Décembre 2002 Par N. MARECHAL Lu pour vous

L’XTC c’est quoi?

L’XTC (MDMA), synthétisée en 1912, fait son apparition sur le marché européen des drogues en 1988. Les effets qui sont recherchés sont: l’excitation, la résistance au sommeil, l’empathie, l’euphorie, la convivialité, une forme de béatitude. Peu à peu, cependant, ce terme devient générique. En effet, le contenu des comprimés, les molécules utilisées, sont très variables.
MDMA, amphétamines, méthamphétamines, nicotine, caféine, glycérine, saccharine, substances médicamenteuses… Certaines substances sont des tueuses: MTA ( qui donne une sensation de calme) ou PMA ( hallucinogène puissant). Les effets de ces pilules peuvent aussi être différents. Il est donc difficile de les appréhender.
L’impact à long terme de ces substances sur le cerveau est probablement la détérioration, même si elle n’est pas encore attestée scientifiquement chez l’homme. La neurotoxicité au-delà d’une semaine est en tout cas confirmée chez le rat et chez les primates. Il est donc urgent d’améliorer la connaissance scientifique et, si les risques de détérioration se confirment, de classer l’XTC au premier rang des drogues toxiques.

Pourquoi l’XTC?

L’XTC n’est pas consommée seulement lors de rave ou de soirées techno. Elle n’est pas consommée seulement par des adolescents en crise ou rebelles. Elle l’est aussi par des jeunes intégrés, scolarisés ou au travail, qui en font usage le week-end, lors de moments festifs. La plupart sont relativement vigilants par rapport aux risques qu’ils courent. Le risque est cependant évident.
Assiste-t-on à un mouvement particulier chez les jeunes, au développement d’une culture du plaisir immédiat? Cet aspect «consumériste» n’est pas propre à la jeunesse. Ce désir du « tout, tout de suite » est propre à notre civilisation.
La recherche d’un état psychique particulier n’est pas non plus spécifique aux jeunes. Alcool, antidépresseurs, amphétamines, produits dopants… la liste est longue des produits usités par la population en des pourcentages inquiétants.
Rappelons-nous aussi que chaque époque a vu naître des mouvements d’abord marginalisés qui avaient comme conséquence de stigmatiser la population jeune: les Festivals du Jazz dans les années 50, le flower power des années 60, la new wave et le punk fin des années 70. La différence, c’est la croissance de la consommation.
Ne faisons donc pas une déclaration de guerre aux jeunes. Affrontons la question de la drogue, des drogues.

Politique des drogues en Communauté française

En matière de toxicomanie, trois axes d’intervention politique doivent s’additionner de la façon la plus harmonieuse possible.

Répression

La première intervention relève de la Justice et de l’Intérieur : c’est la répression des trafics. Elle est nécessaire et légitime dans un Etat de droit. Je ne m’étendrai pas sur cet aspect du problème, puisqu’elle ne relève pas de nos actions communautaires. Mais nous serons tous d’accord pour dire que la lutte contre les trafics, les dealers et le blanchiment d’argent doit être renforcée.
La Communauté française est compétente en matière de santé. Notre regard sur le consommateur n’est donc pas celui qu’on pose sur un justiciable, mais sur une personne dont la santé doit être préservée.
Le décret du 14 juillet 1997 portant organisation de la promotion de la santé en Communauté française pose bien la problématique d’un des problèmes de santé prioritaires, à savoir les assuétudes. Le législateur a pointé d’emblée le paradoxe sur lequel repose la prévention des assuétudes: « il s’agit à la fois d’éviter un comportement – individuel et de groupe – et d’éduquer à la responsabilité et au libre choix. » Challenge de taille qui ne peut se résumer à quelques recommandations méthodologiques bien pensantes. C’est tout le sens du travail de prévention et de promotion de la santé qui se voit ainsi questionné. La question du sens de nos interventions prend ici toute sa pertinence non seulement en termes de santé publique mais en termes d’éducation et de politique d’avenir.

Prévention

Les stratégies proposées dans le Programme quinquennal de la promotion de la santé de la Communauté française tentent d’apporter une réponse à ce délicat problème.
C’est dans le champ de la prévention primaire – qui s’adresse à tous ceux qui ne consomment pas – que se développe le travail de la Communauté française . C’est elle qui reçoit le plus de moyens également. C’est un travail discret qui ne fait pas débat et dont on parle peu.
Le premier axe d’intervention en prévention concerne les adultes qui entourent les jeunes (parents, communauté éducative, responsables de jeunes).
La nécessité de poursuivre la sensibilisation et la formation des adulte s aux contacts des jeunes usagers ou non, reste primordiale. On sait combien les parents sont peu informés et donc désarmés.
Le deuxième axe redit l’importance de la réflexion et des échanges entre jeunes et adultes autour de la question des drogues, dans une perspective d’éducation générale. Il s’agit d’inscrire la question des drogues dans un questionnement plus large sur le sens de la vie, sur les choix de vie, à une époque déterminante .
Ici le décret renvoie aux bases mêmes de l’éducation pour la santé et de la promotion de la santé: les facteurs déterminants de santé, qui sont de trois ordres: les facteurs liés à l’individu, les facteurs liés à son milieu de vie et les facteurs liés à la société.
En matière de toxicomanie, on oublie bien souvent deux déterminants essentiels des conduites à risque pour se focaliser sur le produit. C’est un risque majeur, nous l’avons vu encore récemment dans les médias suite aux campagnes de cet été. Même si cette information reste importante.
N’entrevoir la prévention que par le prisme du danger potentiel ne pourrait conduire aux changements de comportements souhaités. Ce serait naïf de croire que l’argumentation de la peur et de la terreur va résoudre ce vaste problème lié aux opinions, aux valeurs, aux croyances, aux représentations non seulement des jeunes mais de la société tout entière.
Dans ce sens le troisième axe d’intervention du décret de 1997 recommande d’orienter la prévention sur les attitudes (les dispositions d’esprit) et les comportements et sur le sens que ceux-ci ont pour les jeunes, plutôt que sur les produits.
Les études ont montré combien la connaissance de soi, la confiance en soi conduisent au développement des capacités nécessaires à la vie avec les autres. Etre en santé, c’est communiquer, négocier, analyser, comprendre le monde qui nous entoure pour résister aux pressions négatives et résoudre les problèmes qui se posent à nous. La promotion de la santé, ce n’est rien d’autre qu’exercer ses capacités de vie dans les contextes qui se présentent à nous.
C’est dans cette optique résolument participative que doivent s’inscrire les actions de prévention des assuétudes. Elles doivent aider les jeunes à vivre en interaction avec non seulement d’autres jeunes, mais aussi avec la société tout entière. Les groupes de pairs ont montré toute leur importance dans l’initiation, la prévention et face à la consommation. Cela étant, cela ne veut pas dire que les adultes n’ont plus une place capitale à tenir dans les dispositifs de prévention. Ils restent les repères pour les jeunes dans cette période paradoxale qu’est l’adolescence où il faut grandir, se dépasser, se singulariser, se forger une identité et prendre des risques pour devenir adulte.
Entamer le boulot en se centrant sur la prévention des assuétudes, c’est mal l’entamer. Les conclusions de la recherche de Gilles Hacourt pour l’asbl Eurotox plaident encore une fois pour une approche généraliste qui commence tôt. C’est dès la maternelle que les compétences utiles à la santé doivent être abordées au travers d’approches positives et globales de la santé.
Quinze programmes sont actuellement subventionnés pour des programmes de prévention dite primaire à l’attention des jeunes, des professionnels de la santé et de la communauté éducative.

Réduction des risques

La réduction des risques a pour objectif d’informer les consommateurs sur le risque qu’ils font courir à leur santé par leur consommation. Cette approche non moralisante permet de renouer le lien, de donner au sujet les moyens de préserver sa propre santé. Elle offre des solutions à ceux qui n’ont pas les ressources pour réfléchir à des propositions durables meilleures pour leur vie et leur santé. Elle est un choix clair de la Communauté française depuis plusieurs années.
Elle permet donc:
– un contact avec les usagers et, pour ceux qui en font la demande, une orientation vers les services spécialisés;
– une meilleure connaissance des produits qui circulent, un inventaire, la prise de mesures en cas de découverte de substances mortelles;
– de réadapter les programmes de prévention et de réductions des risques.
C’est dans les années 80 qu’apparaît la politique de réduction des risques, dans le sillage du sida. En 1989, des actions de prévention toxicomanie par les pairs (‘boule de neige’) apparaissent en Belgique.
En 1990, les Pays-Bas mettent en place un programme d’analyse chimique du contenu des pilules d’XTC. Les analyses sont transmises aux consommateurs pour leur information, mais sont aussi récoltées pour répertorier les substances testées et développer des programmes de réduction des risques adaptés à ces consommations.
En 1994, on ouvre les trois premiers comptoirs d’échange de seringues à Liège, co-financés par la Communauté française.
En 2000, suite à une demande de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, une étude a été réalisée sur les interventions de «Pill-testing» dans l’Union européenne (objectifs, méthode, résultats, évaluation). Ce document reprend l’analyse des projets réalisés en Autriche, France, Belgique, Allemagne, Hollande, Espagne et Suisse.
Dans le cadre des recommandations européennes, il est indiqué que [i«pour être capable de détecter de nouvelles substances ou des substances rares, par des moyens analytiques, nous devons être en possession d’échantillons de référence. Nous aurons également besoin d’expérimenter ces substances, sur des humains et sur des animaux, pour en évaluer les risques .
Une banque de données de toutes ces substances psycho-lactives connues devra être réalisée en Europe. Des projets scientifiques et des projets pill-testing devraient permettre d’obtenir des échantillons de référence pour des objectifs scientifiques et de réduction des risques
En 2000, des contacts ont lieu entre mon Cabinet et l’asbl Eurotox, concernant la pertinence de réaliser une recherche sur la consommation d’ecstasy en Communauté française.
Cette recherche fondamentale relève donc bien du champ de la prévention secondaire et de la réduction des risques, puisqu’elle s’adresse à des jeunes usagers et aussi à de futurs usagers déjà entrés dans une dynamique de consommation, de quasi consommation ou d’essai de consommation.
Les recommandations qui clôturent cette recherche, outre les éléments d’analyse qu’elle offre, doivent aider tous ceux qui sont concernés par cette question (politiques, juges, éducateurs, enseignants…) à rendre leurs interventions et actions plus pertinentes. Cette pertinence, c’est celle que leur reconnaîtront les jeunes consommateurs alors portés à se pencher de façon informée sur leur consommation et surtout sur leurs comportements.

Constats et recommandations

– Il importe de s’interroger avec les consommateurs sur les éventuelles conséquences à long terme de la consommation (alors qu’ils cherchent un plaisir éphémère).
– Il est utile de diversifier les actions de réduction des risques, vu la diversification des lieux de consommation, des consommateurs et de leurs conditions de vie, avec toujours une attention particulière pour les adolescents (goût du risque, attrait de l’extrême…).
– Le contenu du produit ne pouvant pas être maîtrisé par l’usager, ce sont les conditions de consommation qui peuvent les protéger. La surveillance par les pairs est une condition intéressante ainsi que l’information sur les risques liés aux produits et liés aux poly-assuétudes. La recherche scientifique doit être intensifiée pour donner plus d’informations à ce sujet.
– Le testing permet de donner une information sur le contenu du comprimé et donc de limiter les risques de l’usage.
– Les consommateurs ne se définissent pas comme toxicomanes; il faut les responsabiliser par rapport à leur usage, à leur mesure de contrôle car il n’est pas facile d’abandonner l’ecstasy.
– Une information sur les accidents survenus, imputables à la consommation d’ecstasy serviront à briser les croyances des consommateurs. Une recherche à ce sujet est nécessaire.
– L’information reste un élément crucial: son contenu doit être crédible, en relation directe avec l’expérience de l’individu, selon qu’il est ou non consommateur. Elle doit être rigoureuse, ne doit pas être intrusive, moralisante ou stigmatisante. Dans le cas contraire, le rejet est assuré. Néanmoins, elle doit pouvoir aborder l’excès de la consommation. Elle doit aussi insister sur la responsabilité de l’usager dans la consommation. Elle doit être compréhensible en fonction de l’interlocuteur, accessible et disponible.
– En ce qui concerne les «expérimentateurs» il faut aussi les responsabiliser et insister sur la notion d’effort personnel.
Nicole Maréchal