Libres propos inspirés de l’affaire de l’affiche du film de Joann Sfar sur Serge Gainsbourg, seconde partie
Dans la première partie de cet article (1), j’ai rappelé le contexte précis de la polémique autour de la sortie du film de Joann Sfar Gainsbourg (vie héroïque) voici un peu plus d’un an. J’ai interrogé les valeurs dominantes d’aujourd’hui auxquelles j’opposais le souci de l’autre, en particulier de l’autre dans sa finitude et sa vulnérabilité.
Poursuivons maintenant notre quête du sens du combat si difficile contre la dépendance tabagique, combat tant individuel que collectif et sociétal.
Transgression volontaire ou non de la loi Évin?
Il me semble que s’il faut chercher l’erreur dans cette histoire d’affiche, ce n’est pas dans le chef de la loi Évin (voir encadré) ni dans son application mais bien plutôt dans l’esprit de la création de l’affiche. Était-il celui d’une transgression?
La transgression, c’est l’action de ne pas respecter une obligation, une loi, un ordre, des règles. Mais il est utile de distinguer plusieurs types de transgressions. Au fond, Gainsbourg était le prototype du frondeur indocile et transgresseur patenté, probablement autant d’ailleurs par dérision qu’ostentation. Un exemple (lié à la santé): Serge Gainsbourg, victime en mai 1973 de sa première crise cardiaque, annonce à la presse depuis son lit d’hôpital, qu’il va réagir «en augmentant sa consommation d’alcool et de cigarettes»!
Boutade? Frime? Dandysme suicidaire? Il n’y a pas de fumeur heureux (de fumer) et je ne connais aucun fumeur qui, devant le diagnostic d’un infarctus ou d’un cancer, ne regrette amèrement d’avoir commencé un jour à fumer. Peut-être voulait-il s’identifier au réfractaire, à l’indestructible, au superman qui est au-delà de toutes règles élémentaires de bonne hygiène? Ou bien cherchait-il simplement à transformer cet événement en élément promotionnel pour son anticonformisme? Ou bien encore, n’était-ce là qu’un jeu? Le jeu avec les règles s’apparente à un test de liberté. Les enfants connaissent cela. De même, nous, lorsque, piéton, nous traversons la rue au feu rouge (de préférence en dehors des clous). N’y retrouvons-nous pas une joyeuse espièglerie d’enfant?
La vie d’artiste est toute bigarrée de transgressions. Elles fondent même sa «liberté», le nécessaire dépassement dans le processus de la création hors normes, pour atteindre parfois, le trait de génie. Lisez Rimbaud ou Verlaine, voyez «Le déjeuner sur l’herbe» de Manet et la version de Rip Hopkins en 2008.
Que, dans l’art, le but poursuivi soit d’encenser ou de dénoncer, de réconcilier ou d’attaquer, cela ne change rien au postulat qu’on attend de l’art un effet. Ainsi donc, la voie est ouverte pour que l’art entre en collision avec les valeurs trop conformistes de la société. Mais même si l’art bouscule l’inertie des cultures, jamais, il ne le fait au nom d’intérêts mercantiles ou personnels.
«Notre» affiche comme toute publicité, emprunte à l’Art, la créativité et la «provoc». Comme disait Georges Bernanos, « les moteurs de la publicité , ce sont les sept péchés capitaux » (2); mais il y a une distinction de taille: la gratuité et l’objectivité lui font défaut.
Ajoutons qu’au cours de l’histoire, certains ont désobéi aux lois, au nom d’une morale supérieure, comme ce fut le cas des résistants pendant la guerre, de Gandhi, de Martin Luther King ou de tous ceux que Camus nomme «les hommes révoltés». Étrange paradoxe auquel nous confronte notre civilisation qui nous demande d’obéir aux lois, mais aussi honore ceux qui lui désobéissent par «sursaut moral».
La loi Évin, (très) bref historique
En 1976, la France, sous l’impulsion de Simone Veil alors Ministre de la santé, engagea sa propre politique de lutte contre le tabagisme. La loi Veil reprenait les recommandations faites par l’OMS l’année précédente. Cependant, l’industrie du tabac découvrit rapidement des manières de détourner la loi Veil, qui présentait quelques lacunes.
En 1986, le Comité national contre le tabagisme publiait un catalogue des entorses à la loi Veil.
Une nouvelle loi s’imposait. Claude Évin , Ministre des affaires sociales, initia alors la loi qui semble faire le tour des principales mesures de lutte contre le tabagisme. Elle interdit toute publicité directe ou indirecte en faveur du tabac ainsi que toute distribution gratuite (sauf aux enseignes des débits de tabac) et interdit également de fumer dans des lieux affectés à un usage collectif.
L’autre prototype de transgression très populaire, c’est le sacrifice de l’Antigone de Sophocle, cette héroïne révoltée qui brava au prix de sa vie les dures lois de la cité pour donner à son frère une sépulture décente, ou plus près de nous, le coup de boule de Zidane à un adversaire ayant manqué de respect à sa mère. Chaque société a les transgressions qu’elle peut…
Ces actions d’éclat sont pourtant plus discutables que les premières. Je ne juge pas de leur fond, mais bien de leur forme … qui ne fait souvent qu’empirer les choses. Leur principal mérite, quand nous-mêmes nous y succombons dans un moment de passion, c’est d’au moins réveiller bruyamment notre conscience.
Si je me suis attelé de la sorte à décrire les différents modes de transgression, c’est pour mieux comprendre pourquoi nous nous sommes pris spontanément de sympathie pour le créateur de l’affiche et de révolte envers l’interdit. Il s’est joué des règles et des lois? Cela nous rappelle l’enfant qui est en nous, l’artiste génial, le résistant, Antigone, Zidane et bien-sûr, c’en est presque voulu, Serge Gainsbourg lui-même (n’est-il pas affublé dans le titre d’une «Vie héroïque» ?). Mais pour que cette affiche mérite vraiment son titre de «transgression sympathique», posons-nous les 3 questions suivantes.
Était-elle consciente? Comment en douter lorsqu’on entend le réalisateur s’indigner, insistant sur le fait qu’ils avaient «pris soin de ne faire apparaître aucune cigarette sur l’affiche». L’habileté, ici, consiste à se jouer des règles tout en signifiant qu’on les respecte. Il y a comme un soupçon de préméditation et un soupçon de maquillage du délit. Le publicitaire connait la loi Évin et s’amuse à la transgresser subtilement, en substituant la fumée à la cigarette.
Quelle intention cachée ? L’hypothèse d’un coup médiatique, par provocation bien dans le style «Gainsbarre» n’est pas à écarter. Faut-il aller chercher plus loin? Rode toujours le spectre du scandale des pots-de-vin des compagnies de tabac envers l’industrie du cinéma des années 70 pour promouvoir leurs marques dans des films hollywoodiens (3).
N’engageait-il qu’eux-mêmes? Contrairement, à Antigone, qui n’exposait qu’elle-même, les conséquences sur la population ici sont incalculables, je l’ai mentionné dans la première partie de mon article. J’ajouterais aussi que c’est un peu compromettre Serge Gainsbourg dans son plus mauvais rôle. Gainsbourg avait un double, « Gainsbarre », un homme perturbé, accumulant peines de cœur, addiction à l’alcool, dépendance au tabac et un comportement autodestructeur qui l’a mené à son naufrage cardio-néoplasique.
Ces hypothèses de réponses à ces trois questions écornent le mythe d’une affiche qui veut s’en tenir à la réalité historique. Sans preuve à l’appui, rien ne dit que la démarche était intéressée. D’un côté, absence de preuve n’est pas preuve d’absence. De l’autre méfions-nous de procès d’intention… Mais si intention, il y avait eu, je n’y aurais rien vu de très évangélique, rien de très universalisable. Et de la transgression, cela ne contribue qu’à diminuer l’éclat.
Déconstruction et reconstruction d’une idole fumante
Ne pas choisir une photo originale laissait libre cours à la créativité. Dommage ici que tout se soit finalement réduit à une «nuée de mégot»! Alors qu’il y avait, qu’il y a tant de choses à dire… La pseudo-cigarette au bec du pseudo-Gainsbourg reproduit la caricature clichée et rabâchée à toutes les sauces du personnage: de comiquement macho, cela en devient désuet et bêtifiant à force de rengaine et d’imitation, mais aussi d’oubli… S’il est vrai qu’il parut toute sa vie une clope en main, il n’en a pas moins subi les conséquences désastreuses (5 crises cardiaques entre 1973 et 1991, un cancer et sa mort prématurée à 63 ans). Caricaturerait-on des êtres chers avec l’objet de leur souffrance? À moins qu’on veuille ressusciter les représentations icono-hagiographiques pour nos idoles préférées, n’y avait-il pas d’autres choix pour représenter Serge Gainsbourg?
Cela pose une question philosophique fondamentale. On peut dire «la» question reine de l’historiographie. Quels sont le rôle et le but de ce que l’histoire retient, et dans ce cas précis, des vedettes disparues ? Charles Trenet a sa caricature exhibant un sourire qui respire l’«Y a d’la joie», Elvis Presley sa célèbre statue en habit du King, Édith Piaf sa photo mythique toute menue collée derrière un énorme micro. Aucun, à ce que je sache, n’est représenté en train de faire autre chose que ce pour quoi il est resté dans nos mémoires. Le numéro de Gainsbarre avec son regard vide éthylique, loin du monde, la cigarette qu’il allumait très vite, et dont il soufflait la fumée au visage de son ou de sa partenaire, c’était un peu le numéro du mauvais garçon, d’accord, érigé en art, mais tout de même… À cela, je lui préférais ces subtils décrochages de la voix dans le grave, histoire de rappeler, s’il en est besoin, combien ses chansons sentaient la vie et le sexe.
Loin de moi, ici, l’idée d’intenter un procès injuste à Gainsbourg. D’ailleurs, pour commencer, l’ «ennemi», ce n’est pas le fumeur ou l’alcoolique mais le tabac et l’alcool… Avant d’être fumeur, Serge Gainsbourg était un poète, un mélodiste immense et un musicien de génie et je doute qu’il ait tiré une quelconque fierté de sa consommation de tabac. Pour s’en convaincre, ce petit couplet « Ne commettez pas d’imprudences . Surtout n’ayez pas l’impudence de vous faire foutre en l’air avant l’heure dite » dans l’une des ces dernières chansons, c’est vrai peut-être pas la meilleure (peut-être, justement, à cause de son couplet moralisateur?), «Aux enfants de la chance». Serge Gainsbourg n’y tente-t-il pas de dissuader les enfants de s’adonner à la consommation des drogues et de toute autre dépendance qui détruit la santé?
Ensuite, juger un homme en se référant à l’échelle des valeurs de notre époque serait un contresens absolu. À l’époque où il commença à fumer (à 10 ans d’après le film), tout le monde fumait. C’était une façon de se voir au monde et de l’apprivoiser. C’était un style que le cinéma avait divinisé. Loin d’être condamnée comme faiseuse de veuves, la cigarette symbolisait la pause au pays de la précipitation et on lui attribuait même quelques «bienfaits» à renfort de publicités et de vedettes hollywoodiennes: ne virilisait-elle pas les cowboys et aussi James Dean (dans La fureur de vivre de Nicholas Ray, 1956) et n’érotisait-elle pas femmes fatales et aussi Audrey Hepburn ( Diamants sur canapé , du regretté Blake Edwards, 1962).
Mais comme le disait Cicéron «O tempora, o mores!» («Autre temps, autre mœurs») et donc, maintenant, tout chanteur ou acteur est devenu sensible aux influences néfastes qu’il peut jouer à son insu. Fini d’entraîner ses fans dans le sillage de ses mauvaises habitudes! Renaud, un bon exemple parce qu’il est considéré à bien des égards comme un des fils spirituels de Gainsbourg et qu’il avait, à ses débuts, une carrière de chant tout aussi rauque et aussi fumante, s’en est ému au point de se lancer dans le militantisme antitabac qui lui a d’ailleurs valu les honneurs à l’OMS en 2007 (4). Aussi, n’est-il pas inconcevable de penser que si donc Serge Gainsbourg avait pu donner son dernier mot sur cette affiche, il aurait peut-être condamné lui-même la première version.
Ainsi donc, prêtons-nous au jeu de l’artiste devant sa toile blanche et demandons-nous s’il y a une autre représentation pensable de Serge Gainsbourg ou même, de manière plus démocratique, comment lui, aurait aimé se voir représenté? Exercice difficile, mais pas impossible.
Réfléchissons. Du génie de Gainsbourg à sa folie créatrice, il n’y avait qu’un pas, que lui faisait franchir une passion qui le possédait et l’aliénait avec une puissance qui le dépassait: la Femme. La femme, seule capable de percer le personnage à travers sa carapace cynique, seule capable d’enflammer l’inspiration du génie qui s’y cachait. Ses égéries, multiples, qu’il a séduites malgré «sa tête de chou», tant par ses mots que ses chansons, j’en ai compté 28 sur Wikipédia. Et la liste en est sans doute plus longue!
Mais je crois que c’est déjà assez pour vous esquisser ce qu’aurait pu être l’affiche. D’un coté, le visage de Gainsbourg, embrasé par ses orages capricieux mais enténébré par les stillations alcooliques et tabagiques, arrogant de cynisme, mais génial d’impudence. De l’autre, le visage de sa passion, un de ces visages féminins en beauté absolutisée mais fragile, pudique mais captivante. Parfaite dissymétrie entre les sexes ou cohabitation de l’enfer et du paradis! Image rédemptrice de ce qu’était l’oeuvre de Serge Gainsbourg!
Rien d’édifiant ici dans ce message bien sûr, mais au moins une métaphore implicite qui fait le pari de l’intelligence interprétative du passant. Bien que, peut-être suis-je encore loin du compte…. tout le monde n’a pas la création métaphorique et délirante de Gainsbourg. Dommage!
En conclusion
«La santé se sublime-t-elle dans l’Art?» évoquait le titre de cet article… Les impératifs de santé peuvent-ils se volatiliser, se dissiper devant ceux de l’Art, fussent-ils même historiographiques?
L’Art et la vérité historique sont-ils à ce point souverains, qu’ils justifient d’en oublier d’autres biens comme la santé? Questions difficiles, questions de dosage? En cas d’épidémie globale et massivement mortelle d’un Ebola virus, qui se sacrifierait pour un Rembrandt? Même pour un cas aussi extrême, cela restera toujours une question éthique, sans bonne ni mauvaise réponse, mais seulement de moins mauvaises qui se discutent au cas par cas. Après tout, aucune éthique n’est ni vraie ni fausse, elle propose juste une façon de penser et au final une façon de vivre.
Qu’appelle une telle histoire? J’aurais bien quelques idées qu’il m’est impossible de développer ici. Mais je crois que la plus importante serait de «dépassionner» les débats comme celui-ci qui ont trait à la santé. Je veux dire qu’il serait préférable qu’on mette la «santé», autant que faire se peut, à l’abri des passions médiatiques. Elle ne devrait pas être un lieu de confrontation des idées, parce qu’elle impose au contraire la recherche de l’objectivité et le travail critique de la rigueur intellectuelle.
S’il fallait pousser plus loin la chansonnette et tirer, comme Jeanneton , une leçon positive de cet incident, voici ce que j’adresserais au législateur édictant des lois telle celle de Évin, et aux futurs publicitaires qui s’essaieraient à l’art de la «cigarette volatilisée» ou de tous autres artifices critiques: face à tout problème pouvant engendrer des conflits de valeurs tels celui-ci, s’offrir l’occasion d’une concertation préalable. La démocratie ne se caractérise-t-elle pas justement par cette chance donnée à la fécondité des conflits de pensée? Alors, plutôt que d’imposer des lois intangibles, plutôt que de s’immiscer en Antigone aveugle, pourquoi ne pas, pour de telles matières, soumettre les décisions d’agir au débat citoyen. Pourquoi ne pas plutôt suggérer aux publicitaires d’interroger une autorité compétente, un organisme de promotion de la santé, par exemple? Une telle discussion permettrait de faire confondre utilement et sereinement les intérêts de la santé des citoyens, à ceux des médias et du cinéma.
À l’égard de la critique envers la loi Évin et son application, serait-il besoin de rappeler que « l’histoire est toujours écrite par les vainqueurs » (Walter Benjamin)? Il y a même une certaine légitimité à réinterpréter sans cesse les événements passés puisqu’on ne peut faire autrement que d’assumer les valeurs de sa propre époque!
Le temps n’est plus à la «provoc», façon « mai 68 » ou façon « Gainsbarre», révolutionnaire ou bohème face à une morale bourgeoise guindée et absconse. Encore que ce que raillait Gainsbourg n’était pas la morale bourgeoise, mais bien plutôt notre propre complexion à nous y complaire pour échapper à notre «mortel ennui» et pour «tuer le temps». Alors même, pourquoi ne pas se réjouir pour une fois que, s’il y a «réécriture», elle se fasse à l’avantage de la libération de l’homme à l’égard d’une de ses dépendances artificielles et funestes, fruit d’un marché lucratif, marché ni «équitable» ni «éthiquable»? Pourquoi ne pas rêver que, pour une fois, les trompettes de la victoire retentissent du bon coté, celle de la santé contre une industrie qui l’use et en abuse?
Face à une humanité confrontée à l’enjeu d’une mondialisation schizophrénique (5) que plus personne ne semble maîtriser vraiment, l’heure est à l’information réfléchie et éclairante, consensuelle et responsable.
Éclairons donc notre conscience éthique et ne la laissons plus se réduire à de simples reflets d’impressions subjectives ou de choix idéologiques ou, pire, à un amalgame de banalités et de truismes. Ainsi, dans notre affaire, beaucoup ont frondé par facilité en adoptant envers la décision de changer l’affiche le ton de la sensiblerie («Il est esthétique ce halot de fumée»), de la révolte (face à une pseudo-récriture de l’histoire), de la nostalgie («la gitane fait partie intégrante du personnage») ou de la tolérance infinie.
En fait, on fuit la question au lieu d’y répondre car il ne s’agit pas tant de justifier les raisons pour lesquelles cette affiche vaut mieux esthétiquement ou historiquement qu’une autre, mais bien celles qui ont motivé l’artiste à le représenter comme telle. À chacun d’y répondre, mais pour ma part, je ne trouve pas non plus la position des médias sur internet ou dans les journaux totalement défendable… Trop démagogique, trop facile, trop hasardeux aussi. Le «tout peut être permis», le «il est interdit d’interdire» mène vite au pire, c’est-à-dire à l’indifférence, la pire des inhumanités que puisse subir un homme comme disait un autre chanteur, Gilbert Bécaud .
Au demeurant, je ne pense pas que Serge Gainsbourg, du moins celui des derniers jours, aurait apprécié qu’une telle polémique se nourrisse à ce point de ses propres ambiguïtés. Évidemment, après sa mort, il ne peut plus faire grand chose pour décider quel souvenir il laisse dans la mémoire de ceux qui restent.
D’un autre côté, cher Serge, ce que tu ne peux plus voir ni entendre ne blesse pas…. Mais tes chansons restent et, n’en déplaise à certains, on n’a pas besoin de ta cigarette ou de ta fumée pour continuer de les apprécier.
Ainsi donc, pour lui laisser le dernier mot, voici ce qu’il disait à propos de sa « survivance morale » après sa mort: « Faut pas se survivre. Faut survivre par ses enfants. … Moi, j’en ai rien à foutre! C’est certainement orgueilleux de se dire: je vais laisser quelque chose derrière moi. Mais non! Inutile! Allez! Fais ch…r! Dehors! On coupe! » (6).
Olivier Descamps , médecin, spécialiste en médecine interne et docteur en sciences de la santé publique, Directeur du Centre de recherche médicale de Jolimont, Président du Comité d’éthique des hôpitaux de Jolimont-Lobbes-Nivelles-Tubize, et Coordinateur du Service Objectif-Santé à la commune de Manage
Remerciements à Nathalie Hanet et Sylvie Mabille pour leurs relectures attentives et leurs précieux conseils
(1) Voir ‘La santé se sublime-t-elle dans l’Art?’ , Education Santé n° 263, janvier 2011
(2) Georges Bernanos, La France contre les robots, 1947
(3) L’astuce exigée était qu’à chaque moment de succès sentimentaux, de gloriole financière ou même de contestation de l’autorité, le héros allume une cigarette http://smokefreemovies.ucsf.edu/
(4) L’OMS lui a même remis comme certificat honorifique, une ‘distinction pour ses efforts dans la lutte antitabac par son combat personnel et médiatique’. Rappelons aussi sa chanson antitabac, ‘Arrêter la clope’.
(5) Je ne parle pas de la maladie mais de ces situations ambiguës où chaque geste s’accompagne de sa dénégation, comme celle qui consiste à prôner la santé mais permettre en même temps la diffusion des messages qui appâtent vers des produits malsains, à commercialiser des bolides alors que la vitesse tue et même à commercialiser des outils informatiques sans doute performants mais aussi tellement sédentarisants, alors que l’immobilité prolongée sur une chaise prédispose à l’obésité, à l’hypertension, aux dyslipidémies, au diabète et aux maladies cardiovasculaires. Et je ne parle même pas des enjeux climatiques!
(6) http://www.youtube.com/watch?v=4ryEJj6jnoY