Avril 2003 Par Christian DE BOCK Initiatives

‘Elisa cherche-moi des poux, enfonce bien tes ongles et tes doigts délicats dans la jungle de mes cheveux Lisa’ (Serge Gainsbourg) La pédiculose est un sujet moins spectaculaire que la cigarette et la Formule 1, elle ne donne pas lieu à un traitement médiatique intensif, à une mobilisation des politiques, à un lobbying économique agressif.
Ce n’est pas pour autant une préoccupation anodine en matière de prévention, dès l’instant où ces minuscules parasites nous offrent l’occasion de réfléchir à notre manière de vivre ensemble, à notre capacité à aborder les problèmes de santé autrement que comme de simples symptômes qu’on élimine avec un traitement minute.
Régulièrement sollicitée par les parents à chaque rentrée des classes, Nicole Maréchal a organisé en début d’année une journée de réflexion sur cette question. Vous pouvez lire dans le texte suivant son approche du problème.
Près de 200 personnes s’étaient déplacées à Charleroi le samedi 18 janvier dernier pour discuter poux pendant une longue journée. Il fallait être motivé, elles l’étaient, et n’ont pas regretté d’avoir sacrifié un demi week-end à cette noble cause.
Dès avant le début des travaux, le ton était donné. Monsieur le Pou s’était invité au forum, et, en bon parasite qu’il est, n’hésitait pas à déguster avec une paille quelques centilitres du café de bienvenue des participants.
Le Prof. Antoine Lazarus (professeur à l’Ecole de santé publique de l’Université de Paris 13), entama les réflexions avec un exposé centré sur la culture populaire plutôt que sur la médecine, citant au passage Arthur Rimbaud (‘Les chercheurs de poux’) et Grimm.
Mme De Maubeuge , chef de clinique en dermatologie à l’hôpital St-Pierre (Bruxelles) se chargea avec brio de l’exposé plus scientifique, sur la physiologie du pou, sa faculté impressionnante de reproduction, ses repas, ses déplacements, l’épidémiologie de l’infestation,, le diagnostic, les traitements efficaces et ceux qui ne le sont pas.
Ce panorama complet fut suivi d’une table ronde modérée par Thierry Poucet , au cours de laquelle votre serviteur eut l’occasion de présenter l’avis du Conseil supérieur qui servait de fil rouge (sang!) au forum, suivi par des représentants de la Ligue des familles, du milieu scolaire, des associations de parents d’élèves, etc. Les échanges étaient rythmés par des témoignages filmés d’enfants. Ces derniers sont toujours très créatifs pour imaginer des solutions de bons sens ou gentiment poétiques (engager des singes épouilleurs par exemple). Pendant cette table ronde, Yves Poey , directeur d’une école primaire de Seine-et-Marne, a eu l’occasion d’évoquer son approche communautaire très séduisante de la question (voir son article plus loin).
Après les inévitables et sérieux ateliers de l’après-midi, la journée se termina par un spectacle d’impro à la carte par les Comédiens improvisateurs de Jean-Marc Cuvelier , stimulés par les desiderata du public. Ce n’était pas toujours du meilleur goût, mais l’hilarité était garantie.
Comme quoi on peut aborder un problème sérieusement sans pour autant se prendre trop au sérieux.
En somme, une journée particulièrement réussie sur un sujet a priori peu exaltant.

L’avis du Conseil supérieur

Pour baliser les travaux du jour et les initiatives futures en la matière, rappelons les indications fournies par le Conseil supérieur.
Le Conseil recommande que la prévention et la gestion de la pédiculose à l’école s’inscrive dans une approche de promotion de la santé, qui peut se baser sur les principes suivants:
– le respect de l’élève, de sa famille et de son entourage;
– la concertation et la collaboration entre les acteurs scolaires locaux (directions, éducateurs, associations de parents, professionnels des Centres IMS (1) et PMS, corps enseignant…);
– l’implication des élèves et des parents dans les actions de prévention et les traitements;
– le choix de stratégies et d’actions en fonction de leur capacité à rendre chacun (élèves, parents, enseignants, infirmières…) individuellement et collectivement plus apte à prévenir, gérer et soigner les problèmes de pédiculose à l’école comme à la maison;
– la définition de stratégies visant la complémentarité entre les partenaires «santé» de l’école et de la communauté locale: pharmaciens, médecins, intervenants, écoles des devoirs, etc.

Concrètement:
1. La pédiculose concerne les élèves, les parents, les acteurs de l’école et les partenaires scolaires (IMS-PMS, associations parascolaires…) ainsi que les milieux d’accueil d’enfants en âge scolaire. Ils doivent donc se concerter localement pour établir – en cas de problème de pédiculose – une politique spécifique à leur communauté éducative et scolaire.
2. Les parents d’un élève présentant une infestation de poux seront avertis par l’école et/ou par la médecine scolaire de la nécessité de réaliser un traitement adapté dans les 2 jours de la notification. Le mode de communication entre les partenaires sera respectueux et suscitera la compréhension et la collaboration de chacun. Le personnel des centres de santé scolaire (IMS-PMS) se tiendra à disposition des parents pour leur fournir les informations nécessaires ou pour les aider à maîtriser le problème.
3. L’éviction d’un élève ou d’un membre du personnel présentant des signes d’infestation devrait être une mesure d’exception qui ne dépassera pas 4 jours ouvrables afin de ne pas priver l’élève de sa scolarité et d’augmenter les difficultés familiales. En cas d’éviction, un accompagnement de la famille, de la classe, de l’élève est nécessaire et s’ajustera suivant les cas (conseils des Centres IMS-PMS aux familles, collaboration avec les acteurs sociaux, démarche d’éducation pour la santé dans la classe, dans l’école,…). Le principe même de l’éviction – tel qu’il est prévu dans l’arrêté du 25 juillet 1997 – doit faire l’objet d’une réévaluation tenant compte des moyens disponibles des écoles (2).
4. L’équipe éducative et les partenaires scolaires seront attentifs dans leurs propos et attitudes à ne pas induire un rejet des élèves présentant un problème de pédiculose.
5. La classe présentant des cas d’infestation fera l’objet d’une séance éducative sur la pédiculose (réalisée par une infirmière, un parent, l’enseignant(e), un élève…) afin que les élèves soient mieux à même de détecter les signes d’infestation et de collaborer à la prévention et au traitement. Les écoles seront encouragées à aborder le thème des poux dans le cadre des apprentissages et de sélectionner le matériel ludique et les supports existants diffusant la même information de base.
6. Une des conditions favorables à la collaboration efficace des élèves, des parents, des acteurs et partenaires scolaires consiste en un partage commun d’informations fiables, actualisées, scientifiquement correctes, privilégiant la santé de l’élève et du groupe et dénuées d’intérêts commerciaux. Un document d’information de type consensuel, accessible, simple et utile devrait être élaboré en respectant une approche de promotion de la santé. Il visera à éveiller l’esprit critique du public par rapport aux promesses des informations de l’industrie pharmaceutique en donnant une information complète sur la pédiculose: caractéristiques du pou, cycle de reproduction, dépistage, traitements disponibles, modalités d’application et de répétition des produits, coût, efficacité, en veillant à privilégier l’information sur les produits et les appareils (peignes électriques) recommandés en raison de leur non toxicité avérée.
Un tel document devrait être diffusé auprès des associations de parents, des centres IMS-PMS, des enseignants, des pouvoirs organisateurs, des écoles en général afin de renforcer la capacité de chacun à diminuer l’importance du problème et d’adopter, dans l’intérêt de tous, des comportements de coopération dans la gestion d’un problème de poux à l’école.
Le même document pourrait servir de base à une large campagne médiatique visant à dédramatiser et à sensibiliser le grand public, les écoles et les éducateurs.
7. Les intervenants IMS et PMS devraient pouvoir disposer d’un matériel éducatif et ludique basé sur l’information consensuelle diffusée aux acteurs scolaires et de santé. Les enseignants et les éducateurs scolaires et parascolaires pourraient les adapter dans le cadre d’activités avec leur groupe d’élèves et d’enfants en les ajustant à leur réalité socio-culturelle.
8. L’école peut organiser avec les acteurs scolaires et ses partenaires locaux, des actions de sensibilisation et de prévention en début d’année scolaire ou en cas d’épidémie. Le Conseil recommande que chaque rentrée scolaire soit l’occasion d’aborder le sujet dans une réunion collective à laquelle les parents seraient conviés, en particulier les parents des classes de maternelle et de 1ère primaire. Le personnel des Centres IMS-PMS apportera son aide si nécessaire afin d’organiser ces actions à l’attention des parents, de l’équipe éducative et des élèves.

Et pour suivre…

Très prochainement, un document d’information destiné aux parents sortira. Etant donné le coût élevé des produits, des recommandations très pratiques sur les moyens efficaces et la bonne façon de les utiliser s’avèrent indispensables.
Un peu plus tard, un dossier pédagogique nourri entre autres par les débats du forum sera proposé à la communauté éducative.
En attendant, vous pouvez toujours consulter le site http://www.danseaveclespoux.be , qui fournit pas mal d’informations utiles et continuera à être mise à jour.
Christian De Bock

(1) L’avis en question a été rendu en 2000, ce qui explique l’ancienne terminologie pour la Promotion de la santé à l’école.
(2) Depuis lors, un arrêté précisant les modalités d’éviction a été pris (voir l’article de Nicole Maréchal).