Les dispositions législatives précisent l’éviction de l’élève atteint jusqu’à disparition des poux et des lentes, l’obligation du dépistage des cas et l’éviction des élèves dépistés à cette occasion, l’information des parents, du personnel scolaire et des élèves par le médecin et l’infirmière scolaires. Ces dispositions visent les agents IMS de l’enseignement subventionné et ceux des centres PMS de la Communauté française, chargés de l’exécution des missions IMS dans le réseau d’enseignement organisé par la Communauté française.Ces mêmes mesures se retrouvent dans les recommandations en vigueur dans les pays qui disposent d’une structure de santé scolaire.
En Communauté française, des recommandations régulières sont adressées à l’attention des directions d’établissements et des services de santé scolaires: la dernière en date (année scolaire 93/94) souligne les rôles respectifs des directions des établissements scolaires et des équipes de santé, l’importance de l’information et des actions éducatives non blessantes ou discriminatoires envers les élèves et les familles. Elle comporte, en outre, des recommandations générales pour un traitement correct.
La presse grand public publie des articles à chaque rentrée scolaire, en se faisant souvent l’écho de traitements miracles vantés jusque sur les écrans publicitaires des programmes TV.
La recherche est cependant peu développée, et les articles scientifiques faisant le point sur les connaissances épidémiologiques, entomologiques, thérapeutiques, sociales et historiques au sujet de cet incontournable et ô combien fidèle compagnon de l’homme sont plutôt rares.
Il faut cependant constater la ténacité des attitudes, des croyances et des réactions inadéquates (oscillant entre banalisation ironique et mobilisation dramatisée, voire hystérique) et prendre la mesure d’une situation qui adopte progressivement depuis quelques décennies, des allures de véritable problème de santé publique en âge scolaire.
Il n’existe malheureusement, aucun chiffre fiable sur la prévalence de la pédiculose en milieu scolaire en Communauté française. Les subsides alloués aux actes de dépistage ne permettent pas une estimation fiable puisqu’ils sont réalisés le plus souvent à la demande des enseignants et reflètent plus fréquemment leurs inquiétudes ou leur exaspération que l’ampleur de l’épidémie annoncée… Certains centres estiment que 5 à 10 % des élèves dépistés présentent une contamination plus ou moins importante et plus ou moins durable par le Pediculus humanus capitis.
Ce pourcentage est sans commune mesure avec la hausse progressive observée de la vente de produits de traitement et la consommation de produits prétendument préventifs: le budget anti-poux d’une famille peut grimper de manière impressionnante à plusieurs milliers de francs en une année scolaire.
L’exaspération est à l’image de l’efficacité relative des produits thérapeutiques actuels (le malathion et les pyréthrines): le poux est un insecte remarquablement et rapidement résistant aux mauvais traitements que lui infligent son hôte. Il protège aussi efficacement sa progéniture, les lentes, contre les menaces d’ordre toxicologique.
L’exaspération est aussi à l’image de la méticulosité requise pour un traitement adéquat, de la déconvenue quant aux promesses de recettes-minute miraculeuses et… du peu de crédit que certains accordent à des équipes de santé scolaire soumises à des conditions de travail paralysant toute possibilité d’action réfléchie et concertée quant à la promotion de la santé en la matière. Ainsi, il n’est pas rare que des enfants échappent, parfois de manière très abusive et très stigmatisante, à l’obligation scolaire pour cause de pédiculose récidivante.
La lutte contre la pédiculose en milieu scolaire est affaire d’informations précises, non fallacieuses et non discriminatoires, de qualité de communication, de coopération respectueuse des personnes et des rôles de chacun des membres d’une communauté éducative, d’un minimum de bonne volonté et de compréhension et de créativité en matière de promotion de la santé au sein d’une communauté.
Des suggestions concernant l’information
Les brochures et matériel d’information pour le grand public sont souvent d’origine commerciale et l’information y est rarement complète et adéquate. Il serait utile de pouvoir disposer d’un matériel attrayant, peu coûteux et de bonne qualité, dépourvu de préoccupations publicitaires.
Une information du grand public par le biais audiovisuel serait d’une grande aide pour réduire la signification très péjorative trop souvent attachée à la constatation d’une contamination par cet insecte en particulier. A-t-on la même attitude, les mêmes représentations envers l’atteinte par d’autres insectes (les moustiques, par ex.) plus mobiles et tout aussi désagréables?
Tout a été décrit sur la physiologie du poux, depuis sa symbiose obligée avec les mammifères et l’homme, sa longévité, ses besoins alimentaires (il est hématophage exclusif), sa taille, sa couleur, ses moyens de locomotion (il ne saute pas, ni ne s’envole), la dimension de ses crochets, la distance (au mm près) et les caractéristiques de l’implantation de sa ponte, jusqu’à ses mirobolantes capacités de reproduction. Il conviendrait pourtant de récolter et de diffuser des informations fiables sur l’importance réelle de la prévalence , sur l’importance respective des multiples facteurs de risque de récidive, sur les facteurs déterminant son choix, souvent réitéré et indifférent à leur hygiène personnelle correcte, des mêmes victimes…
Des suggestions concernant la marche à suivre
Une bonne information générale des enseignants , fixant les limites de leur collaboration, est capitale à réaliser par l’équipe de santé de l’école: s’il est indispensable qu’un enseignant puisse reconnaître correctement la gravité d’une contamination, il ne peut lui être demandé d’assumer la responsabilité d’un diagnostic, d’une éviction, voire comme c’est parfois le cas, d’un traitement médical immédiat. Cependant, même correctement informée des dispositions à prendre, une équipe médicale scolaire ne peut être efficace si ses conditions de travail la rendent, de facto, non disponible.
Un rappel des consignes fixant les rôles respectifs des directions scolaires et des équipes IMS pourrait éviter les crispations et faire comprendre que le simple bon sens devrait prévaloir sur les exigences irraisonnées, le laxisme, le découragement, l’ironie ou l’indifférence des uns et des autres.
Exiger un dépistage général et répété de tout un établissement après un constat ponctuel au sein d’une classe, éviter de faire des constats gênants durant certaines périodes scolaires, évincer un enfant manifestement en traitement, n’envisager qu’un contact écrit ou imposer un certificat de guérison par le médecin traitant (généralement moins consulté que le pharmacien) pour une famille précarisée ou en difficultés, ignorer que des enfants placés en institution soient porteurs chroniques faute de soins adéquats, accepter qu’une éviction scolaire se prolonge abusivement, ne pas mettre en pratique les recommandations de l’équipe médicale pour éviter d’alerter les parents et de nuire à l’image de marque de l’école, rester sourd aux commentaires cruels de certains enfants, sont autant d’attitudes très fréquentes et… très régulièrement inopérantes!
Une information précise ne serait pas inutile à transmettre aux médecins traitants et pharmaciens quant aux dispositions souhaitées en milieu scolaire.
Certaines équipes de santé étudient un « contrat de collaboration ou de coopération » entre enseignants, équipe de santé et parents. Ce type de démarche devrait être encouragé.
L’école doit veiller à éviter la propagation possible par l’environnement matériel : les vestiaires et portemanteaux devraient être individualisés et suffisamment espacés pour qu’une contamination passive par les vêtements soit réduite. L’entretien du matériel scolaire de sieste, de psychomotricité, de détente doit être facilité et régulier. L’usage du peigne électrique peut aisément éliminer les risques immédiats de contamination… et aider à la programmation d’actions éducatives et sociales ultérieures.
Des suggestions concernant l’information à offrir aux parents
La présence de l’équipe médicale aux réunions de parents de la rentrée scolaire (en début de scolarité maternelle et primaire, ces réunions sont relativement bien fréquentées) ne devrait plus être liée au seul bénévolat des équipes qui en ont compris l’efficacité à moyen terme.
Elle permet de donner de manière adaptée, les informations indispensables sur la biologie de l’insecte, le détail d’un traitement efficace et les dispositions prises en commun par l’équipe éducative et l’équipe de santé scolaire. Elle permet de souligner la nécessité de collaboration et de coopération de chacun en cas de contaminations accidentelles ou répétées, de prendre connaissance du contexte social et culturel particulier des élèves.
Les documents à délivrer aux parents devraient être d’une qualité de communication irréprochable. Idéalement ils doivent dans un premier temps inviter les parents à être attentifs, à avertir de toute contamination afin d’éviter sa propagation et à traiter leur enfant. Il est judicieux de leur proposer des conseils et une aide qui soient adaptés aux contextes culturels et sociaux (lors de contacts personnels plus discrets et respectueux des personnes, au centre IMS par ex.). Il est utile de laisser le temps aux parents de réagir avant d’effectuer un contrôle (de préférence après un week end de traitement) menant à une éventuelle éviction, laquelle doit toujours être annoncée comme une mesure exceptionnelle mais aussi réellement et raisonnablement appliquée.
Il est relativement facile de remettre à chaque enfant un document préétabli, rapidement personnalisable sur place, comportant le résultat du contrôle et d’agrafer la conclusion repliée pour éviter les indiscrétions. Les mesures d’éviction, quand elles sont inévitables, devraient chaque fois être limitées dans le temps, donner lieu à un travail social en réseau avec les services locaux et à un travail éducatif en classe. En effet, la réinfestation chronique est souvent due à une non-compliance au traitement qui se révèle difficile, et qui requiert une attention et des soins réguliers et méticuleux.
Cette non-compliance aux recommandations est comparable à celle que l’on observe très régulièrement pour d’autres problèmes de santé qui sont repérés chez les enfants privés, pour diverses raisons (socioéconomiques, culturelles, psychoaffectives,…), de l’attention régulière de la part des adultes de leur milieu éducatif proche. La prise en charge nécessite alors outre l’approche collective, une approche médico-sociale individuelle des familles et des milieux concernés. La possibilité d’une levée d’éviction par l’équipe de santé scolaire, après examen au centre ou à domicile, dans un délai et selon un horaire raisonnables, doit être offerte aux parents.
Il est irréaliste et illusoire de proposer des avis et communications standardisés, mais il serait utile de réserver aux équipes des conditions de travail leur permettant le luxe (combien non superflu) d’une action réfléchie et programmée, évitant de leur imposer en urgence le poids d’un travail supplémentaire improvisé, peu valorisé et décourageant les meilleures bonnes volontés. Des conseils pourraient cependant être fournis quant au contenu souhaitable des divers avis et communications à réaliser. Il est maladroit de faire état de difficultés organisationnelles internes aux parents qui n’en peuvent mais.
Des suggestions concernant la promotion de la santé et les actions éducatives
Les enfants apprécient qu’on leur parle des poux … de manière ludique , instructive puis éducative et enfin de manière à éveiller leur solidarité de groupe. Ils sont d’ailleurs souvent à l’origine du peu de discrétion qui entoure généralement la découverte d’un épisode d’infestation… et la plupart du temps, leurs attitudes amusées et curieuses n’évoluent péjorativement qu’au contact des croyances et des réactions d’adultes peu avertis. Le sentiment d’exclusion que peuvent vivre certains élèves doit faire l’objet des préoccupations de tous et être combattu explicitement au sein du groupe d’enfants.
Il existe nombre de jeux , d’ouvrages de littérature enfantine, de comptines , d’histoires amusantes ou de spectacles qui sont autant d’appels et d’aides pour une éducation pour la santé dépourvue de relents moralisateurs ou stigmatisants. Il suffit (mais je sais que c’est parfois difficile) de trouver le temps d’en prendre connaissance, de se les approprier, de réfléchir à leur exploitation possible en classe et d’avoir la volonté de croire qu’il n’est pas inutile de s’y attarder avec la complicité des enseignants et de leur direction, en pleine conscience des enjeux qu’on peut faire découvrir aux élèves et… à leurs parents.
Des suggestions concernant les produits et traitements utilisés
Une mise au point régulière sur l’efficacité relative des produits proposés à la vente et leur nocivité doit être faite et diffusée: sans préjuger des enjeux commerciaux, il faut se souvenir que l’apparition de la résistance du poux aux produits actuels est un réel problème, qu’aucun produit ne peut prétendre induire une immunité pas plus qu’aucun groupe humain, ni qu’aucun mode de vie ne peut arguer de son invulnérabilité face à la pédiculose.
Les notices d’utilisation devraient faire l’objet d’amélioration qualitative dans leur présentation. L’usage abusif d’insecticides à titre préventif doit être dénoncé, comme doit être signalé la contre-indication des sprays en cas d’asthme.
Une suggestion concernant le fonctionnement des équipes de santé scolaire
A l’évidence, le problème de la pédiculose est symptomatique des difficultés occasionnées par l’organisation, le fonctionnement et le financement actuels de l’inspection médicale scolaire en Communauté française. Il souligne le bien-fondé et l’urgence de repenser un système de santé publique au service de l’enfance scolarisée. La nécessité est ainsi mise en évidence de donner d’autres moyens aux équipes de santé scolaire pour que, outre leurs missions de dépistage et de récolte de données de santé, et conformément au souci de respect des droits de chaque enfant, elles puissent remplir de manière adéquate des missions visant à réduire l’impact des récidives et des séquelles des affections de l’enfance qu’elles repèrent.
Dr Michèle Meersseman, Service Prévention Orientation Santé de la Ville de Bruxelles
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