Mai 2005 Par Christian DE BOCK Initiatives

Le 11 mars dernier, près de 250 personnes s’étaient donné rendez-vous au Palais des Congrès de Liège pour échanger leurs expériences et réflexions en matière d’information des patients. Une initiative bienvenue trois ans après l’entrée en vigueur de la loi fédérale sur les droits du patient, qui consacre l’importance de cette dimension de la relation entre soignants et patients.
La journée démarra en douceur avec une présentation en tandem par les docteurs Jean Fléchet et Christine Vanoverbeke de l’éclairage que la philosophie défendue par la Société Balint belge apporte à la pratique quotidienne des généralistes. Ils ont à juste titre souligné qu’il n’est pas toujours pertinent de faire du droit de savoir une obligation de tout dire et tout entendre. Pas de prescription de parole obligatoire pour le médecin, donc, face à des patients pour qui la valeur des informations communiquées par les professionnels dépend de leurs attentes et de leur parcours personnel.
Rappel utile mais un peu convenu.
Avec le témoignage percutant d’ Anne Gillet (vice-présidente du Groupement belge des omnipraticiens), le colloque passa véritablement à la vitesse supérieure. Son plaidoyer en faveur de l’échelonnement des soins, reposant sur une infrastructure légère, accessible culturellement, géographiquement et financièrement pour les patients, sa critique enflammée de notre ‘non-système’ de santé qui joue sur la concurrence entre prestataires alors que tout le monde a besoin de décloisonnement et de plus de cohésion sociale, nous a rempli d’aise. On y percevait nettement plus le sens de la responsabilité sociale de la médecine générale qu’une défense étriquée d’intérêts partisans. ‘Nous pouvons subvertir l’instrumentalisation des êtres et leur marchandisation’ , nous dit-elle avec conviction, épinglant au passage notre modèle de soins hospitalocentrique et la manipulation du corps médical et des associations de patients par des ‘sponsors équivoques’.
Décoiffant!
Pour sa part, Jacques A Bury (ADSAN, Agence pour le développement et l’évaluation des politiques de santé, en Suisse), insista sur le fait que le concept d’empowerment et les priorités définies par la charte d’Ottawa voici près de 20 ans doivent être plus que jamais au centre de nos préoccupations aujourd’hui, et sont fécondes pour développer une conception éthiquement responsable et non normative de la qualité de vie. Il nous invite à éviter les pièges de l’angélisme participatif et de l’autonomie imposée (injonction paradoxale qui a fait pas mal de dégâts).
Son message à des professionnels sous-estimant parfois de façon involontairement méprisante les capacités des patients est passé comme une lettre à la poste.
La matinée nous réservait encore un moment fort, et fort agréable, avec l’intervention à la fois radicale, rigoureuse et pleine d’esprit de Gianfranco Domenighetti (Université de Lausanne et Genève), qui s’employa avec sa verve coutumière à démonter les grands mythes de la toute-puissance de la culture sanitaire scientifique: non, la consommation en croissance constante des services médicaux ne contribue pas énormément à l’augmentation de notre longévité; non, la médecine n’est pas une science exacte; oui, elle est faite de plus d’incertitude que de certitudes; non, un diagnostic précoce n’est pas toujours la façon la plus intelligente d’aborder une maladie,…
Une anecdote cocasse: dénonçant le fait que l’augmentation du nombre de médecins ORL avait comme conséquence une augmentation des ablations des amygdales sans nécessité médicale bien établie, il se vit intenter un procès pour… concurrence déloyale! Ca ne s’invente pas.
Sa maîtresse phrase: il faut en matière de culture médicale briser la pensée unique, et ramener les attentes des prestataires comme des bénéficiaires à la réalité des choses!
Après une matinée aussi stimulante, l’après-midi fut un cran en dessous, les organisateurs ayant choisi de nous épargner les sacro-saints ‘ateliers’ (pour cela on les remercie), pour proposer une table ronde au cours de laquelle une demi-douzaine d’intervenants variés eurent l’occasion de partager avec la salle leur expérience et vision de l’information du patient. C’était à la fois trop long et pas assez élaboré.
Entrecoupé de moments d’échanges conviviaux et complété par une exposition d’une vingtaine de stands en relation directe avec le thème du jour, le colloque ‘Information des patients’ nous a néanmoins confirmé si besoin était encore le talent des Liégeois à joindre l’utile à l’agréable.
Christian De Bock