Bientôt vingt ans de lutte contre le sida
Un colloque
Parmi les nombreux événements, sérieux ou plus festifs, organisés à l’occasion de la Journée mondiale du sida, le 1er décembre, l’Observatoire socio-épidémiologique du sida et des sexualités (1) nous proposait de faire le point sur différents aspects de l’épidémie.
Le Dr Morel , du Cabinet de la Ministre Maréchal, a rappelé l’importance que celle-ci accorde au sida. La présence physique de la ministre lors de la maintenant traditionnelle marche aux flambeaux en fin d’après-midi témoignait d’ailleurs de façon on ne peut plus concrète de son engagement.
Dirk Van Der Roost , conseiller auprès du Secrétaire d’Etat à la Coopération, Eddy Boutmans, précisait le rôle joué par la Belgique au sein du fonds global consacré à la lutte contre le sida, la tuberculose et la malaria. Alors que l’attention de l’opinion publique mondiale a été focalisée ces derniers mois sur la question de l’accès des pays pauvres aux traitements, il nous rappelait que la prévention ne doit pas être le parent pauvre du dispositif, et que la Belgique entend promouvoir une approche multisectorielle de la maladie.
Le Dr André Sasse (Institut scientifique de santé publique) dressait ensuite un tableau épidémiologique de la maladie, en Belgique mais aussi dans les autre pays européens et en Afrique, dont il nous dit que les progrès que le continent a connus en termes d’espérance de vie depuis les années 50 ont été anéantis par le sida.
Le Dr Wuidart témoignait ensuite de son expérience de généraliste dans la prise en charge des patients, la relation de confiance entre le patient et son médecin étant un atout important qu’il s’agisse de prévention, de dépistage, d’adhésion au traitement.
Jean-Yves Carlier , professeur de droit à l’UCL, abordait quant à lui le problème de la discrimination des séropositifs et malades, rappelant que notre pays continue à imposer aux étudiants d’Afrique et d’Amérique du Sud demandeurs de visas un test de dépistage qui ne repose sur aucune base légale.
Le Dr Jacques , du projet Lama, abordant la question de la pourvoyance légale des drogues, se félicitait du très faible nombre de toxicomanes touchés par la maladie en Belgique, par rapport à d’autres pays européens. Il attribuait une bonne part de ce succès à une politique pragmatique de réduction des risques et de substitution à bas seuil beaucoup moins délétère selon lui que la prohibition.
Enfin, Thierry Martin , de la Plate-forme prévention sida, présentait la campagne de sensibilisation de fin d’année, en soulignant les objectifs principaux de la Plate-forme: maintenir le sida à l’ordre du jour au moment où une lassitude de l’opinion et un relâchement des comportements de protection sont observés; jouer à fond la solidarité avec les séropositifs, en impliquant davantage ceux-ci dans les projets de prévention; enfin, plaider pour une vision positive de la sexualité, ce qui n’est pas superflu après des années de messages préventifs centrés quasi exclusivement sur les risques de la vie sexuelle.
L’après-midi, deux ateliers étaient consacrés au concept de ‘vulnérabilité’ et à la solidarité avec les pays en développement.
La vulnérabilité : un concept « bateau » ou un outil précieux ?
Une mise en contexte théorique a été présentée par François Delor . A partir de là, les organismes de prévention du sida à l’attention de publics spécifiques (2) ont tenté d’aborder le concept de vulnérabilité de manière critique et ont mis en évidence les caractéristiques transversales de leurs actions respectives. Il apparaît essentiel d’adapter les actions de proximité aux évolutions de l’épidémie du sida. Ainsi, les critères de vulnérabilité doivent faire l’objet d’une réflexion en continu. Le langage utilisé pour s’adresser aux différents publics doit aussi faire l’objet d’une adaptation constante. Les questions de citoyenneté et de participation communautaire ont également été abordées, tant pour évoquer la richesse de ces approches que les limites qu’elles présentent.
Le Centre Elisa a présenté les résultats préliminaires d’une recherche réalisée en partenariat avec l’Observatoire socio-épidémiologique du sida et des sexualités. Cette présentation a mis en évidence les enjeux relatifs au dépistage du VIH dans un contexte de recrudescence de l’épidémie et de banalisation du sida.
La solidarité avec les pays en développement
L’atelier consacré à la solidarité avec les pays en développement a réuni des représentants du monde politique, des chercheurs et des acteurs de prévention qui entretiennent des contacts avec certains pays en développement. Tout d’abord, un bilan de la situation épidémiologique en Afrique a été dressé. Plusieurs constats ont ensuite été formulés au sujet des conséquences de l’épidémie, non seulement en matière de santé mais aussi plus largement sur le plan socio-économique. Ces constats alarmants montrent que la concrétisation de la solidarité avec les pays particulièrement touchés revêt plus que jamais un caractère d’urgence. Une approche globale qui comprend des mesures sanitaires, des actions de prévention mais aussi des mesures économiques s’impose. La création d’un Fonds spécial, décidée lors de la session extraordinaire de l’ONU à New York en juin 2001, représente un espoir certain mais suscite aussi des inquiétudes en ce qui concerne la gestion de ce fonds. La Communauté française a des atouts non négligeables pour contribuer à la lutte contre le sida dans les pays les plus touchés.
Du rififi dans la prévention
A l’entrée du colloque, des représentants des Centres de référence sida de l’ULB, de l’UCL et de l’Ulg manifestaient publiquement leur refus de participer au colloque pour marquer leur désaccord par rapport à la politique de la Communauté française en matière de prévention du sida. Leur colère trouve son origine dans le fait qu’ils n’avaient pas reçu de subsides depuis le début 2001.
Sans nous prononcer sur le fond du problème, nous n’avons apprécié que médiocrement cette attitude revancharde et inélégante puisqu’ils n’avaient même pas prévenu les organisateurs de leur intention de boycotter une manifestation au cours de laquelle plusieurs interventions de leur part étaient prévues, ainsi que l’animation d’un atelier.
D’autre part, les Centres de référence paraissent ignorer que la Communauté française ne finance pas des équipes, mais des programmes, et que la pérennité du financement implique une remise en question de la qualité du travail effectué, que ce soit par les opérateurs eux-mêmes ou les bailleurs de fonds.
En tout cas, bravo à l’Observatoire d’avoir improvisé si vite et efficacement un ‘complément de programme’!
Christian De Bock
Observatoire socio-épidémiologique du sida et des sexualités, Facultés universitaires Saint-Louis, Bd du Jardin botanique 43, 1000 Bruxelles. Tél.: 02-211 79 10. Fax: 02-211 79 95. Mél: observatoire@fusl.ac.be
(1) Ce nouvel acteur de la prévention sida en Communauté française Walklone-Bruxelles est hébergé par les Facultés universitaires Saint-Louis à Bruxelles.
(2) Modus Vivendi pour les usagers de drogue, Espace P pour les personnes prostituées, Latitudes pour les migrants, Signons l’Information Sida pour les personnes sourdes et malentendantes.