Décembre 2016 Par Christian DE BOCK Stratégies

Le communiqué officiel

Sous la présidence de la Ministre Maggie De Block, 13 ministres se sont réunis le lundi 24 octobre à propos de la politique en matière de drogues et d’alcool dans notre paysNote bas de page.

Différentes priorités ont été discutées, parmi lesquelles la note cadre de sécurité intégrale, la problématique des jeux de hasard, la faisabilité des salles de consommation à moindre risque, l’approche des nouvelles substances psychoactives et la consommation d’alcool dans notre pays.

Les ministres ont pris, entre autres, les décisions suivantes:

  • une vision commune sera développée sur l’approche de la problématique des jeux de hasard dans notre pays;
  • les ministres ont approuvé une note de synthèse sur les salles de consommation à moindre risque. Une telle salle offre la possibilité à des consommateurs précarisés de consommer leurs drogues sur place, en présence de personnel de soins. La loi belge interdit actuellement de telles salles et le gouvernement fédéral ne soutiendra pas une modification de cette loi. Le dossier fera l’objet d’une étude;
  • la mise en place cette année d’une réglementation qui améliore l’approche des marchés illégaux de nouvelles substances psychoactives;
  • la réunion a souligné l’importance d’une approche globale et intégrée de la problématique de l’alcool. Sur base des informations scientifiques, des expériences pratiques et des consultations, plus de trente mesures ont été présentées dans les domaines tels que la prévention, le soin, l’alcool dans la circulation, la politique alcool sur le lieu de travail… À ce jour, la Conférence interministérielle n’a pas pu parvenir à un accord définitif sur un ensemble de mesures. Il y aura de nouvelles négociations pour parvenir à un accord à court terme.

La réaction de la Fédito bruxelloise

«Il n’y aura pas de salle de consommation à moindre risque sous cette législature»

C’est, en substance, ce que le gouvernement fédéral a décidé lors de la conférence interministérielle en matière de politique drogue, et ce malgré le soutien formel et explicite des ministres bruxellois et wallon.

Tout au plus y aura-t-il une étude de faisabilité, pour une application future… mais pas sous cette législature. La même conférence interministérielle a pourtant avalisé une note de synthèse très complète et soulignant la plus-value des salles de consommation à moindre risque (SCMR), déjà vérifiée en de nombreux pays.

Cette note objective n’est pas loin de reprendre tous les arguments en faveur des SCMR, dans la droite ligne des résultats de la recherche sur le coût social des drogues légales et illégales (SOCOST) organisée par la Politique Scientifique Fédérale, et qui soulignait la plus-value des SCMR en termes de santé publique.

Cela fait longtemps que nous tentons de faire entendre nos arguments en vue d’une politique de santé publique plus efficace en matière de drogues. C’est tous les jours que nous constatons les limites et faiblesses du cadre actuel. Ce cadre, c’est notamment la loi du 24 février 1921: au nom de l’incitation et de la facilitation (!), elle empêche le développement de dispositifs de santé comme les salles de consommation à moindre risque.

«Aucun projet [de salle de consommation à moindre risque] ne pourra être mis en place sans ce changement législatif», rappelle la conférence interministérielle, et «toute modification de cette loi est exclusivement de la compétence du fédéral.»

Le gouvernement fédéral actuel choisit donc de ne pas agir, si ce n’est en en sollicitant une étude supplémentaire sur la question. Question de priorité… ou d’encommissionnement. En tout cas les choses sont claires: «le gouvernement fédéral ne soutiendra ou initiera pas une modification de la loi du 24 février 1921».

La réaction du Groupe porteur ‘Jeunes, alcool et société’

À l’instar de ce qui s’est passé en 2013, l’adoption d’un plan alcool vient de capoter, ajoutant un nouvel épisode à une saga déjà bien trop longue. Les associations belges du secteur de la Jeunesse, de la Santé et de l’Éducation déplorent avec force le nouveau blocage.

Faut-il rappeler que ces mesures sont recommandées depuis des années par les instances internationales, OMS en tête? Combien de négociations faudra-t-il pour faire reconnaître qu’il n’est pas normal d’assaillir les plus jeunes avec des publicités vantant l’alcool? Qu’il n’est pas cohérent de vendre de l’alcool dans des stations-service? Ou encore que l’État investisse 70 fois plus dans la sécurité et la répression que dans la prévention? Simples exemples parmi d’autres…

Il est indispensable qu’un plan national ambitieux et consistant se concrétise, mettant en priorité les intérêts de santé publique, tout en tenant compte des arguments économiques. En effet, dans notre pays, la surconsommation d’alcool représente la troisième cause de morbidité et de mortalité précoce (la première chez les jeunes de 15 à 24 ans) et coûte près de 5 milliards d’euros par an à charge de l’État!

Contrairement aux arguments avancés, l’objectif du plan n’est pas de pénaliser le consommateur mais bien d’accompagner une consommation responsable, particulièrement pour les jeunes.

Pour Anne-Sophie Poncelet du Groupe porteur ‘Jeunes, alcool et société’, «L’État est totalement incohérent. La législation est complexe et difficile à comprendre: comment peut-on à la fois interdire l’offre d’alcool aux mineurs tout en permettant aux alcooliers de matraquer ce public en les poussant à la surconsommation?»

Le Groupe porteur ‘Jeunes, alcool et société’ exige donc, une nouvelle fois, que les responsables politiques prennent rapidement la mesure des enjeux afin de faire primer les intérêts des citoyens plutôt que des lobbies et de l’industrie brassicole.

Les membres de la Conférence sont M. Charles Michel, Premier Ministre; Mme Maggie De Block, Ministre des Affaires Sociales et de la Santé Publique; M. Jan Jambon, Vice-Premier Ministre et Ministre de la Sécurité et de l’Intérieur; M. Koen Geens, Ministre de la Justice; M. Jo Vandeurzen, Ministre flamand du Bien-Être, de la Santé et de la Famille; M. Maxime Prévot, Ministre wallon des Travaux publics, de la Santé, de l’Action sociale et du Patrimoine; M. Rudy Demotte, Ministre-Président de la Fédération Wallonie-Bruxelles; Mme Alda Greoli, Vice-Présidente de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Ministre de la Culture et de l’Enfance; Mme Cécile Jodogne, Ministre, Membre du Collège de la Commission Communautaire française (COCOF), en charge de la Politique de Santé; M. Didier Gosuin, Membre du Collège réuni de la Commission communautaire commune (COCOM), chargé de la Politique de la Santé, de la Fonction publique, des Finances, du Budget, du Patrimoine et des Relations extérieures; M. Guy Vanhengel, Ministre, Membre du Collège Réuni de la COCOM, en charge de la Politique de Santé; M. Rudi Vervoort, Ministre-Président de la Région de Bruxelles-Capitale, chargé des Pouvoirs locaux, du Développement territorial, de la Politique de la Ville, des Monuments et Sites, des Affaires étudiantes, du Tourisme, du Port de Bruxelles; Herr Antonios Antoniadis, Minister der Deutschsprachigen Gemeinschaft für Familie, Gesundheit und Soziales.