Martin Wauthy est conseiller marketing aux Mutualités socialistes. Nous l’avons rencontré pour qu’il nous parle de l’enquête ‘La santé et les jeunes’ (ULB/UNMS janvier 2002) et du ‘Safe Kit’. Deux manières de générer une prévention qui colle à la réalité et aux préoccupations des jeunes.
L’UNMS a réalisé deux études sur le thème de la santé et du bien-être: une vaste enquête menée auprès de 2450 personnes en Belgique francophone et une enquête plus restreinte réalisée en avril-mai 2002 auprès de 350 jeunes de moins de 25 ans. Ces deux études n’ont pas la même valeur statistique ni le même objectif. ‘La plus petite étude avait pour objectif de valider des hypothèses en termes de représentations des risques santé’ explique Martin Wauthy, ‘parce que quand on est jeune, on n’a pas les mêmes représentations de ce qui nous pend au nez. Nous connaissons les causes de morbidité chez les 18-25 ans: les suicides et les accidents de voiture sont les premières causes. Ce qui est passé sous silence, ce sont les comportements à risque qui vont avoir un impact sur la santé à 40 ou 50 ans comme la consommation de tabac, d’alcool, de drogues… ’.
Premier constat de l’enquête: la santé est la priorité des priorités, même pour les jeunes. Ici, la santé est envisagée d’un point de vue global, elle n’est pas associée à la maladie mais au bien-être. Pour l’UNMS, les choses sont claires: c’est dans ce domaine que l’Etat et la collectivité doivent investir.
Autre constat qui peut sembler étonnant: les jeunes manquent cruellement d’informations. ‘En lisant le courrier des lecteurs de magazines pour jeunes’, poursuit-il, ‘on se rend compte qu’ils sont très mal informés sur les risques. On voit des questions comme: j’ai embrassé un garçon, est-ce que je risque d’être enceinte? Parallèlement à ça, il y a pléthore de sources d’informations en matière de soins de santé et de prévention.’
Alors, comment expliquer qu’il y ait autant d’informations sur la santé et qu’elles soient si peu reçues? ‘C’est tout le problème de la communication de masse par rapport à une cible qui n’écoute que ce qui lui est directement adressé’, répond-t-il. ‘On n’a pas toujours envie de poser des questions sur la santé à ses amis ou à ses parents ni d’aller chez le médecin pour ça. Internet permet cet anonymat. D’ailleurs, la santé est le deuxième domaine de recherche sur Internet chez les moins de 30 ans, le premier étant la musique. Le choix d’Internet n’est pas anodin. Nous avons mis en place un site uniquement dédié aux jeunes, http://www.ifeelgood.be . Nous avons la prétention de dire que sur ce site, ils peuvent trouver des informations santé crédibles.’
Les divers enseignements de cette étude ont poussé l’UNMS à faire une action de sensibilisation qui à la fois informait et mêlait l’action concrète: le Safe Kit. Le Safe Kit serait donc une application de l’enquête? ‘C’est une application à partir d’une question que nous nous posons: comment être le plus efficace dans le domaine de la prévention? Nous sommes convaincus qu’en tant que gestionnaire logique et cohérent des soins de santé, nous avons une responsabilité dans le domaine de la prévention. Les mutualités sont un intervenant parmi d’autres. Nous avons des moyens énormes. Si nous ne les mettions pas au profit de cette thématique, nous n’aurions pas de quoi être très fiers.’
La petite boîte métallique
Cet été, entre fin juin et le 15 août, 130.000 exemplaires du Safe Kit ont été distribués là où se trouvent les jeunes: les festivals, les fêtes populaires, les campus mais aussi via le site Internet et les SMS… Au fil du temps, la distribution s’est étendue à des associations, des écoles qui comptent développer des activités avec un lien santé…
Dans le Safe Kit, on trouve des préservatifs et un mini-livre sur un de ces 5 thèmes: route, contraception, dépendances, bien-être ou mutualité. ‘Le mini livre n’a pas été conçu comme un long discours sur ce qu’il y a lieu de faire. Il vise plutôt à briser les idées reçues et à donner des infos scientifiques. Exemple: qu’est-ce que c’est que l’alcoolémie, comment ça se développe, comment ça s’élimine… Idem pour chacun des thèmes. On donne des infos mais on sait qu’on ne répond pas à tous les besoins. Si je prends le thème de la contraception, on va parler du sida, de toutes les MST, de la pilule du lendemain et on va resituer la capote dans la problématique de la contraception. Nous donnons de l’info, des références mais il y a un besoin derrière d’être plus informé et nous voulons aiguiller jusqu’au bout.’
Évaluation
En attendant un bilan plus fouillé en janvier 2003, une évaluation rapide du Safe Kit a été réalisée auprès de 300 personnes.
Ce que les jeunes en retiennent? Première chose citée: la capote puis vient ensuite le petit livre. Dans 30% des cas, les jeunes l’ont lu ou parcouru en moyenne deux semaines après l’avoir reçu. Martin Wauthy commente: ‘Nous sommes extrêmement satisfaits dans la mesure où l’objectif de l’opération était de laisser de l’info, de la rendre disponible et de casser les idées reçues.’
Casser les idées reçues et peut-être changer les comportements d’un public qui, plus que les autres, prend des risques: ‘Pour moi, ce qu’on appelle la culture du risque est vraiment le problème fondamental. La société nous dit qu’il faut devenir quelqu’un, gagner sa vie – ça veut dire que si on ne la gagne pas, on l’a perdue…-, les termes sont d’une cruauté abominable.
Dans le parcours d’une vie, entre 18 et 30 ans, il y a une concentration d’étapes très complexes à franchir. C’est affolant ce qu’il faut arriver à faire pour être considéré socialement. Tant que ces étapes ne sont pas franchies, la société dit: ‘Tu n’existes pas encore’. Le prolongement de cette réflexion est que si je n’existe pas c’est que je suis mort. Les jeunes vont donc flirter avec la mort, prendre des risques en espérant que la mort ne sera pas là. Personne n’échappe à ça mais il y a des degrés divers.’
Alors, le Safe Kit, c’est rebelote pour l’année prochaine? ‘Que le Safe Kit ait plu est une chose mais si on se rend compte, lors de l’évaluation finale, que le public n’a rien retenu du contenu des livres, je pense qu’on ne le refera pas. Cette action a coûté plus de 250.000 €. Ce n’est pas négligeable.’
Et quand on demande au conseiller s’il se rend compte que la boîte est parfaite pour garder son cannabis: ‘Nous savons que la plupart des jeunes ont gardé la boîte et qu’aujourd’hui, elle est remplie de leurs préservatifs, de tabac, de cannabis… Peu importe. Mon point de vue sur le cannabis est le même que sur l’alcool, il faut faire très attention… Cette boîte a été conçue plus courte qu’une cigarette parce qu’on ne voulait quand même pas que ça devienne une boîte à cigarettes!’
Propos recueillis par Sylvie Bourguignon