L’an dernier, deux décrets importants ont été votés par les parlementaires francophones, le premier relatif au sport et au dopage(1), le second concernant la promotion de la santé à l’école (2). Les instruments permettant l’application des textes législatifs se mettent progressivement en place. Nous reproduisons ci-dessous de larges extraits de l’intervention de la Ministre de la Santé à l’occasion de l’installation de la Commission francophone de la promotion de la santé dans la pratique du sport (les titres sont de la rédaction).
C’est en 2001 que le Parlement de la Communauté française a voté à l’unanimité le décret relatif à la promotion de la santé dans la pratique du sport, à l’interdiction du dopage et à sa prévention en Communauté française. Ce texte permet enfin à la Communauté française d’assumer une compétence dont elle dispose depuis 1971.
Si c’est la lutte contre le dopage qui retient l’attention, le titre même du décret indique que mes objectifs étaient plus larges: intégration de la logique de promotion de la santé dans le domaine du sport ainsi que suivi et conseil médical aux sportifs.
Si le décret représente le cadre normatif que se donne la Communauté française et indique ses objectifs et axes d’action, ce sont les arrêtés d’exécution du Gouvernement qui doivent permettre de le mettre réellement en œuvre.
Ces arrêtés d’exécution doivent être soumis à une commission consultative, intitulée «Commission francophone de promotion de la santé dans la pratique du sport» dont la composition permet d’aborder les différentes facettes de ce décret.
Du bon usage du sport
Depuis toujours, sport et santé nourrissent des relations ambiguës. Développer une activité sportive a un impact positif sur la santé. Et a aussi un impact positif sur la sociabilisation et sur l’image qu’on a de soi. Le sport a donc aussi une mission sociale, éducative et culturelle.
Le sport est donc promoteur de la santé s’il est associé à une hygiène et à une qualité de vie et s’il respecte les limites ou faiblesses physiques de chaque individu. Et c’est là que souvent les choses se gâtent.
Le sport, intrinsèquement, mais aussi son environnement, intègrent la notion de la performance, du dépassement de soi, de la compétition. Le risque est alors de surexploiter la santé, jusqu’à lui nuire.
La marchandisation du sport, sa mise en spectacle, la surenchère des performances, les salaires démesurés et les enjeux financiers qui accompagnent aujourd’hui le sport de haut niveau mènent à la tentation du dopage et au dopage.
Le dopage s’est développé et banalisé dans la pratique du sport, et pas seulement dans le sport d’élite et professionnel. Les sportifs amateurs et, plus dangereux encore, les sportifs de plus en plus jeunes, sont touchés par le phénomène du dopage.
D’autre part, tous les sportifs ne sont pas dopés, professionnels ou amateurs. Beaucoup pratiquent leur activité sportive pour se maintenir en forme, dépasser raisonnablement leurs limites, avoir une activité sociale riche.
C’est à ceux-là aussi que le décret s’adresse, pour les aider, avec la collaboration du secteur médical et des fédérations sportives, à ne pas prendre de risque pour leur santé et à développer leur qualité de vie.
Les ambitions du décret
Le premier objectif est celui de l’intégration de la philosophie de la promotion de la santé dans le sport. Il s’agit de développer une démarche éducative, préventive et informative vis-à-vis des sportifs, à quelque niveau que ce soit.
On pourra ainsi organiser des campagnes à l’égard de publics-cibles, par exemple les plus jeunes dans les écoles ou clubs sportifs, en respectant l’approche de la promotion de la santé:
– participation des individus et/ou du groupe, partant de leurs propres compétences et les enrichissant par l’information;
– responsabilisation des individus et/ou du groupe, afin que chacun soit apte à poser des choix ayant un impact sur sa santé;
– prise en compte de l’environnement global des personnes: les déterminants de la santé ne sont pas que physiques, l’environnement social, culturel, affectif de chacun a un impact sur sa qualité de vie. On est donc au-delà du seul secteur médical, et la logique de ce type de campagne est celle de la proximité.
Les interventions préventives pourront se développer dans le milieu sportif mais aussi dans les lieux de sport non encadrés, collectifs ou individuels ou dans les écoles. Il pourra aussi s’agir de campagnes grand public.
Le deuxième objectif est la lutte contre le dopage, en définissant ici trois axes d’intervention:
– la prévention: viser la réduction des risques et l’éducation à la responsabilisation des consommateurs. Des campagnes d’information et de prévention attireront l’attention des publics-cibles sur les caractéristiques des produits et leurs dangers;
– la sanction des sportifs: elle sera d’ordre disciplinaire. Ces sanctions seront prévues dans les règlements des fédérations sportives. Nous n’avons pas voulu sanctionner pénalement les consommateurs mais bien les organisateurs de la consommation;
– les sanctions pénales, relevant des Cours et Tribunaux, pour ceux qui favorisent, organisent et facilitent la consommation de produits dopants.
Les pouvoirs publics pourront donc organiser des contrôles, en plus des contrôles déjà organisés par les fédérations et de la possibilité qui existe toujours pour la Justice d’ouvrir un dossier sur base d’une plainte.
Ces contrôles de la Communauté française pourront avoir lieu lors de manifestations ou d’entraînements. Ils consisteront en prélèvements de sang, salive, urine, cheveux, échantillons des ravitaillements et fouilles des lieux et personnes qui encadrent le sportif. Prélèvements et échantillons seront analysés dans un laboratoire agréé.
Ici aussi, on ne contrôlera pas que les milieux sportifs fédérés. On pourra aussi intervenir dans le milieu sportif non encadré (cyclo-tourisme, salle de musculation, etc.).
La définition du dopage que nous avons retenue est large et permet d’anticiper l’arrivée sur le marché de nouvelles substances ou de nouveaux procédés susceptibles d’améliorer les performances.
Le troisième champ d’intervention est celui du suivi médical. Il s’agit à nouveau de prévenir les risques et de donner aux sportifs des recommandations adaptées de comportement et de mode de vie favorisant la pratique du sport dans le respect de la santé.
Les médecins généralistes et les médecins sportifs seront les relais privilégiés de cette démarche visant à protéger l’athlète des performances parfois abusives, mais en l’associant à la prise en compte de sa santé.
Pour chaque discipline sportive, sur base de recommandations scientifiques internationales, une liste d’indications et de contre-indications sera fixée pour permettre l’évaluation de l’aptitude de la pratique du sport. Cette liste servira de référence pour les médecins lors du suivi des sportifs et de leur examen d’aptitude. Elle sera régulièrement actualisée.
Un carnet de santé du sportif sera créé pour supporter ce suivi médical et personnaliser les recommandations de prévention. Cet outil permettra également un dialogue entre patient et médecin et responsabilisera le sportif face à sa pratique.
Je dois encore ajouter que la Communauté française a inscrit son dispositif législatif dans le cadre des dispositions européennes sur la lutte contre le dopage. Un accord de coopération réunissant Flamands, Bruxellois, Germanophones et Francophones a permis l’harmonisation des différentes législations et des pratiques de contrôle.
Un peu plus de 420.000 € sont prévus au budget, nous permettant de réaliser un millier d’analyses par an. Une partie de ce budget sera consacrée aux campagnes de prévention et d’information.
Voilà le cadre global dans lequel la Commission francophone de la promotion de la santé dans la pratique du sport va travailler.
Il faut désormais que la Communauté française entre dans une phase active: lancement de campagnes spécifiques et ciblées, contrôles visibles sur le terrain.
La Commission aura beaucoup de travail dans les prochains mois, pour pouvoir mettre en œuvre le décret dès le mois de juillet de cette année.
Nicole Maréchal , Ministre de la Santé de la Communauté française Wallonie-Bruxelles
Un bref commentaire
C’est le Prince Alexandre de Mérode , une ‘pointure’ en la matière, qui assurera la présidence de la Commission. Il sera assisté à la vice-présidence par Michel Demarteau , à la fois spécialiste en éducation physique et en méthodologie en promotion de la santé. Souhaitons à ce tandem et à son équipe d’effectifs et de suppléants plein succès dans leur entreprise!
(1) Voir Education Santé n° 159.
(2) Voir Education Santé n° 165 pour la philosophie du décret, et ce numéro pour le texte officiel.