Résultats du Baromètre de Santé publique France 2017
Il est fréquemment recommandé « une bonne nuit de sommeil », au même titre qu’une bonne alimentation ou qu’une activité sportive, comme étant bénéfique à la santé. On sait que le sommeil joue un rôle crucial dans l’équilibre métabolique et thermodynamique, la restauration des tissus, la réparation des blessures, la croissance, la mémoire et le tri des idées ainsi que la régulation des émotions 1,2,3,4. Mais le besoin de sommeil nécessaire à chacun, en fonction de son âge, de son activité et de son environnement est moins bien connu. Faut-il dormir 7 ou 8 heures pour un adulte ? Peut-on dormir moins de 6 heures ? En un seul ou en plusieurs épisodes ? Faut-il faire une sieste, et de quelle durée ? Cette question de valeurs « normatives » du sommeil qui pourraient être recommandées au plus grand nombre pour permettre une bonne efficacité du sommeil est débattue par de nombreuses autorités internationales de santé publique et de spécialistes 1,2.
Une enquête sommeil nichée dans le Baromètre santé 2010 auprès de 24 671 français avait trouvé un temps de sommeil total (TST) moyen de 7 heures 13 minutes ; 17,9% pouvaient être considérés comme « courts dormeurs », avec un TST moyen jusqu’à 6 heures, et 2,7% dormaient plus de 10 heures 3. De même, la plupart des enquêtes annuelles de l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV) retrouvent un TST moyen dans la population française adulte aux alentours de 7 heures 4.
En effet, il est partout observé que le temps de sommeil, mis en concurrence avec le temps de travail, de transport et le temps consacré aux nouvelles technologies pour les loisirs ou le travail, a tendance à baisser parmi de nombreux groupes de jeunes adultes ou professionnels.
Dans les enquêtes successives de l’INSV, il est observé que, même si le TST moyen reste aux alentours de 7 heures depuis 10 ans, les proportions de personnes dormant moins de 6 heures en semaine augmentent significativement, en particulier chez les jeunes adultes et les jeunes professionnels chez lesquels elles atteignent respectivement jusqu’à 25 et 33% des sujets interrogés 4.
Par ailleurs, de plus en plus d’études montrent que dormir trop peu (moins de 6 heures par 24 heures) est associé à une augmentation de la morbidité et de la mortalité métabolique, accidentelle et cardiovasculaire, en particulier du risque d’obésité, de diabète de type 2, d’accident vasculaire cérébral, d’hypertension et d’accidents 5,6,7,8,9,10,11,12,13,14,15.
Dormir trop (c’est-à-dire plus de 9 à 10 heures chez l’adulte) est parfois considéré aussi comme un facteur de risque de comorbidités et de mortalité 3,10,11,13,14,15. Mais la plupart des études retrouvent ce risque chez des personnes plus âgées et l’hypothèse la plus retenue est que l’aggravation de maladies chroniques s’accompagne d’une augmentation du temps passé au lit et du temps de sieste chez les personnes malades qui se trouvent affaiblies 3.
Dans ce contexte, il semble plus important de s’intéresser au temps de sommeil en relation avec les facteurs sociodémographiques qu’aux pathologies du sommeil. Mais il ne faut pas délaisser l’insomnie, le trouble du sommeil le plus fréquent, qui touchait près de 16% des Français en 2010 16, et qui peut expliquer la réduction involontaire du temps de sommeil. Dans ce souci, un module complet sur le sommeil, construit en collaboration avec l’INSV, a été incorporé au questionnaire du Baromètre de Santé publique France 2017.
Comparativement au premier module intégré en 2010, ce module a été complété par des questions portant sur la sieste, la durée des éveils nocturnes et les différences entre semaine et week-end. En effet, il est important de pouvoir considérer le sommeil du week-end, car, comme l’a décrit une étude suédoise récente, la récupération du week-end peut réduire le risque lié au sommeil court au cours de la semaine 17. L’objectif de cet article est de décrire, au vu de ces nouvelles questions, le sommeil et la prévalence de l’insomnie chronique dans la population des 18-75 ans.
Il s’agit également d’explorer l’évolution de la qualité du sommeil selon l’âge, les principales différences de genre, et de mieux comprendre ce que l’on entend par « sommeil trop court », « dette de sommeil », « restriction de sommeil », des notions qu’il semble urgent d’intégrer dans une politique de prévention favorisant le bon sommeil.
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Références
1 World Health Organization Regional Office for Europe. European Centre for Environment and Health. WHO technical meeting on sleep and health. Bonn: WHO; 2004. 185 p. https://www.ilo.org/safework/areasofwork/
WCMS_118388/lang–en/index.htm
2 National Institutes of Health. US Department of Health and Human Services. Your guide to healthy sleep. NIH Publication; 2011. (11-5271). 72 p. https://www.nhlbi.nih.gov/health-topics/all-publications-and-resources/your-guide-healthy-slee
3 Léger D, Beck F, Richard JB, Sauvet F, Faraut B. The risks of sleeping “too much”. Survey of a national representative sample of 24671 adults (INPES Health Barometer). PloS One. 2014;9(9):e106950.
4 Institut national du Sommeil et de la Vigilance. 14ème Journée du Sommeil® – « Sommeil et transport ». INSV : 2014. https://institut-sommeil-vigilance.org/2014/03/17/14eme-journee-du-sommeil-sommeil-et-transport-2014
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16 National Sleep Foundation. Drowsy driving. NSF. 2017. [Internet] https://sleepfoundation.org/sleep-topics/drowsy-driving.
17 Åkerstedt T, Ghilotti F, Grotta A, Zhao H, Adami HO, Trolle-Lagerros Y, et al. Sleep duration and mortality – Does weekend sleep matter? J Sleep Res. 2019;28(1):e12712.