Le 4 mars 2002, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’Inpes, s’est substitué au Comité français d’éducation pour la santé. La création de cet établissement public, sous tutelle du Ministère de la santé, s’inscrit dans la loi relative au droit des malades et à la qualité du système de santé.
Cette transformation intervient dans un contexte marqué, depuis plusieurs années, par une demande d’évolution du secteur de l’éducation pour la santé. La Conférence nationale de santé de 1997 sollicitait l’intégration de l’éducation pour la santé dans un projet de loi d’orientation qui préciserait les compétences et organiserait les financements dans ce champ. Le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) d’octobre 1999 sur les conditions d’une évolution du statut du CFES préconisait notamment une meilleure définition de la politique de prévention par l’Etat et proposait la création d’une agence nationale en lien avec un réseau d’agences régionales en appui sur une évolution du CFES et de son réseau. En février 2001, le Plan national d’éducation pour la santé (Pneps), véritable cadre stratégique de développement durable de ce champ, était présenté au conseil des ministres par le Ministère délégué à la santé.
Sept tâches pour trois missions
Les principales missions confiées à l’Inpes, fortement liées aux axes stratégiques proposés par le Plan national, sont:
– la mise en œuvre de programmes de prévention et d’éducation pour la santé;
– le conseil et l’expertise en matière de prévention et de promotion de la santé;
– le développement, sur tout le territoire, de l’éducation pour la santé, y compris de l’éducation thérapeutique, comme une mission de service public répondant à des normes quantitatives et qualitatives.
En vue de l’accomplissement de ses missions, l’Institut doit:
– constituer un réseau national documentaire: spécialisé sur les théories et pratiques relatives aux domaines de la prévention et de la promotion de la santé, ce réseau est ouvert au grand public, aux associations et aux professionnels et met à leur disposition des supports d’information, des outils pédagogiques et méthodologiques d’éducation pour la santé;
– établir, en lien avec les professionnels concernés, des critères de qualité pour les actions, les outils pédagogiques et les formations d’éducation pour la santé et d’éducation thérapeutique, développer, valider et diffuser des référentiels de bonnes pratiques dans ces domaines;
– émettre des avis à la demande du ministre chargé de la santé, ou des ministres concernés, sur tout outil ou programme de prévention et de promotion de la santé;
– concevoir et produire les différents supports des programmes nationaux de prévention, notamment les documents d’information, outils pédagogiques et campagnes de communication;
– identifier, soutenir et réaliser des formations, études, recherches, et évaluations en rapport avec ses missions;
– accréditer des organismes de prévention et de promotion de la santé, publics et privés, qui en font la demande, sur la base d’un cahier des charges rendu public;
– participer à l’action européenne et internationale de la France, notamment au sein des organismes et réseaux internationaux chargés de développer l’éducation thérapeutique, l’éducation pour la santé, la prévention et la promotion de la santé.
Une reconnaissance pour l’éducation pour la santé
Par rapport au CFES, la création de l’Inpes et les missions qui lui sont confiées, constituent une avancée significative en termes de santé publique et d’éducation pour la santé.
La prévention et l’éducation pour la santé accèdent à une reconnaissance législative à travers leur inscription dans le code de la santé publique, dans un nouveau chapitre relatif à la prévention: les actions d’éducation pour la santé y sont présentées comme une des modalités d’intervention de la politique de prévention.
Le CFES était une association à but non lucratif. L’Inpes est un établissement public administratif. Ce changement de statut institutionnalise l’éducation pour la santé et lui fournit des moyens pérennes d’action. Il s’accompagne néanmoins de la perte d’une certaine souplesse au plan administratif et financier, notamment parce que l’Institut est dorénavant soumis au Code des marchés publics.
La reconnaissance de l’éducation pour la santé comme une mission de service public confère également à l’Inpes une légitimité et des moyens que n’avaient pas le CFES et son réseau pour développer une infrastructure de base en éducation pour la santé sur l’ensemble du territoire, y compris en éducation thérapeutique du patient.
La mise en place d’une mission de service public passe par l’accessibilité géographique et sociale des services d’éducation pour la santé, par leur pérennité et par leur qualité. Cette mission permet ainsi, au sein des programmes menés par l’Inpes, un rééquilibrage entre les actions de communication et l’appui aux actions de proximité. La définition de critères de qualité des services et des actions en éducation pour la santé induit également une forte légitimité de l’Inpes pour développer la formation des professionnels relais ainsi que la recherche, appliquée à la pédagogie de la santé.
L’articulation entre niveaux national et local
Des incertitudes demeurent cependant sur la structuration de l’éducation pour la santé sur le territoire. Pour remplir ses missions, la loi prévoit que l’Institut dispose de délégués régionaux. Ces derniers n’ont pas encore été mis en place. Le projet de loi de programmation quinquennale en santé publique qui sera présenté au parlement ces prochains mois, devrait clarifier cette question et plus largement celle de l’articulation national/local dans le cadre des politiques de santé. Les schémas régionaux d’éducation pour la santé, en cours d’élaboration, devraient également contribuer à la structuration de l’éducation pour la santé sur le territoire.
L’ancien réseau du CFES, celui des 108 comités régionaux et départementaux d’éducation pour la santé, représente pour l’Institut un partenaire privilégié dans la mise en œuvre d’une mission de service public en éducation pour la santé. Il est en effet le principal réseau spécialisé en éducation pour la santé généraliste en France, il réalise les missions de base en éducation pour la santé (documentation, formation, actions de terrain, appui méthodologique), il remplit une mission d’intérêt général en lien avec les Directions départementales et régionales des affaires sanitaires et sociales et en partenariat avec les acteurs locaux, et il a poursuivi ces dernières années, avec le CFES, une démarche qualité reposant sur un agrément des structures et la formation des personnels.
Ces atouts font du réseau des comités l’ossature locale et régionale naturelle, d’une mission de service public en éducation pour la santé. Avec la disparition du CFES, ce réseau s’est organisé récemment en Fédération nationale des comités d’éducation pour la santé (Fnes). Les modalités d’une étroite collaboration entre l’Inpes et cette fédération, seront définies courant 2003.
Si l’institutionnalisation de l’éducation pour la santé est une avancée significative en termes de reconnaissance de ce champ, d’importantes étapes restent à franchir. La reconnaissance de l’éducation pour la santé est intimement liée à la reconnaissance d’un métier (voire de plusieurs métiers) et, pour ce faire, à l’existence d’une formation diplômante, ce qui n’est pas encore le cas en France. Fort de son expertise, l’Inpes peut oeuvrer dans ce sens. Charge à lui de mieux faire connaître l’éducation pour la santé à ses partenaires et de faire la preuve de la pertinence de l’éducation pour la santé telle que définie dans le Plan national, à savoir comme une dimension essentielle de la politique de santé, «aidant chaque citoyen à acquérir tout au long de sa vie les compétences et les moyens qui lui permettront de promouvoir sa santé et sa qualité de vie ainsi que celles de la collectivité ».
Michelle Perrot , chargée de mission à la Direction du développement de l’éducation pour la santé et de l’éducation thérapeutique, à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes)