À l’occasion de la Journée mondiale de la contraception du 26 septembre dernier, la Fédération laïque des centres de planning familial (FLCPF) a organisé à Bruxelles un colloque d’une demi-journée sur la thématique. Professeurs d’université, médecins, gynécologues, journalistes et surtout, praticiens en centres de planning étaient de la partie. Éducation Santé en était également et vous en propose deux moments intéressants.
L’étude européenne «CHOICE» ou l’impact du counselling dans le choix d’une méthode contraceptive
En Belgique, environ 70% des femmes utilisant un moyen contraceptif ont choisi la pilule classique, 20% le stérilet et 10%, d’autres moyens tels que le patch, l’implant ou l’anneau vaginal. Mais parmi elles, lesquelles ont réellement choisi leur moyen de contraception ? Ont-elles reçu toutes les informations utiles pour faire leur choix ? Et parmi celles qui les ont reçues, combien ont choisi le moyen qui convient le mieux à leur situation personnelle ?
«En Belgique, une femme sur six connaissant une grossesse non désirée avorte. Or, 50% d’entre elles n’utilisaient pas de contraceptif (ou un contraceptif peu fiable) et 15% utilisaient des préservatifs», a souligné lors du colloque le Dr Merckx, gynécologue participant à l’étude et co-présidente de la VVOG (Vlaamse Vereniging voor Obstetrie en Gynaecologie). Face à ce constat, l’étude CHOICE (1) (The Contraceptive Health Research Of Informed Choice Experience), menée dans 11 pays européens dont la Belgique, avait pour objectif principal de mesurer l’impact d’un modèle structuré de conseils appliqué par les gynécologues durant leur entretien avec les femmes, au sujet des méthodes contraceptives hormonales combinées (pilule combinée, anneau vaginal et patch transdermique).
Concrètement, les gynécologues ont reçu un schéma à suivre durant les entretiens avec leurs patientes. Ce guide de counselling contenait les informations utiles sur ces 3 méthodes de contraception. Il décrivait leur efficacité, leur mode d’action, leurs risques, leur fréquence d’administration et les aspects pratiques de leur utilisation. Avec ce support, les 121 gynécologues participant ont évoqué avec leurs patientes leur style de vie et cherché, avec elles, le dispositif correspondant à leurs habitudes de vie. Les quelque 1800 femmes du panel ont été interrogées quant à la méthode contraceptive à laquelle elles envisageaient d’avoir recours avant l’entretien. À la fin de celui-ci, on leur a demandé quelle méthode elles avaient finalement choisie et dans quelle mesure celle-ci différait de leur choix initial.
Les résultats sont surprenants : 39% d’entre elles ont modifié leurs intentions de base ! De 66,7% envisageant la pilule avant l’entretien, elles n’étaient plus que 52,6% après celui-ci. En ce qui concerne le patch transdermique, le pourcentage est passé de 2,6 à 5,3%; et pour l’anneau vaginal, la proportion est passée de 9,1 à 27% (2). Le principal transfert s’est fait d’une méthode quotidienne à une méthode hebdomadaire (le patch) ou mensuelle (l’anneau), ce qui tombe plutôt bien puisque l’oubli de la pilule contraceptive explique le pourcentage élevé d’échecs de contraception, entraînant de fréquentes grossesses non désirées.
Quant aux indécises avant l’entretien (11,1%), elles étaient moins nombreuses après avoir discuté avec leur gynécologue (6,3%). Enfin, celles qui n’avaient pas de préférence spécifique ont finalement suivi l’avis de leur gynécologue dans 80% des cas !
Côté professionnels, le counselling aurait également du bon, témoigne le Dr Merckx, «(…) la participation à cette étude fut pour moi une expérience particulière (…). Au fil des années, on a le sentiment de connaître le sujet et on se permet de passer certains éléments en revue plus rapidement. Ici, nous devions évoquer de la même manière structurée tous les moyens contraceptifs. Cela permet de travailler en tenant davantage compte de la patiente.»
Évidemment, prodiguer ce genre de conseils leur prend bien plus de temps. «Je n’ai jamais eu autant de retard dans mon cabinet qu’au moment de cette étude», témoigne-t-elle encore. Mais cela permet aussi, dit-elle, d’atteindre un plus grand niveau de satisfaction, et une meilleure compliance des femmes.
Reste donc aux professionnels à adapter le nombre et la durée de leurs consultations pour pouvoir conseiller utilement leur patientes et leur permettre de faire un choix contraceptif éclairé. Qui sait…
Les enjeux économiques de la contraception
Henri Houben, chercheur (3) au GRESEA (Groupe de recherche pour une stratégie économique alternative) est venu nous parler du marché du contraceptif, car oui, c’est un business, et un business qui se porte plutôt bien, alors que la crise touche la plupart des autres secteurs de l’industrie. Comme pour les poudres à lessiver, malgré une apparente concurrence, le marché belge de la contraception, qui compte plus de 100 marques, ne concerne que quatre firmes pharmaceutiques (4), qui détiennent le plus souvent un monopole sur un segment particulier. À titre d’exemple, Bayer détient la moitié du marché belge !
Ces grandes sociétés se sont développées massivement dans les années ’70 et leur chiffre d’affaires n’a fait qu’augmenter ces vingt dernières années (plus précisément, il a triplé). Le prix des médicaments/produits qu’elles commercialisent augmente sans cesse du fait de leur position de monopole. Ces profits engrangés sur le dos des patients ou de la sécurité sociale couvrent les frais de recherche mais bien au-delà, comme chacun sait. Ces bénéfices approvisionnent en réalité surtout les actionnaires en dividendes.
Le but de ces firmes, explique donc l’économiste, n’est pas de ‘sauver l’humanité’, mais bien d’engranger un maximum de profits. Et elles y parviennent très bien grâce à l’un ou l’autre produit phare protégé pendant 20 ans par un brevet et pour lequel elles tenteront de prolonger cette période par la modification (parfois subtile !) de la composition du médicament. D’autres vont jusqu’à produire eux-mêmes le générique de leur propre médicament ou attaquent systématiquement en justice les sociétés qui auraient l’audace de vouloir produire la même molécule. Même si ces grandes firmes sont parfaitement conscientes de l’issue défavorable du procès, elles choisissent de dissuader par la peur leurs potentiels concurrents.
Ces constats, même s’ils ne nous révèlent pas un phénomène déjà largement connu, soulignent une fois de plus le fait singulier que la santé est un marché d’un genre particulier, n’obéissant pas aux règles habituelles. Le ‘malade’ ne choisit pas de l’être, il est en quelque sorte un client obligé. Même pas besoin de le convaincre : le corps médical s’en charge le plus souvent ! Le chercheur conclut un peu désabusé que, pour ces raisons, la santé devrait rester du domaine public…
La Fédération laïque de centres de planning familial (FLCPF)
Née en 1972 du regroupement des premiers centres de planning familial en Belgique, la Fédération Laïque de Centres de Planning Familial est la première fédération de centres de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Elle rassemble aujourd’hui une quarantaine de centres à Bruxelles et en Wallonie. La moitié de ces centres pratiquent l’avortement.
En Belgique, le mouvement du Planning familial a contribué à l’émergence de changements sociaux et politiques notables: libre accès à la contraception, dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse, développement de l’éducation sexuelle et affective.
L’action de la FLCPF a pour objectif global de protéger ces acquis, d’étendre leur champ d’application et de promouvoir la qualité et la spécificité du travail en centre de planning familial. Elle se donne comme ligne conductrice la reconnaissance des droits sexuels et reproductifs comme des droits humains fondamentaux.
La FLCPF défend ses valeurs et se bat pour ses objectifs dans des actions politiques et publiques. Elle prend régulièrement position dans des conférences et des débats et propose des formations professionnelles en promotion de la santé sexuelle (voir http://www.planningfamilial.net/index.php/formations/presentation) et met à la disposition du public un centre de documentation spécialisé qui publie brochures et dossiers d’information (le CEDIF – voir plus bas).
La FLCPF coordonne également le projet Sex&Co de promotion de la santé sexuelle et affective en milieu festif ( http://www.sexandco.info/Sex-Co, ou sur Facebook) et dispose d’un centre de ressources sur le handicap et la sexualité.
La FLCPF est agréée comme organisme général d’éducation permanente par la Fédération Wallonie-Bruxelles et est agréée comme organisme représentatif de ses membres par la Commission communautaire française de la Région de Bruxelles-Capitale. La FLCPF bénéficie également de subsides en promotion de la santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles et est soutenue par Actiris.
Fédération Laïque de Centres de Planning Familial, rue de la Tulipe 34, 1050 Bruxelles. Tél.: 02 502 82 03, fax: 02 503 30 93,courriel: flcpf@planningfamilial.net.
Le CEDIF – Centre de documentation et d’information sur la vie affective et sexuelle
Le CEDIF est le seul centre de documentation de la Fédération Wallonie-Bruxelles spécialisé dans les questions liées au planning familial et, plus largement, à la vie affective et sexuelle. Il fut créé en 1980 afin d’assurer aux centres de planning familial et au grand public un service d’accès à la documentation et à l’information de qualité.
Le CEDIF c’est:
une bibliothèque de plus de 600 ouvrages;
plus de 20 revues spécialisées dépouillées;
près de 30 dossiers de presse thématiques;
de nombreux travaux, mémoires, rapports et enquêtes;
une vidéothèque et des outils pédagogiques.
Une base de données informatisée reprend plusieurs centaines de références d’articles, livres et documents et permet une exploitation maximale du fonds documentaire.
Dans le cadre de sa mission d’éducation permanente, le CEDIF assure également la réalisation et la diffusion de publications et d’une revue de presse mensuelle. Ces réalisations ont pour objectif de proposer aux citoyens une information pertinente et fiable leur permettant d’exercer leur libre choix responsable en matière de droits sexuels et reproductifs.
Le CEDIF collabore à différents réseaux documentaires ce qui permet de partager pleinement l’information et d’échanger la documentation pour une meilleure prise en charge des demandes du public.
Pour découvrir et commander en ligne les brochures d’informations de la FLCPF: http://www.planningfamilial.net/index.php/documentation/publications/brochures-d-information
Pour les dossiers thématiques de la FLCPF: http://www.planningfamilial.net/index.php/documentation/publications/dossiers-thematiques
Pour les outils pédagogiques:
http://www.planningfamilial.net/index.php/documentation/publications/outils-pedagogiques
Pour tout autre information, le centre de documentation est accessible à tous gratuitement, du lundi au vendredi de 9h à 12h, le mercredi de 14h à 17h.
CEDIF, rue de la Tulipe 34, 1050 Bruxelles. Tél.: 02 502 68 00, fax: 02 503 30 93, courriel: cedif@planningfamilial.net.
(1) Lire à ce propos Merckx M., Donders Gilbert G., Grandjean P., Van De Sande T., Weyers S., Does structured counselling influence combined hormonal contraceptive choice?, The European Journal of Contraception and Reproductive Health Care, December 2011 (16), pp.418–429.
(2) Il est toutefois curieux que l’anneau, grand ‘gagnant’ de l’étude, soit justement le moyen de contraception commercialisé par la firme sponsor de l’étude…
(3) Dans le secteur de l’automobile! Mais, a-t-il confié à l’auditoire, ce qui est applicable au secteur automobile l’est également à l’industrie pharmaceutique. À la bonne heure…
(4) Johnson & Johnson, Merck, Pfizer et Bayer (et 2 ou 3 producteurs de génériques, tout de même). À plus grande échelle, ce sont 12 firmes seulement qui contrôlent le marché mondial du médicament. Leur taux de rentabilité est nettement supérieur à la moyenne industrielle.