Mars 2016 Stratégies

La nouvelle loi de santé française: la prévention au cœur du système?

D’après le dossier de presse du 17 décembre 2015À l’issue d’un travail parlementaire de plus d’un an et de nombreux échanges avec les professionnels de santé, le projet de loi de modernisation du système de santé français de la Ministre Marisol Touraine a été définitivement adopté par l’Assemblée nationale le 17 décembre 2015.Il se décline en trois axes fondamentaux: innover pour mieux prévenir, innover pour mieux soigner en proximité, innover pour renforcer les droits et la sécurité des patients.

Axe1 – Innover pour mieux prévenir

Le projet de loi fait de la prévention le coeur du système: il organise le déploiement d’un parcours éducatif en santé de la maternelle au lycée, crée de nouveaux outils pour lutter contre le tabagisme, améliore l’information nutritionnelle, combat l’alcoolisation excessive des jeunes, encourage le dépistage des infections sexuellement transmissibles et renforce la réduction des risques, dont les usages de drogues. Les mesures qui nous intéressent plus particulièrement sont détaillées ci-dessous.

Déployer un parcours éducatif en santé, de la maternelle au lycée

Le projet de loi a pour objectif prioritaire de réduire les inégalités de santé. Tous les indicateurs de santé publique démontrent que nous n’avons pas tous les mêmes chances d’être en bonne santé. Certains facteurs, comme notre niveau de revenu, notre degré d’éducation et le lieu où nous habitons influent directement sur notre santé.Les inégalités sociales et territoriales de santé persistent et sont, pour certains, de plus en plus marquées. Il faut agir sur les causes de ces inégalités, dès leur origine, en donnant à chacun, le plus tôt possible, tous les outils pour prendre soin de soi et de sa santé.La garantie d’une bonne santé à long terme passe par l’adoption, dès le plus jeune âge, de certains réflexes essentiels, en matière d’alimentation, d’hygiène, d’activité physique, etc. L’école est le lieu idéal pour faire connaître ces gestes du quotidien et sensibiliser les enfants aux grands enjeux de santé.

Désigner un médecin traitant pour les enfants (jusqu’à 16 ans)

Aujourd’hui, le suivi de la santé des enfants repose sur les médecins de famille et les pédiatres, mais trop d’enfants, souvent dans les milieux les plus modestes, ne bénéficient d’aucune coordination de leurs soins. Ainsi les enfants ne sont actuellement pas incités à être suivis régulièrement par un médecin traitant et leur parcours de soins n’est organisé qu’autour des examens obligatoires du nourrisson, du calendrier des vaccinations et des examens de médecine scolaire aux âges clés. Ce constat explique aussi la difficulté à cibler les enfants pour mettre en oeuvre les mesures de prévention et les priorités de santé publique qui peuvent les concerner (prévention de l’obésité, amélioration du suivi vaccinal, prévention du tabagisme, lutte contre l’alcool ou la consommation de drogues, etc.) en l’absence de médecin désigné pour coordonner leur parcours de soins.

Renforcer l’information nutritionnelle sur les emballages alimentaires

Aujourd’hui, en classe de CM2, les enfants d’ouvriers sont dix fois plus victimes d’obésité que les enfants de cadres. C’est surtout parmi eux que se recruteront les futures victimes de la ‘diabésité’, cette épidémie silencieuse qui progresse massivement et qui conduit un nombre important de personnes à développer un diabète avec des risques graves pour leur santé.Si les causes de l’obésité sont multiples, la mauvaise connaissance de la composition des aliments en est une. C’est donc pour réduire les inégalités sociales en matière d’accès à une alimentation équilibrée que le Gouvernement a souhaité agir. Et pour que cette action soit efficace, il est nécessaire que l’information nutritionnelle puisse aider chacun dans ses choix pour sa santé en devenant pour tous un élément du choix alimentaire au même titre que le prix, la marque, la présentation ou le goût.Le projet de loi pose le principe d’une information nutritionnelle synthétique, simple et accessible par tous. La mise en place de cette mesure sera assurée par les industriels et les distributeurs du secteur agroalimentaire et sur la base du volontariat. Elle contribuera ainsi à mieux informer le consommateur. Cet affichage visuel, dont les modalités pratiques seront élaborées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) permettra une différenciation, sur le plan nutritionnel, des produits au sein d’une même catégorie. Une grande concertation associant les industriels du secteur, les associations de consommateurs et les experts scientifiques a été lancée dès le mois de mars 2015.

Réduire les phénomènes d’alcoolisation massive chez les jeunes

L’alcoolisation des jeunes est devenue un fait de société. Le jeudi, le vendredi ou le samedi, selon les habitudes, sont devenus des soirs où l’objectif de certains jeunes est d’être saouls le plus rapidement possible. Ces pratiques dont la dangerosité est incontestée (risque de comas éthyliques mais également de comportements dangereux pour soi ou contre les autres) ont été notamment promues par les séances de bizutage qui ont progressivement banalisé l’ivresse dans certaines grandes écoles ou universités.Le projet de loi propose que les sanctions prévues contre le bizutage soient étendues à toute personne qui incite autrui à «consommer de l’alcool de manière excessive». Il prévoit également de combattre l’image festive et conviviale de l’ivresse diffusée par de nombreux jeux ou objets qui font la promotion de la consommation excessive d’alcool. Concrètement, la vente ou l’offre gratuite à des mineurs de tout objet (coques de Smartphone, tee-shirts, etc.) vantant l’ivresse sera interdite.

Lutter activement contre le tabagisme

Un fumeur sur deux meurt du tabac. Le tabagisme est responsable de la mort de 73.000 personnes chaque année en France, soit 200 personnes par jour. La cigarette tue 20 fois plus que les accidents de la route. Face à ce constat accablant, et alors que le nombre de fumeurs augmente à nouveau, le Gouvernement a décidé d’agir en prenant une série de mesures articulées autour de trois axes au sein du Programme national de réduction du tabagisme (PNRT), afin de protéger les jeunes et d’éviter leur entrée dans le tabagisme (paquets neutres de cigarettes, interdiction de fumer en voiture en présence d’enfants, interdiction de fumer dans les espaces publics de jeux et encadrement de la publicité pour les cigarettes électroniques), d’aider les fumeurs à arrêter de fumer (campagne d’information choc, implication des médecins traitants et meilleur remboursement du sevrage tabagique) et d’agir sur l’économie du tabac (fonds dédié aux actions de lutte contre le tabagisme, transparence sur les activités de lobbying, lutte contre le commerce illicite).

Améliorer le dépistage des infections sexuellement transmissibles (IST)

Engager une véritable politique de prévention, c’est aussi agir en faveur de ceux qui sont le plus éloignés du système de santé. Le projet de loi se fixe pour objectif de favoriser les stratégies et les outils innovants afin d’atteindre ces publics, notamment en matière de dépistage.Le projet de loi prévoit de développer la pratique des tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) et des autotests de dépistage des maladies sexuellement transmissibles, dont le VIH, notamment en autorisant leur dispensation gratuite par les associations de patients et les structures de prévention. Il poursuit en outre les actions engagées auprès des populations les plus exposées au risque de développer des maladies sexuellement transmissibles.Le traitement prophylactique en pré-exposition du VIH est ainsi rendu disponible aux personnes les plus exposées dans les nouveaux Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (CegiDD).

Encourager la réduction des risques chez les usagers de drogues

Agir en faveur de ceux qui sont le plus éloignés du système de santé, c’est aussi poursuivre la politique de réduction des risques chez les usagers de drogues et orienter ces derniers vers des modes de consommation à moindre risque pour s’engager dans un processus de substitution ou de sevrage.Ainsi l’expérimentation, pendant 6 ans, d’un nouveau dispositif de réduction des risques auxquels s’exposent les toxicomanes, les ‘salles de consommation à moindre risque’ sera permise. Il s’agit d’espaces supervisés par des professionnels assurant aux usagers de drogues injectables des conditions d’hygiène (pour éviter les risques infectieux) et leur permettant de recevoir conseils et aides spécifiques. Les expériences étrangères ont montré que ce dispositif permettait de diminuer les comportements à risque et les overdoses mortelles.

Autres mesures

Faciliter l’accès à la contraception d’urgence dans les établissements scolaires du second degré auprès des infirmiers des établissements scolaires;Permettre aux sages-femmes et aux infirmiers d’effectuer certaines actions de prévention et de dépistage chez les mineurs sans consentement parental afin de lever les freins existants pour certains jeunes et dans certains territoires;Lutter contre la consommation excessive de sucres avec l’interdiction de la mise à disposition, en accès libre d’offre à volonté (gratuite ou pour un prix forfaitaire) de boissons avec ajout de sucres ou d’édulcorants de synthèse (‘fontaines à soda’);Lutter contre la maigreur excessive en rendant obligatoires la mention des retouches sur les photographies de mannequins à usage commercial et une évaluation de l’état de santé global de la personne, prenant en compte son Indice de Masse Corporelle (IMC), pour exercer la profession de mannequin;Soutenir les services de santé au travail en facilitant la collaboration d’un médecin non spécialiste en médecine du travail auprès d’un service de santé au travail;Mieux prévenir l’impact sanitaire de la pollution et des dégradations environnementales en renforçant l’information sur la qualité de l’air et la lutte contre la présence de plomb dans les habitations;Renforcer la protection contre l’amiante.

Axe 2 – Innover pour mieux soigner en proximité

La loi recentre le système de santé sur les soins de proximité et engage le «virage ambulatoire» que les professionnels demandent depuis longtemps. Dans cette perspective, il encourage le développement d’une médecine de proximité, facilite l’accès aux soins avec la généralisation du tiers payant, améliore l’information des usagers sur l’offre de soins de proximité, en particulier sur les plages de garde, donne aux professionnels de santé les outils pour assurer un suivi efficace de leurs patients et renforce le service public hospitalier.

Axe 3 – Innover pour renforcer les droits et la sécurité des patients

La loi crée de nouveaux droits concrets pour les patients. Elle instaure un droit à l’oubli pour les anciens malades de certaines pathologies lourdes et rend plus effectif l’accès à l’IVG sur l’ensemble du territoire.Elle prend des mesures fortes pour faire progresser la démocratie sanitaire, comme l’ouverture des données de santé, l’association des usagers au fonctionnement des agences sanitaires et la transparence sur les liens d’intérêts entre médecins et industries de santé.Elle renforce enfin la sécurité des patients en leur apportant de nouvelles garanties sur l’approvisionnement et le contrôle des médicaments et en leur permettant de se défendre collectivement face à certains préjudices subis dans le domaine sanitaire (action de groupe).Pour plus d’informations: www.sante.gouv.fr