Mai 2024 Par Vivalis Observatoire de la Santé et du Social Réflexions

Les politiques de santé publique et de promotion de la santé ont eu un effet sur la santé et l’espérance de vie en Belgique. Dans son nouveau tableau de bord de la santé, l’Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles-Capitale montre que malgré la période Covid, certains indicateurs s’améliorent, mais les inégalités sociales persistent.

Dennis Mathysen, Elise Mendes da Costa, Sarah Missine, Joël Girès, Dalia Fele, Melody Yannart pour L’Observatoire Social Santé de Bruxelles-Capitale – Vivalis.brussels

Cette nouvelle édition du Tableau de bord de la santé de la Région bruxelloise propose un aperçu actualisé de la santé de la population bruxelloise, en tenant compte du contexte démographique, social et multiculturel en constante évolution dans la Région. Elle met en lumière des thèmes importants, tels que l’espérance de vie, les défis posés par les maladies chroniques et infectieuses et le rôle crucial des soins de santé mentale. 

Une attention particulière est portée à la relation complexe existant entre la santé et les inégalités sociales, qui sont plus importantes que jamais dans la région de Bruxelles. Ainsi, l’amélioration de la santé ne peut résulter du seul accès aux services de santé, mais dépend aussi d’une action menée envers les déterminants sociaux de la santé tels que l’emploi, le revenu, le logement et l’environnement.  

Le rapport met aussi l’accent sur les besoins et les défis spécifiques en matière de santé, à certaines étapes de la vie. Extraits choisis. 

L’espérance de vie à la naissance augmente 

L’espérance de vie des hommes et des femmes est en augmentation continue dans la Région bruxelloise sur la période 1999-2019, tout comme en Flandre et en Wallonie. 

Ce phénomène va de pair avec la diminution de toute une série de chiffres relatifs aux causes de mortalité (prématurée). Ainsi, pour les hommes bruxellois, les diminutions de taux de mortalité les plus frappantes concernent les deux principales causes de décès : les cancers du système respiratoire (larynx, trachée et poumons) et les cardiopathies ischémiques. La mortalité liée à ces deux affections a considérablement diminué en 10 ans. De nombreux facteurs contribuent à cette évolution, comme les nouvelles évolutions médicales et l’amélioration des traitements, mais la baisse du nombre de fumeurs (quotidiens) joue indubitablement aussi un rôle. Le tabagisme a en effet diminué de manière systématique. 

Parmi les facteurs qui ont amélioré l’espérance de vie, la promotion de la santé a joué un rôle. La population est mieux sensibilisée aux bienfaits des comportements de santé : en particulier sur la question de la diminution du tabagisme, ou encore sur l’attention accrue portée à l’alimentation et à l’activité physique. L’émergence du secteur témoigne aussi d’une prise de conscience croissante de la possibilité d’influencer sa propre santé. Toutefois, le niveau de littératie en santé, qui varie selon le statut socio-économique, a toujours un fort impact sur les comportements de santé. 

Des inégalités sociales mortifères 

Cette évolution positive ne doit toutefois pas nous faire oublier que les inégalités sociales sont encore importantes. Les habitants des communes à haut revenu ont ainsi une espérance de vie considérablement plus élevée que les habitants des communes plus pauvres. Ainsi, quand nous comparons les communes bruxelloises considérées comme « extrêmes », l’impact du statut socioéconomique sur l’espérance de vie apparaît clairement.  

L’espérance de vie est significativement plus élevée, tant pour les hommes que pour les femmes, dans les communes où le revenu médian est plus élevé. Woluwe-Saint-Pierre, par exemple, était la commune avec le revenu médian le plus élevé à Bruxelles en 2019 (26 812 €) et présente la meilleure espérance de vie, tant pour les hommes que pour les femmes. À l’inverse, Saint-Josse-Ten-Noode enregistrait le revenu médian (16 277 € en 2019) et l’espérance de vie (pour la période 2017-2019) les plus bas. Les habitant.es de St-Josse-Ten-Node ont ainsi perdu quasiment 3 ans d’espérance de vie entre 2014 et 2019, comme le montre le graphique ci-dessous. La différence d’espérance de vie entre les communes avec un niveau socioéconomique plus élevé ou plus faible semble plus prononcée chez les hommes que chez les femmes et le fossé entre les « extrêmes » semble s’être creusé au fil du temps.

schema 1 esperance de vie

Quand pollution rime avec précarité 

Les pollutions environnementales ont un véritable impact sur la santé. Le rapport en aborde trois :  dans l’espace urbain, dans l’emploi et dans les logements, et en conclut qu’elles ont une dimension inégalitaire tout à fait marquée. Les moins aisés résident dans des quartiers plus pollués, plus bruyants, à l’intérieur de logements qui présentent plus souvent de l’humidité et des moisissures. Par ailleurs, ce sont les emplois les moins valorisés qui sont soumis aux expositions professionnelles les plus pénibles.  

Cet état de fait révèle la nature structurelle des inégalités environnementales, connectées au fonctionnement ségrégatif du marché du logement, du marché du travail et ainsi aux inégalités socio-économiques dans leur ensemble. Les pollutions spécifiquement urbaines (liées au trafic routier ou au type de bâti) sont quant à elles plus fortes à Bruxelles que dans les autres régions, essentiellement du fait qu’il s’agit d’une ville-région. 

Covid et cancer 

Avant Covid, le cancer est responsable d’un décès sur quatre, toutefois l’incidence brute de cancer a légèrement baissé. Ces chiffres sont étonnants, étant donné que l’incidence brute du cancer a augmenté dans les deux autres régions belges : la Flandre et la Wallonie. Le fait que l’évolution soit différente à Bruxelles s’explique principalement par des différences dans la distribution des âges. Bruxelles a longtemps connu un rajeunissement de sa population, or le cancer est plus fréquent dans les groupes de population plus âgés. 

Pour ce qui est des maladies infectieuses, elles affectent de manière disproportionnée les groupes vulnérables. L’accès limité aux soins de santé et à la prévention ainsi que l’exposition accrue à des facteurs de risques contribuent à un taux de mortalité plus élevé dans ces groupes. La pandémie de Covid-19 et les mesures de lutte contre celle-ci ont aussi certainement eu un énorme impact sur les personnes vivant dans la pauvreté et la précarité, surtout dans la Région bruxelloise, où la pauvreté et les inégalités sociales et en matière de santé étaient déjà considérables avant la crise. Au début de l’épidémie, différents facteurs influençant l’exposition à l’épidémie avaient été identifiés, comme les conditions de travail (possibilité de télétravail, métiers essentiels avec de nombreux contacts rapprochés), la densité résidentielle (mobilité urbaine, manque d’espaces verts) et les conditions de logement (taille du ménage, type de logement). Les personnes en situation précaire cumulent souvent plusieurs facteurs de risque et sont donc particulièrement vulnérables. 

L’impact du Covid sur les troubles anxieux 

Les problèmes de santé mentale touchent une part non négligeable de Bruxellois, dont certains sont plus à risque comme les personnes rencontrant plus de difficultés financières pour les troubles anxieux et dépressifs notamment, ou les femmes et les générations plus jeunes pour les troubles anxieux. Les répercussions des problèmes de santé mentale peuvent par ailleurs être importantes pour les personnes elles-mêmes, leur entourage, et la société plus largement. Ils peuvent être la cause d’incapacités de travail de longue durée et également avoir un impact important en termes d’années de vie en bonne santé perdues. 

La pandémie de Covid-19 s’est accompagnée à Bruxelles d’une augmentation des troubles anxieux et dépressifs. La fréquence de ces troubles a augmenté durant la crise du Covid-19 et a fluctué, avec des pics qui semblent suivre l’évolution de l’épidémie de Covid-19 et les mesures prises face à celle-ci. Alors qu’en mars 2022, la fréquence des troubles anxieux et dépressifs avait diminué, en juin 2022, le bien-être psychologique s’est à nouveau dégradé, en particulier pour les troubles dépressifs, suite aux inquiétudes par rapport au prix de l’énergie, au changement climatique, au prix ou à la pénurie de nourriture, ou à un rebond économique du virus du Covid-19. La fréquence des troubles dépressifs a continué à augmenter jusque fin septembre-début octobre 2022 pour ensuite diminuer. 

Proportion de personnes âgées de 18 ans et plus* présentant un trouble anxieux généralisé** ou un trouble dépressif** : évolution entre avril 2020 et fin juin-début juillet 2023, Région bruxelloise

schema trouble anxieux tbs bxl

Alerte sur les besoins croissants des personnes âgées 

Au cours des 20 dernières années, le taux de mortalité standardisé par suicide a diminué de plus de la moitié passant de 22,5 décès pour 100 000 habitants en 1998 à 9,5 en 2021. Toutefois, la mortalité par suicide (taux brut de mortalité) augmente avec l’âge, chez les hommes et les femmes, mais de manière plus marquée chez les hommes, chez qui on observe par ailleurs une augmentation importante à partir de 75 ans, comme le montre le schéma ci-dessous. 

schema 3 taux de suicide 75 ans

Depuis 2010, la Région bruxelloise est confrontée à une augmentation du nombre de personnes âgées. Au 1er janvier 2022, 160 116 personnes âgées de 65 ans et plus habitent en Région bruxelloise. Elles représentent 13,1 % de la population totale bruxelloise. Selon les projections démographiques réalisées jusqu’en 2070, l’augmentation de cette population se poursuivra pour arriver, en 2070, à 223 273 personnes (soit 18,2 % de la population totale bruxelloise). Le nombre des 85 ans et plus – population plus vulnérable et plus à risque de dépendance aux soins – augmentera fortement à partir des alentours de 2030. Le profil des personnes âgées bruxelloises évolue également dans le temps : les personnes âgées sont plus à risque de précarité et culturellement plus diversifiées. L’évolution démographique et socio-culturelle de la population âgée impliquera potentiellement de repenser l’offre socio-sanitaire à Bruxelles (soins et aides à domicile, et types d’accueil et d’hébergement pour personnes âgées). 

Ainsi, la croissance du nombre de personnes âgées, l’augmentation de l’espérance de vie, la diminution de la durée des séjours hospitaliers et l’évolution du profil socio-culturel des personnes âgées bruxelloises influencent et influenceront le recours aux aides et aux soins à domicile ainsi que le choix d’intégrer un certain type d’accueil ou d’hébergement pour personnes âgées. En effet, les recours aux soins à domicile sont en légère augmentation ces dernières années, tandis que le taux d’occupation des MRPA/MRS est en baisse. En outre, selon l’étude de programmation relative aux structures de maintien à domicile et d’accueil ou d’hébergement pour personnes âgées de la Région bruxelloise, les structures d’accueil de types « court-séjour » sont à développer davantage dans la mesure où elles sont une alternative à la maison de repos en favorisant le maintien à domicile des personnes âgées.

Le rapport se clôture par une vue d’ensemble de l’offre et de l’utilisation des soins de santé et comment ces éléments affectent l’état de santé des Bruxellois. A lire de toute urgence ! 

Retrouvez le rapport complet  

Contacts : Dennis Mathysen, dennis.mathysen@vivalis.brussels et Elise Mendes Da Costa, elise.mendesdacosta@vivalis.brussels