Bien que, selon l’OMS, la Belgique soit en phase d’élimination de la tuberculose, on constate, depuis les années 1990, un ralentissement dans la régression de la maladie. La tuberculose reste donc une maladie infectieuse importante dans notre pays. Elle a été identifiée comme une problématique prioritaire du Programme quinquennal de promotion de la santé 2004-2008.
En Communauté française, le Fonds des affections respiratoires (FARES) élabore chaque année un registre de la tuberculose qui rassemble les données recueillies sur la forme active de la maladie. Ce registre, ainsi que d’autres documents rédigés par le FARES, constituent les sources principales des informations contenues dans le cahier consacré à la lutte contre la tuberculose du Tableau de bord de la santé en Communauté française .
État de santé de la population
Nombre de cas et incidence
En 2006, 374 patients tuberculeux ont été déclarés en Région bruxelloise et 306 en Région wallonne. L’incidence de la tuberculose à Bruxelles est 4 fois plus élevée qu’en Wallonie et près de 5 fois plus élevée qu’en Flandre.
Toujours en 2006, aussi bien en Wallonie qu’à Bruxelles, la majorité des patients étaient âgés de 25 ans et plus, avec toutefois une population plus âgée en Wallonie. Dans les deux régions, près de deux tiers des patients tuberculeux étaient de sexe masculin.
En ce qui concerne la nationalité, Bruxelles compte 76,7 % de patients tuberculeux d’origine étrangère ; la Wallonie en compte 32 %. « Cette différence s’explique par le fait que les capitales rassemblent davantage de populations étrangères , défavorisées et précarisées , remarque Nathalie Moreau , chercheuse pour le Service SIPES à l’École de santé publique de l’ULB. Mais au niveau de toutes les régions confondues , les étrangers ne sont pas plus concernés par la maladie que les Belges .»
La mortalité
La mortalité liée à la tuberculose reste très faible. Elle évolue différemment, d’une part, en Région bruxelloise et en Région wallonne, et d’autre part, en fonction du sexe. En Wallonie, la mortalité chez les hommes était plutôt stable entre 1987 et 1992. Elle a connu une recrudescence entre 1992 et 1994 pour revenir, après 1994, à son niveau de 1987. À Bruxelles, la mortalité a globalement diminué chez les hommes avec toutefois des pics réguliers de mortalité. Chez les femmes, la mortalité est restée stable avec des pics de mortalité en 1988, en 1990 et en 1994.
Selon les dernières statistiques de décès datant de 1997 (1), 15 personnes sont décédées de la tuberculose dans la Région bruxelloise et 44 dans la Région wallonne. Dans les deux régions, la mortalité par tuberculose est plus élevée chez les personnes de plus de 64 ans et chez les hommes. Par contre, le taux de mortalité diffère peu entre Belges et non Belges.
Le dépistage
Les activités liées au diagnostic précoce tiennent une place prépondérante dans la stratégie visant à contrôler et à éliminer la maladie. En général, ces activités sont prises en charge par le secteur curatif.
Il existe deux types de dépistage pour la tuberculose: le dépistage passif est réalisé lors d’une visite spontanée d’un individu présentant une plainte auprès du médecin. Le dépistage actif relève, quant à lui, d’une procédure organisée auprès de tous les individus appartenant aux groupes identifiés comme étant à risque.
En 2005, le résultat des examens microscopiques était disponible pour 1 106 personnes parmi les 1 144 malades. Seulement un peu plus du tiers des personnes atteintes de tuberculose étaient porteuses d’une forme contagieuse. Ce taux était plus élevé en Wallonie où près d’un malade sur deux était atteint d’une forme contagieuse. Ceci peut s’expliquer, en partie, par l’âge médian plus élevé chez les malades résidant en Wallonie que dans les autres régions, et par le fait que les formes pulmonaires de la tuberculose sont plus fréquentes chez les malades plus âgés.
En ce qui concerne la localisation pulmonaire, celle-ci est plus fréquemment rencontrée chez des sujets tuberculeux belges, adultes, de sexe masculin. Les sujets étrangers, les femmes et les enfants présentent plus fréquemment une forme ganglionnaire non contagieuse.
En Wallonie comme à Bruxelles, plus de 85 % des patients tuberculeux déclarés en 2006 ont été diagnostiqués à l’occasion d’une consultation spontanée. Près de 10 % ont été détectés lors d’un dépistage actif organisé dans des groupes à risque et moins de 6 % lors de dépistage des contacts autour d’un patient contagieux.
Groupes à haut risque
Les maladies qui présentent de faibles taux d’incidence dans la population générale, comme c’est le cas pour la tuberculose en Belgique, ont tendance à se concentrer dans certains groupes dits à risque. Il est donc nécessaire de mettre en place, parallèlement au dépistage passif, des procédures de dépistage actif et ciblé.
En Communauté française, on considère que les groupes de population qui présentent un taux de détection et de prévalence de la maladie d’au moins 50/100 000 sont à haut risque de tuberculose et qu’un dépistage doit être organisé. Toutefois, l’intérêt du dépistage est conditionné à l’opportunité réelle pour les personnes dépistées d’avoir accès à un diagnostic et à un traitement, quelle que soit leur situation en terme de couverture sociale.
Le dépistage est actuellement organisé parmi les groupes à risque suivants: les demandeurs d’asile, les détenus, les primo-arrivants de pays à haute prévalence de tuberculose, les personnes socio-économiquement défavorisées, les personnes toxicomanes par voie intraveineuse, l’entourage de patients contagieux, les personnes soumises à un risque élevé de contamination par le bacille tuberculeux (les professionnels en contact avec des malades, avec des groupes à haut risque…). « Parmi les demandeurs d’asile , le taux de couverture du dépistage actif à l’Office des Étrangers s’élevait à 98 % en 2006 , souligne Nathalie Moreau. Par contre , ce taux n’atteignait , en 2005 , que 65 % au sein des prisons .» Si le dépistage actif de la tuberculose dans les prisons représente un des éléments importants de la stratégie de contrôle et d’élimination de la tuberculose en Belgique, le FARES souligne que l’optimisation du contrôle de la maladie à ce niveau nécessitera la mise à disposition de moyens suffisants en personnel et en matériel. Le problème de la surpopulation carcérale devra également être abordé.
Le traitement
En 2006, le Registre de la tuberculose du FARES a enregistré 18 cas de tuberculoses multirésistantes en début de traitement (2,2 %). Ce taux est plus élevé qu’en 2005 (1,4 %).
La cohorte de 2005 est constituée de 673 patients dont la tuberculose pulmonaire a été confirmée par une culture.
Les issues du traitement les plus fréquemment rencontrées peuvent être regroupées en trois grandes catégories:
Guérison : après les 12 mois de suivi, seulement 125 patients en Région bruxelloise (72 %) et 144 en Wallonie (77%) ont été considérés comme guéris en 2006.
Décès : à Bruxelles, la mortalité parmi les personnes traitées est de 8%. Ce taux est inférieur à la moyenne nationale (12 %) et au taux observé en Flandre. En Wallonie, la mortalité est particulièrement élevée (16 %). Ces chiffres de mortalité doivent toutefois être relativisés; en effet, la majorité des patients sont décédés d’une autre cause, soit avant le début du traitement, soit avant la fin du traitement. Parmi la cohorte 2005, le taux de décès dus à la tuberculose avant la fin du traitement était de 2,9 % à Bruxelles, 2,2 % en Wallonie et 3,6 % en Flandre.
Abandon : le taux d’abandon du traitement est de 21 % à Bruxelles et 7 % en Wallonie. Les abandons concernent essentiellement des patients qui ont été perdus de vue avant la fin du traitement. Les malades ayant dû quitter la Belgique avant la fin de leur traitement représentent également une part non négligeable de ces abandons, particulièrement à Bruxelles.
Mise en perspective avec le Plan communautaire opérationnel
Au travers de ses activités, le FARES touche des publics précarisés ayant un accès limité aux soins. L’aspect social est fortement pris en compte sur le terrain, notamment dans la supervision du traitement.
Pour le programme d’élimination de la tuberculose, les objectifs du PCO portent sur les interventions réalisées auprès des groupes cibles (les malades, les groupes à haut risque, l’entourage des malades contagieux), ainsi que sur des interventions plus transversales visant à améliorer la qualité du programme.
Objectifs transversaux pour améliorer la qualité du programme
L’information pourrait être améliorée de manière générale et particulièrement dans les groupes à haut risque.
Par ailleurs, « les professionnels en contact avec les groupes ciblés devraient être plus sensibilisés au rôle qu’ils peuvent jouer au niveau de l’identification des personnes présentant des symptômes de la maladie et de leur orientation rapide vers le système curatif », observe Nathalie Moreau. « La collecte des données et l’amélioration de leur fiabilité devraient également faire l’objet d’un effort accru , particulièrement dans le milieu carcéral », note-t-elle encore.
Perspectives et recommandations
Les résultats en terme d’incidence de la maladie en Belgique pour 2006 (10,7/100 000) permettent d’espérer que le seuil des 10 cas pour 100 000 habitants sera atteint très prochainement. « Si l’incidence de la maladie est faible grâce aux efforts fournis , il ne faut cependant pas baisser la garde », constate Nathalie Moreau. La concentration de la tuberculose dans certains groupes de la population demande, en effet, de poursuivre et de renforcer les efforts entrepris.
L’hétérogénéité de la maladie, que ce soit au niveau géographique (concentration dans les grandes villes, incidence plus élevée à Bruxelles…), au niveau de l’âge (population plus âgée parmi les malades belges, plus jeune parmi les malades non belges), du sexe (les hommes sont plus à risque), ou de la nationalité (risque plus élevé parmi les personnes non belges de développer une tuberculose) confirme la nécessité de développer et de poursuivre des stratégies ciblées, tant au niveau du dépistage que sur le plan de la prise en charge des malades.
Les stratégies actuellement mises en place pour les demandeurs d’asile, les illégaux, les enfants originaires de pays à haute prévalence, les personnes précarisées, les détenus et les sujets-contacts de malades tuberculeux doivent être renforcées en collaboration avec tous les acteurs impliqués.
Des efforts important doivent également être développés pour améliorer le suivi des patients. Les auteurs de ce chapitre s’interrogent sur les raisons qui peuvent parfois conduire certains patients à abandonner leur traitement. À cet égard, les mêmes auteurs remarquent qu’il existe très peu de données sur les difficultés que peuvent rencontrer les malades à intégrer la maladie et son traitement dans leur vie professionnelle, sociale et affective.
Colette Barbier
Moreau N., De Smet P. Bazelmans Ch., Tableau de bord de la santé en Communauté française de Belgique, Service communautaire en promotion santé SIPES (ESP-ULB), Bruxelles, 2007 .
Il peut être téléchargé en PDF aux adresses suivantes: http://www.sante.cfwb.be (rubrique Publications et périodiques, Promotion de la santé – prévention, Tableau de bord de la santé en Communauté française de Belgique – 2007) et http://www.ulb.ac.be/esp/sipes (onglet Publications).
(1) En principe, des données plus récentes sont maintenant disponibles, mais nous ne sommes pas arrivés à les obtenir malgré plusieurs tentatives…