Mai 2018 Par Colette BARBIER Initiatives

Activité physique : un allié thérapeutique puissant contre le cancer

Il est aujourd’hui acquis, études à l’appui, que l’activité physique, non seulement réduit le risque de cancer, mais diminue également les effets secondaires des traitements contre le cancer dont les mieux connus sont la fatigue et la douleur. Ce n’est pas tout : faire bouger le corps améliore la survie des patients en réduisant les risques de récidive ou l’apparition d’un nouveau cancer. Aussi, les centres de soins ont-ils désormais le devoir et la responsabilité d’encourager tous les patients qui le peuvent à pratiquer de l’exercice physique adapté à leur état.

La chirurgie, la chimiothérapie, la radiothérapie, plus récemment l’immunothérapie ou encore les thérapies ciblées… ne cessent de gagner du terrain dans la dure lutte contre le cancer. Malheureusement, leur efficacité est souvent assortie d’effets secondaires très lourds pour les patients. « Au cours des dix dernières années, la fatigue est devenue la principale plainte des patients en cours de traitement contre un cancer », témoigne le docteur Didier Vander Steichel, directeur de la Fondation contre le cancer. Les patients se plaignent d’une sensation d’épuisement permanente, qui s’immisce dans leur vie quotidienne et ne disparaît pas avec le repos. Cette fatigue importante s’accompagne souvent de dépression, d’anxiété, et donc d’une qualité de vie fortement réduite.

Le physique trinque également beaucoup avec des articulations moins souples, une diminution de la force musculaire et de l’endurance, une coordination de moins bonne qualité, des limitations cognitives, une sentiment de malaise général, une sensibilité accrue à la douleur…

Un remède à portée de main

Depuis le début des années 2000, un nombre croissant d’études montrent que l’activité physique améliore la qualité de vie des patients en cours de chimiothérapie et de radiothérapie. « Paradoxalement, la meilleure manière de combattre la fatigue, ce n’est pas de prêcher toujours plus de repos, mais bien d’encourager les patients à faire de l’activité physique adaptée à leurs capacités tout en s’octroyant de brèves périodes de repos si nécessaire, affirme Didier Vander Steichel. L’excès de repos et le manque d’exercice physique induisent un cercle vicieux qui entraîne une diminution de la condition physique, une fonte musculaire, donc un affaiblissement supplémentaire et une fatigue constante face aux gestes de la vie quotidienne. C’est pourquoi, la première raison de recommander aux patients en cancérologie de pratiquer une activité physique adaptée, c’est justement pour lutter contre la fatigue ! »

Par effet boule de neige, l’activité physique apporte d’autres bienfaits au niveau psychique des patients. « Elle diminue l’anxiété, la dépression, améliore le sommeil et l’image corporelle… autant d’éléments qui accroissent le bien-être.  »

Effet salvateur

Des études vont encore plus loin et montrent que l’activité physique, pendant et après le traitement contre le cancer, diminue les risques de récidives ou l’apparition de nouveaux cancers. « Cela a surtout été démontré face au cancer du sein, le plus fréquent chez la femme, précise Didier Vander Steichel. Les bénéfices de l’exercice physique comme adjuvant aux traitements sont également apparus face au  cancer colorectal et, dans une moindre mesure, au cancer de la prostate. »

Modifications hormonales

Il a été démontré que l’activité physique régulière modifie certains systèmes hormonaux. Ainsi, une étude danoise a relevé un lien clair entre les niveaux d’adrénaline dans le sang, la croissance et la survie des cellules cancéreuses. Menée auprès de femmes atteintes d’un cancer du sein, cette étude a permis de constater qu’après une activité physique, intense à modérée de deux heures, les cellules tumorales peinaient à survivre.

Raviva, à fond contre le cancer

De nombreux patients, plus encore lorsqu’ils sont âgés, ignorent les bénéfices de l’exercice physique. Ils voient trop souvent leur âge, leurs antécédents médicaux et leur condition physique comme autant d’obstacles à la pratique d’une activité physique. Il est vrai que les clubs sportifs traditionnels ne proposent pas de programmes sur mesure pour les personnes atteintes d’un cancer. Voilà pourquoi la Fondation contre le cancer a créé, il y a dix ans, le programme de revalidation Raviva en se basant sur l’avis d’un groupe d’experts en cancérologie, médecine sportive et réhabilitation.

« L’activité physique doit au moins être modérée et bien sûr adaptée aux capacités individuelles des patients, souligne le directeur de la Fondation contre le cancer. Il ne s’agit pas ici de prévention primaire, mais bien d’accompagnement des patients pendant et après leur traitement par l’activité physique.  En premier lieu, le programme vise à avoir un effet positif sur la qualité de vie des patients et donc à les aider à combattre la fatigue. »

Outre le fait que l’aspect physique permet de regagner un peu d’énergie durant une période difficile, l’aspect psychologique de Raviva est également crucial. Les programmes sont faits sur mesure, ce qui garantit aux participants de pouvoir les suivre. Cela les rassure et leur donne confiance. Autre avantage : les participants peuvent faire connaissance et échanger leurs expériences.

Participation gratuite sur tout le territoire belge

Marche nordique, tai chi, Qi-gong, yoga, fitness, gymnastique, aquagym… Chaque patient peut trouver  les exercices qui lui conviennent. Le programme, entièrement financé par la Fondation contre le cancer, est gratuit pour les patients. Un certificat médical est bien sûr nécessaire. « Il existe des contre-indications à l’exercice physique pour certains cancers, explique Didier Vander Steichel. Par exemple, Certains traitements peuvent entraîner une toxicité cardiaque dont il faut évidemment tenir compte. Les métastases osseuses sont une autre contre-indication car elles sont associées à un risque de fracture. »

Les patients sont invités à choisir, dans leur région, une ou deux activités physiques organisées par la Fondation. Donnés à des groupes d’une dizaine de patients, les exercices sont encadrés par des moniteurs formés par la Fondation contre le Cancer. Ceux-ci tiennent compte des recommandations des médecins et adaptent leur programme en fonction des participants. Une centaine de groupes sont répartis sur le territoire belge. Le programme Raviva est accessible pendant un an après la fin des traitements.

Responsabiliser les centres de soins

À l’heure actuelle, le programme Raviva accompagne environ 1400 personnes par an. « Cela nous semble beaucoup trop peu, déplore le Dr Vander Steichel. Nous pensons que ce nombre n’augmente pas parce que le renvoi des patients vers des programmes d’onco-revalidation, ou d’activité physique, ne se fait pas systématiquement au départ des lieux de soins.  En clinique du sein, par exemple, avec les évidences scientifiques que nous avons actuellement pour le cancer du sein, l’onco-revalidation devrait faire partie intégrante du trajet de soins d’une patiente. C’est heureusement le cas dans certains centres, mais ils font figure d’exception. Or, nous souhaitons que cela devienne la règle et pas l’exception. »

C’est pourquoi la Fondation a décidé de changer la manière d’organiser le programme Raviva, à partir de 2019. « Afin de responsabiliser davantage les centres de traitement, nous allons désormais leur lancer des appels à des projets d’activités physique. Les projets seront ensuite sélectionnés par un jury indépendant et financés par la Fondation. »

On le voit, à côté d’une alimentation saine, le maintien d’une activité physique régulière pour l’ensemble de la population reste plus que jamais un objectif prioritaire de santé publique.

« J’ai besoins de cette activité »

En 2013, un cancer du sein a été diagnostiqué chez Michèle Detilloux, alors qu’elle était âgée de 60 ans. Elle a subi une mastectomie partielle, et a été traitée par chimiothérapie et radiothérapie. Dans la foulée du cancer, Michèle a développé une sclérodermie. Son témoignage confirme l’analyse du Dr Vander Steichel selon laquelle les centres de traitement renvoient trop peu de patients vers des programmes de revalidation tels que Raviva. « C’est une jeune étudiante en kiné qui m’a contactée pour me parler de Raviva et m’inviter à y participer. Les médecins que j’ai rencontrés ne m’ont jamais incitée à faire de l’activité physique. Au contraire, lorsque j’ai parlé du programme Raviva à mon oncologue, elle me l’a déconseillé car elle estimait que je n’avais pas la force nécessaire. Maintenant qu’elle connait mon expérience, elle recommande l’activité physique à ses autres patients. »

Michèle a commencé à faire de le gymnastique dans le cadre du programme Raviva, dans la Province de Liège, après la chimiothérapie et la radiothérapie. « Ayant eu plusieurs opérations de reconstruction étalées sur plusieurs années, j’ai pu me réinscrire au programme année après année. La gymnastique m’aide énormément à lutter contre la fatigue, récupérer de la force physique et une bonne santé, à  soulager les symptômes de la sclérodermie et à stabiliser cette maladie. Avant de commencer la gymnastique, je ne savais pas bouger. Il m’était impossible de me relever lorsque j’étais assise sur un tapis. Maintenant, je peux le faire dix fois d’affilée sans difficulté. J’ai besoin de cette activité physique. La convivialité avec les autres patients ayant vécu une expérience semblable est bonne pour le moral. La kiné qui anime les cours est extraordinaire. Elle adapte les exercices en fonction de chacun. On ne pourrait pas trouver une gymnastique aussi adaptée ailleurs. »

Pour Michèle, Raviva prendra fin en 2018. « Je vous avoue que ça me désole car je ne vois pas où trouver une activité physique aussi appropriée. »

« Bouger me procurait un bien-être qui traversait tout mon corps »

Âgée aujourd’hui de 54 ans, Danielle a appris qu’elle était atteinte d’un cancer du sein invasif infiltrant en juillet 2011. Un mois plus tard, elle commençait la chimiothérapie et subissait une mastectomie bilatérale. Au CHU de Liège, l’équipe pluridisciplinaire qui l’a prise en charge, lui a vivement conseillé de suivre le programme Raviva. « L’oncologue, le chirurgien, le radiothérapeute, le sénologue… tous ont insisté pour que je fasse de l’activité physique et suive un régime alimentaire adapté. J’ai débuté le programme Raviva très rapidement : j’arrivais à la fin de ma chimio, j’allais commencer les rayons. Je me suis inscrite à la gymnastique et à l’aquagym. Ça a été costaud ! En moins de quatre ans, j’ai eu environ 6 opérations (mastectomie et chirurgie réparatrice). Les médecins me demandaient de bouger les bras et de ne surtout pas rester statique. L’aquagym m’a fait beaucoup de bien et rassurée car je parvenais à faire des mouvements dans l’eau, alors qu’il m’était tellement difficile de bouger dans la vie de tous les jours. Après une séance de chimio, je n’étais pas capable de faire des exercices pendant les quinze jours suivants. Je m’y remettais à la troisième semaine, avant la séance de chimio suivante. L’activité physique a participé au processus de guérison. Elle m’a été indispensable et m’a permis de retrouver une force intérieure, elle m’a portée moralement, dans le moment présent, en m’aidant à garder confiance. Bouger me procurait un bien-être qui traversait tout mon corps et me soutenait dans la douleur. Raviva m’a aussi été d’une grande aide pour faire face aux opérations. Après celles-ci, j’ai dû porter un corset qui rendait ma respiration difficile. Heureusement, j’avais au préalable appris à me relâcher par la respiration, la concentration, la méditation et la pleine conscience. J’ai ainsi pu faire face aux difficultés liées à mes opérations. »

Le programme Raviva a pris fin en octobre 2016 pour Danielle. Elle regrette aussi de ne pas pouvoir le prolonger. « On ne retrouve malheureusement pas d’activité physique adaptée dans les salles de sport. Or, il est indispensable d’avoir un programme adapté car on ne sait plus faire certains mouvements et  on est plus vite fatigué. »

Pour en savoir plus :

www.cancer.be

Tél. : 0800 15 801