK, Ferrari P, Riboli E, Gunter MJ, Touvier M. Nutritional quality of food as represented by the FSAm-NPS nutrient profiling system underlying the Nutri-Score label and cancer risk in Europe: Results from the EPIC prospective cohort study. PLoS Med. 2018 Sep 18;15(9):e1002651. doi: 10.1371/journal.pmed.1002651. PMID: 30226842; PMCID: PMC6143197.

Ducrot P, Julia C, MĂ©jean C, Kesse-Guyot E, Touvier M, Fezeu LK, Hercberg S, PĂ©neau S. Impact of Different Front-of-Pack Nutrition Labels on Consumer Purchasing Intentions: A Randomized Controlled Trial. Am J Prev Med. 2016 May;50(5):627-636. doi: 10.1016/j.amepre.2015.10.020. Epub 2015 Dec 15. PMID: 26699246.

Egnell M, Kesse-Guyot E, Galan P, Touvier M, Rayner M, Jewell J, Breda J, Hercberg S, Julia C. Impact of Front-of-Pack Nutrition Labels on Portion Size Selection: An Experimental Study in a French Cohort. Nutrients. 2018b Sep 8;10(9):1268. doi: 10.3390/nu10091268. PMID: 30205548; PMCID: PMC6165438.

Egnell, M., Seconda, L., Neal, B., Mhurchu, C., Rayner, M., Jones, A., . . . Julia, C. (2021). Prospective associations of the original Food Standards Agency nutrient profiling system and three variants with weight gain, overweight and obesity risk: Results from the French NutriNet-SantĂ© cohort. British Journal of Nutrition, 125(8), 902-914. doi:10.1017/S0007114520003384

Egnell M, Talati Z, Hercberg S, Pettigrew S, Julia C. Objective Understanding of Front-of-Package Nutrition Labels: An International Comparative Experimental Study across 12 Countries. Nutrients. 2018a Oct 18;10(10):1542. doi: 10.3390/nu10101542. PMID: 30340388; PMCID: PMC6213801.

Egnell, M., Talati, Z., Galan, P. et al. Objective understanding of the Nutri-score front-of-pack label by European consumers and its effect on food choices: an online experimental study. Int J Behav Nutr Phys Act 17, 146 (2020). https://doi.org/10.1186/s12966-020-01053-z

Egnell M, Boutron I, PĂ©neau S, Ducrot P, Touvier M, Galan P, Buscail C, Porcher R, Ravaud P, Hercberg S, Kesse-Guyot E, Julia C. Front-of-Pack Labeling and the Nutritional Quality of Students’ Food Purchases: A 3-Arm Randomized Controlled Trial. Am J Public Health. 2019 Aug;109(8):1122-1129. doi: 10.2105/AJPH.2019.305115. Epub 2019 Jun 20. PMID: 31219721; PMCID: PMC6611122.

Finkelstein EA, Ang FJL, Doble B, Wong WHM, van Dam RM. A Randomized Controlled Trial Evaluating the Relative Effectiveness of the Multiple Traffic Light and Nutri-Score Front of Package Nutrition Labels. Nutrients. 2019 Sep 17;11(9):2236. doi: 10.3390/nu11092236. PMID: 31533256; PMCID: PMC6770629.

GalĂĄn P, Kesse E, Touvier M, Deschasaux M, Srour B, Chazelas E, Baudry J, Fialon M, Julia C, Hercberg S. Nutri-Score y ultra-procesamiento: dos dimensiones diferentes, complementarias y no contradictorias [Nutri-Score and ultra-processing: two different, complementary, non-contradictory dimensions]. Nutr Hosp. 2021 Feb 23;38(1):201-206. Spanish. doi: 10.20960/nh.03483. PMID: 33371705.

GBD 2017 Diet Collaborators. Health effects of dietary risks in 195 countries, 1990-2017: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2017. Lancet Lond Engl. 11 2019;393(10184):1958‑72.

Poquet, D., Ginon, E., Goubel, B., Chabanet, C., Marette, S., Issanchou, S., & Monnery-Patris, S. (2019). Impact of a front-of-pack nutritional traffic-light label on the nutritional quality and the hedonic value of mid-afternoon snacks chosen by mother-child dyads. Appetite, 143, 104425. https://doi.org/10.1016/j.appet.2019.104425

Srour B, Fezeu LK, Kesse-Guyot E, AllÚs B, Méjean C, Andrianasolo RM, Chazelas E, Deschasaux M, Hercberg S, Galan P, Monteiro CA, Julia C, Touvier M. Ultra-processed food intake and risk of cardiovascular disease: prospective cohort study (NutriNet-Santé). BMJ. 2019 May 29;365:l1451. doi: 10.1136/bmj.l1451. PMID: 31142457; PMCID: PMC6538975.

La santĂ© mentale ne se rĂ©duit pas qu’au trouble psychique, bien au contraire ! C’est en tout cas la philosophie mise en avant par le RĂ©seau Matilda, le RĂ©seau de santĂ© mentale intersectoriel et collaboratif pour enfants et adolescents en province de Luxembourg. DĂ©couverte dans cet article.

garçon rue orphelin seul solitude pull fugue adolescent

« On dit souvent qu’il n’y a pas de santĂ© sans santĂ© mentale, mais l’inverse est aussi vrai Â» explique Katalijne van Diest, coordinatrice du RĂ©seau Matilda, le rĂ©seau de santĂ© mentale pour jeunes en province de Luxembourg et qui promeut une vision globale et positive de la santĂ© mentale. « La santĂ© mentale n’englobe pas seulement la santĂ© psychique, c’est aussi notre bien-ĂȘtre au sens large. La santĂ© mentale couvre bien des domaines et c’est par consĂ©quence l’affaire de tous ! Â»

Cette approche globale de la santĂ© mentale implique la reconnaissance de la multitude de facteurs qui impactent notre bien-ĂȘtre de maniĂšre positive ou nĂ©gative, comme par exemple une relation familiale ou sociale, les passe-temps, un Ă©vĂ©nement, l’alimentation
 Â« Cette vision globale est aussi plus positive, car elle permet certes de mettre le doigt sur ce qui ne va pas, mais aussi sur ce qui fonctionne, nos ressources, nos forces Â» ajoute Katalijne van Diest.

Pour Ă©tayer cette philosophie, le RĂ©seau Matilda a d’ailleurs crĂ©Ă© avec ses partenaires le modĂšle 6 facettes qui met en Ă©vidence 6 facteurs qui impactent notre santĂ© mentale et donc notre bien-ĂȘtre :

  • Fun – les activitĂ©s qui nous amusent, dans lesquelles on Ă©prouve du plaisir.
  • Famille – les relations avec les personnes que l’on considĂšre comme notre famille.
  • Forme physique – ce que nous faisons pour ĂȘtre en bonne santĂ©, mais aussi notre Ă©tat de santĂ© gĂ©nĂ©ral, comme une maladie, un handicap ou une allergie

  • Forces et faiblesses – les domaines oĂč l’on se sent fort et ceux oĂč l’on se sent moins douĂ©.
  • FraternitĂ© – les relations avec les amis et amies, nos pairs, les professeurs et les personnes qui sont importantes, ainsi que les relations amoureuses.
  • Futur – nos attentes, nos rĂȘves pour l’avenir, pour Ă©voluer.

Des facettes interdĂ©pendantes  

La prise en compte de ces six Ă©lĂ©ments qui impactent notre bien-ĂȘtre permet d’aborder autrement la santĂ© mentale, c’est-Ă -dire de maniĂšre plus globale. Tous ces facteurs Ă©tant interconnectĂ©s, une facette peut impacter de maniĂšre positive ou nĂ©gative une autre facette. Tous ces Ă©lĂ©ments gravitent en nous et autour de nous et impactent positivement ou nĂ©gativement notre santĂ© mentale tout au long de notre vie.

Ajuster les facettes et préserver notre santé mentale

La mise en Ă©vidence de ces facteurs est une premiĂšre Ă©tape, ensuite, il faut aller plus loin. « Il est en effet important d’ĂȘtre attentif Ă  l’état de nos facettes, d’en prendre soin chaque jour, de les comprendre, de les ajuster, avec de l’aide si nĂ©cessaire, et ce, pour amĂ©liorer, prĂ©server, renforcer notre bien-ĂȘtre. C’est aussi le message de notre vidĂ©o didactique intitulĂ©e  Â« EnvolĂ©e au cƓur de notre santĂ© mentale Â» qui met en Ă©vidence les facteurs influant notre bien-ĂȘtre. Â»

La santĂ© mentale s’observe donc dans sa globalitĂ©. « Nous avons Ă©galement crĂ©Ă© un outil d’observation du bien-ĂȘtre chez les jeunes, intitulĂ© « Mes 6 facettes du bien-ĂȘtre Â». L’outil permet de considĂ©rer le bien-ĂȘtre des jeunes dans sa globalitĂ© avec un focus sur leurs forces et leurs ressources. L’outil, Ă  destination des professionnels, favorise la discussion avec le jeune sur les diffĂ©rentes facettes de sa vie qui impactent de maniĂšre positive et/ou nĂ©gative son bien-ĂȘtre. Â»

Une nouvelle politique en marche depuis 2014

Cette prise en compte de l’ensemble des dĂ©terminants de la santĂ© fait partie intĂ©grante de la nouvelle politique de santĂ© mentale pour les enfants et adolescents mis en place par la confĂ©rence interministĂ©rielle de SantĂ© publique de 2014. « Notre mission en tant que rĂ©seau est de mobiliser nos partenaires (professionnels, jeunes et leurs proches) en faveur de l’amĂ©lioration de la santĂ© mentale et du bien-ĂȘtre des 0-23 ans prenant en compte l’ensemble des dĂ©terminants de la santĂ©. Â»  

Le rĂ©seau est une collaboration entre des partenaires de diffĂ©rents secteurs – les soins spĂ©cialisĂ©s en santĂ© mentale, les soins de santĂ©, l’aide aux personnes, l’action sociale, et la sociĂ©tĂ©.

L’amĂ©lioration de la santĂ© mentale passe notamment par la promotion de la santĂ© et la prĂ©vention, la dĂ©tection et l’intervention prĂ©coce ou encore par des soins spĂ©cialisĂ©s plus accessibles. « En effet, en plus de nos Ă©quipes mobiles OdyssĂ©e, nous travaillons, en collaboration avec nos partenaires, sur diffĂ©rents projets, comme actuellement l’ñge de transition, la dĂ©ficience intellectuelle, la participation ou encore les soins psychologiques avec des psychologues conventionnĂ©s permettant une meilleure accessibilitĂ© financiĂšre et gĂ©ographique aux patients », ajoute Katalijne van Diest. Le RĂ©seau organise aussi des activitĂ©s pour ses partenaires tout au long de l’annĂ©e.

Santé mentale et participation des jeunes

Cette vision globale de la santĂ© mentale est Ă©galement indissociable de la participation des jeunes et de leurs proches. « Le RĂ©seau Matilda souhaite Ă  la fois soutenir et renforcer les pratiques participatives des professionnels et donner aux jeunes un espace d’expression et d’action. Participer, ce n’est pas uniquement ĂȘtre informĂ© ou donner son avis. Nous souhaitons que le jeune, s’il le souhaite, puisse prendre part activement aux projets qui concernent son bien-ĂȘtre », explique GĂ©raldine Henneaux, Coach Participation au RĂ©seau Matilda. Elle poursuit : « actuellement, nous travaillons avec diffĂ©rents partenaires sur la crĂ©ation d’un espace participatif en santĂ© mentale pour et par les jeunes. L’objectif est de donner l’opportunitĂ© aux jeunes de se positionner en tant qu’acteurs de changement dans des activitĂ©s, projets, associations concernant leur santĂ© mentale. »

Plus d’infos

www.matilda-lux.be

www.facebook.com/reseaumatilda

Pour visionner la vidĂ©o « EnvolĂ©e au cƓur de notre santĂ© mentale Â» : https://www.youtube.com/watch?v=zd-08rUyOOY Pour commander l’outil d’observation Mes 6 facettes du bien-ĂȘtre : https://matilda-lux.be/outil-dobservation-mes-six-facettes-du-bien-etre

« Le concept de One Health dans l’aprĂšs Covid Â», voici le thĂšme de l’intervention de Marius Gilbert, lors d’une soirĂ©e organisĂ©e dans le cadre du Certificat d’UniversitĂ© en SantĂ© et PrĂ©caritĂ©. L’épidĂ©miologiste, visage connu et incontournable grĂące Ă  ses interventions dans les mĂ©dias belges au plus haut de la crise sanitaire et ayant fait partie du groupe d’experts qui a conseillĂ© le gouvernement belge pendant la crise, nous propose une lecture critique du concept One Health et insiste sur l’importance des facteurs sociaux Ă  ne pas occulter ou dĂ©considĂ©rer.  

crowd of people on the street.

Le concept de One Health (Une seule santĂ©) lie la santĂ© humaine, la santĂ© animale et la santĂ© environnementale. One Health vient affirmer l’appartenance de l’humain Ă  un Ă©cosystĂšme peuplĂ© d’autres ĂȘtres sur lequel l’humain a de l’influence, mais qui a aussi une influence sur lui. Concept popularisĂ© ces derniĂšres dĂ©cennies, il l’a surtout Ă©tĂ© grĂące aux organisations internationales telles que l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) ou l’Organisation Mondiale de la SantĂ© (OMS) par exemple, qui le dĂ©finit comme « une approche pour concevoir et implĂ©menter des programmes, des politiques, une lĂ©gislation et des recherches dans lesquelles de multiples secteurs communiquent et collaborent pour atteindre de meilleurs rĂ©sultats en santĂ© publique » (OMS, 2017).

Education SantĂ© a consacrĂ© un numĂ©ro Ă  la thĂ©matique du One Health en octobre 2021 (« Un monde, Une santĂ© Â»), retrouvez-le sur https://educationsante.be/numero/381/

Selon Marius Gilbert, la grande force du One Health est justement « sa capacitĂ© conceptuelle Ă  rencontrer certains enjeux sanitaires qui peuvent ĂȘtre importants face aux maladies infectieuses telles que les zoonoses Â». Dernier exemple en date connu de tous: le Covid-19. Parmi les autres enjeux de santĂ© publique, il cite Ă©galement la santĂ© alimentaire ou l’antibiorĂ©sistance. « D’ailleurs, la composante animale est parfois peu connue. Ce ne sont pas moins de 73% des antimicrobiens vendus dans le monde qui sont utilisĂ©s dans la production animale Â», souligne-t-il encore.

shema 1

Mais le concept connait des limites et des critiques. D’une part, c’est une approche jusqu’à prĂ©sent essentiellement institutionnelle. Que ce soient au niveau plus macro des Nations Unies (incluant la FAO, l’OMS et l’UNEP) ou au niveau des Ă©tats avec la collaboration des ministĂšres de la santĂ©, de l’agriculture et de l’environnement, la concertation transsectorielle et transdisciplinaire reste intĂ©ressante mais limitĂ©e. De plus, elle porte surtout sur les maladies transmissibles. En effet, « le concept du One Health par rapport Ă  des maladies comme le cancer ou le diabĂšte est moins Ă©vident Â».

Un schéma pour ne pas oublier la composante sociale de la santé

Marius Gilbert nous prĂ©sente alors un schĂ©ma conceptuel qu’il prĂ©fĂšre Ă  celui du One Health et qui lui est complĂ©mentaire. Celui-ci prend la forme d’une pyramide avec Ă  son sommet l’individu et sa santĂ© (« son Ă©tat de bien-ĂȘtre physique, mental et social Â», pour appliquer la dĂ©finition de l’OMS). On la fait reposer sur la sociĂ©tĂ© et son Ă©tat de bien-ĂȘtre collectif. Celle-ci n’est pas la somme de la santĂ© des individus qui la composent mais est porteuse de caractĂ©ristiques propres, qui favorisent la santĂ© de ses individus : le niveau de prĂ©caritĂ©, d’égalitĂ© (ou d’inĂ©galitĂ©s), de cohĂ©sion sociale, d’éducation, de libertĂ© d’expression ou encore du sentiment d’appartenance Ă  cette sociĂ©tĂ©. Ce socle repose lui-mĂȘme sur le socle plus large de l’environnement et l’état des Ă©cosystĂšmes.

shema 2

Ce modĂšle fait quelque peu disparaitre la composante animale, souligne l’intervenant de la soirĂ©e, mais son grand avantage est que « la composante sociale de la santĂ© n’est pas escamotĂ©e, elle qui est si importante en termes de dĂ©terminants Â». Or, si on considĂšre le concept de One Health dans l’aprĂšs Covid (thĂšme de la soirĂ©e, rappelons-le), on ne peut pas faire l’impasse de la composante sociale.

Marius Gilbert brosse ensuite une sĂ©rie d’études scientifiques mettant en lien la santĂ© des individus avec des caractĂ©ristiques de « la santĂ© d’une sociĂ©tĂ© Â», autrement dit les dĂ©terminants sociaux (ou sociaux-Ă©conomiques) de la santĂ©. Prenons par exemple le niveau de confiance (entre les personnes elles-mĂȘmes mais aussi envers les institutions qui les gouvernent), qui est corrĂ©lĂ© avec le niveau de rĂ©silience des pays en termes de lutte contre la pandĂ©mie [1]. Autre exemple : l’efficacitĂ© d’une « bonne » information communiquĂ©e Ă  l’ensemble des citoyens face Ă  d’autres mesures restrictives telles que les fermetures des Ă©coles [2] (suivant laquelle on peut considĂ©rer qu’une bonne campagne d’information peut Ă©ventuellement ĂȘtre aussi efficace que la fermeture des Ă©coles). Les inĂ©galitĂ©s inter- et intra-pays, les niveaux de revenus, les possibilitĂ©s pour certains travailleurs de tĂ©lĂ©travailler
 tous ces aspects ont Ă©tĂ© documentĂ©s car impactant la lutte contre ce virus. A toutes les Ă©chelles, des pays Ă  l’échelle mondiale, « la pandĂ©mie touche plus fortement les publics prĂ©carisĂ©s, et en plus elle va renforcer la prĂ©carisation des personnes » (M. Gilbert).

ConsidĂ©rer les inĂ©galitĂ©s, pas une mince affaire en santĂ© ?

Pourtant l’OMS a publiĂ© en mars 2022 un document dĂ©finissant les grandes lignes pour Ă©tablir un prochain « plan pandĂ©mie Â» [3]. Et Richard Horton, rĂ©dacteur en chef de la prestigieuse revue The Lancet, s’est fendu d’un Ă©dito dĂ©nonçant notamment le fait que les inĂ©galitĂ©s – de maniĂšre gĂ©nĂ©rale – n’y sont pas sĂ©rieusement considĂ©rĂ©es, or la pandĂ©mie de Covid-19 « s’est Ă©panouie grĂące aux inĂ©galitĂ©s. Il n’y a pas de discussion sĂ©rieuse sur la maniĂšre dont ce virus a exploitĂ© les profondes disparitĂ©s Ă  travers les sociĂ©tĂ©s et pourquoi attaquer ces disparitĂ©s doit faire partie d’un planning de prĂ©paration [4]». Pour appuyer ce constat, Marius Gilbert nous Ă©voque Ă©galement que lorsqu’il travaillait avec CĂ©line Nieuwenhuys (secrĂ©taire gĂ©nĂ©rale de la FĂ©dĂ©ration des Services Sociaux) au sein du groupe d’experts du GEMS et qu’elle soulevait la question des inĂ©galitĂ©s dans une discussion qui portait sur la santĂ©, il lui Ă©tait rĂ©torquĂ© que c’était une question de politique et pas tant de santĂ©. « Ce n’est pas une coĂŻncidence ou un hasard que [ces considĂ©rations] ne se rejoignent pas Â», remarque-t-il.

Pourtant, poursuit-il, mettre en Ă©vidence la composante sociale de la santĂ© « permet d’avoir en tĂȘte les synergies possibles d’une action transversale, [
] comme la rĂ©novation du bĂąti ou la promotion de l’alimentation durable, Ă  chacun des niveaux (individuel, de la sociĂ©tĂ© et de l’environnement) Â». Si on reprend l’exemple de la rĂ©novation du bĂąti, les impacts peuvent porter simultanĂ©ment sur la diminution du risque d’infections respiratoires ou de maladies liĂ©es Ă  la vĂ©tustĂ©, la diminution du risque de contagions interpersonnelles ou de la vulnĂ©rabilitĂ© face aux vagues de chaleur, mais aussi diminuer la vulnĂ©rabilitĂ© Ă©conomique par rapport Ă  notre consommation d’énergie et diminuer les Ă©missions de gaz Ă  effet de serre, etc.

Enfin, Marius Gilbert clĂŽt sa prĂ©sentation et les rĂ©ponses aux questions de l’assemblĂ©e en prĂ©cisant qu’il est possible d’étayer et complexifier le modĂšle en trois cercles du One Health (« dans la santĂ© humaine, on pourrait parler de santĂ© individuelle ou collective ; on pourrait faire des distinctions dans la santĂ© animale ou encore dans la santĂ© de l’environnement en considĂ©rant les milieux urbains, sauvages, etc. ») On pourrait lui rĂ©torquer qu’il existe dĂ©jĂ  de nombreux modĂšles pour illustrer les dĂ©terminants de la santĂ©, que le schĂ©ma simplifie peut-ĂȘtre trop ceux-ci, qu’on peut regretter cette vision trĂšs anthropocentrĂ©e, etc. Mais Marius Gilbert souligne : cette pyramide a un avantage considĂ©rable, « celui de passer un message clair et fort en termes de communication : la santĂ© individuelle repose sur la santĂ© de la sociĂ©tĂ©, qui repose sur la santĂ© des Ă©cosystĂšmes ». Et sur ces mots de clĂŽture, on ne peut que rejoindre l’intervenant de la soirĂ©e, qui a fait plusieurs mois durant l’exercice et qui continue encore aujourd’hui : « si au moins ce message-ci percole auprĂšs de tous ».

Le certificat d’UniversitĂ©s en SantĂ© et PrĂ©caritĂ©

Le certificat permet d’acquĂ©rir les connaissances en santĂ© et prĂ©caritĂ© et les compĂ©tences pour une prise en charge pluridisciplinaire des problĂšmes de santĂ© et d’accĂšs aux soins des populations et des personnes en situation de prĂ©caritĂ©.

 Il est organisĂ© par l’ULB et ses partenaires : la FĂ©dĂ©ration des Maisons mĂ©dicales, MĂ©decins du Monde, la Haute Ecole Libre de Bruxelles Ilya Prigogine et Solidaris.

Parmi les intervenants, vous retrouverez les asbl Aquarelle, Cultures & SantĂ©, I-Care, le Projet LAMA, SMES et Transit. Pour en savoir plus : https://www.ulb.be/fr/programme/fc-529

[1] Lenton, T.M., Boulton, C.A. & Scheffer, M. Resilience of countries to COVID-19 correlated with trust. Sci Rep 12, 75 (2022)

[2] Levelu, A. ; Sandkamp, A-N (2022). A lockdown a day keeps the doctor away: The effectiveness of non-pharmaceutical interventions during the Covid-19 pandemic, Kiel Working Paper, N°221, Kiel Institute for the World Economy, Kiel

[3] “Strengthening the Global Architecture for Health Emergency Preparedness, Response and Resilience” (OMS, mars 2022)  https://www.who.int/publications/m/item/strengthening-the-global-architecture-for-health-emergency-preparedness-response-and-resilience (disponible en anglais)

[4] Retrouvez l’édito ici (en anglais): https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(22)00874-1/fulltext. La traduction de cet extrait est proposĂ©e par la rĂ©daction.

batisseurs de possibles 3
crédit photo: Réseau Bùtisseurs de Possible

Concept

BoĂźte Ă  outils contenant tout le matĂ©riel nĂ©cessaire Ă  l’élaboration de projets Ă©co-responsables en classe, avec les Ă©lĂšves de cycles 2 et 3, selon la dĂ©marche pĂ©dagogique BĂątisseurs de possibles. 

À travers cette dĂ©marche pĂ©dagogique, les enfants sont invitĂ©s Ă  exprimer et rĂ©aliser leurs idĂ©es pour amĂ©liorer leur Ă©cole, leur quartier ou plus largement la sociĂ©tĂ©. Ils prennent ainsi conscience qu’ils peuvent ĂȘtre des citoyens actifs, Ă  leur Ă©chelle, dĂšs maintenant ! 

Cette dĂ©marche se dĂ©compose en 4 Ă©tapes : 
Étape 1. IDENTIFIER un problĂšme qui me touche 
Étape 2. IMAGINER une solution Ă  ce problĂšme 
Étape 3. RÉALISER cette solution 
Étape 4. PARTAGER notre expĂ©rience 

Plus que le rĂ©sultat des projets rĂ©alisĂ©s par les Ă©lĂšves, ce qui compte c’est l’ensemble du processus : l’expĂ©rience vĂ©cue collectivement (avec les Ă©lĂšves, comme les parents ou l’équipe enseignante), les temps de rĂ©flexion et de prise de conscience, les savoirs et compĂ©tences acquis tout au long du projet. 

BĂątisseurs de possibles s’appuie sur les leviers favorisant un climat de classe positif : Ă©motions, coopĂ©ration, crĂ©ativitĂ© et engagement. Ces 4 leviers permettent de crĂ©er cet environnement favorable aux apprentissages. 

Pour aller plus loin : www.batisseursdepossibles.org 

Pour tĂ©lĂ©charger le kit (aprĂšs inscription) : https://reseau.batisseursdepossibles.org/accompagnement/guide-enseignant

L’avis de PIPSa

Appréciation globale

Cet outil mĂ©thodologique « clĂ© en main » propose une dĂ©marche de pĂ©dagogie active, Ă  mener au sein d’un groupe d’enfants, dans le cadre d’un projet de classe sur une annĂ©e scolaire. 

Cet outil s’inscrit dans un rĂ©seau mondial de pĂ©dagogues investis dans les dĂ©marches d’empowerment et de changement, Ă  partir de petits projets locaux citoyens, solidaires et Ă©coresponsables. 

La dĂ©marche, trĂšs soutenante pour l’enseignant, propose un cadre mĂ©thodologique accessible, sĂ©curisant ; ainsi que tous les supports nĂ©cessaires pour animer le groupe et rĂ©aliser les diffĂ©rentes activitĂ©s. 

La dĂ©marche donne confiance aux enfants en leur permettant d’expĂ©rimenter, en groupe, Ă  leur niveau – mĂȘme dans des micro-projets – qu’ils peuvent avoir un impact sur leur environnement. Si les enfants peuvent changer le monde, attention toutefois Ă  ne pas les charger en responsabilitĂ© : il y a des facteurs « macro » qui les/nous dĂ©passent. Comme ces facteurs produisent des freins au changement, il importe de les nommer/les reconnaĂźtre lors du debriefing. 

Cette approche de pĂ©dagogie active parie sur la force du collectif, Ă  l’inverse du prĂ©cepte qui prĂŽne la rĂ©ussite individuelle. Les inĂ©galitĂ©s entre Ă©lĂšves sont prises en compte afin que chacun puisse trouver sa place, quelles que soient ses difficultĂ©s. 

L’évaluation aurait pu dĂ©passer le seul bilan individuel du vĂ©cu/ressenti pour poser un regard global/mĂ©ta sur ce qui a Ă©tĂ© fait ensemble. 

Objectifs

  • Prendre conscience qu’on peut changer les choses, modifier son environnement. 
  • DĂ©velopper l’empowerment individuel et collectif par un projet de classe. 
  • Augmenter la motivation et compĂ©tences psychosociales chez les Ă©lĂšves. 

Public cible  

Enfants de 6 Ă  12 ans 

Utilisation conseillĂ©e  

  • S’approprier l’outil revient Ă  s’approprier la mĂ©thodologie de projet, la pĂ©dagogie du projet. 
  • S’associer avec d’autres adultes (Ă©ducateurs, PMS/PSE) pourrait permettre de disposer de plus de ressources/aide pour l’une ou l’autre facette du projet. 
  • De nombreuses vidĂ©os sur YouTube facilitent l’accĂšs/utilisation/les rĂ©alisations d’autres classes. 

L’approche des compĂ©tences psychosociales en promotion de la santĂ© est souvent abordĂ©e dans la littĂ©rature mais n’est pas encore assez visible concrĂštement sur le terrain. En quoi cette approche est-elle un levier en promotion de la santĂ© ? Comment les intervenants Ă©ducatifs peuvent-ils l’intĂ©grer dans leurs pratiques pour soutenir la santĂ© mentale des enfants et des jeunes ?

unterricht draußen auf dem schulhof

Beaucoup d’encre a coulĂ© sur les effets de la crise sanitaire sur la santĂ© mentale, en particulier celle des jeunes. Des pistes d’actions Ă©mergent peu Ă  peu. Nous avons voulu nous pencher sur une approche qui agit en amont des problĂšmes de santĂ© mentale et plus gĂ©nĂ©ralement de comportement de santĂ©, celle des compĂ©tences psychosociales (CPS). En quoi cette approche soutient-elle le dĂ©veloppement global de la personne ? En quoi favorise-t-elle le dĂ©veloppement des facteurs de protection de la santĂ© ?

Compétences psychosociales (CPS) et promotion de la santé

L’émergence de cette approche dans le champ de la prĂ©vention et la promotion de la santĂ© a Ă©tĂ© fort liĂ©e Ă  l’évolution mĂȘme du concept de santĂ©, qui est passĂ© de l’absence de maladie Ă  un Ă©tat de bien-ĂȘtre physique, mental et social, et une ressource de la vie quotidienne.

En 1986 dĂ©jĂ , la Charte d’Ottawa identifie comme stratĂ©gie d’intervention le renforcement des aptitudes individuelles et la participation des populations. MĂȘme si les CPS n’y sont pas explicitement citĂ©es, celle-ci y faisait donc dĂ©jĂ  rĂ©fĂ©rence par la notion de « life skills Â» ou « aptitudes indispensables Ă  la vie Â» avec la finalitĂ© de « donner aux individus davantage de maitrise sur leur propre santĂ© Â».

Extrait de la Charte d’Ottawa – Acquisition d’aptitudes individuelles

« La promotion de la santĂ© appuie le dĂ©veloppement individuel et social grĂące Ă  l’information, Ă  l’Ă©ducation pour la santĂ© et au perfectionnement des aptitudes indispensables Ă  la vie. Ce faisant, elle donne aux gens davantage de possibilitĂ©s de contrĂŽle de leur propre santĂ© et de leur environnement et les rend mieux aptes Ă  faire des choix judicieux. Il est crucial de permettre aux gens d’apprendre Ă  faire face Ă  tous les stades de leur vie et Ă  se prĂ©parer Ă  affronter les traumatismes et les maladies chroniques. Ce travail doit ĂȘtre facilitĂ© dans le cadre scolaire, familial, professionnel et communautaire et une action doit ĂȘtre menĂ©e par l’intermĂ©diaires des organismes Ă©ducatifs, professionnels, commerciaux et bĂ©nĂ©voles et dans les institutions elles-mĂȘmes.« 

Ce n’est que dans les annĂ©es 90 que le concept des compĂ©tences psychosociales est explicitement introduit par l’OMS qui les dĂ©finit comme « la capacitĂ© d’une personne Ă  rĂ©pondre avec efficacitĂ© aux exigences et aux Ă©preuves de la vie quotidienne. C’est l’aptitude d’une personne Ă  maintenir un Ă©tat de bien-ĂȘtre mental, en adoptant un comportement appropriĂ© et positif Ă  l’occasion des relations entretenues avec les autres, sa propre culture et son environnement. Les CPS ont un rĂŽle important Ă  jouer dans la promotion de la santĂ© dans son sens le plus large, en termes de bien-ĂȘtre physique, mental et social »[1].

MĂȘme si cette dĂ©finition reste une rĂ©fĂ©rence, SantĂ© publique France [2] l’a rĂ©cemment actualisĂ©e et dĂ©finit les CPS comme « un ensemble cohĂ©rent et interreliĂ© de capacitĂ©s psychologiques (cognitives, Ă©motionnelles et sociales), impliquant des connaissances, des processus intrapsychiques et des comportements spĂ©cifiques, qui permettent de renforcer le pouvoir d’agir (empowerment), de maintenir un Ă©tat de bien-ĂȘtre psychique, de favoriser un fonctionnement individuel optimal et de dĂ©velopper des interactions constructives » [3].

Nous remarquerons que les termes utilisĂ©s pour dĂ©signer les CPS varient en fonction des disciplines. En promotion de la santĂ©, on parlera de compĂ©tences psychosociales ou compĂ©tences utiles Ă  la vie (life skills). Dans les champs de l’éducation et de la prĂ©vention, on parle plutĂŽt de compĂ©tences sociales et Ă©motionnelles ou compĂ©tences socio-Ă©motionnelles. Les Ă©conomistes mentionnent les termes de compĂ©tences socio-comportementales et compĂ©tences sociales ou compĂ©tences transversales [4].

Classification des CPS

Afin de complĂ©ter les aspects thĂ©oriques, il nous semble utile de mentionner les diverses classifications de CPS dĂ©veloppĂ©es. Elles nous permettent en effet de mieux cerner le concept et ce qu’il revĂȘt.

La premiĂšre classification est celle dĂ©veloppĂ©e par l’OMS dans les annĂ©es 90 qui prĂ©sente les CPS en 5 couples de compĂ©tences : savoir rĂ©soudre des problĂšmes- savoir prendre des dĂ©cisions ; avoir une pensĂ©e crĂ©ative – avoir une pensĂ©e critique ; savoir communiquer efficacement – ĂȘtre habile dans les relations interpersonnelles ; avoir conscience de soi – avoir de l’empathie pour les autres ; savoir gĂ©rer son stress – savoir gĂ©rer ses Ă©motions.

L’OMS prĂ©sente ensuite, en 2001, une classification en 3 groupes de CPS : cognitives, Ă©motionnelles et sociales. Enfin, en 2021, SantĂ© publique France identifiera 9 CPS gĂ©nĂ©rales (comprenant au total 21 CPS spĂ©cifiques) : 3 CPS cognitives (avoir conscience de soi, capacitĂ© de maĂźtrise de soi, prendre des dĂ©cisions constructives) ; 3 CPS Ă©motionnelles (avoir conscience de ses Ă©motions et de son stress, rĂ©guler ses Ă©motions et gĂ©rer son stress); 3 CPS sociales (communiquer de façon constructive, dĂ©velopper des relations constructives, et rĂ©soudre des difficultĂ©s). [5]

Cette classification thĂ©orique nous permet probablement d’y voir un peu plus clair mais ce qui nous intĂ©resse en promotion de la santĂ© c’est surtout de comprendre comment s’exerce une CPS et comment celle-ci peut avoir un effet sur la santĂ© et le bien-ĂȘtre.

L’exercice des CPS

Pour mieux comprendre Ă  quoi correspond l’exercice d’une CPS, passons par la dĂ©finition du terme compĂ©tence. Celle-ci est dĂ©finie par Tardiff comme « un savoir agir complexe prenant appui sur la mobilisation et la combinaison efficaces d’une variĂ©tĂ© de ressources internes et externes Ă  l’intĂ©rieur d’une famille de situations » [6]. Les compĂ©tences sont psychosociales lorsqu’elles font appel aux ressources cognitives, Ă©motionnelles et sociales. C’est en mobilisant ces ressources de façon combinĂ©e et appropriĂ©e, que l’on exerce une compĂ©tence psychosociale face aux alĂ©as de la vie [7].

Des compĂ©tences reprĂ©sentent donc des habilitĂ©s, des aptitudes
 les CPS peuvent donc s’apprendre, se cultiver, ĂȘtre modifiĂ©es, renforcĂ©es. Elles se dĂ©veloppent notamment grĂące aux interactions familiales et sociales tout au long de la vie. La mobilisation des ressources qui composent les CPS est influencĂ©e et dĂ©terminĂ©e par trois Ă©lĂ©ments : la situation (ou contexte), l’état Ă©motionnel et physique de la personne, les expĂ©riences personnelles passĂ©es. [8]

On comprendra que les CPS se vivent dans l’action : c’est face Ă  une situation que l’on exerce une compĂ©tence psychosociale. Par exemple, une personne fait face Ă  une situation stressante, c’est dans ce contexte qu’elle fera appel Ă  ses ressources sociales, Ă©motionnelles et/ou cognitives pour les mobiliser et agir face Ă  cette situation.

Les CPS comme facteurs de protection

La santĂ© mentale ne se rĂ©sume pas Ă  une absence de troubles psychologiques. Elle inclut des aspects liĂ©s au bien-ĂȘtre, la joie de vivre, l’optimisme, la confiance en soi, la capacitĂ© relationnelle et la rĂ©gulation Ă©motionnelle. Il ne s’agit pas d’un Ă©tat figĂ© mais d’une recherche constante d’équilibre entre contraintes et ressources. [9]

Comme la santĂ© globale, la santĂ© mentale dĂ©pend d’une multitude de facteurs qui interagissent entre eux. Certains y sont favorables (les facteurs de protection) et d’autres le sont moins (les facteurs de risques). Ces facteurs qui comprennent non seulement les caractĂ©ristiques individuelles d’une personne mais Ă©galement le contexte socio-Ă©conomique dans lequel elle vit, son environnement ou encore la sociĂ©tĂ© dans laquelle elle est intĂ©grĂ©e. Ces dĂ©terminants s’influencent mutuellement et c’est de leur combinaison que rĂ©sulte l’état de santĂ© mentale d’une personne. A titre d’exemple, l’isolement social, la pauvretĂ©, le chĂŽmage ou l’échec scolaire influent nĂ©gativement sur la santĂ© mentale ; Ă  l’inverse le soutien social, de bonnes relations familiales, la sĂ©curitĂ© Ă©conomique ou la rĂ©ussite professionnelle reprĂ©sentent des facteurs protecteurs.

Soutenir le dĂ©veloppement des CPS, c’est augmenter les ressources des individus pour qu’ils puissent agir favorablement sur leur santĂ© dans leurs choix de vie. En effet, des CPS peu dĂ©veloppĂ©es peuvent ĂȘtre Ă  la source de divers comportements dĂ©favorables Ă  la santĂ© : ĂȘtre incapable de gĂ©rer un Ă©chec, subir un alĂ©a de la vie, des Ă©motions, un stress, avoir des difficultĂ©s Ă  faire des choix


Mais c’est aussi agir sur les contextes de vie pour que les personnes soient placĂ©es dans des conditions favorables Ă  l’exercice de l’une ou l’autre CPS.

Si par exemple, des jeunes ont la capacitĂ© d’exprimer une opinion ou des propositions mais que le cadre scolaire ou familial ne laisse pas la place Ă  l’avis des jeunes ou n’en tient pas compte, ce contexte n’est alors pas cohĂ©rent et ne soutient pas l’exercice de CPS dans une approche d’empowerment. Il n’occasionnera alors que des frustrations chez les jeunes. A contrario, un cadre favorable leur permettra de dĂ©velopper voire de renforcer leurs compĂ©tences psychosociales.

Renforcer les CPS c’est donc contribuer Ă  amĂ©liorer des facteurs de protection, c’est en cela que l’approche constitue un levier en promotion de la santĂ©. Les CPS sont aujourd’hui reconnues comme un dĂ©terminant majeur de la santĂ© et du bien-ĂȘtre. Elles se situent Ă  la jonction entre le champ de la promotion de la santĂ© et celui de la prĂ©vention de problĂšmes de santĂ© physique et de santĂ© mentale. [10]

Les bĂ©nĂ©fices de l’approche

Il est Ă  noter que les CPS sont considĂ©rĂ©es comme des « compĂ©tences transversales, gĂ©nĂ©riques et interdisciplinaires, se caractĂ©risant par un haut niveau de transfĂ©rabilitĂ©, et une mobilisation Ă  large spectre transcendant les milieux, disciplines et secteurs d’intervention« . [11]

Plusieurs programmes de dĂ©veloppement des CPS existent, certains optent pour une approche thĂ©matique (autour d’un problĂšme de santĂ© comme le tabagisme), d’autres optent pour une approche plus globale de dĂ©veloppement positif : donner des ressources et promouvoir la santĂ© et le bien-ĂȘtre. Les donnĂ©es de recherche ont mis en Ă©vidence les bĂ©nĂ©fices du renforcement des CPS : il favorise l’adaptation sociale et la rĂ©ussite Ă©ducative, il contribue Ă  prĂ©venir la consommation de substances psychoactives, les problĂšmes de santĂ© mentale ainsi que les comportements violents et les comportements sexuels Ă  risque. [12]

En milieu scolaire, les recherches ont identifiĂ© les bĂ©nĂ©fices des interventions portant sur le renforcement des CPS : une amĂ©lioration significative de l’estime de soi, des relations positives avec les pairs et les enseignants, de leurs rĂ©sultats scolaires, et une rĂ©duction des symptĂŽmes de stress, d’anxiĂ©tĂ© et de dĂ©pression, ainsi qu’une diminution des violences et du harcĂšlement en contexte scolaire.
Les CPS dĂ©veloppĂ©es amĂ©liorent donc le bien-ĂȘtre psychologique, la qualitĂ© relationnelle, les comportements favorables Ă  la santĂ©, l’empowerment [13], la capacitĂ© de rĂ©silience [14], ainsi que la santĂ© globale.

Pour que des bĂ©nĂ©fices soient observĂ©s, des critĂšres d’efficacitĂ© ont Ă©tĂ© mis en Ă©vidence et Ă©laborĂ©s grĂące Ă  l’évaluation de programmes CPS. Le dĂ©veloppement des CPS n’est pas une recette miracle mais reste un dĂ©terminant majeur de la santĂ© globale. Il est cependant important de tenir compte de certains critĂšres d’efficacitĂ© afin de pouvoir favoriser l’émergence des bĂ©nĂ©fices des actions et projets. Ainsi plusieurs facteurs clĂ©s ou critĂšres d’efficacitĂ© ont Ă©tĂ© mis en en Ă©vidence grĂące Ă  l’étude et l’évaluation de programmes CPS (disponibles au niveau international). [15]

Renforcer les CPS, oui mais comment?

Les parents sont bien entendu en premiĂšre ligne lorsque l’on parle du renforcement des CPS des enfants et des jeunes. Mais les professionnels de l’éducation sont Ă©galement des acteurs incontournables. C’est dans leurs diffĂ©rents milieux de vie que les enfants et les jeunes se dĂ©veloppent et Ă©voluent en relation avec les autres.

Le renforcement des CPS passe par trois axes principaux : l’expĂ©rimentation et la gĂ©nĂ©ralisation des expĂ©riences, la posture des intervenants Ă©ducatifs et la mise en place d’environnements favorables.

Les professionnels et bĂ©nĂ©voles travaillant avec les enfants et les jeunes peuvent contribuer au renforcement des CPS de leurs publics grĂące Ă  l’animation d’ateliers collectifs expĂ©rientiels. Ces ateliers, mis en place de maniĂšre rĂ©guliĂšre, sont structurĂ©s selon une trame prĂ©cise qui permet le dĂ©veloppement des CPS.

La pĂ©dagogie expĂ©rientielle et participative est essentielle et permet aux enfants et aux jeunes d’expĂ©rimenter des situations, de se questionner, et de rĂ©flĂ©chir au transfert des CPS dans la vie de tous les jours. La partie rĂ©flexive est essentielle.

De plus, par sa maniĂšre d’interagir avec l’enfant ou le jeune, l’intervenant va contribuer au dĂ©veloppement des CPS du jeune mais Ă©galement de ses propres CPS.  Cela passe donc par une posture professionnelle soutenant le dĂ©veloppement des CPS.

Enfin, l’action sur les contextes favorables Ă  l’exercice des CPS concerne notamment la crĂ©ation d’un cadre bienveillant et sĂ©curisant nĂ©cessaire pour la participation aux ateliers mais aussi en intĂ©grant cette approche Ă  toutes les pratiques plus informelles comme l’accueil, les moments « hors activitĂ© Â».

Pour en savoir plus

La MC, en collaboration avec Ocarina et Cultures&Santé, organise en 2023 des journées de sensibilisation à destination des intervenants éducatifs dans plusieurs régions (les lieux seront précisés ultérieurement)

Ces journĂ©es seront l’occasion de dĂ©couvrir l’approche des CPS en promotion de la santĂ© et de l’expĂ©rimenter via des ateliers.

Cela se passera :

  • Le 28/03 (Namur)
  • Le 4/04  (Nivelles)
  • Le 27/04  (Verviers)
  • Le 23 mai (Charleroi)
  • Le 17/10 (Mouscron)
  • Le 14/11 (Bastogne)
  • Le 21/11 (LiĂšge)
  • Le 28/11 ou 05/12  (Bruxelles) (date Ă  confirmer)

Plus d’info: www.mc.be/competences-psychosociales

Quelques points d’attention

On pourrait penser que cette approche met l’accent sur la responsabilitĂ© individuelle et mettrait dans l’ombre les autres facteurs qui influencent la santĂ© comme les facteurs environnementaux et contextuels. Or « la promotion de la santĂ© s’appuie sur de nombreux champs de recherche (sociologie, psychologie, gĂ©ographie
) qui apprĂ©hendent l’individu et la sociĂ©tĂ© diffĂ©remment : au niveau des CPS, cela se traduit par la prise en compte de facteurs sociaux qui relativisent la responsabilitĂ© de l’individu. » [16]

Le renforcement des compĂ©tences psychosociales, comme toute action de promotion de la santĂ©, tente d’agir simultanĂ©ment sur plusieurs dĂ©terminants de la santĂ© :  l’action sur l’environnement de vie a donc toute sa place.

Si par exemple, une action autour des CPS ne tient pas compte des conditions de vie du public, celle-ci peut contribuer à accentuer les inégalités sociales de santé.

Il est Ă  noter aussi qu’une rĂ©flexion Ă©thique est nĂ©cessaire auprĂšs des intervenants qui par leurs actions contribuent au renforcement des CPS : se focaliser sur certaines compĂ©tences au dĂ©triment d’autres (par exemple les compĂ©tences cognitives plutĂŽt que les compĂ©tences sociales) mĂšnerait Ă  stigmatiser les personnes qui ne rĂ©pondraient pas Ă  ces exigences.

De mĂȘme, rĂ©flĂ©chir et questionner sa posture professionnelle pour qu’elle soit en phase avec l’approche des CPS est essentiel mais peut ĂȘtre perçu comme inconfortable.  

Conclusion

L’approche des CPS a toute sa place dans les actions de prĂ©vention et de promotion de la santĂ©, encore plus dans nos contextes de crise oĂč chaque personne doit faire appel Ă  ses ressources cognitives, Ă©motionnelles et sociales pour exercer des compĂ©tences dans des contextes pas toujours favorables.

Soutenir le renforcement des CPS auprĂšs des enfants et des jeunes c’est investir pour leur bien-ĂȘtre, c’est les aider Ă  dĂ©velopper des facteurs de protection pour leur santĂ© mentale. Les intervenants Ă©ducatifs ont un rĂŽle clĂ© Ă  jouer par leur posture professionnelle et les actions qu’ils peuvent mettre en place pour permettre Ă  leurs publics de dĂ©velopper et expĂ©rimenter leurs CPS.

[1] World Health Organization, Life skills education in schools, Geneva, WHO, 1997

[2] En France, une stratĂ©gie de dĂ©veloppement des compĂ©tences psychosociales (CPS) interministĂ©rielle, est dĂ©clinĂ©e sur 15 ans (2022-2037). Elle prĂ©sente des objectifs ambitieux pour qu’au moins 30 % des jeunes de 13 Ă  18 ans de la « gĂ©nĂ©ration 2037 » bĂ©nĂ©ficient d’interventions pluriannuelles sur les CPS et que cela soit renforcĂ© Ă©galement auprĂšs des parents et des adultes en premiĂšre ligne avec les jeunes (enseignants, Ă©ducateurs, professionnels de secteur social, de l’insertion etc.).

[3] Santé publique France, Les compétences psychosociales : état des connaissances scientifiques et théoriques, février 2022

[4] Santé publique France, Les compétences psychosociales : état des connaissances scientifiques et théoriques, février 2022

[5] ibid.

[6] Cultures&SantĂ©, «  CompĂ©tences psychosociales des adultes et promotion de la santĂ© Â», Focus SantĂ© n°4, 2016

[7] Promotion SantĂ© Normandie, « PrĂ©parer efficacement Ă  la vie : SynthĂšse des interventions efficaces pour le renforcement des compĂ©tences psycho-sociales Â», avril 2018

[8] Cultures&Santé, Focus santé n°4, p.7.

[9] Promotion de la santĂ© mentale GenĂšve, Minds, La santĂ© mentale ce n’est pas que dans la tĂȘte

[10] LAMBOY B., GUILLEMONT J., « DĂ©velopper les compĂ©tences psychosociales des enfants et des parents : pourquoi et comment ? Â»Devenir, 2014/4 (Vol. 26), p. 307-325.

[11] SantĂ© publique France, Les compĂ©tences psychosociales: un rĂ©fĂ©rentiel pour un dĂ©ploiement auprĂšs des enfants et des jeunes. SynthĂšse de l’Ă©tat des connaissances scientifiques et thĂ©oriques rĂ©alisĂ© en 2021.

[12] ibid.

[13] L’empowerment est un processus ou une approche qui vise Ă  permettre aux individus, aux communautĂ©s, aux organisations d’avoir plus de pouvoir d’action et de dĂ©cision, plus d’influence sur leur environnement et leur vie. (Cultures & SantĂ©)

[14] RĂ©silience : construire aprĂšs avoir rĂ©sistĂ© Ă  un traumatisme sĂ©vĂšre, une situation dĂ©stabilisante, un accident de parcours OU aptitude d’un individu Ă  se construire et Ă  vivre de maniĂšre satisfaisante en dĂ©pit de circonstances traumatiques (Larousse).

[15] Santé publique France, Les compétences psychosociales : état des connaissances scientifiques et théoriques, février 2022.

[16] Cultures&SantĂ©, « CompĂ©tences psychosociales des adultes et promotion de la santĂ© Â», Focus SantĂ© n°4, 2016.

En 2023, les chantiers ne manqueront pas Ă  Bruxelles et en Wallonie pour le secteur de la promotion de la santé  (non pas qu’il en manquait !), mais les deux rĂ©gions passent un nouveau cap : la mise en application de leurs plans respectifs de promotion de la santĂ©.  
2 plans, 2 approches ou conceptions parfois trĂšs diffĂ©rentes
 le prĂ©sent article vous prĂ©sente tout simplement leur contenu. Une fois passĂ©e la phase actuelle (appels Ă  projets Ă  Bruxelles et demandes d’agrĂ©ment en Wallonie), nous vous proposerons une carte des acteurs du secteur, ainsi que des lectures critiques et croisĂ©es. PremiĂšre Ă©tape, donc.

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Certains dans le secteur de la promotion de la santĂ© jonglent avec ces notions, ces plans et leurs acronymes, sans (trop de) difficultĂ©, ayant Ă©tĂ© partie prenante ou ayant suivi leur Ă©laboration ; d’autres par contre se sentent quelque peu perdus face Ă  ceux-ci. Nous vous rĂ©sumons ici trĂšs briĂšvement les objectifs prioritaires que se donnent chacune des rĂ©gions pour amĂ©liorer la santĂ© et le bien-ĂȘtre de leurs citoyens au cours des prochaines annĂ©es.

Rappelons tout d’abord ce qu’on entend par « Plan de prĂ©vention et promotion de la santé ». Dans son article « Tirez votre Plan ! Une analyse de « Plans » pour promouvoir la santĂ© en Flandre, en France, au QuĂ©bec et en Suisse » (2017), SĂ©golĂšne Malengreaux propose la dĂ©finition suivante : « toute production des politiques (stratĂ©gies, politiques, programmes
), autant nationales que rĂ©gionales, visant Ă  structurer le secteur de la santĂ© hors soins, Ă  prioriser les objectifs de santĂ© Ă  atteindre et Ă  guider les actions des associations Ɠuvrant pour amĂ©liorer la santĂ© et le bien-ĂȘtre des populations dans une vision de la santĂ© faisant Ă©cho Ă  la charte d’Ottawa. »

Chaque plan dresse un Ă©tat des lieux de la santĂ© de ses habitants, regroupĂ©es par thĂ©matiques de santĂ©, une vraie mine d’informations synthĂ©tisĂ©es et vulgarisĂ©es !

En Wallonie

La Wallonie s’est dotĂ©e en 2018 d’un plan de prĂ©vention et de promotion de la santĂ©, qu’on dĂ©signe communĂ©ment sous l’appellation de WAPPS. Il a pour vocation de fixer les objectifs Ă  atteindre Ă  l’horizon 2030 et a Ă©tĂ© structurĂ© autour de 5 thĂ©matiques prioritaires de santĂ©, traversĂ©es par 12 stratĂ©gies porteuses en promotion de la santĂ© (alias « des objectifs transversaux »).

Sans rentrer dans les dĂ©tails lĂ©gislatifs et autres rebondissements qui ont retardĂ© la mise en application du Plan, prĂ©cisons qu’il a fallu attendre que ce plan soit entĂ©rinĂ© par un dĂ©cret et un arrĂȘtĂ© du Gouvernement Wallon, ce qui est chose faite cinq ans plus tard, en juin 2022.

  • DĂ©cret modifiant le Code wallon de l’Action sociale et de la SantĂ© en ce qui concerne la promotion de la santĂ© et la prĂ©vention (02 fĂ©vrier 2022)
  • ArrĂȘtĂ© du Gouvernement wallon modifiant le Code rĂšglementaire wallon de l’action sociale et de la santĂ© en ce qui concerne la promotion de la santĂ©, en ce compris la prĂ©vention (19 juillet 2022)

Voici comment se dessine le paysage des acteurs de la prĂ©vention et de la promotion de la santĂ© (ceux qui seront agrĂ©Ă©s, et qui dĂšs lors seront subsidiĂ©s par la rĂ©gion) :  

  • les Centre locaux de promotion de la santĂ© (CLPS), 
  • les Centres d’expertise en promotion de la santĂ©, 
  • les Centres d’opĂ©rationnalisation en mĂ©decine prĂ©ventive, 
  • les opĂ©rateurs en promotion de la santĂ©, 
  • la fĂ©dĂ©ration wallonne de promotion de la santĂ©.

Place alors aux choses concrĂštes : mettre ce plan en musique, autrement dit « l’opĂ©rationnaliser », sur une pĂ©riode de 5 ans (de 2023 Ă  2027). Pour ce faire, la Programmation du plan reprend les 5 axes (les 5 prioritĂ©s thĂ©matiques du WAPPS), dans lesquels ont Ă©tĂ© dĂ©finis 2 Ă  4 objectifs spĂ©cifiques prioritaires.

Les 5 axes thĂ©matiques et les objectifs priorisĂ©s pour chacun d’eux

Axe 1 : la promotion des modes de vie et des milieux de vie favorables Ă  la santĂ© 

1.1 Modes de vie : alimentation, activitĂ© physique, sĂ©dentaritĂ© 

Objectifs priorisĂ©s :  

  • Renforcer l’accessibilitĂ© des offres et des amĂ©nagements en matiĂšre d’alimentation, de diminution de la sĂ©dentaritĂ©, de pratiques rĂ©guliĂšres de l’activitĂ© physique ;  
  • IntĂ©grer les thĂ©matiques de l’alimentation et de l’activitĂ© physique dans le dĂ©veloppement de dynamiques communautaires et dans l’amĂ©nagement des milieux de vie collectifs ;  
  • DĂ©finir et dĂ©ployer des contenus et des stratĂ©gies d’information, de sensibilisation auprĂšs de la population, non culpabilisantes, adaptĂ©es aux conditions de vie de tous les publics ;  
  • DĂ©velopper des stratĂ©gies de plaidoyer auprĂšs des acteurs politiques, institutionnels, associatifs et Ă©conomiques de divers secteurs, en ce compris les acteurs de l’économie sociale et solidaire, pour une attention plus soutenue aux enjeux de santĂ© et d’équitĂ© en santĂ©. 
1.2 Modes de vie : lutte contre le tabagisme 

Objectifs priorisĂ©s :  

  • Contribuer Ă  rĂ©duire l’initiation tabagique et la vape chez les jeunes de 11 Ă  24 ans ; 
  • Contribuer Ă  accroĂźtre la cessation tabagique chez les adultes et les jeunes ; 
  • Contribuer Ă  diminuer l’exposition Ă  la fumĂ©e de tabac/vape.  

Axe 2 : la promotion d’une bonne santĂ© mentale et du bien-ĂȘtre global 

2.1 PrĂ©vention des usages addictifs et rĂ©duction des risques  

Objectifs priorisĂ©s :  

  • Renforcer les ressources, les connaissances et les compĂ©tences en matiĂšre de consommation de substances psychoactives et de conduites addictives (avec ou sans produit) : 
  • Soutenir les diffĂ©rents milieux de vie Ă  mettre en place des actions de prĂ©vention et d’éducation pour la santé ; 
  • Renforcer l’accessibilitĂ© aux services de prĂ©vention, de promotion de la santĂ© et aux structures d’aide et d’accompagnement adaptĂ©s aux besoins dans les diffĂ©rents milieux de vie ; 
  • Soutenir les stratĂ©gies de plaidoyer en faveur de modĂšles de gestion publique adaptĂ©s Ă  une politique intĂ©grĂ©e et globale, en ce compris une clarification autour des produits. 
2.2 Promotion d’une bonne santĂ© mentale et du bien-ĂȘtre global 

Objectifs priorisĂ©s : 

  • DĂ©velopper des activitĂ©s communautaires visant Ă  accroĂźtre les compĂ©tences utiles Ă  la promotion de la santĂ© mentale ;  
  • DĂ©velopper des campagnes de communication et d’information diversifiĂ©es visant une plus grande attention aux conditions d’émergence de problĂ©matiques de santĂ© mentale ; 
  • AmĂ©liorer l’accessibilitĂ© des services du secteur de la santĂ© mentale, avec une attention particuliĂšre pour les publics isolĂ©s et/ou prĂ©carisĂ©s ; 
  • Encourager la prise en compte de la promotion de la santĂ© mentale et du bien-ĂȘtre de façon transversale dans toutes les politiques publiques, principalement dans les politiques et concertations locales. 

Axe 3 : prĂ©vention des maladies chroniques 

Objectifs priorisĂ©s :  

  • AmĂ©liorer la prise en charge efficiente des maladies chroniques, plus particuliĂšrement pour les personnes vulnĂ©rables ; 
  • Organiser de maniĂšre efficiente et accessible des dĂ©pistages de qualité ; 
  • IntĂ©grer la prĂ©vention des maladies chroniques de façon transversale dans toutes les politiques et Ă  tous les niveaux de pouvoir, afin d’encourager les politiques, les actions et concertations locales en lien avec la prĂ©vention des maladies chroniques et la promotion de la santĂ© au sens large ; 
  • Mener des Ă©tudes sur le fardeau des maladies chroniques et leurs dĂ©terminants. 

Axe 4 : prĂ©vention des maladies infectieuses, y compris la politique de vaccination 

Objectifs priorisĂ©s :  

  • Renforcer le systĂšme de surveillance des maladies infectieuses 
  • DĂ©velopper l’adhĂ©sion Ă  la prĂ©vention combinĂ©e favorisant le respect des mesures d’hygiĂšne de base, la rĂ©duction des risques, la vaccination, le dĂ©pistage et le traitement tout au long de la vie auprĂšs des professionnels (Ă©ducatifs, sociaux et de la santĂ©) et des publics clĂ©s de maniĂšre adaptĂ©e et diversifiĂ©e ; 
  • AmĂ©liorer la qualitĂ© de vie et Ă©liminer les discriminations par la crĂ©ation d’un environnement favorable envers les populations vulnĂ©rables. 

Axe 5 : prĂ©vention des traumatismes et promotion de la sĂ©curitĂ© 

Objectifs priorisĂ©s :  

  • Augmenter la culture de la sĂ©curitĂ© et de la gestion des risques en Wallonie : intĂ©grer la sĂ©curitĂ© de façon transversale dans toutes les politiques et Ă  tous les niveaux de dĂ©cision, afin d’encourager les politiques, les actions et les concertations en lien avec la promotion de la sĂ©curitĂ© et la prĂ©vention des traumatismes intentionnels et non intentionnels ; 
  • Renforcer les capacitĂ©s de la population Ă  adopter des comportements et Ă  amĂ©nager leur environnement pour privilĂ©gier leur sĂ©curitĂ©. 

A ces objectifs spĂ©cifiques peuvent se rattacher plusieurs objectifs opĂ©rationnels rĂ©partis parmi 6 stratĂ©gies d’actions.  

Les 6 stratĂ©gies d’action :  

A. Informer, sensibiliser, dĂ©velopper la littĂ©ratie en santĂ© et le plaidoyer 

B. Outiller les professionnels en stimulant les Ă©changes de pratiques et en formant Ă  des pratiques innovantes 

C. Renforcer les dĂ©marches communautaires et les approches collectives dans les milieux de vie 

D. Renforcer les collaborations intersectorielles dans une optique de promotion de la santĂ©, en vue de gĂ©nĂ©rer des dynamiques locales qui influencent les dĂ©terminants de la santĂ© 

E.Informer et collaborer pour renforcer l’accessibilitĂ© des services de prĂ©vention et de promotion de la santĂ© 

F. IntĂ©grer la promotion de la santĂ© dans le parcours de soin 

A Bruxelles

Bruxelles a optĂ©, au moment de l’accord de majoritĂ© bruxellois 2019-2024, pour un ambitieux Plan social-santĂ© intĂ©grĂ© « Brussels Takes Care », plus connu sous le doux nom de PSSI. Ce vaste plan englobe 3 plans autrefois distincts : le Plan SantĂ© Bruxellois, le Programme d’actions bruxellois de lutte contre la pauvretĂ© et le Plan stratĂ©gique de promotion de la santĂ© (celui qui s’achĂšve maintenant). 

Dans le paysage bruxellois, on retrouve:  

  • le Conseil consultatif bruxellois (section promotion de la santĂ©) 
  • des organismes piliers :  
  1. un service d’accompagnement en promotion de la santĂ© 
  2. des services supports (mĂ©thodologiques et thĂ©matiques) 
  3. des centres de rĂ©fĂ©rence en mĂ©decine prĂ©ventive 
  • les acteurs et actrices sur le terrain (ceux qui sont dĂ©signĂ©s et subventionnĂ©s) 
  • les rĂ©seaux (ceux qui sont dĂ©signĂ©s et subventionnĂ©s)

Ainsi, le plan que nous allons dĂ©tailler ci-dessous « opĂ©rationnalise » le plan stratĂ©gique (le volet 1, dit « rĂ©fĂ©rentiel commun » Ă  Bruxelles), et se nomme donc le Plan bruxellois de promotion de la santĂ© 2023.  

Alors que le plan cĂŽtĂ© wallon s’organise autour des thĂ©matiques de santĂ©, il en est tout autrement Ă  Bruxelles oĂč les 5 axes d’intervention qui le dĂ©clinent correspondent aux 5 principes d’intervention de la Charte d’Ottawa. Ils reprennent chacun des objectifs spĂ©cifiques, qui seront ensuite dĂ©clinĂ©s en objectifs opĂ©rationnels (soit dictĂ©s par les prioritĂ©s politiques ou correspondant Ă  de nouvelles thĂ©matiques, soit coconstruits avec les acteurs qui vont porter les projets).  

Axe 1 : promouvoir la santĂ© et les stratĂ©gies de promotion de la santĂ© dans toutes les politiques 

Les objectifs spĂ©cifiques :  

  • Assurer la cohĂ©rence et l’articulation des politiques de santĂ© et de promotion de la santĂ© aux diffĂ©rents niveaux de compĂ©tences politiques (fĂ©dĂ©rales, rĂ©gionales, communautaires, communales) ; 
  • Soutenir l’intĂ©gration systĂ©matique des dimensions de santĂ© et de lutte contre les inĂ©galitĂ©s sociales dans le contenu des politique publiques ; 
  • Renforcer et soutenir la participation des citoyens et citoyennes dans l’élaboration des politiques publiques ; 
  • Assurer la prĂ©sence des acteurs et actrices de promotion de la santĂ© dans la premiĂšre ligne d’aide et de soin et dans les territoires (quartier, groupement de quartiers, commune, bassin, rĂ©gion) ; 
  • Participer Ă  l’amĂ©lioration des programmes de mĂ©decine prĂ©ventive de maniĂšre Ă  soutenir les populations dans une dynamique de dĂ©pistage des cancers et de la tuberculose, et de vaccination qui s’inscrivent dans des stratĂ©gies de promotion de la santĂ© notamment en accompagnant les services de premiĂšre ligne ; 
  • Soutenir et Ă©largir le processus de StratĂ©gies concertĂ©es en promotion de la santĂ© par rapport Ă  la Covid 19 et aux situations de crises afin de favoriser la cohĂ©rence des actions menĂ©es en RĂ©gion bruxelloise et de faire le lien entre le terrain et la dĂ©cision politique. 

Axe 2 : renforcer la participation des publics et l’action communautaire en santĂ© 

Les objectifs spĂ©cifiques :  

  • Contribuer au dĂ©veloppement de dĂ©marches communautaires en santĂ©, en particulier dans des quartiers abritant des publics vulnĂ©rables ; 
  • Organiser la reprĂ©sentation du secteur de la promotion de la santĂ© au niveau des quartiers, des communes et CPAS, des bassins d’aide et de soin, dans un espace de concertation afin de soutenir les stratĂ©gies de promotion de la santĂ© et l’action communautaire, notamment au travers des contrats locaux social santé ; 
  • Soutenir la formation et l’accompagnement mĂ©thodologique des acteurs souhaitant mettre en Ɠuvre des dĂ©marches communautaires en santĂ© par rapport Ă  l’implication des citoyens et citoyennes dans l’établissement et la mise en Ɠuvre de politique de santĂ© publique et dans la conception d’outils pĂ©dagogiques, de rĂ©flexion critique et de mobilisation, d’information et de communication via des mĂ©thodologies participatives ;  
  • Assurer la participation des publics Ă  l’élaboration et Ă  l’adaptation des programmes de prĂ©vention des maladies transmissibles et des maladies chroniques en ce compris les stratĂ©gies de mĂ©decine prĂ©ventive ;  
  • Plaidoyer pour le dĂ©veloppement des actions et projets inscrits dans les dĂ©marches communautaires. 

Axe 3 : promouvoir et soutenir des actions visant des environnements et des milieux de vie favorables Ă  la santĂ© 

Les objectifs spĂ©cifiques :  

  • Favoriser et soutenir des actions de promotion de la santĂ© visant un environnement favorable Ă  la santĂ© (bruit, espaces verts, pollution de l’air, perturbateurs endocriniens, etc.) ; 
  • Favoriser et soutenir des projets de promotion de la santĂ© contribuant Ă  l’amĂ©lioration des logements afin de les rendre favorables Ă  la santĂ© (insalubritĂ©, prĂ©vention des chutes, etc.) ; 
  • Favoriser et soutenir des actions de promotion de la santĂ© Ă  destination des jeunes dans leurs milieux de vie avec une attention particuliĂšre aux plus vulnĂ©rables (EX ; NEET’s) ; 
  • Favoriser et soutenir des actions de promotion de la santĂ© en ce compris les dĂ©marches communautaires en santĂ© visant les personnes ĂągĂ©es ou les personnes en situation de handicap dans leurs milieux de vie ;  
  • Soutenir les actions de promotion de la santĂ© dans les milieux carcĂ©raux et lors la sortie des dĂ©tenu.es en s’appuyant sur les besoins tels qu’identifiĂ©s par les deux publics cibles : les professionnels et professionnelles en contact avec les dĂ©tenus et dĂ©tenues et ex-dĂ©tenus et ex-dĂ©tenues et les dĂ©tenus et dĂ©tenues eux-mĂȘmes ;  
  • Soutenir des actions de promotion de la santĂ© dans les lieux de travail, en ce compris la sensibilisation aux questions liĂ©es Ă  la lutte contre le harcĂšlement et les violences psychologiques et sexuelles sur le lieu de travail ; 
  • Inscrire les dĂ©marches d’outreach et la communication de proximitĂ© dans les pratiques de promotion de la santĂ© existantes. 

Axe 4 : promouvoir et favoriser des aptitudes favorables Ă  la santĂ© 

Les objectifs spĂ©cifiques :  

  • Favoriser l’accessibilitĂ© Ă  une alimentation durable et de qualitĂ© pour la population gĂ©nĂ©rale et pour des publics vulnĂ©rables, en ce compris les personnes en situation de handicap et les malades chroniques ;  
  • Promouvoir l’activitĂ© physique et prĂ©venir la sĂ©dentaritĂ© auprĂšs des adultes et auprĂšs des jeunes dans des approches de promotion de la santé ;  
  • PrĂ©venir les usages de drogues, lĂ©gales et illĂ©gales, et les conduites addictives et favoriser la RDR auprĂšs des jeunes et auprĂšs des adultes ;  
  • Promouvoir la santĂ© sexuelle ; 
  • PrĂ©venir la stigmatisation des personnes LGBTQIA+ et celle des personnes vivant avec le VIH ; 
  • Participer Ă  l’organisation de la prĂ©vention des maladies transmissibles au travers d’actions, de mĂ©decine prĂ©ventive et de programmes de vaccination ;  
  • Promouvoir la santĂ© mentale ; 
  • Soutenir des actions de promotion de la santĂ© Ă  l’intention des personnes ayant vĂ©cu l’exil, avec ou sans titre de sĂ©jour en rĂšgle, et des personnes sans domicile fixe ; 
  • Participer Ă  l’organisation et soutenir la sensibilisation au dĂ©pistage des maladies chroniques et des cancers au travers d’actions et de dispositifs qui visent l’information et la sensibilisation du grand public et de publics spĂ©cifiques et qui assurent une attention particuliĂšre aux inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ© dans des approches nourries par la promotion de la santé ;  
  • Soutenir des actions visant Ă  rĂ©duire la fracture numĂ©rique. 

Axe 5 : rĂ©orienter les services  

Les objectifs spĂ©cifiques :  

  • ImplĂ©menter l’expertise des actrices et acteurs de promotion de la santĂ©, notamment en matiĂšre de dĂ©marche intersectorielle, au cƓur des territoires et dans le dĂ©ploiement et le renforcement de l’articulation des actions qu’ils et elles mĂšnent avec d’autres champs d’intervention de proximitĂ© Ă  travers les contrat locaux social santĂ© : contrats de quartiers durables, maisons mĂ©dicales, initiatives de dĂ©veloppement local intĂ©grĂ©, agents de prĂ©vention communaux, associations de dĂ©marches communautaires en santĂ©… ; 
  • Diversifier et Ă©largir l’offre de formation continue, d’échanges de pratiques et de soutien mĂ©thodologique afin de renforcer les compĂ©tences en matiĂšre de stratĂ©gie de promotion de la santĂ© (action communautaire et participation, communication, littĂ©ratie en santĂ©, approche par milieux de vie, collaboration interdisciplinaire, rĂ©flexivitĂ©…) Ă  destination de professionnels et professionnelles de la santĂ©, du social et de l’éducation ;  
  • Elargir la diffusion d’outils et de mĂ©thodes pouvant favoriser la participation citoyenne en santĂ© dans les quartiers et en particulier au sein des contrats locaux social santĂ© (CLSS) ;  
  • En partenariat avec les acteurs et les actrices concernĂ©.e.s, amĂ©liorer les connaissances de la population en gĂ©nĂ©ral et des publics vulnĂ©rables en particulier par rapport aux structures d’aide et de soins. 
  • Participer Ă  l’organisation de la concertation entre les centres de rĂ©fĂ©rences en mĂ©decine prĂ©ventive, les services d’accompagnement et de support et les acteurs et actrices du social santĂ© concernĂ©s afin d’amĂ©liorer l’information et la sensibilisation aux dĂ©pistages, Ă  l’accompagnement et le cas Ă©chĂ©ant Ă  la vaccination. 
  • Renforcer les capacitĂ©s, valoriser les compĂ©tences, soutenir la collaboration des structures de premiĂšre et de deuxiĂšme ligne, pour que celles-ci soient immĂ©diatement mobilisables et opĂ©rationnelles en termes d’appui et de ressources en promotion de la santĂ© en situation de crise (formation Ă  l’utilisation du numĂ©rique, aide Ă  la production de support d’information fiable, diffusion d’outils pĂ©dagogiques adaptĂ©s, ateliers d’échanges de pratiques, etc.). 
  • Renforcer la collaboration entre les acteurs et actrices de support et d’accompagnement socio-sanitaires (par exemple ceux identifiĂ©s dans le PSSI comme le SMES, Brusano, 
) et les services supports de promotion de la santĂ© pour favoriser la qualitĂ© et l’évaluation des actions. 
  • Mettre en place un groupe d’experts et expertes interdisciplinaires, choisis sur base de leurs compĂ©tences et leur indĂ©pendance Ă  l’égard des mesures. Chaque discipline serait reprĂ©sentĂ©e de maniĂšre Ă©quivalente en ce compris le secteur de la promotion de la santĂ© afin de limiter les mesures susceptibles d’augmenter les inĂ©galitĂ©s sociales de santĂ©.

Au moment de rĂ©diger ces lignes, les acteurs en promotion de la santĂ© souhaitant s’inscrire dans ces plans wallon et bruxellois ont remis leurs demandes d’agrĂ©ment (Wallonie) et/ou ont rĂ©pondu aux appels Ă  projet (Bruxelles), suivant leurs lieux d’activitĂ©s. Education SantĂ© ne manquera pas de vous informer sur les rĂŽles et missions de ceux qui seront repris dans la liste des opĂ©rateurs subventionnĂ©s, afin que vous puissiez avoir un aperçu du paysage du secteur de la promotion de la santĂ© dans chacune des deux rĂ©gions. Bien entendu, ce paysage reste non exhaustif, il ne reprend pas les acteurs-relais engagĂ©s en promotion de la santĂ© mais non subventionnĂ©s par les rĂ©gions ; et il va de soi qu’il faut avant tout inclure les usagers et citoyens ! La suite au prochain Ă©pisode.

Pour Bruxelles : https://www.brusselstakescare.be/ 

Pour la Wallonie : https://www.aviq.be/fr/sensibilisation-et-promotion/promotion-de-la-sante  

Les fĂ©dĂ©rations de promotion de la santĂ© vous informent aussi :  

FBPSanté : https://www.fbpsante.brussels/  

FWPSanté : https://www.fwpsante.be/